Urgence climatique: le grand déballage

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LES GRANDES MARQUES ET L’INDUSTRIE DES COMBUSTIBLES FOSSILES UTILISENT LE RECYCLAGE COMME UN ÉCRAN DE FUMÉE

Il est clair que le recyclage des plastiques ne peut pas résoudre le problème de la pollution plastique et qu’il est utilisé comme un écran de fumée par l’industrie pour détourner l’attention des changements systémiques qui sont nécessaires.98 À l’échelle mondiale, en 2015, seuls 9% de tous les déchets plastiques produits jusqu’ici avaient été recyclés99. Une étude a estimé que moins de 1% du plastique a été recyclé plus d’une fois. Pour la majeure partie, les emballages plastiques sont soit décyclés en produits de moindre qualité (downcycled), soit incinérés, mis en décharge ou abandonnés dans l’environnement100. Une analyse a fait état d’un taux de recyclage du plastique domestique de seulement 2,2% aux États-Unis en 2018101, et des taux tout aussi dérisoires sont observés dans le monde entier. Des recherches récentes de Greenpeace USA montrent qu’une grande partie des emballages en plastique utilisés par les entreprises de l’agroalimentaire aux États-Unis ont si peu de chances d’être recyclés par les systèmes municipaux que le label « recyclable » apposé sur les produits en question pourrait ne pas répondre aux exigences légales pour de telles allégations, ce qui expose les entreprises à un risque de contestation judiciaire pour marketing trompeur102. Pour prendre un exemple spécifique à une entreprise, Mondelēz a déclaré en 2020 à la Fondation Ellen MacArthur que 93% du total de ses emballages, y compris une proportion importante de ses emballages en plastique, étaient « conçus pour l’avenir du recyclage », mais a concédé que la plupart de ses emballages en plastique « ne sont pas actuellement recyclés «en pratique et à l’échelle» comme cela est requis pour être considérés comme recyclables selon la définition de l’Engagement mondial103 [de la Fondation] » – en fait, la proportion qui répondait réellement à cette définition était d’à peine 2%104. Mondelēz fait également état d’une recyclabilité de 93% sur son site web, mais sans préciser qu’en réalité, seuls 2% de ses emballages plastiques sont recyclables105. Certains types d’emballages sont effectivement non recyclables en raison de leur conception – par exemple, les sachets et les pochettes qui se composent généralement de couches de matériaux différents (également appelés « emballages souples »)106. Ils sont largement utilisés dans

les pays du Nord pour des produits allant des snacks aux aliments pour animaux, et sont omniprésents en Inde et dans certaines parties de l’Asie du Sud-Est comme moyen de commercialisation de produits de soins personnels et autres, en particulier auprès des ménages à faibles revenus107. Bien qu’Unilever affirme avoir mis au point un procédé permettant de récupérer le polyéthylène, principal composant de ses sachets, ce procédé ne s’est pas avéré commercialement viable108. Un autre projet de recyclage des déchets souples (Materials Recovery for the Future) a permis de constater que les matériaux collectés étaient de qualité insuffisante pour être recyclés en nouveaux emballages de qualité similaire109. Indépendamment des lacunes technologiques, la logistique et l’économie de la collecte des déchets plastiques souples rendent leur recyclage non viable à grande échelle.

RECYCLAGE CHIMIQUE Le « recyclage chimique » est la toute dernière tentative menée par les industriels des combustibles fossiles et des biens de consommation pour convaincre le public que le recyclage peut atténuer les coûts environnementaux massifs du plastique à usage unique, en dépit de preuves accablantes indiquant le contraire. À l’heure actuelle, les technologies à dimension commerciale présentées par l’industrie sous les appellations de « recyclage chimique » ou de « recyclage avancé » font appel à l’un des deux procédés connexes de « valorisation chimique » des déchets plastiques : la gazéification et la pyrolyse. Tous deux utilisent la chaleur pour décomposer le polymère, non pas en ses monomères constitutifs, mais respectivement en un mélange gazeux riche en hydrogène appelé « gaz de synthèse » ou en un cocktail de divers hydrocarbures gazeux et liquides. Bien qu’en théorie, l’un ou l’autre de ces produits puisse ensuite être traité pour créer des monomères oléfiniques permettant de produire un nouveau plastique, dans la pratique, ils ne sont généralement pas d’une qualité suffisante110. Ils peuvent plus facilement être raffinés en carburant111 qui est ensuite brûlé, générant autant d’émissions de GES que le carburant fossile conventionnel équivalent112, ce qui rend absurde URGENCE CLIMATIQUE LE GRAND DÉBALLAGE

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