Avant-propos Ce rapport résume les conclusions principales de l’étude World agriculture: towards 2015/2030 de la FAO, qui met à jour et élargit l’étude Agriculture mondiale: horizon 2010, publiée en 1995. Il examine l’avenir de l’agriculture et de l’alimentation (pêches et forêts comprises) dans le monde jusqu’en 2015 et 2030. Il présente les perspectives mondiales à long terme de leur commerce et de leur développement durable et se penche sur les problèmes allant toucher ces domaines au cours des trois prochaines décennies. Pour évaluer les perspectives de progrès en matière de sécurité alimentaire et de durabilité, il a fallu analyser de nombreux facteurs qui y concourent, allant des questions générales concernant les conditions économiques et du commerce international, à la pauvreté des zones rurales et à la situation présente et future des ressources et des technologies agricoles. L’étude conclut que, parmi les nombreux éléments analysés, c’est le développement de la production alimentaire dans les pays à faible revenu et largement tributaires de l’agriculture en matière d’emploi et de revenus qui est le facteur prédominant du progrès ou de l’échec de l’amélioration de leur sécurité alimentaire. L’étude avait pour but de décrire l’avenir tel qu’il sera probablement, et non tel qu’il devrait être. Ses conclusions, par conséquent, ne devront pas être considérées comme des objectifs stratégiques de la FAO. Elles devront plutôt sensibiliser les lecteurs aux mesures à prendre pour résoudre les problèmes risquant de durer et combattre ceux qui se feront jour. Ces conclusions pourront orienter les politiques correctives et suggérer des priorités pour les années à venir, au niveau national et international. Le monde dans son ensemble a progressé en matière de sécurité alimentaire et de nutrition, comme l’indique l’augmentation considérable des disponibilités alimentaires par habitant notée au niveau de la planète et pour une grande proportion de la population du monde en développement. Mais comme le laissait prévoir l’étude de 1995, les progrès ont été lents et irréguliers. De nombreux pays et groupes de population, en effet, n’ont pas réussi à progresser et certains ont même vu empirer une situation déjà fragile. Comme il est noté dans le dernier numéro (2001) du rapport de la FAO, L’état de l’insécurité alimentaire dans le monde, l’humanité est toujours confrontée à la cruelle réalité de la sous-alimentation chronique qui affecte plus de 800 millions de personnes, dont l’écrasante majorité se trouve dans le monde en développement: 17 pour cent de la population des pays en développement est sousalimentée, et cette proportion monte jusqu’à 34 pour cent en Afrique subsaharienne, encore plus dans certains pays pris individuellement. Selon la présente étude, un tel déséquilibre continuera malheureusement à caractériser une bonne partie de ce siècle. L’étude prévoit que, malgré des progrès sensibles de la sécurité alimentaire et de la nutrition attendus d’ici 2015, dus principalement à l’augmentation de la production intérieure, mais aussi à une croissance supplémentaire des importations d’aliments, la réduction de moitié du nombre des personnes sous-alimentées, objectif du Sommet mondial de l’alimentation, est loin d’être en cours de réalisation pour 2015 et risque même de ne pas être atteinte en 2030. D’ici l’année 2015, les disponibilités alimentaires par personne auront augmenté et l’incidence de la sous-alimentation aura encore diminué dans la plupart des régions en développement. En l’absence d’une action concertée de tous les intervenants, cependant, certaines parties d’Asie du Sud-Est risquent d’être encore en position
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précaire, et la plus grande partie de l’Afrique subsaharienne ne sera probablement pas mieux nantie, et risque même d’être en position pire qu’à présent. Le monde doit donc se préparer à lancer des interventions répétées devant les conséquences des crises alimentaires locales et à continuer sa lutte pour une résorption permanente de leurs causes profondes. A moins d’amélioration radicale du développement global des pays plus affectés, et surtout de lutte concertée en faveur de la réduction de la pauvreté et de la faim, le monde ne se débarrassera pas des problèmes les plus pressants d’insécurité alimentaire. Progresser vers cet objectif dépend de nombreux facteurs, et particulièrement de la volonté politique et de la mobilisation de ressources supplémentaires. Avec le recul, on se rend compte du rôle crucial tenu par l’agriculture dans le développement global d’un pays, particulièrement lorsqu’une grande partie de la population en dépend pour son emploi et ses revenus. L’étude prévoit également que l’échange des produits agricoles jouera un rôle plus important, non seulement pour répondre aux besoins alimentaires des pays en développement mais aussi en tant que source de devises. Les importations nettes de céréales par les pays en développement vont presque tripler au cours des 30 prochaines années, et il se peut que leurs importations nettes de viande soient presque multipliées par cinq. En ce qui concerne d’autres produits, toutefois, comme le sucre, le café, les fruits et légumes, l’étude voit une augmentation du potentiel d’exportation des pays en développement. La réalisation de ce potentiel dépend de nombreux facteurs, notamment des progrès réalisés au cours du cycle actuel de négociations commerciales multilatérales. Les agriculteurs des pays en développement pourraient tirer un fort avantage de la réduction des entraves au commerce international dans tous les secteurs, et pas seulement l’agriculture. Dans beaucoup de pays riches en ressources mais pauvres par ailleurs, une agriculture davantage exportatrice pourrait s’avérer une arme efficace contre la pauvreté rurale et devenir par conséquent un catalyseur de la croissance générale. Mais l’étude attire aussi l’attention sur les difficultés considérables qui pourraient s’abattre sur les pays manquant de ressources, et qui auraient à faire face à l’augmentation des prix de leurs importations considérables sans grande capacité d’augmentation de leur production. Il se dégage des nombreuses études qui ont évalué les impacts de la libéralisation des échanges que la réduction des entraves au commerce ne réussirait sans doute pas à elle seule à profiter aux pays en développement. Dans beaucoup de ces pays, l’agriculture a souffert non seulement des obstacles au commerce international et des subventions accordées à l’étranger, mais aussi de la négligence des orientations politiques intérieures. Les producteurs des pays en développement ne pourront sans doute pas tirer un grand avantage de la libéralisation des échanges s’ils n’opèrent pas dans un environnement économique leur permettant de répondre aux stimulants représentés par des prix internationaux plus élevés et plus stables. Il pourra être utile de prendre un certain nombre de mesures d’accompagnement, à mettre en œuvre parallèlement aux actions de réduction des entraves au commerce, et qui pourront comprendre la suppression du parti pris intérieur contre l’agriculture, des investissements pour relever la qualité des produits jusqu’au niveau exigé à l’étranger, et des efforts d’amélioration de la productivité et de la compétitivité dans tous les marchés. Des investissements dans les transports et les communications, les infrastructures, et les installations de commercialisation, de stockage et de traitement, ainsi que des programmes visant à améliorer la qualité et la salubrité des produits, pourraient être particulièrement importants, ces derniers étant destinés non seulement à élargir l’accès aux marchés extérieurs mais aussi à réduire l’incidence des maladies d’origine alimentaire affectant les populations locales. En ce qui concerne la durabilité de la production, l’étude rassemble les évaluations les plus récentes des données concernant les ressources agricoles des pays en
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développement, leur utilisation actuelle et leur disponibilité dans l’avenir pour répondre aux besoins futurs. Une même analyse est appliquée aux secteurs des pêches et des forêts. L’étude évalue l’étendue et l’intensité probables de l’utilisation des ressources au cours des 30 prochaines années, et conclut que les pressions subies par ces ressources, surtout celles qui sont déjà vulnérables à la dégradation, continueront à s’accroître, mais plus lentement qu’autrefois. Les pressions qui menacent principalement la durabilité sont probablement celles qui proviennent de la pauvreté rurale, du fait que de plus en plus d’habitants tentent péniblement de gagner leur vie en tirant parti de ressources en diminution. Quand les ressources qui soutiennent le développement sont fragiles et limitées, et que les chances d’introduction de meilleures technologies et pratiques sont faibles, on peut craindre l’installation d’un cercle vicieux de pauvreté et de dégradation des ressources. La dégradation de l’environnement entraînée par la pauvreté ne sera probablement pas enrayée avant que le développement de la lutte contre la pauvreté ait considérablement réduit la dépendance des populations et des pays à l’égard de l’exploitation des ressources agricoles. Il existe un grand potentiel d’amélioration dans cette direction, et l’étude explore une gamme d’options technologiques et stratégiques à ce propos. Leur adoption pourrait entraîner un allégement des pressions sur les ressources agricoles mondiales à long terme, et une croissance minime des pressions subies par l’environnement du fait de l’agriculture. En conclusion, je tiens à souligner de nouveau l’importance d’une production alimentaire locale durable et du développement rural dans son ensemble dans les pays à faible revenu. La plupart de ces pays sont largement tributaires de l’agriculture en matière d’emploi et de revenus. L’agriculture est souvent un élément critique de leur stratégie d’amélioration de la sécurité alimentaire et de lutte contre la pauvreté. C’est pour cette raison que le Cadre stratégique de la FAO 2000-2015 a accordé une priorité élevée au développement agricole et rural durable.
Jacques Diouf Directeur général Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture
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Table des matières Remerciements
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A propos de ce rapport Résumé analytique
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Aperçu des projections
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Les perspectives à long terme
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Perspectives agricoles
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Perspectives de l’alimentation et de la nutrition
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L’alimentation et l’agriculture dans le contexte national et international La pauvreté et l’agriculture Le commerce international et la mondialisation Perspectives par grand secteur Production végétale Terre, eau et rendements des cultures
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Le rôle de la technologie L’élevage: l’intensification et ses risques Vers une foresterie durable
50 58 64
La pêche au niveau mondial: options pour l’avenir
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Perspectives pour l’environnement L’agriculture et l’environnement L’agriculture et le changement climatique
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Appendice 1: Pays et produits inclus dans l’étude Appendice 2: Tableaux statistiques Sources des données Sigles et abréviations
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Remerciements Ce rapport abrégé, tiré du rapport technique intégral du même titre (World agriculture: towards 2015/2030), a été rédigé pour l’essentiel par Paul Harrison. Le rapport intégral est le résultat d’une collaboration entre la plupart des divisions techniques de la FAO. Il a été préparé par une équipe dirigée par Jelle Bruinsma sous la supervision générale de Hartwig de Haen, Assistant directeur général, Département économique et social. L’équipe de base se composait de Nikos Alexandratos, Josef Schmidhuber, Gerold Bödeker et Maria-Grazia Ottaviani. En plus des membres de l’équipe de base, les membres du personnel de la FAO et les consultants suivants (cités par ordre alphabétique) ont apporté des contributions techniques et préparé la version préliminaire de certaines sections ou de chapitres du rapport intégral: Clare Bishop, Giacomo Branca, Robert Brinkman, Sumiter Broca, Concha Calpe, Lawrence Clarke, Jean-Marc Faurès, Günther Fischer, Theodor Friedrich, René Gommes, Ali Gürkan, David Hallam, Jippe Hoogeveen, Simon Mack, Michael Martin, Jorge Mernies, Rebecca Metzner, Miles Mielke, Nancy Morgan, Freddy Nachtergaele, Loganaden Naiken, CTS Nair, Nquu Nguyen, David Norse, Joachim Otte, Jan Poulisse, Terri Raney, Nadia Scialabba, Kostas Stamoulis, Henning Steinfeld, Peter Thoenes, Vivian Timon, Bruce Traill, Dat Tran, Jeff Tschirley, David Vanzetti, Ulf Wijkstrom et Alberto Zezza. La nature de leurs contributions est précisée dans les Remerciements du rapport intégral. Les membres du Groupe de travail du domaine prioritaire de la FAO pour une Action interdisciplinaire sur les études prospectives mondiales ont commenté les diverses versions préliminaires. Green Ink Ltd, sous la direction de Simon Chater, a assuré l’édition du texte, la mise en page et les illustrations. La traduction française a été réalisée par Catherine Richardson et Françoise Barber, et le texte a été révisé par Jacques Vercueil. La division de l’Information de la FAO était chargée de l’édition finale du texte et de l’impression.
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A propos de ce rapport Ce rapport constitue la version abrégée des résultats de l’étude World agriculture: towards 2015/2030 de la FAO. Il présente l’évaluation la plus récente de la FAO sur l’évolution à long terme de l’alimentation, la nutrition et l’agriculture, pêches et forêts comprises, au niveau mondial. Aboutissement d’une démarche interdisciplinaire impliquant la plupart des divisions et disciplines techniques de la FAO, il se place dans la tradition de ses études prospectives périodiques sur l’agriculture mondiale, dont la dernière a été publiée en 1995 (Alexandratos, 1995). Les éditions précédentes sont Alexandratos (1989), FAO (1981) et FAO (1970). Les projections, réalisées de manière très détaillée, concernent environ 140 pays et 32 produits de la culture et de l’élevage (voir Appendice 1). Dans le cas de presque tous les pays en développement, les facteurs principaux contribuant à la croissance de la production agricole ont été identifiés et analysés séparément. Les critères d’augmentation de la productivité, comme la hausse du rendement des cultures et du poids d’abattage du bétail, ont été distingués des autres éléments de croissance comme la superficie cultivée et la taille des troupeaux. On a porté une attention spéciale sur les terres, qui ont été classées en cinq catégories pour l’agriculture pluviale plus une sixième pour la culture irriguée. Ce niveau de détail s’est avéré à la fois nécessaire et favorable à l’identification des principaux problèmes auxquels l’agriculture mondiale devra faire face au cours des 30 années à venir. Il a notamment aidé à discerner les contraintes locales en matière de production et de ressources, à évaluer les importations alimentaires requises par les divers pays et à jauger le degré de succès ou d’échec dans la lutte contre la faim et la sous-alimentation. Il a également été nécessaire de disposer de chiffres très détaillés pour rassembler l’expertise des spécialistes des diverses disciplines de la FAO, car l’analyse fait largement appel au jugement des spécialistes internes. Pour des raisons de place, entre autres, les résultats sont toutefois présentés au niveau régional et sectoriel, ce qui peut masquer des différences d’évolution entre les divers pays et produits. De même, les limites de place n’ont pas permis d’inclure les références aux nombreuses sources utilisées lors de la rédaction du présent rapport abrégé. On a donc uniquement mentionné les références aux sources statistiques et à celles des chiffres, tableaux et cartes; elles figurent en p. 96. On trouvera une liste complète des références dans le rapport technique non abrégé. Ce rapport se caractérise aussi par sa démarche descriptive et non normative: ses suppositions et projections représentent l’avenir le plus probable mais pas nécessairement le plus souhaitable. Il observe par exemple que l’objectif du Sommet mondial de l’alimentation de 1996 – réduire de moitié le nombre de personnes souffrant de sous-alimentation chronique d’ici 2015 – a peu de chances d’être atteint, alors que cela serait extrêmement souhaitable. De même, le rapport constate que l’agriculture va probablement continuer à s’étendre sur les terres humides et les forêts tropicales, ce qui serait sans aucun doute regrettable. En général, les projections présentées ne constituent donc pas des objectifs stratégiques de la FAO mais plutôt des bases pour l’action, pour lutter contre des problèmes actuels risquant de persister et de nouveaux problèmes risquant d’apparaître. On doit aussi souligner que ces projections ne sont en aucun cas des extrapolations de tendances. Bien au contraire, elles rassemblent une multitude d’hypothèses sur l’avenir et débouchent souvent sur des déviations considérables par rapport aux anciennes tendances. Une évaluation à long terme de l’alimentation, la nutrition et l’agriculture mondiales pourrait aborder de multiples sujets, intéressant divers lecteurs selon le
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pays, la région ou la question traitée. En tant qu’étude mondiale, cependant, ce rapport a dû être sélectif au niveau des sujets traités. L’accent est surtout mis sur la manière dont le monde se nourrira à l’avenir et ce qu’entraînera pour ses ressources naturelles la nécessité de produire plus d’aliments. L’année de base de l’étude est la moyenne sur trois ans de 1997-99 et les projections ont été faites pour les années 2015 et 2030. Le choix de 2015 permet d’évaluer si l’objectif du Sommet mondial de l’alimentation de 1996 – réduire de moitié le nombre de personnes souffrant de sousalimentation chronique – risque d’être atteint. Etendre l’horizon jusqu’à 2030 crée un laps de temps assez long pour pouvoir analyser les questions concernant les ressources de la planète – en d’autres termes, la capacité du monde à surmonter des degrés supplémentaires de dégradation des terres agricoles, de déboisement, de réchauffement du globe et de pénurie d’eau, en plus de l’augmentation de la pression démographique. Naturellement, le degré d’incertitude croît à mesure que l’horizon recule, et les résultats envisagés pour 2030 devront donc être interprétés avec plus de prudence que pour l’échéance 2015. L’analyse se base entre autres sur les perspectives à long terme dressées par d’autres organismes. Les projections démographiques, par exemple, sont celles de l’Organisation des nations unies (ONU)(Evaluation 2000, variante moyenne – ONU, 2001), tandis que celles qui concernent les revenus reposent surtout sur les dernières projections de produit intérieur brut (PIB) de la Banque mondiale. La plupart des données sur l’agriculture sont tirées de la banque de données de la FAO (FAOSTAT), en date de juillet 2001. Ces hypothèses ayant une influence critique sur les résultats escomptés, il est important de noter qu’elles peuvent changer de manière considérable, même à court terme. Les données historiques, par exemple, et les projections démographiques et de croissance du PIB figurant dans l’étude de 1995 ont depuis fait l’objet de révisions souvent substantielles dans beaucoup de pays. La population mondiale projetée pour 2010 par l’étude de 1995 se montait par exemple à 7,2 milliards, alors qu’aujourd’hui l’ONU la chiffre à 6,8 milliards. De même, on estime actuellement que la population d’Afrique subsaharienne atteindra 780 millions d’ici 2010, contre 915 millions escomptés lors de l’étude de 1995. Les projections de PIB pour l’Afrique subsaharienne diffèrent aussi des évaluations de 1995: la croissance des revenus par habitant pour la période 1997-99 à 2015 est maintenant projetée à 1,8 pour cent par an, contre 0,7 pour cent dans l’étude de 1995 (sur la période 1988-90 à 2010). Finalement, les données historiques de la FAO sur la production, la demande et la consommation alimentaires par personne ont souvent été radicalement révisées pour toute la série chronologique à mesure que plus d’informations à jour étaient rendues disponibles. Ce rapport présente tout d’abord l’évolution prévue, globalement et par grands groupes de produits, au niveau de la demande, de la production et des échanges agricoles mondiaux, et ses répercussions sur la sécurité alimentaires et la sousalimentation. Il examine ensuite les questions principales soulevées par cette évolution: le rôle de l’agriculture dans le développement rural, la lutte contre la pauvreté, la croissance économique générale, ainsi que les effets de la mondialisation et de la libéralisation des échanges commerciaux. Sont abordées par la suite les questions de production et de politiques dans les secteurs des cultures, de l’élevage, de la foresterie et des pêches, en y incluant l’utilisation des ressources naturelles et la technologie agricole. Le rapport se termine par une évaluation des répercussions de la production agricole sur l’environnement, dont ses interactions avec les changements climatiques.
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Résumé analytique Ces dernières années, les taux de croissance de la production agricole et du rendement des cultures, au niveau mondial, ont baissé. Ceci a conduit à craindre que la terre ne soit pas en mesure de produire suffisamment d’aliments et autres produits agricoles pour nourrir les populations futures selon leurs besoins. Toutefois, ce ralentissement a résulté non pas d’un manque de terres ou d’eau, mais plutôt du ralentissement de la demande de produits agricoles. Ceci est principalement dû aux taux de croissance de la population mondiale qui diminuent depuis la fin des années 1960, et au fait que l’on atteint aujourd’hui dans de nombreux pays des niveaux de consommation alimentaire par habitant qui sont assez élevés, et ne pourront pas augmenter beaucoup plus. Mais il est aussi vrai qu’une proportion de la population mondiale, qui reste obstinément forte, vit toujours dans une pauvreté extrême et, par conséquent, n’a pas les revenus nécessaires pour traduire ses besoins en demande effective. En conséquence, on s’attend à ce que la croissance de la demande mondiale de produits agricoles, qui était en moyenne de 2,2 pour cent ces 30 dernières années, chute à 1,5 pour cent par an dans les 30 prochaines. Dans les pays en développement, le ralentissement sera encore plus spectaculaire, de 3,7 pour cent à 2 pour cent. Ceci est dû, en partie, au fait que la Chine aura passé la phase de croissance rapide de sa demande de produits alimentaires. La présente étude suggère que le taux de croissance de la production agricole mondiale peut suivre celui de la demande, à condition que soient mises en place les politiques nationales et internationales voulues pour développer l’agriculture. Il est peu probable qu’on assiste à des pénuries au niveau mondial, mais on rencontre déjà de sérieux problèmes aux niveaux national et local et la situation risque de s’aggraver à moins que des efforts ciblés ne soient déployés. Alimentation et nutrition D’énormes progrès d’amélioration de la sécurité alimentaire ont été accomplis. La proportion de gens vivant dans les pays en développement dont la consommation alimentaire moyenne est inférieure à 2 200 calories par jour est passée de 57 pour cent en 1964-66 à tout juste 10 pour cent en 1997-99. Néanmoins, 776 millions de personnes (environ une personne sur six) sont encore sous-alimentées dans les pays en développement. On s’attend à ce que les progrès mondiaux de la nutrition se poursuivent, parallèlement à la réduction de la pauvreté que prévoit la Banque mondiale. Le taux de sous-alimentation devrait tomber des 17 pour cent actuels parmi la population des pays en développement à 11 pour cent en 2015, puis à tout juste 6 pour cent en 2030. D’ici 2030, les trois quarts de la population du monde en développement pourraient vivre dans des pays où moins de 5 pour cent des habitants seraient sous-alimentés. La proportion vivant dans de tels pays est actuellement inférieure à 8 pour cent. Malgré l’impressionnante réduction de la proportion de personnes sous-alimentées, les progrès quant à la réduction du nombre total de personnes affectées vont être plus
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lents en raison de l’accroissement continu de la population. Le Sommet mondial de l’alimentation de 1996 a fixé comme objectif de réduire de moitié le nombre de personnes sous-alimentées pour arriver à 410 millions environ en 2015. Les projections de la présente étude suggèrent qu’il risque d’être difficile d’y parvenir – quelque 610 millions de personnes pourraient encore être sous-alimentées cette année-là, et même d’ici 2030 il se peut qu’on en dénombre encore environ 440 millions. Accorder la priorité à la production alimentaire locale et réduire l’inégalité d’accès à la nourriture pourraient permettre un progrès plus rapide. Le problème de la sous-alimentation aura tendance à devenir plus maîtrisable et plus facile à attaquer au niveau des politiques, tant nationales qu’internationales, au fur et à mesure que le nombre de pays à forte sous-alimentation diminuera.
Agriculture, pauvreté et commerce international La sous-alimentation est une des principales manifestations de la pauvreté. Elle aggrave aussi d’autres aspects de la pauvreté, car elle réduit la capacité de travailler et la résistance à la maladie, et affecte le développement mental et la réussite scolaire des enfants. A l’heure actuelle, une personne sur quatre dans les pays en développement vit dans une pauvreté extrême et subsiste avec moins d’un dollar EU par jour. Cette proportion a baissé depuis 1990, où elle atteignait près d’un tiers. Mais, en raison de la croissance démographique, la réduction en nombre n’a pas été aussi rapide: de 1 269 millions à 1 134 millions. La plus récente évaluation de la Banque mondiale à l’horizon 2015 suggère que de telles réductions de la pauvreté mondiale pourraient se poursuivre. L’Afrique subsaharienne fait, toutefois, exception. Le nombre de pauvres y est monté en flèche durant les années 1990, et cela semble devoir continuer. Sept personnes sur dix parmi les populations pauvres du monde vivent encore en milieu rural. La croissance du secteur agricole a un rôle crucial à jouer dans l’amélioration des revenus des pauvres, en fournissant des emplois agricoles et en encourageant les emplois à l’extérieur des exploitations. Il se peut que certaines interventions nutritionnelles directes soient nécessaires (comme par exemple un apport supplémentaire de vitamines et de minéraux dans les aliments de base), et il sera aussi important de mettre en place des mesures concernant la santé, l’eau et l’assainissement, afin de réduire l’impact des maladies sur l’absorption des aliments. Le commerce a un grand rôle à jouer pour améliorer la sécurité alimentaire et stimuler l’agriculture. Selon certaines estimations, les gains en bien-être mondial provenant d’une plus grande libéralisation du marché agricole pourraient atteindre 165 milliards de dollars EU par an. Mais les progrès réalisés lors du cycle de négociations commerciales en cours sont limités et les bienfaits restent jusqu’ici bien modestes. Si les réformes futures se concentrent trop étroitement sur la suppression des subventions dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la majeure partie des bénéfices reviendra probablement aux consommateurs des pays développés. Les pays en développement devraient tirer davantage profit de la suppression des barrières douanières sur les produits pour lesquels ils ont un avantage comparatif (par exemple le sucre, les fruits et les légumes), de la réduction des tarifs des produits agricoles transformés, et d’un accès préférentiel aux marchés renforcé en faveur des pays les moins développés. Des réformes internes sont également nécessaires dans les pays en développement pour que le libre-échange puisse contribuer à la réduction de la pauvreté. Ces réformes doivent inclure: un moindre parti pris contre l’agriculture dans les politiques nationales; l’ouverture des frontières aux investissements étrangers à long terme; l’introduction de mécanismes améliorant la qualité et la sécurité sanitaire
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des aliments; des investissements dans les routes, l’irrigation, la fourniture de semences et l’acquisition de compétences; l’amélioration des normes de qualité; et des filets de sécurité pour les pauvres qui sont confrontés à l’augmentation du prix de la nourriture. La mondialisation en matière d’alimentation et d’agriculture donne des espérances mais présente également des problèmes. Elle a permis, dans l’ensemble, de réduire la pauvreté en Asie. Mais elle a aussi entraîné l’essor de sociétés alimentaires multinationales qui ont le potentiel de dominer les agriculteurs dans de nombreux pays. Les pays en développement doivent disposer des cadres légaux et administratifs leur permettant de parer aux menaces tout en récoltant les bénéfices.
Production végétale Le taux de croissance annuel de la demande mondiale de céréales est tombé de 2,5 pour cent par an dans les années 1970 et 1,9 pour cent par an dans les années 1980 à seulement 1 pour cent par an dans les années 1990. La consommation annuelle de céréales par personne (y compris aliments pour animaux) a atteint son maximum au milieu des années 1980, à 334 kg, et a chuté depuis à 317 kg. Cette baisse n’a rien d’alarmant: elle est essentiellement la conséquence naturelle d’une croissance démographique plus lente et de changements au niveau des régimes alimentaires humains et des aliments du bétail. Cependant, dans les années 1990, elle a été accentuée par plusieurs phénomènes temporaires, dont des récessions sévères dans les pays en transition et dans certains des pays de l’Asie de l’Est et du Sud-Est. On prévoit que le taux de croissance de la demande va augmenter de nouveau pour atteindre 1,4 pour cent par an à l’horizon 2015, puis baisser par la suite à 1,2 pour cent par an. Sur l’ensemble des pays en développement, on s’attend à ce que la production céréalière ne puisse pas suivre la demande. Les déficits céréaliers nets de ces pays, qui s’élevaient à 103 millions de tonnes, soit 9 pour cent de la consommation, en 1997-99, pourraient atteindre 265 millions de tonnes d’ici 2030, où ils représenteront 14 pour cent de la consommation. Ce manque pourra être comblé par les surplus accrus des exportateurs traditionnels de grain, ainsi que par de nouvelles exportations en provenance des pays en transition qui, d’importateurs nets, devraient devenir exportateurs nets. Parmi les divers secteurs de culture, ce sont les oléagineux qui ont connu l’expansion la plus rapide de leur superficie, celle-ci ayant augmenté de 75 millions d’hectares entre le milieu des années 1970 et la fin des années 1990, alors que la superficie céréalière a diminué de 28 millions d’ha pendant la même période. On prévoit que la consommation future d’oléagineux par habitant augmentera plus rapidement que celle de céréales. Sur 100 calories supplémentaires apportées aux régimes alimentaires moyens dans les pays en développement entre aujourd’hui et 2030, ces cultures vont en contribuer 45.
Sources de croissance de la production végétale Il existe trois sources principales de croissance de la production végétale: l’expansion de la superficie des terres, l’augmentation de la fréquence des récoltes (souvent grâce à l’irrigation), et l’accroissement des rendements. Il a été suggéré qu’il y a bien des chances que nous approchions du maximum réalisable dans ces trois domaines. L’examen approfondi du potentiel de production n’appuie pas ce point de vue au niveau mondial, bien qu’il existe déjà, dans certains pays, voire même dans des régions entières, des problèmes sérieux qui pourraient encore s’aggraver.
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Terres. Moins de nouvelles terres agricoles vont être mises en exploitation que dans le passé. Au cours des 30 prochaines années, les pays en développement vont devoir disposer de 120 millions d’ha supplémentaires pour les cultures, soit une augmentation globale de 12,5 pour cent. Ceci n’est que la moitié du taux d’augmentation observé entre 1961-63 et 1997-99. Au niveau mondial, la superficie de terres agricoles potentielles non exploitées est adéquate. Une comparaison des sols, de la topographie et des climats avec les besoins des principales cultures indique que 2,8 milliards d’ha supplémentaires conviendraient à différents degrés à la production de cultures pluviales arables et permanentes. Ceci est près du double de la superficie exploitée à l’heure actuelle. Toutefois, seule une petite proportion de ces terres supplémentaires sera en réalité disponible pour l’expansion agricole dans un proche avenir, car une grande partie doit être réservée à la conservation des forêts et au développement de l’infrastructure. L’accessibilité et autres contraintes font aussi obstacle à toute expansion d’envergure. Plus de la moitié des terres qui pourraient être mises en production est répartie sur sept pays seulement d’Amérique latine tropicale et d’Afrique subsaharienne, alors que d’autres régions et pays sont confrontés à un manque de terres aptes à la culture. Au Proche-Orient et en Afrique du Nord, 87 pour cent des terres aptes étaient déjà en exploitation en 1997-99, alors qu’en Asie du Sud, ce chiffre n’atteint pas moins de 94 pour cent. Dans ces régions, l’intensification par le biais d’une amélioration de la gestion et des technologies, sera la principale, sinon pratiquement la seule, source de croissance de la production. En de nombreux endroits, la dégradation des sols menace la productivité des terres et des pâturages existants. Eau. L’irrigation est un élément crucial pour les disponibilités alimentaires mondiales. En 1997-99, les terres irriguées ne représentaient qu’un cinquième environ de la superficie arable totale dans les pays en développement, mais elles produisaient deux cinquièmes de la totalité des récoltes et près de trois cinquièmes de la production céréalière. On s’attend à ce que l’irrigation joue un rôle de plus en plus important. Il est probable que, sur l’ensemble des pays en développement, la superficie irriguée passe de 202 millions d’ha en 1997-99 à 242 millions d’ha d’ici 2030. La majeure partie de cette expansion aura lieu dans des zones où les terres se font rares et où l’irrigation revêt déjà une importance cruciale. Selon les projections, l’accroissement net des superficies irriguées atteindra moins de 40 pour cent de ce qu’il a été depuis le début des années 1960. Il semblerait qu’il y ait suffisamment de terres irriguées non utilisées pour satisfaire aux besoins futurs: les études de la FAO suggèrent un potentiel d’irrigation total de quelque 402 millions d’ha dans les pays en développement, dont la moitié seulement est utilisée actuellement. Cependant, les ressources en eau seront un important facteur qui va limiter l’expansion en Asie du Sud, où 41 pour cent des ressources renouvelables en eau douce seront utilisées d’ici 2030, ainsi qu’au Proche-Orient et en Afrique du Nord, qui en utiliseront 58 pour cent. Ces régions devront arriver à une plus grande efficacité quant à l’utilisation de l’eau. Rendements. Au cours des quatre dernières décennies, près de 70 pour cent de l’augmentation de la production végétale dans les pays en développement provenaient de la hausse des rendements. Les années 1990 ont vu un ralentissement de la croissance des rendements. Les rendements de blé, par exemple, ont augmenté en moyenne de 3,8 pour cent par an entre 1961 et 1989, mais seulement de 2 pour cent par an entre 1989 et 1999. Quant au riz, les taux respectifs ont chuté de plus de la moitié, passant de 2,3 pour cent à 1,1 pour cent.
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L’augmentation des rendements va continuer d’être le principal facteur déterminant la croissance de la production végétale à l’avenir. Dans les pays en développement, elle contribuera pour 70 pour cent à la hausse de la production végétale d’ici l’horizon 2030. Pour atteindre la production projetée, les rendements n’auront pas à augmenter aussi rapidement dans l’avenir que par le passé. Pour les rendements de blé, il suffira d’un taux d’augmentation annuel de 1,2 pour cent sur les 30 prochaines années. Il en va de même pour les autres cultures. Selon les projections, la croissance de l’utilisation d’engrais dans les pays en développement va ralentir et tomber à 1,1 pour cent par an au cours des trois prochaines décennies. Le ralentissement qui s’est déjà amorcé va donc se poursuivre. Globalement, il est estimé que quelque 80 pour cent des augmentations futures de la production végétale dans les pays en développement devront provenir d’une intensification de l’agriculture: rendements supérieurs, davantage de cultures à récoltes multiples et périodes de jachère plus courtes.
Amélioration de la technologie De nouvelles technologies sont nécessaires pour les régions qui manquent de terres et d’eau, ou qui rencontrent des problèmes particuliers au niveau des sols ou du climat. Il s’agit fréquemment de régions à forte concentration de populations pauvres, où de telles technologies pourraient jouer un rôle clé quant à l’amélioration de la sécurité alimentaire. La production agricole pourrait probablement satisfaire la demande prévue d’ici l’horizon 2030, même sans de grands progrès en biotechnologie moderne. Toutefois, les nouvelles techniques d’analyse moléculaire pourraient permettre une augmentation de la productivité qui serait bienvenue, notamment dans les régions qui éprouvent des difficultés particulières, améliorant ainsi les revenus des pauvres, comme l’a fait la “Révolution verte” dans de vastes régions de l’Asie entre les années 1960 et 1980. Ce qu’il faut pour le XXIe siècle, c’est une deuxième révolution, “doublement verte”, dans le domaine de la technologie agricole. L’augmentation de la productivité reste vitale, mais elle doit être alliée à la protection ou à la restauration de l’environnement; les nouvelles technologies, quant à elles, doivent être abordables pour les pauvres et les sous-alimentés, et adaptées à leurs besoins. La biotechnologie, en tant que moyen d’améliorer la sécurité alimentaire et de réduire les pressions sur l’environnement, est prometteuse, à condition de s’attaquer aux menaces perçues de la biotechnologie elle-même pour l’environnement. Des variétés génétiquement modifiées (résistantes à la sécheresse, à l’engorgement par l’eau, à l’acidité ou à la salinité des sols ainsi qu’aux températures extrêmes) pourraient permettre de pratiquer l’agriculture dans les régions marginales et de remettre les terres dégradées en production. Les variétés résistantes aux ravageurs peuvent réduire la nécessité de recourir aux pesticides. Toutefois, la propagation des variétés génétiquement modifiées dépendra de la manière dont on va répondre aux inquiétudes concernant la sécurité sanitaire des aliments et la sécurité de l’environnement. En effet, l’expansion de ces variétés s’est quelque peu ralentie, tout au moins dans les pays développés, en raison de ces inquiétudes, auxquelles on devra répondre par une amélioration des essais et des protocoles de sécurité si l’on veut progresser dans ce domaine. Dans un même temps, d’autres technologies prometteuses, associant production accrue et meilleure protection de l’environnement, ont fait leur apparition. Parmi celles-ci il faut citer l’agriculture sans labour, ainsi que les méthodes, à plus faibles intrants, des systèmes intégrés de protection ou de nutrition des plantes et de l’agriculture biologique.
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Elevage On assiste à un changement des régimes alimentaires dans les pays en développement, au fur et à mesure que les revenus augmentent. La part des aliments de base, comme les céréales, les racines et les tubercules, diminue, alors que celle de la viande, des produits laitiers et des oléagineux s’accroît. Entre 1964-66 et 1997-99, la consommation de viande par habitant dans les pays en développement a augmenté de 150 pour cent, et celle de lait et de produits laitiers de 60 pour cent. D’ici 2030, la consommation par habitant de produits animaux pourrait augmenter encore de 44 pour cent. Comme par le passé, c’est la consommation de volaille qui connaîtra la plus rapide croissance. L’amélioration de la productivité sera probablement une source principale de croissance. Les rendements laitiers devraient s’améliorer et, dans un même temps, la sélection animale et une meilleure gestion vont entraîner une hausse du poids d’abattage et des taux d’exploitation moyens. Ceci permettra une production accrue avec une augmentation limitée du nombre d’animaux, et un ralentissement correspondant de l’impact néfaste du pâturage ou des déchets sur l’environnement. Dans les pays en développement, la demande va croître plus rapidement que la production, ce qui va augmenter le déficit de la balance commerciale. Pour les produits à base de viande celui-ci va monter en flèche, passant de 1,2 millions de tonnes par an en 1997-99 à 5,9 millions de tonnes en 2030 (malgré l’augmentation des exportations de viande d’Amérique latine), alors que pour le lait et les produits laitiers, la hausse de 20 millions de tonnes par an à 39 millions sera moins rapide, mais toutefois considérable. Une part accrue de la production animale proviendra probablement des entreprises industrielles. Ces dernières années, la production de ce secteur a augmenté deux fois plus vite que celle des systèmes de polyculture plus traditionnels – et plus de six fois plus vite que celle des systèmes pastoraux.
Foresterie Pendant les années 1990, la superficie mondiale totale des forêts s’est réduite chaque année de 9,4 millions d’ha, soit environ trois fois l’étendue de la Belgique. Néanmoins, le taux de déforestation a diminué dans les années 1990 par rapport aux années 1980. Les pays industrialisés et les pays en transition ont accru leurs superficies forestières, et de nombreux pays en développement (dont le Bangladesh, la Chine, l’Inde, la Turquie et le Viet Nam) plantent aujourd’hui plus de forêts qu’ils n’en déboisent. Les projections relatives aux cultures suggèrent qu’une expansion des terres cultivées de 120 millions d’ha sera nécessaire d’ici 2030, alors que les zones urbaines vont continuer de s’étendre de manière considérable. Une grande partie de ces terres supplémentaires devra provenir de la déforestation. De plus, il est prévu que d’ici 2030 la consommation annuelle mondiale de bois rond industriel va augmenter de 60 pour cent par rapport aux niveaux actuels, pour atteindre environ 2 400 millions de m3. Néanmoins, on s’attend à ce que la déforestation diminue encore dans les décennies à venir et il est peu probable que l’on connaisse, au niveau mondial, une crise quant à l’approvisionnement en bois. L’efficacité de la production de matériaux dérivés du bois continue de s’améliorer. La superficie des plantations augmente aussi rapidement: on prévoit que la production de bois rond industriel à partir des plantations va doubler d’ici 2030, passant du niveau actuel de 400 millions de m3 à environ 800 millions de m3. En outre, la forte augmentation du nombre d’arbres plantés en dehors des forêts et des plantations (comme par exemple en bordure des routes, dans les villes, autour des maisons et dans les exploitations agricoles) va améliorer l’approvisionnement en bois et autres produits arboricoles.
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Les principaux défis à relever pour le secteur de la foresterie consistent à trouver des moyens de gérer les ressources arboricoles naturelles et cultivées de manière à augmenter la production, à améliorer la sécurité alimentaire et l’approvisionnement en énergie des pauvres, et à sauvegarder les fonctions écologiques des forêts ainsi que la biodiversité qu’elles apportent.
Pêches Au cours des trois dernières décennies, la production des pêches mondiales a tenu tête à la croissance démographique. La production totale a presque doublé, passant de 65 millions de tonnes en 1970 à 125 millions de tonnes en 1999, où la consommation moyenne mondiale de poisson, de crustacés et de mollusques atteignait 16,3 kg par personne. D’ici 2030, la consommation annuelle de poisson va sans doute s’élever à quelque 150-160 millions de tonnes, soit entre 19 et 20 kg de poisson par personne. Ce chiffre est considérablement inférieur à la demande potentielle car on prévoit que les facteurs écologiques vont limiter les disponibilités. Au début du siècle actuel, les trois quarts des stocks de poissons de mer étaient surpêchés, épuisés ou exploités au maximum de leur potentiel durable. La croissance des volumes de captures maritimes ne pourra donc qu’être modeste. Durant les années 1990, les captures en mer se sont stabilisées entre 80 et 85 millions de tonnes par an, ce qui n’est pas loin du potentiel maximum durable. L’aquaculture a compensé cette diminution des captures en mer, puisqu’elle a doublé sa part de la production mondiale de poisson au cours des années 1990. Sa rapide croissance va se poursuivre, à des taux de 5 à 7 pour cent par an jusqu’en 2015. Dans tous les secteurs de la pêche, il sera essentiel d’adopter des formes de gestion permettant une exploitation durable, particulièrement en ce qui concerne les ressources partagées par plusieurs pays ou n’appartenant à aucun en particulier.
Environnement et climat Au cours des 30 prochaines années, de nombreux problèmes écologiques liés à l’agriculture vont rester préoccupants. La perte de biodiversité causée par l’expansion et l’intensification de l’agriculture se poursuit souvent sans atténuation, même dans les pays développés, où la nature est considérée comme très précieuse et, soi-disant, protégée. Les engrais azotés sont une des principales sources de pollution de l’eau et de l’air. Les projections relatives aux cultures laissent supposer que l’augmentation de l’utilisation de ces engrais va être moins forte que dans le passé, mais elle pourrait néanmoins rester une source significative de pollution. Les projections indiquent aussi que les émissions d’ammoniac et de méthane provenant du secteur de l’élevage vont augmenter de 60 pour cent. Des ensembles complets de mesures seront nécessaires pour contrôler et réduire la pollution de l’air et de l’eau à partir de ces sources. Le réchauffement de la planète ne devrait pas réduire les disponibilités alimentaires à l’échelle mondiale, mais il pourrait avoir des impacts significatifs aux niveaux régional et local. Les projections actuelles suggèrent que le potentiel de production végétale va augmenter sous les latitudes tempérées et septentrionales, alors qu’il risque de diminuer dans certaines parties des tropiques et subtropiques. Ceci pourrait accentuer encore la dépendance des pays en développement par rapport aux importations alimentaires, bien qu’en même temps les exportateurs des pays tempérés puissent se trouver mieux en mesure de combler le déficit. La hausse du niveau des mers va menacer la production végétale et les revenus dans les pays ayant de grandes étendues de terres à très basse altitude, comme le Bangladesh et l’Egypte.
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L’insécurité alimentaire pour certains groupes ruraux vulnérables dans les pays en développement risque d’empirer. Les prévisions indiquent que, d’ici 2030, l’évolution du climat va handicaper de 2 à 3 pour cent la production céréalière en Afrique. Des semences améliorées et l’utilisation accrue d’engrais devraient plus que compenser cette baisse, mais ce facteur va continuer de freiner lourdement les efforts de progrès. La foresterie et l’agriculture contribuent toutes deux à l’impact des activités humaines sur le climat. Le brûlage de la biomasse (lors du déboisement, des feux de savane, de l’élimination des résidus de culture et de la cuisine sur feu de bois ou de fumier) est une source majeure d’émission de gaz carbonique dans l’atmosphère et, parallèlement, les déchets provenant des engrais et des animaux produisent d’importantes émissions d’oxyde azoteux et d’ammoniac. Grâce à la foresterie, une partie du gaz carbonique dégagé par les activités humaines peut être absorbée. Entre 1995 et 2050, le ralentissement de la déforestation, allié à la régénération et au développement des plantations, pourrait réduire les émissions de gaz carbonique d’un équivalent de 12 à 15 pour cent de toutes les émissions provenant des combustibles fossiles. L’agriculture a également un rôle à jouer. D’ici 2030, la quantité de gaz carbonique captée dans les sols cultivés, sous forme de matière organique issue des résidus de culture et du fumier, pourrait augmenter de 50 pour cent si l’on introduisait de meilleures méthodes de culture.
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Aperçu des projections Population (millions)
1979-81
1997-99
2015
2030
2050
Monde Pays en développement Pays industrialisés Pays en transition
4 430 3 259 789 382
5 900 4 595 892 413
7 207 5 858 951 398
8 270 6 910 979 381
9 322 7 987 986 349
Croissance démographique (%/an)
1979 à 1999
1989 à 1999
1997-99 à 2015
2015 à 2030
2030 à 2050
Monde Pays en développement Pays industrialisés Pays en transition
1,6 1,9 0,7 0,5
1,5 1,7 0,7 0,1
0,9 1,1 0,2 - 0,3
0,6 0,7 0,0 - 0,4
Croissance du PIB (%/an)
1997-99 à 2015 total
2015 à 2030 total
1997-99 à 2015 par habitant
2015 à 2030 par habitant
3,5 5,1 3,0 3,7
3,8 5,5 3,0 4,0
2,3 3,7 2,6 4,0
2,9 4,4 2,8 4,3
Monde Pays en développement Pays industrialisés Pays en transition Croissance de la demande de produits agricoles (%/an) Monde Pays en développement Pays industrialisés Pays en transition Croissance de la production agricole (%/an)
1,2 1,4 0,4 - 0,2
1969 à 1999
1979 à 1999
1989 à 1999
2,2 3,7 1,1 - 0,2
2,1 3,7 1,0 - 1,7
2,0 4,0 1,0 - 4,4
1969 à 1999
1997-99 à 2015
2015 à 2030
1,6 2,2 0,7 0,5
1,4 1,7 0,6 0,4
1979 à 1999
1989 à 1999
1997-99 à 2015
2015 à 2030
2,0 3,9 1,4 - 4,7
1,6 2,0 0,8 0,6
1,3 1,7 0,6 0.6
Monde Pays en développement Pays industrialisés Pays en transition
2,2 3,5 1,3 - 0,4
2,1 3,7 1,0 - 1,7
Apport énergétique (calories/personne/jour)
1961-63
1979-81
1997-99
2015
2030
2 283 1 960 2 891 3 154
2 552 2 312 3 135 3 389
2 803 2 681 3 380 2 906
2 940 2 850 3 440 3 060
3 050 2 980 3 500 3 180
Monde Pays en développement Pays industrialisés Pays en transition Sous-alimentation
1990-92 Monde Pays en développement Pays industrialisés Pays en transition
816
Millions de personnes 1997-99 2015 815 777 11 27
610
2030
1990-92
443
20
% de la population 1997-99 2015 14 17 1 6
11
2030 6
9
Aperçu des projections (suite) Céréales 1979-81
Millions de tonnes 1997-99 2015
%/an 2030
1979 à 1999
1989 à 1999
1997-99 à 2015
2015 à 2030
Monde Production Alimentation humaine Alimentation animale
1 442 706 575
1 889 1 003 657
2 387 1 227 911
2 838 1 406 1 148
1,4 1,9 0,6
1,0 1,4 0,6
1,4 1,2 1,9
1,2 0,9 1,5
Pays en développement Production Alimentation humaine Alimentation animale Echanges nets
649 524 113 - 66
1 026 790 222 - 103
1 354 1 007 397 - 190
1 652 1 185 573 - 265
2,5 2,2 3,8
2,1 1,7 4,4
1,6 1,4 3,5
1,3 1,1 2,5
1989 à 1999
1997-99 à 2015
2015 à 2030
Viande 1979-81
Millions de tonnes 1997-99 2015
%/an 2030
1979 à 1999
Monde Production Alimentation humaine
132 130
218 214
300 297
376 373
2,8 2,8
2,7 2,7
1,9 1,9
1,5 1,5
Pays en développement Production Alimentation humaine Echanges nets
45 44 - 0,2
116 116 - 1,2
181 184 - 3,9
247 252 - 5,9
5,5 5,6
5,9 6,1
2,7 2,7
2,1 2,1
Huiles végétales et oléagineux (en équivalent d’huile)
1979-81
Millions de tonnes 1997-99 2015
%/an 2030
1979 à 1999
1989 à 1999
1997-99 à 2015
2015 à 2030
Monde Production Alimentation humaine Usage industriel
50 37 8
104 67 23
157 98 45
217 130 71
4,1 3,3 6,1
4,3 2,8 6,9
2,5 2,3 3,9
2,2 1,9 3,1
Pays en développement Production Alimentation humaine Usage industriel Echanges nets
29 21 3 1,5
68 45 13 4,0
109 73 26 3,4
156 102 41 3,5
5,0 4,3 8,2
4,7 3,6 10,2
2,8 2,9 4,4
2,4 2,2 3,1
Terres arables (millions d’ha) Monde Pays en développement Pays industrialisés Pays en transition Superficies et rendements dans les pays en développement Blé Riz (non décortiqué) Maïs Toutes céréales % du total
10
1997-99
Superficie totale 2015
1 608 956 387 265
1017
2030 1076
Superficies récoltées (millions d’ha) 1979-81 1997-99 2015 2030 96 138 76 408 60
111 157 97 465 55
113 162 118 497 53
118 164 136 528 51
1979-81 210 151 37 22
1979-81 1,6 2,7 2,0 1,9
Superficie irriguée 1997-99 2015 271 202 42 25
221
Rendement (tonnes/ha) 1997-99 2015 2,5 3,6 2,8 2,6
3,1 4,2 3,4 3,2
2030 242
2030 3,5 4,7 4,0 3,6
Les perspectives à long terme Perspectives agricoles Le taux de croissance de la demande mondiale de produits agricoles a diminué, car la croissance démographique est en baisse et des niveaux de consommation alimentaire assez élevés ont été atteints dans bon nombre de pays. La croissance de la demande va encore ralentir à l’avenir. On dispose, au niveau mondial, du potentiel de production nécessaire pour satisfaire la demande. Néanmoins, les pays en développement vont devenir plus dépendants par rapport aux importations de produits agricoles et, dans de nombreuses régions pauvres, la sécurité alimentaire ne s’améliorera qu’à condition d’une augmentation considérable de la production au niveau local.
2 pour cent seulement au cours de la décennie suivante. Mis à part les facteurs temporaires (dont le principal a été le déclin de la consommation dans les économies en transition dans les années 1990), deux autres raisons plus persistantes ont été à l’origine de ce fléchissement: • Le taux de croissance de la population mondiale a atteint son niveau maximum, à savoir 2 pour cent par an, à la fin des années 1960, et il a diminué à partir de ce moment-là. • Une proportion croissante de la population mondiale avait atteint des niveaux de consommation alimentaire assez élevés et, de ce fait, les possibilités que ceux-ci augmentent encore étaient limitées. En 1997-99, 61 pour cent de la population mondiale vivaient dans des pays où la consommation alimentaire moyenne par personne était supérieure à 2 700 calories par jour.
Jusqu’ici, l’agriculture mondiale a été en mesure de satisfaire la demande croissante de produits végétaux et animaux. Bien que la population mondiale ait doublé entre 1960 et 2000 et que les niveaux de nutrition se soient considérablement améliorés, les prix du riz, du blé et du maïs (les principaux aliments de base dans le monde) ont chuté d’environ 60 pour cent. La baisse des prix indique que, mondialement, les disponibilités ont non seulement satisfait la demande, mais l’ont même excédée. Bien que la demande mondiale de produits agricoles ait continué d’augmenter, la progression a été moins rapide ces dernières décennies. Entre 1969 et 1989, la demande a cru à un taux moyen de 2,4 pour cent par an, mais celui-ci est tombé à
La demande de produits agricoles continuera d’augmenter à un rythme plus lent Ces facteurs vont continuer d’influencer les tendances de la demande au cours des trois prochaines décennies. Par exemple, la population mondiale va continuer d’augmenter, mais moins rapidement, à un taux de 1,1 pour cent par an jusqu’en 2030, contre 1,7 pour cent par an ces 30 dernières années. Par conséquent, on prévoit que la demande future de produits agricoles va encore ralentir, n’augmentant que de 1,6 pour cent par an pour la période de 1997-99 à 2015 et de 1,4 pour cent par an entre 2015 et 2030. Dans les pays en développement, la baisse sera plus spectaculaire: le taux de croissance qui a été de 3,7 pour cent ces 30 dernières années va passer à 2 pour cent en moyenne dans les 30 prochaines.
11
En 1997-99, 61 pour cent de la population mondiale vivaient dans des pays où la consommation alimentaire moyenne par personne était supérieure à 2 700 calories par jour.
Les forces qui sous-tendent ce ralentissement sont révélées par l’exemple de la Chine, qui a été l’un des principaux moteurs de croissance de la demande de produits alimentaires et agricoles dans le monde, et dans les pays en développement, ces dernières décennies. En 1997-99, les Chinois étaient arrivés à une consommation alimentaire moyenne journalière de 3 040 calories (inférieure de 10 pour cent seulement au niveau des pays industrialisés). On prévoit que la consommation alimentaire en Chine va augmenter quatre fois moins vite dans les trois prochaines décennies qu’au cours des trois dernières, alors que sa population augmentera trois fois moins vite que par le passé. Etant donné la taille de la population chinoise, ces changements à eux seuls vont avoir un impact énorme sur la situation mondiale. De nombreux autres pays (y compris certains parmi les plus populeux) vont connaître des changements très similaires qui vont encore faire diminuer la croissance de la demande. La ration énergétique journalière moyenne en Inde est encore inférieure à 2 500 calories, et l’on peut s’attendre à ce que ce niveau augmente
considérablement, alors que la population va croître à un taux moyen de plus de 1 pour cent dans les 30 prochaines années. L’Inde pourrait-elle alors remplacer la Chine en tant que principal moteur de croissance de la demande agricole mondiale? On ne s’attend pas à ce que tel soit le cas, car en raison des traditions culturelles en Inde, on y montre une préférence pour l’alimentation végétarienne, ce qui va maintenir la demande de viande et d’aliments pour animaux bien en dessous des niveaux atteints en Chine. Les déficits commerciaux du secteur agricole des pays en développement vont s’accentuer Traditionnellement, sur l’ensemble des pays en développement, le commerce agricole se soldait par un excédent net. Celui-ci a atteint sa valeur maximum de 17,5 milliards de dollars EU en 1977. Depuis, les importations ont eu tendance à augmenter plus vite que les exportations. La balance commerciale du secteur agricole des pays en développement a progressivement diminué et, au milieu des années 1990, elle était plus souvent négative que positive. Le déficit le plus élevé qui ait été enregistré atteignait 6 milliards de dollars EU, et c’était en 1996. Cette tendance générale masque une situation complexe, qui varie d’un produit à l’autre et d’un pays à l’autre. Le déclin massif de l’excédent net du commerce du sucre, des oléagineux et des
1 400
280
1 200
240
1 000
200
800
160
600
120
400
80
200
40
Indice base 100 = 1990
$EU de 1990/tonne
Prix mondiaux des produits agricoles, 1960 à 2000
Agriculture Produits alimentaires Maïs Huile de palme Riz Soja
0
1960
1965
1970
1975
1980
1985
1990
1995
2000
0
Blé
Année Source: Banque mondiale (2001a)
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huiles végétales, par exemple, dans les pays en développement reflète une consommation et des importations croissantes dans plusieurs d’entre eux ainsi que l’impact des politiques protectionnistes des principaux pays industrialisés. Pour les denrées produites presque entièrement dans les pays en développement et consommées essentiellement dans les pays industrialisés, telles que le café et le cacao, la progression lente de la demande a entravé l’amélioration de la balance commerciale des pays en développement. Les fluctuations et, en définitive, la baisse des prix ont encore aggravé le problème. Les projections à l’horizon 2030 indiquent que le déficit du commerce agricole des pays en développement va encore s’intensifier. En
particulier, les importations nettes de céréales et de produits animaux vont continuer d’augmenter assez rapidement. La production répondra à la demande, mais l’insécurité alimentaire va persister Une analyse approfondie montre que, mondialement, on dispose de suffisamment de terres, de sols et d’eau, et d’un potentiel adéquat d’augmentation des rendements, pour pouvoir atteindre les niveaux de production nécessaires. L’accroissement des rendements sera plus lent que par le passé, mais ceci n’est pas forcément alarmant au niveau mondial, car il ne sera pas nécessaire que la production augmente aussi rapidement à l’avenir que dans le passé.
Balance commerciale agricole nette des pays en développement, 1984 à 1999 40
30
20 Autres produits végétaux et animaux
Milliards de $EU (prix actuels)
Viande (y comp. animaux vivants) et produits laitiers 10
Céréales et préparations à base de céréales Fruits et légumes (frais et en conserve, à l'excl. des bananes et du manioc)
0
Bananes Caoutchouc naturel -10
Tabac Sucre Cacao, café et thé
-20
Produits oléagineux (graines oléagineuses, huiles, tourteaux/farines) Tous produits végétaux et animaux (de base et transformés)
-30
-40
-50 1984
1989
1994
Année
1999
Source: données FAO
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Néanmoins, ce qui est possible ne deviendra réalité que si les politiques suivies sont propices à l’agriculture. Mondialement, les producteurs ont satisfait dans le passé la demande solvable du marché, et il y a de grandes chances qu’ils continuent de le faire. Mais la demande solvable ne représente pas le besoin total d’aliments et autres produits agricoles, car des centaines de millions de personnes n’ont pas l’argent nécessaire pour acheter ce dont elles ont besoin ou ne disposent pas des ressources leur permettant de le produire elles-mêmes. Même donc si le monde dans son ensemble offre un potentiel de production suffisant, on rencontrera toujours des problèmes d’insécurité alimentaire au niveau national ou à celui des ménages. Dans les milieux urbains, l’insécurité alimentaire reflète généralement une insuffisance de revenus, alors que dans les milieux ruraux
pauvres elle est souvent indissociable des problèmes affectant la production alimentaire. Dans beaucoup de régions du monde en développement, la majorité des gens dépend encore de l’agriculture locale pour son alimentation et/ou ses revenus, mais le potentiel des ressources locales quant à de nouvelles augmentations de la production est très limité, tout du moins dans les conditions technologiques actuelles. On donnera comme exemples les régions semi-arides et les régions affectées par des problèmes de sols. Dans de telles régions, l’agriculture doit être développée par le soutien à la recherche et à la vulgarisation agricoles et par la mise à disposition de crédits et d’infrastructures, parallèlement à la création d’autres possibilités de revenus. Sinon, l’insécurité alimentaire locale restera très répandue, même dans un contexte d’abondance au niveau mondial.
Perspectives de l’alimentation et de la nutrition L’amélioration de la nutrition humaine se poursuivra au niveau mondial, mais les progrès seront lents en termes quantitatifs. Même d’ici 2030, des centaines de millions de pauvres resteront toujours sous-alimentés, à moins d’accorder une priorité renforcée à la production alimentaire locale et de réduire l’inégalité d’accès aux vivres. Cependant, l’incidence plus faible de la sous-alimentation rendra le problème plus facile à résoudre par le biais d’interventions au niveau des politiques nationales et internationales.
La nutrition a été considérablement améliorée Etre libéré de la faim n’est pas seulement un droit humain fondamental: c’est essentiel à la jouissance d’autres droits, tels que la santé, l’éducation et le travail, et tout ce qui découle de ceux-ci. Le monde a élevé de façon significative les niveaux de nutrition au cours des trois dernières décennies. Ces niveaux se mesurent le plus souvent en calories par personne et par jour. Les besoins des habitants des pays en développement se situent entre 1 720 et 1 960 calories par jour pour satisfaire leur métabolisme de base et une légère activité.
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La consommation alimentaire moyenne mondiale par personne a augmenté de près d’un cinquième, passant de 2 360 calories par personne et par jour au milieu des années 1960 à 2 800 calories par personne et par jour aujourd’hui. Les hausses de la moyenne mondiale reflètent principalement celles des pays en développement, étant donné que dans les économies industrialisées et en transition les niveaux de consommation alimentaire étaient déjà assez élevés au milieu des années 1960. Au cours de la période jusqu’en 1997-99, la consommation alimentaire journalière moyenne par habitant dans les pays en développement est passée de 2 050 à 2 680 calories (voir tableau A3 en annexe). La proportion de la population mondiale vivant dans des pays où la ration énergétique est faible a diminué de manière spectaculaire. Au milieu des années 1960, pas moins de 57 pour cent vivaient dans des pays où la ration moyenne était inférieure à 2 200 calories par jour. L’Inde et la Chine appartenaient toutes les deux à cette catégorie. En 1997-99, bien que la population mondiale ait presque doublé, approchant de six
milliards, cette proportion était tombée à 10 pour cent seulement. Même les chiffres absolus (qui baissent plus lentement en raison de la croissance démographique) indiquaient une réduction de plus des deux tiers, de 1 890 millions à 570 millions. A l’autre extrême, la part de la population mondiale vivant dans des pays où la ration énergétique moyenne est supérieure à 2 700 calories par jour a plus que doublé: de 30 pour cent elle est passée à 61 pour cent. Des hausses rapides dans certains des pays en développement les plus populeux, y compris la Chine, le Brésil, l’Indonésie et le Nigéria, expliquent en grande partie ces progrès. L’Inde, par contre, n’est pas encore entrée dans cette catégorie. Pendant cette même période, la consommation annuelle mondiale de céréales, tant pour l’alimentation humaine qu’animale, a doublé pour atteindre 1,9 milliards de tonnes, alors que celle de viande a plus que doublé: ce n’est pas un mince exploit, compte tenu des inquiétudes largement répandues selon lesquelles la planète aurait épuisé son potentiel d’augmentation de la production. Parmi les principales forces à l’origine de cette réalisation, il faut citer des revenus plus élevés, qui ont entraîné une croissance de la demande solvable, des disponibilités accrues grâce à l’amélioration de la productivité, et le développement des échanges commerciaux et du transport, qui ont permis de combler les déficits alimentaires de certaines régions par les excédents d’autres régions. Et pourtant, des centaines de millions de personnes restent sous-alimentées Cet accomplissement remarquable a néanmoins laissé pour compte une vaste quantité de gens, qui continuent à mal vivre. En 1997-99 les personnes
En 1997-99 on dénombrait encore 777 millions de personnes sousalimentées dans les pays en développement, soit environ une personne sur six.
sous-alimentées étaient encore au nombre de 777 millions dans les pays en développement, soit une personne sur six environ. Ceci ne représente qu’une réduction modeste par rapport au chiffre de 816 millions pour 1990-92. En Chine, grâce à l’énorme atténuation de la pauvreté, la consommation alimentaire moyenne nationale a considérablement augmenté (et ceci a eu un fort impact sur la situation mondiale). Si l’on fait abstraction de la Chine, il s’avère clairement que le nombre de personnes sous-alimentées s’est accru de près de 40 millions dans les autres pays en développement. La région possédant le plus grand nombre de personnes sous-alimentées en 1997-99 était l’Asie du Sud, où 303 millions de gens (juste un peu moins d’un quart de la population) souffraient encore de sous-alimentation. La proportion la plus élevée se rencontrait en Afrique subsaharienne, où plus d’un tiers de la population totale, soit 194 millions de personnes, était sous-alimenté. En 1997-99, la consommation alimentaire moyenne par personne était encore inférieure à 2 200 calories par jour dans quelque 30 pays en développement. La guerre et les conflits civils étaient des facteurs significatifs dans rien moins que la moitié de ces pays. Dans la plupart d’entre eux, la consommation alimentaire se situe aujourd’hui à des niveaux inférieurs à ceux atteints dans le passé. Sur ces 30 pays, 23 se trouvent en Afrique subsaharienne, et 7 seulement dans d’autres régions.
Progrès mondiaux en nutrition: pourcentage de la population mondiale pour différents apports énergétiques, en 1964-66 et en 1997-99 Calories
1997-99
1964-66
10%
20%
2 200 2 200-2 500
9%
2 500-2 700
57% 25%
42%
5% 9%
2 700-3 000 3 000
19%
4% Source: données FAO
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Les populations et les revenus vont continuer d’augmenter Les tendances futures en matière de consommation alimentaire sont déterminées par la croissance de la population et des revenus, et par la transformation des régimes alimentaires. Selon les toutes dernières projections des Nations unies, la croissance démographique mondiale continuera à ralentir. D’après la projection moyenne des Nations unies, les 6,1 milliards d’habitants dénombrés en 2000 vont passer à 7,2 milliards en 2015 et à 8,3 milliards en 2030 – pour atteindre environ 9,3 milliards en 2050. La vision d’une explosion continue de la population n’est pas fondée. En fait, il y a plus de 30 ans que le taux de croissance démographique a atteint son maximum de 2,04 pour cent par an, à la fin des années 1960. Depuis lors, ce taux est tombé à 1,35 pour cent. On prévoit qu’il va encore fléchir pour arriver à 1,1 pour cent au cours de la période 2010 à 2015 et à 0,8 pour cent entre 2025 et 2030. Ceci va ralentir la croissance de la demande de vivres. Le nombre absolu de personnes qui s’ajoutent chaque année à la population a déjà passé son niveau maximum de 86 millions par an, niveau atteint à la fin des années 1980. Malgré tout, le nombre de personnes supplémentaires par an, actuellement autour de 77 millions, équivaut encore à près d’une nouvelle Allemagne par an. Les augmentations annuelles ne vont diminuer que lentement durant la période d’étude: même dans la période 2025 à 2030, elles s’élèveront encore à 67 millions par an. Il faudra attendre le milieu du siècle pour que ces augmentations ralentissent de manière significative, pour arriver à 43 millions par an entre 2045 et 2050. Presque toutes ces augmentations se manifesteront dans les pays en développement. A l’horizon 2030, on remarquera des différences importantes quant aux taux de croissance démographique parmi les pays en développement. Alors que la population de l’Asie de l’Est ne croîtra que de 0,4 pour cent par an, celle de l’Afrique subsaharienne augmentera encore à raison de 2,1 pour cent. Vers 2030, une sur trois des nouvelles personnes qui viendront s’ajouter à la population mondiale naîtra en Afrique subsaharienne. Vers 2050, ce sera une personne sur deux. L’autre facteur principal déterminant la demande de vivres est l’accroissement des
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revenus. La plus récente évaluation de la croissance économique future réalisée par la Banque mondiale est moins optimiste que les précédentes, mais elle prévoit encore une hausse de 1,9 pour cent par an des revenus par personne entre 2000 et 2015, ce qui est supérieur à la croissance de 1,2 pour cent que l’on a connue dans les années 1990. Ce qui se produira au niveau de l’incidence de la pauvreté dans ce scénario économique global est d’une grande importance pour la sécurité alimentaire car la pauvreté et la faim sont étroitement liées. La Banque mondiale a estimé les répercussions de ses projections de croissance économique sur la réduction de la pauvreté d’ici 2015. Elles étaient les suivantes: • Il est possible de réaliser l’objectif visant à réduire de moitié la proportion de la population vivant dans la pauvreté absolue (qui est définie comme un revenu inférieur à 1 dollar EU par jour) d’ici 2015, par rapport au niveau de 1990. • Toutefois, il est peu probable que l’on parvienne aussi à réduire le nombre de pauvres de moitié. Il va baisser de 1,27 milliards en 1990 à 0,75 milliards en 2015. • Cette réduction sera due en grande partie au développement de l’Asie de l’Est et du Sud. En fait, environ la moitié de la réduction de 400 millions prévue pour l’Asie de l’Est est déjà une réalité. • Ce n’est qu’en Afrique subsaharienne (où l’on s’attend à ce que les revenus s’améliorent très lentement) qu’on prévoit une augmentation du nombre de personnes vivant dans la pauvreté, de 240 millions en 1990 à 345 millions en 2015. A cette époque, deux personnes sur cinq dans cette région vivront dans la pauvreté. L’état nutritionnel moyen va s’améliorer, mais la sous-alimentation ne va régresser que lentement Compte tenu de l’évolution prévue de la population et des revenus, on s’attend à ce que la nutrition
D’ici 2030, les trois quarts de la population du monde en développement pourraient vivre dans des pays où moins de 5 pour cent de la population seront sous-alimentés – ceci n’est le cas que pour une personne sur treize actuellement.
Nombre de personnes sous-alimentées par région, de 1990-92 à 2030 350
300
1990-92 1997-99
Millions de personnes
continue à s’améliorer, bien que plus lentement qu’auparavant. La consommation alimentaire moyenne par habitant dans les pays en développement devrait augmenter de 6,3 pour cent, passant de 2 680 calories en 1997-99 à 2 850 calories en 2015. Ceci équivaut à un tiers de la hausse qui s’est produite entre 1974-76 et 1997-99. Ce ralentissement est dû non pas à des limites de production, mais au fait que de nombreux pays ont maintenant atteint des niveaux de consommation moyens à élevés, au-delà desquels la marge d’augmentation ultérieure est plus limitée que dans le passé. de vastes pays, comme la Chine, où la consommation est passée de 2 050 calories/personne/jour au milieu des années 1970 à plus de 3 000 calories/personne/ jour aujourd’hui, ont déjà passé la phase de croissance rapide. De plus en plus de pays atteindront des niveaux similaires au cours de la période couverte par les projections. Le Sommet mondial de l’alimentation de 1996 avait fixé comme objectif de réduire de moitié le nombre de personnes sous-alimentées dans les pays en développement d’ici 2015, par rapport à la période de référence de 1990-92. Les travaux de la FAO ont établi que la proportion de gens sousalimentés devrait diminuer de manière significative, passant de 20 pour cent en 1990-92 à 11 pour cent d’ici 2015 et à 6 pour cent d’ici 2030. Cependant, en nombre de personnes, il est peu probable que l’objectif du Sommet mondial de l’alimentation soit atteint. Le nombre total de personnes sous-alimentées tombera probablement de 815 millions en 1990-92 à quelque 610 millions d’ici 2015. Il faudrait attendre 2030 pour que le nombre soit réduit à 440 millions, et que l’on s’approche de l’objectif fixé pour 2015. La proportion de la population mondiale vivant dans des pays où la consommation alimentaire par habitant est inférieure à 2 200 calories/personne/ jour tombera à 2,4 pour cent seulement en 2030. La réduction du nombre de personnes sousalimentées sera impressionnante dans certaines régions: en Asie du Sud, par exemple, il pourrait chuter de 303 millions en 1997-99 à 119 millions en 2030, alors qu’en Asie de l’Est le niveau actuel de 193 millions de personnes pourrait être réduit de moitié. Par contraste, en Afrique subsaharienne ainsi qu’au Proche-Orient et en Afrique du Nord, le nombre de personnes sous-alimentées, s’il baisse, ne baissera vraisemblablement que très peu, alors
250
2015 2030
200
150
100
50
0
Asie du Sud
Asie de l'Est
Afrique Proche-Orient et Amérique latine subsaharienne Afrique du Nord et Caraïbes
Source: données et projections FAO
que la proportion sera réduite d’environ moitié. D’ici 2030, on devrait voir dans toutes les régions, à l’exception de l’Afrique subsaharienne, une diminution du taux de sous-alimentation qui devrait se situer entre 4 et 6 pour cent, alors qu’il varie de 9 à 24 pour cent aujourd’hui. En Afrique subsaharienne, 15 pour cent de la population, soit 183 millions de personnes, seront encore sousalimentées à l’horizon 2030. Ce chiffre sera de loin le total le plus élevé de toutes les régions, et n’est que 11 millions de moins qu’en 1997-99. Le sort de l’Afrique subsaharienne est donc source de grande préoccupation. Au fur et à mesure de l’accroissement des revenus, l’accès aux vivres devrait devenir plus équitable. Ceci parce que les gens pauvres consacrent une proportion élevée de leurs augmentations de revenu à l’alimentation, alors que la quantité de nourriture que les riches sont prêts à consommer ne dépasse pas un certain plafond. Cette plus grande égalité aura un impact significatif sur le nombre de personnes sousalimentées. Par exemple, dans les 44 pays où la consommation alimentaire moyenne par habitant sera supérieure à 2 700 calories par jour en 2015, le nombre de personnes sous-alimentées s’élèvera, d’après les prévisions, à 295 millions. Mais si l’inégalité d’accès à la nourriture devait rester ce qu’elle est aujourd’hui, ce nombre serait de 400 millions.
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La réduction du nombre de personnes sousalimentées entre aujourd’hui et 2030 sera lente, pour plusieurs raisons: • Là où la croissance démographique reste rapide, bien que la proportion de sous-alimentés puisse diminuer, le nombre absolu baissera beaucoup moins vite et dans certains cas il est possible qu’il augmente. Ceci est un important facteur en Afrique subsaharienne ainsi qu’au ProcheOrient et en Afrique du Nord. • La croissance économique ne sera pas assez rapide. Au Niger, par exemple, 3,3 millions de personnes, soit 41 pour cent de la population, étaient sous-alimentées en 1990-92. Pour atteindre l’objectif du Sommet mondial de l’alimentation, le nombre de sous-alimentés devrait tomber à 1,65 millions, soit 9 pour cent de la population, d’ici 2015. Pour y parvenir, il faudrait des taux de croissance bien supérieurs à ceux que le Niger a connus ces deux dernières décennies. • Plusieurs pays héritent de conditions de départ particulièrement défavorables, notamment une faible consommation alimentaire moyenne nationale, une incidence élevée de la sous-
Changements des régimes alimentaires dans les pays en développement, de 1964-66 à 2030 3 000
2 500
Calories/personne/jour
Autres Légumineuses
2 000
Racines et tubercules Viande
1 500
Sucre Huiles végétales 1 000
Autres céréales Blé Riz
500
0 1964-66 1997-99
2030
Source: données et projections FAO
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alimentation et une forte croissance démographique en prévision. Par exemple, en 1990-92, dans neuf pays en développement l’incidence de la sous-alimentation était supérieure à 50 pour cent (Afghanistan, Angola, Burundi, République démocratique du Congo, Erythrée, Ethiopie, Haïti, Mozambique et Somalie). On s’attend à ce que la proportion de personnes sous-alimentées dans ces pays tombe à 39 pour cent d’ici 2015 et à 25 pour cent d’ici 2030. Néanmoins, étant donné le taux de croissance relativement élevé de la population de ce groupe, le nombre absolu de personnes affectées va s’élever à 115 millions en 2015 et il se peut qu’il atteigne encore 106 millions en 2030. Et de plus ces chiffres sont basés sur des projections de croissance de la consommation alimentaire qui sont beaucoup plus fortes que les taux les plus élevés connus au cours de périodes comparables dans le passé. • Dans les pays où la consommation alimentaire moyenne est actuellement faible et où la majorité des gens souffrent de la faim, réduire l’inégalité d’accès aux vivres n’a qu’un impact limité sur les niveaux de sous-alimentation. Ceci est dû au fait que peu de gens ont un régime alimentaire dépassant le strict minimum adéquat, et par conséquent le fait de redistribuer leur “excédent” alimentaire n’améliore pas grandement la situation. En 2015, il existera encore 41 pays où la consommation alimentaire moyenne sera de 2 500 calories par jour, ou moins. • A l’avenir, le seuil définissant la sousalimentation sera plus élevé, du fait que le vieillissement de la population réduit la proportion d’enfants. Comme les besoins énergétiques des enfants sont inférieurs à ceux des adultes, les besoins moyens en calories dans les pays en développement augmenteront d’environ 3 pour cent d’ici 2030. Sans cette augmentation du seuil, le nombre estimé de personnes sous-alimentées en 2030 serait de 370 millions au lieu de 440 millions. Le nombre de personnes sous-alimentées peut être réduit plus rapidement si l’on accorde une priorité majeure à l’agriculture, si l’on augmente la production alimentaire nationale et si l’on réduit l’inégalité d’accès aux vivres. Ces trois mesures devraient être associées à des interventions continues visant à remédier aux conséquences des crises alimentaires locales, jusqu’à ce que les
Comment les régimes alimentaires vont changer
Tout comme la ration énergétique moyenne a augmenté, les régimes alimentaires des gens ont aussi changé. Les tendances de consommation alimentaire viennent à se ressembler dans le monde entier, en incorporant des aliments de meilleure qualité et plus chers, tels que la viande et les produits laitiers. Cette tendance est due en partie simplement aux préférences des consommateurs. Mais elle est due aussi, en partie, à l’expansion du commerce international des produits alimentaires, à la diffusion mondiale des chaînes de restauration rapide, et à l’exposition aux habitudes alimentaires américaines et européennes. La commodité, comme par exemple la portabilité et la facilité de préparation du pain ou des pizzas toutes prêtes par rapport aux racines alimentaires, joue aussi un rôle. Les changements des régimes alimentaires suivent étroitement les augmentations de revenus et se produisent presque indépendamment de la géographie, de l’histoire, de la culture ou de la religion. Toutefois, les facteurs culturels et religieux expliquent les différences entre les pays où les revenus sont similaires. Par exemple, les hindous s’abstiennent de bœuf ou de viande en général, les musulmans et les juifs de porc. Malgré des revenus semblables, les Japonais consomment beaucoup moins de calories provenant d’aliments non féculents que les Américains, tout comme les Thaïlandais par rapport aux Brésiliens. La convergence des régimes alimentaires est assez forte parmi les pays à revenus élevés de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), où les tendances de
consommation alimentaire indiquent un chevauchement de 75 pour cent avec celles des Etats-Unis, ce qui veut dire que 75 pour cent des produits alimentaires transformés ont pour base les mêmes matières premières. Même le Japon s’est rapproché des autres pays de l’OCDE, le chevauchement étant passé de 45 pour cent en 1961 à environ 70 pour cent en 1999. Une convergence vers les modèles alimentaires américains se manifeste également dans d’autres groupes de pays en développement, bien qu’elle reste lente dans certains cas, notamment dans les pays enclavés ou isolés politiquement, où les influences internationales pénètrent moins facilement. Cependant, les facteurs culturels semblent faire plafonner la convergence à environ 80 pour cent, du moins pour l’instant. Ces changements de régimes alimentaires ont eu, et vont continuer d’avoir, un impact sur la demande mondiale de produits agricoles. La consommation de viande dans les pays en développement, par exemple, a augmenté de 10 kg seulement par personne et par an en 1964-66 à 26 kg en 1997-99. Il est prévu qu’elle va encore augmenter, pour atteindre 37 kg par personne et par an en 2030. Le lait et les produits laitiers ont également connu une croissance rapide: de 28 kg par personne et par an en 1964-66 à 45 kg aujourd’hui, et ce chiffre pourrait grimper à 66 kg d’ici 2030. On s’attend à ce que l’apport énergétique provenant du sucre et des huiles végétales augmente. Cependant, on prévoit que la consommation humaine moyenne de céréales, de légumineuses, de racines et de tubercules va plafonner.
causes premières de la sous-alimentation aient été éliminées. Il est possible pour les pays d’améliorer leurs niveaux de nutrition, même en l’absence d’une croissance économique significative. Au Mali, la consommation alimentaire moyenne a augmenté de près d’un tiers durant les années 1980, bien que les revenus moyens aient diminué pendant cette période. D’autres pays, comme le Bénin, le
Burkina Faso, le Ghana, la Mauritanie et le Nigéria, ont fait des bonds en avant similaires alors que les revenus ont augmenté lentement. La caractéristique commune semble avoir été la croissance rapide de la production d’aliments de base (céréales, racines et tubercules), ce qui a conduit à une meilleure autosuffisance, au moins en ce qui concerne les céréales. Comme l’agriculture était en majorité pratiquée au niveau de subsistance ou
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même moins, l’accroissement de la production a eu pour conséquence directe d’améliorer la consommation alimentaire parmi les populations rurales. Le problème de la sous-alimentation devrait devenir plus maîtrisable Les projections impliquent que le problème de la sous-alimentation devrait devenir plus maîtrisable à l’avenir. Ceci se manifestera de deux manières principales: • Au fur et à mesure que l’incidence de la sousalimentation va baisser, il sera plus facile pour un nombre croissant de pays de résoudre le problème par le biais d’interventions au niveau des politiques nationales. D’ici 2030, les trois quarts de la population des pays en développement, contre 7,7 pour cent actuellement, pourraient vivre dans des pays où moins de
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5 pour cent de personnes seront sous-alimentées. Cette amélioration spectaculaire proviendra du fait que la majorité des pays les plus populeux (Brésil, Chine, Inde, Indonésie, République islamique d’Iran, Mexique et Pakistan) vont passer dans la catégorie “moins de 5 pour cent”. • Le nombre de pays connaissant de graves problèmes de sous-alimentation va diminuer au fil des années. Les interventions au niveau des politiques internationales auront tendance à devenir plus réalisables et effectives, car l’effort global n’aura plus à être réparti sur un aussi grand nombre. Par exemple, si les projections se confirment, le nombre de pays à incidence de sous-alimentation supérieure à 25 pour cent passera du chiffre actuel de 35 (représentant 13 pour cent de la population des pays en développement) à 15 seulement en 2030 (seulement 3,5 pour cent de la population).
L’alimentation et l’agriculture dans le contexte national et international La pauvreté et l’agriculture La plus grande partie de l’Afrique subsaharienne exceptée, les pays en développement progressent vers l’objectif que se sont fixé les Nations unies: réduire l’incidence de la pauvreté de moitié d’ici 2015. La croissance de l’agriculture et des activités rurales non agricoles, en plus des améliorations de la nutrition, seront essentielles à la poursuite de ce succès. La situation en Afrique subsaharienne, qui continue à s’enfoncer dans la pauvreté, est source de grave préoccupation.
La sous-alimentation n’est pas seulement une manifestation de la pauvreté, c’est aussi une de ses causes. La pauvreté se caractérise certes par le manque de revenus et la sous-consommation, mais aussi par des privations en matière de santé, d’éducation, de nutrition, de sécurité, de garanties juridiques et de droits politiques, entre autres. Toutes ces facettes de la pauvreté sont interdépendantes et se renforcent les unes les autres. Au cours de la décennie passée, la pauvreté et la question connexe de l’inégalité ont pris la première place dans l’ordre du jour du développement international. Lors des divers sommets tenus depuis le début des années 1990, les dirigeants mondiaux ont proclamé leur engagement à réduire la pauvreté et ont adopté une série d’objectifs pour la combattre. Ces objectifs couvrent un vaste domaine, allant de la mortalité infantile et juvénile à la scolarisation, de l’égalité des sexes à la mortalité maternelle, de l’accès aux services médicaux et de santé de la reproduction à l’adoption de stratégies nationales de développement durable. La Déclaration du
Millénaire des Nations unies, adoptée en septembre 2000, regroupe la plupart de ces objectifs, dont celui de réduire de moitié, d’ici 2015, la proportion de personnes vivant dans une extrême pauvreté. Les objectifs internationaux, et les indicateurs employés pour mesurer les progrès accomplis, ne doivent pas être considérés comme des critères finement ajustés afin de guider les priorités en matière de politique et de financement, ni comme des mesures exactes de ces progrès. Dans beaucoup de pays pauvres, les données nécessaires ne sont ni fiables ni à jour. En outre, elles ne sont pas nécessairement comparables de l’un à l’autre. Mais ces objectifs sont utiles pour attirer l’attention sur la persistance de la pauvreté, pour influencer l’opinion et créer un sentiment d’urgence auprès du grand public, des dirigeants politiques et de la communauté du développement. Les indicateurs peuvent aussi servir de guides sommaires pour évaluer les progrès accomplis. Progrès généraux et perspectives A l’aube du XXIème siècle, plus de 1,1 milliard de personnes vivaient dans la misère, avec un revenu inférieur à 1 dollar EU par jour. Des progrès sensibles mais irréguliers ont été accomplis par rapport à l’objectif de réduire de moitié cette proportion d’ici 2015: elle est tombée de 32 pour cent en 1990 à 25 pour cent en 1999. En raison de la croissance de la population, cependant, cette baisse est moins impressionnante si on l’exprime en nombre de personnes, puisqu’elle est passée de 1 269 millions à 1 134 millions. Le bilan est très différent selon les régions. En Asie de l’Est, la pauvreté a chuté considérablement au cours des années 1990. En Asie du Sud, bien que la proportion des pauvres ait diminué, leur
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Déclaration du Millénaire des Nations unies: quelques objectifs de la lutte contre la pauvreté Ces objectifs doivent être atteints d’ici 2015, avec l’année 1990 comme base de référence: • Réduire de moitié la proportion de la population mondiale dont le revenu est inférieur à 1 dollar EU par jour. • Réduire de moitié la proportion des personnes qui souffrent de la faim. • Réduire de moitié la proportion des personnes qui n’ont pas accès à l’eau potable. • Assurer que tous les enfants du monde puissent suivre tout un cycle d’études primaires. • Assurer un accès égal pour les garçons et les filles à tous les niveaux d’éducation. • Réduire de deux tiers la mortalité des enfants de moins de cinq ans. • Réduire de trois quarts la mortalité maternelle. • Enrayer la propagation du VIH/sida, du paludisme et des autres grandes maladies.
nombre total est resté presque constant. En Afrique subsaharienne, la proportion de pauvres n’a pratiquement pas changé, mais leur nombre est monté en flèche. Les dernières projections de la Banque mondiale donnent à penser que l’objectif de réduire de moitié la proportion de la population vivant dans la misère dans les pays en développement d’ici 2015 peut être atteint. Toutefois, même si cette cible était atteinte, du fait de la croissance démographique le nombre absolu de pauvres ne baisserait que de 30 pour cent. En Afrique subsaharienne, la cible semble impossible à atteindre: les projections anticipent une faible réduction de la proportion de pauvres et une augmentation continue de leur nombre. De plus, les projections de la Banque mondiale reposent sur une croissance économique plus rapide qu’autrefois. La Banque souligne que, si la croissance lente des années 1990 persiste, le nombre de personnes vivant dans la misère restera proche du niveau actuel pendant les 15 années à venir. Pour réduire la pauvreté partout dans le monde, il est essentiel que les revenus augmentent plus rapidement. La réduction de l’inégalité est également cruciale, surtout dans les pays où elle est prononcée. Selon diverses évaluations, les pays de forte inégalité devraient atteindre une croissance double de celle des pays à faible inégalité pour répondre aux objectifs de la lutte contre la pauvreté. Raisons de privilégier une meilleure nutrition L’alimentation et l’agriculture jouent un rôle fondamental dans les causes et la réduction de la pauvreté.
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La sous-alimentation est un aspect central de la pauvreté et une violation directe d’un droit humain universellement reconnu. Elle renforce également les autres aspects de la pauvreté, selon les grandes modalités ci-après: • Elle rend les gens plus sensibles à la maladie. Les périodes de maladie réduisent à leur tour la consommation et l’absorption de nourriture, ce qui produit un cruel cercle vicieux où la faim et la maladie se renforcent mutuellement. • Quand les femmes enceintes et allaitantes sont sous-alimentées, les enfants ont un poids insuffisant à la naissance et débutent dans la vie avec un handicap nutritionnel qui peut continuer à nuire à leur santé pendant leur vie entière. • La sous-alimentation peut affecter le développement du cerveau avant la naissance et l’attention en classe, ce qui la rend donc cause de retard scolaire. • Quand les rations en calories et protéines ne suffisent pas à répondre aux besoins du travail, la masse musculaire et la productivité du travail peuvent diminuer. En plus de la maladie, cet effet a des conséquences sur les salaires et les revenus. Des études ont prouvé qu’une différence de 1 pour cent de l’indice de masse corporelle (IMC, mesure de la relation entre poids et taille) est associée à une différence de salaire de plus de 2 pour cent, au moins sur une partie de la plage des IMC. • Les carences en micronutriments peuvent aussi réduire la capacité de travail. Des études donnent à penser que l’anémie ferriprive est associée à une perte de 17 pour cent de la productivité chez les travailleurs de force.
L’agriculture détient la clé Aujourd’hui, la communauté du développement partage plus ou moins la même approche en ce qui concerne la réduction de la pauvreté. Elle consiste à encourager une croissance économique bénéficiant aux pauvres et à leur favoriser l’accès à tous les services et aux autres facteurs qui entraînent un recul de la pauvreté et procurent un niveau de vie acceptable: marchés, crédit et avoirs générateurs de revenus, éducation de base, services de santé et d’hygiène, eau potable, infrastructures de transports et de communications, etc. Assurer l’accès à ces droits humains fondamentaux est certes une fin en soi, mais cela stimule aussi la croissance économique. La croissance du secteur agricole a un rôle crucial à jouer dans la lutte contre la pauvreté et l’inégalité. Le Fonds international pour le développement agricole (FIDA) estime que sept pauvres sur dix dans le monde vivent encore en milieu rural. Il s’agit de petits agriculteurs, de paysans sans terre, de pasteurs traditionnels, d’artisans-pêcheurs et de groupes marginalisés comme les réfugiés, les peuples autochtones et les ménages dirigés par une femme. Beaucoup de ruraux pauvres travaillent directement dans l’agriculture, comme petits exploitants ou ouvriers agricoles. Il est possible
Evolution de la pauvreté dans le monde: nombre d’habitants pauvres, 1990 à 2015
600
Millions de pauvres
• Les investissements et la prise de risques sont essentiels à la croissance économique, mais il est probable que les gens qui subsistent au bord de la famine seront extrêmement prudents en matière d’investissements, car ils ne peuvent pas se permettre la moindre baisse de production ou de revenus. • Tous ces facteurs expliquent que la famine peut réduire les performances de toute une économie. Les études menées en Inde, au Pakistan, au Bangladesh et au Viet Nam estiment que les pertes de productivité des adultes dues à la combinaison du poids insuffisant à la naissance et des carences en iode et en fer affectent considérablement la croissance des revenus. La croissance des revenus est une condition essentielle de la lutte contre la sous-alimentation, mais n’y suffit pas. Une amélioration des services publics, dont l’éducation des filles, l’enseignement de la nutrition, l’accès à l’eau potable et les services de santé et d’hygiène, est également indispensable. Dans ces domaines, il faudra soigneusement cibler les interventions sur les groupes les plus démunis.
1990 1999 2015 (projection de la Banque mondiale) 2015 (objectif de l'ONU)
400
200
0
Proche-Orient Afrique subsaharienne et Afrique du Nord
Amérique latine et Caraïbes
Asie du Sud
Asie de l'Est
Source: Banque mondiale (2001b)
d’améliorer leurs revenus par des mesures bénéficiant aux pauvres, comme par exemple, assurer un accès équitable aux terres, à l’eau et aux autres avoirs et intrants, ainsi qu’aux services, dont l’éducation et la santé. La croissance de l’agriculture diffuse largement ses avantages. La croissance des revenus des exploitants et des ouvriers agricoles crée une augmentation de la demande de produits et services non agricoles de base dans les régions rurales: outils, travaux de forge, menuiserie, vêtements, aliments préparés achetés aux éventaires routiers, etc. Ces biens et services sont souvent difficiles à commercialiser à grande distance. Ils ont tendance à être produits et offerts sur place, utilisent généralement des méthodes intensives en main d’œuvre, et ont par conséquent un grand potentiel de création d’emplois et d’atténuation de la pauvreté. Des études menées dans quatre pays africains ont montré qu’entre un tiers et deux tiers
La croissance des revenus est essentielle si l’on veut réduire la sousalimentation, mais l’amélioration des services publics – éducation des filles, enseignement de la nutrition, eau potable, services de santé et hygiène – est également cruciale.
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La croissance de l’agriculture et de l’emploi rural non agricole qui y est associé peut avoir un impact généralisé sur la réduction de la pauvreté dans les zones rurales, où habitent sept pauvres sur dix dans le monde.
des augmentations de revenus dans les zones rurales sont utilisés pour acquérir ces biens et services locaux. Le secteur rural non agricole offre aux pauvres un moyen relativement accessible d’échapper à la pauvreté. La création d’entreprises rurales non agricoles ne demande souvent que peu de capitaux ou de nouvelles compétences, et elles offrent ainsi aux ruraux pauvres des emplois et la possibilité d’augmenter leurs revenus. Les activités non agricoles représentent 44 pour cent des emplois ruraux en Asie et 25 pour cent en Amérique latine. En Inde, elles fournissent 60 pour cent des revenus du cinquième le plus pauvre de la population rurale. Mais le secteur rural non agricole ne peut pas s’étendre en isolation: l’agriculture doit croître d’abord, pour générer une demande accrue de produits non agricoles. La hausse générale des revenus locaux ne prend place qu’après que la croissance des activités agricoles et non agricoles a absorbé la plus grande partie du réservoir de main d’œuvre rurale sous-employée. De plus, la croissance agricole ne peut pas toujours déboucher à elle seule sur le déclin de la pauvreté rurale. Si les propriétés agricoles sont très inégales, les revenus supplémentaires de
l’agriculture risquent de profiter presque exclusivement aux gros agriculteurs ou aux propriétaires absentéistes, qui pourront les épargner ou les investir hors des zones rurales, à l’achat de biens importés ou fabriqués en ville. Dans ce cas, l’impact de la croissance agricole sur la pauvreté risque d’être limité, et les politiques devront plutôt comporter des mesures pour réduire l’inégalité d’accès aux biens comme les terres, l’eau et les intrants. Quelles politiques économiques nationales peuvent stimuler la croissance de l’agriculture dans les pays en développement? Après la seconde guerre mondiale, on pensait que seule la croissance industrielle pouvait assurer le développement économique, et l’on a donc protégé l’industrie aux dépens de l’agriculture, qui s’est vu imposer de lourdes taxes ou accorder une faible priorité. Vers la fin des années 1970, on a commencé à mettre davantage l’accent sur la réforme structurelle des économies, en espérant que la privatisation, la libéralisation des échanges intérieurs et extérieurs, la baisse des impôts et la réduction des interventions des pouvoirs publics déboucheraient sur une augmentation de la croissance économique et une réduction du parti pris contre l’agriculture. Ces mesures ont été largement adoptées, mais il ne semble pas qu’elles aient beaucoup contribué à la croissance tant du PIB global que du PIB agricole, ce qui laisse à penser que, bien qu’indispensables, elles ne sont pas suffisantes par elles-mêmes et qu’il faut leur ajouter d’autres stratégies.
Le commerce international et la mondialisation La libéralisation des échanges est considérée comme essentielle à la paix et la prospérité. Dans les pays en développement, et notamment dans les pays les moins avancés, libéraliser l’agriculture peut augmenter beaucoup la prospérité, et faire de ce secteur une source importante de devises et un catalyseur du développement général. Dans la plupart des pays, les importations alimentaires sont déjà une source considérable d’approvisionnement et elles continueront à être un facteur de sécurité alimentaire.
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Augmentation du déficit des échanges agricoles dans les pays en développement Les caractéristiques des échanges commerciaux ont rapidement évolué au cours des 40 dernières années dans les pays en développement: • Les exportations de produits agricoles ont bien moins augmenté que les exportations de produits manufacturés, entraînant une chute spectaculaire des exportations agricoles sur le total des marchandises exportées, d’environ 50 pour cent au début des années 1960 à environ 6 pour cent en l’an 2000.
• L’excédent commercial global du secteur agricole de ces pays a pratiquement disparu, et les perspectives pour 2030 laissent à penser qu’ils vont devenir, pris globalement, importateurs nets de produits agricoles, notamment de produits originaires des zones tempérées. • Les pays les moins avancés (PMA), pris globalement aussi, sont devenus importateurs nets de produits agricoles dès le milieu des années 1980. Le déficit de leur commerce agricole s’amplifie rapidement et pourrait quadrupler d’ici 2030. Les politiques suivies et les forces des marchés sont derrière ces changements. Du côté des politiques, les barrières douanières et le soutien de la production intérieure des pays développés (principalement de l’OCDE) ont freiné la croissance des exportations agricoles des pays en développement. Ces entraves au commerce imposent des coûts élevés et créent des pertes d’efficacité généralisées. Dans les pays qui les appliquent, elles font augmenter les prix et les impôts. Dans les autres pays, elles limitent l’accès aux marchés d’exportation et introduisent une concurrence déloyale sur les marchés intérieurs. Elles bloquent toute augmentation du cours mondial des produits de base, et freinent ainsi le développement de l’agriculture, surtout dans les pays en développement où les gouvernements ne sont pas en mesure de fournir autant de soutien.
La réforme des échanges a réduit les barrières douanières, stimulé l’intégration économique mondiale, renforcé la productivité et relevé les revenus – et continuera sur cette lancée. Tous les pays et communautés intéressés n’y ont pas gagné, mais des interventions en matière de politiques nationales et internationales pourraient atténuer l’impact sur les perdants. Des mesures spéciales pourraient permettre aux pays en développement de récolter une plus grande part des bénéfices du commerce international.
Du côté des marchés, l’augmentation des exportations agricoles des pays en développement est freinée par la demande atone et largement saturée des marchés développés, notamment en matière de produits tropicaux comme le café, le cacao et le thé. Des objectifs ambitieux, des résultats limités Les avantages procurés par les réformes du commerce international à de nombreuses économies orientées sur l’extérieur ont eu un effet d’impulsion sur l’abaissement continu des barrières commerciales. Beaucoup de pays en développement avaient déjà libéralisé certains aspects de leur commerce agricole depuis les années 1980 dans le cadre de réformes d’ajustement structurel. Ces réformes, ainsi que toute la gamme des politiques affectant les échanges agricoles, ont été soumises pour la première fois à des contrôles multilatéraux
Balance commerciale du secteur agricole et contribution des exportations agricoles au commerce de marchandises, 1960 à 2000 Le surplus des pays en développement s'est réduit …
... de même que la contribution des exportations agricoles au commerce total de marchandises 100
20
Exportations nettes
10
Part en %
Milliards de $EU
15
5
50
0
-5
Importations nettes -10
1961
0
1970
1980
1990
2000
Pays en développement
1961
1970
1980
1990
2000
Pays les moins avancés Source: données FAO
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systématiques par l’Accord sur l’agriculture (AsA) du cycle d’Uruguay de 1994. Cet accord, annoncé comme un tournant décisif, a toutefois débouché sur des résultats limités et souvent décevants. Les études de la FAO ont montré que pour la plupart des produits agricoles de base, son impact sur les prix et les quantités échangées a été négligeable, de même que ses répercussions sur beaucoup d’économies en développement. Dans les pays développés, les soutiens de tout type à la production restent substantiels: en 2000 ils se montaient à 245 milliards de dollars EU les pays de l’OCDE – et 327 milliards si l’on y ajoute les transferts plus généraux vers l’agriculture.
Les tarifs douaniers continuent à freiner les échanges. Aux termes de l’AsA, les obstacles non tarifaires à l’importation, comme les quotas, devaient être remplacés par des tarifs douaniers équivalents. En outre, les pays développés avaient convenu de réduire tous leurs tarifs douaniers de 36 pour cent en moyenne, sur une période de 6 ans, avec un minimum de 15 pour cent pour chaque article. Les pays en développement avaient convenu de réduire leurs tarifs de 24 pour cent sur une période de 10 ans. Les pays les moins avancés n’étaient tenus à aucune baisse. Les réductions appliquées depuis 1994 ont été conformes à ces objectifs, mais il n’est pas sûr que l’accès aux marchés se soit sensiblement amélioré. Les tarifs des pays développés ont diminué d’environ 37 pour cent, mais les réductions les plus importantes ont surtout concerné les cultures tropicales non transformées qui attiraient déjà de faibles tarifs douaniers. Les produits de base originaires à la fois des pays développés ou en développement et les produits transformés ont beaucoup moins bénéficié de ces baisses. Les tarifs douaniers maximum admissibles convenus par l’Union Européenne (UE) dans le cadre de l’AsA se montaient à 86 pour cent pour le bœuf et 215 pour cent pour le bœuf congelé, tandis qu’ils n’étaient que de 6 pour cent sur les ananas mais 25 pour cent sur les ananas une fois transformés. Le soutien intérieur à la production reste important. Le soutien accordé à l’agriculture par un gouvernement peut aussi fausser les échanges, en permettant aux producteurs du pays de vendre à un prix plus bas qu’il ne serait rentable autrement.
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L’AsA concernait également le soutien interieur. Plusieurs formes de soutien, telles que la recherche et les programmes d’infrastructure et en faveur de l’environnement, étaient exemptés de restrictions. Les pays en développement pouvaient aussi exclure des restrictions de l’AsA les mesures en faveur du développement, comme les programmes de développement agricole et rural. L’AsA exigeait une réduction du soutien à l’agriculture de 20 pour cent de la part des pays développés et de 13,3 pour cent de la part des pays en développement (aucune réduction des pays les moins avancés). Ces baisses devaient s’appliquer par rapport aux années 1986-88, et s’étaler sur une période de 6 ans pour les pays développés et de 10 ans pour les pays en développement. En réalité, beaucoup de pays n’ont étés tenus d’appliquer qu’une réduction bien moindre du soutien et de la protection de leur secteur agricole. Cela s’explique principalement par le fait que les engagements en matière de libéralisation se basaient sur des niveaux antérieurs élevés. Ces niveaux dits “de consolidation” étaient assez hauts pour que la protection reste sensiblement inchangée, même une fois la réduction appliquée. De fait, le soutien total accordé à l’agriculture dans les pays riches de l’OCDE était plus élevé en 19982000 qu’avant l’AsA.
Les subventions aux exportations sont encore élevées. L’AsA a, pour la première fois, fait inclure les subventions directes aux exportations agricoles dans un accord commercial international. Les subventions indirectes, telles que la garantie des crédits à l’exportation et l’aide alimentaire, étaient également prises en considération. Les pays développés ont convenu de réduire leurs subventions de 36 pour cent et les pays en développement de 24 pour cent. Les réductions de volume des exportations subventionnées ont également fait l’objet de négociations, qui ont débouché sur une réduction de 21 pour cent pour chaque produit de base dans les pays développés et de 14 pour cent dans les pays en développement. Les pays les moins avancés n’ont pris aucun engagement envers la réduction de ces subventions. C’est dans l’UE que la grande majorité des subventions directes aux exportations sont accordées: en 1998, l’UE y a consacré 5,8 milliards de dollars EU, ce qui représente plus de 90 pour cent des subventions de ce type couvertes par l’AsA.
Gains socio-économiques potentiels de la libéralisation des échanges agricoles Si tous les pays libéralisent les échanges Si les pays à revenu élevé libéralisent Si les pays à faible revenu libéralisent 0
60
120
180
Milliards de $EU Gains revenant aux pays à faible revenu Gains revenant aux pays à revenu élevé Source: Anderson et al. (2000)
Une libéralisation plus poussée profiterait surtout aux pays développés Selon la plupart des études, une libéralisation complète des échanges agricoles pourrait aboutir globalement à d’importants gains socioéconomiques, mais certains groupes y gagneraient et d’autres y perdraient. Les avantages iraient surtout aux consommateurs et aux contribuables des pays industrialisés où l’agriculture est particulièrement protégée, ainsi qu’aux exportateurs agricoles des pays en développement. Les consommateurs urbains et les paysans sans terre des pays en développement, par contre, risqueraient de devoir payer plus pour certains vivres, notamment les céréales, le lait, la viande et le sucre. Il faudrait donc prendre des mesures spéciales pour venir en aide à ces groupes perdants. Les conclusions des études sur l’impact de la libéralisation des échanges agricoles diffèrent selon les hypothèses retenues. Une étude récente, par exemple, a conclu qu’une complète libéralisation augmenterait les revenus mondiaux de 165 milliards de dollars EU par an. Les plus grands avantages viendraient des réformes appliquées dans les pays développés, mais la plus grande partie de ces avantages – 121 milliards de dollars EU – resterait aussi dans ces pays. Les pays en développement y gagneraient nettement (31 milliards de dollars EU), mais seulement s’ils libéralisaient aussi leurs propres échanges. La présente étude de la FAO a aussi examiné les impacts d’un retrait progressif du soutien des prix et autres subventions jusqu’à l’horizon 2030. Son analyse portait principalement sur les effets probables en matière de prix au consommateur et
au producteur, dans les pays développés et en développement. Elle a conclu que les prix internationaux pourraient augmenter modérément, tandis qu’ils chuteraient nettement dans les pays accordant actuellement un niveau élevé de protection. Les producteurs vendant leurs produits aux prix internationaux y gagneraient, tandis que ceux qui les produisent à des prix gonflés par la protection y perdraient. Comme l’étude citée précédemment, celle de la FAO a conclu que les avantages pourraient être considérables pour les consommateurs des marchés de l’OCDE jusqu’ici protégés, mais elle a aussi souligné que les coûts élevés de la transformation et de la distribution dans ces pays risqueraient de ne pas répercuter la baisse du prix des produits bruts en baisse des prix au consommateur final. Les consommateurs des pays en développement, où les marges bénéficiaires de la transformation et de la distribution sont beaucoup plus faibles, risqueraient fort d’y perdre bien plus. La libéralisation du commerce international ne modifierait pas la conclusion principale de cette étude – à savoir que les pays en développement deviendront de plus en plus importateurs nets de produits agricoles – mais elle en ralentirait quelque peu le processus. Pourquoi les pays en développement devraientils tirer de la libéralisation des échanges des gains bien inférieurs à ceux des pays développés? Entre autres, beaucoup de pays en développement sont devenus importateurs nets de produits agricoles, et une faible hausse des prix mondiaux aurait peu de chances d’en faire des exportateurs nets. Dans les pays en développement importateurs, les consommateurs perdraient beaucoup plus à une libéralisation renforcée que les producteurs n’y gagneraient. La conclusion selon laquelle les gains des producteurs des pays en développement seraient souvent minimes s’appuie sur un certain nombre de facteurs: • Beaucoup d’études indiquent qu’une réduction des subventions de l’OCDE ne ferait que déboucher sur un échange de parts de marché entre les pays de l’OCDE. Ceci s’explique par le
L’élimination de toutes les distorsions de politique agricole pourrait entraîner un gain socioéconomique mondial de 165 milliards de dollars EU par an, dont les trois quarts profiteraient aux pays développés.
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fait que les distorsions des courants d’échange de l’OCDE se concentrent sur les produits de base des zones tempérées – produits pour lesquels, dans la majorité des pays en développement, le potentiel de production est limité davantage par les conditions agroécologiques que par des distorsions de politique à l’étranger. • Quand les pays en développement ont un avantage comparatif – café, cacao, thé, épices, fruits tropicaux, etc. – les tarifs douaniers imposés par les pays développés ont déjà été réduits et les effets d’une libéralisation accrue seraient probablement limités. • Des prix internationaux plus élevés et plus stables ne sont pas toujours transmis aux agriculteurs des pays en développement. L’insuffisance des infrastructures et l’inefficacité des systèmes de commercialisation isolent souvent ceux-ci des marchés mondiaux. • Les agriculteurs des pays en développement ne tireront pas d’avantages tant que les politiques intérieures neutraliseront en grande partie les incitations de prix offerts par les marchés internationaux. La plupart des pays en développement ont lourdement taxé leur agriculture au cours des années 1970 et 1980; beaucoup, dont la Chine, l’Inde et le Pakistan, ont continué à le faire dans les années 1990. Comment la libéralisation des échanges pourraitelle profiter aux pays en développement? Quelles sont les mesures et les stratégies qui garantiraient aux pays les plus pauvres et les plus vulnérables une part équitable des avantages de la libéralisation des échanges? Il faudrait viser à: • Eliminer les subventions directes et indirectes à l’exportation. • Rationaliser et simplifier l’accès aux marchés de l’OCDE. Plus particulièrement, rationaliser et simplifier les préférences commerciales, aider les pays dont les préférences ont été érodées par la libéralisation multilatérale et renforcer les préférences existantes en faveur des pays très pauvres. • Réduire les tarifs douaniers et les taxes à la consommation de l’OCDE sur les produits agricoles transformés, en accordant une préférence spéciale aux produits des pays en développement. • Eliminer l’escalade tarifaire sur les produits tropicaux pratiquée par les pays développés et
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par les pays en développement, où elle est encore plus rapide. Le pouvoir d’achat des classes moyennes en plein essor de la Chine et de l’Inde pourrait en faire de gros importateurs de certains produits agricoles tropicaux au cours des trois décennies à venir. • Créer ou élargir les filets de sécurité et les programmes de distribution de vivres pour assurer que les consommateurs à faible revenu ne soient pas pénalisés par la hausse du prix des importations alimentaires. Pour que les pays en développement profitent d’une libéralisation des échanges, il faudra que leurs exploitants agricoles réagissent mieux à l’augmentation et à la stabililisation des prix internationaux que celle-ci devrait entraîner. Il faudra mobiliser énergiquement des ressources pour améliorer la productivité agricole, et par là, sa compétitivité à l’étranger. L’élément le plus important consistera à augmenter les crédits dans les zones rurales, et les investissements dans tous les aspects du soutien à la production et de la transformation des produits agricoles, dont les infrastructures rurales (irrigation, transports, stockage et commercialisation), la recherche, l’éducation et la formation, l’établissement de normes et le contrôle de la qualité. Des gains considérables découleraient aussi d’autres réformes des politiques. Dans les pays en développement, supprimer les taxes sur les exportations agricoles et les tarifs douaniers sur les importations d’intrants pour l’agriculture (machines, engrais et pesticides) améliorerait les termes de l’échange agricole et aiderait les agriculteurs à être concurrentiels sur les marchés internationaux. Dans les pays développés, supprimer les barrières douanières dans les industries manufacturières à fort coefficient de main d’œuvre pourrait profiter aux agriculteurs des pays en développement. Une croissance rapide du secteur textile, par exemple, créerait de nouveaux débouchés pour les producteurs de coton des tropiques. Les exportations non agricoles représentent actuellement plus de 90 pour cent du total des exportations des pays en développement, et plus de 80 pour cent dans le cas des pays les moins avancés. Un accès préférentiel renforcé et élargi aux marchés des produits manufacturés de certains pays développés pourrait améliorer de beaucoup la sécurité alimentaire des pays moins développés en leur offrant dans le futur les
moyens de financer leurs besoins, énormes et en rapide augmentation, d’importations alimentaires. La mondialisation défavorise-t-elle les pays les plus pauvres? La mondialisation est la désignation récente d’un processus qui dure depuis des siècles. Les nouvelles technologies des transports et des communications – des progrès de la navigation à voile aux navires à vapeur et au télégraphe – ont souvent réduit le coût du mouvement des marchandises dans le monde, favorisant ainsi l’intégration économique. Ces technologies ont récemment vu l’avènement des systèmes de navires roll-on roll-off et porte-conteneurs et de l’Internet, alors que dans un même temps la baisse des barrières au commerce international a facilité encore davantage le mouvement des marchandises et des capitaux. La mondialisation a abaissé les prix au consommateur, et apporté des investissements et
Les conditions d’intégration économique diffèrent énormément selon les régions 170
Afrique subsaharienne 150
Amérique latine Pays à revenu élevé
100
50
T 10 éléph 0 h on ab es ita / nts d'é P u n (kW erg issa i n e /10 é ce 0 h lec ab triq ita ue nts )
Po ac pula cè tio sà ns (% la m ans ) er P de opul a 1 ou 00 k tion d'u m à m n f des oin leu cô s ve tes (% ) F po ret ur ma l r e ($E s c itim U/ éré e ton al ne es )
0
Sources: données de la Banque mondiale et Gallup et al. (1999)
des emplois aux pays en cours d’industrialisation. Mais elle a aussi fait naître des préoccupations largement répandues dans l’opinion publique quant au sort des pays les plus pauvres, dont on craint qu’ils ne soient de plus en plus distancés par le reste du monde. Il ne fait aucun doute que certains pays peuvent être défavorisés sur le marché mondial par leur géographie. Le manque d’infrastructures peut faire obstacle au transport rapide des produits périssables vers les marchés, ce qui augmente les coûts de commercialisation et décourage donc les investissements. A mesure que de nouveaux investissements sont attirés par les zones les plus favorisées, les pays et les régions accumulant les handicaps géographiques et en infrastructures risquent d’être laissés pour compte, distancés et pris au piège d’un cercle vicieux de désavantages. La plupart des pays pauvres se trouvent dans les tropiques, où les cultures et le bétail sont souvent en proie à la maladie et aux ravageurs, et où une pluviosité excessive ou insuffisante dresse des obstacles supplémentaires à la capacité à participer aux marchés agricoles internationaux. L’éloignement de la mer et le manque de voies d’eau navigables peuvent constituer des désavantages supplémentaires. En dehors d’Europe, les revenus moyens dans les pays sans accès à la mer ne se montent qu’à un tiers de ceux des pays dotés d’un littoral. L’Afrique subsaharienne, qui est située principalement dans les tropiques et compte une grande proportion de sols à problèmes, souffre de handicaps multiples sur le marché mondial. Seulement 21 pour cent de sa population habite à moins de 100 km de la côte ou d’une rivière navigable, contre 89 pour cent dans les pays à revenu élevé. La proportion de population sans accès au littoral est sept fois plus haute que dans les pays riches. Les pays enclavés d’Afrique ont des frais de transport moyens presque trois fois plus importants que les pays à revenu élevé. A l’opposé, les régions des Etats-Unis d’Amérique, de l’Europe de l’Ouest, et des zones tempérées de l’Asie de l’Est situées à moins de 100 km d’une côte ne représentent que 3 pour cent des terres habitées du monde, mais regroupent 13 pour cent de sa population et produisent au moins 32 pour cent du PIB mondial. La combinaison des données sur la population et les revenus dresse un tableau révélateur de la
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répartition ou de la densité des revenus dans les divers pays et régions. Ce tableau souligne l’importance de l’infrastructure et/ou de la situation géographique, et montre que: • Presque tous les pays enclavés du monde sont pauvres, exceptés quelques-uns en Europe centrale et de l’Ouest, qui sont fortement intégrés au marché régional européen et connectés par de multiples routes commerciales peu coûteuses. • Les régions côtières, et les régions reliées aux côtes par des voies navigables, sont très avantagées par rapport aux régions d’arrièrepays. • L’Afrique subsaharienne est bien visiblement la région la plus défavorisée quant aux conditions agroécologiques et à l’insuffisance des infrastructures de transport et de communications. La mondialisation concentre-t-elle trop de pouvoir entre les mains des multinationales? On accuse souvent la mondialisation de faire passer le pouvoir des gouvernements aux entreprises multinationales (EMN). On reproche à ces multinationales d’abuser de leur emprise sur le marché, d’exploiter les agriculteurs et les travailleurs agricoles du monde entier et d’exercer des pressions sur les gouvernements pour qu’ils assouplissent les normes en matière d’environnement et de travail. Aujourd’hui, les EMN agroalimentaires mènent leurs activités sur une base internationale. Elles sont de plus en plus intégrées verticalement, et englobent l’ensemble des opérations depuis la production et la commercialisation des semences
jusqu’à la transformation et la distribution des aliments en passant par l’achat des récoltes. Quand elles contrôlent de grands segments de la filière d’approvisionnement, ces grandes entreprises profitent d’un pouvoir monopolistique sur la vente et l’achat, et peuvent par conséquent exercer des pressions sur les agriculteurs et les détaillants. Par le biais de contrats de production ou par des accords de copropriété des terres ou du bétail, elles peuvent obliger les agriculteurs à acheter leurs intrants à l’entreprise et à lui vendre exclusivement leurs produits. Les agriculteurs risquent aussi de perdre leur indépendance et de devenir plus ou moins des employés de l’entreprise dans leurs propres exploitations. Il est également vrai que les EMN peuvent déplacer leurs activités de pays à pays à la recherche de coûts plus bas (salaires compris), et de normes moins strictes en matière d’environnement et de travail, ce qu’elles ne se privent pas de faire. Les avantages de la mondialisation Si, toutefois, les revendications souvent exprimées en faveur de la parité mondiale des salaires et des normes environnementales étaient satisfaites, un considérable avantage concurrentiel serait retiré aux pays les plus pauvres, et cela risquerait d’endiguer le flux des investissements qui y entrent et de compromettre gravement leur développement. Les pays qui excluraient les EMN se priveraient des meilleurs circuits disponibles pour mettre leurs produits sur le marché mondial. Les EMN améliorent généralement les compétences, méthodes et normes locales à mesure qu’elles
Des géants tentaculaires Suite au mouvement de concentration des entreprises, quatre sociétés basées aux EtatsUnis d’Amérique et regroupées en deux alliances – Cargill/Monsanto et Novartis/ADM – contrôlent à elles seules plus de 80 pour cent du marché mondial des semences et 75 pour cent du marché de l’agrochimie. Un autre géant des Etats-Unis, ConAgra, est l’une des trois plus grandes sociétés minotières d’Amérique du Nord. Elle produit ses propres aliments pour le bétail. Elle occupe la troisième place du secteur de
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l’alimentation du bétail et la seconde de celui des abattoirs, la troisième pour la transformation du porc et la quatrième pour la production de volailles. Par l’intermédiaire d’United Agri Products, elle vend des produits agro-chimiques et des semences dans le monde entier. Elle possède la grande entreprise de courtage en grains, Peavey. Elle n’est dépassée que par Philip Morris pour la transformation des aliments et elle vend des produits alimentaires sous plusieurs marques dont Armour, Swift et Hunt’s.
Densité des revenus dans le monde
PIB/km2 (en $EU) ‹ 500 500 - 1 100 1 100 - 3 000 3 000 - 8 100 8 100 - 22 000 22 000 - 60 000 60 000 - 165 000 165 000 - 500 000 › 500 000 Données non disponibles
s’étendent dans un pays. A la fin des années 1980, par exemple, dans la province chinoise de Heilongjang, la société Nestlé a fait construire des routes rurales, organisé la collecte du lait et apporté aux exploitants des fermes laitières une formation en matière de santé et d’hygiène animales. Les EMN forcent également les entreprises locales à se moderniser pour rester concurrentielles. Des recherches récentes ont montré que plus une industrie nationale est ouverte à la compétition étrangère, plus elle est productive. En fait, la présence d’entreprises étrangères est peut-être le meilleur aiguillon de l’amélioration de la productivité dans beaucoup de pays en développement. On soutient souvent que la mondialisation appauvrit les pauvres, mais il n’existe aucune preuve de cette affirmation. Certains pays, cependant, risquent de devenir relativement plus pauvres s’ils ne réussissent pas à tirer profit de la mondialisation. Des recherches récentes menées pour le compte de la Banque mondiale suggèrent que l’ouverture aux échanges internationaux stimule la croissance économique. Les pays en développement dont les politiques encouragent l’ouverture ont vu augmenter leur taux de croissance du PIB de 1 pour cent dans les années
Sources: PIB: Banque mondiale (2001a) et données FAO Densité de population: Oak Ridge National Laboratory (2000)
Les entreprises multinationales améliorent souvent les compétences, méthodes, normes et technologies locales à mesure qu’elles s’étendent dans un pays. Elles forcent ainsi les entreprises locales à se moderniser pour rester concurrentielles.
1960 à 3 pour cent dans les années 1970, 4 pour cent dans les années 1980 et 5 pour cent dans les années 1990. Une grande partie du reste du monde en développement, par contre, qui compte environ 2 milliards d’habitants, est en train de se marginaliser. Le taux de croissance de l’ensemble de ces pays a été effectivement négatif dans les années 1990. Dans l’ensemble, les avantages offerts par la poursuite de la mondialisation vont probablement plus qu’en compenser les risques et les coûts. Il est possible d’atténuer les impacts négatifs par des politiques appropriées. Avec un ensemble de mesures comprenant l’ouverture extérieure, des investissements dans les infrastructures, l’encouragement de l’intégration économique et une restriction de la concentration et du contrôle des marchés, la mondialisation pourrait avoir des résultats bénéfiques pour les pauvres.
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Perspectives par grand secteur Production végétale Céréales: il en faudra un milliard de tonnes supplémentaires Les années 1990 ont vu décliner la croissance de la consommation mondiale de céréales. Ceci ne provenait pas du fait que la capacité de production était limitée mais plutôt d’une croissance ralentie de la demande, en partie due à des facteurs exceptionnels et essentiellement transitoires. La croissance de la consommation va reprendre, ce qui va conduire à une plus grande dépendance des pays en développement par rapport aux importations. Il sera tout à fait possible aux exportateurs, traditionnels et nouveaux, de répondre à ces besoins, mais on devra s’attaquer aux problèmes d’insécurité alimentaire et de dégradation de l’environnement.
Les céréales constituent toujours, de loin, la ressource alimentaire la plus importante au monde, à la fois pour la consommation humaine directe et, indirectement, en tant qu’intrants pour la production animale. Ce qui se produit au niveau du secteur des céréales est donc d’une importance cruciale pour les disponibilités alimentaires mondiales. Depuis le milieu des années 1960, le monde a réussi à accroître sa production céréalière de près d’un milliard de tonnes. Il faudra faire aussi bien au cours des 30 prochaines années. La tâche estelle réalisable? La croissance de la demande de céréales ralentit Le taux de croissance de la demande mondiale de céréales est tombé à 1 pour cent par an dans les années 1990, alors qu’il était de 1,9 pour cent dans les années 1980 et de 2,5 pour cent dans les années 1970. L’utilisation mondiale annuelle de
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céréales par personne (y compris pour l’alimentation animale) a atteint son maximum de 334 kg au milieu des années 1980 et elle est tombée depuis à 317 kg (moyenne pour la période 1997-99). Certains pensaient que ce rapide déclin laissait présager une nouvelle crise alimentaire mondiale. Ceci fut interprété comme une indication que le monde atteignait la limite de ses capacités de production vivrière et que la sécurité alimentaire allait bientôt être sérieusement menacée. En fait, la consommation moyenne de céréales par personne dans les pays en développement a augmenté régulièrement au cours des quatre dernières décennies. Le ralentissement de la croissance de la consommation mondiale ne provenait pas de contraintes au niveau de la production, mais d’une série de facteurs limitant la demande. Parmi ces facteurs, certains sont permanents et largement répandus: • La croissance démographique mondiale a connu un ralentissement. • Un grand nombre de pays populeux, et en particulier la Chine, atteignent des niveaux de consommation moyens à élevés, et par conséquent leur augmentation à l’avenir ne sera pas aussi rapide que par le passé. • La persistance de la pauvreté a empêché des centaines de millions de personnes de satisfaire leurs besoins alimentaires. Néanmoins, d’autres facteurs sont essentiellement transitoires. Parmi ceux-ci figurent: • Un recul de la demande dans les économies en transition. Ce facteur a été le plus important durant les années 1990, où tout à la fois consommation et importations ont chuté dans ces pays par rapport aux très hauts niveaux signalés antérieurement.
La dépendance des pays en développement par rapport aux importations va s’intensifier Dans les pays en développement, la croissance de la demande de céréales a été plus rapide que celle de la production. Les importations nettes de céréales dans ces pays sont passées de 39 millions de tonnes par an au milieu des années 1970 à 103 millions de tonnes pendant la période 1997-99, ceci représentant un accroissement de leur usage annuel de céréales de 4 pour cent à 9 pour cent. Cette dépendance par rapport aux importations augmentera probablement dans les années à venir. En 2030, les pays en développement pourraient
Demande mondiale de céréales, de 1965 à 2030 3 000
Millions de tonnes
• L’utilisation de céréales pour l’alimentation animale dans l’UE a diminué jusqu’au début des années 1990, car les prix élevés du marché intérieur favorisaient l’emploi de substituts en grande partie importés. L’utilisation de céréales pour la fabrication d’aliments a repris suite aux réformes de la politique de l’UE, qui ont entraîné une réduction des prix du marché intérieur. • La croissance de la consommation a été plus lente dans les pays exportateurs de pétrole une fois que l’impact de la flambée initiale des prix du pétrole sur les revenus et sur les importations de céréales n’a plus été ressenti. • La demande a augmenté plus lentement dans la deuxième moitié des années 1990 dans les économies de l’Asie de l’Est, touchées par une crise économique. L’effet de ces facteurs transitoires commence déjà à s’estomper. Au cours des 15 prochaines années, ils cesseront progressivement de limiter la croissance de la demande de céréales qui, selon les projections, devrait reprendre pour atteindre 1,4 pour cent par an à l’horizon 2015. A plus longue échéance encore, le ralentissement de la croissance démographique et la stabilisation de la consommation alimentaire dans de nombreux pays vont continuer d’amortir la demande, qui devrait, selon les prévisions, tomber à 1,2 pour cent par an entre 2015 et 2030. Néanmoins, le défi pour la production agricole mondiale est énorme. D’ici 2030, la production annuelle de céréales devra augmenter d’un milliard de tonnes. Des événements imprévisibles, comme par exemple une flambée des prix pétroliers, des sursauts de croissance ou des crises spectaculaires pourraient, bien sûr, modifier la demande solvable à court terme, mais sans affecter sensiblement la situation générale.
2 000
1 000
0 1964-66
1974-76
1984-86
1997-99
2015
Céréales secondaires
Riz (traité)
2030
Blé
Source: données et projections FAO
Les pays en développement vont devenir de plus en plus dépendants des importations de céréales. Il est possible qu’en 2030 ils ne produisent que 86 pour cent de leurs propres besoins, leurs importations nettes s’élevant à quelque 265 millions de tonnes par an – presque trois fois les niveaux actuels.
importer, annuellement, 265 millions de tonnes de céréales, soit 14 pour cent de leur consommation. Bien que cette augmentation puisse paraître énorme, elle représente une croissance plus lente au cours des trois prochaines décennies que depuis le milieu des années 1970. Si les prix réels des produits vivriers ne montent pas, et si les secteurs industriel et tertiaire connaissent la même croissance que jusqu’ici, alors la plupart des pays auront les moyens financiers d’importer les céréales nécessaires à leurs besoins. Cependant, les pays les plus pauvres et qui souffrent de la plus grande insécurité alimentaire auront aussi tendance à être le moins en mesure d’importer des céréales. Les exportateurs pourront combler le déficit Le reste du monde est-il en mesure de produire les surplus à l’exportation nécessaires pour combler le déficit? Il est utile d’examiner ce qui s’est passé au cours du quart de siècle dernier. Entre le milieu des années 1970 et 1997-99, les importations annuelles nettes de l’ensemble des pays importateurs de céréales ont presque doublé, passant de 89 à 167 millions de tonnes. Les exportateurs de céréales n’ont pas eu de mal à satisfaire cette flambée de la demande, et ils
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ont doublé leurs niveaux d’exportation. Les exportateurs traditionnels, tels que l’Australie, l’Amérique du Nord, l’Argentine et l’Uruguay, ont joué leur rôle. Ils ont le potentiel voulu pour continuer à le faire. Mais environ la moitié de l’augmentation totale des exportations a été fournie par un nouvel acteur dans ce domaine: l’UE. D’importateur net de 21 millions de tonnes de grain par an au milieu des années 1970, l’UE est devenue exportateur net de 24 millions de tonnes par an en 1997-99. Au départ, ce revirement dépendait en grande partie d’un fort soutien des prix et de politiques protectionnistes. Depuis, diverses réformes des politiques de l’UE ont plus ou moins aligné les prix du marché intérieur sur les prix internationaux, mais l’UE a des chances de rester un exportateur net significatif même si son commerce est encore davantage libéralisé. Les économies en transition constituent une autre source possible d’exportations à l’avenir. En effet, elles montrent déjà un excédent. Les terres non utilisées abondent dans certaines régions de l’Europe de l’Est et de la Fédération de Russie, et les possibilités d’accroître la productivité en réduisant les pertes et en augmentant les rendements sont grandes. Les projections de la FAO permettent de penser que les pays en transition pourraient être exportateurs nets de 10 millions de tonnes de céréales par an en 2015 et de 25 millions de tonnes à l’horizon 2030.
Les pays en transition sont devenus de gros importateurs nets de céréales au cours des années 1970 et 1980 et le sont resté jusqu’au début des années 1990. Depuis, ils ont renversé cette tendance et pourraient devenir exportateurs nets de 10 millions de tonnes par an d’ici 2015 et de 25 millions d’ici 2030.
Perspectives pour les principales cultures Aliments de base Blé. La principale culture céréalière au monde représentait 31 pour cent de la consommation globale de céréales en 1997-99. Une proportion croissante de blé est utilisée pour l’alimentation animale dans les pays industrialisés (45 pour cent de son usage total dans l’UE). L’utilisation de blé
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par habitant dans les pays en développement, essentiellement pour l’alimentation humaine, a continué d’augmenter, et la plupart de ces pays sont de plus en plus dépendants des importations. Parmi les importateurs nets figurent de grands producteurs de blé, tels que l’Egypte, République islamique d’Iran, le Mexique et le Brésil. On s’attend à ce qu’au cours des prochaines années, la consommation de blé augmente dans toutes les régions, y compris dans les pays en transition qui vont voir une reprise de leur consommation. Dans plusieurs des pays consommateurs de riz, la hausse de la consommation de blé va de pair avec la stabilisation, voire le déclin, de la consommation de riz. Le recours aux importations par les pays en développement (à l’exception de l’Argentine et de l’Uruguay, qui sont exportateurs) devrait continuer de s’intensifier, les importations nettes de blé devant passer de 72 millions de tonnes par an en 1997-99 à 160 millions en 2030.
Riz. Cette culture, utilisée dans sa plus grande majorité pour la consommation humaine directe, comptait pour 21 pour cent de la quantité mondiale de céréales consommées en 1997-99. La consommation moyenne par personne dans les pays en développement s’est stabilisée depuis le milieu des années 1980, ceci reflétant le développement économique et la hausse des revenus dans les principaux pays de l’Asie de l’Est. Elle a, néanmoins, augmenté dans certaines régions, dont l’Asie du Sud, où elle reste encore faible. On s’attend à ce que la consommation s’accroisse plus lentement à l’avenir que par le passé. En effet, la consommation moyenne par personne dans les pays en développement pourrait bien commencer à baisser au cours de la période 2015 à 2030. Ceci va réduire les pressions sur la production, mais étant donné le faible accroissement des rendements ces dernières années, la poursuite d’une augmentation, même modeste, de la production représentera un défi pour la recherche et les politiques d’irrigation. Céréales secondaires. Cette catégorie comprend le maïs, le sorgho, l’orge, le seigle, l’avoine et le millet, ainsi que quelques céréales importantes au niveau régional, telles que le teff (Ethiopie) ou le quinoa (Bolivie et Equateur). Environ trois cinquièmes de la consommation mondiale de céréales secondaires servent à l’alimentation animale, mais dans les pays où l’insécurité
alimentaire est élevée, ces cultures restent très importantes pour la consommation humaine directe: en Afrique subsaharienne, 80 pour cent de la récolte de grain est utilisée de cette manière. La consommation de céréales secondaires a connu une rapide hausse, due principalement à leur utilisation croissante pour l’alimentation animale dans les pays en développement. Il se peut qu’à l’avenir la consommation de ces céréales augmente plus rapidement que celle de riz ou de blé, parallèlement à l’expansion du secteur de l’élevage. Les pays en développement fourniront une part croissante de la production mondiale: de moins de la moitié actuellement, elle devrait s’élever à près des trois cinquièmes d’ici 2030.
Oléagineux. Ce secteur a été l’un des plus dynamiques au monde ces dernières décennies, ayant connu une croissance presque deux fois plus rapide que l’agriculture mondiale dans son ensemble. Il couvre une vaste gamme de cultures utilisées non seulement pour la production d’huile, mais aussi pour la consommation directe, la fabrication d’aliments pour animaux et divers usages industriels. Le palmier à huile, le soja, le tournesol et le colza représentent près des trois quarts de la production mondiale d’oléagineux, mais l’huile d’olive, l’arachide, le sésame et la noix de coco sont aussi importants. Du fait de la rapide croissance de la production, les oléagineux comptent pour une part considérable de l’expansion des terres agricoles mondiales, avec une augmentation nette de 75 millions d’ha entre 1974-76 et 1997-99 – pendant que la superficie céréalière diminuait de 28 millions d’ha.
Etant donné leur teneur énergétique élevée, les oléagineux ont joué un rôle clé dans l’amélioration de l’apport énergétique alimentaire dans les pays en développement. Au cours des deux dernières décennies, ce groupe de produits a fourni un peu plus d’une sur cinq des calories supplémentaires consommées dans les pays en développement. Il semblerait bien que cette tendance va se poursuivre et même s’intensifier: d’ici 2030, 45 pour cent des calories supplémentaires pourraient provenir des oléagineux. La rapide hausse de la consommation au cours de ces dernières décennies s’est accompagnée de l’émergence de plusieurs pays en développement (Chine, Inde, Mexique et Pakistan, entre autres) comme grands, et croissants, importateurs nets d’huiles végétales. En conséquence, l’excédent traditionnel du complexe huiles végétales/oléagineux dans la balance des paiements des pays en développement s’est transformé, ces dernières années, en un déficit. Ceci s’est produit malgré la hausse spectaculaire des exportations de quelques pays en développement qui dominent aujourd’hui le panorama des exportations mondiales, notamment la Malaisie et l’Indonésie, pour l’huile de palme, et le Brésil et l’Argentine, pour le soja. Dans la plupart des autres pays en développement, on peut s’attendre à ce que la tendance à une augmentation des importations se poursuive.
Racines, tubercules et plantains. La consommation humaine mondiale de ces cultures est en déclin, mais dans 19 pays (tous situés en Afrique), elles fournissent encore plus d’un cinquième, et parfois jusqu’à la moitié, de la ration énergétique totale.
Expansion des superficies cultivées par culture, de 1974-76 à 1997-99 Oléagineux Fibres Canne et betterave à sucre Légumineuses Racines et tubercules Céréales -80
-60
-40
Pays en développement Reste du monde
-20
0
20
40
60
80
Millions d'ha Source: données FAO
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Le manioc prédomine dans les pays humides du centre et de l’ouest de l’Afrique, ainsi qu’en la République-Unie de Tanzanie et à Madagascar, alors qu’au Rwanda ce sont les plantains les plus importants et en Afrique de l’Ouest et au Burundi le manioc et la patate douce. Comme dans la plupart de ces pays la consommation alimentaire est globalement faible (inférieure à 2 200 calories par jour), ces cultures sont essentielles pour la sécurité alimentaire. Dans la période conduisant à 1997-99, le Ghana et le Nigéria ont réalisé d’énormes progrès de sécurité alimentaire grâce à une production accrue de ces cultures, mais dans la plupart des 17 autres pays, la consommation par habitant a stagné, voire même baissé. Le déclin de la consommation mondiale de racines et de tubercules traditionnelles s’est accompagné dans certaines régions d’un basculement progressif en faveur de la pomme de terre. Cette tendance s’explique en grande partie par la Chine, où des millions d’agriculteurs et de consommateurs ont abandonné la patate douce en faveur de la pomme de terre. On prévoit que la demande moyenne de racines, de tubercules et de plantains va augmenter de nouveau dans les pays en développement, la patate douce et la pomme de terre devenant particulièrement importantes pour l’alimentation animale. Au cours des années 1990, l’utilisation de manioc importé comme aliment du bétail dans l’UE est montée en flèche en raison du prix élevé des céréales sur le marché intérieur, pour retomber ensuite après la réforme de la Politique agricole commune qui a fait baisser le prix des céréales. La production de manioc exporté comme aliment du bétail a été un important facteur d’expansion de la superficie cultivée dans certains pays comme la Thaïlande, tendance qui va souvent de pair avec la déforestation. Cultures d’exportation traditionnelles En dehors de ces cultures vivrières de base, l’agriculture, et bien souvent l’économie entière, de nombreux pays en développement dépendent dans une grande mesure de la production d’un ou de quelques produits de base destinés principalement à l’exportation. Dans cette catégorie s’inscrivent la banane, le sucre, le caoutchouc naturel et les boissons tropicales (thé, café et cacao). La distinction entre les cultures d’exportation et celles qui sont destinées au marché intérieur
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n’est pas toujours très marquée, que ce soit sur l’ensemble des pays en développement ou même à l’intérieur de ceux-ci. Par exemple, le sucre est la culture d’exportation par excellence de l’île Maurice et de Cuba, mais il s’agit d’un important produit d’importation pour l’Egypte, l’Indonésie et plusieurs autres pays. Les huiles végétales et les oléagineux (en particulier l’huile de palme et le soja) sont des cultures d’exportation importantes et en rapide expansion pour plusieurs pays (dont l’Argentine, le Brésil, l’Indonésie et la Malaisie), mais elles sont importées en grande quantité par des pays comme l’Inde et la Chine. Le café et le cacao partagent la caractéristique d’être produits exclusivement dans les pays en développement, mais consommés essentiellement dans les pays industrialisés. Le caoutchouc naturel appartenait jadis à cette catégorie, mais aujourd’hui il s’en consomme davantage dans les pays en développement (la moitié de la consommation mondiale, au lieu d’un quart au milieu des années 1970) au fur et à mesure qu’ils s’industrialisent. Le coton figure dans la même catégorie, et à plus forte raison encore puisque les pays en développement en sont devenus de gros importateurs nets suite à l’essor de leurs industries et de leurs exportations textiles. Les économies des pays dépendants de l’exportation de ces produits de base sont assujetties aux conditions changeantes du marché mondial. La croissance ralentie de la demande mondiale, alliée à l’augmentation de l’offre des principaux pays producteurs et exportateurs, qui se font concurrence, a conduit à une baisse et à d’importantes fluctuations des prix de plusieurs produits de base sur les marchés. Ceci a été particulièrement prononcé, ces dernières années, dans le cas du café: la consommation par habitant dans les pays industrialisés, qui représentent les deux tiers de la consommation mondiale, est restée pratiquement constante pendant deux décennies, à environ 4,5 kg, alors que la production a augmenté, et que plusieurs nouveaux pays, tels que le Viet Nam, sont entrés sur le marché. En conséquence, le prix du café Robusta a chuté rapidement, pour tomber à 0,50 dollar EU/kg en janvier 2002, soit un cinquième de son prix du milieu des années 1990. En ce qui concerne le sucre et quelques autres produits de base dont la consommation croît plus rapidement, surtout dans les pays en développement, les gains des pays en développement qui
Les craintes qui se sont volatilisées Deux pays, la Chine et l’Inde, ont focalisé la crainte que le monde soit confronté à de
famine imminente en Inde et dans l’Asie du Sud en général. Au milieu des années 1960, la région
sérieuses pénuries alimentaires. A eux deux, ils regroupent plus d’un tiers de la population
importait 10 millions de tonnes de céréales par an, soit 11 pour cent de sa consommation, et
mondiale. Certains analystes craignaient que la Chine
pourtant la quantité de céréales utilisée par personne était faible, à savoir 146 kg par an.
ne devienne un importateur permanent de quantités de vivres toujours plus importantes.
Trente trois ans plus tard, la population de la région avait doublé et l’utilisation de céréales
Ceci aurait entraîné une hausse des prix des produits alimentaires sur le marché mondial, et
était montée à 163 kg par personne et par an. Toutefois, grâce à la “Révolution verte”, les
limité par conséquent la possibilité pour les autres pays et populations pauvres d’acheter
importations n’atteignaient qu’un tiers de ce qu’elles avaient été au milieu des années 1960,
des vivres. Jusqu’en 1991, la Chine (à l’exclusion de la
et représentaient moins de 2 pour cent de la consommation. Pratiquement tous les ans
province de Taïwan) a été presque chaque année un grand importateur net de céréales,
depuis la fin des années 1970, l’Inde a été petit exportateur net. Cependant, l’utilisation de
typiquement de 5 à 15 millions de tonnes par an. Cependant, dans les années 1990, le pays a
céréales par habitant reste faible dans la région, ce qui reflète, entre autres, la persistance d’une
inversé cette tendance. Chaque année sauf deux, entre 1992 et 1999, la Chine a été
pauvreté généralisée et la très faible utilisation des céréales pour l’alimentation animale, étant
exportateur net de céréales, alors même que la consommation intérieure avait augmenté de
donné la consommation minime de viande. On peut se demander si les importations auraient
295 à 310 kg par personne et par an. Dans les années 1960 et au début des années
pu être maintenues à de si faibles niveaux dans l’éventualité d’une croissance plus rapide de la
1970, on annonçait régulièrement un risque de
consommation.
en sont exportateurs ont été freinés par les politiques limitant l’accès aux marchés, y compris les politiques favorisant les édulcorants de substitution comme le sirop de glucose. De telles politiques sont très courantes dans les principaux pays industrialisés qui en sont, ou en étaient encore récemment, de gros importateurs. L’UE a eu recours à des politiques de ce type pour se transformer de gros importateur net, ce qu’elle était jusqu’à la deuxième moitié des années 1970, en un gros exportateur net actuellement. Si l’on se tourne vers l’avenir, le potentiel de croissance de la demande mondiale et des exportations des pays en développement est le plus fort pour les produits de base dont la consommation augmente assez rapidement dans les pays en développement eux-mêmes, dont plusieurs devraient devenir de gros importateurs. A cette catégorie appartiennent le sucre et les
huiles végétales et, dans une moindre mesure, le caoutchouc naturel et le thé. La banane et le cacao sont aussi en train de devenir de substantiels produits d’importation pour plusieurs pays en développement, tendance qui devrait s’intensifier au cours des prochaines décennies. Pour ces deux produits, mais aussi pour d’autres comme les agrumes ainsi que les fruits et légumes en général, la consommation et les importations peuvent encore augmenter dans les pays industrialisés. Parallèlement, les économies en transition vont jouer un rôle de plus en plus grand en tant qu’importateurs de produits tropicaux, processus qui s’est déjà amorcé. En revanche, la forte concentration des marchés du café dans les pays industrialisés, conjuguée à la croissance négligeable de la population et de la consommation par habitant dans ces pays, ne présage rien de bon pour l’expansion de la production et des
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l’avenir. Les expériences de pays comme la Malaisie suggèrent que la tâche est réalisable.
Chine: d’importateur net à exportateur net de céréales 10
Millions de tonnes
Exportations nettes 5
0
-5
-10
-15
Importations nettes -20
-25 1974
1979
1984
1989
1994
1999
Source: données FAO
exportations de ce produit de base: le maintien de la lente croissance actuelle, pas plus de 1,2 pour cent par an, semble le scénario le plus probable. En conclusion, l’agriculture, l’économie dans son ensemble et la sécurité alimentaire de plusieurs pays en développement continueront de dépendre de plusieurs cultures pour lesquelles les conditions du marché mondial sont non seulement erratiques mais elles tendent, globalement, à la baisse des prix en termes réels. Ces caractéristiques du marché pourraient être extrêmement préjudiciables aux perspectives de développement de ces pays. Les pays qui n’ont pas réussi dans le passé à diversifier leurs économies et à réduire leur dépendance de ces cultures d’exportation traditionnelles ont enregistré une croissance bien inférieure à la moyenne. Le défi à relever consiste pour eux à changer ce scénario à
Les questions d’environnement doivent être abordées Une inquiétude fréquemment exprimée est que la production supplémentaire requise pour satisfaire la demande mondiale ne sera pas durable, car elle aggravera les dommages causés à l’environnement et sapera la base des ressources naturelles. Dans les pays développés, cette inquiétude concerne principalement l’utilisation accrue d’engrais et autres intrants chimiques. Les augmentations passées ont conduit à de sérieux problèmes de pollution de l’eau et de l’air, et il en sera de même à l’avenir à moins que des mesures défensives ne soient prises. Bien que l’emploi excessif de pesticides et autres intrants chimiques soit un problème dans certaines régions à fort potentiel agricole, augmenter la production dans les pays en développement entraînera surtout, pour l’environnement, des risques d’une nature différente: • Dans les systèmes extensifs d’agriculture et d’élevage, les risques principaux sont l’érosion des sols, leur épuisement et la déforestation, ceci conduisant à une baisse des rendements et à la désertification. • Dans les systèmes de culture irriguée intensive, les risques principaux sont la salinisation, l’engorgement des sols par l’eau et la pénurie d’eau. Des méthodes visant à accroître et à maintenir la production végétale tout en minimisant les dommages causés à l’environnement sont déjà connues et mises en application dans certaines régions. De telles méthodes doivent faire l’objet de recherches et de vulgarisation pour tous les milieux. En outre, elles devront s’accompagner de politiques appropriées favorisant leur expansion rapide.
Terre, eau et rendements des cultures Malgré une croissance plus lente, à l’avenir, de la demande de cultures vivrières et commerciales, satisfaire cette demande exigera de poursuivre l’expansion des terres cultivées, et d’accroître les
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rendements grâce à de nouvelles variétés de plantes et de nouvelles techniques agricoles. Chacun de ces points soulève des questions. Dispose-t-on d’assez de terres aptes à l’agri-
culture, et d’eau, pour permettre l’expansion nécessaire des superficies de cultures pluviales et irriguées, ou bien le monde va-t-il manquer de ces ressources cruciales? Pourra-t-on atteindre les rendements plus élevés qui sont requis, ou bien ceux-ci approchent-ils de limites infranchissables? La biotechnologie peut-elle fournir une nouvelle génération de cultures à plus hauts rendements, mieux adaptées aux environnements hostiles? Et existe-t-il des méthodes culturales capables d’augmenter et de maintenir la production tout en améliorant la protection de la nature? Ces questions sont examinées dans les sections suivantes.
Les sources de croissance de la production Les augmentations de la production végétale proviennent de trois sources principales: expansion des terres arables, accroissement de l’intensité culturale (fréquence des récoltes sur une même superficie) et amélioration des rendements. Depuis le début des années 1960, l’amélioration des rendements est, de loin, la plus importante source de croissance de la production végétale mondiale, puisqu’elle représente près des quatre cinquièmes, soit 78 pour cent, de l’augmentation de celle-ci entre 1961 et 1999. L’accroissement de l’intensité culturale a contribué, pour sa part, à 7 pour cent de cette production supplémentaire, alors que 15 pour cent seulement provenaient de l’expansion des terres arables. La hausse des rendements a été le facteur de loin le plus important, non seulement dans les pays développés mais aussi dans ceux en développement, où elle a contribué à 70 pour cent des progrès de la production. L’expansion des superficies cultivées a représenté à peine un quart de l’augmentation de la production dans ces pays. Cependant, dans les régions où davantage de terres étaient disponibles, l’accroissement des superficies a compté pour une part plus importante. Ceci a été tout particulièrement le cas en Afrique subsaharienne, où il a contribué pour 35 pour cent à l’accroissement de la production, et en Amérique latine, où ce chiffre a atteint 46 pour cent. Selon les projections, ces tendances générales dans les pays en développement devraient se poursuivre, au moins jusqu’en 2030: on s’attend à ce que l’expansion des terres agricoles compte
A l’avenir, 80 pour cent de l’accroissement de la production végétale dans les pays en développement devront provenir de l’intensification: rendements plus élevés, récoltes multiples, et périodes de jachère plus courtes.
pour 20 pour cent de la croissance de la production, l’amélioration des rendements pour environ 70 pour cent et l’accroissement de l’intensité culturale pour le restant. En Afrique subsaharienne et en Amérique latine, l’expansion des terres restera encore un facteur important, mais qui sera sans doute de plus en plus devancé par l’augmentation des rendements. L’étude de la FAO indique que le monde dans son ensemble dispose d’un potentiel de production inexploité suffisant, en matière de terres, d’eau et d’amélioration des rendements, pour répondre à la croissance prévue de la demande solvable. Néanmoins, il s’agit là d’une conclusion globale, et l’on doit tenir compte de plusieurs restrictions significatives: • La demande solvable exprime le pouvoir d’achat des gens et non le besoin réel de vivres: les consommateurs nantis peuvent se nourrir à l’excès, alors que les très pauvres n’ont peutêtre même pas les moyens de s’acheter des aliments de base. • Les données qui suggèrent que le prix des produits alimentaires est en baisse pourraient être trompeuses, parce qu’elles ne reflètent pas les coûts écologiques de l’expansion et de l’intensification agricoles; de plus, faute d’internaliser les coûts en ressources naturelles, les investissements dans la recherche agricole pourraient être réduits, et par conséquent limiter le potentiel de croissance des rendements à l’avenir.
Sources de croissance de la production, de 1961 à 1999
Rendement
Monde
Intensité culturale
Pays en développement
Expansion des superficies
Asie du Sud Amérique latine et Caraïbes 0
20
40
60
80
100
%
Source: données FAO
39
• On continuera certainement à rencontrer des pénuries de terres et d’eau et d’autres problèmes aux niveaux national et local, avec de graves conséquences pour la pauvreté et la sécurité alimentaire.
Ressources en terres Le potentiel de terres cultivables est-il suffisant pour les besoins futurs? Il est souvent suggéré que le monde risque de se voir confronté à l’avenir à un manque de terres aptes à l’agriculture. Les études de la FAO indiquent que ce ne sera pas le cas au niveau mondial, bien que dans certaines régions et zones l’on connaisse déjà de sérieuses pénuries, qui risquent fort de s’aggraver. Le défrichement de nouvelles terres agricoles sera moindre que par le passé. Au cours de la période 1961-63 à 1997-99, l’expansion des terres arables dans les pays en développement a atteint au total 172 millions d’ha, soit une augmentation de 25 pour cent. L’accroissement nécessaire au cours
Les craintes d’une crise imminente due à la confrontation entre population croissante et terres disponibles ne sont pas fondées. La croissance future de la production végétale proviendra en grande partie de l’amélioration des rendements. Dans certains pays, cependant, il est possible que la pénurie de terres se fasse ressentir.
des 30 prochaines années ne sera que de 120 millions d’ha, soit 13 pour cent. La tâche de mettre en production 3,75 millions d’ha supplémentaires par an peut paraître intimidante, mais ce chiffre est inférieur au rythme annuel de 4,8 millions d’ha atteint, en fait, au cours de la période 1961-63 à 1997-99. Un ralentissement de l’expansion est prévu dans toutes les régions, mais ceci est essentiellement une manifestation du fléchissement de la demande de produits agricoles. Il existe encore des terres agricoles potentielles inexploitées. Actuellement, quelque 1,5 milliards d’ha de terres sont utilisés pour les cultures arables et permanentes, soit environ 11 pour cent de la superficie en terres de la planète. La FAO et l’Institut international pour l’analyse des systèmes appliqués (IIASA), ont procédé à une nouvelle évaluation des sols, de la topographie et des climats, en fonction des besoins des principales cultures et de la nécessité de celles-ci: il en résulte que 2,8 milliards d’ha supplémentaires sont aptes dans une certaine mesure à l’agriculture pluviale. Ceci est presque le double de la superficie actuellement exploitée. Bien évidemment, dans la pratique, une grande partie de ces terres potentielles n’est pas disponible, ou bien elles sont immobilisées pour d’autres usages tout aussi valables. Quelque 45 pour cent de cette superficie sont recouverts de forêts, 12 pour cent se trouvent dans des zones protégées et 3 pour cent sont occupés par des établissements humains et des infrastructures. En outre, une grande partie de la “réserve” de terres pourrait bien avoir des caractéristiques rendant l’agriculture difficile, comme par exemple une faible fertilité du sol, une toxicité élevée du sol, une forte incidence de maladies humaines et animales, un
Terres agricoles exploitées et superficie totale de terres aptes à l’agriculture (millions d’ha) Terres arables exploitées, 1997-99 1066
Superficie totale de terres aptes à la culture pluviale
1031 366
203
Amérique latine et Caraïbes
40
228
Afrique subsaharienne
232 Asie de l'Est
220
99
207
86
Asie du Sud Proche-Orient et Afrique du Nord
874 497
387 Pays industrialisés
265
Pays en transition
Sources: données FAO et Fischer et al. (2000)
manque d’infrastructures, et un terrain accidenté ou présentant d’autres difficultés. Les réserves de terres agricoles disponibles sont très inégalement réparties. A la fin du XXe siècle, l’Afrique subsaharienne et l’Amérique latine n’exploitaient encore qu’environ un cinquième de leur potentiel de terres aptes à l’agriculture. Plus de la moitié du solde mondial de terres était répartie dans sept pays seulement de ces deux régions: l’Angola, l’Argentine, la Bolivie, le Brésil, la Colombie, la République démocratique du Congo et le Soudan. A l’autre extrême, au Proche-Orient et en Afrique du Nord, 87 pour cent des terres aptes à l’agriculture étaient déjà exploités; en Asie du Sud ce chiffre atteignait 94 pour cent. Dans certains pays du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord, le solde de terres est même négatif, c’est-à-dire que la superficie des terres cultivées dépasse celle des terres considérées aptes aux cultures pluviales.
D’après les projections, la superficie arable dans les pays en développement va augmenter de près de 13 pour cent, soit 120 millions d’ha, au cours de la période 1997-99 à 2030.
Ceci est possible lorsque, par exemple, des terres trop abruptes ou trop sèches pour les cultures pluviales ont été mises en production grâce à la culture en terrasses ou à l’irrigation. On s’attend à ce que plus de 80 pour cent de l’expansion projetée des terres arables se produise en Afrique subsaharienne et en Amérique latine. Bien qu’il y ait encore un excédent de terres dans ces régions, il est possible que l’expansion entraîne une réduction des longues périodes de rotation et de jachère. Si l’utilisation d’engrais n’augmente pas en compensation, l’épuisement des sols ou des rendements stagnants ou réduits pourraient s’ensuivre. Par contre, en Asie du Sud ainsi qu’au ProcheOrient et en Afrique du Nord, où presque toutes les terres aptes à la culture sont déjà exploitées, il n’y aura pratiquement aucune expansion des superficies. D’ici 2030, la région du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord exploitera 94 pour cent de ses terres cultivables, ceci laissant un excédent de 6 millions d’ha seulement. En Asie du Sud, la situation sera encore plus critique, puisque 98 pour cent sont déjà mis en exploitation. En
Asie du Sud et de l’Est, plus de 80 pour cent de l’augmentation de la production devra provenir d’une hausse des rendements, car l’expansion des terres arables ne permettra qu’un accroissement de 5 à 6 pour cent. L’intensité culturale va croître dans toutes les régions en développement, passant en moyenne de 93 pour cent à 99 pour cent. On y parviendra en réduisant les périodes de jachère et en augmentant les récoltes multiples, rendues possible en partie grâce au développement de l’irrigation. Les terres se font-elles plus rares? Beaucoup s’inquiètent du risque que le monde vienne à manquer de terres agricoles. La tendance à la pénurie associée à la croissance démographique est aggravée par l’urbanisation des terres agricoles, par la dégradation des sols et par d’autres facteurs. Il est certain que beaucoup de terres cultivables sont prises pour des usages non agricoles. En comptant 40 ha pour les logements et infrastructures nécessaires à 1 000 personnes, la croissance démographique mondiale entre 1995 et 2030 mobilisera 100 millions d’ha supplémentaires de terres à ces fins non agricoles. Comme la plupart des centres urbains sont implantés sur des terres agricoles fertiles de plaines côtières ou de vallées fluviales, lorsque ceux-ci se développent, ils occupent davantage de ces terres de qualité. Rien qu’en Chine, plus de 2 millions d’ha ont été retirés de l’agriculture entre 1985 et 1995. Malgré ces pertes, il ne semble pas que le monde va se voir confronté à l’avenir à une pénurie générale de terres. Entre le début des années 1960 et la fin des années 1990, la superficie mondiale de terres cultivées n’a augmenté que de 11 pour cent, alors que la population mondiale a presque doublé. Par conséquent, la superficie de terres cultivées par personne a diminué de 40 pour cent, passant de 0,43 ha à 0,26 ha seulement. Or, durant cette même période, les niveaux de nutrition se sont considérablement améliorés et les prix réels des produits vivriers ont baissé. Ce paradoxe s’explique parce que, durant cette même période, la croissance de la productivité a réduit d’environ 56 pour cent la superficie de terre nécessaire pour produire une quantité donnée de vivres. Cette réduction, rendue possible par l’augmentation des rendements et de l’intensité culturale a plus que compensé la diminution de la superficie par personne, ce qui a permis une croissance de la production alimentaire.
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Il n’en est pas moins vrai que le manque de terres et les problèmes qui s’y rattachent existent aux niveaux national et local, avec de graves répercussions sur la pauvreté et la sécurité alimentaire. Dans de nombreux pays, cette situation risque de s’aggraver, à moins que des mesures de redressement ne soient prises. Quelle est la gravité de la dégradation des sols? La dégradation des sols est le processus par lequel la capacité de production actuelle ou future des sols se trouve réduite en raison de modifications chimiques, physiques ou biologiques. Certains spécialistes soutiennent que la dégradation accélérée des sols va effacer les améliorations de la productivité, alors que d’autres estiment que la gravité de ce problème a été bien exagérée. A vrai dire, l’étendue des sols dégradés n’est pas connue très précisément. Son évaluation est souvent basée sur les opinions d’experts plutôt que sur des mesures objectives. Rien que pour l’Inde, les estimations avancées par différentes autorités publiques vont de 53 millions d’ha jusqu’à 239 millions d’ha. L’étude la plus complète à ce jour, l’Evaluation globale de la dégradation des sols (GLASOD,
Global Assessment of Soil Degradation ), date maintenant d’il y a plus de dix ans. GLASOD estimait qu’un total de 1 964 millions d’ha étaient dégradés, dont 910 millions étaient au moins modérément touchés (avec une productivité considérablement réduite) et 305 millions l’étaient fortement ou gravement (devenus inaptes à l’agriculture). L’érosion due à l’eau était le problème le plus courant, affectant près de 1 100 millions d’ha, puis venait ensuite l’érosion éolienne, qui affectait près de 600 millions d’ha. L’impact de la dégradation sur la productivité est également difficile à évaluer. Sa gravité varie énormément d’un endroit à l’autre même sur de courtes distances, et dans un même endroit elle est fonction de la météorologie, de la végétation et des techniques agricoles au niveau local. Le lent processus de la dégradation peut être masqué par une application supplémentaire d’engrais ou par un changement des cultures pratiquées. GLASOD avait rapporté en 1991 que pratiquement toutes les terres agricoles de Chine étaient dégradées, et pourtant entre le début des années 1960 et le milieu des années 1990, la Chine a triplé sa production de riz et multiplié par sept sa production de blé. Certaines études suggèrent que les pertes
Dégradation des sols causée par les activités humaines
Types de dégradation des sols
Autres symboles
Erosion hydrique
Détérioration physique
Terrain stable
Erosion éolienne
Grave détérioration
Terres stériles non utilisées
Détérioration chimique
Plans d'eau Source: Oldeman et al. (1991)
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Principaux types de dégradation des sols • Les terres en pente sont particulièrement sujettes à l’érosion par l’eau, en particulier dans les zones humides où les pentes dépassent 10 à 30 pour cent et où aucune mesure de protection n’est prise. On estime qu’au Népal, par exemple, quelque 20 à 50 tonnes de sol par hectare sont érodées chaque année des champs situés sur les collines et dans les montagnes, et que jusqu’à 200 tonnes de sol par hectare et par an pourraient être perdues dans certains bassins versants fortement dégradés. Les rendements des cultures dans ces régions ont chuté de 8 à 21 pour cent entre 1970 et 1995. Environ 45 pour cent des terres agricoles mondiales ont des pentes de plus de 8 pour cent et, sur ce total, 9 pour cent ont des pentes très abruptes de plus de 30 pour cent. • La désertification, terme qui décrit la dégradation des sols dans les régions arides et semi-arides, a attiré une grande attention durant les années 1970 et 1980, où l’on était convaincu de l’avancée inexorable des déserts comme le Sahara. Les estimations suggéraient que jusqu’à 70 pour cent des 3,6 milliards d’ha de terres cultivables du monde étaient dégradés. Depuis lors, grâce à la télédétection, on a pu établir que les lisières du désert avancent et reculent selon les changements climatiques naturels, et les études sur le terrain attestent de l’élasticité des systèmes de culture et d’élevage et de la capacité d’adaptation des agriculteurs et des éleveurs. • La salinisation se produit dans les zones irriguées, généralement lorsque le drainage
annuelles moyennes de productivité agricole pourraient être assez faibles, pas plus de 0,2 à 0,4 pour cent par an. La dégradation entraîne également des coûts hors site, tels que l’envasement des lits des cours d’eau et des barrages, les dégâts dus aux inondations, la perte de pêcheries et l’eutrophisation des lacs et des eaux côtières. Ces coûts sont souvent plus élevés que les coûts sur le site. Cependant, les effets hors site de la dégradation ne sont pas tous négatifs: les pertes à
est inadéquat et, de ce fait, les sels se concentrent dans les couches supérieures du sol où les plantes prennent racine. C’est un problème qui se rencontre principalement dans les zones arides et semi-arides, où entre 10 et 50 pour cent de la superficie irriguée peut être affectée. La salinisation peut causer des baisses de rendement de 10 à 25 pour cent pour beaucoup de récoltes et peut empêcher totalement la culture lorsqu’elle est sévère. On estime que 3 pour cent des terres agricoles mondiales sont affectées. En Asie de l’Est, cependant, la proportion est de 6 pour cent et en Asie du Sud elle est de 8 pour cent. Pour les régions tropicales arides et semi-arides en général, 12 pour cent des terres agricoles pourraient être affectées. • L’épuisement des éléments nutritifs est aussi un sérieux problème. Les agriculteurs utilisent souvent une quantité d’engrais insuffisante pour remplacer l’azote, le phosphore et le potassium (NPK) récoltés avec leurs cultures et perdus par lessivage, et parallèlement les sols pourraient être déficients en oligo-éléments comme le fer et le bore. Une étude détaillée de l’Amérique latine et des Caraïbes a révélé un épuisement des éléments nutritifs dans toutes les régions et pour presque toutes les cultures sauf les haricots. Les pertes nettes de NPK dans la région en 1993-95 s’élevaient à 54 kg par ha et par an. Une autre étude a suggéré des pertes nettes de 49 kg par ha et par an en Afrique subsaharienne.
un endroit peuvent résulter en des gains ailleurs, comme dans les cas où le sol érodé des hautes terres vient augmenter la productivité des plaines alluviales où il se dépose. Du fait que ce phénomène est difficile à quantifier, l’évolution future de la dégradation des sols n’a pas été prise en compte dans les projections calculées pour la présente étude. Néanmoins, certaines tendances prévues ou prévisibles, dictées principalement par des forces économiques, vont en réduire l’étendue et l’impact:
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• On s’attend à ce qu’environ un tiers de la superficie récoltée dans les pays en développement en 2030 soit constituée de terres irriguées, qui sont généralement plates, protégées par des digues et souffrant peu de l’érosion. A cette époque, un quart des terres en culture pluviale aura des pentes inférieures à 5°, c’est-à-dire généralement peu sujettes à une forte érosion. • L’adoption de systèmes de production animale plus intensifs réduira dans une certaine mesure les pressions exercées sur les pâturages. Cependant, dans les pays en développement ceci sera en partie contrebalancé par l’empiétement des terres cultivées, qui réduira la superficie restant pour le pâturage extensif. • Au fur et à mesure que les gens quitteront les campagnes pour les villes, et abandonneront l’agriculture pour d’autres métiers, les terres en pente et autres terres marginales auront tendance à être abandonnées et à se recouvrir de nouveau de broussailles ou de forêts. Ce processus s’est déjà produit rapidement dans certains pays européens. En Italie, quelque 1,5 millions d’ha, dont 70 pour cent en pente, ont été abandonnés dans les années 1960. Dans certaines provinces, les terres agricoles ont diminué de 20 pour cent. D’autres évolutions tendant à réduire la dégradation des sols sont probables, mais leur étendue et leur intensité dépendront beaucoup de la diffusion de pratiques agricoles améliorées et écologiques, sans quoi la dégradation des sols pourrait empirer dans beaucoup de régions. Les principales pratiques et leur impact potentiel sont les suivants: • L’agriculture sans labour (ASL), qui permet de maintenir la couverture du sol toute l’année et d’accroître la teneur en matières organiques des sols, et par conséquent de réduire l’érosion hydrique et éolienne. • La consommation accrue et l’utilisation plus efficace des engrais, qui réduiront l’érosion en augmentant la croissance radiculaire et la couverture du sol.
Il n’y aura pas de pénurie globale de terres ou d’eau pour l’irrigation, mais de sérieux problèmes vont persister dans certains pays et certaines régions.
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• Le recours à l’irrigation, à la récupération de l’eau, aux cultures résistantes à la sécheresse et aux herbes résistantes au pâturage, qui améliorera la couverture culturale et végétale et réduira l’érosion des terres arides. • La culture de légumineuses, qui peut apporter un supplément d’azote aux sols et améliorer leur stabilité et leur texture dans le cadre de systèmes d’agriculture mixte (culture et élevage).
Irrigation et ressources en eau Une part importante des cultures mondiales est d’ores et déjà produite sous irrigation. En 1997-99, les terres irriguées représentaient environ un cinquième de la superficie arable totale dans les pays en développement. Cependant, en raison des rendements supérieurs et d’une plus grande fréquence des récoltes, elles fournissaient les deux cinquièmes de la totalité de la production végétale et près des trois cinquièmes de la production céréalière. On s’attend à ce que cette part augmente encore au cours des trois prochaines décennies. Sur la base du potentiel d’irrigation, des plans nationaux pour ce secteur et des besoins en eau des cultures, on peut s’attendre à une expansion de la superficie irriguée de 202 millions d’ha en 1997-99 à 242 millions d’ici 2030 sur l’ensemble des pays en développement. Il s’agit là d’une projection nette – c’est-à-dire qu’elle suppose que les terres perdues en raison, par exemple, de la salinisation et des pénuries d’eau seront réhabilitées ou substituées par de nouvelles superficies. La majeure partie de cette expansion se produira dans des régions où les terres sont rares et où l’irrigation est déjà cruciale: en Asie du SudEst et en Asie de l’Est, par exemple, elle sera de 14 millions d’ha dans chaque région. Le ProcheOrient et l’Afrique du Nord verront aussi une expansion significative. En Afrique subsaharienne et en Amérique latine, où les terres abondent et où le besoin et le potentiel d’irrigation sont moins grands, on prévoit que l’augmentation sera beaucoup plus modeste: 2 millions et 4 millions d’ha respectivement. Bien que l’expansion projetée soit ambitieuse, elle est beaucoup moins intimidante que ce qui a
été réalisé jusqu’ici. Depuis le début des années 1960, pas moins de 100 millions d’ha de nouvelles terres irriguées ont été créés. L’augmentation nette projetée pour les trois prochaines décennies ne s’élève qu’à 40 pour cent de ce chiffre. Le taux de croissance annuel projeté de 0,6 pour cent est moins d’un tiers du taux atteint au cours des 30 dernières années. L’étude de la FAO n’a pas calculé de projections pour l’irrigation dans les pays développés, qui représentent environ un quart des superficies irriguées mondiales. L’irrigation dans ce groupe de pays s’est étendue très rapidement dans les années 1970, mais dans les années 1990 le rythme de croissance avait ralenti à 0,3 pour cent seulement par an. Y a-t-il suffisamment de terres irrigables pour répondre aux besoins futurs? Comme pour les terres cultivables en général, on a suggéré que le monde risquait de manquer prochainement de terres aptes à l’irrigation. On s’inquiète, aussi, du risque que de vastes superficies de terres actuellement irriguées soient sérieusement endommagées par la salinisation. Là encore, au niveau mondial ces craintes semblent exagérées, bien que de graves problèmes puissent se rencontrer au niveau local. Les études de la FAO montrent qu’il existe encore des possibilités de développer l’irrigation afin de répondre aux besoins futurs. Cependant, le potentiel d’irrigation est difficile à estimer avec précision, puisqu’il dépend de données complexes sur les sols, la pluviométrie et la topographie. Par conséquent, les chiffres ne doivent être considérés qu’à titre indicatif. Le potentiel total d’irrigation dans les pays en développement est néanmoins estimé à quelque 402 millions d’ha. Sur cette totalité la moitié était exploitée en 1997-99, ce qui laisse un potentiel inutilisé de 200 millions d’ha. L’augmentation projetée d’ici 2030 ne mobiliserait que 20 pour cent de ce potentiel inutilisé. Dans certaines régions, cependant, l’irrigation s’approchera bien plus de son potentiel maximum: d’ici 2030, le Proche-Orient et l’Afrique du Nord ainsi que l’Asie de l’Est exploiteront les trois quarts de leur superficie irrigable, et l’Asie du Sud (Inde non comprise) presque 90 pour cent. Les ressources en eau seront-elles suffisantes? Une autre inquiétude fréquemment exprimée est qu’une grande partie du monde court à des
Les projections pour les pays en développement suggèrent une augmentation de 14 pour cent des prélèvements d’eau pour l’irrigation d’ici 2030. Un pays en développement sur cinq sera confronté à des pénuries d’eau.
pénuries d’eau. Comme environ 70 pour cent de toute l’eau prélevée pour la consommation humaine l’est à des fins agricoles, l’on craint que ceci n’affecte l’avenir de la production alimentaire. Là encore, au niveau mondial il ne semble pas y avoir lieu de s’alarmer, mais au niveau de certaines localités, pays et régions, il y a de forts risques que de sérieuses pénuries d’eau se produisent. L’évaluation, dans le présent rapport, du potentiel de terres irrigables tient déjà compte des contraintes imposées par la disponibilité d’eau. Les ressources en eau renouvelables disponibles dans une zone donnée se composent de la quantité d’eau apportée par les précipitations et le débit fluvial entrant, moins la quantité perdue par évapotranspiration. Ceci peut varier considérablement d’une région à l’autre. Par exemple, dans des régions arides comme le Proche-Orient et l’Afrique du Nord, seuls 18 pour cent des précipitations et des débits entrants subsistent après évapotranspiration, alors qu’en Asie de l’Est, qui a un climat humide, cette part atteint 50 pour cent. L’eau utilisée pour l’irrigation comprend, outre celle effectivement employée dans la transpiration de la culture, toute l’eau appliquée à celle-ci, ce qui peut être considérable dans le cas de cultures inondées, comme le riz. De plus, il y a des pertes dues aux fuites et à l’évaporation au cours de l’acheminement aux champs, et à l’eau qui s’écoule des champs sans être utilisée par la culture. Le rapport entre la quantité d’eau
Irrigation et ressources en eau, de 1997-99 à 2030 Eau renouvelable et prélèvement d'eau (km3) 0
2 000
4 000
6 000
8 000
10 000
12 000
14 000
Amérique latine et Caraïbes Asie de l'Est Asie du Sud Afrique subsaharienne Proche-Orient et Afrique du Nord
Ressources en eau renouvelables Prélèvement d'eau, 2030 Prélèvement d'eau, 1997-99
Source: données et projections FAO
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réellement utilisée pour la croissance de la culture, et la quantité prélevée sur les ressources en eau, représente ce que l’on appelle l’efficience de l’irrigation. L’efficience de l’irrigation varie fortement entre les régions. En général, l’efficience est plus élevée là où la disponibilité d’eau est plus faible: en Amérique latine, par exemple, elle n’est que de 25 pour cent, en comparaison de 40 pour cent au Proche-Orient et en Afrique du Nord et 44 pour cent en Asie du Sud. Sur l’ensemble des pays en développement, seulement quelque 7 pour cent des ressources en eau renouvelables ont été prélevés pour l’irrigation en 1997-99. Mais en raison des différences d’efficience et de disponibilités d’eau, la proportion mobilisée dans certaines régions était beaucoup plus importante que dans d’autres. En Afrique subsaharienne, où l’irrigation est moins répandue, seuls 2 pour cent ont été utilisés, et en Amérique latine où l’eau est abondante, 1 pour cent seulement. Par contre, en Asie du Sud ce chiffre était de 36 pour cent et au Proche-Orient et en Afrique du Nord il n’atteignait pas moins de 53 pour cent. Les projections pour les pays en développement suggèrent une augmentation de 14 pour cent des prélèvements d’eau pour l’irrigation d’ici 2030. Même ainsi, ils n’utiliseront alors que 8 pour cent de leurs ressources en eau renouvelables pour l’irrigation. Cette proportion en Afrique subsaharienne et en Amérique latine restera minime. On considère que la disponibilité d’eau ne devient un facteur critique que lorsque 40 pour cent ou plus des ressources en eau renouvelables sont utilisées pour l’irrigation. C’est le seuil à partir duquel les pays sont contraints de faire des choix difficiles entre l’approvisionnement en eau de leurs secteurs urbains ou ruraux. D’ici 2030, l’Asie du Sud aura atteint ce seuil, et au Proche-Orient et en Afrique du Nord le niveau atteint ne sera pas moins de 58 pour cent. Sur 93 pays en développement étudiés dans le cadre de ce rapport, 10 utilisaient déjà plus de 40 pour cent de leurs ressources en eau renouvelables en 1997-99; 8 autres en utilisaient plus de 20 pour cent – seuil qui peut être considéré comme indiquant une menace de pénurie d’eau. D’ici 2030, deux autres pays auront dépassé ce seuil inférieur et un pays en développement sur cinq sera sujet à une pénurie d’eau effective ou imminente.
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Deux pays, la Jamahiria arabe libyenne et l’Arabie saoudite, utilisent déjà annuellement plus d’eau pour l’irrigation que n’en fournissent leurs ressources renouvelables, en puisant sur les réserves fossiles d’eau souterraine. Plusieurs autres pays du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord, de l’Asie du Sud et de l’Asie de l’Est puisent aussi, localement, des eaux souterraines non renouvelables. Dans de vastes régions de l’Inde et de la Chine, les niveaux d’eau souterraine baissent de 1 à 3 m par an, causant l’affaissement de bâtiments, l’intrusion d’eau de mer dans les nappes aquifères et une augmentation des coûts de pompage. Dans ces pays et contrées, il faudra modifier les politiques et investir pour améliorer l’efficience de l’irrigation, en même temps qu’innover pour améliorer la collecte et l’infiltration de l’eau, au moyen par exemple de la récupération d’eau, de la plantation d’arbres, etc.
Potentiel d’accroissement des rendements Les taux de croissance ont ralenti au cours de la dernière décennie L’augmentation future de la production végétale proviendra en grande partie de l’amélioration des rendements. Les progrès accomplis en matière de rendements ont été irréguliers au cours des trois dernières décennies. Les rendements céréaliers mondiaux ont augmenté rapidement entre 1961 et 1999, le taux moyen étant de 2,1 pour cent par an. Grâce à la “Révolution verte”, ils ont accusé une croissance encore plus rapide dans les pays en développement, où le taux était en moyenne de 2,5 pour cent par an. Ce sont le blé, le riz et le maïs qui ont
La croissance des rendements du blé et du riz a visiblement ralenti dans les années 1990. Les rendements du riz ont augmenté à un taux moyen de 2,3 pour cent par an entre 1961 et 1989, mais entre 1989 et 1999 ce chiffre a baissé de plus de la moitié, pour tomber à 1,1 pour cent.
La croissance projetée des rendements est-elle réaliste? Comme on prévoit une croissance plus lente de la production au cours des 30 prochaines années, il ne sera pas nécessaire que les rendements augmentent aussi rapidement que dans le passé. Selon les projections, la croissance des rendements du blé va tomber à 1,1 pour cent par an au cours des 30 prochaines années, et celle du riz à 0,9 pour cent seulement par an. Néanmoins, des rendements plus élevés seront nécessaires – l’augmentation projetée estelle par conséquent réalisable? Une façon d’en juger consiste à examiner les écarts de performance entre groupes de pays. Certains pays en développement ont atteint des rendements agricoles très élevés. En 1997-99, par exemple, les 10 pour cent les plus performants affichaient un rendement moyen du blé six fois plus élevé que les
Rendement des cultures dans les pays en développement, de 1961 à 2030 5
1961-63 1997-99 4
Rendement (tonnes/ha)
2030
3
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connu les taux de croissance les plus rapides. En effet, étant les aliments de base les plus importants au monde, c’est sur eux que ce sont principalement concentrés les efforts internationaux d’amélioration des plantes. Les rendements des principales cultures commerciales, le soja et le coton, se sont aussi accrus rapidement. A l’autre extrémité de l’échelle, les rendements du millet, du sorgho et des légumineuses n’ont augmenté que lentement. Ces cultures, cultivées principalement par les agriculteurs dépourvus de ressources des régions semi-arides, figurent parmi celles pour lesquelles la recherche internationale n’a pas produit jusqu’ici de variétés offrant des rendements très supérieurs en exploitation paysanne. Des accroissements utiles ont été observés, cependant, et les rendements obtenus par les agriculteurs sont plus stables qu’ils ne l’étaient, grâce à l’introduction de caractères tels que la maturation précoce. La croissance globale des rendements céréaliers a fléchi dans les années 1990. Les rendements du maïs dans les pays en développement ont maintenu leur dynamisme, mais les progrès pour le blé et le riz ont visiblement ralenti. Les rendements du blé ont augmenté en moyenne de 3,8 pour cent par an entre 1961 et 1989, mais seulement de 2 pour cent par an entre 1989 et 1999. Quant au riz, les taux respectifs ont chuté de plus de la moitié, de 2,3 pour cent à 1,1 pour cent. Ceci reflète essentiellement le fléchissement de la demande concernant ces produits.
Source: données et projections FAO
10 pour cent les moins performants, et deux fois plus élevé que la moyenne des plus gros producteurs, à savoir la Chine, l’Inde et la Turquie. En ce qui concerne le riz, les écarts étaient approximativement les mêmes. Des écarts de rendement nationaux comme ceux-ci sont dus à deux ensembles principaux de causes: • Certains écarts sont dus à des conditions différentes de sol, de climat et de pente. Au Mexique, par exemple, une grande partie du pays est aride ou semi-aride et moins d’un cinquième des terres utilisées pour la culture du maïs convient à des variétés hybrides améliorées. Par conséquent, le rendement de maïs du pays, qui s’élève à 2,4 tonnes/ha, est à peine plus du quart de la moyenne des EtatsUnis d’Amérique. Les écarts de rendement de ce type, dus à des différences agroécologiques, ne peuvent pas être réduits. • D’autres facteurs des écarts de rendement, cependant, sont dus à des différences dans les méthodes de culture, comme par exemple la quantité d’engrais utilisée. Ces écarts peuvent être réduits, si c’est rentable pour les agriculteurs. Pour déterminer quels progrès sont réalisables en matière de rendements, il faut faire la
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Ecarts de rendement exploitables pour le blé: rendement réel par rapport au rendement potentiel 8
Réel Potentiel
Rendement (tonnes/ha)
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Sources: données FAO et Fischer et al. (2000)
distinction entre les écarts qui peuvent être réduits et ceux qui ne le peuvent pas. Une étude FAO/IIASA détaillée, basée sur les zones agroécologiques, a fait pour chaque pays l’inventaire des superficies de terres qui conviennent, à divers degrés, à différentes cultures. A partir de ces données, il est possible de calculer un rendement national maximum réalisable pour chaque culture. Ce maximum suppose que des niveaux élevés d’intrants et les variétés de cultures les mieux adaptées sont utilisés dans chaque zone, et que chaque culture est cultivée dans un éventail de
Comme on prévoit une croissance plus lente de la production au cours des 30 prochaines années, il ne sera pas nécessaire que les rendements augmentent aussi rapidement que dans le passé. Selon les projections, dans les pays en développement, la croissance des rendements du blé va tomber à 1,1 pour cent par an et celle des rendements du riz à 0,9 pour cent seulement.
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Engrais: leur utilisation va continuer d’augmenter, mais lentement L’un des principaux moyens pour les agriculteurs d’accroître les rendements consiste à utiliser davantage d’engrais. Un tiers de l’augmentation de la production mondiale de céréales dans les années 1970 et 1980 a été attribué à l’utilisation accrue d’engrais. En Inde, c’est même la moitié. Le degré d’utilisation des engrais varie énormément suivant les régions. L’Amérique du Nord, l’Europe occidentale et l’Asie de l’Est et du Sud représentaient les quatre cinquièmes de l’utilisation mondiale d’engrais en 1997-99. Les taux les plus élevés, atteignant en moyenne 194 kg d’éléments fertilisants par hectare, étaient appliqués en Asie de l’Est, les pays industrialisés venant en deuxième position avec 117 kg/ha. A l’autre extrémité de l’échelle, les agriculteurs d’Afrique subsaharienne n’en utilisaient que 5 kg/ha. La consommation mondiale d’engrais a connu une rapide hausse dans les années 1960, 1970 et 1980, mais elle a considérablement ralenti dans les années 1990. Dans les pays industrialisés, le fléchissement a été dû principalement à la réduction du soutien gouvernemental à l’agriculture et à la montée de la préoccupation environnementale. Dans les pays en transition, la consommation d’engrais a de même rapidement baissé, mais pour des raisons différentes, à savoir la récession et la restructuration. Même dans les pays en développement, le taux de croissance de l’utilisation d’engrais dans les années 1990 avait chuté à moins de la moitié du chiffre des décennies précédentes. On prévoit la poursuite de cette croissance ralentie. La consommation mondiale d’engrais devrait augmenter en moyenne de 1 pour cent par an au cours des trois prochaines décennies (un peu plus vite dans les pays en développement, et un peu moins dans les pays développés). C’est en Afrique subsaharienne que les taux de croissance seraient les plus élevés. On n’y utilise actuellement que très peu d’engrais, et donc ces taux de croissance rapides pourraient ne se traduire en réalité que par de faibles augmentations absolues.
Utilisation d’engrais, de 1961 à 1999 200
Azote Phosphates
Application d'éléments fertilisants (kg/ha)
Potassium
100
0
su
bs
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1961-63 1997-99 1961-63 1997-99 1961-63 1997-99 1961-63 1997-99 1961-63 1997-99 1961-63 1997-99 1961-63 1997-99
As
qualités des sols qui reflète la diversité nationale. Il s’agit d’un chiffre réaliste car il est basé sur des technologies déjà connues et ne suppose pas d’importantes découvertes sur le plan de l’amélioration des plantes. Il risquerait plutôt de sous-estimer les rendements maximums réalisables car, dans la pratique, on aura tendance à pratiquer les cultures dans les terres qui leur conviennent le mieux. Le rendement maximum réalisable peut alors être comparé au rendement national moyen réel pour avoir une idée de l’écart de rendement qui peut être comblé. L’étude a montré que même un pays technologiquement dynamique comme la France n’est pas encore près d’atteindre son rendement maximum réalisable. La France pourrait obtenir un rendement moyen du blé de 8,7 tonnes/ ha, qui pourrait monter à 11,6 tonnes/ha dans ses meilleures terres à blé, alors que son rendement moyen réel est aujourd’hui de 7,2 tonnes/ha. Des écarts de rendement de cet ordre existent dans la plupart des pays ainsi étudiés. Seuls quelques pays atteignent en fait leur rendement maximum réalisable. On a toutes les raisons de croire que, lorsque les prix réels augmenteront, les agriculteurs œuvreront pour combler les écarts de rendements. Dans le passé, les agriculteurs jouissant d’un bon accès aux technologies, aux intrants et aux marchés ont réagi très rapidement à la hausse des prix. L’Argentine, par exemple, a augmenté sa production de blé de rien moins que 68 pour cent en un an seulement, en 1996, suite aux augmentations du prix, bien que ceci ait été réalisé principalement grâce à une expansion de la superficie cultivée. Là où les terres se font plus rares, la réaction des exploitants consiste à passer à des variétés à plus haut rendement et à accroître l’utilisation d’autres intrants pour parvenir à des rendements plus élevés. Il semble évident que, même sans nouvelles innovations technologiques, il serait possible d’accroître les rendements des cultures à la mesure des besoins. En effet, si 11 seulement des pays producteurs de blé, représentant moins des deux cinquièmes de la production mondiale, comblaient simplement la moitié de l’écart entre leur rendement réel et leur rendement maximum réalisable, la production mondiale de blé augmenterait alors presque d’un quart. Il est toujours incertain que la recherche donne des résultats, en particulier si elle est de nature
Source: données FAO
stratégique ou fondamentale. Néanmoins, si les recherches génétiques et autres actuellement en cours généraient de nouvelles technologies, les seuils de rendement pourraient s’en trouver encore augmentés, tandis que les coûts environnementaux de la production végétale pourraient aussi être réduits. Avec les incitations économiques voulues, l’agriculture mondiale satisfera la demande exprimée par le marché, comme elle l’a fait dans le passé. Il est évident que beaucoup d’agriculteurs pauvres dans des environnements marginaux ne seront en mesure de réagir que s’ils ont accès aux intrants, aux marchés et aux technologies, et si les politiques créent les conditions favorables. De plus, il faut que la recherche arrive à développer des variétés et des techniques qui améliorent les rendements dans les environnements hostiles. Ces mesures sont essentielles pour que les agriculteurs pauvres et leurs familles sortent du piège de la pauvreté.
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Le rôle de la technologie Le développement et la propagation de nouvelles technologies sont d’importants facteurs qui vont déterminer l’avenir de l’agriculture. La présente étude a examiné trois domaines particulièrement critiques, à savoir la biotechnologie, les technologies d’une agriculture durable, et les orientations que la recherche devrait suivre à l’avenir.
La biotechnologie: problèmes et perspectives Quel est le rôle actuel de la biotechnologie? Depuis des milliers d’années, les êtres humains travaillent à l’amélioration des cultures qu’ils produisent et des animaux qu’ils élèvent. Au cours des 150 dernières années, les chercheurs ont
La biotechnologie semble très prometteuse, tant pour les producteurs que pour les consommateurs de produits agricoles, mais ses applications comportent aussi des risques potentiels. Les risques et les avantages peuvent varier considérablement d’un produit à l’autre et ils sont souvent perçus différemment dans différents pays. Pour tirer profit au maximum du potentiel de la biotechnologie, il faudra élaborer des politiques appropriées afin de veiller à ce que ces risques soient identifiés avec précision et, si nécessaire, évités.
Superficie de cultures génétiquement modifiées pour différents produits et pays
Maïs 19%
Coton 13%
Colza 5%
Soja 63% Produits (100 % = 52,6 millions d'ha)
Etats-Unis d’Amérique 69%
Argentine 22% Chine Canada Australie 6% 3% 1% Afrique du Sud 1% Pays (100 % = 52,6 millions d'ha) Source: ISAAA (2001)
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contribué à ces efforts en développant et en perfectionnant les techniques de sélection et d’amélioration. Bien que d’énormes progrès aient été accomplis, la sélection et l’amélioration traditionnelles demandent beaucoup de temps et connaissent des contraintes techniques. La biotechnologie moderne a le potentiel d’accélérer le développement et l’exploitation de cultures et d’animaux améliorés. La sélection assistée par marqueurs, par exemple, augmente l’efficacité de l’amélioration végétale traditionnelle en permettant une analyse rapide en laboratoire de milliers de spécimens sans la nécessité de cultiver des plantes sur le terrain jusqu’à maturité. Les techniques de culture de tissus permettent la multiplication rapide de plants sains d’espèces à propagation végétative, qui peuvent ensuite être distribués aux agriculteurs. Le génie ou la modification génétique (manipulation du génome d’un organisme en introduisant ou en éliminant des gènes spécifiques) permet de transférer les caractères désirés d’une plante à l’autre plus rapidement et avec une plus grande précision que ne le permettent les méthodes traditionnelles d’amélioration végétale. Cette dernière technique est extrêmement prometteuse, mais elle a aussi soulevé des inquiétudes largement répandues dans le public. Parmi celles-ci figurent des préoccupations éthiques, des craintes quant à la sécurité sanitaire des aliments et à la sécurité de l’environnement, et l’appréhension que la concentration du pouvoir économique et la dépendance technologique pourraient creuser encore davantage le fossé entre pays développés et pays en développement. L’expansion des cultures génétiquement modifiées a été rapide. Leur superficie s’est multipliée par 30 entre 1996 et 2001, couvrant alors plus de 52 millions d’ha. Des travaux de recherche considérables sont en cours dans certains pays en développement en vue de développer davantage de variétés génétiquement modifiées. On rapporte que la Chine, par exemple, arrive en seconde place après les Etats-Unis d’Amérique pour sa capacité de recherche en biotechnologie. Cependant, jusqu’ici, l’expansion est géographiquement très concentrée. Quatre pays seulement représentent 99 pour cent de la
Biotechnologie: avantages potentiels, risques et inquiétudes Avantages potentiels • Une productivité accrue, conduisant à des revenus plus élevés pour les producteurs et à des prix plus bas pour les consommateurs. • Un moins grand besoin d’intrants nocifs pour l’environnement, en particulier d’insecticides. Les chercheurs ont développé des variétés de maïs et de coton incorporant des gènes de la bactérie Bacillus thuringiensis (Bt) qui produisent des toxines insecticides. On est en train de développer des variétés résistantes aux virus et aux champignons pour les fruits et légumes, la pomme de terre et le blé. • De nouvelles variétés végétales pour les zones marginales permettront d’améliorer la durabilité de l’agriculture dans les communautés rurales pauvres. Ces variétés résisteront à la sécheresse, à l’engorgement des sols par l’eau, à l’acidité des sols, à la salinité ou à des températures extrêmes. • De moindres exigences en gestion de l’exploitation grâce à une résistance intégrée aux ravageurs et aux maladies. • Une plus grande sécurité alimentaire grâce à la réduction des fluctuations de rendement causées par les invasions d’insectes, la sécheresse ou les inondations. • Des valeurs nutritives plus élevées grâce à une qualité protéinique supérieure et une plus forte teneur en protéines, en vitamines et en micronutriments (par exemple, riz enrichi en iode ou en bêta-carotène). • Des aliments meilleurs à la santé et plus digestibles. Les chercheurs sont en train de développer des variétés de soja qui contiennent moins de matières grasses saturées et davantage de saccharose. • La production de produits chimiques et pharmaceutiques très utiles à un coût plus bas qu’il n’est possible aujourd’hui. Les produits envisagés vont des huiles spécialisées et des plastiques biodégradables aux hormones et aux anticorps humains. Risques et inquiétudes • Les produits sont adaptés essentiellement aux besoins des grandes exploitations et des
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industries de transformation du monde développé, et par conséquent les exploitants dénués de ressources dans les pays en développement n’en tireront pas avantage. La concentration du marché et le pouvoir monopolistique dans le secteur des semences limitent le choix et la possibilité de contrôle par les agriculteurs, qui paieront des prix toujours plus élevés pour les semences. Une seule société contrôle plus de 80 pour cent du marché de coton génétiquement modifié et 33 pour cent de celui du soja génétiquement modifié. L’octroi de brevets pour les gènes et autre matériel provenant des pays en développement. Les sociétés du secteur privé peuvent s’approprier, sans compensation, les produits issus des efforts d’amélioration végétale de plusieurs générations d’agriculteurs et de la recherche publique. Des technologies qui empêchent les agriculteurs de réutiliser les semences. Elles obligent les agriculteurs à acheter de nouvelles semences à chaque saison et pourraient entraver leur adoption par les agriculteurs pauvres. Dans le pire des cas, ignorer cette caractéristique pourrait conduire à un échec total de la récolte. Sécurité sanitaire des aliments. Cet aspect a attiré l’attention suite à l’entrée dans la chaîne alimentaire, aux Etats-Unis d’Amérique, d’une variété de maïs potentiellement allergène, qui n’avait pas été enregistrée pour l’usage alimentaire. L’impact sur l’environnement des cultures génétiquement modifiées. Il y a un risque que les gènes insérés se répandent parmi les populations sauvages, ceci pouvant entraîner des conséquences potentiellement graves pour la biodiversité ou contaminer les cultures des agriculteurs biologiques. Les gènes produisant une résistance aux herbicides pourraient encourager un usage excessif de ceux-ci; les gènes qui apportent une résistance aux insectes pourraient rendre les insectes résistants, et nécessiter l’emploi de produits plus toxiques pour les éliminer.
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superficie mondiale de cultures génétiquement modifiées: les Etats-Unis d’Amérique avec 35,7 millions d’ha, l’Argentine avec 11,8 millions d’ha, le Canada avec 3,2 millions d’ha et la Chine avec 1,5 millions d’ha. Le nombre et le type de cultures et d’applications concernées sont également limités: deux tiers de la superficie sont occupés par des cultures résistantes aux herbicides. Toutes les cultures commerciales génétiquement modifiées sont actuellement soit non alimentaires (coton), soit fortement utilisées dans les aliments du bétail (soja et maïs). Pourquoi la biotechnologie moderne est-elle nécessaire? Mondialement, la production agricole pourrait probablement satisfaire la demande projetée jusqu’en 2030, même en l’absence de progrès significatifs en biotechnologie. Cependant, la biotechnologie pourrait être un outil important dans la lutte contre la faim et la pauvreté, en particulier dans les pays en développement. Comme elle peut être capable d’offrir des solutions là où les méthodes traditionnelles d’amélioration ont échoué, elle pourrait contribuer grandement au développement de variétés végétales aptes à prospérer dans les environnements hostiles où un grand nombre des pauvres du monde vivent et cultivent la terre. On a déjà obtenu des résultats prometteurs quant au développement de variétés dotées de caractères complexes, comme la tolérance ou la résistance à la sécheresse, à la salinité du sol, aux insectes ravageurs et aux maladies, ce qui permet de réduire les échecs des récoltes. Diverses applications permettent aux exploitants démunis de limiter leurs achats d’intrants, tels que pesticides ou engrais, ce qui représente un avantage pour l’environnement et la santé de la population, ainsi que pour les revenus des exploitants. La recherche en biotechnologie est en majeure partie assurée et contrôlée par de grosses sociétés privées, qui jusqu’ici ont ciblé essentiellement les exploitations commerciales qui ont les moyens d’acheter leurs produits. Néanmoins, certaines recherches sont effectuées dans le secteur public en vue de répondre aux besoins des exploitants dénués de ressources. En outre, la plupart des technologies et des produits intermédiaires développés grâce à la recherche privée pourraient être adaptés afin de résoudre
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des problèmes d’urgence dans les pays en développement. Pour que les pauvres de ces pays puissent profiter de ce potentiel, il faudra, aux niveaux national et international, favoriser la formation de partenariats entre les secteurs privé et public, qui faciliteront l’accès à ces technologies à des prix abordables. C’est là le principal défi du futur en matière de politiques. Quelles politiques suivre pour que les pauvres bénéficient du potentiel de la biotechnologie? Dans le cas des cultures génétiquement modifiées, la plupart des applications commerciales développées jusqu’ici sont destinées à réduire les coûts de production, et non pas à répondre aux besoins exprimés par les consommateurs. Les avantages attendus et les risques potentiels de ces cultures, et de la biotechnologie dans son ensemble, sont perçus différemment selon les régions, les pays, les communautés d’intérêts et les individus. Les pauvres sans terres ou citadins dans les pays en développement ont besoin de produits alimentaires à meilleur marché. Par contre, pour les consommateurs des pays développés, où les vivres abondent, les préoccupations en matière de santé et d’environnement associées à la biotechnologie l’emportent sur les éventuelles réductions de coût. Ces consommateurs seront plus enclins à accepter les nouveaux produits si l’on peut garantir leur sécurité par le biais de cadres réglementaires adéquats. Les investissements dans la recherche génétique pour les pays en développement devront être plus importants et mieux ciblés pour assurer que les exploitants de ces pays aient accès aux nouvelles variétés végétales. On devrait mettre l’accent, non plus autant sur la résistance aux pesticides, mais sur les caractéristiques cruciales pour les exploitants démunis: meilleure tolérance ou résistance à la sécheresse, à l’engorgement par l’eau, à la salinité et aux températures extrêmes; meilleure résistance aux ravageurs et aux maladies; qualités nutritionnelles plus élevées; et rendements accrus. Un tel changement d’orientation pourrait être fondé sur de nouveaux partenariats entre les secteurs privé et public, qui bénéficieraient de la plus grande efficacité de la recherche dans le secteur privé, mais sous l’orientation des bailleurs de fonds du secteur public. Des fonds pour la recherche pourraient être mis à disposition sur la base d’adjudications publiques.
Le coton Bt en Chine: une réussite L’un des succès les plus impressionnants de l’agriculture biotechnologique est le coton Bt en Chine. Suite à des travaux de recherche effectués par différents partenaires des secteurs public et privé, le coton Bt a été mis à la disposition des agriculteurs du pays en 1997. Il s’est répandu rapidement, la superficie totale qui lui est consacrée étant passée de 2 000 ha la première année à 70 000 ha en 2000. Les raisons de cette popularité étaient principalement économiques, mais cette culture présentait également d’importants avantages au niveau de l’environnement et de la santé humaine. En général, le coton est très susceptible aux ravageurs et il exige normalement de nombreuses applications d’insecticide, ce qui revient cher, demande une grande quantité de main d’œuvre supplémentaire, et cause souvent des problèmes de santé chez les ouvriers agricoles. Les exploitants qui ont utilisé la nouvelle variété
Bt ont pu réduire de 80 pour cent la quantité et d’un tiers les applications d’insecticide. Ils ont réduit à la fois leur main d’œuvre et les coûts d’autres intrants. Leurs rendements ont aussi augmenté: 3,37 t/ha au lieu de 3,18 t/ha pour le coton non-Bt. La production d’un kilogramme de coton est revenue globalement à 28 pour cent moins cher. Ceci a eu des effets positifs sur la biodiversité: les agriculteurs et les vulgarisateurs du gouvernement ont rapporté une plus grande diversité d’insectes et davantage d’espèces bénéfiques dans les champs de coton Bt. En outre, les avantages au niveau santé ont été considérables pour les agriculteurs: 5 pour cent seulement des cultivateurs du coton Bt ont signalé des intoxications, contre 22 pour cent chez ceux qui avaient cultivé du coton non-Bt. Les avantages économiques du coton Bt ont été évalués globalement à 334 millions de dollars EU par an en 1999.
Effets du coton Bt en Chine Rendement (kg/ha)
Utilisation de pesticides (kg/ha)
Coûts de production ($EU/ha)
Exploitants signalant des intoxications (%)
3 400
70
2.5
25
3 350
60 2.0
20
3 300
50
3 250
40
1.5
15
3 200
30
1.0
10
3 150
20 0.5
5
3 100
10
3 050
0
0 Avec Bt
Sans Bt
Avec Bt
Sans Bt
0
Avec Bt
Sans Bt
Avec Bt
Sans Bt
Source: Huang et al. (2002)
Autres changements à l’horizon Les rapides progrès réalisés tant dans l’élaboration que dans la propagation des nouvelles applications biotechnologiques, conjugués à la réaction incertaine du grand public face à ces applications, font qu’il est difficile de prévoir les perspectives à long terme de ces technologies, y compris leur impact futur sur la production.
Cependant, les développements à court terme (dans les trois prochaines années ou à peu près) sont un peu plus faciles à déterminer. Le succès du coton Bt en Chine a ouvert la voie à une expansion plus poussée des cultures génétiquement modifiées dans ce pays, qui offre un potentiel considérable pour les produits génétiquement modifiés. La Chine est un gros
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producteur de soja, de maïs et de tabac – toutes des cultures pour lesquelles d’autres pays ont développé des caractères génétiquement modifiés. Une adoption à grande échelle de la technologie de modification génétique en Chine pourrait bien donner l’impulsion voulue pour que les autres pays en développement suivent son exemple. Alors que l’adoption des technologies de modification génétique accélérera probablement dans les pays en développement, on s’attend à ce qu’elle ralentisse dans le monde développé. Ceci reflète essentiellement leur croissance impressionnante dans le passé, qui limite le potentiel d’expansion à l’avenir. Le soja génétiquement modifié, par exemple, compte déjà pour les deux tiers de la superficie mondiale de soja et pour une plus grande part encore de la superficie dans les pays développés. Au fur et à mesure que les superficies de ces cultures vont s’étendre au niveau mondial, il se peut que d’autres applications biotechnologiques, plus sophistiquées, prennent de l’importance. On peut citer par exemple les applications nutraceutiques ou cosmétiques basées sur la modification génétique. Comme il y a des chances que ces nouvelles applications présentent un éventail plus large d’avantages, outre celui d’offrir des vivres ou des aliments pour animaux « seulement » moins chers, les consommateurs des pays développés seront peut-être plus enclins à les accepter.
Vers une agriculture durable Avec des politiques créant les conditions propices, les trois prochaines décennies devraient voir l’expansion de méthodes agricoles qui réduisent les dommages causés à l’environnement tout en maintenant, voire en augmentant, la production. Dans certains cas, ces méthodes vont également réduire les coûts de production.
L’agriculture sans labour L’impact négatif que le travail du sol peut avoir sur les processus biologiques du sol, et par
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conséquent sur la productivité, est de plus en plus reconnu. C’est ainsi que l’agriculture sans labour (ASL) a été développée. Cette forme d’agriculture peut maintenir et améliorer les rendements des cultures en assurant une plus grande tolérance de la sécheresse et autres contraintes. Tout comme l’agriculture biologique, l’agriculture sans labour respecte la biodiversité et permet d’économiser les ressources. Cependant, à la différence de l’agriculture biologique, elle peut être associée à des intrants synthétiques et à des cultures génétiquement modifiées. Elle comporte trois éléments principaux: • Perturbation minime du sol. Le sol n’est pas travaillé et les cultures sont plantées directement à travers la couverture du sol. Non seulement la perte de substances nutritives dans l’atmosphère s’en trouve réduite, mais ceci entretient la structure du sol et l’écologie. • Maintien d’une couverture permanente de plantes vivantes ou mortes. Ceci protège le sol contre l’érosion et le compactage par la pluie, et entrave la pousse des mauvaises herbes. • Rotation des cultures. Différentes cultures sont plantées sur plusieurs saisons de manière à éviter le développement des ravageurs et des maladies et à optimiser l’utilisation des éléments fertilisants. L’agriculture sans labour peut augmenter les rendements de 20 à 50 pour cent. Les rendements varient moins d’une année à l’autre, et les coûts de main d’œuvre et de carburant sont moindres. Une fois qu’elle a été démontrée à des exploitants dans un endroit donné, ASL tend à se répandre spontanément sur une plus grande superficie. Les principaux obstacles à son expansion sont la complexité de gestion de la rotation des cultures, les coûts de la transition vers de nouvelles pratiques et, dans une certaine mesure, le conservatisme des services de vulgarisation agricole. Il est possible que des stages de recyclage, parfois associés à des incitations financières accrues, soient nécessaires pour accélérer l’adoption de ce mode d’agriculture. Lutte intégrée contre les ravageurs Les pesticides présentent divers risques au niveau de leur production, de leur distribution et de leur application. Utilisés de manière traditionnelle, ils peuvent éliminer non seulement les ravageurs visés mais aussi leurs prédateurs naturels et provoquer une résistance chez les ravageurs. Ils
peuvent aussi polluer les ressources en eau et en sols et causer divers problèmes de santé chez les opérateurs et leurs proches. La lutte intégrée contre les ravageurs a pour but de minimiser la quantité de pesticide appliquée en utilisant d’autres moyens de lutte plus efficacement. L’incidence des ravageurs est surveillée, et on agit uniquement lorsque les dégâts dépassent les limites tolérables. Parmi les autres technologies et méthodes utilisées figurent les variétés résistantes aux ravageurs, les insecticides biologiques et les pièges, ainsi que la gestion des rotations de cultures, de l’utilisation d’engrais et de l’irrigation de manière à limiter les ravageurs. Les pesticides chimiques, lorsqu’ils sont utilisés, sont choisis pour assurer une toxicité minimum et appliqués de manière soigneusement calculée. De nombreux pays ont introduit la lutte intégrée avec succès et ont obtenu une production accrue, accompagnée d’une réduction des coûts sur le plan financier, ainsi qu’au niveau de l’environnement et de la santé humaine. Là encore, dans de nombreux pays, les systèmes de vulgarisation et les politiques suivies ont eu tendance à favoriser l’usage de pesticides. Il faudra les réformer si l’on veut assurer la dissémination plus rapide de la lutte intégrée.
L’agriculture sans labour peut permettre d’augmenter les rendements des cultures de 20 à 50 pour cent. Les rendements sont plus stables, la résistance à la sécheresse s’en trouve améliorée et les coûts de main d’œuvre et de carburant sont moindres, mais la gestion est plus complexe.
exogènes. Les pesticides de synthèse, les engrais chimiques, les produits de synthèse pour la conservation, les produits pharmaceutiques, les organismes génétiquement modifié (OGM), les boues d’épuration et l’irradiation sont tous exclus. L’intérêt suscité par l’agriculture biologique a été renforcé par les inquiétudes du grand public concernant la pollution, la sécurité sanitaire des aliments et la santé humaine et animale, ainsi que par la valeur accordée à la nature et à la campagne. Les consommateurs des pays développés se montrent prêts à payer des prix majorés de 10 à 40 pour cent pour les produits biologiques, et dans un même temps les subventions gouvernementales ont contribué à
Superficies sous culture biologique 1 000
600
400
200
0
I d’ Eta tali Am ts e é -U Al riq nis le ue Ro m ya ag um ne eU Es ni pa gn Fr e an Au ce tr ic h Ca e na da
Les promesses de l’agriculture biologique L’agriculture biologique regroupe un ensemble de pratiques visant à minimiser l’emploi d’intrants
800
Superficie (milliers d'ha)
Systèmes intégrés de nutrition des plantes La production végétale puise toujours dans les substances nutritives du sol. En général, les engrais traditionnels ne remplacent que quelques nutriments essentiels, alors que d’autres continuent à s’épuiser. Beaucoup d’exploitants démunis n’ont pas les moyens d’acheter ces engrais, ce qui entraîne un épuisement du sol. Dans d’autres cas, ils sont utilisés en excès, ce qui pollue les sols et les eaux. Les systèmes intégrés de nutrition des plantes visent à maximiser l’efficacité des éléments fertilisants par le biais de diverses pratiques, dont le recyclage des déchets végétaux et animaux et l’utilisation de légumineuses pour fixer l’azote présent dans l’atmosphère. Les intrants exogènes sont utilisés judicieusement, de manière à minimiser les coûts et à réduire la pollution. En gérant avec précision l’usage d’engrais, on peut accroître leur efficacité de 10 à 30 pour cent.
Source: Willer et Yussefi (2002)
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rendre l’agriculture biologique viable du point de vue économique. En conséquence, l’agriculture biologique s’est répandue rapidement dans les pays occidentaux. Entre 1995 et 2000, la superficie totale de terres biologiques en Europe et aux Etats-Unis avait triplé, encore qu’on soit parti d’un chiffre très bas. En 2001, dans le monde, quelque 15,8 millions d’ha étaient sous culture certifiée biologique. Près de la moitié se trouvait en Océanie, presque un quart en Europe et un cinquième en Amérique latine. Environ deux tiers de cette superficie est formée de pâturages biologiques. En tant que pourcentage de la superficie agricole totale, l’agriculture biologique reste modeste: 2 pour cent en moyenne en Europe. Cependant, de nombreux pays européens se sont fixé des objectifs d’expansion ambitieux, qui font que l’Europe de l’Ouest pourrait avoir environ un quart de sa superficie agricole totale sous exploitation biologique d’ici 2030. Aujourd’hui, grâce à la collaboration de plusieurs grandes chaînes de supermarchés, le marché des produits biologiques est en plein essor et la demande potentielle devance de loin les disponibilités. Dans de nombreux pays industrialisés, les ventes augmentent de 15 à 30 pour cent par an. Le marché total en 2000 était estimé à presque 20 milliards de dollars EU (toujours moins de 2 pour cent des ventes totales de produits alimentaires au détail dans les pays industrialisés, mais néanmoins une hausse appréciable par rapport à la valeur de ce marché il y a 10 ans). On s’attend à ce que la demande continue de croître, peut-être à un taux encore plus élevé que celui de 20 pour cent environ atteint ces dernières années. L’insuffisance de l’offre donne aux pays en développement une opportunité de combler le déficit, en particulier pour ce qui est des produits hors saison. Dans les pays industrialisés, l’agriculture biologique repose sur des méthodes clairement définies qui sont contrôlées par des organismes d’inspection et de certification. La plupart des pays en développement, par contre, n’ont pas encore leurs propres normes et systèmes de certification biologiques. L’agriculture biologique est peut-être plus répandue, en fait, dans ces pays que dans les
Localement, l’agriculture biologique pourrait devenir, dans les 30 prochaines années, un substitut tout à fait envisageable de l’agriculture traditionnelle.
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pays développés, mais elle est pratiquée par nécessité puisque la majorité des agriculteurs n’a pas les moyens d’acheter les intrants modernes ou n’y a pas accès. La plupart des cultures biologiques de consommation locale sont vendues au même prix que les autres produits. Cependant, beaucoup de pays en développement produisent aujourd’hui des denrées biologiques en quantités commerciales pour exportation sur les marchés des pays développés. On peut s’attendre à ce que ces exportations augmentent dans les prochaines années. L’agriculture biologique offre de nombreux avantages pour l’environnement. Les produits agrochimiques peuvent polluer les eaux souterraines, perturber les processus écologiques essentiels comme la pollinisation, nuire aux micro-organismes bénéfiques et présenter des risques pour la santé des ouvriers agricoles. La monoculture moderne, qui fait appel à des intrants de synthèse, nuit souvent à la biodiversité sur le plan génétique, ainsi qu’au niveau des espèces et des écosystèmes. Les coûts externes de l’agriculture traditionnelle peuvent être considérables. Par contre, l’agriculture biologique cherche à accroître la biodiversité et à rétablir l’équilibre écologique naturel. Elle encourage à la fois la biodiversité spatiale et temporelle au moyen de cultures intercalaires et de la rotation des cultures, elle conserve les ressources en sols et en eau et renforce les matières organiques et les processus biologiques des sols. Les ravageurs et les maladies sont tenus en échec grâce aux associations de cultures, aux associations symbiotiques et autres méthodes non chimiques. La pollution de l’eau est réduite ou éliminée. Bien que les rendements soient souvent inférieurs de 10 à 30 pour cent à ceux de l’agriculture traditionnelle, l’agriculture biologique peut produire d’excellents bénéfices. Dans les pays industrialisés, les primes à la consommation, les subventions gouvernementales et l’agrotourisme augmentent les revenus des exploitations biologiques. Dans les pays en développement, des systèmes biologiques bien conçus peuvent donner de meilleurs rendements, bénéfices et retours sur main d’œuvre que les systèmes traditionnels. A Madagascar, des centaines d’agriculteurs ont découvert qu’ils pouvaient quadrupler leurs rendements de riz, pour atteindre jusqu’à 8 t/ha, en ayant recours à des pratiques de gestion biologique améliorées. Aux Philippines, on a
enregistré des rendements de riz biologique supérieurs à 6 t/ha. Les expériences de production biologique dans des régions à faible potentiel comme au nord de Potosí (Bolivie), à Wardha (Inde) et à Kitale (Kenya) ont montré que les rendements peuvent être doublés ou triplés par rapport à ceux que l’on obtient en utilisant des pratiques traditionnelles. L’agriculture biologique présente aussi des avantages sociaux. Elle emploie des matériaux bon marché, disponibles localement, et exige normalement une main d’œuvre plus nombreuse, augmentant ainsi les possibilités d’emploi. Il s’agit d’un avantage considérable dans les régions, ou les saisons, où il y a un excédent de main d’œuvre. En réhabilitant les pratiques et les aliments traditionnels, l’agriculture biologique peut favoriser la cohésion sociale. Certaines politiques sont essentielles si l’on veut que l’agriculture biologique continue de progresser. Le soutien à l’agriculture s’écarte de plus en plus des objectifs de production en faveur des objectifs portant sur l’environnement ou les aspects sociaux, tendance qui pourrait être à l’avantage de l’agriculture biologique. Des normes et des systèmes d’accréditation internationaux approuvés seront nécessaires pour supprimer les obstacles au commerce. Les agents de vulgarisation agricole mettent souvent en avant l’idée selon laquelle les intrants synthétiques sont préférables et il sera peut-être nécessaire de les former aux méthodes biologiques. La recherche de solutions aux problèmes techniques doit être intensifiée. Des régimes fonciers sûrs sont essentiels si l’on veut que les agriculteurs s’engagent dans le long processus de conversion aux méthodes biologiques. Si de telles mesures sont mises en place, l’agriculture biologique pourrait devenir un substitut tout à fait envisageable de l’agriculture traditionnelle dans les 30 prochaines années, au moins au niveau local.
alimentaires au cours des 40 dernières années. Les rendements du riz, du blé et du maïs dans les pays en développement ont augmenté de 100 à 200 pour cent depuis la fin des années 1960. L’accroissement des rendements était le premier objectif de la “Révolution verte”. L’amélioration et la sélection des plantes ont conduit au développement de variétés améliorées, mais elles ont fortement augmenté l’utilisation d’intrants, tels qu’engrais, pesticides et eau d’irrigation, qui étaient nécessaires pour tirer le maximum de ces variétés. La Révolution verte a atteint ses objectifs non seulement grâce à la recherche, mais aussi grâce à un ensemble de méthodes et d’intrants préconisés par les agences nationales et internationales, par les services de vulgarisation et par les sociétés privées. Mais cette première Révolution verte avait ses points faibles: • Elle était fortement axée sur les trois principales céréales au monde, en accord avec l’accent mis sur la maximisation des rendements. Les autres cultures, y compris de nombreuses cultures qui sont importantes en Afrique subsaharienne, comme le manioc, le millet, le sorgho, la banane, les arachides et la patate douce, nécessitaient une approche différente. • Elle ne convenait qu’aux zones jouissant de bons sols et bien approvisionnées en eau, et elle a largement négligé les zones pluviales marginales aux sols problématiques et à la pluviométrie incertaine. • Elle comptait sur le fait que les agriculteurs auraient les moyens d’acheter les intrants, et n’a pas été d’une grande utilité pour les petits exploitants ne disposant pas de fonds suffisants ou n’ayant pas accès aux crédits. • Enfin, dans une grande mesure, elle n’a pas tenu compte des conséquences possibles d’une importante utilisation d’intrants pour l’environnement, comme par exemple la pollution de l’eau et des sols par les nitrates et les pesticides.
Orientations pour la recherche
Ce qu’il faut c’est une “Révolution doublement verte” Ce qu’il faut maintenant c’est une deuxième révolution, doublement verte. Ses objectifs, comme pour la première, doivent comprendre l’accroissement de la productivité. Mais elle doit aussi viser la durabilité (en minimisant ou en réduisant les impacts de l’agriculture sur
Les points forts et faibles de la recherche dans le passé La “Révolution verte” a joué un rôle clé dans l’amélioration considérable des disponibilités
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l’environnement) et l’équité (en s’assurant que les bienfaits de la recherche s’étendent jusqu’aux zones pauvres et marginales). La productivité doit augmenter sur toutes les terres grâce auxquelles vivent les agriculteurs, et non pas seulement dans les régions bien dotées. Il faut développer davantage de variétés nouvelles, et de dispositifs pour leur exploitation, concernant des cultures autres que les trois céréales principales. De plus, le potentiel des méthodes respectant les ressources, comme la lutte intégrée, doit être exploité à fond. La recherche pour cette nouvelle Révolution verte doit être véritablement pluridisciplinaire. Elle doit couvrir non seulement les sciences biologiques, dont le génie génétique aux côtés de l’amélioration des plantes et de l’agronomie traditionnelles, mais aussi le contexte socioéconomique dans lequel l’agriculture est pratiquée. Et elle doit s’orienter non seulement sur les cultures et les animaux, mais aussi sur l’écologie de toutes les formes de vie au sein du système d’exploitation agricole. Parmi les domaines d’importance particulière en matière d’écologie il faut citer les interactions entre plantes, ravageurs et prédateurs, et la concurrence entre cultures et mauvaises herbes. Les systèmes radiculaires des plantes et la disponibilité d’éléments fertilisants et de matière organique dans le sol méritent aussi une plus grande attention. Par dessus tout, on devra donner la priorité aux besoins des pauvres vivant dans les zones
pluviales marginales, laissés pour compte par la première Révolution verte. Les chercheurs doivent engager un dialogue interactif avec tous les partenaires du processus de recherche, en particulier les agriculteurs, mais aussi les décideurs, la société civile et le grand public. La recherche en vue de cette deuxième Révolution verte s’est déjà amorcée dans certains endroits. Ses premiers fruits ont prouvé qu’elle pouvait réussir, en particulier lorsque les agriculteurs participent activement à la conception et aux essais de la nouvelle technologie. Cependant, l’effort de recherche doit être considérablement renforcé et le défi d’une application à plus grande échelle des résultats de la recherche doit être affronté.
Points essentiels à considérer par les chercheurs: • La technologie conduira-t-elle à une plus grande productivité pour toutes les exploitations agricoles, tous les types de sols et toutes les régions, et pas seulement les mieux nantis? • Comment la technologie va-t-elle affecter la stabilité saisonnière et annuelle de la production? • Comment la technologie va-t-elle affecter l’écosystème et la durabilité de l’agriculture? • Qui gagnera et qui perdra du fait de cette technologie – et comment va-t-elle affecter les pauvres?
L’élevage: l’intensification et ses risques La viande et les produits laitiers vont fournir une part croissante de l’alimentation humaine, la volaille connaissant la plus rapide expansion. La demande future peut être satisfaite, mais il faudra affronter les conséquences environnementales négatives d’une production accrue.
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La production animale représente actuellement quelque 40 pour cent de la valeur brute de la production agricole mondiale, et sa part est en hausse. Ce secteur est le plus gros utilisateur de terres agricoles, directement sous forme de pâturages et indirectement pour la production de cultures fourragères et autres aliments du bétail. En 1999 quelque 3 460 millions d’ha étaient sous pâturages permanents, soit plus de deux fois la superficie des cultures arables et permanentes.
Le secteur de la production animale est le plus gros utilisateur de terres agricoles: en 1999, les pâturages permanents occupaient quelque 3 460 millions d’ha, soit plus de deux fois la superficie des cultures arables et permanentes.
L’élevage ne fournit pas uniquement de la viande, mais aussi des produits laitiers, des œufs, de la laine, du cuir et autres produits. Les animaux de ferme peuvent aussi être intégrés étroitement dans les systèmes agriculture-élevage comme utilisateurs des sous-produits des cultures et fournisseurs d’engrais organique, et la force du plus gros bétail peut être utilisée pour le labour et le transport. L’impact de l’élevage sur l’environnement est considérable. L’essor de ce secteur a contribué dans une grande mesure à la déforestation dans certains pays, en particulier en Amérique latine. La surcharge pastorale peut causer l’érosion des sols, la désertification et une perte de biodiversité végétale. Les risques pour la santé publique sont accrus par l’intensification de la production animale urbaine et périurbaine. Les déchets d’élevages industriels peuvent polluer les eaux, et le bétail est l’une des principales sources de gaz à effet de serre. Dans les régimes alimentaires, la viande gagne du terrain sur les aliments de base Les trois dernières décennies ont vu de grands changements dans les régimes alimentaires humains. La part des produits animaux a augmenté, alors que celle des céréales et autres aliments de base a diminué. Et au sein du secteur de la viande, on a assisté à une hausse spectaculaire de la part de la volaille et, dans une moindre mesure, de la viande de porc. Ces tendances vont vraisemblablement se poursuivre au cours des 30 prochaines années, bien que d’une manière moins spectaculaire. Au fur et à mesure que les revenus augmentent, les gens préfèrent généralement allouer une plus grande proportion de leur budget alimentaire à l’achat de protéines animales, et par conséquent la consommation de viande et de produits laitiers a tendance à augmenter plus rapidement que celle des cultures vivrières. Ainsi, les trois dernières décennies ont vu une croissance soutenue de la
consommation de produits animaux, en particulier dans les pays nouvellement industrialisés. La consommation annuelle de viande par personne sur l’ensemble des pays en développement a plus que doublé entre 1964-66 et 1997-99, passant de 10,2 kg à 25,5 kg par an, soit une hausse annuelle de 2,8 pour cent. Si l’on exclut la Chine et le Brésil, la croissance est alors bien inférieure (de 10 kg à 15,5 kg). La hausse a été particulièrement rapide pour la volaille, la consommation par personne ayant plus que quintuplé. La consommation de porc a aussi fortement augmenté; toutefois la majeure partie de cette augmentation a eu lieu en Chine. Cette hausse générale n’était pas également répartie: en Chine la consommation de viande a quadruplé au cours des deux dernières décennies, alors qu’en Afrique subsaharienne elle a stagné, à moins de 10 kg par personne. Les écarts de consommation de viande entre les pays peuvent être considérables en raison des différences de disponibilités ou d’habitudes alimentaires, y compris le rôle du poisson dans l’apport total de protéines animales. Par exemple, la consommation de viande en Mongolie s’élève à 79 kg par personne, mais au total les régimes alimentaires y sont extrêmement déficients et la sous-alimentation est répandue. La consommation de viande aux Etats-Unis d’Amérique et au Japon, deux pays aux niveaux de vie comparables, est de 120 kg et 42 kg par personne respectivement, mais leur consommation de poisson et de fruits de mer est de 20 kg et 66 kg par personne.
La consommation annuelle de viande par personne dans les pays en développement a plus que doublé entre 1964-66 et 1997-99, mais les écarts entre les pays sont importants.
Il est possible que la croissance ralentisse à l’avenir A l’horizon 2030, la tendance à une consommation accrue de produits animaux va se poursuivre dans les pays en développement. Cependant, la consommation tant de viande que de lait pourrait ne pas croître aussi vite à l’avenir que dans le passé récent, étant donné la marge d’augmentation limitée dans les grands pays consommateurs. Dans les pays développés, les possibilités d’un accroissement de la demande sont restreintes. La
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croissance démographique est lente et la consommation de produits animaux est déjà très élevée. Dans un même temps, les inquiétudes concernant la santé et la sécurité sanitaire des aliments, centrées sur les graisses animales et sur l’émergence de nouvelles maladies telles que l’Encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) et la variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJv), ont contenu la demande de viande. La consommation totale de viande dans les pays industrialisés n’a augmenté que de 1,3 pour cent par an au cours des dix dernières années. Dans les pays en développement, la demande de viande s’est accrue rapidement au cours des 20 dernières années, à raison de 5,6 pour cent par an. Selon les projections, ce taux va diminuer de moitié au cours des deux prochaines décennies. Ce fléchissement sera dû en partie à une croissance démographique plus lente et en partie au même facteur qui est en jeu dans les pays développés: les pays qui ont dominé les hausses passées, comme la Chine et le Brésil, ont maintenant atteint des niveaux de consommation assez élevés et la marge d’augmentation à l’avenir est limitée. En Inde, qui va rivaliser avec la Chine pour le titre de pays le plus populeux au monde dans les années 2040, la croissance de la consommation de viande pourrait être freinée non seulement par la prédominance continue de faibles revenus, mais aussi par des facteurs culturels, car une grande partie de la population indienne restera vraisemblablement végétarienne.
Consommation mondiale moyenne de viande par personne, de 1964-66 à 2030
Consommation (kg/personne/an)
50
40
30
20
10
0 1964-66 1997-99 2030
Volaille Viande de porc Viande d'ovins et de caprins Bœuf
Source: données et projections FAO
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Cependant, on prévoit que la consommation de produits laitiers en Inde va continuer d’augmenter rapidement, en poursuivant les progrès accomplis au cours des 30 dernières années. En Afrique subsaharienne, la lenteur de la croissance économique va limiter la hausse de la consommation de viande tout comme celle de produits laitiers. L’augmentation de la consommation de volaille promet de continuer, bien qu’un peu plus lentement que par le passé: d’une moyenne mondiale de 10,2 kg par personne en 1997-99, elle va monter à 17,2 kg d’ici 2030. On prévoit des augmentations beaucoup moins importantes de la consommation mondiale par personne de viande de porc et de bœuf. Troupeaux plus grands, animaux plus lourds Etant donné la croissance plus lente de la demande, la production animale va également croître plus lentement que dans le passé. De plus, grâce à l’efficacité accrue du secteur, cette demande supplémentaire pourrait être satisfaite par un plus petit nombre d’animaux. En chiffres absolus, cependant, le nombre d’animaux augmentera encore considérablement. Les projections indiquent un nombre supplémentaire de bovins et de buffles de 360 millions, de moutons et de chèvres de 560 millions, et de porcs de 190 millions d’ici 2030, soit des hausses de 24, 32 et 22 pour cent respectivement. Cependant, il devrait s’avérer possible de satisfaire une grande partie de la demande supplé-mentaire en augmentant la productivité plutôt que le nombre d’animaux. Les possibilités sont énormes dans les pays en développement, en particulier en ce qui concerne la productivité des bovins. En 1997-99 le rendement de viande de bœuf par animal dans les pays en développement était de 163 kg contre 284 kg dans les pays industrialisés, les rendements laitiers moyens étant, respectivement, de 1,1 et 5,9 tonnes par an et par vache. La sélection et l’amélioration des races, ainsi que de meilleurs régimes d’alimentation, pourraient conduire à un engraissement plus rapide et à la production de plus gros animaux. Le poids moyen à l’abattage pour les bovins, par exemple, est passé de 174 kg en 1967-69 à 198 kg 30 ans plus tard; d’ici 2030, il pourrait atteindre 211 kg. Le taux d’exploitation devrait également augmenter, car les animaux seront prêts à vendre plus tôt.
L’intensification de la production va se poursuivre On peut s’attendre à la poursuite de l’évolution des méthodes de production, les systèmes de pâturage extensif étant progressivement délaissés au profit des méthodes plus intensives et industrielles. Le pâturage assure toujours 30 pour cent de la production totale de bœuf, mais sa part de marché est en baisse. En Amérique du Sud et centrale, les animaux paissent souvent sur des terres défrichées dans les forêts tropicales humides, ce qui favorise la dégradation des sols et la poursuite de la déforestation. Dans les milieux semi-arides, la surcharge pastorale en période sèche entraîne fréquemment des risques de désertification, bien qu’on ait prouvé que les pâturages récupèrent vite après le départ des animaux et le retour de bonnes pluies. Le système mixte agriculture-élevage, où le bétail fournit le fumier et la puissance de traction en plus du lait et de la viande, prédomine encore dans le cas des bovins. Au fur et à mesure que les populations et les économies vont se développer, ces formes d’exploitation à buts multiples auront tendance à laisser la place à des entreprises plus spécialisées. Là où les terres se font rares, on assiste à l’émergence de systèmes plus intensifs d’élevage en stabulation. Dans ces systèmes, le fourrage est coupé et amené aux animaux à l’étable, ce qui limite les dommages causés aux sols et permet un engraissement plus rapide. On peut s’attendre aussi à ce que cette tendance se poursuive et s’intensifie. Les types de production plus industrielle et commerciale vont augmenter progressivement en nombre et en envergure. Ces entreprises intensives auront recours à un matériel génétique amélioré, à des systèmes d’alimentation perfectionnés, à des moyens prophylactiques pour la santé animale et à une gestion hautement spécialisée. Ces dernières années, la production animale industrielle a connu une croissance deux fois plus rapide que les systèmes de polyculture
Ces dernières années, la production animale provenant d’entreprises industrielles a augmenté deux fois plus vite que celle issue des systèmes de polyculture plus traditionnels et plus de six fois plus vite que celle assurée par les systèmes pastoraux.
traditionnels et six fois plus rapide que la production basée sur le pâturage. Au tournant du siècle, les élevages industriels représentaient 74 pour cent, 68 pour cent et 40 pour cent respectivement de la production mondiale totale de volailles, d’œufs et de viande de porc. Les tendances actuelles vers une production industrielle et commerciale pourraient représenter une menace pour les pauvres vivant de l’élevage, estimés au nombre de 675 millions. A moins que des mesures spéciales ne soient prises, ils auront plus de mal à faire face à la concurrence et risquent d’être davantage marginalisés, sombrant dans une pauvreté encore plus profonde. Et pourtant, avec des politiques convenables, la croissance future de la demande de produits animaux offrirait aux familles pauvres la possibilité de revenus et d’emplois supplémentaires. En raison de ses faibles coûts d’investissement, et de sa capacité à utiliser les déchets et les ressources communautaires, la production animale permet aux familles pauvres d’accumuler les actifs et de diversifier les risques, outre le fait qu’il s’agit d’une source précieuse de produits qui améliorent à la fois les revenus monétaires et la nutrition de la famille. Les politiques susceptibles d’aider les pauvres à entrer et subsister sur le marché en expansion des produits animaux incluent la fourniture de crédits à bon marché, d’une assistance technique (en particulier en ce qui concerne les questions de santé animale et de qualité) et un meilleur accès aux marchés grâce à des infrastructures et à des institutions améliorées.
La demande croissante de produits animaux présente une opportunité pour les 675 millions de ruraux pauvres qui dépendent de l’élevage pour améliorer leurs moyens d’existence.
Problèmes d’environnement et de santé Les systèmes commerciaux et industriels présentent pour l’environnement des problèmes différents de ceux que posent les systèmes extensifs. La concentration des animaux, particulièrement en milieu urbain, entraîne des problèmes d’évacuation des déchets et de pollution. Les densités plus élevées d’animaux et le transport des bestiaux à des marchés plus éloignés font souvent violence au comportement animal naturel, ce qui engendre un état d’angoisse. Le
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commerce accru de produits animaux et d’aliments du bétail multiplie les risques de transmission des maladies, tant à l’intérieur des frontières que d’un pays à l’autre. Ceci s’applique à la fois aux maladies qui n’affectent que le bétail, telles que la fièvre aphteuse, et à celles qui touchent les humains comme les animaux, telles que la grippe aviaire. Les maladies animales infectieuses comme la peste bovine ou la fièvre aphteuse constituent toujours de sérieuses menaces dans les pays en développement. Avec la croissance du commerce, elles peuvent se répandre plus rapidement, même dans les pays développés. Les programmes d’éradication délaissent les stratégies de lutte d’envergure nationale pour se tourner vers des méthodes mieux ciblées et plus souples, dans le but de mieux rentabiliser la lutte. Dans les régions humides et subhumides d’Afrique, la trypanosomiase (maladie du sommeil) constitue un handicap énorme pour la santé humaine et la production bovine. Les médicaments trypanocides, la pulvérisation aérienne, les moustiquaires et pièges imprégnés et l’utilisation d’insectes stériles donnent espoir de pouvoir rendre à l’exploitation mixte les zones infestées. Ceci améliorera la santé et la nutrition humaine, ainsi que la production animale et végétale. Les élevages industriels utilisent beaucoup d’antibiotiques. Cette pratique a contribué à une résistance aux antibiotiques parmi les bactéries, y compris celles qui causent les maladies humaines. Une résistance aux antihelminthiques est en train d’émerger chez les parasites du bétail. Les élevages industriels utilisent également des hormones de croissance pour accélérer l’engraissement et améliorer l’efficacité de la conversion de l’aliment en viande. Les inquiétudes du grand public ont conduit à des restrictions d’utilisation dans l’UE, bien qu’un impact négatif sur les êtres humains n’ait pas été prouvé.
Le commerce accru de produits animaux et d’aliments du bétail multiplie les risques de transmission des maladies, à la fois à l’intérieur des frontières, et d’un pays à l’autre.
Les promesses et les risques de la biotechnologie La biotechnologie aura un effet profond sur l’avenir de la production animale. Certaines applications biotechnologiques sont déjà en usage, alors que d’autres font encore l’objet de recherches.
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L’insémination artificielle, technique déjà courante dans les pays développés, va s’étendre dans les pays en développement. Elle peut améliorer considérablement l’efficacité de l’amélioration animale. Le clonage de cellules de mammifères pourrait aussi augmenter la productivité et le rendement, en particulier pour les troupeaux laitiers dans les pays développés. Cependant, il faudra résoudre les problèmes associés à cette technologie: actuellement 2 à 5 pour cent seulement des tentatives de clonage d’animaux réussissent, et les animaux clonés développent souvent de sérieux problèmes de santé. Les rapides progrès effectués quant à la compréhension de la constitution génétique des animaux fourniront un potentiel supplémentaire d’accroissement de la productivité. Les gènes qui sont importants pour la performance économique, comme ceux qui favorisent la résistance aux maladies ou l’adaptation à des conditions environnementales adverses, peuvent être identifiés et transférés dans des milieux plus productifs, soit par le biais d’une sélection assistée par marqueurs, soit par la modification génétique. Ces applications pourraient se révéler particulièrement utiles dans les pays en développement. Les animaux génétiquement modifiés ont été jusqu’ici utilisés principalement pour la recherche biomédicale ou la production de protéines humaines. Des bovins, des moutons, des porcs et des poulets génétiquement modifiés sont actuellement produits dans un cadre expérimental, dans l’intention de les utiliser par la suite pour la consommation humaine. Les consommateurs ont déjà montré leur résistance à l’utilisation de produits alimentaires génétiquement modifiés pour la consommation humaine directe, mais des produits issus d’animaux nourris avec du maïs, du soja et des tourteaux de graines de coton génétiquement modifiés sont déjà sur le marché. Les principaux risques de la modification génétique tiennent à ses possibles effets secondaires sur l’environnement ou sur la santé humaine. Ces risques sont particulièrement prononcés si l’on n’effectue pas suffisamment d’essais avant la mise à disposition générale des produits ainsi modifiés. On court également le risque de rétrécir la base génétique et d’en remettre le contrôle principalement entre les mains de grosses multinationales. Près de 5 000 races et variétés d’animaux de ferme ont
La “Révolution blanche” de l’Inde ses efforts sur l’amélioration de l’accès des petits producteurs aux marchés, en ouvrant de nouvelles voies de commercialisation pour les éleveurs ruraux isolés et en réduisant ainsi tant la nécessité d’intermédiaires que les variations saisonnières du prix du lait, qui avaient auparavant découragé les éleveurs. Des centres de ramassage et de réfrigération du lait ont été mis en place pour minimiser les pertes dues à la détérioration. L’Operation Flood a considérablement aidé les pauvres des milieux ruraux en Inde. Trois cinquièmes des 9 millions d’éleveurs ayant participé à cette opération sont de petits exploitants ou des exploitants marginaux ou sans terre. L’impact sur les femmes a été particulièrement marqué. Six mille Coopératives laitières féminines villageoises ont été établies. Comme les femmes se sont mises à la production laitière, elles ont libéré des emplois, en particulier sur les chantiers de construction où elles travaillaient traditionnellement comme ouvrières non spécialisées. L’argent gagné grâce à l’activité laitière a permis d’envoyer les enfants à l’école. Les sœurs aînées, n’ayant plus à rester à la maison pour s’occuper des plus jeunes enfants, peuvent maintenant choisir de continuer leur éducation.
Lancée en 1970, l’Operation Flood en Inde a eu sur les revenus ruraux et les prix des produits alimentaires un impact comparable à celui de la “Révolution verte”. Elle a totalement transformé le secteur laitier de l’Inde. La consommation de lait par personne était en baisse: de 39 kg en 1961 elle était passée à 32 kg seulement en 1970. Depuis lors, elle a augmenté rapidement, atteignant 65 kg par personne en 1999. Le prix du lait à la consommation a chuté, alors que les revenus des élevages laitiers en Inde ont quadruplé. L’Operation Flood a été créée et dirigée par des institutions nationales avec le soutien de la Banque mondiale et de l’UE. On a commencé par vendre l’aide alimentaire et les bénéfices ont servi à consolider les coopératives laitières et la gestion des petites exploitations. Les vaches locales ont été croisées avec des espèces laitières spécialisées, afin de produire un animal à la fois robuste et productif adapté aux conditions locales. L’insémination artificielle, des services vétérinaires et d’autres intrants ont été fournis, ce qui a permis d’améliorer les rendements laitiers, de prolonger les périodes de lactation et de réduire les intervalles entre vêlages. L’Operation Flood a aussi concentré
Consommation de lait en Inde, de 1961 à 1999
Consommation (kg/personne/an)
70
60
50
Démarrage de l'Operation Flood 40
30
0
1961
1965
1970
1975
1980
1985
1990
1995
1999
Source: données FAO
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Les céréales utilisées comme aliment du bétail: menace ou soupape de sécurité? Au total, quelque 660 millions de tonnes de céréales sont utilisées chaque année pour l’alimentation animale. Ceci représente un peu plus du tiers du volume total de céréales utilisées dans le monde. Cet usage des céréales est souvent perçu comme une menace pour la sécurité alimentaire, car il semble retirer du marché des produits alimentaires essentiels qui pourraient autrement être mis à la disposition des pays et des familles pauvres, faisant ainsi augmenter les prix des produits alimentaires. Cependant, il est important de se rendre compte que si ces céréales n’étaient pas utilisées comme aliments pour le bétail, elles ne seraient sans doute pas produites du tout, et par conséquent elles ne seraient toujours pas disponibles comme vivres. En réalité, il se peut que l’utilisation de céréales pour l’alimentation animale améliore la sécurité alimentaire. Le secteur de l’élevage commercial réagit aux prix des céréales: lorsque les pénuries font monter les prix, les éleveurs ont tendance à choisir d’autres aliments, libérant ainsi davantage de céréales pour la consommation humaine. En conséquence, il se peut que l’utilisation des céréales pour l’alimentation humaine soit moins réduite
été identifiées. Parmi celles-ci, quelque 600 sont menacées d’extinction et beaucoup plus encore
qu’elle ne l’aurait été autrement. En bref, l’utilisation des céréales comme aliment du bétail tient lieu de tampon, qui protège la consommation alimentaire contre les fluctuations des disponibilités. Ces dernières années, l’utilisation des céréales pour l’alimentation animale a proportionnellement décliné. Une des raisons de ce fléchissement est l’utilisation croissante de substituts dans les rations du bétail. Une autre est l’effondrement du secteur de l’élevage dans les pays en transition, qui a conduit à une demande réduite d’aliments pour le bétail. Le basculement de la production de viande vers la production de volailles, qui convertissent les aliments en chair beaucoup plus efficacement que les autres espèces, est un troisième facteur. On prévoit une croissance plus rapide de l’utilisation des céréales pour l’alimentation du bétail au cours des trois prochaines décennies que dans le passé récent; elle compterait pour moitié de l’utilisation supplémentaire de céréales. Ceci est dû en partie à la reprise de la croissance agricole des économies en transition, et en partie au ralentissement prévisible du basculement vers la volaille.
risquent d’être en danger si la base de ressources génétiques n’est pas préservée.
Vers une foresterie durable Au niveau mondial, la déforestation ralentit. En même temps, la productivité du secteur de la transformation du bois s’améliore, ce qui permet de satisfaire la demande croissante. Cependant, il subsistera vraisemblablement des points névralgiques de déforestation qui saperont la biodiversité et priveront ces zones des autres avantages économiques et écologiques qu’offrent les forêts. Le plus grand défi consistera à améliorer la gestion durable des forêts et à assurer une distribution équitable des avantages tirés de la foresterie.
Les forêts et autres zones boisées assurent des fonctions économiques et écologiques cruciales.
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Non seulement elles fournissent des marchandises et des moyens d’existence, mais elles protègent aussi les sols, régularisent l’écoulement de l’eau et absorbent du carbone qui risquerait sinon de venir s’ajouter aux gaz à effet de serre. Les forêts abritent également une grande partie de la biodiversité terrestre du monde. En 2000, le monde comptait quelque 3 870 millions d’ha de forêts, recouvrant 30 pour cent de sa superficie émergée. Les forêts tropicales et subtropicales représentaient 56 pour cent de la superficie forestière, et les forêts tempérées et boréales le restant. On estimait que les forêts
naturelles constituaient environ 95 pour cent de la superficie mondiale, alors que les plantations forestières en constituaient environ 5 pour cent. Au total, 51 pour cent des forêts mondiales peuvent fournir du bois. Quelque 12 pour cent des forêts se trouvent dans des zones protégées par des dispositions légales, et les 37 pour cent restants sont physiquement inaccessibles ou, pour quelque autre raison, ne sont pas rentables à exploiter pour le bois. En termes de biomasse, plus de la moitié du bois consommé mondialement est brûlée comme combustible. La majorité de la consommation de bois de feu a lieu dans les pays en développement, où il est souvent la principale source d’énergie. L’Asie et l’Afrique consomment, à elles deux, plus des trois quarts du bois de chauffage disponible au monde, principalement pour la cuisine familiale, bien que les industries artisanales comme le séchage des aliments et la fabrication de briques en consomment également d’importants volumes dans certains pays. Le bois rond industriel représente actuellement environ 45 pour cent de la production mondiale de bois. Il est intéressant de noter que la consommation de bois par habitant est pratiquement la même dans les pays développés et ceux en développement, à savoir légèrement supérieure à 0,5 m3 par personne. Cependant, presque 80 pour cent du bois consommé dans les pays développés
Durant les années 1990, la superficie des forêts tropicales a diminué de 12,3 millions d’ha nets chaque année, mais les zones non tropicales ont vu leur superficie forestière augmenter de 2,9 millions d’ha annuellement.
l’est sous forme de produits industriels dérivés du bois, alors que dans les pays en développement bien plus de 80 pour cent est utilisé comme combustible. On ne peut guère généraliser en matière de commerce mondial du bois. Les formes de production et de commercialisation sont extrêmement diverses, tant sur le plan régional que d’un produit à l’autre. En 2000, les zones tempérées et boréales comptaient pour 80 pour cent de la production industrielle et 83 pour cent des exportations mondiales de bois rond. Cependant, ces zones représentaient aussi 85 pour cent de la consommation de produits dérivés du bois. En 2000 également, les régions tropicales étaient exportatrices nettes de produits de bois, à raison d’environ 59 millions de m3 par an, bien que ceci ait représenté moins de 4 pour cent de la consommation mondiale. De la déforestation au reboisement On entend souvent dire que le monde est confronté à une crise de déforestation. Il ne fait aucun doute
Superficie forestière en pourcentage de la superficie des pays
Source: FAO (2001)
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que dans certains pays la situation est alarmante et la superficie occupée par les forêts continue de décliner rapidement. Durant les années 1990, la superficie forestière totale rétrécissait de 9,4 millions d’ha net chaque année, superficie équivalente à environ trois fois l’étendue de la Belgique. La superficie perdue sur l’ensemble de la décennie était supérieure à celle du Nigéria. Il est vrai que si l’on projette dans le futur les taux actuels de déforestation, d’ici 2030 les forêts tropicales naturelles auront encore diminué de 24 pour cent. Cependant, la déforestation a été moins rapide dans les années 1990 que dans les années 1980 et ce ralentissement va probablement se poursuivre au cours des premières décennies de ce nouveau siècle. La situation varie considérablement d’une région à l’autre. La déforestation a été le plus rapide dans les tropiques, où les pertes dans les années 1990 atteignaient en moyenne 12,3 millions d’ha par an. L’Afrique a vu disparaître 5,3 millions d’ha de forêt par an et l’Amérique du Sud 3,7 millions d’ha. Par contre, les pertes annuelles en Asie n’ont été que de 0,4 millions d’ha, et les zones non tropicales ont vu leur superficie forestière augmenter de 2,9 millions d’ha par an. La déforestation nette est maintenant en train de diminuer dans beaucoup de pays en développement. Depuis plus d’une décennie, des pays comme la Chine, l’Inde, la Jamahiriya arabe libyenne, la Turquie et l’Uruguay plantent plus de
forêts qu’ils n’en coupent. En 2000, d’autres pays comme l’Algérie, le Bangladesh, la Gambie et le Viet Nam, avaient aussi commencé à accumuler une superficie forestière nette. Certains pays, comme par exemple la Thaïlande et les Philippines, ont totalement interdit l’exploitation des forêts naturelles, bien que ceci puisse ne pas durer et soit difficile à mettre en œuvre. Dans de nombreux pays en développement, du fait de la croissance de la population et de la dépendance par rapport à l’agriculture, les forêts vont continuer à rétrécir. Toutefois, les taux de déforestation vont encore fléchir dans l’ensemble au cours des prochaines décennies. Les tendances sociales, économiques et politiques contribueront au ralentissement de la déforestation dans les pays en développement. L’urbanisation réduira la nécessité de mettre en exploitation des terres encore vierges pour créer des moyens d’existence. Elle entraînera aussi un glissement vers les combustibles fossiles et l’électricité de préférence au bois. Ce ralentissement fait partie intégrante du cycle de développement économique. Lors des premières phases du développement, les populations en rapide expansion comptent encore beaucoup sur l’agriculture et le bois de chauffage et certains pays peuvent dépendre des exportations de bois pour obtenir des devises étrangères, ce qui explique que la déforestation soit très répandue. Au fur et à mesure que les pays s’enrichissent et s’urbanisent davantage, la
Evolution de la superficie forestière (millions d’ha), de 1990 à 2000 Zones tropicales
Zones non tropicales 4
Forêt naturelle 1990: 1 945 2000: 1 803
142
10
Forêt naturelle Autres catégories d'occupation des sols 1990: 2 819 2000: 2 943
10
1990: 1 863 2000: 1 879
Autres catégories d'occupation des sols 1990: 6 280 2000: 6 252
5 7
8
Plantations forestières
Plantations forestières
1990: 48 2000: 68 Déboisement
26
1990: 107 2000: 119 Boisement
Reboisement
Expansion naturelle des forêts
Source: FAO (2001)
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nécessité de défricher les forêts diminue et la valeur accordée aux environnements naturels augmente. De plus en plus de forêts sont protégées ou gérées de manière durable. Dans les pays développés, les populations n’augmentent que lentement et, pour la plupart, les zones forestières sont en train de s’accroître du fait que les terres agricoles marginales sont abandonnées et se régénèrent sous forme de forêt naturelle secondaire. Produits du bois: demande croissante, productivité croissante La demande de produits forestiers va continuer de croître au fur et à mesure que la population mondiale et les revenus vont augmenter. Les projections les plus récentes de la FAO estiment que d’ici 2030 la consommation globale de bois rond industriel va dépasser de 60 pour cent les niveaux actuels, pour atteindre environ 2 400 millions de m3. La consommation de papier et de cartonnages pourrait bien aussi augmenter considérablement. Les ressources forestières mondiales peuventelles faire face? Jusqu’au début des années 1990, les experts étaient pessimistes à cet égard, mais la plupart aujourd’hui ne prévoient plus de crise d’approvisionnement en bois. Les projections de la consommation de bois sont plus basses maintenant, en partie du fait de la croissance ralentie de la population mondiale. Par ailleurs, il y a eu des améliorations au niveau de la gestion forestière ainsi que des technologies d’exploitation et de transformation, une augmentation du nombre de plantations et un développement du rôle des arbres poussant hors des forêts. L’efficacité de la production de matériaux dérivés du bois s’améliore sans cesse, ce qui réduit les pressions sur les ressources forestières. Non seulement on recycle davantage le papier et le bois, mais au cours de la dernière décennie on a délaissé le bois rond et le bois scié industriels en faveur de panneaux dérivés du bois, qui font un bien meilleur usage de ce dernier. La production globale de bois scié est restée dans une grande mesure statique depuis 1970, tandis que celle de panneaux dérivés du bois a presque doublé, alors que la production de papiers et cartons a pratiquement triplé. A l’avenir, la grande question ne sera plus de savoir s’il y aura suffisamment de bois, mais plutôt de se demander d’où il proviendra, qui va le produire et comment on devrait le produire.
Les sources d’approvisionnement en bois ont évolué: des forêts naturelles mal réglementées on se tourne aujourd’hui vers les plantations ainsi que vers les forêts et zones boisées gérées de manière durable. On s’attend à ce que la production de bois rond industriel de plantations double d’ici 2030, passant de 400 millions de m3 aujourd’hui à environ 800 millions de m3. Ainsi, l’accroissement de l’offre des plantations va satisfaire une grande partie de la demande accrue de bois pendant cette période. Les arbres cultivés en dehors des forêts seront une autre source de bois très développée. Les conditions du commerce du bois ne connaîtront sans doute pas de changements spectaculaires, car la plupart des barrières tarifaires significatives ont déjà été réduites à des niveaux modérés ou bien entièrement supprimées – mais l’écoétiquetage et les réglementations environnementales vont sans aucun doute prendre de l’importance. Cependant, il aura de grands changements dans la géographie du commerce international au fur et à mesure que la consommation de bois industriel par habitant augmentera dans les pays en développement. Dans certains des pays plus riches, la consommation par personne est actuellement au moins dix fois plus élevée que celle de nombreux pays en développement. Davantage d’accent sur les fonctions écologiques Une plus grande conscience de l’importance des valeurs et services de l’environnement a favorisé les efforts de protection des ressources forestières et arboricoles. Alors que les fonctions écologiques au sens large des arbres sont reconnues, la plantation d’arbres et de forêts ou leur conservation sont encouragées par des projets et programmes de développement comme moyen d’enrayer l’érosion, de régulariser l’écoulement de l’eau et d’éviter par là les inondations en aval, et de lutter contre la désertification ou la salinisation. La tendance à planter et à conserver les arbres et les forêts va vraisemblablement se poursuivre. Un changement d’attitude a conduit les organisations non gouvernementales et de développement à accorder une plus grande valeur à l’environnement et à la protection de la nature. La pression est de plus en plus forte pour que tous les efforts visant à stimuler la croissance économique et à promouvoir les moyens d’existence des pauvres en milieu rural se conforment à des normes acceptables de gestion des ressources naturelles.
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Des mesures telles que la réduction de la déforestation, la régénération des forêts et le développement des plantations pourraient réduire les émissions de gaz carbonique d’un équivalent de 12 à 15 pour cent de toutes les émissions émanant de combustibles fossiles entre 1995 et 2050.
L’émergence d’institutions démocratiques et un meilleur accès à l’information facilitent ce processus. L’évolution des valeurs du consommateur, en particulier dans les pays développés plus riches, conduit à tenir compte de l’environnement dans les décisions d’achat. La diffusion de l’écoétiquetage permet maintenant aux consommateurs de choisir des produits provenant de forêts gérées de manière durable. L’écotourisme est un second phénomène issu de cette évolution. On estime actuellement qu’il représente environ 7 pour cent du tourisme mondial, et on s’attend à ce que cette proportion augmente. Paradoxalement, un volume important d’écotouristes peut exercer de lourdes pressions sur des sites offrant des expériences mémorables. Néanmoins, l’écotourisme peut s’avérer être une source précieuse de revenus pour les communautés locales et par conséquent une incitation économique à conserver les forêts qui subsistent. L’inquiétude croissante concernant le réchauffement de la planète a attiré l’attention sur le rôle
potentiel des forêts quant à la régulation des niveaux de gaz carbonique dans l’atmosphère. Les forêts emmagasinent de vastes quantités de carbone dans les arbres, dans le sous-bois, l’humus et le sol. Au total, elles renferment quelque 1 200 milliards de tonnes de carbone, soit un peu plus de la moitié du total contenu dans toute la végétation terrestre et tous les sols. Les nouvelles forêts, ou les forêts dégradées que l’on laisse se régénérer, absorbent et emmagasinent le carbone au fur et à mesure qu’elles poussent. Inversement, lorsqu’elles sont abattues ou dégradées, les forêts peuvent devenir une source importante d’émissions de gaz carbonique. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), des mesures telles que la réduction de la déforestation, la régénération des forêts et le développement des plantations forestières pourraient réduire les émissions de gaz carbonique d’un équivalent de 12 à 15 pour cent de toutes les émissions émanant de combustibles fossiles entre 1995 et 2050. Cependant, on ne peut dire encore dans quelle mesure ce potentiel sera pris en considération dans les accords internationaux officiels sur le changement climatique. La gestion durable des forêts L’ensemble des principes et des pratiques connu sous le nom de gestion durable des forêts s’impose de plus en plus comme le paradigme fondamental en matière de développement
Certains produits forestiers autres que le bois Usage final
Produits typiques
Produits alimentaires et additifs Gibier sauvage, noix comestibles, fruits, miel, pousses de bambou, nids d’oiseaux, graines oléagineuses, champignons, sucre de palme et amidon, épices, herbes aromatiques, colorants alimentaires, gommes, chenilles et insectes Plantes ornementales
Orchidées sauvages, bulbes, cycas, palmiers, fougères arborescentes, plantes grasses, plantes carnivores
Animaux et produits animaux
Plumes, peaux, oiseaux de volière, papillons, laque, cochenille, cocons, cire d’abeille, venin de serpent
Matériaux de construction
Bambou, rotin, graminées, palmier, feuilles, fibres d’écorce
Produits chimiques organiques
Produits phytopharmaceutiques, produits chimiques aromatiques et arômes, parfums, produits agrochimiques/insecticides, biodiesel, tanins, colorants, teintures Source: données FAO
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forestier. La gestion durable des forêts implique un élargissement des objectifs de la gestion, qui ne se limite plus à la production de bois, pour mettre davantage l’accent sur un développement participatif et équitable et sur les considérations écologiques. Si le développement forestier est inéquitable, les pauvres qui en sont exclus continueront de dépendre des ressources en terres et des forêts, mais ils exerceront des pressions accrues sur les zones restantes auxquelles ils auront accès et il se peut qu’ils empiètent illégalement sur les zones protégées ou sur celles qui sont attribuées à de grandes entreprises. Par conséquent, un important aspect de la gestion durable des forêts est l’accent qu’elle met sur la fourniture de moyens d’existence durables pour les gens les plus pauvres et les plus marginalisés du monde, estimés à 350 millions, qui dépendent d’écosystèmes forestiers. Les produits forestiers autres que le bois, tels que les aliments sauvages, les herbes et plantes
médicinales sont d’une importance cruciale pour ce groupe vulnérable. La majorité sont des produits de subsistance ou sont échangés uniquement sur les marchés locaux. Cependant, il est estimé que 150 produits forestiers autres que le bois font l’objet d’un commerce international. Il se peut que le recours aux produits de subsistance décline pour la plupart, mais la demande croissante d’aliments et médicaments à caractère ethnique pourra conduire à une culture plus systématique de certains produits forestiers autres que le bois. L’accès des communautés locales aux connaissances et à la technologie sera critique pour qu’elles puissent tirer profit de cette tendance. Dans le cadre du développement participatif associé à la gestion durable des forêts, la responsabilité première des services forestiers ne sera plus une fonction de gestion mais l’élaboration de politiques et de réglementations. La responsabilité de gestion incombera en grande partie au secteur
Le rôle des forêts en matière de protection de la biodiversité De façon croissante, la biodiversité n’est plus considérée seulement comme une source de matériel génétique, de médicaments et autres produits commerciaux, mais pour sa valeur intrinsèque. On estime que les forêts, et en particulier les forêts tropicales humides, abritent jusqu’à la moitié de la biodiversité mondiale. Plus de 30 000 zones protégées ont été instituées dans le monde. L’objectif de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) est que soit protégée d’une manière ou d’une autre 10 pour cent de la superficie de chaque pays. A l’heure actuelle, quelque 80 pays y sont parvenus, mais dans environ 100 autres ce chiffre est encore inférieur à 5 pour cent. Le Centre mondial de surveillance de la conservation (WCMC) estime que 6,4 pour cent seulement de la superficie des biomes forestiers jouit actuellement d’une forme ou d’une autre de protection – et ce chiffre n’est que de 3,6 pour cent dans le cas des forêts tempérées de feuillus. Ces écarts reflètent, outre l’incapacité générale à atteindre l’objectif de l’UICN, la distribution inégale des écosystèmes forestiers entre les pays.
Près de 9 pour cent des forêts tropicales humides sont protégées, mais dans beaucoup de pays en développement cette protection n’est que nominale. Ces forêts continuent d’être soumises à de sérieuses atteintes, y compris abattages, incendies délibérés, braconnage et autres formes de défrichement ou de dégradation. Les perspectives d’expansion future des zones protégées sont plus modestes que dans le passé récent. Dans de nombreux pays où les efforts de conservation ne réussissent pas à atteindre l’objectif de l’UICN, on assiste déjà à des pressions intenses sur ces zones et à des conflits sérieux entre finalités économiques et écologiques. Au cours des 30 prochaines années, la superficie totale des terres sous stricte protection n’augmentera que modérément. Il faudra trouver d’autres moyens de conserver la biodiversité, y compris grâce à la production et la conservation des arbres dans les exploitations agricoles et la conservation de plasme germinatif dans les banques de gènes. De plus grandes superficies de forêts pourraient aussi être placées sous gestion durable, approche qui accorde une haute priorité à la conservation en tant qu’objectif de gestion.
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privé, y compris aux agriculteurs et aux communautés locales. Les objectifs environnementaux de la gestion durable des forêts comprendront l’expansion de la superficie des forêts protégées et le retour en arrière par rapport aux pertes de biomasse, de fertilité du sol et de biodiversité qu’occasionne la dégradation des forêts. Les pratiques forestières non durables seront découragées et les techniques d’abattage qui réduisent les impacts négatifs sur la forêt dans son ensemble seront encouragées. Une plus grande sécurité quant à la jouissance des terres et des arbres encouragera la plantation d’arbres, tant à l’intérieur qu’en dehors des forêts. Des progrès ont été accomplis en ce qui concerne l’adoption à plus grande échelle de la gestion durable des forêts, bien que ces progrès
aient été inégaux. A un extrême, la gestion des forêts est minutieusement contrôlée selon des critères sociaux et environnementaux convenus. A l’autre, d’importantes étendues de forêts (principalement tropicales) restent mal gérées ou ne le sont pas du tout, ce qui en fait la proie de dégradations irréfléchies ou malhonnêtes. Les progrès effectués dans les domaines de la télédétection ainsi que du traitement et de l’échange de données permettront aux organismes nationaux et internationaux de surveiller plus facilement les pratiques de gestion des forêts. Mais pour que la gestion durable des forêts réussisse, il sera crucial de renforcer les institutions forestières des pays en développement, qui manquent toujours sérieusement de ressources.
La pêche au niveau mondial: options pour l’avenir Les captures maritimes de poisson se sont stabilisées durant les années 1990. L’aquaculture a connu une rapide expansion, ce qui a permis de continuer à accroître la production totale de poisson. De nombreux stocks maritimes étant maintenant exploités à pleine capacité ou surexploités, il est probable que les approvisionnements futurs de poisson soient restreints par le manque de ressources. Il est crucial d’arriver à une gestion efficace des pêcheries mondiales.
Les pêches jouent un rôle important dans l’économie alimentaire mondiale. A travers le monde, les pêches sont le gagne-pain de plus de 30 millions de pêcheurs et de pisciculteurs et leurs proches. La plupart d’entre eux appartiennent à des familles pauvres vivant de la pêche artisanale dans les pays en développement. Globalement, le poisson fournit environ 16 pour cent des protéines animales consommées par les humains, et c’est une source précieuse de minéraux et d’acides gras essentiels. Les poissons de mer et d’eau douce sont aussi une ressource récréative de plus en plus importante, que ce soit pour les pêcheurs à la ligne ou pour les touristes, les plongeurs sportifs et les amoureux de la nature.
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Alors que les captures maritimes de poissons plafonnent, l’aquaculture est en plein essor Au cours des trois dernières décennies, la production mondiale de poisson s’est accrue plus vite que la population humaine, et par conséquent la quantité de poisson disponible par personne a augmenté. La récente stagnation des pêches a été contrebalancée par le rapide essor de l’aquaculture. La production totale annuelle de poisson a presque doublé entre 1970 et 1999, passant de 65 à 125 millions de tonnes. Cette augmentation a été le résultat de deux tendances contrastées: la croissance des pêches de capture suivie d’une stabilisation dans les années 1990, et le développement spectaculaire de l’aquaculture durant ces mêmes années. Depuis les années 1950, l’augmentation des captures maritimes a été rendue possible par les progrès accomplis sur le plan de la technologie et de l’efficacité de la pêche, y compris l’utilisation de fibres synthétiques pour le matériel de pêche, la congélation à bord, la détection électronique des poissons et l’amélioration de la navigation. Néanmoins, comme de plus en plus de lieux de pêche et de stocks de poissons sont exploités à pleine capacité ou surexploités, la croissance des captures maritimes s’est stabilisée. Au cours des
La hausse continue de la production globale de poisson a été rendue possible par la croissance de l’aquaculture à raison de 10 pour cent par an durant les années 1990. La part de l’aquaculture dans la production mondiale de poisson a doublé au cours de cette même décennie, atteignant 26 pour cent en 1999.
international. De ce fait, la pêche est de plus en plus perçue comme un puissant moyen de produire des devises fortes. Les recettes brutes des exportations de poisson par les pays en développement ont augmenté rapidement, passant de 5,2 milliards de dollars EU en 1985 à 15,6 milliards de dollars EU en 1999, niveau largement supérieur aux recettes de produits comme le café, le cacao, la banane ou le caoutchouc. La consommation de poisson pourrait être limitée par le manque de ressources halieutiques On s’attend à ce que la consommation de poisson par personne continue d’augmenter. Si elle était déterminée uniquement par l’accroissement des revenus et l’évolution des régimes alimentaires, la consommation moyenne pourrait atteindre jusqu’à 22,5 kg par personne d’ici 2030. Ceci, associé à la
Consommation de poisson par personne et par région, 1961-63 et 1997-99 30 1961-63 1997-99 25
kg/personne/an
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années 1990, les prises maritimes ont varié entre 80 et 85 millions de tonnes par an, malgré la découverte de nouveaux stocks. Les prises dans les eaux intérieures, cependant, ont continué à augmenter modérément, de 6,4 millions de tonnes par an en 1990 à 8,2 millions de tonnes en 1999 – mais il y a des chances que le total véritable des prises en eau douce soit beaucoup plus élevé, car les produits sont souvent troqués, vendus ou consommés localement sans être officiellement enregistrés. C’est le développement rapide de l’aquaculture, dont la croissance a été de 10 pour cent par an dans les années 1990, qui a rendu possible la hausse continue de la production globale de poisson. La part de l’aquaculture dans la production mondiale de poisson a doublé au cours de cette même décennie, atteignant 26 pour cent en 1999. Jusqu’ici, l’aquaculture s’est fortement concentrée en Asie, qui a fourni 89 pour cent de la production mondiale en 1999. Une diversité croissante d’espèces est maintenant élevée. Jusqu’à la moitié du XXe siècle, la gamme se limitait aux huîtres, aux moules, aux carpes, aux truites et aux crevettes. Cependant, depuis les années 1950, les chercheurs ont progressivement résolu le problème de la reproduction artificielle pour différentes espèces de carpes, de salmonidés et autres. L’accroissement global de la production de poisson s’est accompagné parallèlement d’une hausse soutenue de la consommation. Le poisson représente actuellement, en moyenne, 30 pour cent de l’apport protéique animal en Asie, approximativement 20 pour cent en Afrique, et autour de 10 pour cent en Amérique latine et aux Caraïbes. En 1999, la consommation moyenne mondiale de poisson, crustacés et mollusques atteignait 16,3 kg par personne, soit une augmentation de plus de 70 pour cent par rapport au niveau de 1961-63. La pêche est également une source importante de revenus. Dans les pays développés, le nombre d’emplois dans le secteur de la pêche a diminué en raison de l’amélioration de la productivité et de l’effondrement d’importantes pêcheries. Par contre, dans les pays en développement, les effectifs de pêcheurs ont continué de se développer. Plus de 90 pour cent des gens travaillant à plein temps dans le secteur de la pêche au début des années 1990 vivaient dans les pays en développement ou en transition. Près de 40 pour cent de la production totale de poisson fait aujourd’hui l’objet d’un commerce
Source: données FAO
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croissance démographique, engendrerait une demande totale annuelle de poisson de 186 millions de tonnes d’ici 2030, soit presque le double du chiffre actuel. Cependant, comme les disponibilités seront probablement limitées par les contraintes de l’environnement, la demande se situera plus vraisemblablement entre 150 et 160 millions de tonnes, soit entre 19 et 20 kg par personne. La situation variera beaucoup selon les régions. Les préoccupations de santé et de qualité de l’alimentation vont faire augmenter la consommation en Amérique du Nord, en Europe et en Océanie, mais à cause d’une lente croissance démographique, l’accroissement total de la demande sera lent. En Afrique subsaharienne, au Proche-Orient et en Afrique du Nord, il est fort possible que la consommation de poisson par personne reste inchangée ou bien même qu’elle baisse, en dépit de niveaux actuels déjà faibles. En Afrique, les stocks naturels locaux sont pratiquement exploités à pleine capacité et, à l’exception de l’Egypte, l’aquaculture vient tout juste de démarrer. Il est possible que la demande par habitant en Asie du Sud, en Amérique latine et en Chine n’augmente que progressivement, alors que dans le reste de l’Asie de l’Est elle va pratiquement doubler, pour atteindre 40 kg d’ici 2030. Les aquaculteurs d’Asie devraient être en mesure d’augmenter leur production, et toute demande restant à satisfaire pourra l’être grâce aux importations. On a de plus en plus tendance à commercialiser le poisson frais pour la consommation humaine. Ceci tient à la réduction des coûts de livraison du poisson frais aux marchés et au fait que les consommateurs sont prêts à payer un prix majoré pour ce produit. La demande de farine et d’huile de poisson continuera d’augmenter rapidement. Ces produits sont utilisés pour l’alimentation des animaux et du poisson élevé en aquaculture; à l’heure actuelle ils comptent pour environ un quart de la production mondiale de poisson. Jusqu’ici la matière première utilisée pour la farine et l’huile de poisson a été fournie par les pêches de capture, et selon toute probabilité il en restera ainsi. Cependant, la concurrence en ce qui concerne les petits poissons de surface va s’intensifier, et le secteur de la farine et de l’huile de poisson devra exploiter d’autres matières premières, telles que poissons infrapélagiques et krill. La montée des prix entraînera aussi l’utilisation d’aliments de
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substitution. Néanmoins, on n’a pas encore trouvé de produit satisfaisant pour remplacer l’huile de poisson. L’expansion de l’aquaculture et de l’élevage marin extensif va se poursuivre Au cours des trois prochaines décennies, les pêches mondiales vont satisfaire la demande en poursuivant leur glissement, qui s’est développé dans les années 1990, de la capture vers l’élevage de poissons. La part de la production mondiale provenant des pêches de capture va continuer de diminuer. Le potentiel durable maximum de production maritime a été estimé à environ 100 millions de tonnes par an. Toutefois, ce chiffre est supérieur aux prises annuelles de 80 à 85 millions de tonnes enregistrées durant les années 1990, et présuppose l’utilisation de grandes quantités de ressources aquatiques jusqu’ici sous-exploitées, dont le krill, les poissons infrapélagiques et les calmars de haute mer. Comme dans les années 1990, le déficit sera en grande partie comblé par l’aquaculture, qui continuera probablement de croître à raison de 5 à 7 pour cent par an, au moins jusqu’en 2015. Les espèces d’aquaculture vont être améliorées. L’amélioration traditionnelle, la manipulation des chromosomes et l’hybridation ont déjà contribué de manière significative à cette évolution. A l’avenir, le recours à de nouvelles technologies, telles que la modification génétique, est à prévoir. On a déjà transféré un gène du flet arctique, codant pour une protéine antigel, chez le saumon de l’Atlantique pour accroître sa tolérance aux eaux froides. Actuellement, cependant, aucun aquaculteur ne commercialise ces espèces transgéniques pour la consommation humaine. Pour aller de l’avant dans ce domaine, il faudra répondre aux inquiétudes du grand public concernant les OGM, procéder à des évaluations de risques et développer des directives pour un usage responsable. D’autres espèces vont être domestiquées pour l’aquaculture. Pour le flétan, la morue et le thon, qui ont été pêchés en grande quantité dans les pêches de capture, la production en aquaculture pourrait finalement être élevée. Si une technologie commercialement viable est développée prochainement, d’ici 2015 la production de morue en aquaculture pourrait atteindre entre 1 et 2 millions de tonnes par an.
L’évolution de l’écologie des océans La biodiversité comprend quatre éléments principaux: la variabilité au sein des espèces, d’une espèce à l’autre, d’un écosystème à l’autre et parmi les plus vastes complexes écologiques. C’est un ingrédient crucial de la durabilité des pêches à l’avenir. Globalement, plus de 1 100 espèces de poissons, de mollusques et de crustacés sont l’objet de pêches de capture, alors que plus de 300 espèces sont utilisées en aquaculture. La biodiversité dans les populations naturelles permet l’adaptation à l’évolution de l’environnement, alors que chez les poissons d’élevage elle permet une amélioration continue des espèces. Les activités humaines de pêche ont eu un fort impact sur la biodiversité aquatique. Il est possible que le niveau actuel élevé de cet impact limite la pêche de capture à l’avenir, à moins que la gouvernance et la gestion des ressources halieutiques de mer et d’eau douce ne soient considérablement améliorée. Les dégâts viennent de diverses pratiques de pêche non durables. Parmi celles-ci il est à noter: l’utilisation de poison et de dynamite près des récifs de corail; un matériel de pêche non sélectif qui capture des mammifères marins, des espèces de rebut ou de trop petits poissons; et le chalutage de fond, qui perturbe l’écologie du fond sous-marin. L’impact écologique peut-être le plus important provient de la pure ampleur des activités de pêche. De nombreux lieux de pêche et stocks sont exploités au maximum ou audelà de la limite soutenable, et les pressions exercées par la pêche semblent avoir modifié la répartition et la taille de certains poissons. L’impact global sur l’écologie marine n’est connu que d’une manière imprécise, mais il paraît considérable. Les statistiques relatives aux prises de poissons indiquent une réduction du nombre de poissons prédateurs de plus grosse taille, et par conséquent les captures se composent d’une plus grande proportion de poissons se nourrissant à un niveau plus bas dans la chaîne alimentaire. Comme les espèces les plus prisées, telles que celles qui vivent dans les fonds marins ou les gros poissons de surface comme le thon, sont
surpêchées, elles sont progressivement remplacées par des poissons de plus courte vie ainsi que des poissons plus petits vivant en surface et en bancs. Le nombre de poissons de plus petite taille est aussi augmenté dans certaines zones par la production accrue de plancton. En 1998, quelque 12 des 16 régions halieutiques de la FAO enregistraient des niveaux de production égaux ou inférieurs à leur maximum historique. En effet, dans l’Antarctique, l’Atlantique Sud-Est et Nord-Ouest et le Pacifique Sud-Est, les niveaux de production étaient tombés à moins de la moitié du maximum atteint dans le passé. En ce qui concerne les stocks des principales espèces, la FAO estime qu’à la fin des années 1990, seul un quart des stocks était modérément exploité ou sous-exploité et 1 pour cent étaient en reconstitution. Près de la moitié de tous les stocks était exploitée au maximum de leur potentiel durable et était donc potentiellement sur le point d’être surexploitée. Plus d’un quart des stocks était surpêché ou épuisé. Une telle évolution de la situation a soulevé l’inquiétude des écologistes et autres parties prenantes. En réponse, les autorités responsables des pêches œuvrent pour minimiser ou atténuer les impacts négatifs sur la diversité génétique et biologique. Les mesures prises incluent le développement et l’utilisation de matériel de pêche sélectif qui réduit la capture de mammifères marins, d’espèces cibles de trop petite taille et de poissons de rebut; des contrôles directs de la capture totale admissible de diverses espèces; et, dans certains cas, des interdictions totales de pêche et des moratoires. Malheureusement, les activités inadéquates de pêche et d’aquaculture ne représentent qu’une des menaces auxquelles est confrontée la biodiversité aquatique. Parmi les autres menaces figurent la pollution, la perte d’habitats et la dégradation des habitats. Ces menaces concourent souvent pour aggraver les pressions exercées sur la biodiversité. On devra s’attaquer à tout cet éventail de menaces si l’on veut que la biodiversité aquatique soit protégée.
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En raison du souci pour l’environnement, l’aquaculture se concentrera probablement moins sur les zones côtières et davantage sur des systèmes intensifs à l’intérieur des terres. L’élevage marin extensif se développera également, bien que son avenir à long terme dépende de la résolution des problèmes de propriété concernant les animaux relâchés. A l’heure actuelle, seul le Japon pratique l’élevage marin extensif à grande échelle. Les pressions sociales et politiques pousseront également à réduire l’impact environnemental des pêches de capture, en faisant bon usage par exemple des prises involontaires d’espèces non ciblées et en ayant recours à des méthodes et à un matériel de pêche plus sélectifs. L’usage accru de l’écoétiquetage va permettre aux consommateurs de choisir des produits halieutiques exploités de manière durable, tendance qui favorisera l’adoption dans ce secteur d’approches respectueuses de l’environnement. Vers des pêches durables La manière dont sont gérées les pêcheries naturelles de capture est à elle seule le facteur le plus important pour leur avenir. Bien que les ressources halieutiques naturelles soient en théorie renouvelables, dans la pratique la production ne peut être illimitée. Si elles sont surexploitées, la production décline et peut même s’effondrer. Les ressources doivent donc par conséquent être exploitées à des niveaux durables. De plus, l’accès à celles-ci doit être réparti de manière équitable entre les producteurs. Au fur et à mesure que les ressources halieutiques se raréfient, les conflits concernant l’accès se multiplient. Le principal défi quant aux politiques à mettre en place consiste à ramener la capacité de la flotte de pêche mondiale à un niveau tel que les stocks de poissons puissent être exploités de manière durable. Dans le passé, les politiques ont
Le potentiel durable maximum de pêche maritime est estimé à environ 100 millions de tonnes par an, par comparaison à des prises annuelles de 80 à 85 millions de tonnes dans les années 1990. Mais cette estimation présuppose que de grandes quantités de ressources jusqu’ici inexploitées seront utilisées, y compris le krill et les calmars de haute mer.
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Etat des pêcheries mondiales, 1998
Modérément exploitées 21%
En reconstitution Exploitées à 1% pleine capacité 47%
Sous-exploitées 4% Epuisées 9% Surexploitées 18% Source: données FAO
encouragé l’accumulation d’une capacité excédentaire et ont incité les pêcheurs à accroître leurs prises au-delà des niveaux durables. Les décideurs doivent agir rapidement pour redresser cette situation. De nombreuses mesures pourraient être prises pour encourager une utilisation durable et éliminer les incitations pernicieuses à la surexploitation. La pêche fondée sur des droits d’accès clairement définis devra devenir davantage la norme: l’expérience montre que lorsque ces droits ne sont pas seulement mis en place, mais qu’ils sont compris et respectés par les utilisateurs, les conflits ont tendance à être minimisés. Des lois et des institutions doivent être établies ou renforcées, afin de limiter et de contrôler l’accès aux stocks halieutiques marins, de la part à la fois des plus gros navires de haute mer et des pêcheurs artisanaux locaux. De plus en plus, la responsabilité de la gestion des pêches devra incomber à ceux qui y sont directement intéressés et autres parties prenantes. Les arrangements traditionnels au sein des communautés de pêcheurs peuvent être incorporés à de nouveaux régimes de gestion. Toutefois, la nécessité de contrôler l’entrée dans les pêches artisanales va se faire plus pressante. En effet, si cette question n’est pas résolue, un grand nombre de familles de pêcheurs vont se voir contraintes d’abandonner la pêche et basculer dans la pauvreté, à moins qu’elles ne trouvent d’autres moyens d’existence. Pour que les pêches mondiales puissent atteindre leur plein potentiel, il faudra affronter les principaux défis en matière de politiques et de gestion, et répondre aux inquiétudes de toutes les parties prenantes sur le plan culturel et social. Il s’agit là d’une énorme tâche, mais elle n’est pas pour autant irréalisable.
Perspectives pour l’environnement L’agriculture et l’environnement Les chapitres précédents de ce rapport ont déjà traité de l’impact de chaque secteur de l’agriculture sur l’environnement. On trouvera dans cette section un examen des questions d’ensemble ou transversales liées à l’environnement et une vue générale des grandes tendances de l’agriculture susceptibles d’affecter l’environnement au cours des 30 prochaines années.
Au cours des 30 prochaines années, de nombreuses nuisances causées par l’agriculture à l’environnement resteront graves. Il se peut, cependant, que certaines puissent s’aggraver plus lentement que par le passé, et que d’autres puissent même régresser.
L’agriculture a un impact énorme sur la planète L’agriculture constitue la principale utilisation des terres par les humains. En 1999, les pâturages et les cultures représentaient à eux seuls 37 pour cent de la surface émergée du globe. Plus des deux tiers de la consommation humaine d’eau sont destinés à l’agriculture. En Asie, cette part en représente quatre cinquièmes. La culture et l’élevage ont un profond effet sur l’environnement au sens large. Ce sont les causes principales de la pollution de l’eau par les nitrates, les phosphates et les pesticides. Ils constituent aussi les principales sources anthropiques des gaz à effet de serre – le méthane et l’oxyde nitreux – et ils contribuent massivement à d’autres types de pollution de l’air et de l’eau. L’étendue et les méthodes de l’agriculture, de la foresterie et de la pêche sont les principales causes de perte de
biodiversité dans le monde. Les coûts externes de ces trois secteurs peuvent être considérables. L’agriculture nuit également à son propre avenir par la dégradation des sols, la salinisation, le soutirage excessif d’eau et la réduction de la diversité génétique des cultures et du bétail. Les conséquences à long terme de ces processus sont toutefois difficiles à quantifier. Si des méthodes de production plus durables sont adoptées, les impacts négatifs de l’agriculture sur l’environnement pourront être atténués. Dans certains cas, même, l’agriculture pourra permettre de résoudre ces problèmes, par exemple en stockant le carbone dans le sol, en aidant à l’infiltration de l’eau et en entretenant les paysages ruraux et la biodiversité. Les engrais, le fumier et les pesticides sont des causes majeures de pollution de l’eau La pollution de l’eau souterraine par les produits chimiques et les déchets agricoles est un problème considérable dans presque tous les pays
Pourcentage des émissions annuelles d’azote selon la source Océans 20%
Sols naturels 40%
Industries 9% Combustion de la biomasse 3%
Bétail 14%
Sols agricoles 14%
Total des émissions: 15 millions de tonnes/an Source: adapté de Mosier et Kroeze (1998)
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développés, et elle le devient de plus en plus dans les pays en développement. Les engrais sont cause de pollution quand ils sont appliqués en quantité supérieure à ce que les cultures peuvent absorber, ou lorsqu’ils sont emportés par l’eau ou par le vent avant de pouvoir être absorbés. L’excès d’azote et de phosphates peut être lessivé dans les eaux souterraines ou s’écouler dans les eaux de surface. Cette surcharge d’éléments nutritifs cause l’eutrophisation des lacs, réservoirs et mares, et provoque une prolifération d’algues qui détruisent les autres plantes et les animaux aquatiques. Les prévisions de production végétale à l’horizon 2030 laissent prévoir un ralentissement de l’emploi d’engrais azotés. Si l’on peut améliorer leur efficience, l’augmentation de la quantité totale d’engrais utilisés entre 1997-99 et 2030 pourrait se limiter à 37 pour cent. Leur emploi actuel dans beaucoup de pays en développement, cependant, est très inefficace. En Chine, le plus gros consommateur d’engrais azotés au monde, jusqu’à la moitié des engrais appliqués se perd par volatilisation, et 5 à 10 pour cent de plus par lessivage. Les insecticides, les herbicides et les fongicides sont également appliqués en grande quantité dans beaucoup de pays développés et en développement, et entraînent la pollution de l’eau douce par des carcinogènes et autres poisons affectant les êtres humains ainsi que différentes espèces de faune et de flore. En outre, les pesticides réduisent la biodiversité en détruisant les mauvaises herbes et les insectes et par là les espèces dont se nourrissent les oiseaux et autres animaux. L’emploi des pesticides s’est accru considérablement pendant les 35 dernières années, le taux de croissance ayant récemment atteint 4 à 5,4 pour cent dans certaines régions. Les années 1990 ont vu un certain déclin de l’emploi d’insecticides, tant dans des pays développés comme la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, que dans certains pays en développement comme l’Inde. Par contre, l’emploi des herbicides a continué à croître dans la plupart des pays. Avec la montée des préoccupations concernant la pollution et la perte de biodiversité, il se peut que l’emploi des pesticides croisse plus lentement que par le passé. Dans les pays développés, la législation et la fiscalité en limitent de plus en plus l’emploi. En outre, il sera freiné par la croissance
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de la demande de produits biologiques, cultivés sans intrants chimiques. On verra probablement à l’avenir une augmentation de l’emploi de pesticides “intelligents”, de variétés de cultures résistantes et de méthodes écologiques de lutte intégrée contre les ravageurs. L’agriculture: cause de pollution atmosphérique L’agriculture est également cause de pollution atmosphérique. C’est la principale source anthropique d’ammoniaque. Le bétail produit environ 40 pour cent des émissions de ce gaz dans le monde, les engrais minéraux 16 pour cent et la combustion de la biomasse et les résidus de culture environ 18 pour cent. L’ammoniaque est encore plus acidifiante que l’anhydride sulfureux, et les oxydes d’azote. C’est l’une des causes principales des pluies acides qui abîment les arbres, acidifient les sols, les lacs et les cours d’eau, et nuisent à la biodiversité. A mesure que l’imposition de contrôles plus stricts réduira les émissions d’autres gaz acidifiants comme l’anhydride sulfureux, il est possible que l’ammoniaque devienne la cause majeure d’acidification. Les émissions d’ammoniaque dues à l’agriculture vont probablement continuer à s’intensifier dans les pays développés et en développement. Les projections concernant l’élevage laissent prévoir une augmentation de 60 pour cent des émissions d’ammoniaque provenant des excréments animaux. La combustion de biomasse végétale est une autre source importante de polluants atmosphériques, dont le gaz carbonique, l’oxyde nitreux et les fumées. On estime que les humains sont responsables d’environ 90 pour cent de la combustion de biomasse, surtout par les feux de forêt allumés délibérément dans le cadre du déboisement et le brûlage des pâturages et résidus de culture pour encourager la repousse et détruire l’habitat des ravageurs. Les gigantesques incendies de forêts survenus en Asie du Sud-Est en 1997 ont brûlé au moins 4,5 millions d’hectares
D’après les projections, d’ici 2030 les émissions d’ammoniaque et de méthane dues au secteur de l’élevage pourraient dépasser d’au moins 60 pour cent leur niveau actuel dans les pays en développement.
et couvert la région d’une nappe de fumée et de brume. On estime que le brûlage des savanes tropicales détruit chaque année trois fois plus de biomasse que les feux de forêts tropicales. Pressions sur la biodiversité Avec l’augmentation de leur nombre et de leurs besoins, les êtres humains se sont approprié une part croissante de la superficie et des ressources de la planète, en délogeant souvent les autres espèces. Les estimations du nombre total d’espèces vivant sur la terre varient énormément. Celles qui ont été décrites scientifiquement se montent à environ 1,75 million, mais leur total véritable est inconnu et pourrait se situer n’importe où entre 7 et 20 millions ou plus. Les estimations de la perte de biodiversité par extinction au cours des prochaines décennies varient considérablement, et vont de 2 à 25 pour cent de toutes les espèces.
La perte de biodiversité due aux méthodes agricoles se poursuit sans relâche, même dans les pays où la nature est vivement appréciée et protégée.
L’agriculture, les forêts et les pêches exercent peut-être les pressions humaines les plus importantes sur la biodiversité des terres et des mers. La diversité des espèces est étroitement liée à la superficie des habitats non cultivés. A mesure que cette superficie diminue, le nombre d’espèces qu’elle abrite décline, bien qu’à un moindre rythme. Le déboisement, le remembrement, qui entraîne la réduction des bordures de champs et des haies, et le drainage des terrains marécageux pour l’agriculture réduisent la surface totale disponible pour les espèces sauvages et fragmentent les habitats naturels. Le pacage réduit la diversité des espèces dans les pâtures. L’intensification agricole ajoute d’autres problèmes. Les pesticides et les herbicides détruisent directement de nombreux insectes et végétaux non désirés, et réduisent les disponibilités alimentaires pour les animaux d’espèce supérieure. La perte de biodiversité ne se limite donc pas à l’étape du défrichement dans le développement agricole, elle continue longtemps après. Elle persiste même dans les pays développés où l’on apprécie la nature et où l’on s’efforce de la protéger.
Certaines espèces affectées peuvent être d’importants agents de recyclage d’éléments nutritifs et de pollinisation, ou des prédateurs de ravageurs. D’autres représentent une source potentielle de matériel génétique pour l’amélioration des espèces végétales et animales domestiquées. Les pressions exercées sur la biodiversité au cours des trois prochaines décennies seront le résultat de tendances divergentes. Les méthodes extensives reculeront probablement devant l’intensification, qui à son tour laissera peut-être la place à l’agriculture biologique ou l’agriculture sans labour. La perte due à l’agriculture d’habitats naturels de la faune continuera, mais à un rythme plus lent. Le déboisement ralentira, et le pâturage extensif laissera progressivement la place à l’élevage industriel. Bien que l’intensification entraîne pour l’environnement des risques particuliers, liés aux pesticides, aux engrais chimiques et aux déchets d’origine animale, la prise en considération croissante des préoccupations environnementales dans les politiques agricoles aidera à les contrer. Réduire la pollution d’origine agricole L’expansion de l’agriculture sans labour apportera une amélioration de la structure des sols et réduira l’érosion. La lutte intégrée contre les ravageurs fera diminuer l’emploi des pesticides, tandis que les systèmes intégrés de nutrition des végétaux devraient réduire l’usage excessif des engrais chimiques. D’autres politiques permettront de réduire le conflit entre l’intensification agricole et la protection de l’environnement. Il pourra être nécessaire d’adopter des réglementations plus sévères et des stratégies nationales en matière de gestion des déchets animaux et d’utilisation des engrais et pesticides chimiques, ainsi que de supprimer les subventions pour les intrants chimiques et l’énergie fossile. Il faudra soumettre les pesticides à des essais plus rigoureux, et surveiller plus étroitement l’accumulation des résidus.
L’agriculture représente une source croissante de gaz à effet de serre, mais aussi une voie potentielle d’atténuation du changement climatique grâce au stockage du carbone dans les sols et la végétation.
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L’agriculture et le changement climatique L’agriculture en tant que source et puits L’agriculture est une source importante d’émissions de gaz à effet de serre. Elle dégage de grandes quantités de gaz carbonique lors de la combustion de la biomasse, surtout dans les zones de déboisement et de feux de prairies. L’agriculture est également responsable de presque la moitié des émissions de méthane. Bien que le méthane reste moins longtemps dans l’atmosphère que le gaz carbonique, sa puissance d’échauffement est environ 20 fois plus forte, et il représente donc un important facteur à court terme du réchauffement de la planète. Ses émissions anthropiques annuelles se montent actuellement à environ 540 millions de tonnes et augmentent d’environ 5 pour cent par an. Le bétail cause à lui seul environ un quart des émissions de méthane, en raison des fermentations intestinales et de la décomposition des excréments. Avec l’augmentation de la quantité de bétail et l’industrialisation croissante de l’élevage, on estime que la production de fumier augmentera de 60 pour cent d’ici 2030. Les émissions de méthane dues au bétail croîtront probablement dans la même proportion. La riziculture est l’autre source agricole principale de méthane, et représente environ un cinquième des émissions anthropiques. On prévoit que la superficie consacrée à la culture du riz irrigué augmentera d’environ 10 pour cent d’ici 2030. Il se peut, cependant, que les émissions augmentent moins que cela, car une proportion croissante de riz sera cultivée avec une irrigation et des substances nutritives mieux maîtrisées, et l’on pourra adopter des variétés dégageant moins de méthane. L’agriculture est également responsable du dégagement de grandes quantités d’un autre gaz à effet de serre: l’oxyde nitreux. Ce gaz est produit par des processus naturels, mais sa production est renforcée par le lessivage, la volatilisation et le ruissellement des engrais azotés, et la décomposition des résidus de cultures et des déchets animaux. Le bétail compte pour environ la moitié des émissions anthropiques. On prévoit que les émissions annuelles d’oxyde nitreux dues à
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l’agriculture augmenteront de 50 pour cent d’ici 2030. L’agriculture peut contribuer à atténuer le changement climatique La culture peut aussi servir de puits pour le carbone. On pense toutefois que les sols, comme les autres puits biologiques (par exemple la végétation), sont dotés d’une limite supérieure de stockage. La quantité totale pouvant être stockée dépend du type de culture et du lieu, et le taux de séquestration décline au bout d’un certain nombre d’années de croissance, pour finalement atteindre cette limite. On estime que 590 à 1 180 millions de tonnes de carbone étaient stockées en 1997-99 rien que dans les terres cultivées, sous forme de matière organique du sol venant des résidus de cultures et du fumier. Les projections donnent à penser que d’ici 2030 ce total pourrait progresser de 50 pour cent. D’autres changements pourraient augmenter encore cette quantité. Si seulement 2 millions des actuels 126 millions d’hectares de sols salins étaient restaurés chaque année, ils pourraient stocker 13 millions par an de tonnes de carbone de plus. Dans les pays développés, les jachères permanentes peuvent séquestrer de grandes quantités de carbone si elles sont laissées à l’état naturel ou reboisées. Selon les conditions agroclimatiques, l’agriculture sans labour permet de stocker de 0,1 à 1 tonne de carbone par hectare et par an, et peut en outre réduire les émissions de gaz carbonique de plus de 50 pour cent en raison d’une moindre utilisation des combustibles fossiles pour le labour. Elle offre un potentiel de croissance considérable. Si 150 millions d’hectares de cultures pluviales sont convertis à l’agriculture sans labour d’ici 2030 et que le taux moyen de séquestration sur les terres gérées de cette manière est de 0,2 à 0,4 tonnes par hectare et par an, 30 à 60 millions de tonnes de carbone de plus pourraient être absorbées au cours de chacune des premières années après la conversion. Si ces pratiques devaient être abandonnées, le carbone séquestré mettra quelques années à se dégager. Les puits de carbone agricoles de ce type
sont nécessaires pour gagner du temps pendant que l’on cherche à maîtriser les émissions de carbone à leur source. Le changement climatique aura des impacts très divers sur l’agriculture Le changement climatique va affecter l’agriculture, la foresterie et la pêche de manière complexe, tant positivement que négativement.
Au cours des trois prochaines décennies, le changement climatique ne devrait pas réduire les disponibilités alimentaires mondiales, mais il se peut qu’il augmente la dépendance des pays en développement en matière d’importations alimentaires et qu’il accentue l’insécurité alimentaire des groupes et pays vulnérables.
On s’attend à ce que la concentration mondiale de gaz carbonique dans l’atmosphère passe de 350 ppm à plus de 400 ppm d’ici 2030. Le gaz carbonique cause le rétrécissement des stomates des plantes, et donc réduit les pertes d’eau et améliore l’efficience d’utilisation de l’eau. Les concentrations croissantes de gaz carbonique dans l’atmosphère stimuleront également la photosynthèse et auront un effet fertilisant sur de nombreuses cultures. Il est prévu que les températures moyennes mondiales augmenteront de 1,4 à 5,8°C d’ici 2100. A l’horizon 2030, l’augmentation sera moindre, entre 0,5 et 1°C. Cette augmentation sera plus forte dans les latitudes tempérées, où le réchauffement de la planète pourra profiter à l’agriculture. Les zones cultivables s’étendront, la longueur de la saison de croissance s’allongera, le coût d’hivernage du bétail diminuera, le rendement des cultures augmentera et il est possible que les forêts poussent plus vite. Ces gains, cependant, devront être mis en balance avec la perte de superficies cultivables due aux inondations, notamment dans les plaines côtières. Dans les régions moins bien arrosées, surtout dans les tropiques, l’élévation de la température renforcera l’évapotranspiration et réduira le taux d’humidité du sol. Certaines zones cultivées deviendront impropres à la culture et il se peut que
certaines prairies tropicales deviennent de plus en plus arides. La hausse de température élargira également l’aire de répartition des ravageurs agricoles et renforcera la capacité de leurs populations à survivre pendant l’hiver et à attaquer les cultures de printemps. Dans les océans, la hausse de température pourra réduire la croissance du plancton, blanchir les coraux et perturber les habitudes de reproduction et d’alimentation des poissons. Les espèces propres aux eaux froides comme le cabillaud pourront voir rétrécir leur aire de répartition. L’élévation de la température mondiale entraînera aussi de plus fortes précipitations. Elles seront toutefois réparties irrégulièrement entre les régions. On prévoit en effet que dans certaines zones tropicales comme l’Asie du Sud et le nord de l’Amérique latine les précipitations seront moins abondantes qu’auparavant. On s’attend également à ce que le climat devienne plus variable qu’à présent, avec une fréquence et une gravité accrues des phénomènes extrêmes comme les cyclones, les inondations, les chutes de grêle et les périodes de sécheresse. Ces événements entraîneront de plus fortes fluctuations du rendement des cultures et des disponibilités alimentaires locales, ainsi que de plus hauts risques de glissements de terrain et de dommages dus à l’érosion. On prévoit que le niveau moyen de la mer montera de 15 à 20 cm d’ici 2030 et de 50 cm d’ici 2100. Cette hausse entraînera la perte des terres basses du littoral par inondation, pénétration d’eau de mer et ondes de tempête. L’affaissement du sol dû au prélèvement excessif d’eau souterraine risquera d’exacerber le problème dans certaines régions. On assistera également à des effets préjudiciables sur la culture des légumes et l’aquaculture dans les terres basses et sur les pêcheries dont les sites de frai se situent dans les mangroves. L’impact se ressentira davantage sur les zones côtières, notamment les deltas fortement peuplés et cultivés, comme au Bangladesh, en Chine, en Egypte, en Inde et dans les régions continentales d’Asie du Sud-Est. Rien qu’en Inde, on estime que les pertes pourraient atteindre 1 000 à 2 000 km2 d’ici 2030, ceci risquant d’entraîner la destruction de 70 000 à 150 000 moyens d’existence. Il reste pourtant d’importantes incertitudes dans la plupart des projections. L’effet global sur
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la production alimentaire mondiale à l’horizon 2030 sera probablement limité: on prévoit que les rendements de céréales, par exemple, vont perdre environ 0,5 pour cent d’ici les années 2020. Mais il y aura de grandes variations régionales: dans les zones tempérées, on pense qu’il sera possible d’obtenir de meilleurs rendements; en Asie de l’Est, dans le Sahel et en Afrique australe, le bilan pourrait être positif comme négatif; dans les autres régions en développement, on pense qu’il faut plutôt prévoir un effet négatif sur les rendements. Dans tous ces cas, les rendements sont susceptibles d’augmenter ou de baisser de 2,5 pour cent ou moins d’ici 2030 et de 5 pour cent ou moins d’ici 2050. Il est important de noter qu’il s’agit là uniquement de changements résultant du réchauffement de la planète en l’absence de tout autre facteur. En pratique, l’évolution de la technologie réduira ou compensera probablement l’impact du changement climatique. Les innovations technologiques les plus importantes comprendront l’amélioration des variétés végétales et des pratiques agricoles, qui feront augmenter les rendements. Les facteurs comme l’expansion de l’agriculture sans labour et de l’irrigation s’allieront à la dissémination des nouvelles variétés végétales pour réduire la vulnérabilité de certains systèmes au changement climatique. Les inégalités en matière de sécurité alimentaire risquent de s’aggraver Il semble que l’échauffement de la planète bénéficiera à l’agriculture des pays développés situés dans les zones tempérées, mais qu’il aura un effet négatif sur la production de nombreux pays en développement des zones tropicales et subtropicales. Le changement climatique pourrait donc renforcer la dépendance des pays en développement envers les importations et accentuer les différences existant entre le nord et le sud en matière de sécurité alimentaire. Certaines tendances du futur amortiront le choc. L’amélioration des communications et des routes permettra aux aliments d’être transportés plus rapidement vers les régions affectées par la sécheresse ou les inondations. La croissance économique et la hausse des revenus permettront tout de même à la plupart des habitants de la plupart des pays d’améliorer leur nutrition. Du fait que les gens vont continuer de se transférer des activités agricoles vers l’industrie et les services,
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et des zones rurales et marginales vers les centres urbains, le nombre de pays incapables d’acheter des produits alimentaires importés et de personnes vulnérables aux baisses locales de production alimentaire va diminuer. La sécurité alimentaire des populations et pays pauvres pourrait pourtant souffrir du changement climatique. Même à l’horizon 2030, il restera encore des centaines de millions d’humains sousalimentés ou à la limite. Ils seront particulièrement vulnérables à la perturbation de leurs revenus ou de leurs disponibilités alimentaires du fait de récoltes perdues ou de phénomènes extrêmes comme la sécheresse ou les inondations. Tant que les échanges agricoles ne seront pas entièrement libéralisés et que les communications avec les régions marginales resteront insuffisantes, des différences persisteront entre les prix locaux, nationaux et internationaux, ce qui entraînera un risque de hausse rapide – même si elle n’est parfois que temporaire – des prix alimentaires dans les zones touchées par les phénomènes extrêmes. Dans le sud du Mozambique, par exemple, le prix du maïs a monté rapidement au printemps 2000 à la suite des inondations, alors qu’il était de moitié ou même légèrement en baisse au nord, en raison de difficultés de transport entre les deux zones. Les impacts négatifs du changement climatique frapperont surtout les pauvres. Les plus durement touchés seront les petits agriculteurs et les autres groupes à faibles revenus dans les régions sujettes à la sécheresse, aux inondations, à la pénétration d’eau de mer et aux ondes de tempête, et les pêcheurs affectés par le déclin des captures suite à la hausse de température de l’eau et aux déplacements des courants. Les régions qui souffriront probablement le plus de la variabilité accrue du climat et des épisodes extrêmes sont généralement celles qui sont déjà handicapées par ces mêmes phénomènes. Beaucoup de régions menacées par la hausse du niveau de la mer sont déjà pauvres et risquent de ne pas connaître un développement économique suffisant pour s’offrir une protection contre les inondations. Le problème posé d’une accentuation de la vulnérabilité alimentaire due au changement climatique sera sans doute particulièrement grave dans 30 à 40 pays, surtout en Afrique. D’après certaines estimations, dès 2020 ou 2030, le changement climatique pourrait entraîner, dans cette région, une baisse de la production céréalière
Les choix technologiques et politiques Un grand nombre des mesures nécessaires pour atténuer le changement climatique ou s’y adapter servent aussi pour combattre les problèmes actuels comme la pollution de l’eau et de l’air, l’érosion des sols et la vulnérabilité à la sécheresse ou aux inondations.
Mesures destinées à réduire les émissions de gaz à effet de serre: • Suppression des subventions et introduction de taxes écologiques sur les engrais chimiques et les intrants énergétiques • Amélioration de l’efficience de l’emploi des engrais • Développement de variétés de riz dégageant moins de méthane • Meilleure gestion des déchets animaux • Restauration des terres dégradées • Amélioration de la gestion des résidus de cultures • Expansion de l’agroforesterie et du reboisement Mesures destinées à promouvoir l’adaptation au changement climatique: • Développement et distribution de variétés végétales et de races animales résistant à la sécheresse, aux orages et aux inondations, aux températures plus élevées et aux conditions salines • Amélioration de l’efficacité de l’utilisation de l’eau grâce à: • L’agriculture sans labour dans les zones de cultures pluviales • L’amélioration de la tarification, de la gestion et de la technologie de l’eau dans les zones irriguées • Promotion de l’agroforesterie pour renforcer la résistance des écosystèmes et protéger la biodiversité • Maintien de la mobilité du bétail dans les zones de pâtures sujettes à la sécheresse Mesures destinées à réduire l’insécurité alimentaire: • Réduction de la pauvreté rurale et urbaine • Amélioration des transports et des communications dans les zones vulnérables aux désastres • Développement des systèmes d’alerte rapide et de prévision des tempêtes • Plans préparant à porter secours et réhabiliter • Introduction de cultures halophytes et résistantes aux orages et aux inondations • Introduction de systèmes d’utilisation des terres aptes à stabiliser les pentes et à réduire les risques d’érosion et de glissement de terrain • Construction des maisons, abris pour bétail et entrepôts d’aliments au-dessus du niveau probable des inondations.
de 2 à 3 pour cent, suffisante pour accroître de 10 millions le nombre d’habitants menacés par la faim. Il s’agit là d’un effet projeté en l’absence d’autres changements et il pourrait être compensé
par une croissance même modeste des rendements, mais il représente tout de même un obstacle supplémentaire pour l’agriculture africaine.
81
Appendice 1 Pays et produits inclus dans l’étude
Pays en développement Afrique subsaharienne
Amérique latine et Caraïbes
Proche-Orient et Afrique du Nord
Angola Bénin Botswana Burkina Faso Burundi Cameroun Congo Congo, Rép. dém. du Côte d’Ivoire Erythrée Ethiopie Gabon Gambie Ghana Guinée Kenya Lesotho Libéria Madagascar Malawi Mali Maurice Mauritanie Mozambique Namibie Niger Nigéria Ouganda Rép. centrafricaine Rwanda Sénégal Sierra Leone Somalie Soudan Swaziland Tanzanie, Rép.-Unie de Tchad Togo Zambie Zimbabwe Afrique subsaharienne, autres 1
Argentine Bolivie Brésil Chili Colombie Costa Rica Cuba El Salvador Equateur Guatemala Guyana Haïti Honduras Jamaïque Mexique Nicaragua Panama Paraguay Pérou Rép. dominicaine Suriname Trinité-et-Tobago Uruguay Venezuela Amérique latine, autres 2
Afghanistan Algérie Arabie saoudite Egypte Iran, Rép. islamique d’ Iraq Jamahiriya arabe libyenne Jordanie Maroc Rép. arabe syrienne Tunisie Turquie Yémen Proche-Orient, autres 3
1 2 3 4
Asie du Sud
Bangladesh Inde Maldives Népal Pakistan Sri Lanka
Asie de l’Est
Cambodge Chine Corée, Rép. de Corée, RPD de Indonésie Malaisie Mongolie Myanmar Philippines RDP lao Thaïlande Viet Nam Asie de l’Est, autres 4
Cap-Vert, Comores, Djibouti, Guinée-Bissau, Sao Tomé-et-Principe, Seychelles. Antigua, Antilles néerlandaises, Bahamas, Barbade, Belize, Dominique, Grenade, Saint-Kitts-et-Nevis, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Sainte-Lucie. Chypre, Emirats arabes unis, Koweït. Brunéi, Fidji, Iles Salomon, Kiribati, Macao, Nouvelle-Calédonie, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Polynésie française, Vanuatu.
83
Pays et produits inclus dans l’étude (suite)
Pays industrialisés Union Européenne1
Autres pays d’Europe de l’Ouest
Amérique du Nord
Océanie
Autres
Allemagne Autriche Belgique Danemark Espagne Finlande France Grèce Irlande Italie Luxembourg Pays-Bas Portugal Royaume-Uni Suède
Islande Malte Norvège Suisse
Canada Etats-Unis d’Amérique
Australie Nouvelle-Zélande
Israël Japon Afrique du Sud
1 Note: Dans le cadre de l’analyse, l’Union Européenne a été considérée comme un groupe de pays (UE-15).
Pays en transition Europe de l’Est et ancienne RFS de Yougoslavie
Communauté des Etats Indépendants
Albanie Bosnie-Herzégovine Bulgarie Croatie Hongrie Macédoine, ex-Rép. yougoslave de Pologne Rép. tchèque Roumanie Slovaquie Slovénie Yougoslavie
Arménie Azerbaïdjan Bélarus Fédération de Russie Géorgie Kazakhstan Kirghizistan Moldova, Rép. de Ouzbékistan Tadjikistan Turkménistan Ukraine
84
Pays Baltes
Estonie Lettonie Lituanie
Pays et produits inclus dans l’étude (suite)
Produits Cultures
Elevage
Blé Riz (paddy) Maïs Orge Millet Sorgho Autres céréales Pomme de terre Patates douces, ignames Manioc Autres racines Plantains Sucre (brut1) Légumineuses Légumes Bananes Agrumes Autres fruits Huiles végétales et oléagineux (en équivalent d’huile végétale)2 Fèves de cacao Café Thé Tabac Coton fibre Jute et fibres dures Caoutchouc
Viande de bœuf, veau et buffle Viande de mouton, agneau et caprin Viande de porc Viande de volaille Lait et produits laitiers (en équivalent lait entier) Oeufs
1 Pour la production des pays en développement, le sucre de canne et le sucre de betterave sont analysés séparément. 2 La production d’huile végétale des pays en développement est étudiée séparément pour chacun des produits suivants: soja, arachide, sésame, noix de coco, tournesol, huile de palme/palmiste, colza, autres oléagineux.
Note Sauf indication contraire, toutes les statistiques et projections concernant les produits s’entendent en équivalent de produits primaires. On dispose de séries chronologiques de bilans disponibilités/utilisation (BDU) pour environ 160 produits agricoles (végétaux et animaux) primaires et pour 170 produits agricoles transformés. Pour pouvoir travailler sur un nombre gérable de produits, on a converti toutes les données des BDU pour arriver à la liste des 32 produits ci-dessus (on a exclu les produits conjoints pour éviter un double comptage: par exemple, la farine de blé est convertie en blé et le son n’est pas compté). De cette manière, un unique BDU en unités homogènes a été établi pour chacun des produits visés par l’étude. Par production de viande, on entend la production de viande indigène,
c’est-à-dire les animaux abattus plus l’équivalent en viande des animaux exportés sur pied, moins l’équivalent en viande des animaux importés sur pied. Les chiffres concernant la demande et les échanges de céréales incluent l’équivalent en grain de la bière (consommation et échanges). Des BDU ont été établis pour les 26 produits végétaux et les six produits animaux qui figurent dans la liste cidessus. Toutefois, pour les calculs relatifs à la production des pays en développement, on a pris en compte 34 produits végétaux, car la production de sucre et d’huiles végétales est étudiée séparément (au niveau de l’analyse de la production uniquement) pour les dix cultures indiquées dans la note figurant au bas de la liste.
85
Appendice 2 Tableau A1
Population et PIB, données et projections Population totale Millions
Augmentation annuelle (millions)
1979-81
1997-99
2015
2030
2050
1995 à 2000
4 430
5 900
7 207
8 270
9 322
79
76
67
43
Monde (BA) 4 416 Pays en développement 3 245 Afrique subsaharienne 345 Proche-Orient et Afrique du Nord 238 Amérique latine et Car. 357 Asie du Sud 885 Asie de l’Est 1 420 Pays industrialisés 789 Pays en transition 382
5 878 4 573 574
7 176 5 827 883
8 229 6 869 1 229
9 270 7 935 1 704
78 74 15
76 74 20
66 66 24
43 45 23
377 498 1 283 1 840 892 413
520 624 1 672 2 128 951 398
651 717 1 969 2 303 979 381
809 799 2 258 2 365 986 349
8 8 23 20 5 0
9 7 22 16 2 -1
9 6 19 9 1 -1
7 3 12 -1 0 -2
Monde (ONU)1
2010 à 2015
2025 à 2030
2045 à 2050
Taux de croissance (% par an) Population
Monde (BA) Pays en développement Afrique subsaharienne Proche-Orient et Afrique du Nord Amérique latine et Car. Asie du Sud Asie de l’Est Pays industrialisés Pays en transition
PIB total
1969 à 1999
1979 à 1999
1,7 2,0 2,9
1,6 1,9 2,9
2,7 2,1 2,2 1,6 0,7 0,6
2,6 1,9 2,1 1,5 0,7 0,5
1989 à 1999
PIB par habitant
1997-99 à 2015
2015 à 2030
1997-99 à 2015
2015 à 2030
1997-99 à 2015
2015 à 2030
1,5 1,7 2,7
1,2 1,4 2,6
0,9 1,1 2,2
3,5 5,1 4,4
3,8 5,5 4,5
2,3 3,7 1,8
2,9 4,4 2,3
2,4 1,7 1,9 1,2 0,7 0,1
1,9 1,3 1,6 0,9 0,4 -0,2
1,5 0,9 1,1 0,5 0,2 -0,3
3,7 4,1 5,5 6,1 3,0 3,7
3,9 4,4 5,4 6,3 3,0 4,0
1,8 2,8 3,9 5,3 2,6 4,0
2,4 3,5 4,3 5,8 2,8 4,3
1 Monde (ONU) = tous les pays; Monde (BA) = tous les pays pour lesquels des chiffres de bilans alimentaires de la FAO sont disponibles.
Sources:
86
Population: ONU (2001). PIB jusqu’en 2015: Banque mondiale (2001b)
Tableau A2
Taux de croissance de la demande totale et de la production (% p.a.) 1969 à 1999
1979 à 1999
1989 à 1999
1997-99 à 2015
2015 à 2030 1997-99 à 2030
2,1 3,7 3,0 3,1 2,4 3,0 2,7 2,1 3,3 4,7 3,2 1,0 -1,7
2,0 4,0 3,0 3,2 2,5 2,7 3,0 2,8 3,0 5,2 2,8 1,0 -4,4
1,6 2,2 2,4 2,9 3,1 2,4 2,1 2,2 2,6 1,8 2,0 0,7 0,5
1,4 1,7 2,0 2,8 2,9 2,0 1,7 1,8 2,0 1,3 1,7 0,6 0,4
1,5 2,0 2,2 2,9 3,0 2,2 1,9 2,0 2,3 1,6 1,9 0,7 0,5
2,1 3,7 3,0 3,0 2,2 3,0 2,6 2,1 3,4 4,6 2,9 1,0 -1,7
2,0 3,9 2,9 3,0 2,4 2,9 3,1 2,8 2,9 5,0 2,4 1,4 -4,7
1,6 2,0 2,3 2,8 2,9 2,1 2,1 2,1 2,5 1,7 1,9 0,8 0,6
1,3 1,7 2,0 2,7 2,7 1,9 1,7 1,8 1,9 1,3 1,8 0,6 0,6
1,5 1,9 2,1 2,7 2,8 2,0 1,9 2,0 2,2 1,5 1,9 0,7 0,6
1,6 1,9 2,2 2,9 2,9 2,6 1,9 1,9 2,1 1,5 1,8 0,7 0,5
1,5 1,7 2,0 2,7 2,7 2,4 1,7 1,8 1,9 1,2 1,6 0,7 0,1
1,2 1,4 1,7 2,6 2,6 1,9 1,3 1,4 1,6 0,9 1,2 0,4 -0,2
0,9 1,1 1,3 2,2 2,3 1,5 0,9 1,0 1,1 0,5 0,9 0,2 -0,3
1,1 1,3 1,5 2,4 2,4 1,7 1,1 1,2 1,3 0,7 1,0 0,3 -0,2
Demande Monde 2,2 Pays en développement 3,7 idem, sauf Chine 3,2 Afrique subsaharienne 2,8 idem, sauf Nigéria 2,5 Proche-Orient et Afrique du Nord 3,8 Amérique latine et Caraïbes 2,9 idem, sauf Brésil 2,4 Asie du Sud 3,2 Asie de l’Est 4,5 idem, sauf Chine 3,5 Pays industrialisés 1,1 Pays en transition -0,2
Production Monde 2,2 Pays en développement 3,5 idem, sauf Chine 3,0 Afrique subsaharienne 2,3 idem, sauf Nigéria 2,0 Proche-Orient et Afrique du Nord 3,1 Amérique latine et Caraïbes 2,8 idem, sauf Brésil 2,3 Asie du Sud 3,1 Asie de l’Est 4,4 idem, sauf Chine 3,3 Pays industrialisés 1,3 Pays en transition -0,4
Population Monde 1,7 Pays en développement 2,0 idem, sauf Chine 2,3 Afrique subsaharienne 2,9 idem, sauf Nigéria 2,9 Proche-Orient et Afrique du Nord 2,7 Amérique latine et Caraïbes 2,1 idem, sauf Brésil 2,1 Asie du Sud 2,2 Asie de l’Est 1,6 idem, sauf Chine 2,0 Pays industrialisés 0,7 Pays en transition 0,6
87
Tableau A3
Consommation alimentaire par personne et sous-alimentation
Consommation alimentaire par personne (Calories/personne/jour) 1964-66 Monde Pays en développement Afrique subsaharienne Idem sauf Nigéria Proche-Orient et Afrique du Nord Amérique latine et Caraïbes Asie du Sud Asie de l’Est Pays industrialisés Pays en transition
1974-76
2 358 2 054 2 058 2 037 2 290 2 393 2 017 1 957 2 947 3 222
1984-86
1997-99
2015
2030
2 655 2 450 2 057 2 057 2 953 2 689 2 205 2 559 3 206 3 379
2 803 2 681 2 195 2 052 3 006 2 824 2 403 2 921 3 380 2 906
2 940 2 850 2 360 2 230 3 090 2 980 2 700 3 060 3 440 3 060
3 050 2 980 2 540 2 420 3 170 3 140 2 900 3 190 3 500 3 180
2 435 2 152 2 079 2 076 2 591 2 546 1 986 2 105 3 065 3 385
Incidence de la sous-alimentation dans les pays en développement % de la population 1990-92 1997-99 Pays en développement Afrique subsaharienne Idem sauf Nigéria Proche-Orient et Afrique du Nord Amérique latine et Caraïbes Asie du Sud Asie de l’Est
20 35 40 8 13 26 16
17 34 40 9 11 24 11
2015
2030
11 23 28 7 6 12 6
6 15 18 5 4 6 4
Millions de personnes 1990-92 1997-99 2015 815 168 156 25 59 289 275
776 194 186 32 54 303 193
2030
610 205 197 37 40 195 135
443 183 178 34 25 119 82
Population des pays à niveaux donnés de consommation alimentaire par personne (millions) Calories/personne/jour 1964-66 Moins de 2 200 2 200-2 500 2 500-2 700 2 700-3 000 Plus de 3 000
1 893 288 154 302 688
Monde entier
3 325
1974-76
1
2 281 307 141 256 1 069
Population (millions d’habitants) 1984-86 1997-99 2015
1
4 053
2030
558 1 2902 1 3373 306 1 318
571 1 4872 222 1 134 2 4643
462 541 351 2 3972 3 4253
196 837 352 2 4512 4 3923
4 810
5 878
7 176
8 229
1 Avec Inde et Chine. 2 Avec Inde. 3 Avec Chine.
Pays en développement selon le pourcentage de population sous-alimentée4 Population (millions)
Calories/personne/jour
% de la population
Millions de personnes
1997-99
1997-99
2015
2030
1997-99
2015
2030
1997-99
2015
2030
2015
2030
Moins de 5 % 5-10 % 10-25 % Plus de 25 %
349 1 989 1 632 586
1 158 5 129 2 162 524 1 939 948 544 239
3 187 2 999 2 434 1 988
3 130 3 066 2 644 2 085
3 150 2 758 2 411 2 149
2 8 21 43
3 6 13 35
3 7 16 30
8 167 349 251
37 134 250 190
178 38 155 72
Total
4 555
5 804 6 840
2 681
2 850 2 980
17
11
6
776
611
443
4 Selon les années, les groupes sont constitués par différents pays.
88
Tableau A4
Evolution de la composition de l’alimentation
Céréales
Racines et tubercules
Sucre Légumes secs (éq. brut)
(secas)
Huiles végétales, oléagineux (éq. huile)
Viande
Lait et produits laitiers
(poids de carcasse)
(éq. lait frais)
kg/personne/an Monde 1979-81 1997-99 2015 2030
160 171 171 171
74 69 71 74
23,5 24,0 25,1 26,3
6,5 5,9 5,9 6,1
8,4 11,4 13,7 15,8
29,5 36,4 41,3 45,3
77 78 83 90
Pays industrialisés 1979-81 1997-99 2015 2030
139 159 158 159
67 66 63 61
36,8 33,1 32,4 32,0
2.8 3,8 4,0 4,1
15,7 20,2 21,6 22,9
78,5 88,2 95,7 100,1
202 212 217 221
Pays en transition 1979-81 1997-99 2015 2030
189 173 176 173
119 104 102 100
45,9 34,0 35,0 36,0
3,1 1,2 1,2 1,1
9,2 9,3 11,5 14,2
62,9 46,2 53,8 60,7
181 159 169 179
Pays en développement 1979-81 1997-99 2015 2030
162 173 173 172
70 67 71 75
17,6 21,3 23,2 25,0
7,8 6,8 6,6 6,6
6,5 9,9 12,6 14,9
13,7 25,5 31,6 36,7
34 45 55 66
Afrique subsaharienne 1979-81 1997-99 2015 2030
115 123 131 141
172 194 199 202
9,9 9,5 11,3 13,0
9,8 8,8 9,8 10,5
8,5 9,2 10,7 12,3
10,6 9,4 10,9 13,4
34 29 31 34
Proche-Orient et Afrique du Nord 1979-81 199 1997-99 209 2015 206 2030 201
26 34 33 33
28,2 27,6 28,7 29,9
6,4 6,7 6,9 6,9
11,1 12,8 14,4 15,7
17,4 21,2 28,6 35,0
85 72 81 90
Amérique latine et Caraïbes 1979-81 1997-99 2015 2030
130 132 136 139
74 62 61 61
48,5 48,9 48,2 47,9
12,6 11,1 10,7 10,6
10,2 12,5 14,5 16,3
40,6 53,8 65,3 76,6
97 110 125 140
Asie du Sud 1979-81 1997-99 2015 2030
151 163 177 183
20 22 27 30
20,7 26,7 29,5 32,2
11,2 10,9 9,1 7,9
5,8 8,4 11,6 14,0
4,0 5,3 7,6 11,7
42 68 88 107
Asie de l’Est 1979-81 1997-99 2015 2030
181 199 190 183
83 66 64 61
8,1 12,4 14,6 16,6
4,3 2,1 2,0 2,1
4,7 9,7 13,1 16,3
13,0 37,7 50,0 58,5
5 10 14 18
89
Tableau A5
Bilans céréaliers
Demande Production millions de tonnes Alim. Alim. Tous usages humaine animale Monde 1979-81 1997-99 2015 2030
Echanges nets
TAS 1 %
Taux de croissance % par an Demande Production
706 1 003 1 227 1 406
575 657 911 1 148
1 437 1 864 2 379 2 831
1 442 1 889 2 387 2 839
3 9 8 8
100 101 100 100
1979 à 99 1989 à 99 1997-99 à 2015 2015 à 2030
1,4 1,0 1,4 1,2
1,4 1,0 1,4 1,2
Pays industrialisés 1979-81 1997-99 2015 2030
110 142 150 155
286 331 387 425
428 525 599 652
551 652 785 899
111 111 187 247
129 124 131 138
1979 à 99 1989 à 99 1997-99 à 2015 2015 à 2030
1,0 1,7 0,8 0,6
0,8 1,4 1,1 0,9
Pays en transition 1979-81 1997-99 2015 2030
72 72 70 66
176 105 127 149
297 211 237 261
242 210 247 287
-41 1 10 25
81 100 104 110
1979 à 99 1989 à 99 1997-99 à 2015 2015 à 2030
-1,9 -4,9 0,7 0,7
-1,1 -4,2 1,0 1,0
Pays en développement 1979-81 524 1997-99 790 2015 1 007 2030 1 185
113 222 397 573
712 1 129 1 544 1 917
649 1 026 1 354 1 652
-66 -103 -190 -265
91 91 88 86
1979 à 99 1989 à 99 1997-99 à 2015 2015 à 2030
2,6 2,2 1,9 1,5
2,5 2,1 1,6 1,3
2 4 8 15
48 86 139 208
41 71 114 168
-8 -14 -25 -40
85 82 82 81
1979 à 99 1989 à 99 1997-99 à 2015 2015 à 2030
3,4 3,1 2,9 2,7
3,4 2,7 2,8 2,6
Proche-Orient et Afrique du Nord 1979-81 47 19 1997-99 79 34 2015 107 62 2030 131 93
80 133 192 249
58 83 107 133
-24 -49 -85 -116
72 63 56 54
1979 à 99 1989 à 99 1997-99 à 2015 2015 à 2030
2,7 2,2 2,2 1,8
2,4 1,3 1,5 1,5
Amérique latine et Caraïbes 1979-81 46 1997-99 66 2015 85 2030 99
37 60 98 135
94 142 204 257
87 125 188 244
-8 -14 -16 -13
93 88 92 95
1979 à 99 1989 à 99 1997-99 à 2015 2015 à 2030
2,3 2,8 2,1 1,6
1,8 3,1 2,4 1,8
Afrique subsaharienne 1979-81 1997-99 2015 2030
40 71 116 173
Asie du Sud 1979-81 1997-99 2015 2030
134 208 295 360
2 3 11 22
151 234 335 416
147 239 323 393
-2 -3 -12 -22
98 102 97 95
1979 à 99 1989 à 99 1997-99 à 2015 2015 à 2030
2,6 1,8 2,1 1,5
2,7 2,0 1,8 1,3
Asie de l’Est 1979-81 1997-99 2015 2030
257 366 404 422
53 120 218 309
339 534 675 787
316 507 622 714
-24 -23 -53 -73
93 95 92 91
1979 à 99 1989 à 99 1997-99 à 2015 2015 à 2030
2,5 2,1 1,4 1,0
2,5 2,1 1,2 0,9
1 TAS = taux d’autosuffisance = production/demande totale.
90
91
Alim. humaine1
animale
-48,7 -61,8 -103,7 -141,2 -2,6 3,7 5,2 6,9 -16,0 -43,2 -89,4 -128,2 16,4 8,7 9,6 9,4 7,3 5,8 5,7 3,5 -0,2 -1,0 -0,9 -1,1 1,5 4,0 3,4 3,5 1,3 2,1 2,7 3,2 3,5 4,6 5,2 5,8
156,8 280,2 358,1 424,9 368,7 561,9 685,0 778,0 246,5 371,0 539,4 708,6 356,4 501,9 662,9 817,6 74,0 128,8 173,0 212,0 31,5 39,3 51,0 62,4 28,6 67,7 109,1 155,6 1,7 3,0 4,1 5,0 5,3 6,5 7,8 9,4
Production Echanges nets Alim. Tous usages
Demande
Pays en développement
Bilans par produit (millions de tonnes)
1979-81 171,8 7,5 205,1 1997-99 289,6 12,9 338,4 2015 392,3 27,7 461,8 2030 478,1 41,2 566,0 Riz (paddy) 1979-81 333,1 5,8 370,8 1997-99 491,2 17,4 552,6 2015 598,4 32,2 679,8 2030 665,9 51,5 771,1 Céréales secondaires 1979-81 130,4 102,1 259,5 1997-99 172,3 197,1 421,8 2015 215,6 348,3 628,8 2030 262,3 497,8 836,9 Racines et tubercules 1979-81 227,1 62,5 339,9 1997-99 304,4 97,3 492,4 2015 412,4 142,6 653,2 2030 513,8 182,2 808,2 Sucre (éq. brut) 1979-81 57,2 2,3 67,8 1997-99 97,2 3,9 121,9 2015 135,4 6,0 167,3 2030 171,4 8,2 208,5 Légumineuses 1979-81 25,3 2,6 31,8 1997-99 31,0 4,7 40,5 2015 38,3 7,4 51,9 2030 45,4 10,5 63,5 Huiles végétales, oléagineux (éq. huile) 1979-81 21,0 0,5 26,4 1997-99 45,1 1,5 61,8 2015 73,2 2,4 105,7 2030 102,3 3,3 152,2 Cacao 1979-81 0,2 0,0 0,3 1997-99 0,6 0,0 1,0 2015 1,0 0,0 1,4 2030 1,4 0,0 1,9 Café 1979-81 1,5 0,0 1,6 1997-99 1,6 0,0 1,8 2015 2,5 0,0 2,7 2030 3,4 0,0 3,6
Blé
Tableau A6
3,3 3,9 4,5 4,9
1,1 1,9 2,2 2,5
12,3 18,0 20,6 22,4
2,2 3,4 3,8 4,0
29,1 29,5 31,5 32,3
52,4 58,8 59,6 59,6
35,0 52,8 59,9 64,0
18,0 20,8 21,5 22,0
62,6 75,3 76,1 76,5
Alim. humaine
0,0 0,0 0,0 0,0
0,0 0,0 0,0 0,0
0,5 2,1 2,4 2,5
1,1 6,8 7,3 7,7
0,2 0,1 0,1 0,1
30,6 15,0 15,6 15,7
263,3 278,1 320,8 353,7
0,2 0,4 0,4 0,5
22,7 52,1 66,1 70,8
Alim. animale
3,3 4,0 4,5 4,9
1,1 1,9 2,3 2,6
17,0 30,6 40,9 53,2
3,7 11,1 12,0 12,6
30,5 31,6 33,8 34,6
99,6 94,9 98,1 99,9
319,1 367,1 423,9 470,7
19,6 23,3 23,7 24,3
95,8 142,3 158,6 165,2
0,0 0,0 0,0 0,0
0,0 0,0 0,0 0,0
17,2 30,2 40,4 52,0
3,8 13,2 12,8 13,4
28,9 36,0 36,9 38,7
83,3 83,2 86,6 88,3
367,4 420,3 506,7 585,3
22,7 24,3 24,1 23,5
168,1 215,9 262,5 298,5
-3,3 -4,0 -4,6 -5,2
-1,1 -1,8 -2,3 -2,6
-0,4 -0,9 -0,5 -1,3
0,1 1,7 0,8 0,8
-2,0 3,8 3,1 4,1
-16,3 -11,5 -11,5 -11,6
42,3 43,4 82,8 114,6
4,2 2,1 0,4 -0,8
65,7 66,0 103,9 133,3
Production Echanges nets Tous usages
Pays industrialisés Demande
0,2 0,5 0,6 0,8
0,2 0,4 0,5 0,6
3,5 3,8 4,6 5,4
1,2 0,5 0,5 0,4
17,5 14,1 13,9 13,7
45,4 43,0 40,6 38,2
15,6 13,8 13,1 12,1
3,7 2,5 3,2 3,5
54,3 56,1 54,7 51,6
0,0 0,0 0,0 0,0
0,0 0,0 0,0 0,0
0,3 0,5 0,6 0,6
3,6 2,3 2,5 2,6
0,9 0,4 0,5 0,5
43,7 26,2 27,4 28,9
115,1 76,5 90,4 102,5
0,0 0,0 0,0 0,0
60,5 28,1 36,1 46,9
0,2 0,5 0,6 0,8
0,2 0,4 0,5 0,6
5,6 6,0 7,4 9,1
5,8 3,4 3,5 3,7
18,8 15,2 15,2 15,1
130,2 98,0 96,7 94,8
156,6 107,2 124,9 139,0
4,0 2,6 3,4 3,8
138,0 101,8 109,9 120,0
Alim. Alim. Tous usages humaine animale
0,0 0,0 0,0 0,0
0,0 0,0 0,0 0,0
4,7 5,8 7,2 9,2
5,5 3,5 3,9 4,2
12,8 8,6 9,9 10,9
128,6 94,9 97,0 95,4
127,8 108,6 133,0 153,9
2,6 1,2 1,5 2,0
112,5 100,8 113,5 131,5
Production
Pays en transition Demande
-0,2 -0,5 -0,6 -0,8
-0,2 -0,4 -0,5 -0,6
-0,9 -0,2 -0,2 0,0
0,1 0,2 0,4 0,5
-4,8 -5,9 -5,3 -4,3
-0,3 -0,5 0,4 0,7
-24,5 2,1 8,1 14,9
-1,7 -1,4 -1,9 -1,8
-15,7 -0,3 3,6 11,6
Echanges nets
92 1,9 3,7 5,1 6,5 15,7 28,0 41,2 55,0 3,8 7,4 11,2 15,4 17,5 49,3 69,5 82,8 7,7 31,3 59,1 93,5 112,3 219,3 346,2 484,0 8,2 12,1 18,0 22,7 3,8 6,6 7,8 8,9
1,4 2,9 4,2 5,5
15,2 28,1 41,5 55,7
4,0 7,6 12,0 16,6
17,4 49,5 70,1 83,6
8,3 31,9 61,4 96,7
129,5 239,1 375,8 523,1
8,3 14,0 20,1 25,3
1,2 3,2 4,4 5,4
1 Usage industriel pour le coton et le caoutchouc.
1979-81 1,4 0,0 1997-99 2,8 0,0 2015 4,1 0,0 2030 5,4 0,0 Bœuf et veau 1979-81 15,1 0,0 1997-99 27,8 0,0 2015 41,2 0,0 2030 55,3 0,0 Mouton et agneau 1979-81 3,9 0,0 1997-99 7,6 0,0 2015 11,9 0,0 2030 16,6 0,0 Viande de porc 1979-81 17,1 0,0 1997-99 49,4 0,0 2015 70,0 0,0 2030 83,5 0,0 Viande de volaille 1979-81 8,2 0,0 1997-99 31,5 0,0 2015 61,2 0,0 2030 96,5 0,0 Lait et produits laitiers (éq. lait frais) 1979-81 110,2 12,7 1997-99 203,7 23,2 2015 322,8 36,4 2030 451,8 50,8 Coton fibre 1979-81 8,3 0,0 1997-99 14,0 0,0 2015 20,1 0,0 2030 25,3 0,0 Caoutchouc 1979-81 1,2 0,0 1997-99 3,3 0,0 2015 4,4 0,0 2030 5,4 0,0
Thé
2,5 3,4 3,4 3,5
-0,1 -1,7 -2,1 -2,5
-17,6 -19,8 -29,6 -39,1
-0,6 -0,7 -2,3 -3,2
0,1 -0,2 -0,6 -0,8
-0,2 -0,3 -0,7 -1,2
0,5 -0,1 -0,3 -0,7
0,5 0,8 0,9 1,9
Production Echanges nets
Alim. Alim. Tous usages humaine1 animale
Demande
Pays en développement
Tableau A6 Bilans par produit (millions de tonnes) (suite)
2,1 3,1 3,2 3,2
3,6 3,9 4,5 4,8
158,9 189,4 206,1 216,2
13,6 24,9 33,0 39,1
23,7 28,3 31,2 31,9
2,0 2,2 2,2 2,2
22,7 23,3 24,6 24,7
0,5 0,5 0,6 0,6
0,0 0,0 0,0 0,0
0,0 0,0 0,0 0,0
40,1 23,9 24,8 25,4
0,0 0,0 0,0 0,0
0,0 0,0 0,0 0,0
0,0 0,0 0,0 0,0
0,0 0,0 0,0 0,0
0,0 0,0 0,0 0,0
2,1 3,1 3,2 3,2
3,6 3,9 4,5 4,8
207,5 225,8 240,4 250,5
13,7 25,1 33,1 39,3
23,8 28,5 31,3 32,1
2,1 2,3 2,3 2,3
22,8 23,4 24,7 24,7
0,5 0,5 0,6 0,6
0,0 0,0 0,0 0,0
3,4 4,8 6,0 6,9
224,9 245,8 268,5 286,3
14,3 27,7 37,5 44,1
23,7 29,3 32,3 33,1
2,5 2,7 3,1 3,5
22,8 25,0 26,6 26,5
0,1 0,1 0,1 0,1
-2,1 -3,1 -3,2 -3,2
-0,2 0,9 1,5 2,0
18,5 19,7 28,1 35,8
0,6 2,6 4,3 4,8
-0,1 0,9 0,9 1,0
0,4 0,4 0,8 1,3
0,1 1,5 1,9 1,8
-0,4 -0,4 -0,5 -0,5
Production Echanges nets
Alim. Alim. Tous usages humaine animale
Demande
Pays industrialisés
0,4 0,2 0,3 0,4
2,6 0,8 1,0 1,2
69,2 65,7 67,0 68,1
3,8 3,7 5,0 6,3
10,3 8,3 8,5 8,4
1,2 0,7 0,9 1,1
8,8 6,3 7,0 7,4
0,2 0,3 0,3 0,4
0,0 0,0 0,0 0,0
0,0 0,0 0,0 0,0
50,5 26,6 27,2 27,7
0,0 0,0 0,0 0,0
0,0 0,0 0,0 0,0
0,0 0,0 0,0 0,0
0,0 0,0 0,0 0,0
0,0 0,0 0,0 0,0
0,4 0,2 0,3 0,4
2,6 0,8 1,0 1,2
126,5 94,5 96,9 98,6
3,8 3,8 5,1 6,4
10,5 8,4 8,5 8,5
1,2 0,8 1,0 1,1
8,9 6,4 7,1 7,5
0,2 0,3 0,3 0,3
0,0 0,0 0,0 0,0
2,7 1,5 1,7 1,8
127,3 96,6 100,4 103,8
3,9 2,9 4,1 5,7
10,6 7,9 8,4 8,6
1,2 0,8 0,9 1,1
8,7 5,7 6,3 6,9
0,1 0,1 0,1 0,1
-0,4 -0,2 -0,3 -0,4
0,1 0,7 0,7 0,6
0,8 2,2 3,5 5,2
0,0 -0,9 -1,0 -0,6
0,1 -0,5 -0,1 0,1
0,0 0,0 0,0 0,0
-0,2 -0,6 -0,8 -0,6
-0,1 -0,2 -0,3 -0,5
Production Echanges nets
Alim. Alim. Tous usages humaine animale
Demande
Pays en transition
Tableau A7
Utilisation du sol Terres arables millions d’ha Total
Pluvial
Superficies récoltées millions d’ha
Irrigué
Total
Pluvial
Intensité culturale %
Irrigué
Total
Pluvial
Irrigué
Pays en développement 1997-99 956 2015 1 017 2030 1 076
754 796 834
202 221 242
885 977 1 063
628 671 722
257 306 341
93 96 99
83 84 87
127 138 141
Afrique subsaharienne 1997-99 2015 2030
223 256 281
5.3 6.0 6.8
154 185 217
150 179 210
4.5 5.7 7.0
68 71 76
67 70 75
86 95 102
60 60 60
26 29 33
70 77 84
43 45 46
27 32 37
81 86 90
72 75 78
102 110 112
Amérique latine et Caraïbes 1997-99 203 2015 223 2030 244
185 203 222
18 20 22
127 150 172
112 131 150
16 19 22
63 67 71
60 64 68
86 95 100
Asie du Sud 1997-99 2015 2030
207 210 216
126 123 121
81 87 95
230 248 262
131 131 131
100 117 131
111 118 121
103 106 109
124 134 137
Asie de l’Est 1997-99 2015 2030
232 233 237
161 155 151
71 78 85
303 317 328
193 186 184
110 131 144
130 136 139
120 120 122
154 168 169
228 262 288
Proche-Orient et Afrique du Nord 1997-99 86 2015 89 2030 93
93
Tableau A8
Rendement et superficie récoltée par culture Rendement (tonnes/ha)
Superficie récoltée (millions d’ha)
1979-81
1997-99
2015
2030
1979-81
Blé Pays en développement Afrique subsaharienne Proche-Orient et Afrique du Nord Amérique latine et Caraïbes Asie du Sud Asie de l’Est
1,64 1,30 1,35 1,50 1,55 2,04
2,53 1,62 1,83 2,53 2,46 3,15
3,11 2,03 2,21 2,84 3,12 3,99
3,53 2,44 2,56 3,17 3,77 4,30
95,6 1,0 25,3 10,1 30,0 29,1
Riz (paddy) Pays en développement Afrique subsaharienne Proche-Orient et Afrique du Nord Amérique latine et Caraïbes Asie du Sud Asie de l’Est
2,65 1,36 4,01 1,94 1,91 3,36
3,57 1,63 5,63 3,47 2,92 4,17
4,21 2,19 6,17 4,35 3,80 4,67
4,73 2,79 6,72 4,91 4,32 5,23
Maïs Pays en développement Afrique subsaharienne Proche-Orient et Afrique du Nord Amérique latine et Caraïbes Asie du Sud Asie de l’Est
1,96 1,14 2,39 1,84 1,14 2,59
2,78 1,25 4,66 2,79 1,68 3,70
3,44 1,61 5,29 3,59 2,25 4,50
Orge Pays en développement Afrique subsaharienne Proche-Orient et Afrique du Nord Amérique latine et Caraïbes Asie du Sud Asie de l’Est
1,29 1,21 1,11 1,36 1,07 2,70
1,42 1,06 1,31 1,87 1,75 1,79
Pays en développement Afrique subsaharienne Proche-Orient et Afrique du Nord Amérique latine et Caraïbes Asie du Sud Asie de l’Est
54,9 56,8 79,1 57,3 48,6 56,9
Légumineuses Pays en développement Afrique subsaharienne Proche-Orient et Afrique du Nord Amérique latine et Caraïbes Asie du Sud Asie de l’Est
0,61 0,55 0,92 0,58 0,47 1,07
1997-99
2015
2030
110,7 1,6 27,2 8,9 36,3 36,7
113,3 2,2 27,9 9,5 40,2 33,5
118,4 2,8 29,0 10,5 43,8 32,2
138,0 4,5 1,2 8,0 54,5 70,0
156,7 7,1 1,6 5,9 59,3 82,8
162,1 8,6 1,9 6,4 62,2 83,0
163,9 10,1 2,2 6,9 63,9 80,8
3,96 1,97 6,39 4,18 2,72 5,12
75,5 12,1 2,3 25,2 7,1 28,7
96,5 20,7 2,2 26,8 8,0 38,8
117,8 27,2 2,6 32,3 8,5 47,1
136,2 33,9 3,2 36,6 8,8 53,6
1,74 1,34 1,61 2,51 1,95 2,18
2,05 1,65 1,86 3,04 2,08 2,64
16,6 0,9 10,9 0,9 2,0 1,8
16,9 1,0 11,6 1,0 1,0 2,3
18,2 1,2 12,6 1,3 0,9 2,2
19,6 1,4 13,4 1,8 0,9 2,2
61,8 49,5 103,9 64,7 63,0 54,7
77,4 62,8 105,1 76,0 84,8 71,5
88,1 75,0 108,4 82,8 100,2 83,6
12,4 0,6 0,1 6,2 3,7 1,8
18,7 0,9 0,2 8,5 5,4 3,8
20,5 1,2 0,2 8,9 6,1 4,0
22,0 1,5 0,3 9,3 6,7 4,2
0,67 0,44 0,89 0,84 0,62 1,04
0,85 0,66 1,12 0,98 0,81 1,15
1,09 0,93 1,26 1,06 1,05 1,54
51,8 7,8 2,3 8,3 25,9 7,6
60,0 15,8 3,8 7,3 25,7 7,4
59,7 17,4 4,5 7,3 23,0 7,5
57,1 18,4 5,0 7,8 19,4 6,6
Canne à sucre
94
Tableau A8
Rendement et superficie récoltée par culture (suite) Rendement (tonnes/ha) 1979-81
Superficie récoltée (millions d’ha)
1997-99
2015
2030
1979-81
1997-99
2015
2030
Soja Pays en développement Afrique subsaharienne Proche-Orient et Afrique du Nord Amérique latine et Caraïbes Asie du Sud Asie de l’Est
1,37 0,56 1,94 1,66 0,68 1,08
1,84 0,85 1,84 2,33 1,09 1,41
2,24 1,11 2,66 2,74 1,40 1,83
2,63 1,40 3,19 3,15 1,70 2,21
21,2 0,4 0,1 11,2 0,5 9,0
40,8 0,8 0,1 21,6 6,1 12,1
56,5 1,2 0,2 30,7 9,1 15,2
71,5 1,7 0,3 39,7 11,8 18,0
Arachide Pays en développement Afrique subsaharienne Proche-Orient et Afrique du Nord Amérique latine et Caraïbes Asie du Sud Asie de l’Est
0,93 0,70 1,76 1,35 0,84 1,38
1,28 0,83 2,42 1,60 1,03 2,12
1,51 1,06 2,85 1,72 1,27 2,28
1,69 1,29 3,23 1,85 1,43 2,43
17,6 5,9 0,1 0,8 7,2 3,6
23,3 8,7 0,1 0,7 7,4 6,5
31,1 12,2 0,2 0,8 8,7 9,2
38,5 16,2 0,2 1,0 9,5 11,6
Coton graine Pays en développement Afrique subsaharienne Proche-Orient et Afrique du Nord Amérique latine et Caraïbes Asie du Sud Asie de l’Est
0,96 0,57 2,12 0,90 0,61 1,56
1,35 0,85 2,70 1,49 0,91 2,16
1,84 1,06 2,93 1,70 1,54 2,88
2,17 1,25 3,10 1,85 2,08 3,14
25,4 2,9 1,6 5,5 10,1 5,2
26,2 4,2 1,6 2,1 12,1 6,1
28,6 5,3 2,2 2,6 12,8 5,7
30,5 6,2 2,6 3,1 13,1 5,6
Caoutchouc Pays en développement Afrique subsaharienne Proche-Orient et Afrique du Nord Amérique latine et Caraïbes Asie du Sud Asie de l’Est
0,69 0,69 0,00 3,81 0,67 0,68
0,91 0,71 0,00 1,05 1,20 0,90
1,07 0,95 0,00 1,18 1,34 1,05
1,18 1,19 0,00 1,31 1,50 1,15
5,5 0,3 0,0 0,0 0,4 4,7
7,2 0,5 0,0 0,1 0,6 6,0
7,3 0,6 0,0 0,2 0,6 6,0
7,5 0,6 0,0 0,2 0,6 6,1
95
Sources des données On trouvera ci-dessous la liste des sources des tableaux et chiffres uniquement. La liste complète des sources se trouve dans la version intégrale du rapport. Alexandratos, N. (ed.) (1989), Agriculture mondiale: Horizon 2000, Etude de la FAO. Economica, Paris. Alexandratos, N. (ed.) (1995), Agriculture mondiale: Horizon 2010, Etude de la FAO. Polytechnica, Paris. Anderson, K., François, J., Hertel, T., Hoekman, B. et Martin, W. (2000), Potential gains from trade reform in the new millennium. Communication présentée à la troisième Conférence annuelle sur l’analyse économique mondiale, 27-30 juin, Monash University, Melbourne. Banque mondiale (2001) (a), Indicateurs du développement dans le monde. Washington DC. Banque mondiale (2001) (b), Global economic prospects and the developing countries, 2002. Washington DC. FAO (1970), Plan indicatif mondial provisoire pour le développement de l’agriculture. Rome. FAO (1981), Agriculture: Horizon 2000. Rome. FAO (2001), Global forest resources assessment: main report. FAO Forestry Paper 140. Rome. FAO (à paraître). World agriculture: towards 2015/2030, an FAO study. Rome. Fischer, G., van Velthuizen, H. et Nachtergaele, F. (2000), Global agro-ecological zones assessment: methodology and results. Interim Report, International Institute for Applied Systems Analysis (IIASA), Laxenburg, et FAO, Rome. Gallup, J., Sachs, J. et Mellinger, A. (1999), Geography and economic development. CID Working Paper No. 1, Harvard University, Harvard. Huang, J., Rozell, S., Pray, C. et Wang, Q. (2002), Plant biotechnology in China. Science 295: 674-677. ISAAA (2001), Global preview of commercialised transgenic crops. ISAAA Briefs Nos 21-24. Cornell University, Cornell. Mosier, A. et Kroeze, C. (1998), A new approach to estimating emissions of nitrous oxide from agriculture and its implications for the global change N20 budget. IGBP Global Change Newsletter 34: 8-13. Oakridge National Laboratory (2000). Landscan global population density 2000 map. Oak Ridge, USA. Oldeman, L., Hakkeling, R. et Sombroek, W. (1991), World map of the status of human-induced soil degradation. ISRIC, Wageningen, et UNEP, Nairobi. ONU (2001), Perspectives de la population mondiale : Révision de 2000, Rapport concis. New York. Willer, H. et Yussefi, M. (2002), Organic agriculture worldwide 2001: statistics and future prospects. Special publication. Foundation for Ecology and Agriculture, Stuttgart.
96
Sigles et abréviations AsA ASL BDU
Accord sur l’agriculture Agriculture sans labour Bilan Disponibilités/ Utilisation
Bt EMN ESB
Bacillus thuringiensis Entreprises multinationales Encéphalopathie spongiforme bovine Fonds international pour le développement agricole Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat Evaluation globale de la dégradation des sols Hectare Indice de masse corporelle Mètre Variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob L’azote, le phosphore et le potassium Organisation de coopération et de développement économiques Organisme génétiquement modifié Organisation des nations unies Pays les moins avancés Produit intérieur brut Partie par million Syndrome immunodéficitaire acquis Union Européenne Union internationale pour la conservation de la nature Virus d’immunodéficience humaine Centre mondial de surveillance de la conservation
FIDA GIEC GLASOD ha IMC m MCJv NPK OCDE OGM ONU PMA PIB ppm SIDA UE UICN VIH WCMC
97