Greenpeace Switzerland Magazin 3/2012 FR

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— La production d’acier détruit la forêt vierge  p. 40 g reen peace MEMBER 20 12, Nº  3

DOSSIER: Éducation à l’environnement  p. 11–37 Entretien avec Frank Rühli, spécialiste de l’évolution   p. 22 L’Arctique, une région à protéger  p. 38 Reportage en Italie: Axpo, Alpiq & Cie et les centrales à gaz  p. 50

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C ouverture: © Ma rizi lda C rupp e / Green peac e

Éditorial — L’éducation à l’environnement: le thème de ce dossier n’est à première vue pas forcément très percutant. L’idée est bien sûr de présenter le travail de Greenpeace dans ce domaine, mais aussi de montrer comment l’environnement nous façonne et nous apprend des choses sur nous-mêmes, comment l’écologie influence notre façon d’être au monde. Ce travail d’initiation à l’environnement est-il vraiment nécessaire? Faut-il suivre un cours pour faire le bon choix ­écologique? Au Brésil, la population opte à 80% pour la protection de la forêt pluviale, sans avoir suivi d’atelier… La valeur inestimable des ressources naturelles est clairement ressentie par la population brésilienne. Les autochtones du Nord-Est brésilien savent qu’il faut défendre la forêt amazonienne – contre l’accaparement des terres, l’esclavage et la coupe illégale de bois, notamment pour les besoins de l’industrie de l’acier. Malheureusement, les autorités ne prennent pas les décisions nécessaires. Notre reportage photographique dévoile un aspect jusqu’ici méconnu de la déforestation (lire en p. 40). En Suisse, les politiques ont certes décidé la sortie du nucléaire. Mais ils en profitent pour promouvoir les projets de grandes centrales à gaz, qui continuent de bloquer les investissements dans les énergies renouvelables. C’est ainsi que les trois entreprises suisses Alpiq, FMB et EGL (une filiale d’Axpo ­Holding) interviennent dans le business du gaz naturel en Italie. Pays où il est plus facile, et hautement profitable, d’imposer de nouvelles centrales à gaz – souvent contre la volonté de la ­population (voir p. 50). Greenpeace relève le défi en lançant, cet automne, ­l’initiative pour l’efficacité énergétique, avec d’autres associations écologistes et économiques (p. 59). Grâce à la votation, la population pourra charger le Conseil fédéral et le Parlement de garantir une production durable d’énergie, excluant le ­nucléaire et les centrales à gaz. S’il y a un symbole d’une production inefficace et irresponsable, c’est bien l’extraction de gaz naturel et de pétrole en Arctique. Shell se prépare à extraire du pétrole dans l’océan Arctique, menaçant le dernier écosystème intact de la planète. Préserver l’espace naturel du pôle Nord, voilà une urgence que tous devraient comprendre, quel que soit leur niveau de formation à l’écologie! Greenpeace demande à l’ONU d’édicter les bases ­légales de la protection de l’Arctique. Soutenez nos efforts! La rédaction


PRODUIRE L’ACIER DE NOS 40 VOITURES RAVAGE LA FORÊT BRÉSILIENNE Essai photographique

Dossier

ÉDUCATION À L’ENVIRONNEMENT

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LES ACTEURS D’UNE ÉVOLUTION ÉCOLOGIQUE 12 LA MAISON DE PAILLE: 16 UNE ANCIENNE TECHNIQUE REDÉCOUVERTE FRANK RÜHLI: LA SURVIE DE L’ESPÈCE ­ 22 HUMAINE N’EST PAS UNE QUESTION DE FORCE LES ALPES: UN THÉÂTRE NATUREL 27 ART ET NATURE DANS L’ESPACE PUBLIC 32 GREENPEACE ET L’ÉDUCATION À 34 L’ENVIRONNEMENT Reportage 50 PROJETS SUISSES DE CENTRALES À GAZ EN ITALIE MENTIONS LÉGALES

Sommaire

Gaz naturel en Suisse

LE GAZ, MAUVAIS CHOIX POUR REMPLACER LE NUCLÉAIRE

Efficacité énergétique

INITIATIVE EN PRÉPAR ATION

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Micropolluants

DES POLLUANTS MINUSCULES QUI INFESTENT LES EAUX

En action Avant-propos de la direction La carte Campagnes Brèves Mots fléchés écolos

61 02 10 38 64 69 72

Greenpeace Member 3/2012 Éditeur / adresse de la rédaction, Greenpeace Suisse, Heinrichstrasse 147, Case postale, 8031 Zürich Téléphone 044 447 41 41, téléfax 044 447 41 99 redaction@greenpeace.ch, www.greenpeace.ch Changements d’adresse: suse.ch@greenpeace.org

Équipe de rédaction: Tanja Keller (responsable), Matthias Wyssmann, Hina Struever, Roland Falk, Marc Rüegger Auteurs: Mathias Balzer, Roland Falk, Bernadette Fülscher, Markus Gerber, Simon Helbling, Ruth Jahn, R ­­ olf Jucker, Françoise Minarro, Thomas Niederberger, Kuno Roth, Mathias Schlegel, ­ René Worni Photographes: Rodrigo Balèia, Stephan Bösch, ­­ Noé Cauderay, Bernadette Fülscher, Tabea Hüberli, Marizilda Cruppe, Thomas Schuppisser, René Worni Traduction en français: Nicole Viaud et Karin Vogt Maquette: Hubertus Design Impression: Stämpfli Publikationen AG, Berne Papier couverture et intérieur: 100% recyclé Tirage: 113  500 en allemand, 21 500 en français Parution: quatre fois par année Le magazine Greenpeace est adressé à tous les adhérents (cotisation annuelle à partir de CHF 72.—). Il peut refléter des opinions qui divergent des positions officielles de Greenpeace. Pour des raisons de lisibilité, nous renonçons à mentionner systématiquement les deux sexes dans les textes du magazine. La forme masculine désigne implicitement les personnes des deux sexes.

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Dons: compte postal: 80-6222-8 Dons en ligne: www.greenpeace.ch/dons Dons par SMS: envoyer GP et le montant en francs au 488 (par exemple, pour donner CHF 10.—: GP 10)


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Signal de fumée Le risque d’attentat terroriste est réel pour la centrale nucléaire du Bugey: c’est ce que rappelle la fumée rouge lâchée par le deltaplane motorisé d’un militant Greenpeace. France, 2 mai 2012

Magazine Greenpeace Nº 3 — 2012 © Lagazeta / G r een p eac e

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Les dérives du grand capital Au large de la Mauritanie, un billet de banque sur­ dimensionné sur la coque du chalutier géant Maartje Theadora: des militants Greenpeace dénoncent le subventionnement par l’UE de la surpêche dans les eaux africaines. Mauritanie, 5 mars 2012

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Magazine Greenpeace Nº 3 — 2012 © Greenp eac e / P i er r e Glei zes

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Une écume mortifère «Fleuves mexicains, fleuves toxiques»: à l’occasion de la Journée mondiale de l’eau, les banderoles brandies par les militants Greenpeace sous les chutes de Juanacatlán appellent les autorités à protéger les eaux. Le Santiago compte parmi les fleuves les plus pollués du pays. Mexique, 22 mars 2012

Magazine Greenpeace Nº 3 — 2012 © Ivan Ca s ta n ei ra / G r een p eac e

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Une population en colère Devant le siège de la préfecture de Fukui, des mani­ festants demandent à Yukio Edano, ministre du Commerce et de l’Industrie, de renoncer à la remise en service de deux réacteurs de la centrale nucléaire d’Ohi. Réputés peu sûrs, les réacteurs étaient à l’arrêt depuis le tsunami de 2011.

Japon, 16 avril 2012

Magazine Greenpeace Nº 3 — 2012 © Jerem y S u t t o n -Hi bb ert / G r eenp e ac e

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Saviez-vous que plus de 10 000 jeunes ont participé à la pose de panneaux solaires avec Greenpeace à travers la Suisse? Que de j­ eunes Africains apprennent à produire de l’énergie solaire avec l’aide de Greenpeace? Que notre programme de visites d’écoles fait œuvre de pionnier? Pour qui souhaite s’engager en faveur de l’environnement ou lutter contre l’injustice, Greenpeace constitue un réel appui. Notre approche est d’habiliter les gens à agir par eux-mêmes. Il y a trois ans, Linus, un ingénieur en sciences de l’environnement de 32 ans, créait sa propre entreprise. Aujourd’hui ses panneaux solaires trouvent facilement preneur sur le marché. Or c’est bien avec Greenpeace que Linus s’est découvert une passion pour la photovoltaïque. Son service civil au sein du Projet Solaire Jeunesse avait été l’occasion pour lui de monter des installations solaires sur plusieurs bâtiments publics. Ou encore Annemarie, 45 ans, laborantine de formation. Désormais fortement engagée dans le mouvement anti-nucléaire, elle avait suivi le cycle de formation «accélérateur de particules» de Greenpeace. C’est dans ce cadre qu’elle s’est approprié la théorie et la pratique des mouvements sociaux, et qu’elle a ren­ contré des interlocuteurs. Un engagement qui lui a permis de contribuer au lancement de la mobilisation «Sortons du nucléaire». Autre exemple: Lars, un écolier de 14 ans, était passionné de photographie. Un jour, sa classe reçoit la visite des bénévoles de Greenpeace. La centaine de visites scolaires organisées chaque année est l’occasion pour les élèves d’exprimer leurs préoccupations. Greenpeace répond à leurs demandes en fournissant des instruments pour l’action. L’idée est d’amener les jeunes à agir contre les dysfonctionnements qu’ils constatent. Mais que faire concrètement? Ce sont les jeunes qui tranchent. La classe de Lars a décidé d’organiser une exposition sur des thématiques environnementales. La contribution de Lars? Magazine Greenpeace Nº 3 — 2012

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La photographie, évidemment. Aujourd’hui, il est souvent présent pour immortaliser les événements des groupes de jeunes de Greenpeace. Chez Greenpeace, l’éducation à l’environnement n’est ni une activité annexe ni une perspective fantaisiste. Au contraire: les ­efforts de Greenpeace sont en passe de se concrétiser dans les plans d’études officiels, sous la forme de l’éducation au développement durable. Cette branche permettra aux élèves de réfléchir à leur situation de vie et de s’impliquer dans l’aménagement de leur environnement. Des visées qui sont au cœur de la démarche de Greenpeace depuis ses débuts. Le monde a besoin de personnes qui s’engagent, qui osent emprunter des voies inhabituelles et prendre des risques. Une attitude que l’on retrouve aussi chez le collectif lausannois «Straw d’la Bale», dont nous relatons l’expérience dans ce numéro du magazine. Rien à voir avec Greenpeace à première vue, mais la démarche nous séduit. Si la ­maison de paille est aujourd’hui détruite, le collectif qui l’a réalisée s’est inscrit dans ­l’histoire de la ville en formulant de nouveaux standards écologiques. L’esprit d’initiative, le courage et le collectif – voilà ce qu’il faut pour bâtir l’avenir. L’éducation à l’environnement telle qu’elle est pratiquée par Greenpeace contribue au changement de société que nous espérons tous. Verena Mühlberger et Markus Allemann, co-direction de Greenpeace

© H ei ke Grass er / Gre e npe ace

Agir par soi-même face au défi environnemental


L’HOMME, élément d’UNE NATURE QU’IL FAÇONNE

[ p. 34 ] [ p. 16 ] [ p. 22 ] [ p. 27 ] [ p. 12 ]

Les êtres humains que nous sommes sont-ils dans ou hors de la nature? Faisons-nous partie de la nature ou lui sommes-nous étrangers, voire supérieurs? La nature est-elle «assujettie» à l’homme, comme le dit la Bible? Même dans ce cas de figure, le roi est fait de la même matière que ses sujets… L’humanité comme partie intégrante de la nature, voilà un credo qui fait l’unanimité parmi les écologistes. Mais comment alors revendiquer que l’homme protège l’environnement, qu’il sauve la planète, comme s’il était un être supérieur? S’intéresser à l’insertion de l’homme dans un environnement qu’il façonne, c’est aussi se demander ce que l’homme peut apprendre sur lui-même en enseignant l’environnement. L’éducation à l’environnement, voilà un domaine de prédilection pour Greenpeace. Mais nous abordons aussi le tournant écologique qui s’incarne dans de nouvelles professions et dans des formes renouvelées de coopération. Ou encore les c ­ hangements environnementaux qui deviennent des facteurs d’évolution. Et nous nous intéressons au vécu d’artistes en haute montagne, qui constatent que l’impact de la nature sur eux-mêmes est bien plus fort que celui qu’ils exercent généralement sur le public. Autant d’expériences qui sont des jalons de l’évolution écologique de l’espèce humaine. Nous façonnons la nature, mais elle nous influence à son tour. En étudiant et en enseignant l’environnement, c’est aussi nous-mêmes que nous apprenons à mieux connaître. Nous apprenons notamment si nous voulons agir avec l’environnement ou contre lui.

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© Ex-Press / Stephan B ösch

L’environnement, une école de vie Munis de vêtements de protection, les enfants découvrent les mystères de l’apiculture.


9–15

ans

Jeunes apiculteurs

Le bonheur est dans la ruche Par Roland Falk — Aux Grisons, le projet «Flugschnaisa» initie les enfants à la biologie des abeilles et à l’importance de l’apiculture. Au bord de la forêt de Rhäzüns, la commune productrice d’eau minérale, une vingtaine ­d’enfants vêtus de combinaisons quasi lunaires se rassemblent autour de Gion Grischott. C’est l’un des sept animateurs bénévoles du projet. La protection vestimentaire est très efficace, souligne-­­ t-il: «Nous n’avons jamais eu ­d’enfant piqué par une abeille.» Lancé en 2010 par deux associations d’apiculture de la région de Coire, le projet «Flugschnaisa» entend familiariser les enfants avec les abeilles. L’idée rencontre un grand écho et suscite des ­vocations durables: la moitié des enfants ayant suivi la formation de neuf jours dans le cadre du projet continue ensuite de s’occuper des abeilles. «Ce sont en majorité des filles», précise Gion Grischott. C’est ainsi que Madleina est devenue une jeune experte. Elle connaît les dangers du varroa, cet acarien parasite importé d’Asie du Sud-Est et qui décime les colonies: «Le varroa suce le sang des abeilles», explique-t-elle. Les cours ont lieu dans une cabane. Sur le mur, un panneau d’information rappelle que l’abeille à miel n’est que l’une des quelque 12 000 espèces connues à travers le monde. Et qu’une seule ruche peut abriter jusqu’à 50 000 individus. «La reine peut atteindre cinq ans d’âge et ne fait que pondre des œufs», dit Madleina. Dario, un autre enfant passionné par les abeilles, a étudié de près leurs habitudes de vie. «Avant de butiner le nectar des fleurs, les abeilles doivent construire des rayons, nourrir les larves ou enMagazine Greenpeace Nº 3 — 2012

core surveiller l’entrée de la ruche.» La durée de vie des abeilles d’hiver peut aller jusqu’à six mois, tandis que les abeilles d’été ne vivent que trois semaines: ­«Elles sont usées par le travail du butinage.» Les enfants apprennent de manière ludique. «Notre vocation n’est pas de leur inculquer le maximum de connaissances», relate Urs Nutt, initiateur du projet et président de l’association d’apiculture de Coire et des environs. «Les enfants sont invités à réfléchir, à s’intéresser à la nature et à choisir une belle activité de loisirs.» Pour lui, son engagement s’inscrit dans une perspective d’avenir: «En Suisse alémanique, il existe environ 120 000 colo­nies d’abeilles. Or les apiculteurs plus âgés peinent à trouver une relève.» Les enfants réunis à Rhäzüns ont compris l’importance cruciale des abeilles, qui interviennent dans la production d’un tiers de l’ali­mentation de la population mondiale. Le cabanon commence à sentir la fumée: c’est Oskar Casanova, un sympathique grand-père, qui enfume une des ruches. C’est de cette manière qu’il calme une ­colonie récemment domestiquée. «La reine est morte lors du vol de fécondation, il n’y a donc pas d’œufs.» C’est pourquoi Oskar Casanova y introduit la reine d’une autre population d’abeilles. Une opération risquée: «Si la nouvelle reine n’est pas acceptée, elle est tuée par les abeilles.» Mais tout se passe bien, les enfants sont ­rassurés après quelques minutes. Pour terminer la journée, ils ont l’occasion de gratter un rayon rempli de miel avec une cuillère. «Un vrai délice», commente Madleina, avec un immense sourire.

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Pour toute information ­ omplémentaire, contactez c urs.nutt@flugschnaisa.ch, www.flugschnaisa.ch. (Voir pétition sur la protection des abeilles, page 65)


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Aline Kana, technicienne

Le Cameroun à l’heure du solaire

«Je suis fière de notre succès: le dispensaire de Kouamb est désormais en mesure de stocker ses médicaments, et les enfants s’éclairent le soir pour finir leurs devoirs grâce à l’énergie solaire», déclare Aline Kana. Cette Camerounaise de 23 ans participe bénévolement à la «caravane du climat», un projet officiellement intitulé «Organisation et développement des communautés». Diplômée en sociologie, Aline est l’une des vingt personnes qui ont bénéficié d’une formation en technique solaire ou en «community training» dans le cadre de la ­caravane du climat. C’est aussi une perspective professionnelle qui s’ouvre ainsi à elle. Car le travail rémunéré est chose rare dans les villages du Sud-Est camerounais. Dans un contexte où l’eau potable et la médecine de premier recours font défaut, Aline a changé la vie des gens. En distribuant, avec son équipe, 250 lampes de poche, 350 lanternes et 160 postes de radio alimentés à l’énergie solaire. Et en organisant la pose de 34 instal­ lations solaires fixes. Aline est heureuse de voir que la population retrouve le sourire. Elle espère faire connaître la caravane du climat à travers tout le Cameroun. Pour retrouver Aline et la ­caravane du climat sur le net: www.greenpeace.ch/ klimakarawane

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Manuel Heim, ­installateur solaire et ingénieur

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Lucien Willemin, conférencier ­écologiste

«Ce qui compte, c’est l’expérience.»

«Stimuler l’esprit critique chez les jeunes»

Manuel Heim, 31 ans, travaille dans la planification de projets et l’as­ sistance technique chez Soltop, à Elgg (ZH). Ce printemps, il a suivi une formation continue à Wattwil (SG) pour devenir installateur ­solaire diplômé. «C’est une bonne expérience, j’ai apprécié les ­échanges avec les collègues», dit-il. D’abord jardinier paysagiste de formation, il fait ensuite des études d’ingénieur en environnement à la HES de Wädenswil (ZH), avec option «énergies renouvelables». Depuis, il travaille dans la photovoltaïque. La formation continue d’ins­ tallateur solaire dure six mois et peut se faire en cours d’emploi. «Les cours étaient malheureusement un peu superficiels, il aurait fallu davantage de temps», estime Manuel Heim, qui dit avoir tout de même profité des enseignements. Le secteur est en pleine mutation. «Les exigences se multiplient», constatet-il. Or il n’existe pas de dis­p osi­ tions uniformes en matière de ­police du feu ou d’assurance immobilière. La formation permet ­d’as­similer les évolutions les plus récentes et de «mieux comprendre le business du solaire». Mais ­Manuel Heim relève qu’en Suisse le métier ne possède pas le statut dont il jouit notamment en Alle­ magne: «Ici, nous ne sommes pas vraiment reconnus comme experts». Ce qui compte, c’est l’expérience, qui ne s’acquiert que par la pratique. Au niveau politique, il faudrait davantage promouvoir les renouvelables et définir des conditions claires. Mais Manuel Heim est convaincu de son choix: «Contribuer au tournant énergétique, c’est ce qui me fait avancer.»

Lucien Willemin est un ancien ­entrepreneur et un militant. Depuis 2009, ce Neuchâtelois de 43 ans donne bénévolement des conférences sur la désinformation en matière d’écologie et sur l’importance de l’énergie grise. Plus de 5500 jeunes et adultes ont eu le privilège de le voir à l’œuvre. Il présente son engagement de la façon suivante: «L’accès très tôt à de belles responsabilités ­professionnelles m’a accordé une expérience de vie riche en ren­ contres et en voyages. Je désire maintenant partager cet élargissement de conscience avec toutes les personnes qui croisent ma ­route et notamment avec les jeunes. Afin qu’ils développent un esprit critique et soient autonomes dans l’analyse des informations envi­ ronnementales qu’ils reçoivent quotidiennement. Certaines réalités ne sont pas perçues. Comme ces deux exemples: le chauffeur d’une ancienne 4x4 pollue moins que celui qui change régulièrement ses voitures neuves, même hybrides! Ou encore: aller à pied plutôt qu’en voiture ne suffira pas, il y a d’autres gestes bien plus importants. Notamment tous ceux qui permettent de réduire l’énergie grise liée à la consommation. Pour le comprendre, il faut se renseigner sur l’industrie mondialisée qui fabrique tous les objets inutiles qui encombrent nos armoires. Un changement de mode de vie est indispensable pour sortir de l’ornière. Car la technologie à elle seule ne suffira pas. Le public doit comprendre les conséquences de ses actes. Il est donc urgent d’ouvrir les esprits du plus grand nombre à une vision plus large!» Lucien Willemin est né en 1968 à Saignelégier (JU). En 1991, il

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90

ans

B. Stricker, ­protectrice de ­l’environnement et de la nature

L’engagement n’a pas d’âge devient directeur des achats dans une entreprise horlogère. Quatre ans plus tard, il fonde une société de promotion immobilière avec un associé. Ils réaliseront plus de 600 objets en l’espace de treize ans avec une volonté d’excellence dans le domaine environnemental. Pour ses 40 ans, il prend sa retraite et consacre son temps à l’envi­ ronnement. En plus de ses conférences, il est membre de la Commission d’urbanisme de La Chaux-de-Fonds et de la Commission cantonale de l’énergie de Neuchâtel. Il est aussi actif sur le plan culturel au sein du comité de direction et du conseil de fondation d’Arc en Scènes (Centre neuchâtelois des arts vivants).

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À 90 ans, Mme Stricker ne démord pas de son engagement pour la nature et les animaux. Interviewée par Greenpeace, elle affirme qu’il lui est impossible de rester les bras croisés face à la destruction de l’environnement. Son entourage n’est pas très écologiste. L’existence de Greenpeace compte d’autant plus pour elle. Ses convictions, elle les énonce clairement quand il s’agit de ­défendre les plus faibles ou de dénoncer les injustices. S’il le faut, Mme Stricker n’hésite pas à critiquer les gardes forestiers, les chasseurs ou les paysans. Cette passionnée de jardinage pratique un mode de vie durable et soutient les asso­ ciations qui rejoignent ses préoccupations. Du contact avec la nature, elle retire bonheur et sérénité. Il y a vingt ans, elle et son mari achetaient une maison à la ­campagne, pour être plus près de la nature. Depuis, milans et buses, hérissons, renards et blaireaux sont les visiteurs bienvenus de son grand jardin naturel. Toutes sortes d’oiseaux nichent dans les arbres et les buissons, égayant les environs de leurs gazouillis. En automne, Mme Stricker leur permet de picorer le cerisier et la vigne proche. «Il faut que les oiseaux prennent des forces pour leur migration hivernale», dit-elle. Le jardin est aussi pour Mme Stricker le moyen de rester en ­bonne santé physique et mentale. Il y a toujours quelque chose à faire, au milieu des arbres et des prés couverts de fleurs sauvages. Prendre soin des animaux, mais aussi des plantes et des herbes qui foisonnent: lavande, sauge, pavot, thym, lys, bougainvillier… Même l’ortie a sa place et son utilité, sous forme de tisane.

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C’est une véritable oasis qu’a créée Mme Stricker. Un refuge idyllique pour la faune, bestioles et insectes compris. Ici, la protection de l’environnement et de la nature, c’est vraiment la porte à côté.


QUAND UNE VILLE découvre L’AMOUR DE LA PAILLE

Éducation à l’environnement

Par Thomas Niederberger

Lausanne s’offre un projet pas comme les autres, en réinventant la pédagogie environ­ nementale sous le signe de la participation.

«Excusez-moi, le service des parcs et des domaines, c’est par où?» Je m’adresse à une dame âgée, qui finit par se rappeler: «Ah, c’est près de la maison de paille!» Je suis à la recherche d’un bâtiment administratif lausannois très particulier: une petite maison de deux étages, faite de bottes de paille. Située à l’avenue du Chablais 46 et dénommée ECO46, elle est ouverte depuis juin dernier. Davantage qu’une maison, c’est tout un concept: «Moi, les bottes de paille, cela ne m’intéresse pas particulièrement. Il s’agit simplement de construire de manière écologique, avec les meilleurs matériaux disponibles localement», dit Elsa Cauderay, architecte impliquée dans le projet. On sent que l’intérêt des médias la dérange un peu. «Ce qui compte, c’est le mode de construction, la vision qui sous-tend le chantier, les personnes qui s’y associent.» Jusqu’en 2007, personne ou presque ne connaissait la paille comme matériau de construction en Suisse romande. Si la situation a bien changé depuis, le mérite en ­revient au collectif «Straw d’la Bale».

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© Noé Cauderay

L’expérience de la maison de paille sera très utile pour la construction prévue d’un écoquartier.


Le maniement de l’argile et de la paille, c’est tout un savoir-faire de construction qui est redécouvert. Magazine Greenpeace Nº 3 — 2012

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© Noé Cauderay © Noé Cauderay

Éducation à l’environnement

Pour ces deux artisanes indépendantes, la maison de paille est un défi professionnel motivant.


­ errière le centre culturel Espace autoD géré, sur un terrain appartenant à la ville de Lausanne, le petit groupe avait construit une maison de paille qui était un modèle d’écologie. Sans demander d’autorisation. Les médias s’y intéressaient, car le projet polarisait. Les autorités de la ville exigèrent la démolition du bâtiment, mais se heurtèrent à de vives oppositions. Quelques mois plus tard, un incendie criminel mit pourtant fin à cette «expérience sauvage», selon les termes d’un communiqué de presse de la ville. L’expérience aura cependant une suite: le Conseil communal décide d’exa­ miner la possibilité de construire une maison de bottes de paille. Décision aujourd’hui aboutie.

Au premier étage, deux bureaux et un espace de travail ouvert. Au rez-de-chaussée, une grande salle de réunion et une ­cafétéria pour le personnel, une cuisinette équipée d’un four à micro-ondes et d’une machine à café à capsules d’aluminium. Une exposition de photos documente la ­con­struction. Les meubles en bois ont été fabriqués par le personnel technique de la M ­ unicipalité. Les toilettes sèches, pièce maîtresse du collectif d’architecture ­CArPE, ne semblent pas encore vraiment utilisées.

Planifier et construire en collectif Le collectif d’architecture participative et écologique, ou CArPE, est à l’opposé Projet pilote à visée de la figure traditionnelle de l’architecte qui pédagogique visite son chantier en costume-cravate en donnant des ordres aux ouvriers. Au CArPE, «Le climat intérieur est très agréable. Et pour se chauffer en hiver, un petit poêle pas de chef, pas d’autorité, mais un système de tournus qui permet à chaque membre de à bois suffit», explique Yann Jeannin. Au sein du SPADOM (Service des parcs et s’impliquer dans les travaux. Ce sont des architectes qui n’ont pas peur de se salir les domaines), cet ingénieur en génie civil est responsable d’ECO46. La maison de paille mains et enseignent eux-mêmes aux artisans ces techniques inhabituelles. «Ce qui abrite son nouveau bureau. Au rez-decompte pour nous, c’est l’organisation du chaussée, la petite salle de réunion dégage chantier», dit Julien Hosta. Avec Elsa Cauune bonne odeur de terre. «Notre visée est pédagogique: montrer qu’il est possible deray et deux autres architectes, il est membre du collectif CArPE, qui a planifié de construire une maison faite de matéet réalisé ECO46. Les artisans indépenriaux locaux, qui ne consomme pratiquement pas d’énergie.» L’argile, la paille et le dants apprécient la bonne ambiance sur le bois de hêtre pour les poutres proviennent chantier et le savoir-faire tout à fait novades exploitations agricoles et des forêts de teur du collectif. Et la qualité des construcla Municipalité, gérées par le SPADOM. tions réalisées séduit. «Nous aimerions Tout n’a pas été facile. Car les artisans et les que les gens se parlent sur le chantier, qu’ils entreprises ne savent plus manier ces partagent leur savoir-faire, sans rapport ­matériaux. Les murs de bottes de paille à de concurrence», ajoute Elsa Cauderay. l’extérieur, les murs d’argile à l’intérieur et Le concept de chantier participatif est le crépi d’argile ont été réalisés sur le mode justement ce qui attire l’architecte Ray du «chantier participatif». C’était l’occa­Walter le Gautier: «Avec mon entreprise, je sion pour les artisans intéressés de s’initier construis déjà des maisons bioénergétià ces techniques anciennes. «Ce n’est pas ques. Je voulais voir comment s’organise un un simple projet de marketing», explique chantier participatif.» Il trouve le résultat Yann Jeannin. «Car l’administration de la probant et entend bien réaliser cette forme ville prévoit la construction d’un grand éco- d’organisation sur un prochain chantier. Anne-Claire Schwab-Nicollier, elle aussi quartier. L’expérience d’ECO46 sera très utile.» Pour l’instant, aucune autre construc- architecte, relève également le bon climat de travail sur le chantier. Elle a donné de tion de paille n’est à l’étude, mais la communication a été soignée, et l’idée fait son son temps libre pour aider à crépir les murs intérieurs. «L’argile est un matériau lourd, chemin.

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mais très tactile et agréable.» Pourra-t-elle tirer profit de cette expérience? Elle ne le sait pas encore, mais elle y regardera dorénavant de plus près lors du choix d’un ­matériau de construction. Pour une autre participante au chantier, Myriam Serex, les nouvelles connaissances sont immédiatement applicables dans son activité de plâtrière-peintre: «Il y a une forte demande pour ce genre de travaux.» Les collaborateurs de SPADOM qui se sont impliqués dans le chantier ont beaucoup apprécié cette expérience, dit leur chef. Mais ils n’aiment pas parler aux journalistes. Impossible donc d’obtenir confirmation du fait qu’ils seraient très fiers du résultat…

à la construction de maisons d’argile en région rurale. Si elle est bien connue dans le pays, cette technique est dévalorisée et perçue comme un signe de pauvreté. Les gens rêvent de maisons hollywoodiennes. L’enjeu est donc de revaloriser ce mode de construction traditionnel et écologiquement pertinent: par exemple en veillant à ce que les murs soient bien droits. La participation va de soi pour tout le monde. «Une maison en construction bénéficiera de l’aide de tout le village. C’est le fonctionnement normal de cette société.» relate Elsa Cauderay.

Une ville qui apprend C’est bien l’expérience de la première Approche écologique et sociale maison de paille, construite sans autori­ Le CArPE souhaite diffuser au maxisation par le collectif «Straw d’la Bale», qui mum ses connaissances et transforme donc a démontré cette évidence: il est possible ses chantiers en ateliers pour toute personne de bâtir des maisons attrayantes et écologiintéressée, y compris les autres architecquement excellentes avec de la paille et tes. Mais le collectif ne risque-t-il pas de d’autres matières premières locales. Mais le se rendre superflu? La réponse d’Elsa Cau- bilan est contrasté: «L’occupation du terrain de la première maison de paille a souderay est sans équivoque: «Nous n’avons pas cette crainte, au contraire. La demande levé des questions de fond sur la manière de bâtir et d’habiter collectivement nos est énorme dans le domaine des maisons individuelles, surtout pour les constructions logis». Elsa Cauderay a visité ce prototype hors cadre légal à plusieurs reprises. Mais en paille et argile.» Des cabinets d’archi­ tectes en manque de savoir-faire sollicitent elle trouve dommage que le débat public régulièrement les conseils du CArPE. Mais réduise cette expérience à la question de la paille: «Les valeurs défendues par le projet après deux chantiers participatifs pour des maisons individuelles en 2009 et 2010, sont progressivement gommées par la ­reconnaissance et la formalisation.» Elle le collectif préfère se tourner vers d’autres souligne aussi les concessions qu’il a fallu objets: «C’était utile pour améliorer nos techniques, mais le résultat ne nous intéresse faire pour que le bâtiment en paille ECO46 pas», précise Julien Hosta. «On assiste obtienne le label Minergie-P. Une dé­ à une sorte de commerce des indulgences marche coûteuse et inutile, car les calculs écologiques. Les gens pensent que con­ ne s’appliquent qu’aux maisons convenstruire une maison de paille suffit. Que leur tionnelles. «Le but d’ECO46 est-il l’éco­ ­mode de vie dans cette maison ne portera logie? Ou plutôt l’image de marque? Une pas à conséquence», ajoute Elsa Cauderay. question que je me pose de temps en Le grand public ne comprend pas que le temps…» volet social est inséparable de l’exigence ­écologique. C’est pourquoi le CArPE veut Quand la provocation devient ­mettre ses réflexions par écrit. «Pour que pédagogie les donneurs d’ouvrage que nous refusons L’histoire lausannoise de la maison comprennent mieux notre démarche.» ­illégale en paille reproduit en quelque sorte le destin du mouvement écologiste depuis Les deux architectes savent de leur travail en Haïti l’importance que peut revê- les années 1970. Jadis considérés comme des illuminés ou des extrémistes, les écolotir la participation. Ils ont formé dans ce pays des architectes et des ingénieurs locaux gistes sont aujourd’hui reconnus comme

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des précurseurs. En témoigne notamment l’émergence de nouveaux métiers. La protection de la nature est désormais une ­nécessité largement reconnue. Mais ce processus de formalisation prive l’écologie de sa radicalité première, un phénomène qui se répète en permanence. Et tandis que les gratte-papiers de l’avenue du Chablais 46 en sont encore à se familiariser avec l’usage des toilettes sèches, les pionniers inconnus de «Straw d’la Bale» ont passé leur chemin, à la recherche de nouvelles provocations… Le film documentaire Le corps du métier, de Gwennaël Bolomey et Alexandre Morel, présente le travail du CArPE. Les réalisateurs ont suivi le chantier participatif d’une maison individuelle en bottes de paille pendant une année. Il en résulte un portrait original, contrasté et plein d’humour. www.lecorpsdumetier.com

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© Noé Cauderay

Une maison d’allure moderne, faite de matières locales, symbole d’une construction énergétiquement pertinente.


Interview

«L’HOMME N’ÉCHAPPE PAS À L’ÉVOLUTION»

Notre squelette est moins massif, nos ­an­cêtres étaient bien plus robustes. Les os longs, la colonne vertébrale, le crâne étaient plus épais et plus résistants. Le poids et la taille de l’humain ont énormément évolué. Les individus des époques anciennes étaient plus petits et certainement moins gras. Quelles sont les dimensions temporelles de l’évolution humaine? Depuis que le genre homo a fait son Les données recueillies lors du recrutement ­apparition sur la planète, il y a deux mil- en Suisse indiquent que l’évolution va très vite. Ces 130 dernières années, les jeunes lions et demi d’années, il a connu une hommes ont gagné 16 cm en taille, passant évolution permanente. Seule descende 163 cm à 179 cm en moyenne. C’est une dante de cette lignée évolutive, l’espèce progression de 10%! homo sapiens, à laquelle nous apparteEst-ce déjà l’effet de l’évolution? Et nons, continue elle aussi d’évoluer. ces changements se transmettent«L’homme n’échappe pas à l’évolution», ils aux générations suivantes? dit Frank Rühli. Chercheur à l’UniverCe sont des adaptations à l’environnement, sité de Zurich, cet anatomiste est aussi des modifications du phénotype, c’est-àspécialiste des momies comme celle de Toutânkhamon ou d’Ötzi. Ses recher- dire de l’aspect et des caractéristiques observables des individus. Mais sur le long terme, ches portent sur l’évolution humaine en lien avec les facteurs environnemen- cela peut également influencer l’hérédité, c’est-à-dire le génotype. taux. Pouvez-vous expliquer comment l’être humain s’adapte et se ­modifie au cours de l’évolution? Greenpeace: Essayons de voyager La faune et la flore subissent en per­ dans le temps et de nous imaginer manence l’influence de l’environnement. dans la savane africaine d’il y a C’est aussi le cas pour l’homme. Notre quelques centaines de milliers ­stature, notre physiologie, notre système d’années. Quelles seraient les prin- immunitaire, notre comportement, tout cipales difficultés rencontrées cela est le fruit d’un remodelage constant par les hommes d’aujourd’hui ? sur des ­millions d’années. Les conditions Frank Rühli: Je doute qu’un tel homme soit extérieures sont notamment la température, à même de survivre dans un environnel’humidité, les éruptions volcaniques, les ment paléontologique. Il serait vraisembla- ­glaciations, les ressources végétales et animales disponibles et ce qu’on appelle la blement exposé à des maladies que notre système immunitaire ne maîtrise pas. Autre charge de morbidité, c’est-à-dire les maladies. Nous sommes les descendants d’in­ défi: trouver suffisamment de nourriture. dividus ayant survécu à cette sélection perLe mode de vie des chasseurs-cueilleurs exige de bonnes connaissances botaniques, manente. Les deux processus à l’œuvre s’appellent la mutation et la sélection. De que nous n’avons plus, et des techniques petites mutations spontanées du patrimoine de chasse qui nous échappent. Et il nous faudrait probablement un entraînement de génétique donnent lieu à des caractéristiques qui seront transmises aux générations six mois dans une salle de musculation avant d’entreprendre ce voyage dans le suivantes. La sélection fait en sorte que les temps... caractéristiques les plus propices à la survie Si l’on compare les premiers seront plus souvent transmises que les autres. ­hommes et l’homo sapiens sapiens, Quelles sont les visées de votre discipline, la médecine évolution­quelles sont les différences les plus niste? marquantes?

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Il s’agit d’étudier comment l’homme a changé au cours de l’histoire, et comment cette évolution se prolonge. D’identifier les forces qui interviennent dans ce processus d’adaptation, mais aussi de comprendre l’évolution des maladies. La médecine a tendance à croire qu’il suffit de prendre les mesures d’un nombre suffisant de per­sonnes pour obtenir des données stables sur des décennies. C’est manifestement une erreur. Pourquoi? Prenons l’exemple des os. C’est un tissu simple, qui peut subir une croissance ou au contraire une perte osseuse. Une personne alitée pendant six mois ou un astronaute en apesanteur subira une forte dégradation de sa densité osseuse. Cette réaction de l’os s’observe également à l’échelle de l’évolution. Au cours de nos recherches, nous avons constaté la multiplication, ces dernières décennies, d’une déformation innée de la colonne vertébrale (spina bifida occulta) qui est généralement asymptomatique. Les causes sont encore inconnues. Cette forme cachée de fermeture incomplète du tube neural ne semble pas réagir à la prise d’acide folique, substance qui prévient pourtant la forme grave de spina bifida. Cette mal­ formation risque de se généraliser: tôt ou tard les cinq vertèbres sacrales (s1-s5) resteront incomplètement fermées. Quelles sont les implications de tels changements pour la société et la médecine? C’est là qu’intervient l’apport de la médecine évo­ lutionniste. Ces connaissances ont-elles des applications pratiques? Le cas de la spina bifida occulta est probablement une variante normale. Mais elle est aussi associée à une fréquence plus élevée de certaines maladies. S’agit-il d’une évolution stable ou la tendance va-t-elle s’in­ verser? Et comment identifier les risques et prévenir les pathologies? Des questions encore ouvertes pour l’instant. D’où vient cette augmentation de la taille moyenne que vous évoquiez tout à l’heure? C’est notamment la conséquence d’une alimentation plus riche en calories et des progrès médicaux. Mais il faut dire que la taille des êtres humains n’augmente pas Magazine Greenpeace Nº 3 — 2012

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partout. En Australie ou en Afrique, ­l’augmentation de la croissance est moindre. Nous ne savons pas encore pourquoi. ­Plusieurs facteurs sont à l’œuvre. L’impact du stress psychique est prouvé. Les popu­ lations vivant dans des régimes autoritaires sont plutôt petites. En cas de changement démocratique, comme en Afrique du Sud après l’apartheid, les êtres humains gagnent en taille. Ce n’est probablement pas uniquement dû à un meilleur niveau de vie, mais aussi à des facteurs psychiques. Théoriquement, la taille humaine pourrait donc augmenter à l’infini? L’homme du futur ne mesurera cer­ tainement pas 3 m. Car on n’observe pas ­d’exception statistique, donc de personnes qui atteignent déjà cette taille à l’époque actuelle. L’augmentation de la taille est d’ailleurs en train de se tasser en Suisse. Depuis une vingtaine d’années, l’évolution a atteint un plateau. Ce tassement existe-t-il également pour le poids? Contrairement à la taille, le poids moyen continue d’augmenter, en Suisse comme ailleurs. Un léger tassement semble tout de même se dessiner ces derniers temps. Mais la proportion des personnes souffrant d’obésité sévère continue d’augmenter. Le poids est plus sensible aux conditions environnementales que la taille. Les facteurs principaux sont bien connus: mauvaise alimentation et manque d’exercice physique. Un bas niveau de formation est aussi un facteur de risque. Effectivement, cela dénote d’ailleurs une évolution sociétale intéressante. Jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les personnes rondes appartenaient le plus souvent aux milieux aisés. À partir des années 1950, la tendance s’inverse. La surcharge pondérale est aujourd’hui associée aux classes sociales peu formées. Les ­personnes qualifiées sont moins souvent en surpoids. C’est qu’elles sont davantage conscientes de leur alimentation – et moins soumises au stress et aux contraintes prolongées. L’évolution humaine n’est donc ni linéaire ni dirigée vers un but ­unique, contrairement à ce que


Interview

laissent penser les illustrations qui vont de l’animal à quatre pattes au bipède, puis à l’homme actuel. Les conditions environnementales sont soumises à des variations. L’humanité a connu des périodes où l’homme avait presque la taille actuelle. Les chasseurs-cueilleurs du paléolithique étaient plus grands que les populations sédentaires apparues plus tard. C’est un mouvement en vagues. Le volume du cerveau a également varié sur la durée? Oui. Il semblerait que le cerveau ait perdu 10% de volume ces 30 000 dernières années. Avec une diminution de ­l’intelligence à la clé? Non, la corrélation entre le volume du cerveau et l’intelligence n’est pas si simple. Ce qui est sûr, c’est que notre mode de pensée et notre capacité de mémoire s’adaptent à l’environnement. On peut imaginer que dans quelques siècles, notre cerveau sera mieux à même de traiter la masse d’information disponible sur Internet et verra diminuer sa capacité à mémoriser un poème. L’homme n’a plus d’ennemi naturel. Dans les pays industrialisés, il se protège du vent et des intempéries. Et la médecine moderne parvient à maîtriser les germes pathogènes. Quels sont donc aujourd’hui les facteurs de sélection? Les influences environnementales ont à l’évidence moins d’effet. L’industrialisation et la mondialisation lèvent partiellement les contraintes de la sélection. Le méca­ nisme qui assure la survie des individus mieux adaptés à l’environnement, et donc leur capacité à se reproduire, n’est plus aussi efficace. En médecine évolutionniste, on parle parfois de diminution de la pression de sélection. Comment se manifeste ce relâchement de la pression sélective? Un système de santé performant peut ­atténuer la pression de sélection en ce qui concerne la vulnérabilité à certaines maladies. Autre exemple: la procréation assistée offre des possibilités de reproduction à des personnes qui jadis seraient restées sans enfants, ce qui est très précieux pour elles.

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Je me fais l’avocat du diable: une société qui met fin à la sélection naturelle ne risque-t-elle pas de favoriser les déficiences dans sa descendance? Par exemple la ­myopie? Par le passé, une personne fortement myope n’aurait peut-être pas reconnu à temps ­l’arrivée du fauve… et n’aurait pas survécu. Mais elle peut posséder d’autres avantages. D’ailleurs, qu’est-ce qu’une déficience? L’homme parfait n’existe pas. Chaque adaptation a son prix. L’être humain est toujours le fruit d’un compromis biologique entre les exigences de diverses conditions environnementales. Cette diminution de la sélection naturelle favorise-t-elle la survie de l’humanité? Ou réduit-elle au contraire nos chances? L’avantage, c’est que la variabilité génétique des êtres humains est plutôt en progression. À l’inverse, la diversité a tendance à se ­réduire lorsque la pression de sélection est forte. Si les personnes capables de courir vite avaient un réel avantage de survie, les individus plus lents seraient appelés à ­disparaître en quelques générations. C’est ce qu’on appelle un «goulot d’étranglement génétique». En revanche, l’éventail géné­ tique s’élargit lorsque la pression se relâche. Ceux qui courent plus lentement peuvent eux aussi survivre. Et cette variabilité devient intéressante si l’espèce est confrontée à de nouvelles conditions environnemen­ tales. Les plus lents auront alors un avantage de survie, car ils présenteront probablement d’autres caractéristiques. Des caractéristiques qui profiteront à leur tour à l’espèce dans son ensemble. Mais avec la mondialisation, les ethnies se ressemblent de plus en plus. La planète est devenue un village global. Les conditions de vie à New York, Mexico ou Mumbai se différencient de moins en moins. Le rapprochement ethnique se fait parallèlement à l’occidentalisation des modes de vie. Aujourd’hui, on ne distingue plus vraiment un Tessinois d’un Glaronnais comme par le passé. Et les migrations sont globales. Il est devenu courant de quitter la


© Thomas Schuppisser

Né en 1971, Frank Rühli est anatomiste et spécialiste des momies. Il a créé et dirige le ­Centre de médecine évolutionniste, rattaché à l’Institut d’anatomie de l’Université de Zurich. Ses recherches portent sur l’histoire évolutive de l’homme et sur l’évolution des ­ maladies. Il est politiquement engagé au comité du PLR de la ville de Zurich.

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Interview

région où l’on a grandi pour vivre ailleurs, où les conditions environnementales seront différentes. Les parents quittent leur pays d’origine et les enfants s’assimilent à leur nouveau milieu. Les différences s’effacent. Mais il y a les problèmes de santé des populations autochtones confrontées brutalement au mode de vie occidental. La pression de sélection peut se relâcher à un niveau général, mais s’accentuer à un niveau particulier. Ce sont là les limites de la faculté d’adaptation de l’être humain. Les autochtones d’Amérique du Nord et d’Australie souffrent souvent de surpoids et de diabète de type 2. Outre la discrimination économique et l’exclusion sociale, un facteur d’explication est aussi leur physiologie qui n’est pas (encore) adaptée au mode de vie occidental, avec son alimentation hypercalorique. Un corps paléolithique dans un monde moderne… Il ne faut pas simplifier à outrance. La bio­ logie n’est pas si simple. Nos douleurs ­dorsales ne s’expliquent pas directement parce que nos ancêtres marchaient à quatre pattes. Nous avons une hérédité, mais ­l’évolution ne s’arrête pas. L’homme n’y échappe pas. La pollution de l’air et du sol, la diminution de la couche d’ozone, les catastrophes nucléaires, le ­réchauffement climatique ou les inégalités croissantes dans la ­société: s’agit-il de facteurs de sélection d’un type nouveau? Difficile à dire. Il est trop tôt pour trancher. Pour identifier l’impact d’un facteur, il faut du temps et une certaine propagation. Quelles sont les adaptations ­physiques requises pour l’homo sapiens à l’avenir? Peut-être le système immunitaire sera-t-il appelé à mieux résister à des maladies ­comme le VIH. Il serait souhaitable de déve­ lopper une constitution qui soit moins ­sujette à l’obésité. Et il serait pratique que notre organisme soit plus «résistant» aux ondes et aux polluants… Et au niveau du comportement? Un danger potentiel considérable concerne

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les nouvelles maladies facilement transmissibles que notre système immunitaire ne maîtrise pas. Dans un contexte de mobilité globale, il s’agit d’instaurer des mesures de prévention et des plans d’urgence. Il faut aussi relever qu’une partie de l’humanité dévore trop de ressources. Les richesses naturelles ne sont pas assez protégées. C’est aussi lié à une démographie en expansion et à la croissance des besoins. Il s’agira de trouver des solutions technologiques et organisationnelles diversifiées. Propos recueillis par Ruth Jahn, Pressebüro Index


UN THÉÂTRE NATUREL Le «vivre ensemble» avec la nature est un grand débat de société. En témoignent de nombreuses productions artistiques, théâtrales ou littéraires. C’est toute une génération d’artistes qui ­s’expriment sur la nature et nos liens avec elle. Cet été, un projet s­ pectaculaire a vu le jour à Stierva, dans les Grisons: «Mountain Glory – l’institut alpin oublié». Une performance théâtrale qui tourne autour de l’œuvre de Jean-Jacques Rousseau, réalisée à 2200 m d’altitude par des artistes venus d’Angleterre, de Hollande, d’Islande, d’Allemagne et de Suisse. Markus Gerber, Simon Helbling et Mathias Balzer, respectivement metteur en scène, dramaturge et producteur, commentent cette expérience hors du commun.

Essai

Essai par Mathias Balzer, Markus Gerber et Simon Helbling Ces temps, on se croit replongé dans la magie de l’époque romantique. Des écrivains comme Franz Hohler explorent les interstices entre la nature et la civilisation, tandis que des artistes exposent leurs sculptures dans des parcs ou le long de sentiers. Pour mieux cerner le mythe de la nature, les démarches sont multiples: création de tableaux, imitation de processus biologiques, réflexion sur les modes d’exploitation de la nature… On assiste aussi à une renaissance du Land Art des années 1970, ce mouvement artistique qui s’exprime dans et avec le cadre naturel, donnant naissance à une floraison de productions éphémères. Et voilà que la scène libre de théâtre se tourne elle aussi vers l’environnement naturel. C’est l’occasion pour les artistes de quitter l’univers clos des salles de spectacle, d’aller à la rencontre du public et de toucher la réalité du doigt. Les créations artistiques les plus anciennes, nées de l’art pariétal du paléolithique, témoignaient déjà de la confrontation de l’humain avec son environnement. À l’époque moderne, deux figures ­mythiques incarnent l’aspiration au naturel: Henry David Thoreau et Jean-Jacques Rousseau. Le théâtre actuel continue de s’intéresser à ces penseurs. Dans le livre Walden ou la Vie dans les bois, publié en 1854, Thoreau raconte son séjour de deux ans dans la maisonnette qu’il avait construite dans la forêt du Massachusetts. Près d’un siècle plus tôt, l’érudit genevois Rousseau avait déclenché l’essor européen du tourisme dans la nature avec son ouvrage Émile ou De l’éducation. Trois cents ans après la naissance de Rousseau, la troupe de Mountain Glory s’est déplacée dans les Alpes grisonnes pour se pencher sur l’œuvre du philosophe controversé. Simon Helbling, dramaturge, esquisse l’approche choisie:

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Essai

Répétition en plein air: la troupe de Mountain Glory en action.

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© Tabea Hüberli

«Pour un projet comme le Mountain Glory de Markus Gerber, axé sur la nature, on se pose évidemment la question: mais qu’est-ce que la nature? La signification de ce terme oscille entre deux pôles: la nature comme écosystème autorégulé dont l’homme est étranger; ou alors une nature au sens large, dont l’être humain fait partie, avec toutes ses interventions. Jean-Jacques Rousseau développe une troisième manière d’appréhender la nature: le point de vue moral. Dans Émile, il écrit: «Tout est bien sortant des mains de l’auteur des choses; tout ­dégénère entre les mains de l’homme. Il force une terre à nourrir les productions d’une autre, un arbre à porter les fruits d’un autre; il mêle & confond les climats, les éléments, les saisons; il mutile son chien, son cheval, son esclave; il bouleverse tout, il défigure tout, il aime la difformité, les monstres; il ne veut rien tel que l’a fait la nature, pas même l’homme; il le faut dresser pour lui, comme un cheval de manège; il le faut contourner à sa mode, comme un arbre de son jardin.» Rousseau dépeint ainsi une nature à l’opposé de la culture. Chez lui, les acquis de la civilisation véhiculent une connotation plutôt négative. Par essence, le naturel est considéré comme bon et moralement juste.» Une vache qui vêle, une voiture qui tombe en panne… Ce bagage philosophique accompagnera la troupe de théâtre lors de son passage dans les Alpes. Début juin, après trois semaines de temps froid sur une alpe encore couverte de neige, Markus Gerber écrit dans un courriel: «Cette performance théâtrale de Mountain Glory est aussi une aspiration toute personnelle que je réalise aujourd’hui. J’ai la chance de passer le printemps et l’été avec des artistes étonnants, venus de toute l’Europe, sur la merveilleuse alpe de Stierva, dans les Grisons – en étant même (un peu) payé pour cela… Loin des salles de théâtre sombres et surchauffées, je me retrouve au grand air. À chaque jour sa surprise: une neige nouvelle, une vache qui vêle, une voiture qui tombe en panne, un brouillard mystérieux, une blessure… Mais bien sûr, ma satisfaction personnelle n’est pas mon but premier quand je fais du théâtre dans la nature. Mon projet veut interpeller le public. Le confronter aux débats de société. Lui donner la possibilité de porter un autre regard sur le monde. Mon intérêt est d’impliquer les spectateurs dans la représentation théâtrale. Le principe fondateur du théâtre est la communication du public avec les artistes en scène, avec les événements de l’espace théâtral, avec le cadre où tout cela se passe. Notre expérience théâtrale tente de cerner ce que pourrait être un homme naturel et bon; une société bonne et saine; une société

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Essai

capable de relier la nature intérieure de l’être humain à la nature extérieure qui est son cadre de vie. Pour aborder cette grande question existentielle, la seule solution est à mon avis que les artistes s’investissent en apportant leur réponse subjective et personnelle. Qu’ils s’exposent totalement à la matière. Depuis la mi-mai 2012, tous les artistes et moi-même vivons donc à 2200 m d’altitude, dans de vieilles étables, des cabanes rustiques ou des cabanons construits pour l’occasion. Notre quotidien et notre travail astreignant, dans le paysage tant naturel que cultivé des Alpes, nous plongent au cœur de la thématique. Nous sommes partie prenante de la nature. Et les contradictions ne manquent pas. Hier, en regagnant nos cabanes après notre travail sur le site rocheux qui symbolise l’Amérique dans notre projet, nous avons été surpris par le brouillard. En quelques instants, nous avons perdu notre chemin. Une expérience propre à nous rappeler la puissance implacable de la nature... Mais nous n’avions pas su renoncer à nos téléphones portables, et étions donc en mesure d’appeler des secours, si nécessaire. Une expérience qui nous a fait réfléchir: la nature sauvage existe-t-elle encore vraiment? Ou est-elle devenue un mythe imaginaire? Une image romantique produite par le tourisme et les fabricants de vêtements de plein air? Une vision financièrement intéressante pour ces industries?» La nature, une actrice incontrôlable Ce sont surtout des contradictions qui surgissent lorsque les artistes, ces instances morales de la société cultivée, se rapprochent de la nature. Quel est donc l’apport de ce théâtre qui a choisi de fuir les temples de la bourgeoisie que sont les salles de spectacle, pour s’exiler dans les arènes alpines? La parole est encore à Simon Helbling: «À l’heure actuelle, la question brûlante n’est plus tellement de savoir ce que la nature est pour la société, mais plutôt comment la civilisation peut protéger et préserver l’environnement. Une troupe de théâtre qui choisit un cadre naturel pour une mise en scène pourra tirer profit de la configuration des lieux pour la dramaturgie de la pièce. C’est ce que font les nombreux spectacles en plein air et autres comédies musicales. Mais ce n’est pas notre démarche. Mountain Glory veut faire de la nature une actrice à part entière. Chez nous, pas de scène montée dans un cadre idyllique, mais un paysage tout entier inclus dans une conception théâtrale. Comme toute œuvre d’art, le théâtre n’est pas là pour donner des leçons ou expliquer des vérités, mais pour poser des questions. La nature, cette actrice incontrôlable, s’invite au centre des préoccupations. Quelle sera la motivation du public à se déplacer dans les Alpes grisonnes pour assister à une expérience théâtrale? Quelles seront ses attentes face à la nature? Est-ce encore l’image de la nature façonnée par Rousseau que nous portons dans le cœur? Le paysage est-il surtout une

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surface de projection pour tout ce qui nous manque dans notre quotidien civilisé? Le théâtre pose les questions de fond La technique théâtrale permet d’appréhender concrètement cette confrontation à la nature. Notre aspiration à une nature intacte est-elle doublée d’un vrai respect envers elle? Ou s’agit-il plutôt de panser les blessures que la civilisation inflige à notre nature, tant extérieure qu’intérieure? Si le théâtre ne peut pas présenter de données factuelles sur la culture et la nature, ces informations sont largement accessibles dans d’autres contextes. La fonction du théâtre, c’est de creuser les liens personnels à la nature et d’amener chaque spectateur à se poser la question: pour moi, personnellement, qu’est-ce que la nature?» L’équipe de Mountain Glory sera de passage dans deux théâtres suisses en janvier 2013 pour partager ses recherches sur la nature avec le public urbain sans oublier de le divertir. Informations détaillées sur le projet et la tournée: www.mountainglory.ch, www.gessnerallee.ch et www.theaterchur.ch.

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Éducation à l’environnement

MANIFESTES ­FIGURATIFS

Aujourd’hui, ce sont les œuvres abstraites et les installations dans l’espace qui pré­ valent. L’environnement est abordé sous son aspect esthétique, ou carrément recréé de toutes pièces. Le public est interpellé Par Bernadette Fülscher quant à ses liens avec la nature [voir ci-contre, photo du bas]. Ce type d’intervention artistique met l’accent sur la perception du paysage et de notre univers de vie. La si­g­nification en est souvent codée et difficilement accessible. La personne qui aura du plaisir à regarder une telle œuvre ne changera pas ­forcément sa manière d’agir. Il y a aussi des raisons politiques à cela. Étroitement surLes arts plastiques conquièrent les espaces veillé, l’art dans l’espace public suscite rapidement la critique. En Suisse, les donneurs de vie. Les sculptures et les installations artistiques se saisissent des questions envi- d’ouvrages de la collectivité ne sont souvent ronnementales. Mais le message ainsi difpas en mesure de défendre une décision fusé est-il abordable pour le grand public? controversée face à une population hostile. L’avantage de l’art, à savoir sa commu- Les œuvres exposées dans les villes et les nication plus figurative que langagière, communes seront donc généralement inofpeut aussi se transformer en obstacle. Il est fensives. L’uniformité aura tendance à en effet difficile d’expliciter les corréla­dominer, les messages provocateurs ou novateurs seront rares. La capacité des œutions complexes de l’écologie dans une peinture murale, une sculpture ou une instal- vres d’art dans l’espace public à remettre lation. Car ce type d’œuvre exprime suren question notre rapport à la nature doit néanmoins être prise au sérieux. tout une chose en la rendant sensible. Impos­sible donc de présenter des données Bernadette Fülscher a publié un livre sur abstraites. En revanche, le public est l’art dans l’espace public en ville de Zurich: ­con­fronté à des images et des espaces ­stimulants. Et le spectateur qui saura «lire» Die Kunst im öffentlichen Raum der Stadt Zürich. 1300 Werke — eine Bestandesauf­ l’œuvre sera peut-être même amené à se nahme (2012). 416 pages, 1400 illustrations en mettre en action… couleur, CHF 44.—, ISBN 978-3-0340-1084-9. Plusieurs exemples en ville de Zurich montrent comment l’art réagit aux préoccu- À commander en librairie ou aux Éditions pations environnementales. Jusqu’au début Chronos, Eisengasse 9, 8008 Zurich, info@chronos.ch. du XXe siècle, plusieurs représentations d’animaux, de plantes et de paysages ont fait Après des études en architecture et histoire leur apparition en ville [cf. photo du haut, de l’art, Bernadette Fülscher a rédigé ci-contre]. Ces œuvres illustraient souvent une thèse sur la scénographie à l’EXPO.02. l’écart croissant entre la ville et la campaChercheuse indépendante, ses travaux gne. La nature était vue comme un espace ­portent sur l’histoire de l’art et de la culture préservé, en rupture avec l’espace urbain ­depuis le XIXe siècle. Elle a passé cinq prosaïque. L’animal représenté dans le parc ans à dresser un inventaire des œuvres d’art rappelait le cadre d’une nature idyllique. dans l’espace public zurichois. Pour comprendre le rapport de ces sculptures à l’environnement, il faut connaître leur contexte historique et culturel ­d’origine. Une compétence culturelle que n’exigent pas forcément les nouvelles ­œuvres apparues ces dernières décennies.

Les artistes réagissent à l’évolution de l’envi­ ronnement et jalonnent l’espace public de leurs ­interventions.

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© Fülscher

«Trois flamants», œuvre de Estrid Christensen (1884–1968) datant de 1935, sise depuis 1951 au parc de Belvoir, dans le quartier Enge à Zurich. Ces trois flamants de facture réaliste, placés dans un étang d’un parc en pleine ville, incarnent une nature préservée et idyllique.

© Fülscher

«Polonäse», une installation ­réalisée en 2005 par Erik Steinbrecher (né en 1963) pour le lotissement de Heumatt, dans le quartier de Seebach (Zurich). Entourée d’une clôture en bois, cette colline artificielle sur une aire de jeu gazonnée ­sym­bolise le royaume des enfants. La clôture fait écho à une archi­ tecture de masse composée d’éléments préfabriqués.

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Au-delà des DÉCLARATIONS D’INTENTION Essai par Rolf Jucker

Éducation à l’environnement

«Celui qui a compris, mais n’agit pas, n’a rien compris.» Bruno Manser

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Pour un bilan critique de l’histoire de l’éducation à l’environnement et au développement durable, les classiques de la littérature écologiste des années 1970 sont des références incontournables. Le rapport du club de Rome Halte à la croissance? (1972), Small is beautiful – une société à la mesure de l’homme de E. F. Schumacher (1973) ou encore les écrits de Ivan Illich et Rudolf Bahro: toutes ces publications démontrent que les modes de vie non durables sont dus aux valeurs, aux structures ­économiques et sociétales qui se sont imposées suite à la révolution industrielle. L’exploitation inhérente à la société industrialisée est ­incompatible avec l’idée d’une vie décente pour tous les êtres vivants. Des études récentes viennent d’ailleurs confirmer ces constats, que ce soit le rapport Évaluation des écosystèmes pour le millénaire (2005) ou le Living Planet Report (2012). Sans changement radical de notre rapport à l’environnement, la durabilité n’est pas possible. Une réalité à intégrer notamment dans l’éducation, car les systèmes de formation contribuent largement à pérenniser des fonctionnements et des valeurs ­problématiques pour l’avenir de la planète. Quatre enjeux de l’éducation au développement durable It’s the economy, stupid – C’est l’économie, idiot! – Tant que notre ­système économique misera tout sur la croissance, l’éducation au développement durable est condamnée à rester lettre morte. Quelle conception de la durabilité? – Dans le contexte de la Décennie des Nations Unies pour l’éducation en vue du développement durable, l’UNESCO constate que seule une planète viable est compatible avec le développement social et économique. Ce sont les lois et les limites de la biosphère qui déterminent tous les sous-systèmes. Une société changée modifiera son système d’éducation, et non l’inverse – Notre problème de durabilité ne peut pas être délégué à nos enfants. Dispenser l’éducation à l’environnement aux jeunes générations en leur demandant de réussir là où nous avons échoué est moralement dis­ cutable. Une telle attitude dénote d’ailleurs une conception problématique du rôle de la formation au sein de la société. Car l’éducation est en premier lieu un instrument de transmission de valeurs et de visions du monde. Elle n’est pas le moyen permettant de provoquer un ­changement de paradigme. L’école ne change pas la société; elle est plutôt le reflet de ses évolutions. De plus, l’école n’est qu’un élément de notre formation. Le système, les médias, les parents et la pression du groupe sont des «enseignants» bien plus efficaces. Agir au lieu de sensibiliser – Dans le contexte de l’éducation à l’environnement, on oublie souvent ce fait primordial: l’impact de ­l’éducation à l’environnement ne se mesure pas à la quantité de manuels, de cours, d’interventions de personnalités ou de moyens financiers.

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Le vrai critère est notre manière durable d’agir en tant que salariés, citoyens, pères et mères de famille. Trois approches pour faire face à ces enjeux Un processus d’apprentissage sociétal sur le long terme – Apprendre avec un effet durable est un phénomène collectif, qui implique une ­responsabilisation réciproque. Il faut créer des collectifs de personnes qui agissent pour le changement, en dépassant le stade des déclarations d’intention. Élargir le champ de vision – Nous avons besoin de solutions efficaces. Elles résident souvent en dehors des systèmes de formation. Il s’agit d’en tirer profit pour tisser des liens solides entre l’éducation et l’action. Garder en vue les objectifs d’ensemble – Les structures existantes ­modèlent nos modes de pensée et d’action. Il est difficile de les dépasser et de garder en vue l’objectif premier, qui est une société écolo­ giquement durable. Il faut d’abord dégager les espaces permettant d’appréhender cet objectif: avec la tête, les mains, le cœur. Greenpeace pratique depuis longtemps l’action comme mode de changement. Un exemple impressionnant est le Projet Solaire Jeunesse, qui a ­touché plus de 10 000 jeunes à ce jour. Une contribution concrète à un avenir solaire. Rolf Jucker est directeur de la Fondation suisse d’éducation pour ­l’environnement (FEE): www.educ-envir.ch. Magazine Greenpeace Nº 3 — 2012

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© Greenpeace/Fojtu

Action dans la commune de Full-Reuenthal (AG), 27 juin 2012: à proximité de la centrale nucléaire de Leibstadt, le Projet Solaire ­Jeunesse de Greenpeace pose une installation photovoltaïque avec de jeunes Tessinois, membres du WWF.


Éducation à l’environnement chez Greenpeace

Un ­guide Visites d’école pour des travaux de ­maturité ­engagés Chaque année, 20 000 jeunes préparent leur travail de maturité — la première tâche d’envergure qui leur permet de se concentrer sur une thématique durant une longue période. Il est donc essentiel qu’ils trouvent un sujet qui les intéresse et les touche. Helvetas, Greenpeace et Amnesty International ont mis au point un guide à cet effet. «Nous coopérons parce que nous sommes convaincus que les problèmes globaux ne peuvent être abordés qu’en commun et de manière interdis­ ciplinaire», déclare Kuno Roth, responsable de la formation auprès de Greenpeace Suisse. Au moyen de questions servant de fil directeur, complétées par des conseils d’anciens lycéens, ce ­guide entend aider les jeunes à trouver un sujet pour leur travail écrit, une idée de projet ou d’action qu’ils mèneront à bout. «Agir pour la ­ lanète» — tel est le mot d’ordre: ils p trouveront dans la deuxième partie du guide tout un choix de thèmes qui leur permettront d’axer leur travail sur la protection de l’environ­ nement et son respect dans le monde. Les idées suggérées par Greenpeace tournent autour de l’énergie et du climat. Le guide Le travail de maturité — Idées, conseils et inspiration a été mis au point par «sprouts», une agence spécialisée. L’idée de base du projet «Agir pour la planète» a été fournie par l’Atelier Pantaris. Cette brochure peut être commandée gratuitement par les en­ seignants ou les étudiants auprès de Greenpeace.

Lors des visites d’école, nous re­ prenons les questions posées par les jeunes pour développer avec eux des actions concrètes. Que pouvons-nous changer, à quelle échéance, et comment? Il s’agit de faire germer une idée qui pourra conduire à lancer un projet environnemental dans une école, un village ou une commune. Ces visites sont animées par des bénévoles spécialement formés à cet effet. Nous les initions peu à peu à leurs tâches et les accompagnons étroitement sur une longue période. La qualité de ces visites est primordiale pour Greenpeace, car notre réputation est en jeu. Nous restons fidèles à notre philosophie: «Si tu n’es pas d’accord avec quelque chose, engage-toi de manière non violente pour un avenir meilleur.» Le programme de visites d’école permet d’envisager l’avenir activement; transmet des outils pour concrétiser un projet environnemental; permet de bénéficier d’une formation innovante sur l’environnement. Une visite d’école dure au moins une demi-journée (quatre leçons). Les coûts s’élèvent à 150 francs pour la demi-journée et à 250 francs pour la journée ­entière. Dans ce magazine, vous trouverez un bon pour une visite d’école d’une journée gratuite. ­Découpez ce bon et transmettez-le à un enseignant.

10 000 jeunes pour un avenir solaire

Depuis qu’il a été lancé par Green­ peace en 1998, le Projet Solaire Jeunesse (PSJ) privilégie une éduca­ tion à l’environnement basée sur la pratique. Nous construisons des installations photovoltaïques avec des jeunes. Un temps fort de notre action a été notre participation à la «Umwelt Arena»: une centaine d’apprentis d’Axpo ont monté la plus grande installation photovoltaïque intégrée en toiture de Suisse. Le PSJ, qui participe à la campagne Climat & Énergie de Greenpeace Suisse, compte monter dix à quinze installations solaires par an. Que fait le PSJ? Nous mettons en relation les maîtres d’ouvrage et les entreprises du secteur solaire avec des groupements de jeunes ou des écoles et nous organisons des «semaines de construction solaire». Nous proposons des ateliers sur le thème de l’énergie solaire adaptés à chaque tranche d’âge. Nous mettons gratuitement à disposition des groupements de jeunes ou des écoles un guide de financement sur mesure pour les projets solaires. À quoi sert le PSJ? À sensibiliser les jeunes et à faire mieux connaître la technique solaire et les différentes formes d’énergies renouvelables. Nous voulons transmettre la vision d’une énergie «100% renouvelable». Participer au PSJ Les jeunes de 15 à 24 ans peuvent participer à des projets et à des camps solaires ou être actifs au sein de l’organisation. Nous aidons des institutions, des associations, des propriétaires et des entreprises à réaliser une installation solaire. Nous soutenons les enseignants avec des visites d’école ou de la documentation pédagogique.


Youth Support Center: transmettre son expérience

Formation continue pour les bénévoles

Greenpeace Suisse a de l’expé­ rience en matière de projets pour les jeunes et de programmes ­scolaires. Il était donc naturel que nous en fassions profiter nos collègues des pays de l’hémisphère sud. Par exemple en Afrique, où la moitié de la population a moins de 20 ans. Notre soutien est adapté aux besoins des bureaux parte­ naires: le Youth Support Center (YSC) propose, entre autres, des conseils, des formations, des services de coaching, une aide à la conception de projet et des modèles de ­«bonnes pratiques». Vingt jeunes bénévoles du ­Forum social mondial de Porto Alegre ont pu suivre des cours sur l’énergie solaire. Lors du sommet Rio+20, des bénévoles brésiliens de Green­ peace ont appris comment familiariser le public à l’énergie solaire. Au Cameroun, des techniciens de Greenpeace ont installé des systèmes solaires domestiques dans quinze villages de Pygmées, créé une entreprise sociale spécialisée dans le solaire et fourni des soins médicaux. Enfin au Congo, 20 jeunes, sous la direction de deux instructeurs spécialisés, ont installé les panneaux d’un générateur solaire pour la radio locale et appris à construire des fours fonctionnant avec peu de bois. Autrement dit, le YSC a mis à disposition des instructeurs, a aidé à mettre au point les programmes et les a financés; bref, il a formé ces jeunes. Certains sont même devenus à leur tour instructeurs. En outre, le YSC a élaboré le manuel ­destiné aux responsables scouts lorsque l’Organisation mondiale du mouvement scout (OMMS) a lancé le ­«badge solaire», qui a été testé dans trois pays.

Le succès de Greenpeace repose sur l’engagement de bénévoles qualifiés. Nous proposons des ateliers axés sur la pratique et la transmission de connaissances spécialisées. Ces formations, qui traitent d’une grande diversité de thèmes, sont l’occasion de réfléchir à son comportement à l’égard de l’environnement. Le programme est en grande partie consacré à l’apprentissage de méthodes permettant une action efficace et autonome. Les séances de formation et les ateliers sont gratuits et ouverts à tous les membres actifs de Greenpeace: bénévoles, militants, personnes parrainant une «greenteam» ou actives dans l’éducation à l’environnement, membres des bureaux de Greenpeace. Les autres personnes peuvent suivre les formations moyennant une participation aux frais. Quelques exemples du programme des cours: Atelier «Action» Mini-atelier sur le matériel utilisé lors des actions Transformer le monde 1 Aller de l’avant ensemble — direction et animation Transformer le monde 2 Gestion de projet — planification et mise en œuvre de projets efficaces Transformer le monde 3 Campaigning — planification et mise en œuvre de campagnes Energy Academy — 100% ­renouvelable La crise énergétique: causes et solutions Greenpeace Action Training – Mener des actions non violentes Les militants de Greenpeace et le droit Camp Climat – Construire un monde durable Philosophies environnemen­ tales – Écologie sociale, écologie profonde, écoféminisme

Learning for the Planet schulmaterial.ch@greenpeace.org ou à l’adresse postale de la rédaction (voir mentions légales) www.greenpeace.ch/ecole Projet Solaire Jeunesse Téléphone +41 44 447 41 01 Fax +41 44 447 41 99 jugendsolar.ch@greenpeace.org www.jugendsolar.ch (en allemand) Youth Support Center ysc@greenpeace.org http://wave.greenpeace.org Formation continue pour les bénévoles Téléphone +41 44 447 41 05 ­freiwillig.ch@greenpeace.org Visites d’école Sarah Banderet, coordinatrice des ­visites d’école Téléphone +41 22 907 72 70 visites-ecole@greenpeace.ch www.greenpeace.ch/ecole

Bon pour une visite d’école par Greenpeace. Greenpeace visite votre classe d’école. www.visites-ecole.ch by


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Greenpeace ­demande à l’ONU de déclarer l’Arctique ­zone protégée et d’y interdire la pêche ­industrielle ainsi que l’exploitation pétro­ lière.

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Jusqu’à une date récente, la glace tenait l’industrie pétrolière à l’écart de ce fragile écosystème qu’est l’Arctique. Aujourd’hui, cette région du globe se réchauffe plus vite que les autres. La glace fond, déclenchant une véritable ruée sur les matières premières que recèlent ses fonds marins. Mais que se passerait-il en cas d’accident pétrolier au pôle Nord? Les conséquences seraient catastrophiques. Voici donc notre plan: faisons de l’Arctique une zone protégée, où l’exploitation pétrolière et la ­pêche industrielle seront interdites. Greenpeace exige de l’ONU que cette interdiction soit inscrite dans la loi à l’échelle mondiale. L’Arctique constitue la dernière barrière que les grands groupes pétroliers internationaux sont en passe de faire tomber. La carte montre les lieux actuels d’extraction de pétrole et de gaz et fait appa­

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raître les potentiels d’exploitation supplémentaires. Dès cet été, Shell effectuera des forages pour trouver du pétrole au large des côtes de l’Alaska. Selon les estimations les plus récentes de l’US Geological Survey (USGS), l’organisme gouvernemental américain gérant le ­secteur des matières premières, cette contrée renfermerait 22% des gisements pétroliers pas ­encore prospectés dans le monde.

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Signez dès maintenant notre pétition sur le site www.savethearctic.org. Les noms du premier million de signataires seront inscrits sur un parchemin que nous plongerons sous la glace du pôle Nord.

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Soutenez-nous dans notre projet et devenez, vous aussi, un défenseur de l’Arctique!

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Sites d’exploitation de pétrole Sites d’exploitation de gaz Zones de prospection pétrolière ou gazière Zones où Shell prévoit des forages d’exploration en juillet 2012 Cercle polaire

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Š Marizilda Cruppe / Greenpeace

Essai photographique


La forêt sacrifiée Un nouveau reportage de Greenpeace montre que la forêt tropicale amazonienne n’est pas seulement menacée par l’agriculture et l’élevage. Des pans entiers de forêt sont abattus en toute illégalité afin d’obtenir du charbon de bois destiné à la production de fonte brute. L’acier ainsi fabriqué est utilisé par l’industrie automobile. Un photo-reportage de Marizilda Cruppe et Rodrigo Balèia

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© Rodrig o BalÈia / Greenpeace

Une grande partie du charbon de bois est fabriquée dans des petits camps situés dans des régions reculées des États de Pará et de Maranhão, au Nord-Est du Brésil. Le bois est abattu illégalement et utilisé pour la fusion du minerai de fer. Des ­fabricants de voitures tels que BMW, Ford ou Mercedes ­comptent parmi les acheteurs de ces matériaux. Photo de droite

Pour gagner leur vie, les charbonniers sont contraints de ­travailler dans des conditions inhumaines. Les populations ­indigènes souffrent de cette production et leur existence s’en trouve menacée.


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© Rodrig o BalÈia / Greenpeace

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© Marizilda Cruppe / Greenpeace

Dans le port de São Luís, au Brésil, des militants de Green­ peace bloquent le chargement du Clipper Hope, un navire qui doit transporter de la fonte brute aux États-Unis. Leur protes­ tation s’adresse à la présidente Dilma Rousseff, qui n’a opposé qu’un véto partiel très timide au nouveau code forestier le 25 mai dernier. Bloquer certaines modifications de lois ne suffira pas à sauver une forêt tropicale unique au monde. Photo de gauche

Pour produire du minerai de fer, 70 à 80% des forêts de la ­région ont déjà été détruites. Les grandes surfaces boisées sont de plus en plus rares dans la région. Les bûcherons ­pénètrent dans les zones indigènes et déboisent en toute illégalité – y compris dans les réserves naturelles. Certaines ­ tribus indigènes ont déjà perdu plus de 30% de leur territoire.


© Marizilda Cruppe / Greenpeace

Dix jours durant, des militants de Greenpeace se sont relayés sur la chaîne de l’ancre du cargo Clipper Hope. Le navire amiral de Greenpeace, le Rainbow Warrior III, a fait une escale pour s’engager en faveur de la protection de la forêt tropicale amazonienne lors du voyage qui le conduisait à la Conférence de l’ONU sur l’environnement, Rio+20. Après clôture de la rédaction, cette nouvelle importante nous est parvenue : tous les producteurs de fonte brute de l’état fédéral de Maranhao au Brésil ont signé un accord dans lequel ils s’engagent à ne plus utiliser de charbon de bois provenant de la destruction de la forêt amazonienne ou de terres indigènes. Ils ont en outre déclaré qu’ils ne toléreraient plus de conditions de travail esclavagistes dans les usines de production de charbon de bois. L’ensemble du processus de production sera désormais contrôlé au moyen d’un système de monitoring.


GREENPEACE PHOTO-AWARD EN PARTENARIAT AVEC

– LE MAGAZINE CULTUREL ZURICHOIS

Bearing Witness — «Témoigner» — c’est l’un des principes directeurs de Green­ peace. Actions de terrain, manifestations ­silencieuses, investigations scientifiques ou communication médiatique: la photographie joue presque toujours un rôle essentiel quand il s’agit de montrer les menaces qui pèsent sur les fondements mêmes de la vie et de faire passer des messages clairs. Aujourd’hui, nous cherchons de nouveaux angles de vue. Les photographes témoignent à leur manière lorsqu’ils parcourent le monde, l’œil aux aguets. Pour ce premier Greenpeace Photo Award, organisé en partenariat avec le ­magazine culturel Du, nous avons invité trente photographes parmi les meilleurs à p ­ résenter leur vision, leurs interrogations et leurs ­impressions sur le thème «L’environ­nement et sa destruction». Choisissez vos projets préférés parmi ceux qui ont été retenus par le jury sur le site www.photo-award.ch. La réalisation du projet lauréat sera soutenue à hauteur de 15 000 francs. Le projet lauréat sera publié au printemps 2013 dans le magazine Du. Des photos primées et d’autres prix seront tirés au sort parmi tous ceux qui auront participé au vote. Qu’on se le dise! Magazine Greenpeace Nº 3 — 2012

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© René Worni

La Suisse produit de l’électricité en Italie Reportage

par René Worni En Suisse, des centrales combinées à gaz doivent remplacer le parc nucléaire. Or personne n’en veut. En Italie, il en existe depuis longtemps et des entreprises énergétiques suisses y sont associées. Petite visite dans le Mezzogiorno. «Si ce projet est autorisé, ce sera la guerre», déclare d’emblée Pina Negro. Pina est avocate, militante de l’environnement et l’une des ­figures de proue de la résistance à la centrale combinée à gaz dans la plaine de Venafro. Elle se tient au bord d’un champ fertile, à l’endroit où la centrale doit être construite. La petite ville du même nom est à sept kilomètres à ­peine. Nous sommes dans le Valle del Volturno, dans l’ouest du Molise, la plus petite des vingt régions que compte l’Italie. C’est là que commence notre voyage de reconnaissance, sur les traces de ces centrales financées par les entreprises électriques suisses. Le champ est bordé d’oliveraies. Les troncs des arbres sont massifs. Il règne un calme absolu. Jusqu’à l’année dernière, le grand groupe énergétique suisse EGL* (une filiale d’Axpo ­Holding) voulait y construire une centrale combinée à gaz de dernière génération. D’une ­puissance de 780 mégawatts (MW) et pour un prix d’environ 300 millions d’euros. Des arbres devaient être plantés sur une petite colline ­voisine pour compenser les émissions de CO2. Mais les énormes déperditions de chaleur de Magazine Greenpeace Nº 3 — 2012

la centrale auraient réchauffé la région. La plaine de Venafro a une superficie de dix kilomètres carrés seulement. Les montagnes qui la cernent forment un cirque imposant dans lequel l’air stagne, et avec lui les substances toxiques rejetées par les usines avoisinantes. La centrale ­aggraverait encore ce smog. Il y a tout juste un an, un comité de mères préoccupées, les ­«Mamme per la Salute», a sonné l’alarme: les produits carnés contenaient des traces de ­dioxine. «Chez les habitants, on ne parle que de tumeurs et de maladies des voies respiratoires», ajoute Pina Negro. Il n’y a aucun contrôle ­permanent des émissions toxiques. Effets pervers du marché de l’électricité EGL s’est finalement retirée. «Avec les trois centrales existantes, nous avons atteint l’ob­ jectif de 2000 MW en Italie. Tous les projets de centrales combinées à gaz sont donc classés et aucun autre n’est prévu à l’heure actuelle», ­affirme Richard Rogers, porte-parole d’Axpo. EGL exploite déjà deux centrales combinées à gaz dans le Sud de l’Italie, à Sparanise (Cam­

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Naples, une ville tentaculaire friande d’électricité Benevento est une jolie ville des collines de la Campanie, située à 90 kilomètres de ­Naples. La tour clocher de l’église Santa Sofia, datant du VIIIe siècle, est tombée sur la nef lors du terrible séisme de 1668. Pour que cela ne se reproduise pas, on l’a reconstruite 50 mètres plus loin. Dans cette zone sismique, les Forces motrices bern­oises (FMB) travaillent avec la société napolitaine Luminosa. À six kilomètres à peine du centre-ville, dans la zone industrielle de Ponte Valentino, les FMB veulent en effet construire une centrale combinée à gaz de 385 MW. Le terrain se trouve au confluent de Magazine Greenpeace Nº 3 — 2012

La militante Pina Negro devant le site prévu à Venafro: «Si l’on autorise une centrale combinée à gaz ici, ce sera la guerre.»

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Dans la vallée du Volturno, EGL (groupe Axpo) voulait construire une centrale combinée à gaz dans un vallon encaissé mal aéré.

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panie) et à Rizziconi (Calabre), et une autre dans le Nord, à Ferrare (Émilie-Romagne). Malgré le retrait suisse, tout n’est pas ­terminé pour les 20 000 habitants de Venafro et des communes environnantes. Une petite ­officine du nom de Molisenergy, qui opère à partir d’une sorte d’arrière-boutique à Naples, poursuit l’étude du projet. Elle n’a aucune expérience dans la construction de centrales, mais on suppose qu’elle a des relations au plus haut niveau. Venafro, les communes avoisinantes et toute la région du Molise ont rejeté le projet, mais la décision finale doit être prise à Rome. Pour l’instant, nul ne sait qui sera le prochain investisseur que Molisenergy réussira à appâter. En Italie du Sud, région structurellement faible, il semble régner un climat de «ruée vers l’or» malgré la crise économique. Le marché de l’électricité, libéralisé à la fin des années 1990, poursuit sa croissance débridée. Centrales, parcs d’éoliennes et installations photovoltaïques poussent comme des champignons, apparemment sans planification. À quelques kilomètres de Venafro, dans le village de Presenzano, en Campanie, la société Edison projette une centrale combinée à gaz d’une puissance de 800 MW. Dans le Molise, on sait depuis longtemps que les besoins énergétiques sont lar­ gement couverts. Plus de 2000 éoliennes – dont une bonne partie appartient à des grands groupes électriques étrangers – sont déjà en activité, selon les organisations environnementales ­régionales. Mais les communes manquent d’argent et louent ou vendent leurs terrains. Ce sont les villes côtières industrielles qui utilisent le courant.


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À Benevento, zone sismique, les Forces motrices bernoises ­veulent construire près d’une ­rivière dont les rives sont ­protégées.

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Reportage

deux rivières, le ­Tamaro et le Calore, une zone protégée. Un quart des 60 entreprises de la zone industrielle voisine produisent des denrées alimentaires: huile d’olive, aliments pour bébés, lait, vin et légumes. Des études attestent que les vents transportent régulièrement les émissions toxiques des usines de Ponte Valentino vers le ­centre-ville. Malgré leur opposition, les autorités de la ville et de la province n’ont pu empêcher le projet. «Pour le gouvernement de la Campanie, l’approvisionnement énergétique est, hélas, plus important que l’environnement», commente Enrico Castiello qui était, jusqu’en 2011, conseiller municipal de Benevento, chargé de l’environ­ nement. Et d’ajouter: «J’ai vite compris que nous devions produire de l’électricité pour Naples et la côte». L’agglomération napolitaine et les villes côtières sont friandes d’électricité. Le gouver­ nement de Campanie met donc tout en œuvre pour que des projets lucratifs puissent voir le jour. Comme à Venafro, c’est la petite entreprise d’un homme d’affaires napolitain du nom de Marcello Fasolino qui a tout orchestré depuis 2002 pour lancer le projet – avec succès. Les FMB l’ont rejoint en 2008, lorsqu’il était pratiquement sur les rails. Fasolino détient 6% des parts de Luminosa, les FMB le reste. En mars dernier, des manifestations contre le projet ont eu lieu – un phénomène exceptionnel dans la vie tranquille des Bénéventins. En juin, le recours du WWF local a remporté une petite victoire. La plus haute juridiction administrative à Rome a demandé au Ministère de l’Environnement chargé de l’autorisation du projet de revoir sa copie. D’autres recours de la ville et de la province de Benevento sont prévus. On parle assez ouvertement d’un réseau d’affairistes, de politiciens corrompus et de fonctionnaires douteux à propos de ce projet. Le tout serait orchestré par les responsables de la société Luminosa. Des liens existent aussi avec Nicola Cosentino, un ancien député au Parlement, membre de Popolo della Libertà, le parti de Berlusconi, tombé depuis en disgrâce et contraint à la démission en 2010 à cause de ses relations avec la Camorra. Des intrigues concernant un terrain sur lequel se dresse aujourd’hui la centrale combinée à gaz d’EGL à Sparanise figurent parmi les nombreux chefs d’accusation. Les investissements élevés dans le secteur de l’électricité attirent manifestement les milieux

Enrico Castiello: «Pour le ­gouvernement de la Campanie, l’approvisionnement énergétique est plus important que ­l’environnement.»

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Manifestation contre la centrale à gaz en mars: les habitants de Benevento craignent pour leur santé et pour l’environnement.

Au milieu des champs de maïs: la centrale combinée à gaz de San Severo, dans la plaine de Foggia.

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25 emplois créés: un bilan ridicule Gabriele Corona est l’un des critiques les plus virulents de ces affaires louches. Cet ­urbaniste et syndicaliste est le fondateur de la ­plate-forme Internet Altrabenevento, qui lutte contre la corruption dans la province. Il détaille: «Le projet de la société Luminosa a des tas d ­ ’effets négatifs sur l’environnement, la santé, la production de denrées alimentaires, et m ­ ême pour le tourisme à Pietrelcina, lieu de ­pèlerinage tout proche. Et en définitive, il ne crée que 25 emplois. C’est un bilan ridicule.» Les opposants au projet de Luminosa ont bénéficié d’une trêve provisoire inespérée. En raison de la mauvaise conjoncture, les FMB n’ont pas encore pris de décision d’investissement définitive. «Nous faisons tout pour obtenir l’autorisation de construire et d’exploiter», ­déclare Antonio Sommavilla, porte-parole de l’entreprise. Dès que l’autorisation définitive sera octroyée, la direction tranchera en fonction de la situation du marché. Un détour vers l’Est, en direction de l’Adria­ tique, nous conduit à travers les collines douces de la province de Benevento, puis au Nord des Pouilles. À l’horizon, les collines sont truffées de centaines d’éoliennes. Dans la plaine de Foggia, entre Lucera et San Severo, des conduites de gaz d’un mètre de diamètre jaillissent du sol à ­intervalles réguliers. Les paysans doivent faire très attention avec leurs tracteurs. Au milieu des champs se dresse la nouvelle centrale combinée à gaz de San Severo, qui appartient à 60% au groupe suisse Alpiq. Elle est entrée en service l’an dernier. Un colosse couleur moutarde, dont l’énorme cheminée scintille au soleil. Il règne un silence de mort. La centrale est arrêtée. Des chiens aboient, un employé arrive et explique qu’il est interdit de photographier. Quand nous lui demandons si la centrale fonctionne, il ­répond «Ma certo, elle fonctionne parfaitement». La crise a mis un frein à la demande en électricité. Avec le prix élevé du gaz, la production d’électricité n’est pas rentable. «Cela nous cause effectivement du souci», explique Andreas Meier, porte-parole d’Alpiq. La centrale travaille actuellement au ralenti. En raison des conditions difficiles sur ce marché, Alpiq a récem-

© Maria Masone, Benevento

mafieux dans ce pays où les projets des pouvoirs publics sont en moyenne 40% plus chers que dans le reste de l’Europe.


Reportage

ment ­vendu ses parts (20%) à la société italienne ­Edipower. Voilà donc six centrales au gaz, au fuel et à charbon en moins dans le parc du groupe. Après avoir subi de grosses pertes l’an dernier, Alpiq se restructure en profondeur. Le long de la mer Adriatique et de ses ­plages encore désertes, notre voyage se poursuit vers le Sud des Pouilles et la ville portuaire de Brindisi. Nous sommes le 19 mai, jour de l’attentat à la bombe contre une école professionnelle qui a coûté la vie à une jeune fille de 16 ans, ­Melissa Bossi. Toute la ville est dans la rue. Le maire, en fonction depuis à peine trois se­ maines, pleure pendant son allocution. Brindisi compte 90 000 habitants, dont près d’un tiers au chômage. Nous parcourons la zone industrielle au Sud de la ville, avec ses usines pétrochimiques et ses six centrales à charbon. Un spectacle désolant... Même par temps clair, on peut voir la traînée jaunâtre des rejets industriels à l’horizon. Ces vingt dernières années, de nombreuses multinationales ont délocalisé dans des pays à bas salaires, laissant derrière elles une terre brûlée: 4000 emplois sur 5000 ont disparu. Début mai, Greenpeace Italia a manifesté devant Magazine Greenpeace Nº 3 — 2012

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Au Nord des Pouilles, les sommets des collines sont truffés de centaines d’éoliennes.

la centrale à charbon Federico II, l’une des plus polluantes d’Europe, organisant une action en faveur de l’abandon du charbon au profit des énergies renouvelables. Ici, Alpiq détenait ­encore récemment deux participations dans une centrale combinée à gaz et une centrale à ­charbon. «Le sol est partout pollué par des métaux lourds», explique Cosimo Quaranta. Depuis une vingtaine d’années, ce militant du WWF suit de près les événements dans la zone industrielle, plus vaste que la ville de Brindisi elle-même. «Les politiciens ne sont guère sensibles aux ravages causés par ces multinationales qui ont décampé sans verser un centime pour décon­ taminer les sols», ajoute-t-il. Pourtant, l’espoir renaît, timidement. Le profit au lieu des nouvelles technologies Début mai, plusieurs candidats sans éti­ quette qui s’engagent pour l’environnement, la ­santé et les nouvelles formes de développement économique ont été élus au Conseil municipal de Brindisi. Ils ne représentent que 6% des élus,

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Riccardo Rossi et Cosimo ­Quaranta devant une centrale à charbon à Brindisi: «Le sol est partout pollué par des métaux lourds.»

Du gaz en provenance d’Azerbaïdjan Pendant que nous discutons, un homme essaie de mettre son berger allemand, complètement paniqué, dans le coffre de son Alfa Romeo parquée en plein soleil. Cosimo Quaranta lui demande des explications. Le ton monte et ils en viennent presque aux mains, jusqu’à ce que l’homme finisse par admettre que la façon dont il traite son chien n’est pas admissible. Malgré la crise en Italie, le gaz a le vent en poupe. Les entreprises suisses détiennent des participations dans seize centrales combinées à gaz dans la plaine du Pô et en Italie du Sud. Cinq projets de nouvelles centrales sont actuellement gelés. Pour Andreas Meier, collaborateur d’Alpiq, l’idée que la Suisse pourrait produire de Magazine Greenpeace Nº 3 — 2012

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© René Worni

mais c’est quand même un début. Ricardo Rossi, chercheur à l’ENEA, l’Agence nationale des nouvelles technologies, en fait partie. Pour lui, la nécessité de mettre hors service les centrales à charbon ne fait aucun doute. Mais la situation en Italie est paradoxale. Depuis la catastrophe de Fukushima, le pays est en ébullition, car c’en est bien fini du projet de nouvelles centrales nucléaires pour lequel l’ancien gouvernement Berlusconi voulait débloquer 30 milliards d’euros. Certains milieux en Italie exigent donc d’autres types de centrales. Le lobby du charbon, Assocarbone, veut même doubler sa part dans la production nationale jusqu’à 30%. «Il n’y a pas de nouvelle technologie là-dessous, c’est seulement une affaire de profit.» Le charbon n’est pas cher, car personne ne paie les dégâts qu’il cause à l’environnement. Les certificats de CO2 sont insignifiants et n’apparaissent nulle part dans les bilans des grands groupes industriels. Les indemnisations pour les dégâts occasionnés ne sont pas à l’ordre du jour. Ricardo Rossi estime que l’Italie n’a pas besoin de nouvelles centrales. Le pic de demande se monte à 55 000 MW; or les installations ­existantes fournissent 90 000 MW. Pour lui, la solution passe par la démocratisation et l’éta­ tisation de la production électrique. Elle devrait tenir compte des besoins effectifs des consommateurs sur place et ne pas être déléguée aux multinationales. Cela signifie aussi un passage progressif aux énergies renouvelables, dont la technique se développe rapidement. Nul ne sait combien de temps cette transition devra être soutenue avec de l’électricité des centrales à gaz.


Reportage

© francesc o alesi / greenpeace

Mai 2012, Brindisi, centrale à charbon Federico II: Greenpeace manifeste pour la fin du charbon et pour les énergies renouvelables.

l’électricité à l’étranger pour ses propres besoins n’est guère réaliste. «En raison des difficultés d’approvisionnement aux frontières, les capacités du réseau ont depuis longtemps été vendues aux plus offrants. L’utilisation exclusive et à long terme des capacités est terminée depuis longtemps.» Plus au sud, près de Lecce, sur la côte où se trouve la petite station balnéaire de San Foca, lauréate de plusieurs prix, s’ébauche déjà la prochaine étape. Un pipeline doit fournir du gaz provenant d’Azerbaïdjan. Un consortium dont le siège se trouve à Baar, dans le canton de Zoug, et composé d’Axpo (42,5%), de la société norvégienne Statoil (42,5%) et de la société allemande E.ON Ruhrgas (15%), a de grandes chances de se voir attribuer le mandat de construction. Cela n’ira pas sans frictions pour San Foca et la ­commune voisine de Melendugno. Un immense ­centre de décompression est prévu. Il faudra donc construire une conduite de raccordement de 80 kilomètres de long de San Foca à la petite ville de Mesagne, près de Brindisi. Mais il n’y a pas encore de projet pour cela. Mesagne est le fief de la mafia des Pouilles, la Sacra Corona Magazine Greenpeace Nº 3 — 2012

Unita. C’est là que Melissa a vécu sa brève ­existence. Pourtant, pour une fois, la mafia n’est pour rien dans la bombe qui l’a tuée.

* EGL a été entièrement repris par Axpo en février 2012.

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Centrales à gaz en Suisse

Centrales à gaz en Suisse: Une solution ­sale et non ­rentable

année. La loi suisse exige que ces émissions soient entièrement compensées, dont la moitié sur le sol helvétique. Or cela a un coût. En ­Europe, les prix se situent entre 7 et 35 francs la tonne. En Suisse, le coût grimpe entre 70 et 150 francs la tonne. La compensation des émissions de CO2 n’est pas la panacée en matière de préservation du climat. Après plusieurs années d’existence, ce système n’a pas permis de réduire significativement les émissions de CO2 sur la planète. par Mathias Schlegel De plus, elle ne couvre pas les émissions de méthane, un gaz dont l’impact sur le climat est Dans différents cantons de Suisse ­romande, les projets de grandes cen- 20 fois plus élevé que celui du CO2. Si la Suisse souhaite atteindre ses objectifs en matière de trales à gaz ont ressurgi des tiroirs dès la confirmation de la sortie du nu- réduction des émissions de gaz à effet de serre, elle ne peut pas se permettre d’émettre 1,5 million cléaire par les Chambres fédérales. de tonnes de CO2 supplémentaires par année. Si, à Genève, le Conseil d’État a enterré La compensation du CO2 et le prix de le projet de la centrale du Lignon en ­l’importation du gaz ont donc un impact sur le février dernier, deux grandes centrales prix au kWh du courant produit par ces cen­ à gaz pourraient bien voir le jour en trales. Celui-ci sera supérieur au prix du marché. Valais et à Neuchâtel, respectivement Trois facteurs permettraient de changer la donne: celles de Chavalon et de Cornaux II. une chute des prix du gaz, une augmentation du prix du courant ou la possibilité de compenser la plus grosse partie du CO2 émis à l’étranger. Or une baisse du prix du gaz induite par une Si le principal problème environnemental posé réduction de la demande est impossible, celle-ci par les centrales à gaz reste les émissions de gaz étant appelée à augmenter de 17% au niveau à effet de serre, il vaut aussi la peine de s’inter­ mondial dans les cinq prochaines années, selon roger sur leur rentabilité. Celle-ci dépend de deux l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Les facteurs essentiels: le rendement énergétique cours du gaz pourraient également baisser avec et les émissions de gaz à effet de serre. Le rende- l’augmentation de l’offre par le recours à des ment énergétique, c’est la quantité d’énergie ­ressources non conventionnelles, tels les gaz de sous forme de gaz naturel qui est effectivement schiste ou les réserves de gaz de l’Arctique, mais convertie en courant électrique ou en chaleur. l’exploitation de ces ressources pose des pro­ blèmes environnementaux insolubles et doit Les promoteurs du projet de Cornaux II tablent sur un rendement de 70%. Pour Chavalon, les absolument être proscrite. chiffres sont encore plus bas, la centrale n’atteiPour ce qui est du prix du courant, rappegnant même pas le seuil des 60%. À titre de lons que le principal frein à l’essor des nouvelles comparaison, de plus petites centrales au gaz, énergies renouvelables est le prix trop élevé de l’électricité qu’elles produisent. Une augmentaintégrées à des réseaux de chauffage à distance tion du prix du courant doit en premier lieu et en mesure d’absorber la plus grande partie ­profiter aux énergies renouvelables. Enfin, les de la chaleur produite, atteignent des rendecompensations des émissions de CO2 doivent ments de plus de 80%. À la différence du soleil, se faire en Suisse. L’argent dépensé en la made l’eau ou du vent, le gaz n’est pas une matière première gratuite. Pour que le prix du courant tière profite ainsi à l’économie locale et n’est pas produit soit concurrentiel, il faut des rendements perdu à l’étranger. Au regard de ces différents énergétiques plus élevés que ceux atteints par éléments, il semble impossible de construire en les grandes centrales. Suisse de grandes centrales à gaz qui soient De plus, chacune de ces centrales émettra à la fois rentables et respectueuses de l’environentre 700 000 et 750 000 tonnes de CO2 par nement. Magazine Greenpeace Nº 3 — 2012

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Magazine Greenpeace Nº 3 — 2012

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© KEYSTONE / Andree-Noelle P ot

Ancienne centrale thermique de Chavalon à Vouvry (VS): des recours ont été déposés contre la construction de la centrale à gaz.


Initiative efficacité énergétique

Ajoutons que l’impact sur le climat n’est de loin pas le seul problème environnemental posé par l’activité de ces centrales. Différents polluants seront émis dans l’environnement, notamment de l’oxyde d’azote, de l’acide chlorhydrique, de l’acide sulfurique et de l’ammoniac. On doit également prendre en compte la construction de gazoducs et de lignes à haute tension qui doit être acceptée par la population locale. Enfin, ces installations seront très gourmandes en eau. La centrale de Chavalon pourrait en­ gloutir l’équivalent de la consommation en eau d’une ville de 45 000 habitants. Pour toutes ces raisons, Greenpeace estime que les centrales à gaz, à l’image des centrales nucléaires, constituent des solutions énergétiques dépassées. Il faut aujourd’hui favoriser l’essor des nouvelles énergies renouvelables et se fixer des objectifs plus ambitieux en matière de ­maîtrise de la demande en électricité. Si, sur le papier, les deux projets de centrales à gaz permettraient de compenser une grosse partie de la production de Mühleberg et de Beznau 1, les deux plus anciens réacteurs nucléaires du pays, l’enthousiasme des principaux groupes du secteur électrique n’est pas au rendez-vous. Axpo a décidé d’attendre 2017 avant de se prononcer sur le recours au gaz pour remplacer la production de sa centrale de Beznau. Pour l’heure, sa direction estime que les conditions économiques ne sont pas remplies. Alpiq laisse son actionnaire minoritaire EOS porter seul le projet de Chavalon. Quant aux Forces motrices bernoises (FMB), si elles prennent 20% de participation dans le projet de Cornaux II, aux côtés de Groupe E et de Romande énergie, elles ont gelé le projet de centrale prévu à Utzenstorf, dans le canton de Berne.

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Une initiative pour l’efficacité énergétique par Greenpeace «L’efficacité énergétique» est un concept souvent rabâché qui ne dit pas grand-chose à beaucoup de gens. Il faut que cela change. Car le tournant énergétique ne deviendra réalité en Suisse que si l’on économise de l’électricité à grande échelle. La mise en œuvre de l’efficacité énergétique reçoit aujourd’hui le petit coup de pouce politique qui lui était urgemment nécessaire: Greenpeace et d’autres associations environnementales ­lancent en effet une initiative populaire en faveur d’un approvisionnement électrique sûr et ­éco­nomiquement viable – l’initiative Efficacité éner­getique. Son but est de renforcer la valeur de l’efficacité dans la stratégie énergétique et de fixer des objectifs contraignants. Un énorme potentiel d’économie inexploité Aujourd’hui en Suisse, un kilowattheure d’électricité sur trois est produit inutilement. ­ En prenant des mesures concrètes en matière d’efficacité énergétique, on pourrait économiser d’ici 2025 la production annuelle d’environ ­quatre centrales nucléaires de la taille de celle de Mühleberg, à savoir 13 térawattheures (TWh) par an, et même 19 TWh d’ici 2035, ce qui représente environ six fois la production de Mühleberg. Une volonté politique (encore) insuffisante Une politique cohérente est nécessaire pour tirer parti du potentiel d’économies d’énergie existant en Suisse. Elle implique notamment un train de mesures incluant une taxe d’incitation sur l’électricité, des prescriptions de consommation rigoureuses pour les appareils ainsi que des obligations en matière d’efficacité pour les gros consommateurs et les entreprises d’approvisionnement en électricité. Mais surtout, la stratégie énergétique de la Confédération doit formuler un objectif d’économies ambitieux et contraignant. La volonté politique fait pour l’instant défaut. C’est ici qu’intervient l’initiative Efficacité énergétique.

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Chaque signature compte Le Conseil fédéral et le Parlement doivent recevoir au plus vite un signal fort de la part des électeurs suisses: nous voulons un approvisionnement électrique intelligent, économique, qui préserve les ressources et sans nouvelle centrale nucléaire. La collecte des signatures commencera dans les prochains jours. Vous pouvez d’ores et déjà commander des feuilles de signatures et autre matériel d’information sur www.greenpeace.ch/efficacite. Contact: Anne Koch, Energy Efficiency Cam­ paigner, Greenpeace Suisse

Oui, j’aimerais soutenir l’initiative Efficacité ­ nergétique. Veuillez m’envoyer des informations é complémentaires.

Comment arrêter six centrales nucléaires Éclairage domestique, industriel, commercial ou public: on économise beaucoup de courant en utilisant des ampoules économiques ou LED. Potentiel d’économies:

4,1 TWh: au moins 1 fois la ­centrale de Mühleberg La domotique comprend les systèmes de chauffage, de refroidissement et d’aération. Les chauffages et chauffe-eau électriques sont les plus gros électrivores dans les ménages suisses. Ils peuvent être remplacés par des collecteurs solaires, des chauffages à pellets ou des pompes à chaleur efficaces. Potentiel d’économies:

2,5 TWh: presque 1 fois la ­centrale de Mühleberg Appareils ménagers et électronique de loisirs: ­grâce aux techniques actuelles, p. ex. des frigidaires mieux isolés ou l’utilisation de blocs multi­ prises à interrupteur, on peut fortement ­réduire la consommation d’électricité. Potentiel d’économies:

3,2 TWh: 1 fois la centrale de Mühleberg La bureautique, les technologies de l’information et de la communication et les applications électriques dans le transport ferroviaire, les remontées mécaniques ou les tramways doivent être optimisées. Potentiel d’économies:

E-Mail

Adresse

2,8 TWh: presque 1 fois la ­centrale de Mühleberg

NoM / Prénom

Initiative efficacité énergétique

Une initiative qui met la pression Cette initiative est la réponse aux propositions encore beaucoup trop timides du Conseil fédéral. Elle exige que la nécessité de stabiliser d’ici 2035 la consommation électrique au niveau de l’année 2011 soit inscrite dans la Constitution. Grâce à cet objectif concret, le monde politique se verra doté d’une directive claire en ­matière de promotion de l’efficacité énergétique – ce qui empêchera que les centrales nucléaires ou à gaz ne reviennent par la petite porte.

Envoyez à: Anne Koch, Greenpeace Suisse Heinrichstrasse 147, case postale, 8031 Zurich

Les applications électriques dans l’industrie et le commerce, les moteurs industriels principalement, consomment plus de 30% de l’électricité en Suisse. Environ un tiers peut être économisé à l’aide de ­moteurs modernes et de commandes optimisées. Potentiel d’économies:

6,4 TWh: 2 fois la centrale de Mühleberg (1 térawattheure (1 TWh) = 1 milliard de kilowattheure (kWh) 1 kWh suffit pour env. 8 heures de télévision ou 100 demandes d’information sur le Net.

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Micropolluants

«Les stations d’épuration ­doivent ­s’équiper»

micropolluants dans le Léman. Ce sont des pics de pollution, parfois de très hautes concentrations. Une fois par an, voire plus. Souve­nez-vous de la baie de Vidy à Lausanne, qui était nauséabonde il y a plusieurs décennies. La qualité de l’eau s’est améliorée depuis les ­années 1960 avec les stations d’épuration (STEP). Et depuis les années 1990, il y a plus de chercheurs et plus de Les micropolluants semblent inoffen- surveillance. Mais c’est encore loin d’être idéal. sifs en raison de leur petite taille. Mais Qu’en est-il des pesticides? En février 2012, Greenpeace a lancé une pétition qui ils sont dangereux et persistants: on les trouve dans l’eau, les aliments, les ­demande un moratoire pour protéger les abeilles. cosmétiques, les vêtements et tout Le problème de la mortalité des abeilles est autour de nous. multifactoriel. Les pesticides jouent certainement un rôle dans leur disparition et il est donc Lancée en juillet 2011, la campagne «Detox!» important de se préoccuper du risque qu’ils avait mis l’accent sur la pollution des eaux en ­représentent. La situation s’est améliorée dans Chine, principal producteur de textiles. Mais l’ensemble. À partir des années 1980, on a cette campagne a aussi montré l’impact sur la ­commencé à réglementer les produits. Il fallait Suisse, quand on sait que plus de 85% des prouver qu’ils étaient sans risque avant de les ­micropolluants des textiles importés sont libérés lancer sur le marché. Les agriculteurs commenlors des lessives et finissent dans les cours d’eau. cent à changer d’attitude et font attention où ils reversent leurs produits; les agronomes, de Le dernier rapport de la Commission pour la protection des eaux du Léman (CIPEL) dénonce leur côté, ont commencé à baisser les doses. également la pollution du lac Léman. Enfin, Quelles sont les principales sources de Greenpeace a lancé en février 2012 une pétition ­pollution en Suisse? contre les herbicides qui affaiblissent les abeilles. La plus importante est liée à nos activités quotidiennes: détergents, cosmétiques, etc. Entretien avec Nathalie Chèvre, écotoxicologue On trouve ensuite les pollutions agricoles. et auteur du livre Alerte aux micropolluants. Contrairement aux idées reçues, la pollution Greenpeace: Ces substances chimiques industrielle n’arrive qu’en troisième position. ­d’origine humaine retrouvées en faibles Que peut-on faire contre les abus? concentrations dans l’environnement – ­ Il y a plusieurs façons d’agir, surtout en les micropolluants – représentent-ils un amont. On peut éviter les surdosages ou les proréel danger? duits de confort comme les blocs désinfectants Nathalie Chèvre: C’est un problème majeur et pour toilettes. On peut également collaborer avec les acteurs de différents domaines. Il fautout sauf anodin. Certains effets sont encore drait par exemple sensibiliser davantage le méconnus. Mais ce qui nous inquiète le plus, ce sont les perturbateurs endocriniens, dangereux ­personnel soignant et l’empêcher de tout jeter à l’évier. Les hôpitaux sont une source importante même à faible dose. Ils peuvent affecter plusieurs générations. Des études font un parallèle de pollution. Nous avons organisé un atelier entre l’augmentation des substances chimiques avec des médecins pour réfléchir aux façons de réduire les quantités de médicaments rejetés dans notre environnement et la baisse de la ­fertilité masculine, la puberté précoce, le cancer dans les eaux. du sein ou encore l’obésité. Plusieurs molécules On pourrait aussi tenter de trouver d’autres chimiques peuvent interagir et leurs effets à long teintures moins polluantes pour les textiles. terme sont encore mal maîtrisés aujourd’hui. Mais cela demande des moyens financiers qui Vous êtes membre du groupe micropolluants ne sont pas toujours faciles à trouver. Il y a de la CIPEL. Qu’observez-vous? ­également le principe du pollueur-payeur, mais Le problème de la pollution industrielle sub- il est difficile de trouver le pollueur principal de certaines substances déversées dans le lac. siste. Il y a toujours une quantité importante de Magazine Greenpeace Nº 3 — 2012

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Les textiles: un cycle toxique mondial

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Micropolluants

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1 Des produits contenant des éthoxylates de nonylphénol (NPE) et d’autres substances ­chimiques sont livrés aux usines textiles et utilisés comme agents tensioactifs. 2 À cause de réglementations laxistes, des NPE sont rejetées avec les eaux usées dans les fleuves, où s’accumule du nonylphénol (NP), un perturbateur endocrinien bioaccumulable et persistant. 3 Le NP s’accumule dans les sédiments et la chaîne alimentaire, p. ex. les poissons. 4 Des textiles contaminés avec de petites quantités de NPE sont exportés dans le monde entier, même dans les pays où l’utilisation de ces produits chimiques est interdite. 5 Les lessives libèrent les NPE dans les ­canalisations. 6 Les stations d’épurations ne parviennent pas à filtrer complètement les NPE et accé­lèrent parfois leur transformation en NP toxiques. 7 C’est ainsi que le NP, un perturbateur ­endocrinien, contamine les cours d’eau de pays qui ont interdit l’utilisation des NPE.

Quels polluants sont les pires selon vous? Les hormones de synthèse et tout ce qui agit sur les hormones: la pilule, le bisphénol A, les phtalates, le PCB, les nonylphénols (NP) issus des textiles. Ces derniers sont persistants et dangereux, car ils perturbent le système endocrinien. Ils ont donc été interdits dans les années 1980. La campagne «Detox!» de Greenpeace a ­dénoncé la pollution des eaux suisses lors du lavage de textiles produits en Chine… Oui, car les stations d’épuration ne sont pas équipées pour traiter les micropolluants. Il y a une nouvelle ordonnance en consultation, qui vise à protéger la flore et la faune aquatiques ainsi que les ressources en eau potable. Les STEP vont devoir s’équiper prochainement, car un traitement complémentaire, même s’il est coûteux, est absolument indispensable. Vous qui avez étudié de près les micro­ polluants, buvez-vous toujours l’eau du lac Léman? Oui, mais pour enlever le chlore qui est ­volatil, il faudrait conserver l’eau au frigo avant de la boire. Attention à l’eau chaude qui n’est pas garantie potable! De plus, elle contient des substances qui pourraient déclencher des ­allergies. Que représente l’eau pour vous? C’est un milieu de vie pour des milliers ­d’espèces et un élément indispensable à notre survie. Il est donc important d’en préserver ­durablement la qualité. Actuellement, les ressources en eau sont encore trop facilement ­polluées par nos déchets solides et liquides. Cela menace notre survie à long terme. Entretien réalisé par Françoise Minarro Docteure de l’EPFL et spécialiste en écotoxi­ cologie, Nathalie Chèvre travaille à l’Université de Lausanne sur la problématique des micro­ polluants dans le cycle urbain de l’eau. Elle a écrit, avec Suren Erkman, Alerte aux micropol­ luants, Lausanne: PPUR (Collection Le savoir suisse), 2011.

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© Dean Sewell / Greenpeace

Rio+20: échec du Sommet de la Terre

Campagnes

La grande barrière de corail menacée par le ­charbon

La grande barrière de corail doit être mieux protégée. L’UNESCO tire la sonnette d’alarme et demande au gouvernement australien de protéger cet écosystème fragile des dégâts causés par le tourisme de masse et par l’extraction de charbon et de gaz. Si rien n’est fait, la grande barrière, composée de plus de 2900 récifs coralliens qui s’étendent sur environ 2600 kilomètres au large de la côte est de l’Australie, pourrait bientôt figurer sur la liste du patrimoine mondial en péril, ­selon un rapport du Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO. Chaque année, deux millions de touristes visitent ce fleuron du patrimoine naturel mondial. Il faudrait avant tout empêcher que de nouveaux ports ne soient construits sur la portion de côte proche de ce site, précise le rapport de l’UNESCO. L’Australie doit remettre un rapport sur la mise en œuvre des mesures de protection d’ici le 1er février 2013. L’UNESCO jugera alors si elle doit inscrire la grande barrière de corail sur la liste des sites menacés. L’Australie a réfuté vivement la critique de l’UNESCO. Le gouvernement prendra des mesures pour protéger l’environnement, mais ne compte pas mettre en danger l’avenir économique du pays, a déclaré Campbell Newman, premier ministre de l’État du Queensland. L’Australie est le plus gros exportateur mondial de charbon. Une grande partie du minerai est transporté par bateau à partir de ports situés non loin de la grande barrière de corail. Greenpeace, qui a demandé au gouvernement australien de faire marche arrière et de renoncer à ses projets d’exploitation du charbon, a également lancé une action de protestation par courriel: www.greenpeace.org/australia.

Magazine Greenpeace Nº 3 — 2012

La déclaration «L’avenir que nous voulons» devait jeter les bases d’une «économie verte» et renforcer un processus visant à fixer des objectifs de développement durable. Or le texte de près de 50 pages reste vague et ne fournit aucune amorce de solution aux problèmes environnementaux qui ont empiré depuis le premier Sommet de la Terre en 1992. Il manque toujours des bases concrètes pour lutter contre le changement climatique, la déforestation et le pillage des océans. Les États-Unis, la Chine ou l’Inde ne souhaitent pas d’objectifs contraignants pour la protection des écosys­ tèmes. À l’instigation des États-Unis, plusieurs délégations s’opposent à une meilleure protection des océans. Le succès des énergies renouvelables, qui offrent une solution économique judicieuse pour produire de l’énergie, a été ignoré. En 2011, 257 milliards de dollars ont été investis dans ce domaine, soit 40 milliards de plus que dans les énergies fossiles. Les décisions du Sommet de Rio ne citent aucun chiffre ni aucune donnée concernant le développement de l’énergie du futur.

Réforme du code forestier au Brésil: une présidente sous haute pression

La présidente du Brésil, Dilma Rousseff, a mis un véto partiel au nouveau code forestier le 25 mai dernier. Elle veut donner l’impression qu’elle s’engage activement pour la protection de l’Amazonie. La réalité est bien différente. Greenpeace craint que ce code forestier assoupli n’accélère la déforestation. Le Brésil a laissé passer une occasion unique de montrer que développement économique et protection de la nature ne sont pas incompatibles. Plus de 300 000 Brésiliens ont déjà signé une pétition réclamant une loi de lutte contre la déforestation, qui assurerait la protection totale de l’Amazonie. Greenpeace demande à la présidente du Brésil d’écouter son peuple et de guider son pays sur la voie du développement durable. Elle pourra alors vraiment revendiquer un leadership mondial sur cette question et être considérée comme une présidente qui tient compte des préoccupations de son peuple.

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Pétition pour la protection des abeilles

Les abeilles jouent un rôle essentiel pour les écosystèmes et l’agriculture. Sans la pollinisation par les abeilles, la chaîne alimentaire humaine et animale serait menacée. Or la production mondiale de denrées alimentaires dépend à 35% des insectes pollinisateurs. Partout dans le monde, on assiste à un effondrement des colonies d’abeilles. Nous devons agir de toute urgence si nous voulons éviter leur disparition. La Suisse continue d’autoriser dans l’agriculture conventionnelle l’utilisation de pesticides dont la toxicité pour les abeilles est pourtant avérée. Dans l’intérêt d’une agriculture durable, respectueuse des abeilles et proche de la nature, Greenpeace demande: que, selon le principe de précaution, la Confédération décrète un moratoire de dix ans sur les pesticides dont la toxicité et les risques

Nous avons examiné ces ­questions et d’autres avec des professionnels et sommes ­arrivés à la conclusion… … que la Suisse est tout à fait en mesure d’assurer son ­approvisionnement en électri­ cité d’ici 2025 avec des ­énergies renouvelables, favo­ rables au climat et efficaces.

pour les abeilles sont prouvés, en particulier le fipronil et les néonicotinoïdes (clothianidine, thiaméthoxame, imidaclopride et thiaclopride) — comme l’actualité internationale le montre, il est tout à fait possible d’imposer ces interdictions: dans plusieurs pays européens, dont la France, l’Allemagne, l’Italie et la Slovénie, les autorisations de certains néonicotinoïdes ont été suspendues provisoirement ou définitivement sur certaines plantations; que les procédures d’homologation soient plus transparentes et que la Confédération charge des instances indépendantes de vérifier les effets à long terme des pesticides sur la biodiversité dans l’agriculture. Signez la pétition en ligne sur www.greenpeace.ch/ abeilles ou téléchargez le document que vous renverrez, dûment rempli, avant le 31 décembre 2012 à: Greenpeace Vaud, 36 av. de Sévelin, 1004 Lausanne. Renseignements: abeilles@greenpeace.ch Film conseillé: More than Honey. Dans ce ­documentaire, Martin Imhof part à la recherche des causes de la mortalité des abeilles. Dans les cinémas romands à partir du 14 novembre.

Un approvisionnement en électricité à 100% renouvelable d’ici 2025 – est-ce faisable en Suisse?

La nouvelle brochure d’information de Greenpeace vous explique les ­conditions nécessaires pour un approvisionnement en électricité renouvelable à 100% et efficace, quels coûts en résulteraient, quelles en seraient les conséquences pour le paysage et les hommes et aussi ce que vous personnellement pouvez contribuer. Vous trouverez la brochure encartée au milieu du magazine. Nous vous souhaitons une agréable lecture!


Le rapport annuel de Greenpeace est en ligne

tances toxiques de leur chaîne de production d’ici 2020 — usine après usine, pays après pays. La célèbre marque de jeans et de prêt-à-porter G-Star a certes publié une prise de position, mais, contraiJetez un coup d’œil à notre rapport annuel 2011! rement aux autres entreprises, elle n’a fait que de Vous pourrez constater que Greenpeace utilise à vagues promesses, notamment celle de réduire «autant que possible» les émissions toxiques. Sur bon escient l’argent qui lui est confié. son site Internet, G-Star se vante pourtant d’être En 2011, 159 000 donateurs ont soutenu une entreprise écologique modèle. ­notre organisation en Suisse. Nous avons reçu 25,3 millions de francs de dons. 18% provenaient de grands donateurs, de fondations et de successions (dont certains anonymes). Grâce à la confiance de nos donateurs, nous La Suisse importe 300 000 tonnes de soja (surtout du Brésil) pour l’alimentation du bétail. Le volume avons pu atteindre des objectifs ­importants des importations a augmenté de 21% au cours pour la protection de l’environnement en des deux dernières années. 41% de ce soja finit 2011. Dans le rapport annuel interactif, outre le bilan dans les mangeoires de nos vaches qui ­mangent et les comptes annuels, vous trouverez des arti- en principe de l’herbe. Les conséquences de ce cles intéressants, des photos et des vidéos sur mode d’élevage sont des excédents de lait, des toutes nos activités et nos succès de l’an dernier, paysans qui souffrent de prix à la baisse, ainsi que ainsi que des informations sur notre écobilan: des dégâts causés à l’environnement en Suisse et dans les pays cultivant du soja. www.greenpeace.ch/rapportannuel. Or ce sont les contribuables qui financent Si vous le souhaitez, nous vous enverrons une version imprimée de ce rapport annuel. l’agriculture dans notre pays. Ils attendent en Veuillez contacter notre service d’information contrepartie une production de qualité et respec(tél. 044 447 41 71 ou infoservice@greenpeace.ch). tueuse du développement durable. Greenpeace a donc lancé une pétition pour demander aux parlementaires de s’engager en faveur d’une production de lait et de viande bovine écologique dans le cadre de la Politique agricole 2014-2017. Les résultats d’un sondage confortent les revendications de la pétition. Une nette majorité des personnes interrogées Il y a un an, Greenpeace publiait le rapport «Linge juge problématique l’utilisation d’aliments sale»: Septante-huit produits textiles de quinze concentrés pour les vaches, grandes marques, achetés dans dix-huit pays, serait prête à payer plus pour du lait produit à avaient été analysés pour détecter des substanbase d’herbages, et ces chimiques dangereuses. Deux tiers des pro pourrait s’imaginer que les 3,5 milliards de duits contenaient des éthoxylates de nonylphénol francs de subventions agricoles aillent prin(NPE). Parmi eux, trois sur cinq de la marque G-Star. cipalement aux entreprises pratiquant une Les NPE sont utilisés dans les procédés de traiteagriculture écologique (production laitière ment par voie humide et de teinture. L’utilisation de sans aliments concentrés, sans utilisation ces produits chimiques est interdite dans l’Union d’engrais chimiques ou de pesticides). européenne et leur importation est sévèrement Signez, vous aussi, cette pétition sur: limitée. L’utilisation des NPE n’est en revanche pas www.greenpeace.ch. réglementée dans les pays producteurs. En raison de la campagne «Detox!» de Green­ peace, Adidas, C&A, H&M, Puma et Nike ont déjà présenté des plans concrets de décontamination. Ces marques comptent éliminer les subs-

Campagnes

De l’herbe plutôt que du soja!

G-Star doit cesser de ­pratiquer ­l’écoblanchiment

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«mobil-e», la toute nouvelle boîte d’infos de Greenpeace, aborde sur un ton ludique le thème de l’approvisionnement électrique et vous fournit des informations presque jusqu’à votre porte, à savoir sur la place du village. «mobil-e» propose des faits et des chiffres sur la réalisation d’un avenir électrique 100% renouvelable d’ici 2025, mais aussi des suggestions et des connaissances sur l’économie, ainsi que sur la protection du climat et des paysages.

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Clean Our Cloud — même Apple mise sur le ­courant vert

Chaque jour, nous produisons, sauvegardons et envoyons de nombreux térabits de photos, vidéos ou fichiers MP3. Ces données sont sauvegardées sur Internet et nécessitent de gigantesques centres de traitement qui représentent une part toujours plus importante des besoins énergétiques dans le monde. Le revers de la médaille, c’est que pour assurer l’alimentation électrique d’Internet, des tonnes de CO2 provenant de centrales à charbon sont rejetées chaque jour dans l’atmosphère. Greenpeace a donc invité les trois plus grandes entreprises du secteur – Apple, Amazon et Microsoft – à exploiter ces centres de manière propre, c’est-à-dire sans électricité produite à partir de charbon. Le but est qu’elles s’approvisionnent en courant issu d’énergies renouvelables. Près de 250 000 personnes ont déjà signé la pétition lancée par Greenpeace, exigeant des Magazine Greenpeace Nº 3 — 2012

responsables qu’ils abandonnent l’électricité des centrales nucléaires ou à charbon. Apple a annoncé son intention de construire ses propres fermes solaires pour alimenter son nouveau centre de traitement de Maiden, en Caroline du Nord, et de passer complètement aux énergies renouvelables à long terme. Microsoft veut exploiter ses centres de traitement sans produire de CO2 dès le milieu de l’année, mais surtout en acquérant des certificats de courant vert. Quant à Amazon, elle a jusqu’à présent ignoré nos revendications et arrive loin derrière Apple et Microsoft en matière d’approvisionnement électrique. Greenpeace continuera sa campagne jusqu’à ce qu’Apple et les autres géants de l’informatique garantissent que leurs centres de traitement sont propres et le resteront. Vous pouvez, vous aussi, nous aider en envoyant un message de protestation par courriel aux dirigeants de ces grandes entreprises! www.greenpeace.org/cleanourcloud (en anglais)

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© Greenpeace/Fojtu

«mobil-e» se déplacera dans toute la Suisse ces prochaines années. Venez y faire un tour! Infos: http://mobile.greenpeace.ch.


Campagnes

Nouveau manuel de Greenpeace

La politique et l’économie ont découvert depuis belle lurette le thème de l’écologie. Mais elles rechignent à prendre les mesures nécessaires pour un monde meilleur, plus vert. Que faire? Prendre les choses en main, agir soi-même. En tant que citoyen ou consommateur. Car la protection de l’environnement commence et s’achève là où l’homme entre en scène. Greenpeace publie un manuel pratique à cet égard. À l’aide de conseils et d’explications, il montre comment on peut facilement et rapidement agir. Dans une série d’essais distrayants, des spécialistes et des précurseurs s’expriment sur des questions auxquelles on ne peut donner de réponses simplistes. Pour les écologistes ambitieux, ce livre fournit des informations très instructives – intelligemment structurées, mises en page et illustrées avec le plus grand soin. Cet ouvrage paraîtra en automne en allemand; une version française est en préparation. Les membres de Greenpeace peuvent le commander par email à l’adresse thoreau@greenpeace.ch au prix de 20 francs au lieu de 34 (frais de port inclus).

voltaïque a été montée sur le toit de sa maison. Cela grâce à l’équipe de Solafrica dirigée par Elizabeth Otieno. La formation proposée par Greenpeace et Solafrica.ch a permis à cette jeune femme de 23 ans de devenir la responsable de ce projet de développement solaire. Mama Sarah se réjouit depuis longtemps de ce cadeau. Et cette nouvelle source d’énergie profitera à tous les habitants du village – ils pourront recharger leurs téléphones mobiles chez elle. Ces téléphones sont un lien vers l’extérieur, mais aussi un instrument pour les transferts d’argent qui, en raison de la migration, font partie du quotidien de chaque famille. Les installations solaires offrent des possibilités de formation et des perspectives pour les jeunes. Elizabeth Otieno en est la garante. Alors que le gouvernement du Kenya planifie son entrée dans l’énergie nucléaire, elle et son équipe prouvent que le solaire est une option plus judicieuse dans les pays du Sud. La journaliste de Greenpeace Laura Weidmann a rédigé un reportage sur Sarah et «Solar Queen» Elizabeth. Vous pouvez le lire sur www.greenpeace.ch/magazine.

Solar Queen Elizabeth se ­présente

Face à un réseau électrique peu fiable, auquel la plupart des villages ne sont pas raccordés, le courant solaire peut signifier pour le Kenya la santé, la sécurité et l’indépendance. Kogelo est l’un de ces villages. C’est ici qu’habite Mama Sarah, la grandmère du président des États-Unis, Barack Obama. Pour son 90e anniversaire, une installation photoMagazine Greenpeace Nº 3 — 2012

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© J oerg er S tau ss

Déchets plastiques

Sensibilisation dans les musées

BRÈVES

Au milieu des océans, cinq gigantesques amas de déchets plas­ tiques flottent au gré des courants giratoires – un phénomène encore méconnu. Seuls 15% des déchets s’échouent sur les plages, tandis que 70% coulent au fond de la mer et le reste continue de flotter. Le Museum für Gestaltung de Zurich a dédié une exposition à ces décharges flottantes: «Une exposition sur la fin du design et l’héritage que nous lèguerons à nos enfants», comme l’écrit le directeur du musée, Christian Brändle, sur le site Internet du projet. La pièce maîtresse est une installation constituée de débris marins en plastique ramassés lors d’opérations de nettoyage des plages à Kahoolawe, une île déserte d’Hawaï, à Sylt en mer du Nord et à Fehmarn dans la Baltique. Ces déchets invitent à la réflexion sur l’origine, le cycle de vie et l’utilisation des produits en plastique. Des commentaires, des photos et des films mettent en évidence l’ampleur de cette catastrophe écologique. Ils montrent comment des oiseaux périssent après avoir ingéré ces débris plastiques qu’ils prennent pour de la nourriture ou comment des microparticules finissent dans nos assiettes. Quant à l’exposition «Oh, Plastiksack!», présentée au Gewer­ bemuseum de Winterthour, elle est exclusivement consacrée au sac en plastique. Plus de trente artistes Magazine Greenpeace Nº 3 — 2012

et designers du monde entier ­interprètent le thème et racontent, en même temps, des histoires culturelles, esthétiques ou politiques triées sur le volet, se rapportant à la Suisse ou à l’Allemagne. Bien qu’à l’échelle mondiale, la montagne de plastique augmente de jour en jour, nous avons reçu, il y a quelques semaines, une bonne nouvelle de Los Angeles, symbole même d’une consommation débridée: le Conseil municipal a décidé à une majorité écrasante d’interdire les sacs en plastique dans les supermarchés. «Endstation Meer? Das Plastik­ müll-Projekt», Museum für ­Gestaltung, Zurich, du 4 juillet au 23 septembre 2012, www.plasticgarbageproject.org «Oh, Plastiksack!», Gewerbe­ museum, Winterthour, du 3 juin au 7 octobre 2012, www.gewerbemuseum.ch Électricité

Des compteurs ­intelligents pour faire des économies

tion d’électricité, elles faciliteront les campagnes d’économies d’énergie ou la mise au point de nouveaux tarifs incitant à un ­comportement plus économe. Une étude mandatée par ­l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) atteste que l’introduction de ces nouveaux compteurs est rentable. Elle en conclut que leur installation sur tout le territoire (80% de la population) échelonnée sur vingt ans (de 2015 à 2035) serait économiquement viable. Les frais induits par les appareils et l’inst­allation, estimés à environ un m ­ illiard de francs, seraient compensés par un profit de 1,5 à 2,5 milliards, surtout sous forme d’économies d’électricité chez le client. Étude: http://www.news.admin.ch/ NSBSubscriber/message/ attachments/27519.pdf Qualité de l’air

Un pavé qui absorbe les gaz polluants

Dans le monde entier, les villes prolifèrent et la circulation ­automobile s’accroît. Les valeurs limites d’oxydes d’azote seront Dans dix ans, les premières difficiles à respecter. Ne serait-il ­centrales nucléaires suisses seront pas plus pertinent de capter tout de suite les oxydes d’azote là où ils arrêtées sans être remplacées. se forment, c’est-à-dire près du Ainsi en ont décidé le Conseil fédéral et le Parlement. Une partie pot d’échappement, grâce au revêtement de la chaussée? Cette idée du courant manquant pourra être économisée grâce aux «smart a conduit le géologue Werner ­Tischer à développer un pavé phometers». Ces compteurs intelligents – de petits ordinateurs raccor- tocatalytique. L’Institut Fraun­ hofer a attesté que ce bloc en béton dés au réseau électrique domes­ tique – saisissent la valeur de d’un nouveau genre pouvait consommation et le montant exact ­absorber de 20 à 30% des oxydes de la tension, puis transmettent d’azote, et même jusqu’à 70% en ces données à un serveur central. l’absence de vent. Si ces pavés, Il en résulte des possibilités intéde l’avis des experts, ne permetressantes: ces valeurs peuvent être tront pas à eux seuls d’éliminer les oxydes d’azote qui polluent l’air fournies rapidement au client et le sensibiliser à son propre compor- de nos villes, ils constituent une mesure parmi d’autres. tement. Quant aux informations supplémentaires sur la consomma­ www.nuedling.de

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Rapport sur l’environnement

Sans mesures ­décisives, le chaos menace

BRÈVES

Le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) a publié la 5e édition de son Global Environment Outlook (GEO) pour servir de base aux négociations lors de la Conférence Rio+20 en juin dernier. Durant trois ans, 600 experts du monde entier ont analysé les progrès accomplis dans la réalisation des 90 principaux objectifs mondiaux en ­matière d’environnement. Ils sont arrivés à la conclusion que seuls quatre de ces objectifs avaient notablement progressé. Selon ce rapport, la pression humaine sur les écosystèmes a atteint un seuil critique et, dans certains domaines, les limites biophy­ siques ont déjà été dépassées. Les scientifiques s’inquiètent en ­particulier du changement climatique qui se poursuit: quatre ­analyses indépendantes révèlent que la période de 2000 à 2009 a été la plus chaude jamais enregistrée. Les émissions provenant de la combustion de carburants et des cimenteries n’avaient encore jamais été aussi élevées qu’en 2010. Les modèles climatiques ­actuels montrent que les émissions de gaz à effet de serre pourraient doubler au cours des 50 prochaines années, ce qui devrait conduire à une augmentation de la température mondiale de 3°C. La perte de la biodiversité est également une réalité tragique, spécialement pour les écosystèmes marins, constate l’équipe du GEO. Les récifs coralliens sont les plus menacés. Ils ont diminué de 38% depuis 1980. Si les aires protégées représentent 13% de la surface terrestre, les zones marines ne Magazine Greenpeace Nº 3 — 2012

sont protégées que sur 1,6% des océans. Les ambitions affichées dans les résolutions internationales étaient d’arriver respectivement à 17 et à 10% d’ici 2020. En revanche, l’interdiction de substances nocives pour l’ozone et l’introduction de carburants sans plomb ont eu des effets positifs sur l’environnement. L’accès à l’eau potable s’est aussi amélioré pour de nombreuses personnes, même si cela a eu des conséquences ­indésirables sur les nappes phréatiques: en 50 ans, les prélèvements d’eau ont triplé. Cette hausse est surtout due à l’agriculture, qui utilise 92% de l’eau douce consommée dans le monde. La consommation des res­ sources ne cessant d’augmenter, les gouvernements devraient être bientôt confrontés à des ­dégâts environnementaux sans précédent, a averti le directeur du PNUE, Achim Steiner. Les auteurs de ­l’étude exigent l’instauration d’une économie verte et une redéfinition du bien-être qui aille au-delà du produit intérieur brut. Rapport et résumés: www.unep.org/ geo/geo5.asp

soins en électricité sans dommage pour l’homme et l’environnement? De l’énergie propre pour les transports, l’habitat et le travail: quelles sont les options et les meilleu­res façons de les réaliser? Que puis-je faire, à titre privé ou en tant que citoyen au niveau communal, cantonal ou fédéral? Des cours auront lieu les samedis 20 octobre et 3 novembre 2012 à Lausanne. Une participation aux frais de 300 francs est demandée (repas végétarien compris). Les cours sont gratuits pour les bénévoles actifs. Contact: 100pourcent-renouvelable@ greenpeace.ch À lire

100% renouvelable de Rudolf Rechsteiner Comment sortir de l’impasse après Fukushima

Le fait que, depuis Fukushima, la Suisse ait décidé de renoncer à de nouvelles centrales nucléaires est un tournant historique qui semblait impensable il y a encore peu de temps. Mais comment remplacer proprement les vieilles Energy Academy centrales? Comment garantir la sécurité de l’approvisionnement? Comment réduire les émissions de CO2 sans trop de frais? Cet ouvrage montre par quels moyens le passage aux énergies La catastrophe au Japon et l’inquié- renouvelables sera possible. La Suisse et son économie peuvent en tante déstabilisation du climat nous montrent à quels problèmes profiter. Plus de cent illustrations considérables conduisent les fournissent des réponses aux ­énergies fossiles et nucléaires. questions les plus brûlantes. Un Le cours «Energy Academy – 100% livre qui intéressera toutes celles et renouvelable» vous familiarise tous ceux qui souhaitent un avec les options fondamentales de avenir sans crise énergétique. Les membres de Greenpeace l’avenir énergétique. En deux ­journées, nous vous présenterons peuvent commander ce livre au prix spécial de 25 francs à l’adresse: les possibilités et les solutions qui s’offrent à la politique énergétique infoservice@greenpeace.ch. Livrable dès octobre. suisse: Comment couvrir les be-

Energy Academy – 100% renouvelable

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Le point sur les i — la chronique de Kuno

© J ir i R ezac / G r eenpeace

Sables bitumineux

Des souris et des ­hommes

Lorsque nous étions enfants, nous racontions les blagues de ­l’éléphant et de la souris. L’une disait: une souris fait pipi dans la mer, puis se tourne vers l’éléphant et lui demande: «Au fait, je peux?» C’est comme avec les changements de comportement individuels: moins utiliser sa voiture ou économiser de l’électricité, ce n’est qu’une goutte d’eau dans la mer. Les changements de comportement ne sont importants pour l’environnement que s’ils se produisent à l’échelle collective. Mais cela suppose une décision commune, un ordre ou une campagne. Dans presque tous les autres cas, une stratégie misant sur des Dans le cadre de la directive de changements volontaires échoue à cause de l’inertie du plus grand l’UE concernant la qualité des nombre. De nombreuses organisations environnementales es­ carburants, une valeur d’émission timent toutefois pouvoir rassembler autour d’elles une foule de souris. de gaz à effet de serre plus élevée L’idée est simple: informer d’un problème permet d’en prendre a été attribuée aux carburants pro- conscience et suscite un changement de comportement. La psychoduits à partir de sables bitumisociologie montre pourtant que les normes et l’effet rebond font neux. L’importation de ces produits couler à pic toutes ces gouttes d’eau dans la mer. Et ce qui ne marche pas chez des adultes échouera à coup sûr dans l’UE serait ainsi quasiment impossible. Ces sables, que l’on chez des jeunes. Pourtant, les offres en matière d’«éducation à l’environnement» ne manquent pas – sans que l’environnement soit exploite surtout au Canada, sont une ressource non conventionmieux protégé et que les jeunes aient appris quoi que ce soit. Une nelle permettant de produire du telle éducation, c’est du pipeau: la baignoire déborde, les enfants pétrole. Leur extraction, difficile, épongent le sol, mais oublient de fermer le robinet. On s’attaque nécessite une grande quantité aux symptômes et non aux causes. C’est pour cela qu’il y a des subd’énergie et entraîne la destruction ventions... de vastes surfaces de forêts. Les Cette pédagogie de la mauvaise conscience est bien éloignée entreprises canadiennes font d’une véritable «éducation au développement durable»* qui pour­depuis longtemps pression pour rait se résumer ainsi: défendre les sables bitumineux. encourager l’expérience vécue, surtout chez les enfants: L’ambassadeur du Canada en Alle­ «Du balai! – mais vraiment» (au lieu d’appeler une équipe de netmagne a critiqué cette directive toyage); en arguant qu’elle ne repose pas sur organiser des travaux pratiques, p. ex. des stages pour les des faits scientifiques, alors que ­jeunes (au lieu de ces ennuyeuses séances de «sensibilisation»); apprendre en mettant la main à la pâte et en réfléchissant la commission se réfère à une étuà ce que l’on fait – et non se contenter de transmettre des savoirs. de de l’Université Stanford. La Précisons, pour éviter tout malentendu: respecter soi-même directive devait être soumise à un l’environnement, c’est bien. Ce qui ne va pas, c’est d’appliquer vote en juin. Mais la commission ayant décidé de mandater d’autres ­uniquement une stratégie, avec une foule de petits tuyaux qui ne font pas avancer les choses. Si tu lances dix balles à la fois à études sur les conséquences pos­ sibles de cette législation pour les quelqu’un, il n’en attrapera aucune. entreprises et les marchés, le vote * voir p. ex. http://www.educ-envir.ch Idées et thèses plus détaillées à ce propos sur le blog (en allemand): n’aura lieu qu’au début 2013. www.greenpeace.ch/kuno

Un lobby canadien s’oppose à une ­directive de l’UE

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Ou achetez-la sur www.greenpeace-schenken.ch et financez l’achat d’une lampe pour un enfant des bidonvilles de Nairobi. Envoyez la solution jusqu’au 30 septembre 2012 par courriel à redaction@greenpeace.ch ou par voie postale à Greenpeace Suisse, rédaction magazine, mots fléchés écolos, case postale, 8031 Zurich. La date du timbre postal ou de réception du courriel fait foi. La voie juridique est exclue. Il ne sera échangé aucune correspondance.

Mots fléchés

© G r eenpeace

Gagnez l’une des trois lampes solaires Kibera.

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© Pi erre Gl eizes / Green peace

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AZB 8031 Zürich

L’OURS ­POLAIRE N’A PAS D’ENNEMI NATUREL. MAIS IL Y A sHeLl.


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