35 ans Faire avec la réalité sans jamais l’accepter
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35 ans
Faire avec la réalité sans jamais l’accepter
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Edito
C
ette année, nous fêtons les 35 ans du GROUPE SOS. L’occasion de regarder le
chemin parcouru et nos accomplissements, non pour s’en féliciter et se reposer sur nos acquis, mais pour en tirer la force nécessaire à continuer. Continuer d’oser, d’in-
nover, de rêver. Et, comme en 1984, continuer d’aller sur les terrains où personne ne s’aventure. Car nous savons à présent que pour chaque nouvelle exclusion, nous sommes capables d’inventer une nouvelle
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solution. Nous y croyions à l’époque, maintenant nous le démontrons. Il y a 35 ans, nous avons décidé d’accueillir et d’accompagner les toxicomanes et les malades du Sida. Nous ne connaissions rien du virus, nous en avions peur. Mais les malades étaient là, ils avaient besoin d’aide : c’était une raison suffisante pour se lancer dans l’aventure. Depuis, nous avons étendu nos actions vers la lutte contre l’exclusion sous toutes ses formes : chantiers d’insertion dans le patrimoine culturel, école de filles en Afghanistan, logement pour tous, hôpitaux innovants où l’accès à la santé d’excellence n’est pas conditionné aux revenus, maisons de retraite solidaires, protection de l’enfance, handicap, migrants, sans-abris, chômage, culture, crèches… Nous avons créé de nouveaux modèles d’inclusion, qui ont plus d’une fois inspiré les politiques publiques. Notre force réside dans notre capacité à nous projeter plus loin que ce qui existe déjà, à ne pas reproduire des modèles qui ne nous satisfont pas.
Cette philosophie vaut pour nos actions tournées vers l’extérieur comme pour notre modèle original et unique. Nous démontrons tous les jours, en France métropolitaine, en Outre-mer et dans quarante-quatre pays qu’il est possible de bâtir une organisation associative solide, sans actionnaire ni dividendes à verser, avec une échelle des salaires encadrée de un à quinze, et dont la totalité des résultats sont réinvestis dans nos actions. Une des seules organisations de cette taille dont la gouvernance est collégiale et paritaire. Une organisation qui construit, au plus près des territoires, des modèles économiques pérennes, qui sauve des activités et des emplois à fort impact social et environnemental, qui forme des centaines de femmes et hommes au quotidien pour encore mieux accueillir les bénéficiaires de nos structures. Une organisation enfin qui tire sa légitimité et sa fierté des actions de terrain, de ses dix-huit mille salariés engagés et créatifs qui bousculent les injustices ancrées dans notre société et changent le monde pas à pas. Et maintenant ? Nous nous tournons vers l’avenir, et continuons à faire avec la réalité sans jamais l’accepter. Nous relevons les défis de notre temps, ceux qui ont toujours existé comme ceux qui surgissent au gré des évolutions du monde. Nous investissons le secteur de la tech pour mettre le numérique au service de l’inclusion, nous nous spécialisons dans la prise en charge des personnes radicalisées, nous éduquons par la pratique au danger
des fake news, nous travaillons à déconstruire les discours de haine, nous expérimentons des modèles pour faire converger transition écologique et insertion des plus exclus. Cette année, nous avons lancé les plaidoyers, pour faire entendre notre voix militante et notre expertise dans le débat public et impulser les évolutions nécessaires. Bientôt, nous lancerons notre propre laboratoire d’idées, l’IMPACT TANK, pour transformer, en lien avec le monde universitaire, nos intuitions basées sur trente-cinq ans d’expérience en données mesurables et objectivables. Grâce à ces nouveaux projets, nous cherchons à convaincre chaque acteur, chaque entreprise, quelle que soit sa forme juridique, de mesurer ses impacts sociaux et environnementaux autant qu’économiques, d’en comprendre la valeur pour les améliorer. Nous cherchons à promouvoir les innovations qui fonctionnent dans nos établissements, pour montrer qu’une nouvelle manière de faire est possible et bénéfique pour tous. Depuis 35 ans, nous sommes une entreprise d’intérêt général, un modèle unique qui a démontré son efficacité comme sa capacité à prendre les problèmes à bras-le-corps en agissant sur son environnement. Jean-Marc Borello, président du directoire du GROUPE SOS et les membres du directoire du GROUPE SOS
Le GROUPE SOS demain
Romain Garcia Membre du directoire – Finances et Gestion des participations
Nicolas Froissard Membre du directoire – Communication corporate et Culture
Éric Balmier Membre du directoire – Synergie & Performance et Transition écologique
« Le secteur de l’énergie qui est le
« Nous ne communiquerons plus
« Nous aurons collectivement
secteur d’activité aujourd’hui des
qu’avec l’aide d’artistes engagés
plus grandes entreprises mondiales
qui illustreront au quotidien les
ainsi que l’agriculture seront des
histoires de vie qui traversent nos
enjeux majeurs pour lesquels le Groupe aura une place prépondérante. Il sera le garant d’un juste et efficace accès aux ressources durables pour les populations. » Gaëlle Tellier Membre du directoire – Territoires « Le GROUPE SOS aura contribué au décloisonnement des politiques publiques en montrant à quel point la transversalité que nous portons dans notre ADN est source d’innovation. » Guy Sebbah Membre du directoire – Solidarités « Le vieillissement de la population verra le secteur Seniors prendre une ampleur majeure. Le réchauffement climatique aura fait prendre
établissements, en faisant appel à toutes les formes de création. Car nos actions sont autant d’émotions qui ne demandent qu’à être peintes et partagées, pour devenir une
réussi à mettre sur le même plan l’urgence sociale et l’urgence environnementale et réconcilier l’écologie avec l’économie, en s’appuyant sur les territoires, la transversalité, les synergies, pour créer des modèles plus solidaires et résilients. »
motivation à agir pour d’autres. » Flavie Mekharchi Membre du directoire – Jeunesse « Le GROUPE SOS se sera dupliqué dans d’autres pays pour répondre au plus proche des populations aux enjeux de demain notamment le défi climatique et les questions migratoires. Il n’y aura plus un GROUPE SOS mais des groupes regroupés autour d’une charte des valeurs et d’un projet commun. »
Hélène Béjui Membre du directoire – Tech et Accélérateur de l’innovation « Le GROUPE SOS sera plus que jamais disruptif dans son rôle d’animateur également du débat public, en défense d’un modèle de développement économique durable, dans son engagement pour une autre vision de la société – par exemple, celle du droit à l’oubli numérique alors que la donnée sera partout et pourra conditionner l’intégration et l’identité sociale de chacun. »
Céline Peudenier Membre du directoire – Emploi et Politique RH « Nous aurons réussi à faire chan-
Frédéric Bailly Membre du directoire – Immobilier et International
toujours comme valeur centrale. »
ger le regard porté sur l’inclusion
« En 2050 la population mondiale
sociale et professionnelle ; prouvé
avoisinera les dix milliards de per-
Sylvie Justin Membre du directoire – Santé et Seniors
que l’inclusion est avant tout un
sonnes et les enjeux de développe-
challenge managérial, reposant
ment durable seront plus prégnants
sur la capacité à adapter la situation
que jamais. Le GROUPE SOS sera
« Le développement de notre modèle
de travail, la formation et l’accom-
présent sur tous les continents
permettra un accès aux soins pour
pagnement à chaque individu. Les
et singulièrement en Afrique. Il
tous, avec la meilleure efficience
employeurs qui auront investi sur
participera activement à la tran-
économique favorisant le main-
cette compétence « inclusive » seront
sition écologique et énergétique
tien de notre modèle social dans
les mieux armés face aux difficultés
ainsi qu’au développement d’une
sa composante sécurité sociale. »
de recrutement et de fidélisation. »
économie durable et inclusive. »
son envol au secteur Transition écologique. Le Groupe restera une entité unique avec la solidarité
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Sommaire
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Sommaire
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La recette du GROUPE SOS
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Jeunesse
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Santé
134
Seniors
148
Culture
162
Le GROUPE SOS en questions 250 Finances et participations 254 Synergies et Performance 258 Territoires 262 DOM-COM 264
Petite enfance 12 Protection sociale de l’enfance 24 Protection judiciaire de la jeunesse 36
Transition écologique
Emploi
196
Publications 269
Construction d’un futur partagé
Égalité femmeshommes 270
48
Mobilité 62
Solidarités
74
Handicap 76 Addictions 88 Habitat et Action sociale 104 Santé communautaire 116 Prévention de la radicalisation 132
182
Action internationale
210
GROUPE SOS Consulting 212 GROUPE SOS Pulse 214 GROUPE SOS Tech 226 Engagement de la société civile 238
Gouvernance 266 Conseils d’administration 268
Expertise 271
7 Sommaire
Il était une fois le GROUPE SOS
Il était une fois le GROUPE SOS 1984… 2019. En 35 ans, le GROUPE SOS en a connu des étapes. De la lutte contre la toxicomanie aux défis de ce xxie siècle auxquels il répond pleinement présent, le GROUPE SOS a une ambition : apporter une réponse globale et adaptée aux problématiques de chaque individu et proposer une société plus juste. De la constitution des associations fondatrices au GROUPE SOS de 18 000 salariés, retour en arrière pour mieux comprendre notre histoire. 1984 Là où tout a commencé Le GROUPE SOS écrit la première page de son histoire avec la lutte contre la toxicomanie, à une époque où notre pays connaît un retard dans la prise en charge des personnes toxicomanes. En 1984, une association pour développer des dispositifs en faveur des personnes souffrant d’addiction est créée.
8 1995 Bâtir le cœur du Groupe pour solidifier notre corps 1986 Nous répondons présents contre le VIH/Sida L’épidémie du VIH/ Sida est en pleine croissance. Le futur secteur solidarités du groupe et l’association ARCAT proposent des réponses nouvelles et diversifiées, notamment des actions de prévention et des solutions d’hébergement ou de logement pour les personnes en situation de précarité souffrant de maladies chroniques liées au VIH/Sida…
1988 L’enfant, son histoire, son avenir Le GROUPE SOS ouvre La Corniche, le tout premier dispositif en faveur des mineurs toxicomanes. Ce centre leur propose un accompagnement adapté, favorisant leur inclusion durable dans la société.
L’approche globale de nos associations pour développer de nouvelles solutions nous amène au constat suivant : il est nécessaire de faire converger les moyens de toutes nos associations pour gagner en efficacité et pérenniser leurs activités. Les associations se rapprochent et mutualisent un certain nombre de fonctions (comptabilité, juridique, finances, RH...) au sein d'un groupement d'intérêt économique (GIE Alliance Gestion). Tandis qu’aucun propriétaire ne souhaite accueillir nos activités en faveur de la prise en charge des personnes toxicomanes et/ou sans abri, nous concrétisons un vœu qui nous est cher : accueillir sans condition. Notre coopérative (Alterna) est créée. Elle vise à permettre à nos établissements d’acquérir leurs murs et contribue à la mise en œuvre d’une politique de l’habitat social novatrice face à la crise du logement qui touche des publics de plus en plus larges et auparavant épargnés (retraités, étudiants, familles monoparentales). Le GROUPE SOS ouvre également un établissement proposant un hébergement d’urgence aux sans-abris. Le GROUPE SOS dans son organisation actuelle est officiellement né !
Les années 2000 Sous le vent du succès
2001 L’insertion professionnelle à bras-le-corps
L’organisation née en 1995 est un succès. Des associations nous rejoignent en grand nombre pour pérenniser leurs activités et profiter des synergies du Groupe. Cela nous permet de développer le champ et la profondeur de nos expertises pour répondre aux besoins de notre société. Les années 2000 marquent le début d’une forte diversification de nos activités, afin d’apprendre continuellement de nouveaux savoir-faire et compétences. De nombreuses associations continuent de nous rejoindre.
Dans un contexte de chômage de masse que la France connaît depuis plusieurs années, le GROUPE SOS développe ses activités d’insertion par l'activité économique avec ses entreprises d'insertion. Elles se situent pleinement dans le champ concurrentiel, mais avec en ligne directrice un projet social : l'insertion de personnes en difficulté. Chômeurs de longue durée, jeunes sans qualification, parcours de vie difficiles... Personne n’est jamais inemployable.
2005 Accompagner dès les premiers pas dans la vie Premières activités d’accompagnement de la petite enfance. L’objectif : proposer des dispositifs innovants favorisant le bien-être, l’éveil, l’autonomie des jeunes enfants, tout en accompagnant les parents, y compris ceux en situation de précarité. Nous sommes les premiers à proposer des crèches accueillant le grand public et les enfants en situation de handicap en un même lieu. Nous sommes pionniers dans l’accompagnement des parents des familles précaires.
2008 La santé pour tous Le GROUPE SOS reprend avec succès un hôpital en difficultés financières. Depuis, en réponse aux phénomènes de désertification médicale et de santé à deux vitesses, nous démontrons qu’il est possible de proposer des soins d’excellence pour tous, quel que soit le niveau de revenu.
2010 Faire germer l’entrepreneuriat social Au fur et à mesure que le champ de nos expertises grandit, notre envie d’en faire profiter de nouveaux acteurs s’intensifie. Nous créons GROUPE SOS Pulse pour accompagner les entrepreneurs sociaux en France et à l’international à faire germer puis grandir les réponses innovantes aux défis économiques, sociétaux et environnementaux.
2012 Par-delà les frontières Pour répondre aux enjeux de la globalisation et conscient des défis qui se posent à travers le globe, le GROUPE SOS accueille et soutient des ONG qui interviennent aujourd’hui auprès des acteurs locaux de plus de cinquante pays en leur apportant un soutien via le volontariat, la formation et le renforcement de compétences dans les domaines de la santé, du handicap, de la protection de l’environnement et de l’accès à l’éducation.
2017 Engagés pour une société durable, juste et responsable La société et ses défis évoluent sans cesse. Le GROUPE SOS s’adapte pour répondre aux nouvelles problématiques. Deux nouveaux secteurs sont constitués : GROUPE SOS Culture et GROUPE SOS Transition écologique.
2018 Investir aujourd’hui pour la société de demain Le GROUPE SOS structure ses activités transverses en créant GROUPE SOS Participations, qui soutient financièrement les entreprises poursuivant des missions sociales, environnementales ou territoriales, GROUPE SOS Consulting, qui s’appuie sur l’ensemble des compétences et expertises que le groupe a développé depuis sa création, pour accompagner les organisations qui anticipent l’évolution des pratiques et des modes de consommation en intégrant à leur stratégie la prise en compte des enjeux sociaux, sociétaux et environnementaux. GROUPE SOS Tech, qui met le digital au service de l’intérêt général.
2019 Imprégner tous les acteurs de la société Depuis trente cinq ans, nous sommes mobilisés au quotidien pour faire bouger les lignes. Il nous semble essentiel de nous remettre en question, constamment, pour trouver de nouvelles solutions, en permanence. Le GROUPE SOS a expérimenté et mis en place des dispositifs audacieux, solides et pérennes. Nous souhaitons porter ces solutions haut et fort et les essaimer en mobilisant tous les acteurs de la société. Cette volonté nous pousse à lancer une série de plaidoyers, d’événements, un think tank, avec un objectif commun : engager un changement profond dans la société.
2011 Le XXIe siècle est celui du grand âge S’adaptant continuellement aux nouveaux défis, le GROUPE SOS décide de relever celui du grand âge, sans doute l’un des plus importants de notre siècle. Il propose un accueil, une prise en charge et un accompagnement des personnes âgées favorisant leur autonomie et leur bien-être.
Et demain ? À nous tous d’imaginer la suite !
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La recette du GROUPE SOS Le GROUPE SOS, c’est un grand banc de poissons qui grandit et évolue vers un cap clair. Mais comment arrive-t-on à ce résultat ? Les secrets d’une recette enfin dévoilés…
L’intérêt général comme cap Un Groupe, un objectif : l’intérêt général. Ce cap induit la recherche constante d’un impact social, sociétal et environnemental positif. Le modèle d’entreprise que nous développons y est entièrement dédié. Nous n’avons pas d’actionnaires, notre échelle des salaires est encadrée et nous réinvestissons systématiquement les excédents dans l’amélioration de nos dispositifs.
Une touche d’utopie Nous ne voulons pas d’une société à deux vitesses. Il est nécessaire de permettre à tous d’avoir accès à des services de qualité en lien avec leurs besoins essentiels, de lutter contre les causes de l’exclusion en amont. Notre devise : faire avec la réalité sans jamais l’accepter.
De l’efficacité économique pour lier le tout Oui, il est possible de bâtir une organisation solide, capable de créer et pérenniser des activités économiques, tout en ayant un fort impact social ! Nous nous efforçons de développer de nouveaux modèles durables et de démontrer que l’efficacité économique peut être au service de l’intérêt général.
Des équipes expertes et passionnées
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La seule richesse du GROUPE SOS, ce sont ses 18 000 salariés. 98 % de nos salariés trouvent leur travail utile. 96 % estiment qu’il est important d’appartenir à un groupe aux valeurs sociales. Pour trouver le meilleur équilibre entre performance économique et intérêt général, la professionnalisation de nos activités est essentielle, tant au niveau individuel qu’organisationnel.
Une bonne dose de terrain Au quotidien, ce sont nos salariés qui identifient les besoins de la société. C’est pourquoi, au GROUPE SOS, la prise de décision est déléguée au niveau le plus proche du terrain. La meilleure voie pour innover est d’être proche de son sujet : chacun peut exprimer des propositions d’amélioration des actions et dispositifs dont il a sa charge.
L’innovation sociale au cœur L’innovation = uniquement high tech ? Bien sûr que non ! Précarité, environnement, développement économique… La société n’attend qu’une chose : que l’on imagine des réponses nouvelles partout. Notre conviction est que l’innovation peut irriguer tous les champs de la société et contribuer à la rendre plus juste et durable. Dans ce cadre, la technologie, le digital, sont un formidable accélérateur d’innovation sociétale et d’intégration.
Une portion généreuse d’écologie Préparer l’avenir, c’est aussi préserver la planète ! Face à l’urgence écologique, nous avons lancé notre secteur Transition écologique. Dans l’ensemble de nos activités,nous nous appuyons sur quatre sujets cruciaux qui nous tiennent à cœur : l’impact énergétique, le mieux manger pour tous, l’achat responsable et la participation à l’économie circulaire.
De la transversalité La diversité de nos activités fait notre richesse. Chaque jour, nous additionnons nos forces pour améliorer notre impact. C’est pourquoi nous favorisons les échanges entre nos équipes de tous les secteurs pour construire de nouvelles solutions transverses.
Des regards tournés vers le monde
Des talents diversifiés
Si tout a commencé en France pour le Groupe, il nous fallait aussi observer et agir à l’international. La solidarité et l’échange d’innovations et de compétences doivent traverser les frontières. C’est pourquoi notre regard est toujours tourné vers le reste du monde : aujourd’hui, nous sommes présents dans 44 pays.
Notre capital humain représente notre principal atout. Il vient soutenir à la fois l’excellence reconnue de nos pratiques et la qualité de notre développement. C’est pourquoi nous nous devons de développer une politique de ressources humaines ambitieuse et fédératrice. Nous sommes attachés à questionner constamment nos modèles, à construire et développer les compétences de nos salariés afin qu’ils puissent évoluer au sein du Groupe. Nous mettons également tout en œuvre pour attirer et fidéliser des profils variés, afin de bénéficier des meilleures compétences de terrain et de gestion.
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Inspirer, irriguer
Un Groupe qui grandit La collégialité au cœur de nos décisions Implication, responsabilité, transparence, éthique et collégialité sont au centre de toutes les décisions des organes de direction et de contrôle des entités composant le GROUPE SOS. Ses membres s’engagent, en outre, à unifier leurs modes d’organisation en se dotant d’un directoire commun, organe exécutif collégial du Groupe, qui a pour mission notamment, sous l’autorité des conseils d’administration des associations membres et des assemblées générales des associations filiales, la mise en œuvre des orientations définies par les conseils d’administration et les assemblées générales.
550 établissements, huit secteurs d’activités, cinq activités transverses… Et ce n’est pas fini ! Notre taille est la base de notre solidité. C’est un atout pour la pérennité des projets, la carrière de nos salariés et notre indépendance. Elle permet à nos équipes et ceux qui les rejoignent de partager de nouvelles solutions et d’apprendre de nouvelles expertises les uns des autres. Nous avons développé un modèle unique en son genre : la filiation associative. Les associations qui nous rejoignent adhèrent au projet et aux valeurs du GROUPE SOS, mais elles restent les expertes dans leur domaine ; c’est pourquoi elles gardent leur identité, une autonomie de gestion et une indépendance dans leurs actions.
Le Groupe entend partager ses observations, expertises et savoirfaire afin de transformer la société. Nous portons des plaidoyers pour chacun de nos grands sujets d’intervention, nous accompagnons des jeunes pousses, nous conseillons des entreprises et des collectivités, nous donnons la parole à des initiatives remarquables lors de nos événements...
Jeunesse
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Jeunesse
Donner les mĂŞmes chances Ă chaque enfant
Jeunesse
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S’ouvrir à la différence dès l’enfance
Petite enfance
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Découvrir le quotidien du multi-accueil Les Robinsons, c’est avoir l’impression de plonger dans un tourbillon de vie. Tous les jours, cet établissement, situé dans le 20e arrondissement de Paris, accueille 93 enfants âgés de deux mois à trois ans. De 8 heures, heure à laquelle les premiers parents déposent leur enfant, à 19 heures, moment où les portes du Multi-accueil se referment, l’équipe de 30 personnes sur place est pleinement mobilisée pour s’occuper des enfants et assurer le lien avec leurs parents. L’objectif ? Proposer à tous le cadre le plus épanouissant possible. Des activités adaptées à chaque enfant
des chants, une pataugeoire ou encore un atrium où les enfants peuvent jouer dans une piscine de balles en plastique. Et l’été, sur les deux terrasses dont dispose le Multi-accueil, très beau bâtiment neuf de trois étages.
Au multi-accueil Les Robinsons, les enfants sont répartis en quatre secteurs : les Robins des prés (les bébés), les Robins des champs (les petits-moyens), les Robins des prairies (les moyens-grands) et les Robins des bois Un atelier créé autour des gommettes, par (les grands). À chaque espace, son ambiance. exemple, permettra à un enfant de développer Partout dans l’établissement, sa capacité de concentration et sa « Travailler la journée est rythmée par des psychomotricité fine. Grâce à des temps forts qui sont pensés pour avec les enfants, journées ritualisées, les enfants c’est s’assurer permettre aux enfants d’évoluer peuvent trouver leurs marques de sourire au dans les meilleures conditions avec les autres enfants et au sein moins une fois possibles, aussi bien les moments de l’établissement. Quelle que soit dans la journée » la saison, la vie du lieu est intense : d’activités que les temps forts que sont les repas, le sommeil, l’acqui« Les temps calmes sont plutôt sition de la propreté, etc. L’éveil du tout-petit l’après-midi quand les enfants se reposent », est au cœur des modes d’accueil et du travail nous explique Sabah, animatrice au sein du des professionnels de la petite enfance, mais multi-accueil. Dans chaque espace, une équipe aussi le plaisir de la découverte, l’imagination de cinq à sept professionnels encadre entre 22 et la créativité, l’autonomie, la capacité d’écoute, à 26 enfants. le sens de l’observation… Le multi-accueil est un lieu débordant d’énergie, Pour les enfants de moins de trois ans, le jeu est essentiel, il participe à leur développement. On ne joue pas avec les enfants d’âges différents de la même manière. Les enfants peuvent participer aux activités de leur choix. L’hiver, en intérieur avec du coloriage, des histoires, des gommettes, du sable magique, de la peinture,
duquel on ressort nécessairement avec le sourire. Ce que nous confirme Marion Héry, responsable de la structure : « travailler avec les enfants, c’est s’assurer de sourire au moins une fois dans la journée. » L’équipe sur place s’arrête rarement et mieux vaut avoir de la ressource et de l’énergie ! En témoigne d’ailleurs le rythme
journée, jusqu’à ce qu’il soit autonome.Pour cette raison, la prise en charge de l’enfant doit être toujours respectueuse et attentive. Les sensations agréables ressenties par l’enfant participent à lui donner une image positive de lui-même et à construire son estime de soi.
Un défi : savoir s’adapter Que nous posions à Marion ou à Sabah la question « Quelle qualité
L’enfant au cœur de l’approche
La toute petite enfance nécessite une attention très fine car l’enfant ne peut pas verbaliser son besoin de confort. Par des gestes enveloppants et des paroles rassurantes, le professionnel aide l’enfant à prendre conscience de lui-même et de son corps. Petit à petit, le professionnel sollicite l’enfant pour qu’il devienne acteur des différents temps de la
Ils peuvent relever de petites situations quotidiennes. Mais également de situations bien plus importantes dans la vie des enfants et de leurs parents. L’équipe peut être amenée à détecter un handicap chez un enfant, à accompagner la famille sur cette question, à repenser le projet de la section dans laquelle il évolue pour mieux s’adapter aux besoins de cet enfant.
Prendre du temps aussi pour les parents
Au sein du multi-accueil Les Robinsons, comme dans ses 40 établissements, la devise de l’association Crescendo, « Des moments pour grandir », prend tout son sens. L’enfant et son développement personnel sont mis au cœur du projet éducatif. L’objectif ? Proposer un espace de liberté aux enfants où ils peuvent bénéficier de temps d’apprentissage aux multiples formes. Un enfant ne fait jamais le choix de venir dans une crèche. Ce choix, ou ce non-choix, a été fait par ses parents. « Notre travail, c’est avant tout de faire en sorte que les enfants prennent confiance en nous, en eux, et aient une bonne estime d’eux-mêmes. Si nous y parvenons, alors nous avons déjà fait un bon bout du chemin », précise Marion. Épanouissement, estime de soi et autonomie sont les maîtres mots de cette approche. Chaque temps de la journée est pensé pour favoriser le développement de ces aspects chez les enfants.
Mais l’équipe est prête à s’adapter en permanence aux nombreux imprévus.
principale faut-il avoir pour travailler ici ? », la réponse est la même : « savoir gérer l’imprévu. » Les maladies des enfants ou de des professionnels et les différents aléas du quotidien. Un exemple ? Il y a deux semaines, la neige a empêché l’établissement d’être livré des 93 repas pour le midi. Réaction immédiate. L’équipe est partie faire des courses pour permette à la cuisinière de tout préparer sur place, à temps. « Pour les enfants, quand ils ont faim, la neige ça ne compte pas ! », nous dit avec le sourire Marion. L’organisation est réglée comme du papier à musique, une obligation quand on gère le quotidien de près d’une centaine d’enfants.
Le travail avec les mères et les pères accueillis est l’une des tâches les plus importantes des métiers de la petite enfance. Des échanges quotidiens avec les parents sont indispensables. Les temps de « transmission », le matin et le soir, permettent par exemple d’assurer à l’enfant une transition douce entre le moment où il quitte ses parents, chargé en émotion, et celui où démarre sa journée au multi-accueil. Les parents tiennent aussi informés les professionnels des événements marquants de la vie de leur enfant. « Ils peuvent nous informer qu’il a été malade, qu’il a fait une sortie au zoo ou d’une situation familiale compliquée par exemple », nous explique Marion. Dans l’année, en plus de ces échanges quotidiens, plusieurs temps forts sont organisés : des réunions annuelles, des goûters trimestriels, des temps festifs, des ateliers parents-enfants, des rendez-vous avec le psychologue ou le médecin si nécessaire. Le bon déroulement de ces étapes clés assure à l’enfant d’être épanoui et de bien se développer dans l’enceinte de l’établissement, mais aussi à l’extérieur. Cela permet également d’accompagner les familles dans leurs moments de doutes, de
15 Jeunesse
soutenu de Marion, qui va de salle en salle, d’étage en étage, parler à tout le monde pour vérifier que tout se passe bien partout, sans jamais se séparer de son téléphone pour pouvoir répondre aux différents appels. Elle doit en effet s’assurer que tout le monde se sent bien : parents, enfants et professionnels. À la clé, le bon fonctionnement de l’établissement et l’assurance que chacun évolue dans un cadre où il trouve sa place.
Petite enfance
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Lexique de la petite enfance
Une équipe attentive aux besoins des enfants et de leurs familles Les profils des professionnels du multi-accueil sont variés : éducatrices de jeunes enfants, animatrices petite enfance, auxiliaires de puériculture, auxiliaires socio-éducatifs, personnes en formation, cuisinière, lingère, agent d’entretien, assistante administrative, infirmière… Mais également une psychologue et un médecin qui passent voir les enfants et l’équipe toutes les semaines. Tous connaissent les prénoms des 93 enfants, leurs habitudes, leurs parents, le nom de leur doudou, leur situation de vie. Le rôle des professionnels est d’offrir un lieu où ils se sentent en sécurité, où des réponses adaptées sont apportées à chacun de leurs besoins.
La gestion de l’établissement passe bien sûr par tout un aspect administratif, une gestion des plannings, du linge, des repas, primordiale au bon déroulement des journées. Mais le plus important, c’est l’envie et la patience. Il faut aimer son travail, être à l’écoute des enfants et des parents, savoir travailler en équipe. L’accent est mis sur le bien-être des enfants, qui passe par un travail collectif de l’équipe au quotidien pour construire le projet du multi-accueil dans son ensemble et celui de chaque enfant dans son individualité. Au fil du temps, l’équipe construit un véritable lien de confiance avec les parents. Un lien indispensable. À la fin de la journée, le multi-accueil aura été rythmé par de nombreux petits moments de vie qui participent tous à la construction de moments clés dans la vie de l’enfant. ⦁
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fatigue, de les soutenir dans certains questionnements. Si l’accompagnement par les professionnels de la crèche n’est pas suffisant, l’équipe peut également prévenir certaines difficultés, orientant des familles vers des partenaires extérieurs si elles en ont besoin (centres d’action médico-sociale précoce, centres médico psycho pédagogiques…).
Multi-accueil Permet d’accueillir les enfants dans un cadre plus souple avec de la halte-garderie (accueil occasionnel) ou un accueil régulier en collectif. Éducateur de jeunes enfants En collaboration avec l’équipe, l’éducateur de jeunes enfants coordonne et mène des actions d’éducation, d’animation et de prévention qui contribuent à l’éveil, au bien-être et au développement global (psychomoteur, affectif et relationnel) des jeunes enfants. Il garantit le respect du cadre légal avec le cadre petite enfance. Auxiliaire de puériculture L’auxiliaire de puériculture, dans une structure d’accueil collectif de petite enfance, répond de façon individuelle et collective aux besoins fondamentaux de chaque enfant. Elle veille à sa santé, favorise son bien-être et son éveil sur les plans psychomoteur, éducatif, affectif et relationnel dans un cadre sécurisé et sécurisant. Auxiliaire socioéducatif L’auxiliaire socioéducatif, dans une structure d’accueil collectif de petite enfance, contribue à répondre de façon individuelle et collective aux besoins fondamentaux de chaque enfant en lien avec sa famille. Avec l’équipe, l’auxiliaire socioéducatif favorise le bien-être du jeune enfant sur le plan psychomoteur, affectif et relationnel dans un cadre sécurisé et sécurisant. Animatrice petite enfance Par ses activités (aide à la prise des repas, soins d’hygiène corporelle comme le change, jeux divers...), elle contribue à l’éducation des enfants en lien avec l’équipe pluridisciplinaire.
Petite enfance
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Sabah, animatrice aux Robinsons depuis quatre ans. « Ce qui me plaît le plus, c’est de voir les enfants évoluer, jour après jour. Et de les accompagner dans cette évolution. Pas une semaine ne ressemble à une autre. C’est un perpétuel mouvement. »
Jeunesse
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TimĂŠo et MahĂŠ, trois ans. Accueillis aux Robinsons et copains depuis octobre 2016.
Favoriser l’inclusion dès les premiers pas
La crèche, un moment pour grandir
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Au GROUPE SOS, l’égalité des chances est inscrite depuis 35 ans dans notre ADN. Il nous a donc semblé naturel de nous engager auprès des plus petits et de leurs familles pour leur garantir les mêmes chances, dès le début de leur vie. Au départ, en 2005, nous proposions 200 places en crèches. Aujourd’hui, les 40 dispositifs petite enfance de l’association Crescendo et les six de l’association ALEMA accueillent plus de 2 400 enfants et leurs parents dans cinq régions : Île-de-France, Hauts-de-France, PACA, Nouvelle-Aquitaine et Grand Est. Tout au long de ce développement, un constat nous a guidés : en favorisant la mixité sociale et culturelle, la crèche joue un rôle crucial dans la lutte contre les inégalités sociales et dans le développement de l’enfant. À titre d’exemple, selon une étude menée par Terra Nova en 2014, à quatre ans, un enfant né dans une famille en situation de précarité aurait entendu, en moyenne, 30 millions de mots de moins qu’un enfant né dans un milieu plus favorisé. Lecture interactive, implication des parents dans le processus d’apprentissage de leurs enfants, activités motrices et culturelles variées… Les activités que nous proposons favorisent l’éveil, les découvertes, la curiosité des enfants pour leur donner toutes leurs chances de réussite plus tard. À chaque enfant, son rythme : nos équipes sont vigilantes à ne laisser aucun enfant seul face à d’éventuelles difficultés. Leur mission consiste à détecter les blocages le plus tôt possible et co-construire avec les familles des solutions adaptées à leurs enfants. L’éveil, c’est également permettre à chaque enfant de développer sa personnalité, ses goûts. C’est enfin apprendre à vivre en société et respecter les différences, sous toutes leurs formes. Une de ces différences, c’est le handicap.
Des crèches adaptées à l’accueil d’enfants porteurs de handicap Seuls 2 % des enfants en situation de handicap sont accueillis en milieu ordinaire en France. Cette situation, nous ne l’acceptons pas et faisons de notre mieux pour faire bouger les lignes. Au sein de nos établissements petite enfance, nous prônons un accueil mixte des enfants en nous fondant sur l’expertise de nos professionnels de la petite enfance et du handicap. La mixité est pour nous une richesse pour tous les enfants, qui apprennent à connaître et à respecter les différences.
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L’ensemble de nos établissements établissements d’accueil p our jeune s enfants sont pensés enfants accueillis pour accueillir des enfants valides et des enfants en situation de salariés handicap. Les 40 établissements gérés par Crescendo accueillent 331 enfants porteurs d’un handicap ou en cours de diagnostic. Les professionnels sont formés pour détecter le handicap mais aussi pour pouvoir adapter l’accompagnement proposé à chaque enfant, qu’il soit valide ou « extra-ordinaire ». Détecter au plus tôt un handicap est essentiel pour proposer un accompagnement personnalisé de l’enfant et garantir son bien-être, et pour aider les parents à construire sereinement une parentalité différente.
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Par ailleurs, nous avons mis en place en 2016 une plateforme d’accompagnement petite enfance et handicap. À travers elle, nous formons les professionnels de la petite enfance à l’accueil de publics porteurs de handicap. L’enfant et la famille restant au cœur de l’ensemble de nos actions, ce projet vise à favoriser le développement, l’inclusion sociale et scolaire de l’enfant, mais également la qualité de vie des familles. Et les parents dans tout ça ?
Des salariés épanouis dans leur travail
Entre bienveillance et confiance : accompagner aussi les parents
Nous considérons que le bien-être des enfants et de leurs familles au sein de nos structures passe par le bien-être et la compétence de nos professionnels. Nous portons une attention particulière à chaque étape de la gestion des ressources humaines. En garantissant à nos salariés un cadre de travail sécurisant et respectueux. En favorisant la diversité, le partage des valeurs et la cohésion des équipes. Nous veillons également à accompagner nos salariés pour qu’ils puissent évoluer au mieux dans leur parcours professionnel. L’humain est au cœur de nos préoccupations. Ce qui se traduit dans notre démarche managériale responsable et pionnière : depuis l’intégration et le recrutement, jusqu’aux possibilités d’évolution et de montée en compétences, en passant par le travail au quotidien.
Nous envisageons nos structures comme des lieux de ressources pour les parents. Les professionnels de Crescendo établissent avec eux une relation de confiance mutuelle s’inscrivant dans la durée, terrain propice à rassurer leurs enfants. Ils sont à l’écoute de leurs besoins, notamment ceux des parents en situation de précarité ou en difficultés. Ils sont présents pour répondre à leurs questionnements. Ils les aident à concilier vie professionnelle et vie familiale. L’objectif ? Permettre aux parents d’assumer leur parentalité avec sérénité et confiance. Les parents ont aussi besoin d’échanger entre eux et de partager leurs expériences. Pour y répondre, nous leur proposons régulièrement, et dans tous nos établissements, des cafés parents, des temps conviviaux, des réunions thématiques, des ateliers parents-enfants. Petits et grands se retrouvent, créant des moments de partage et de convivialité. À chaque étape, nos professionnels sont présents et à leur écoute. Accompagner les parents, c’est enfin favoriser leur insertion sociale et professionnelle. Les familles qui se tournent vers nous sont souvent celles qui n’arrivent pas toujours à obtenir une place en crèche dans d’autres structures. Pour y répondre, nos crèches proposent des tarifs adaptés à leurs revenus et un accompagnement adapté à leur situation. Par exemple, permettre aux parents de dégager du temps pour rechercher un emploi ou suivre une formation est capital.
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Relever les défis d’aujourd’hui et de demain Au GROUPE SOS, nous tâchons au quotidien d’être exemplaires au-delà de la mixité et de la pédagogie adaptée que nous proposons à chaque enfant. Nos établissements sont pleinement engagés depuis plusieurs années en faveur du développement durable et d’une alimentation de qualité. Produits bio proposés aux enfants, lutte contre le gaspillage alimentaire, impact carbone réduit, couches biodégradables jetables, produits d’entretien issus de la chimie végétale, promotion de la biodiversité dans les jardins extérieurs… Si le développement durable rythme notre quotidien, il est également intégré à la pédagogie déployée auprès des enfants pour en faire des adultes responsables demain, et relayé auprès des familles pour les sensibiliser sur cette question.
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Une éducatrice de crèche a plus d’impact social qu’un professeur d’université Petite enfance
22 Avec la participation de
Florent de Bodman Auteur de rapports Terra Nova, La lutte contre les inégalités commence dans les crèches et Investissons dans la petite enfance : l’égalité des chances se joue avant la maternelle, fondateur du programme national « Parler Bambin » Pierre Moisset Sociologue et auteur de plusieurs ouvrages dont Accueillir la petite enfance : le vécu des professionnels publié en avril 2019 Céline Legrain Directrice générale de Crescendo (crèches du GROUPE SOS) et porteparole petite enfance du GROUPE SOS
Pénuries de places en crèche, mixité des enfants accueillis, accompagnement à la parentalité : le mode de garde principal de la petite enfance pose la question de l’inclusion dès le plus jeune âge. Trois spécialistes des premiers pas donnent des pistes de réflexion pour changer de regard sur la petite enfance et investir dans son développement.
On estime aujourd’hui que les parents devant garder leur enfant sont deux fois plus nombreux que ceux le désirant. D’où vient, selon vous la difficulté à accéder à un mode de garde pour les enfants en bas âge en France ? Comment résoudre ce problème pour que les capacités d’accueil des enfants soient suffisantes ? Céline Legrain : Si l’offre d’accueil se développe depuis 2000, elle reste insuffisante et ne parvient pas à résorber les inégalités sociales et territoriales. La prochaine étape devrait être des normes simplifiées, claires et opposables aux interlocuteurs sur le territoire national, un guichet unique réu-
nissant les différents interlocuteurs du secteur pour faciliter les démarches. Mais ces mesures seront-elles suffisantes alors qu’aucun objectif de capacité d’accueil n’est fixé aux collectivités locales ? Et que la profession est en pénurie forte de professionnels faute de valorisation de ces métiers ? Florent de Bodman : Ces modes de garde coûtent cher : un professionnel ne peut pas prendre soin simultanément de beaucoup d’enfants – d’où les exigences strictes sur le taux d’encadrement en France. Le frein principal est donc financier. Il touche surtout les familles les plus pauvres. La clé est d’amplifier l’effort de financement public des modes d’accueil (qui couvre
« Un enfant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté en France. Un accueil de qualité est le meilleur investissement public possible. »
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80 % d’une place en crèche) : viser une hausse ambitieuse de l’enveloppe globale – contrairement aux orientations décevantes de ce gouvernement – et mieux orienter les aides vers les zones les moins dotées (quartiers populaires et territoires ruraux). Il faut aussi développer l’accueil à temps partiel, souvent plus adapté aux besoins des familles précaires.
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Pierre Moisset : Des normes trop lourdes et disparates pèsent sur l’accueil collectif. Il s’agit plus de les clarifier que de les alléger. Il faut ainsi reconnaître ces métiers de l’accueil à leur juste valeur par des revalorisations salariales, des formations plus nombreuses, proches des réalités du terrain et basées sur des préceptes éducatifs plus que sanitaires. Il faut arrêter d’en faire une profession pour femmes peu formées et/ou en difficultés professionnelles et fluidifier les évolutions de carrières en amoindrissant le poids d’une hiérarchie héritée d’un autre temps.
La crèche, ou les autres modes de garde des enfants en bas âge, sont les premiers lieux d’éducation hors de la famille et donc particulièrement importants pour le développement de l’enfant. Que proposez-vous pour améliorer la qualité de l’accueil des enfants ? Pierre Moisset : Il faut d’abord prioriser les situations accueillies, et développer des pro-
développement. Cette qualité d’accueil repose sur des professionnels engagés et régulièrement formés, et sur le lien de confiance que nous tissons avec les parents.
Florent de Bodman Florent de Bodman est directeur de l’association 1001 mots, auteur de La lutte contre les inégalités commence dans les crèches et Investissons dans la petite enfance : l’égalité des chances se joue avant la maternelle. Il est également le fondateur du programme national « Parler Bambin », une approche pédagogique adoptée par de nombreuses collectivités visant à remettre au cœur des pratiques professionnelles de la petite enfance l’attention au langage. grammes (Parler Bambin, Jeux d’enfants…) non pas comme des solutions globales mais comme des outils pour agir auprès de ces enfants et permettre aux professionnels de s’interroger sur la portée de leur action éducative. Céline Legrain : Crescendo prône des valeurs fortes centrées sur l’humain et sur le respect des différences, accueille les familles en difficulté et les enfants en situation de handicap. L’éveil linguistique, culturel et artistique sont les piliers de toutes nos structures. L’objectif est de se saisir de tous les moments de la vie quotidienne pour favoriser la curiosité, la construction et l’épanouissement du jeune enfant, tout en respectant ses envies et son
Pierre Moisset : Si l’on veut que la qualité d’accueil augmente, nous devons promouvoir la réflexivité professionnelle dans un cadre qui ne soit pas managérial ou normatif. Comme des pédagogues, ils doivent disposer de temps rémunérés pour réfléchir à leurs actions et projets, hors du seul temps passé en présence des enfants. Florent de Bodman : À mon sens, la priorité devrait être une démarche continue de formation et d’amélioration des pratiques : non pas juste des journées de formation ponctuelles, mais surtout du coaching individuel, de l’échange de pratiques et une dynamique collective entre professionnels. Cela nécessite des financements spécifiques, comme ceux du fonds publics et territoires des CAF ou du fonds d’investissement social. Mais c’est aussi une question de mesure et d’évaluation, notamment grâce au dialogue avec les chercheurs (comme nous essayons de le faire dans le programme Parler Bambin).
À terme, quel sera l’enjeu majeur de l’accueil de la petite enfance ? Pierre Moisset : L’enjeu majeur est d’en faire non pas une politique familiale, sociale ou
éducative mais une politique de l’enfance. Le sujet central doit être l’enfant.
Céline Legrain Céline Legrain travaille depuis près de vingt ans au GROUPE SOS. Elle fut notamment la première directrice des ressources humaines de l’entreprise, avant de diriger l’ensemble des crèches du GROUPE SOS ces 14 dernières années. Céline est diplômée d’un magistère de Sciences de gestion et d’un master Management, travail et développement social à l’Université Paris-Dauphine
Florent de Bodman : Notre société doit changer de regard sur la petite enfance : les chercheurs nous disent que l’avenir d’un enfant se joue entre zéro et trois ans, mais nous continuons à voir les métiers de l’accueil du tout-petit comme subalternes, peu intéressants (« Pas besoin d’un bac+ cinq pour changer les couches ! ») et destinés aux femmes. Le prix Nobel James Heckman a montré qu’une éducatrice de crèche a plus d’impact social qu’un professeur d’université ! Prenons cela au sérieux et investissons beaucoup plus d’argent et d’intelligence collective dans la petite enfance. Céline Legrain : Un enfant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté en France, soit 30 % de plus qu’il y a cinq ans1. Or, ces enfants sont les moins accueillis en crèche, et les inégalités se reproduisent dès le plus jeune âge. Un accueil de haute qualité est le meilleur investissement public possible pour briser ce cercle vicieux, avec en plus un retour sur investissement au bout de 25 ans de sept euros pour un euro investi2. Mais il ne suffit pas d’ouvrir les crèches aux plus démunis pour qu’ils s’y sentent légitimes : un projet éducatif et une formation des professionnels adéquats sont nécessaires ! ⦁ 1 - Source : Unicef 2 - Analyses de France Stratégie
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Pierre Moisset Pierre Moisset est sociologue de la famille. Il accompagne les professionnels de l’accueil individuel et collectif dans le développement de leur expertise éducative et leur professionnalisation. Il conseille les acteurs publics et privés de l’accueil de la petite enfance dans leur réponse aux besoins et dans la définition de la qualité éducative. Ses travaux portent sur les évolutions de l’enfance, de la parentalité, ainsi que sur les professions de l’enfance et de l’éducation.
On doit repenser les parcours et modes d’accueil des parents, trop clivés entre collectif et individuel, pour les intégrer dans des projets éducatifs globaux avec une conception précise du développement de l’enfant. Plus encore, il faut faire de la parentalité une situation moins isolée, à travers des espaces publics de parentalité et plus seulement des espaces de consultation ou d’accueil. Enfin, le congé parental doit être plus court, mieux rémunéré, et plus incitatif pour les hommes.
Grandir en confiance Avec deux antennes, l’une à Saint-Brieuc et l’autre à Loudéac, le Service d’accueil de jour éducatif (SAJE) 22 a ouvert ses portes en mai 2018. Dans ses locaux briochins situés rue Saint-Gilles, sont accueillis 20 enfants âgés de sept à 13 ans et leurs familles. Créés par le GROUPE SOS en 2005, les accueils de jour accompagnent les enfants et leurs parents pour maintenir leurs liens et préserver leur relation.
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Les enfants au cœur du dispositif
Le SAJE est un temps de respiration où les enfants peuvent participer à de nombreuses activités. Sport, promenade, soutien scolaire, sorties culturelles, ateliers… Toutes visent à mobiliser les ressources de chacun et à offrir des espaces d’expression et de rencontres. C’est également l’occasion pour l’équipe éducative d’observer les comportements des enfants afin de mieux saisir l’environnement familial et affectif dans lequel ils évoluent. Un projet d’accompagnement sur-mesure est ensuite construit en fonction des besoins et des carences de l’enfant. Il se compose notamment d’activités destinées à le socialiser, lui apprendre à vivre en collectivité, respecter les autres… Le mercredi par exemple, les enfants élaborent le menu du déjeuner. Ils se rendent ensuite au marché de Saint-Brieuc pour faire les courses. De retour au SAJE, ils cuisinent, mettent la table, mangent
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Il est 16 heures, la journée d’école vient de se terminer. Les enfants, accompagnés par les éducateurs, commencent à arriver au SAJE. Les premiers rires résonnent dans les couloirs. Après avoir mis leurs chaussons, ils se retrouvent autour d’un goûter préparé par Laetitia Guesdon, la monitrice éducatrice. Le SAJE s’organise comme une petite maison. Une partie est réservée à l’administration avec des bureaux où les équipes travaillent quand les familles ne sont pas là. L’autre partie est un véritable lieu de vie. Elle se compose d’une salle d’activité, d’une bibliothèque, d’une salle scolaire ou encore d’une cuisine. Pendant deux ans, les enfants y viennent de deux à trois soirs par semaine après l’école. Ils peuvent s’y rendre aussi le mercredi ou le samedi et pendant les vacances scolaires.
et débarrassent. Cet apprentissage du quotidien permet de donner des repères à l’enfant et de lui transmettre des règles simples de vie en société. Autre exemple ? Le SAJE organise régulièrement des séjours éducatifs, l’occasion pour les enfants de découvrir la vie collective tout en développant leur autonomie. Pendant cinq jours, les enfants sont partis à la découverte de l’environnement marin dans la ville de Plounéour-Trez. Un moment bénéfique pour Dylan, accompagné par le SAJE, mais aussi pour Didier, son papa, peu habitué à être séparé de son fils : « J’ai toujours peur qu’il arrive quelque chose à mes enfants. Le séjour m’a permis d’expérimenter la séparation, de relativiser. »
Soutenir les parents, leur redonner confiance
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Même si les enfants sont au cœur du dispositif, les parents occupent une place tout aussi importante. C’est l’une des innovations du SAJE : les parents sont pleinement intégrés au projet pédagogique et considérés comme les principaux acteurs de leur changement de situation. Tout au long de l’accompagnement, ils peuvent, seuls ou avec leur enfant, échanger avec une psychologue qui se charge de les guider et de les épauler. En parallèle, ils définissent, avec l’aide de l’équipe éducative, les domaines dans lesquels ils sont compétents. Ceux qui le souhaitent ont ensuite l’opportunité d’animer des ateliers en fonction de leurs facultés. Scrapbooking, jardinage ou encore peinture… L’objectif est de valoriser leurs potentialités pour leur redonner confiance. Confiance en eux mais aussi confiance en leur rôle de parent. « Nous faisons comprendre aux familles qu’elles ont la solution en elles. Qu’elles sont capables d’élever leurs enfants, et de le faire correctement », explique Laetitia, monitrice éducatrice.
Reconstruire la relation, préserver les liens familiaux Les liens entre les parents et les enfants, confrontés à des difficultés de vie, peuvent se fragiliser et entraîner des situations complexes, pouvant conduire à une séparation temporaire ou prolongée. Des carences affectives, éducatives et psychologiques, peuvent engendrer chez les enfants des difficultés relationnelles et scolaires, un manque d’estime de soi et, parfois, des problèmes de comportement et de violence. Ce dispositif représente une véritable alternative au placement. « Nous accompagnons des familles qui vivent des situations difficiles et ont besoin d’être soutenues dans leur quotidien », explique Ann-Claude Quero-Le-Jean, Directrice du SAJE 22. Le caractère innovant de ce dispositif ? Créer un palier entre un accom-
« Nous faisons comprendre aux familles qu’elles ont la solution en elles. Qu’elles sont capables d’élever leurs enfants, et de le faire correctement. »
pagnement éducatif en milieu ouvert devenu insuffisant et un placement prématuré ou inapproprié. Il donne aux familles l’opportunité de reconstruire leur lien, de rétablir des relations apaisées et ainsi de retrouver le chemin de la sérénité. « Les familles sont orientées vers nous dans le cadre d’une procédure judiciaire ou dans le cadre d’un contrat passé avec l’Aide sociale à l’enfance (ASE) », poursuit la directrice. À leur arrivée, les parents sont souvent réticents car ils n’ont pas choisi d’être ici. « Les familles sont souvent orientées vers nous à la suite d'un jugement. Nous souhaitons sortir de ce mot et accueillons les parents avec bienveillance et empathie. Nous repartons sur des bases neuves », souligne Laetitia, Monitrice éducatrice. Il arrive également que les familles sentent qu’elles ont des difficultés avec leur enfant et demandent spontanément à être accompagnées par le SAJE. Ce fut le cas pour Didier, papa de neuf enfants dont quatre ont été accompagnés par la structure. « Mon fils Dylan avait une phobie scolaire. Nous avons sollicité l’équipe du SAJE pour qu’elle l’aide à régler ce problème avant son entrée en sixième. » Pari réussi : aujourd’hui, Dylan a repris confiance en lui et retourne à l’école.
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L’une des forces de l’établissement ? Son équipe. Elle est composée d’éducateurs et éducatrices, d’une psychologue, d’un intervenant avec une approche en médiation familiale, d’un éducateur sportif, de deux éducatrices scolaires, de deux secrétaires, d’une cheffe de service et d’une directrice. L’équipe est très soudée. « Nous nous sommes tous rencontrés avant l’ouverture de l’établissement. Nous avons aménagé les locaux ensemble, cela a resserré nos liens », confie Lætitia. Et cela, les parents l’ont remarqué : « L’équipe est formidable et humaine. Nous nous sentons écoutés ici. Même si ce fut compliqué pour nous au début, maintenant nous venons ici avec le sourire », conclut Didier. ⦁
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Lætitia Guesdon, monitrice éducatrice. « Nous faisons comprendre aux familles qu’elles ont la solution en elles. »
b Didier et ses enfants, Dylan et Victoria-Line, famille accompagnée par le SAJE 22. « Pour nous, l’équipe du SAJE est une véritable épaule sur laquelle on peut s’appuyer. »
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Éduquer pour épanouir
Garantir les mêmes chances à chaque enfant
S’adapter à l’enfant pour favoriser l’épanouissement
Grandir est une route sinueuse, pleine d’opportunités mais aussi d’épreuves qui influencent la construction de chaque jeune. Instabilité familiale, difficultés scolaires, manque de confiance en soi… De nombreuses formes d’exclusion peuvent prendre leurs racines dès l’enfance. C’est dans ce cadre que l’Aide sociale à l’enfance (ASE) agit aujourd’hui en France, avec la mis- établissements sion de prévenir, de repérer et de traiter des situations de danger ou de risque de danger pour tous les enfants. On estime que 20,4 ‰ des mineurs ont été accompagnés par l’ASE en 2016, soit 299 600 enfants. Conscient de l’importance d’agir pour tous les jeunes concernés, le GROUPE SOS s’est engagé à développer des activités dans le cadre de l’Aide sociale à l’enfance, afin de prévenir et de pallier les difficultés des enfants, mais aussi de soutenir leurs parents. Notre objectif ? Garantir les mêmes chances à chaque jeune que nous accompagnons, en mettant les droits fondamentaux et le bien-être de l’enfant au cœur de notre philosophie. Pour y parvenir, nous proposons une approche globale mêlant prévention, éducation, pédagogie, soutien à la parentalité et accompagnement social et professionnel.
Donner à chacun les clefs pour construire sa propre histoire a toujours été au cœur de nos préoccupations. Toutes nos actions visent à rendre nos jeunes bénéficiaires autonomes et leur permettre de trouver leur place dans la société. En tant qu’individus accomplis et en tant que futurs citoyens. Nous sommes arrivés au constat suivant : l’éducation, essentielle pour trouver sa place dans la société, doit être adaptée à la situation de chaque enfant en difficulté. La vie en communauté, un environnement familial stable, l’accès au langage, à la culture, à des activités responsabilisantes, la sensibilisation aux valeurs telles que la mixité, le respect de la différence, constituent les éléments déterminants dans la construction des jeunes. Dès qu’un enfant nous est confié dans le cadre de l’Aide sociale à l’enfance, nous mettons tout en œuvre pour comprendre au mieux son parcours et ses besoins. Dans nos établissements et services, nos équipes sont pluridisciplinaires. La complémentarité de leurs compétences leur permet d’apporter une réponse globale, adaptée à chaque jeune. Par exemple, nos Maisons d’enfants à caractère social (MECS) comptent des éducateurs spécialisés, scolaires et sportifs, des professionnels du domaine médico-psychologique, des psychologues… jeunes Nous proposons éga- bénéficiaires lement des solutions diversifiées d’hébergement individuel ou collectif, un centre maternel pour accueillir les mères démunies ou encore des dispositifs d’Action éducative en milieu ouvert (AEMO) pour accompagner les jeunes dans leur famille. C’est ainsi que nous assurons un environnement sain et un suivi personnalisé, permettant à chaque enfant de se développer de manière équilibrée.
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Se cultiver pour mieux s’affirmer
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La création de liens d’attachement au cœur de l’accompagnement La sécurité est le premier besoin des enfants. Pour un grand nombre de ceux qui sont accompagnés en protection de l’enfance, le contexte familial n’a pas pu offrir cette base nécessaire pour grandir, s’ouvrir au monde et devenir un adulte, avec les droits et devoirs qui en résultent. Notre conviction : la famille doit être autant que possible mise au cœur de l’éducation et contribuer ainsi à l’équilibre affectif des jeunes mais, parfois, notre rôle est aussi d’accompagner la rupture, la séparation et favoriser l’établissement de nouvelles relations affectives avec une nouvelle figure d’attachement. À chaque fois que c’est possible, nous faisons du maintien du lien familial, et avec les personnes ressources autour de l’enfant, une priorité. Nous développons notamment des dispositifs qui accompagnent et soutiennent les parents dans leur rôle. Au sein des Services d’accueil de jour éducatif (SAJE), par exemple, les projets éducatifs incluent pleinement les parents et les proches de l’enfant, grâce notamment à de nombreux ateliers ludiques qui leur offrent des moments d’échanges privilégiés et renforcent les liens entre l’enfant, ses parents ou ses proches. Le GROUPE SOS rappelle et prouve, à travers tous ses dispositifs, qu’en plaçant l’éducation au cœur de ses préoccupations et en s’appuyant sur toutes les ressources qui l’entourent, il sera possible de donner les mêmes chances à chaque enfant.
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Nous plaçons l’éducation au cœur du processus d’autonomisation et d’épanouissement des jeunes. L’accès à une scolarisation adaptée, mais aussi à la culture, est pour nous essentiel pour construire un projet d’avenir. À titre d’exemple, notre établissement GAIA 94, qui accueille, protège et favorise l’insertion sociale de mineurs non accompagnés, propose des ateliers sur le droit et la citoyenneté avec le Centre des monuments nationaux, des stages de hip-hop, des visites au musée, des cinés-débats, des ateliers de création d’une radio… Dans l’ensemble de nos dispositifs, nous sommes convaincus que l’art et la culture sont de formidables moyens d’expression, notamment pour apprendre aux jeunes à s’affirmer. C’est le cas par exemple pour huit enfants non accompagnés accueillis dans l’unité d’hébergement diversifié Archipel. Ils avaient pris part à un important projet photographique en 2017, destiné à valoriser leur image et leur parcours d’intégration en France. Deux initiatives parmi tant d’autres qui illustrent notre volonté, à la fois d’ouvrir les jeunes au monde qui les entoure, mais aussi de valoriser leur parcours individuel et leur histoire.
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Un enfant, plus qu’un adulte en devenir, une personne à part entière Avec la participation de
Geneviève Avenard Défenseure des enfants et adjointe du défenseur des droits Isabelle Santiago 5e vice-présidente du Conseil départemental du Val-de-Marne, en charge de la délégation Prévention et protection de I’enfance et de I’adolescence, et Prévention spécialisée Flavie Mekharchi Membre du directoire du GROUPE SOS Jeunesse
À l’occasion des trente ans de la signature de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), trois expertes de la protection sociale de l’enfance croisent leurs regards pour donner un panorama complet de ces enjeux aux niveaux national, départemental et des établissements médicosociaux.
Nous fêtons cette année les trente ans de la signature de la Convention internationale des droits de l’enfant : quel constat faites-vous de l’effectivité de ces droits en France ? Flavie Mekharchi : L’effectivité des droits des enfants tels qu’ils sont proclamés dans la CIDE est insuffisante. Pour les enfants les plus vulnérables - enfants placés, porteurs de handicap, mineurs non accompagnés la mise en œuvre concrète des droits reste particulièrement complexe. Nous constatons la persistance d’inégalités dans l’accès aux droits selon les territoires, notamment d’Outre-mer. Heureusement, des avancées existent dans la lignée des principes du GROUPE SOS : droit d’expression, de participation, et prise en compte des besoins fondamentaux de l’enfant. Isabelle Santiago : Avec plus de trois millions d’enfants sous le seuil de pauvreté en France, beaucoup reste à faire sur l’effectivité de ces droits, par les départements, chefs de file de la protection de l’enfance, mais également avec le concours de l’État
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et ses différents services. En effet, une telle politique transversale doit permettre un accompagnement global (formations, soins, logement…). Par ailleurs, sur la santé mentale, l’État doit lancer un plan pour développer la pédopsychiatrie afin de permettre le nécessaire travail de résilience chez les jeunes confiés ayant subi des traumatismes impactant leur développement.
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Geneviève Avenard : D’une manière générale, je constate que l’enfant, et particulièrement le plus petit ou le plus vulnérable, peine encore à être considéré comme une personne à part entière et un sujet de droits propres. Les logiques d’adultes, leurs processus décisionnels et leur organisation normée ne devraient pas prendre le pas sur l’intérêt supérieur de l’enfant. De fait, beaucoup reste à faire sur l’effectivité des droits. Et puis nous ne sommes pas au rendez-vous concernant le droit des enfants à être protégés contre les violences. Sur ce sujet qui touche tous les enfants, sans distinction de milieu ou d’origine, il faut de manière urgente interdire, par la loi, les violences dites éducatives, avec un dispositif d’accompagnement des parents.
Quelles sont, selon vous les forces et les faiblesses du système actuel de Protection sociale de l’enfance ? Quelles pistes d’améliorations pourrions-nous envisager ? Geneviève Avenard : Sa force est surtout de disposer d’un cadre juridique très complet qui s’appuie désormais clairement sur les besoins fondamentaux et les droits des enfants. Ses faiblesses : l’insuffisance de la prévention et de l’accompagnement des parents ; le cloisonnement institutionnel et l’insuffisante coordination entre des acteurs de cultures très différentes. Avec deux enjeux prioritaires qui sont la formation des professionnels et la nécessité de disposer de repères communs et
partagés, via notamment un référentiel national d’évaluation des situations. Sans oublier la question des moyens alloués à la protection de l’enfance, à tous les niveaux, qui a un impact direct sur la qualité des réponses apportées aux enfants et aux familles, notamment en matière de délais. Flavie Mekharchi : Certes, des dysfonctionnements intolérables sont à déplorer. Cependant, dans la grande majorité des cas, les dispositifs fonctionnent, ils protègent les enfants et accompagnent les familles. Les principaux axes d’amélioration seraient un pilotage national, un décloisonnement institutionnel, la poursuite de la diversification de l’offre et l’accompagnement à la sortie des dispositifs de l’ASE. Il est par ailleurs essentiel de reconsidérer les questions de reconnaissance professionnelle, de formation et de revalorisation salariale de notre secteur, qui souffre d’un manque d’attractivité manifeste. Isabelle Santiago : Pour relever les défis touchant les enfants, et notamment la grande pauvreté, il est urgent que les magistrats, les avocats, les médecins, les personnels de l’Éducation nationale, travaillent ensemble et suivent une formation aux besoins fondamentaux de l’enfant. Commençons de fait par appliquer la loi de mars 2016 qui place l’enfant au cœur des décisions en protection de l’enfance, et non la famille, et qui lui permet de bien grandir.
Quelles mutations envisagez-vous, à plus long terme, susceptibles d’influer sur la protection de l’enfance en France ? Observez-vous des évolutions laissant présager d’une rupture, ou, au contraire, une forme de continuité ? Isabelle Santiago : J’ai espoir que nous changions de paradigme sur ce sujet pour ouvrir le champ des possibles en coordination avec les départements et, notamment, en faveur de la médecine de l’adolescent qui n’estpas assez développée. Il faut une prise en charge globale physique et psychique à un âge où les mots ne sont pas toujours dits mais se traduisent par des maux. La lutte contre la pauvreté des enfants doit irriguer les politiques publiques pour que la jeunesse soit au cœur des préoccupations, telle que la reconnaissance des enfants comme co-victimes des violences faites aux femmes. La jeunesse
« Les logiques d’adulte ne devraient pas prendre le pas sur l’intérêt supérieur de l’enfant. »
Geneviève Avenard : J’évoquerais d’abord les évolutions sociétales ainsi que des formes de parentalité et des familles, avec des sujets qui devraient se développer comme l’accès aux origines. Je pense ensuite à la place croissante du numérique dans la vie des enfants et de leurs familles, dont les effets sont encore peu appréhendés sur les pratiques en protection de l’enfance. Mais une évolution, importante selon moi, est celle de la place accordée à la parole des enfants en protection de l’enfance. Je suis certaine que les considérer comme des acteurs de leur propre histoire et des participants légitimes aux décisions collectives entraînera une évolution positive de l’ensemble du dispositif. C’est fort de cette conviction que nous avons lancé, cette année, une consultation des enfants, à laquelle le GROUPE SOS a été associé, et qui s’adressera en priorité aux publics de la protection de l’enfance. Flavie Mekharchi : Nous devrions observer dans la prochaine décennie une diminution des placements au profit de nouveaux modes d’accompagnement. Notre souhait est de voir les actions de prévention prendre le pas sur les actions curatives et que la prévention primaire devienne un axe central de la politique de protection de l’enfance. Nous devons aussi étendre nos accompagnements sur de nouveaux champs et envisager la fusion de politiques publiques pour inclure certaines problématiques sociétales à la protection des enfants : chômage, paupérisation, réseaux sociaux ou flux migratoires ont tous un impact direct sur leur bien-être et leur développement. ⦁
Geneviève Avenard Geneviève Avenard est défenseure des enfants, adjointe du défenseur des droits depuis octobre 2014. Elle a une expérience de plus de 30 ans en politique de l’enfance, protection de l’enfance et enfance en situation de handicap ainsi qu’une expérience de 25 ans en conseils généraux. Elle est, en outre, présidente du Réseau des défenseurs des enfants européens ENOC (European network of ombudspersons for children).
Isabelle Santiago Élue locale depuis 2001, fonctionnaire territoriale depuis plus de 30 ans et militante des droits de l’enfant depuis 1985, Isabelle Santiago est aujourd’hui vice-présidente du département du Val-de-Marne en charge de la protection de l’enfance et de la jeunesse et adjointe au maire d’Alfortville sur les sujets de petite enfance, des familles et du personnel. Dans le passé elle a également présidé la Fédération hospitalière de France (FHF) et a été conseillère du président du Sénat entre 2012 et 2014.
Flavie Mekharchi Flavie Mekharchi arrive au sein du GROUPE SOS en 2006 en tant que juriste de droit social pour le secteur Jeunesse. Après avoir assuré la direction d’une association du Groupe agissant dans le champ de la Protection sociale de l’enfance, elle devient directrice générale adjointe du secteur Jeunesse en 2016 puis assure, à partir de 2018, une mission de secrétariat général du secteur. En janvier 2019, Flavie Mekharchi devient membre du directoire en charge des activités Jeunesse. Flavie est avocate de formation et diplômée d’un master en Droit social.
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est un passage et ne dure pas, elle construit en revanche la citoyenneté, et nous devons l’accompagner de la meilleure manière.
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Mineurs délinquants : des enfants avant tout
Rompre avec la délinquance, renouer avec soi « Au CER, nous accueillons chaque session huit mineurs délinquants multirécidivistes. Néanmoins, tous n’arrivent pas avec des parcours délinquants importants, et certains peuvent même être primo-délinquants. De fait, alors que certains vont être placés en alternative à l’incarcération, d’autres le serontà la suite d'un sursis avec mise à l’épreuve. Ils seront donc admis au centre après des délits moins importants », précise d’emblée Youcef
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L’incarcération rime souvent avec répression. Elle est parfois inévitable, mais, pour un jeune mineur, peut freiner considérablement son insertion dans la société. Un centre éducatif renforcé (CER) propose une alternative à la prison. Un lieu cadré et contraignant. Mais aussi un espace où les jeunes pourront retrouver leurs marques, rompre avec leur quotidien et leurs habitudes. Au CER d’Aubervilliers, huit jeunes sont accueillis par session. Le défi de l’équipe ? En quatre mois et demi, redonner aux jeunes un cadre sécurisant et leur montrer qu’une autre voie est possible.
« Beaucoup de jeunes reviennent nous voir des années après pour nous dire : “je travaille, je suis marié, j’ai des enfants, aujourd’hui tout va bien”. »
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Habbeddine, directeur du CER 93. Tous sont des garçons, âgés de 13 à 17 ans. Pendant quatre mois et demi, ils vont apprendre à vivre les uns avec les autres et avec les éducateurs qui les accompagnent au quotidien, du matin au soir, et pendant chaque temps d’activités. Les jeunes, y compris lorsqu’ils sont au sein du centre, sont toujours accompagnés par un éducateur. « Le CER est une structure où nous accompagnons les jeunes qui vivent dans un cadre contraignant mais où nous faisons également preuve de bienveillance à leur égard », explique Youcef. Pendant quelques mois, l’objectif va être de permettre aux jeunes de couper avec des habitudes et un cadre de vie qui ont pu les mener à commettre des actes de délinquance. « C’est pour cela que toute session au CER démarre par un séjour de rupture où les jeunes partent pendant un mois, en Ardèche ou dans les Hautes-Alpes. » Séjour qui permet de marquer cette rupture mais aussi de créer des liens entre eux et avec l’équipe éducative. « La confiance des jeunes envers nous est primordiale, précise Youcef, et celle-ci commence à se construire pendant ce séjour. Les jeunes vont faire des activités comme de la via ferrata, du rafting, du canyoning… Pendant l’escalade, par exemple, les éducateurs vont participer. Les jeunes pourront se reposer sur eux pour grimper et réciproquement. » Au-delà de l’escalade, les jeunes pourront également se reposer sur leurs éducateurs, tout au long de leur séjour, pour évoluer vers une autre vie. Autre objectif de ces activités : « leur montrer qu’elles sont certes risquées, mais que le risque est limité et calculé du fait qu’elles sont encadrées par des professionnels qui maîtrisent parfaitement l’environnement et qui disposent du matériel adéquat », explique Youcef. Et leur permettre ainsi de prendre du recul sur leurs actes. De prendre conscience, malgré leur jeune âge et des parcours souvent difficiles, semés d’embûches, des règles et des limites.
Redessiner les contours de son avenir Au CER, les jeunes reprennent un rythme de vie équilibré. Ulrich, éducateur spécialisé au CER depuis neuf ans, nous explique que cela peut être compliqué pour eux : « Ils peuvent avoir du mal à se réadapter, à se réveiller le matin, à avoir une bonne hygiène ou à prendre l’habitude de ranger leur chambre. » À la clé de cette réadaptation, une vie plus cadrée et plus sécurisante pour les jeunes. Pour certains, les repas pris tous ensemble font figure d’exception par rapport à ce qu’ils peuvent connaître chez eux. Les temps de vie et activités sont pensés pour que les journées se passent le plus normalement possible, comme si les jeunes se levaient pour partir à l’école, en formation ou au travail. Savoir respecter un rythme est une première étape capitale pour trouver et garder un emploi. Pour renforcer cette préparation au retour dans la vie scolaire ou professionnelle, le CER a mis en place, en janvier 2016, l’atelier Orientation et insertion professionnelle qui accompagne les jeunes dans leurs démarches d’accès à l’emploi et à la formation, en partenariat avec une association. Chaque semaine, ils peuvent rencontrer une chargée d’insertion professionnelle. Avec elle, ils peuvent parler de leur stage de fin de ses-
S’élancer, en confiance En plus des activités proposés chaque semaine (boxe éducative, foot en salle, équitation…), l’une des spécificités du CER 93 est de proposer un accompagnement centré sur les arts et métiers du cirque. Quatre fois par semaine, les jeunes se rendent avec leurs éducateurs dans un cirque, situé dans le Val-d’Oise. Dès qu’ils se retrouvent sous le chapiteau, tous retrouvent un sourire et des réflexes d’enfant. Ils écoutent attentivement les consignes avant de se lancer, deux par deux, les cerceaux. Ils se soutiennent pour grimper au trapèze et cherchent à faire les figures les plus impressionnantes en voltige. Tous se prêtent au jeu. Y compris leurs éducateurs qui s’essayent aussi au trapèze. Les rires fusent, et l’ambiance, qui peut sembler lourde entre les murs du Centre, devient soudainement légère. D’un coup, ces jeunes « délinquants »
C’est le travail des éducateurs, heure après heure, qui accompagnent les jeunes partout et vont partager leur quotidien pendant plusieurs mois. Ils doivent poser les limites et faire respecter les règles mais le font avec bienveillance. Ulrich confirme : « Il faut faire preuve de beaucoup de patience, et savoir être compréhensif, sécurisant. » Les journées au sein d’un CER ne sont pas de tout repos, il y a des fugues qui peuvent se solder par une incarcération, des disputes, des coups parfois. Il faut y faire face au quotidien et ne pas se décourager. Ce que nous confirme Youcef : « Des souvenirs marquants ? Il y en a beaucoup. Certains joyeux, d’autres non. Ce qu’on peut retenir ,c’est qu’on a beaucoup de jeunes qui reviennent nous voir des années après pour nous dire : "Je travaille, je suis marié, j’ai des enfants, aujourd’hui tout va bien." » ⦁
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sion, obligatoire pour tous les jeunes suivis au CER, mais aussi de ce qu’ils pourront faire à la sortie du centre. Ils abordent des points comme les règles sociales, le respect des autres, l’adaptation à un groupe… En parallèle, les jeunes assistent chaque semaine à des cours de maintien scolaire. Grâce à cet accompagnement éducatif renforcé, les jeunes peuvent se construire un avenir.
ne sont plus que des adolescents. Ce qu’ils ont fait, les difficultés qu’il ont pu rencontrer, sont laissées pour quelques heures à la porte du chapiteau. À la fin de chaque session, les jeunes pourront montrer ce qu’ils ont appris lors d’un spectacle auquel leurs familles seront invitées. « C’est aussi un moyen de les valoriser, précise Ulrich, et c’est primordial de le faire. Il faut qu’ils reprennent confiance et conscience de ce qu’ils sont. » Et ce qu’ils sont, c’est avant tout des adultes en devenir. Sans remettre en question les délits ou erreurs qu’ils ont pu commettre, mais en leur laissant la chance de ne pas voir leur futur en dépendre.
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a Rayan, 15 ans, lors de l’activité cirque organisée par le CER 93, où il est accompagné.
Ulrich, Éducateur spécialisé. « Le plus important est de faire preuve d’écoute et de patience. De donner un cadre sécurisant aux jeunes et surtout de les valoriser. »
Un projet éducatif est plus solide qu’un mur
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La délinquance n’est pas une fatalité
Garantir un environnement stable et épanouissant
D’abord engagés dans l’accompagnement des jeunes en difficulté, nous avons étendu ensuite nos activités vers l’accompagnement de mineurs délinquants. Notre conviction : personne ne naît, ni ne demeure délinquant, à condition de bénéficier d’un accompagnement adapté. Or, la logique répressive est une réponse trop souvent choisie en France, mais n’est pas toujours adaptée pour aider les jeunes à bâtir un projet d’avenir. À titre d’exemple, en 2017, 37 % des affaires impliquant au moins un mineur se soldait par des poursuites judiciaires. Nous estimons que les jeunes ne doivent pas être réduits à leurs actes passés, mais au contraire être considérés comme des individus en devenir. C’est pourquoi nous mettons l’éducation, la confiance et un projet d’avenir au cœur de tous nos dispositifs.
Nos activités de Protection judiciaire de la jeunesse ont pour objectif de donner de nouvelles perspectives. Nous proposons d’accueillir les jeunes délinquants dans noscentres éducatifs renforcés (CER), nos centre éducatifs fermés (CEF), nos établissements de placement éducatifs (EPE), lieux de vie et d’accueil (LVA), unités d’hébergement diversifié (UHD) et en milieu ouvert. Au sein de petits groupes accompagnés par des éducateurs spécialisés, les jeunes placés sous décision judiciaire peuvent rompre avec leur environnement habituel. Ils expérimentent un mode de vie plus autonome, établissent de nouveaux liens relationnels pour apprendre le partage, la solidarité, les règles de la vie en communauté. Lorsque les jeunes approchent de la majorité, et jusqu’à 21 ans, nous leur proposons également dans nos Unités d’hébergement diversifié des solutions de logement individuel ou semi-autonome pour les accompagner vers une autonomie complète.
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établissements et services
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jeunes bénéficiaires
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La confiance en soi : la clé de la réussite
Comment aider les jeunes délinquants à bâtir un projet d’avenir ? Quand la prison ou les premiers centre éducatifs fermés (CEF) avaient pour principe d’isoler les délinquants de la société, au GROUPE SOS, nous avons imaginé les choses autrement et proposé des centres éducatifs fermés « ouverts » sur leur environnement. Ouverts car nous sommes convaincus qu’isoler les jeunes ne leur permet pas d’apprendre à vivre en société et à construire un projet de vie. Par exemple, les équipes de nos CEF organisent des rencontres avec des professionnels et des activités en lien avec des écoles ou des associations pour favoriser leur insertion. Sans oublier la famille. Dans la mesure du possible, nous encourageons la restauration de liens familiaux souvent rompus.
Pour permettre aux jeunes de devenir des individus accomplis, nous sommes convaincus que nous devons ouvrir leur esprit au monde qui les entoure. Nous privilégions la culture et le sport pour éveiller leur sens de la curiosité et susciter des vocations. Nos Centres éducatifs renforcés (CER) s’appuient notamment sur l’art pour permettre aux jeunes de découvrir leurs capacités et de s’ouvrir au monde. Nous multiplions les activités éducatives, allant de la spéléologie aux arts du cirque, en passant par l’écriture (textes de musique, édition du journal de leur établissement…) Les jeunes apprennent ainsi à se faire confiance, à mieux se connaître, à valoriser l’image qu’ils portent sur eux-mêmes... Et à gravir des montagnes, au sens propre comme au sens figuré. En 2018, les jeunes du CER Lozère ont, par exemple, marché jusqu’au sommet d’une montagne alpine pendant trois jours, en faveur d’un projet associatif porteur de sens : la lutte contre le cancer. Nous leur montrons qu’ils peuvent se faire confiance car nous leur faisons confiance. Lors d’une rencontre au Conseil de l’Europe, deux jeunes du CEF de Saverne ont participé à l’élaboration et au service du déjeuner au cœur de cette institution européenne renommée. Nous en sommes convaincus : c’est en les responsabilisant qu’ils peuvent développer une image positive d’eux-mêmes, se sentir utiles et trouver leur place dans la société.
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Des CEF ouverts pour éviter l’isolement
Interview croisée
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Contraindre n’est pas un projet Avec la participation de
Madeleine Mathieu Directrice de la protection judiciaire de la jeunesse – Ministère de la Justice David Cohen Chef du service de pédopsychiatrie à l’hôpital de la PitiéSalpêtrière (Paris) Maxime Zennou Directeur général GROUPE SOS Jeunesse
Un enfant délinquant est bien souvent un enfant en danger. À l’heure de la réforme de l’ordonnance de 1945, texte fondateur de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), sa directrice, un des plus grands pédopsychiatres français et le directeur général de GROUPE SOS Jeunesse reviennent sur l’importance de la primauté de l’éducatif sur le répressif. Quel regard portez-vous sur les réponses apportées aujourd’hui par la justice des mineurs, autant pour les délinquants que les mineurs en danger ? Madeleine Mathieu : Les parcours de vie des mineurs délinquants et des mineurs en danger sont souvent identiques, quand ils ne se succèdent pas. Ils justifient la double compétence du juge des enfants et, à l’heure de la refonte de l’ordonnance de 45 réaffirmant les principes de spécialité de la justice des mineurs et de primauté de l’éducatif, le développement d’une justice « résolutive de problèmes ». Préférer l’accompagnement individualisé vers la réinsertion à l’incarcération restera toujours la solution la plus efficace pour lutter contre la récidive. David Cohen : Personnellement, je souscris à la volonté d’avoir une justice équitable sur tout le territoire et des modalités mieux circonscrites de la justice des mineurs. Je regrette néanmoins que,
« N’ayons pas peur d’ouvrir les centres éducatifs fermés ! »
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Interview croisée
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depuis plusieurs années, les liens entre aide sociale à l’enfance et services d’accompagnement de type PJJ soient parfois distendus et interviennent finalement comme un gradient de sévérité. En effet, dans certains cas, il paraît difficile d’avoir une réelle prévention venant de la justice des mineurs, alors que, pour certains cas frontières, c’est souvent l’intervention d’un tiers justice qui permet d’introduire la fermeté structurante, que ce soit pour le jeune ou pour sa famille. Je plaide donc pour des évolutions qui permettent des passages plus en douceur dans l’intérêt supérieur de l’enfant.
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Maxime Zennou : À l’heure où le dispositif français est critiqué, et que nous observons un accroissement des addictions et des désordres psychologiques, voire psychiatriques chez les jeunes pris en charge, nous privilégions l’amélioration continue de la qualité des réponses et la recherche de l’innovation pour que les institutions s’adaptent aux problématiques des jeunes… Et non l’inverse ! L’évolution progressive de l’éducation spécialisée vers une diminution de la taille des institutions, et ainsi des violences institutionnelles, et vers une promotion de l’intervention éducative en milieu ouvert, centrée sur les problématiques d’insertion des jeunes, va dans le bon sens et doit être approfondie.
Selon vous, quels types de dispositifs innovants peut-on imaginer dans le cadre de la prise en charge sous contraintes de ces jeunes ? Maxime Zennou : Au sein de GROUPE SOS Jeunesse, nous restons de fervents promoteurs des séjours de rupture qui peuvent provoquer des changements de trajectoires à condition que la sortie soit bien préparée : maintien du lien familial, développement rapide d’un projet de formation ou d’activité, parcours de soin psychiatrique si néces-
Madeleine Mathieu Madeleine Mathieu a été nommée directrice de la Protection judiciaire de la jeunesse en 2017 après des dizaines d’années d’expérience en la matière. Elle a notamment été présidente de la chambre sociale à la cour d’appel de Versailles, conseillère à la cour d’appel de Paris, vice-présidente chargée de l’application des peines au tribunal de grande instance d’Évry puis au tribunal de grande instance de Paris. Elle a ensuite été cheffe du bureau des affaires judiciaires et de la législation puis sous-directrice des missions deProtection judiciaire et d’éducation à la direction de la protection judiciaire de la jeunesse qu’elle dirige aujourd’hui.
David Cohen Chef du service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’hôpital de la PitiéSalpêtrière à Paris, et professeur à l’Université Pierre-et-Marie-Curie, David Cohen est un des plus grands spécialistes français en pédopsychiatrie.
« C’est en protégeant les enfants d’aujourd’hui qu’on évite la délinquance de demain. »
Maxime Zennou Maxime Zennou dirige le secteur Jeunesse du GROUPE SOS depuis 2009. Auparavant, Maxime Zennou a passé plus de douze ans à travailler sur la protection judiciaire de la jeunesse, pour le ministère de la Justice, d’abord comme directeur d’un centre d’action éducative puis notamment comme directeur départemental adjoint de la Protection judiciaire de la jeunesse à Paris. Maxime est diplômé d’un master Interventions et pratiques sociales. Il est chevalier de l’ordre national du Mérite.
Madeleine Mathieu : La contrainte n’est pas une fin en soi. Je préfère aborder cette question sous l’angle de la contenance éducative, qui vise à construire, dans une diversité d’approches et de structures, un cadre sécurisant et bienveillant aux jeunes accompagnés. La constitution d’un dispositif, en milieu ouvert, d’hébergement et d’insertion répondant aux besoins du public doit associer le secteur associatif et les dispositifs de droit commun auxquels le mineur devra pouvoir s’inscrire à nouveau. Une articulation de la justice des mineurs et de ses partenaires est aussi une condition de réussite. Enfin, un soin particulier doit être mis à l’accompagnement des jeunes les plus en difficulté à leur sortie. Le placement séquentiel, le travail sur les liens familiaux et l’accueil de jour sont destinés à répondre à cet impératif. David Cohen : Les dispositifs innovants dépendent beaucoup des associations qui les portent et du tissu local. Selon moi, un certain nombre de principes récents doivent être appliqués : - répondre aux besoins fondamentaux des enfants et, de ce point de vue, le dernier rapport ministériel est intéressant ; - privilégier une approche d’empowerment ; - former les professionnels dans l’objectif de permettre aux jeunes d’accéder à un projet de vie.
À la lumière des évolutions en cours, autant au niveau de la réforme de l’ordonnance de 1945 que des connaissances nouvelles apportées par les neurosciences, comment appréhendez-vous l’avenir de la Protection judiciaire de la jeunesse et de la protection de l’enfance ? David Cohen : Les profils avec froideur affective et absence d’empathie sont les plus rares même s’ils sont
probablement les plus difficiles à mobiliser positivement. Néanmoins, les neurosciences savent aujourd’hui que la plasticité reste très importante à l’adolescence, si bien que l’investissement éducatif n’est jamais perdu. Trois principes me paraissent nécessaires pour améliorer la trajectoire d’un jeune en difficulté : - la fermeté qui structure ; - la continuité qui engage ; - le respect reconnaissant au jeune le droit à une vie digne. Madeleine Mathieu : C’est en protégeant les enfants d’aujourd’hui que l’on évite en grande partie la délinquance de demain. Les neurosciences nous permettent de mieux appréhender l’impact des traumatismes de la petite enfance et de mieux mesurer le degré de maturité de l’adolescence. C’est pourquoi l’accent doit être mis à tous les niveaux sur la prévention et la coopération entre acteurs car les parcours les plus difficiles peuvent être réversibles. Maxime Zennou : Même s’il faut conserver les principes fondateurs de l’ordonnance de 1945, un toilettage des textes nous paraît évidemment utile. Nous sommes néanmoins conscients que la loi ne peut pas tout et qu’il est souvent préférable d’agir sur les dispositions d’esprit, au moins autant que sur les dispositifs, pour faire travailler ensemble les professionnels de l’enfance. Des actions d’insertion par l’activité économique viendront autant concourir à la prévention des désordres familiaux et des conduites à risque des enfants qu’une politique de l’enfance ancrée dans l’action de la police ou de la justice. ⦁
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saire. Notre dispositif d’insertion est en outre reconnu pour privilégier l’efficacité et la créativité des jeunes et des méthodes d’accompagnement dynamiques comme l’attestent les programmes Jeunes d’avenir, Teame ou Les Bons profils.
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Une vraie place dans la société
L’excellence, un levier d’insertion La marque Té est la contraction de traiteur éthique. Au cœur de son identité, un projet d’envergure : l’insertion par l’activité économique. Son ambition : démontrer qu’une démarche sociale et environnementale ambitieuse est compatible avec une très haute exigence de qualité.
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52 La recette du succès Lorsque nous feuilletons la brochure de Té, nous retrouvons des créations d’exception, concoctées avec des produits sains et authentiques. Circuits courts, produits de saisons, issus de l’agriculture biologique ou du commerce équitable… La carte du traiteur événementiel se compose à 70 % de produits responsables. « Au-delà du choix des produits, nous mettons tout en œuvre pour réduire notre empreinte environnementale », indique Thomas Piretti. Du panier à l’assiette, chaque étape de la production est pensée pour limiter les déchets et la surconsommation. Ce choi x de la qua l ité et de l’éthique a été renforcé il y a quatre ans, lorsque l’entreprise a opéré un changement de cap. À cette époque, elle s’est attaquée à un défi : proposer une gastronomie d’excellence digne des plus grandes tables, réalisée par des salariés en insertion. « C’est un modèle complétement nouveau », pour
Thomas Piretti. Pour accompagner cette montée en gamme, Té s’est associé au chef doublement étoilé Thierry Marx. De renommée internationale, il partage les mêmes valeurs que le traiteur. Ensemble, ils ont cassé les codes pour proposer une vision inventive et subtile de la gastronomie, conciliant sens, tradition et innovation. En parallèle, le traiteur s’est professionnalisé. Chaque client est dorénavant suivi par un chargé d’affaires. Ces interlocuteurs sont non seulement garants du respect de la demande des clients et de la fluidité des commandes, mais aussi de l’organisation et de la qualité de la prestation. Cette montée en gamme s’est notamment traduite par un grand changement au niveau de la clientèle. L’Oréal, J.P. Morgan, EY, The Boston Consulting Group, Air France…
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« Travailler chez nous, c’est R.E.R : rigueur, engagement, régularité. »
gnons à nos salariés un métier avec une main de fer dans un gant de velours. Pas question de faire l’impasse sur la qualité », indique Joffrey Lambert, chef exécutif de Té. Pour proposer un tel service, les managers du traiteur sont à l’écoute des salariés qu’ils accompagnent. Leur rôle est de fluidifier les échanges et la production pour que tout se passe bien et qu’à la fin le client soit content.
Retrouver le chemin de l’emploi
Personne n’est inemployable C’est dans son atelier de création culinaire, à Montreuil que nous retrouvons les équipes de Té. 2 000 m 2 divisés en plusieurs zones : stockage, pâtisserie, cuisine chaude, espaces de préparation et de nettoyage de matériel… Les cuisines tournent à plein régime, de délicieux arômes émanent de l’atelier. Les salariés s’affairent à préparer les mets qui seront servis le soir même lors de plusieurs événements. Les équipes de Té sont convaincues que l’échec n’est pas une fatalité. Entreprise en apparence classique, le traiteur emploie 49 salariés en contrat d’insertion, soit la moitié de ses effectifs. À leur arrivée, ils n’ont souvent aucune compétence en restauration. Pourtant, « ils sont comme des salariés normaux, il n’y a pas de différence », explique Stéphane Azoulay, responsable de l’insertion. Té propose des formations à 12 métiers différents. Principalement dans le domaine de la cuisine avec des pâtissiers, des plongeurs, des cuisiniers mais aussi dans la logistique avec des livreurs. Tous travaillent ensemble pour proposer des prestations prestigieuses. « Travailler chez nous, c’est R.E.R : rigueur, engagement, régularité. Nous ensei-
Les équipes du traiteur s’assurent que la situation de chacun est stable en dehors du travail pour lui permettre d’être psychologiquement disponible. « À son arrivée chez nous, l’un de nos salariés était systématiquement en retard. Au bout d’une semaine, il m’a annoncé qu’il n’avait pas de logement et qu’il dormait sous les ponts. En s’appuyant sur l’expertise du GROUPE SOS, nous l’avons aidé, relevé. Il est parti de Té avec un emploi », se souvient Joffrey Lambert. Depuis plus de 15 ans, Té tisse des partenariats avec des entreprises en milieu dits ordinaires, qui souhaitent recruter. Les équipes de Té leur proposent ainsi des profils qu’elles ont formés. Grâce à son image de prestige, de nombreuses entreprises lui font confiance. Le dispositif a fait ses preuves : plus de 75 % de salariés formés par Té trouvent un emploi à l’issue de la formation. « Nous avons accueilli un jeune qui n’avait jamais travaillé. Il est resté plus d’un an chez nous et, à sa sortie, il n’a pas trouvé un mais deux emplois. Il m’a recontacté par la suite pour m’annoncer qu’il avait eu un bébé et m’a demandé d’être le parrain de son enfant », conclut Stéphane Azoulay, directeur de l’insertion, en souriant. Des histoires comme celle-ci, les responsables en ont beaucoup à raconter. C’est aussi ça, la magie de Té. ⦁
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La liste est longue et les clients plus prestigieux les uns que les autres. Le traiteur est aujourd’hui référencé dans une trentaine de lieux parisiens renommés. Il possède également des lieux exclusifs comme L’Usine, site historique du GROUPE SOS, et le Pavillon Elysée, lieu événementiel haut de gamme situé sur la plus belle avenue du monde. Ce dernier a été repris par Té en 2018. « Ce site est une véritable pépite, il va nous permettre d’installer Té parmi les plus grands traiteurs parisiens », poursuit Thomas Piretti. Preuve en est qu’insertion et excellence ne se sont pas incompatibles.
L’objectif de Té, c’est avant tout de permettre aux personnes accompagnées de se (ré)insérer professionnellement. Se lever, arriver à l’heure au travail, avoir envie de travailler… En plus d’un savoir-faire, les formateurs de Té leur enseignent de véritables savoir-être. L’accompagnement est adapté aux situations individuelles, y compris personnelles. « Nous devons cerner les attentes et les sensibilités de chacun de nos salariés pour les guider et les faire avancer plus vite », précise Gérard Gicquel, chef pâtissier de Té.
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Gérard Gicquel, chef pâtissier de Té. « Nous devons cerner les attentes et les sensibilités de chacun de nos salariés pour les guider et les faire avancer plus vite. »
b Élodie, salarié en insertion. « J’ai toujours aimé réaliser des pâtisseries. J’avais envie d’en apprendre davantage et d’obtenir un diplôme pour que ça devienne mon métier. »
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Faire de l’entreprise un pilier du progrès durable et social L’entreprise, terre fertile de l’innovation
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Nous croyons que l’entreprise incarne un levier du changement efficace : de nombreuses innovations y éclosent. Elle optimise la façon de répondre à un besoin en construisant des modèles pérennes et autonomes. C’est aussi un maillon essentiel de l’intégration dans la société, où les individus interagissent quotidiennement, apprennent à se connaître et développent des vocations. L’entreprise est donc un centre névralgique de la société, à travers l’emploi et la portée de ses activités. C’est pourquoi le GROUPE SOS redéfinit la raison d’être du business pour lui donner un objectif : l’impact positif.
Un pilier du progrès Nous sommes convaincus que l’entreprise peut devenir le meilleur moteur de la transition écologique et de l’inclusion sociale, en se réinventant à travers des modèles conciliant objectif responsable et efficacité économique. Nous entendons démontrer que la rentabilité économique n’est pas une fin en soi mais un moyen de servir l’intérêt général. Dès le début des années 2000, le GROUPE SOS a lancé des marques de commerce responsable. Depuis, nos structures ont prouvé leur capacité à développer des activités économiques durables et/ou sociales dans des marchés diversifiés. Elles touchent un public de plus en plus large : Altermundi, magasin de mode et décoration responsables, gère huit boutiques physiques et une boutique en ligne qui livre dans dix pays. Nous prouvons chaque jour que l’entreprise est un lieu privilégié où les avancées sociales naissent.
L’insertion par l’emploi, catalyseur de l’inclusion sociale Au GROUPE SOS, nous considérons que personne n’est inemployable et nous comptons donner à l’entreprise un rôle majeur dans la réinsertion sociale. Nous avons développé de nombreuses activités d’insertion par l’activité économique qui s’adressent aux personnes particulièrement éloignées de l’emploi. Nous signons avec elles un contrat d’insertion, allant jusqu’à 24 mois, offrant une formation professionnelle. Nos formateurs les préparent à pouvoir travailler dans n’importe quelle entreprise « classique ». Les salariés peuvent bénéficier d’une réelle spécialisation sur leur poste, complétée par des formations externes. « Garantir une vraie place dans la société » : telle est notre ambition. Pour cela, nous sommes attentifs aux situations individuelles de nos salariés, y compris personnelles : nous les aidons à trouver des solutions de logement, d’accès à la santé, des solutions financières, de mobilité et d’accès aux droits. Nous les soutenons jusqu’au bout de leur parcours, en les préparant à candidater à leur futur emploi et en nouant des partenariats avec des entreprises susceptibles de les embaucher durablement.
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L’excellence à tous les niveaux Nos entreprises ne sont pas des entreprises comme les autres. Elles allient excellence des services et impact positif pour être compétitives sur le marché. Notre traiteur haut de gamme Té Créateur d’instants combine une formation de qualité des salariés en insertion, des produits alimentaires responsables et une expérience unique pour ses clients. Lors des événements que nous organisons au Pavillon Élysée, par exemple, les travailleurs prennent conscience que, en dépit d’un passé parfois difficile, ils peuvent répondre à un niveau d’exigence très élevé, et apprendre à se faire confiance. Nous prouvons au quotidien que cette alliance entre excellence et impact positif peut rayonner sur de nombreux marchés : TAA Services, par exemple, est une entreprise multiservice qui forme des salariés en insertion pour proposer des prestations de haute qualité en ménage, entretien des espaces verts, rénovation, blanchisserie, sous-traitance industrielle et intérim.
Créer autrement, vendre différemment, vivre durablement
Cultiver et diffuser la force du progrès
971 salariés
Grâce à sa taille, le GROUPE SOS est un laboratoire d’innovations en optimisant les synergies entre toutes ses structures. Nous avons développé la Plateforme i pour centraliser tout le savoir-faire et la méthodologie des entités d’insertion et de nos partenaires. Cela a, par exemple, permis de développer Les Bons Profils, plateforme web intelligente qui permet aux entreprises d’insertion de valoriser auprès d’autres acteurs les candidats qu’ils ont directement formés, rassurant les recruteurs qui peuvent embaucher en toute confiance. La Plateforme i a également développé le projet TEAME. Ce serious game accompagne pendant trois mois une dizaine de jeunes éloignés de l’emploi dans la création d’une entreprise éphémère pour les faire monter en compétence. Nous voulons faire de l’entreprise un lieu à la croisée de nos expertises, comme notre bar La Moderne l’illustre. Imaginé par une de nos salariés, ce bar agit pour la prévention des addictions et la réduction des risques liés à l’alcool en incitant à une consommation raisonnée. Ces nouveaux modèles qui émergent régulièrement témoignent de toute l’adaptabilité et l’ingéniosité de l’entreprise telle que nous l’imaginons. Outre le fait qu’elle n’enrichit aucun actionnaire, elle est force de progrès face aux enjeux sociaux et environnementaux. Pour cela, il nous tient à cœur de développer de nouveaux modèles pour répondre aux problématiques de la société.
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Nos entreprises prouvent qu’il est possible de créer de la richesse autrement. Dans le fonctionnement même de l’entreprise, DVS-SERPEV, entreprise de travaux publics, a mis en place une démarche environnementale structurée, en optimisant les transports, limitant ses déchets et recyclant les matériaux. Notre démarche n’est pas qu’interne : nos structures entendent prouver qu’un autre modèle de société est possible, en changeant nos habitudes et modes de consommation. Alors que l’alimentation est un sujet essentiel de la transition écologique, le café Fluctuat Nec Mergitur et le café Le Scilicet prouvent qu’il est possible de proposer une restauration saine et responsable dans des espaces ouverts à tous. Face à la frénésie de consommation, Altermundi défend un commerce mondial éthique, humain et respectueux de la planète en proposant plus de 100 marques de mode et de décoration pour permettre à tous de consommer autrement. Nos cabinets d’études et de conseil Chronos et Auxilia entendent accompagner les territoires, les acteurs privés comme publics vers un mode de vie plus durable et centré sur l’humain. Nous comptons prouver la pertinence de ces modèles économiques émergents qui répondent à des besoins, tout en restant à l’écoute des individus et de la planète.
Interview croisée
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Personne n’est inemployable
Avec la participation de
Muriel Pénicaud Ministre du Travail Thierry Marx Chef étoilé et créateur des écoles Cuisine mode d’emploi(s) Céline Peudenier Membre du directoire du GROUPE SOS Emploi et Politique ressources humaines
Muriel Penicaud, Thierry Marx et Céline Peudenier livrent, le temps d’une interview, leurs perceptions du monde du travail et leurs recettes pour que chacun s’émancipe et s’épanouisse grâce à l’emploi.
Selon le rapport Donnons-nous les moyens de l’inclusion*, personne n’est inemployable. Que vous évoque cette phrase ? Muriel Pénicaud : C’est ma conviction profonde et je l’exprime partout depuis deux ans. C’est l'objectif du Plan d’investissement dans les compétences, du développement de l’apprentissage et de la formation professionnelle tout au long de la vie que nous portons. C’est en permettant à chacun de se former et d’acquérir des compétences que nous vaincrons le chômage de masse et préparerons l’avenir. Mais je sais aussi qu’il faut pour certains un marchepied. C’est ce que nous mettons en place avec des
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programmes comme le « 100 % inclusion », la prépa apprentissage dans les centres de formation d’apprentis, le développement des entreprises adaptées ou l’insertion par l’activité économique. Thierry Marx : Il n’y a pas de personnes et pas de quartiers faits pour l’échec. Quand je vois les jeunes maintenant, ils foncent tête baissée vers les diplômes, sans se demander quel est leur projet. Alors que c’est ça, le plus important : quel est ton projet, où veux-tu aller ? Si tu as compris ça, alors tu trouveras forcément ta place quelque part, même si tu dois prendre le temps de le construire. Moi, j’ai mis du temps à trouver mon projet, parce que l’école m’a orienté d’office vers une
Emploi
« Il y a beaucoup de talents cachés et de vies empêchées. À nous collectivement de vaincre ces inégalités de destin. »
formation qui ne me convenait pas. Nous devons écouter les aspirations, puis orienter, accompagner et former. Céline Peudenier : L’inclusion sociale et professionnelle est un sport collectif. On peut blâmer celui qui n’attrape pas la balle… Ou s’interroger sur la manière dont on fait les passes. C’est une responsabilité partagée.
Comment favoriser une insertion réellement durable, efficace ? Céline Peudenier : L’efficacité repose sur le triptyque « employer-former-accompagner ». Catherine Barbaroux et Jean-Baptiste de Foucauld disaient : « Si l’emploi ne règle pas tout, le chômage dérègle tout. » L’une des clés est de sortir durablement du cercle vicieux de la précarité, causée par les problèmes de santé, de mobilité, de logement… Pour cela, l’accompagnement doit se pro-
Interview croisée
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longer au-delà des parcours dits « inclusifs ». Prévenir les rechutes à l’arrivée chez un employeur « classique » est crucial. En parallèle, il faut former. Un travail sur les codes et le savoir-être est tout aussi important que l’acquisition de compétences techniques. Pour notre traiteur Té – Créateur d’instants, nous développons ainsi une École du service adaptée. Enfin, il faut faciliter les recrutements. D’une part, faire tomber les barrières inutiles, comme les diplômes exigés. D’autre part, récompenser financièrement ceux qui recrutent des profils auparavant exclus du marché du travail en raison, par exemple, de leur handicap. Muriel Pénicaud : Pour permettre à ceux qui ont eu des « accidents de parcours », il est nécessaire de s’appuyer sur un tryptique gagnant que nous avons mis en place avec les parcours emplois compétences (PEC) : une expérience en emploi réel, un accompagnement global, une formation ciblée. Depuis des décennies, le secteur associatif en France est engagé et innovant en matière d’inclusion. À travers le PEC et l’action de mon ministère, mon but est de leur permettre de capitaliser sur ces innovations et de changer d’échelle. Thierry Marx : Pour moi, la formation professionnelle, autrement dit « le faire pour apprendre », est la clef de l’insertion, elle permet de redonner du sens à l’emploi. Quand je suis arrivé chez les Compagnons du devoir, ils ne m’ont pas demandé d’où je venais. Mais ils m’ont dit une phrase qui m’a marqué : « Si tu es un bon ouvrier, tu es un homme libre, tu peux choisir ton employeur. » La formation professionnelle, c’est un énorme levier pour instruire et faire des hommes indépendants, non assignés à un système, une cité. C’est pour ça que j’ai créé Cuisine Mode d’Emploi(s), pour donner une chance à des gamins décrocheurs, qui venaient du même milieu que moi, offrir
une formation avec laquelle, s'ils s’accrochent et s'ils sont déterminés, ils peuvent réussir et s'en sortir.
Question prospective : n’y a-t-il pas un enjeu de changement de regard sur les personnes éloignées de l’emploi ? Thierry Marx : Il faut avoir un regard bienveillant sur ces personnes et travailler sur les faits. Avant toute chose, il faut se poser la question suivante : « Pourquoi se sont-elles retrouvées éloignées de l’emploi ? » Aujourd’hui, je pense qu’il y a une réelle démarche pour accompagner avec bienveillance et aider à la montée en compétences et pour ne pas proposer à ces personnes un emploi par défaut. Céline Peudenier : Nous avons tous besoin, à l’embauche d’un temps d’adaptation. Tolérons pour certains un temps plus long, assorti d’accompagnement et de formation. Assumons en revanche un très haut niveau d’exigence professionnelle : c’est un enjeu de compétitivité mais également une marque de respect et de confiance. Il ne s’agit pas de renoncer au résultat, mais d’adapter les moyens pour y parvenir. Chez Té, l’exigence de la clientèle haut de gamme a tiré la montée en compétences et donné confiance aux salariés en parcours d’insertion comme aux recruteurs. L’inclusion est un challenge managérial. Face aux difficultés de recru-
« Si l'emploi ne règle pas tout, le chômage dérègle tout. »
Muriel Pénicaud : Au moins 300 000 emplois ne sont pas pourvus, les chefs d’entreprise n’ont plus peur d’embaucher mais disent ne pas trouver les compétences. Je leur réponds : « si vous ne recrutez que des hommes, blancs, trentenaires, diplômés, sans handicap et surtout pas issus des quartiers, vous n’y arriverez pas. » Il faut s’ouvrir à de nouvelles formes de recrutement, accepter qu’un parcours n’est pas linéaire et que la diversité dans une entreprise est gagnant/gagnant. Quand je vois ce que fait Thierry Marx, je me dis que c’est possible ! Il y a beaucoup de talents cachés et de vies empêchées. À nous collectivement de vaincre ces inégalités de destin. ⦁ * Rapport sur l’inclusion par l’emploi, la formation et l’accompagnement, de Jean-Marc Borello, avec le concours de Jean-Baptiste Barfety, remis à la ministre du Travail, le 16 janvier 2018.
Muriel Pénicaud Muriel Pénicaud a été nommée ministre du Travail en 2017, après plus de 35 ans d’expérience dans la formation professionnelle, les politiques de l’emploi et les ressources humaines. D’abord administratrice territoriale, elle entre au ministère du Travail en 1985 et y occupe des fonctions de direction régionale et nationale. Elle devient en 1991 conseillère de la ministre Martine Aubry, en charge de la formation. Après un passage en entreprises, et notamment comme directrice des ressources humaines de Danone, Muriel Penicaud participe à la création de Business France qu’elle dirigera avant de rejoindre le gouvernement actuel. Thierry Marx Thierry Marx est à la tête de plusieurs restaurants étoilés (Mandarin Oriental, Jules Vernes, Sur Mesure…) dans le monde. Cuisinier engagé et formé par Les Compagnons du Devoir, il considère la cuisine comme « un lien naturel et social qui peut rassembler les hommes ». À ce titre, il a fondé et dirige actuellement, dans le secteur de la restauration, plusieurs entreprises sociales et centres de formations gratuits - comme Cuisine mode d’emploi(s) - au service de l’insertion et la réinsertion des publics vulnérables. Thierry Marx est également chef résident du traiteur Té. Céline Peudenier Céline Peudenier a intégré le GROUPE SOS en 2013, d’abord comme directrice générale déléguée aux entreprises, puis en tant que directrice générale de GROUPE SOS Emploi. En janvier 2019, Céline devient membre du directoire en charge de la Politique ressources humaines Groupe et du secteur Emploi. Auparavant, elle avait notamment travaillé au sein de grandes entreprises (BNP Paribas, Air France-KLM...) en France et à l’international. Céline est diplômée d’HEC Paris.
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tement et de fidélisation, les employeurs qui développeront cette compétence auront une longueur d’avance.
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Retrouver le chemin de la liberté Depuis 2015, Wimoov a implanté une plateforme de mobilité à Saint-Avold, en Moselle. C’est dans ce lieu d’accueil et d’accompagnement, que les publics en situation de fragilité viennent trouver des conseils visant à améliorer leur mobilité. Depuis plus de 20 ans, Wimoov milite au quotidien pour que la mobilité soit choisie et non subie. La mobilité, véritable frein à l’emploi Dans le Grand Est, l’histoire de Wimoov commence en 2013. À cette époque, dans le bassin houiller, les exploitations minières ont cessé leurs activités. Le contexte économique est difficile. Le territoire affiche l’un des plus forts taux de chômage de la région. Pourtant, en Moselle, des offres d’emploi existent dans des secteurs diversifiés. Les collectivités, dont celle de Saint-Avold, essayent de comprendre ce paradoxe pour relancer l’économie. Elles remarquent rapidement que les difficultés qu’ont certaines personnes, notamment les plus jeunes et les plus fragiles, à se déplacer constituent un frein majeur dans l’accès à l’emploi. Malgré le développement accru des transports en commun et des axes routiers, certaines personnes peinent à se déplacer. C’est pour
Comprendre les contraintes Les publics en situation de fragilité sont souvent orientés vers la plateforme de mobilité de SaintAvold par Pôle emploi ou la mission locale. Mais pas seulement. « Pour ma part, j’ai découvert Wimoov via la régie de quartier de Forbach », explique Émilie, 28 ans, accompagnée par l’association depuis février 2018. Dès leur arrivée à la plateforme, les bénéficiaires sont accueillis par les équipes de Wimoov, par exemple Fatima Fakhrdine, conseillère mobilité. L’accompagnement démarre par un test mobilité. « Je les interroge
sur la manière dont ils se déplacent, je diagnostique les freins à la mobilité qu’ils peuvent rencontrer », explique-t-elle. Ces freins sont divers et variés. Ils peuvent être d’ordre économique ou matériel, dans les cas où les personnes ne peuvent s’acheter un véhicule ou financer leur permis de conduire, ou géographiques, si elles n’ont pas accès aux transports en commun. Les freins peuvent être physiques dans les cas où les personnes ont des difficultés pour se déplacer. Les seniors ou les personnes en situation de handicap notamment peuvent y être confrontés. Mais le plus souvent, les problématiques rencontrées sont psychologiques. Invisibles pour certains, elles apparaissent comme insurmontables pour d’autres. Certaines personnes ont, par exemple, peur de prendre les transports en commun ou ne connaissent pas bien leur territoire et ont peur de s’y aventurer.
Proposer des solutions sur-mesure Une fois les freins identifiés, les conseillers mobilité proposent des solutions personnalisées répondant aux besoins de la personne accompagnée. La plateforme de Saint-Avold met à disposition des véhicules tels que des vélos, des scooters ou encore des voitures pour
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répondre à cette problématique que Wimoov s’est implanté sur ce territoire. Comptant aujourd’hui cinq plateformes dans la région, l’association accompagne les publics fragiles à retrouver le chemin de l’autonomie. Retrouver l’autonomie pour se déplacer, c’est pouvoir accéder à l’emploi mais aussi à une vie sociale et à des soins.
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Retrouver l’autonomie pour se déplacer, c’est pouvoir accéder à l’emploi mais aussi à une vie sociale et à des soins.
Grâce au parcours d’accompagnement proposé par l’association, elle a retrouvé un emploi dans le secteur de l’aide à domicile et est aujourd’hui autonome dans ses déplacements. L’association propose également des alternatives à la voiture et privilégie les modes de transport durable tels que le covoiturage, le vélo ou encore les transports en commun. Le rôle des conseillers mobilité est aussi d’informer, de conseiller, d’aiguiller. « Nous accompagnons les bénéficiaires dans le montage de dossier de microcrédit social pour financer le passage du permis de conduire, l’achat ou les réparations de véhicule. » Des formations et du coaching individualisé sont également mis en place pour leur apprendre à se déplacer sur le territoire, à lire une carte ou à utiliser les transports en commun. « Toutes nos solutions sont adaptées aux usages et aux difficultés économiques, sociales, physiques ou culturelles des personnes accompagnées », explique Stéphanie Hirtz, directrice régionale de Wimoov Grand Est. Une multitude de solutions pour un seul et même objectif : aider les personnes à devenir autonomes dans leur mobilité du quotidien.
Construire ensemble la mobilité de demain Autour de la plateforme de mobilité de SaintAvold, on retrouve un écosystème de partenaires. « Nous travaillons avec des organismes publics comme les missions locales, les centres sociaux ou Pôle emploi par exemple », précise Stéphanie Hirtz. En parallèle, la plateforme collabore avec les collectivités territoriales, les transporteurs de la région mais aussi des entreprises privées. Des partenariats ont également été mis en place avec des auto-écoles et des garages solidaires qui proposent des tarifs avantageux pour l’achat ou la réparation de véhicule. La plateforme joue un véritable rôle d’interface entre les différents acteurs de la mobilité des territoires, dont elle vient compléter les dispositifs existants. « Pour répondre efficacement aux besoins non couverts des territoires et imaginer des solutions innovantes et pérennes, nous travaillons main dans la main avec l’ensemble de ces acteurs. C’est ensemble que nous parviendrons à inventer une mobilité inclusive, responsable et durable », conclut Stéphanie Hirtz. ⦁
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permettre à une personne de se rendre au travail ou à un entretien d’embauche par exemple. C’est ce dont a bénéficié Émilie : « N’ayant pas d’emploi stable, je ne pouvais pas acheter une voiture. Wimoov m’en a prêté une pour que je puisse me rendre au travail. »
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Fatima Fakhrdine, conseillère mobilité depuis quatre ans. « Ma principale satisfaction ? Voir que les personnes que nous avons accompagnées peuvent se rendre sereinement au travail chaque jour. »
b Émilie, bénéficiaire de Wimoov. « Grâce à l’accompagnement de Wimoov, j’ai pu retrouver un emploi. »
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Une mobilité efficace est une mobilité inclusive
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1995. Les grandes grèves des transports assignent les étudiants de l’université de Nanterre à résidence. Parmi eux, un petit groupe met en place un système de covoiturage – qui deviendra l’association Wimoov – avec la vocation de permettre à tous de mieux se déplacer en polluant moins. Depuis, les enjeux de la mobilité ont évolués et l’association ne cesse de s’adapter pour trouver des réponses à une réalité stupéfiante : en France, sept millions d’actifs rencontrent des problèmes pour se déplacer quotidiennement. 23 % des Français ont déjà dû renoncer à un emploi pour cette raison. Cinq millions de seniors ont des difficultés dans leur mobilité, renforçant leur isolement. Face à ce constat, nous avons une conviction : la mobilité est vecteur d’inclusion pour de nombreuses problématiques, telles que l’accès à l’emploi, l’isolement des personnes en situation de handicap et des seniors, l’accès à la culture… Pouvoir se déplacer à tout moment, dans n’importe quelle circonstance, sans avoir à demander de l’aide, c’est la liberté d’avoir une vie sociale et un emploi. En développant des dispositifs de mobilité inclusive, le GROUPE SOS entend rendre à chacun cette liberté.
Une plateforme locale pour réinventer la mobilité Pour répondre aux problèmes de mobilité, nous avons créé et perfectionné un dispositif unique : les plateformes de mobilité. Ces plateformes, fortement implantées dans leur territoire, permettent d’établir un diagnostic pour chaque personne accompagnée afin d’apporter une solution véritablement personnalisée. Wimoov forme par exemple les gens à l’usage des différents modes de transport, en aidant une personne n’osant pas aller à son travail en vélo, à trouver un itinéraire la mettant en confiance, ou encore en enseignant comment lire un plan de bus. Les solutions proposées sont mixtes : elles combinent différents modes tels que les vélos, les scooters électriques, le transport à la demande, l’autopartage, l’achat ou la mise à disposition
de véhicules à des tarifs sociaux. L’association peut, par exemple, proposer un covoiturage jusqu’à un arrêt de bus qui emmène directement la personne à son lieu de travail. Peur des transports, handicap, tout est pris en compte pour offrir ensuite une palette de solutions variées. La large gamme de possibilités et l’adaptabilité du dispositif aux parcours individuels réinventent la façon de se déplacer pour tous les publics.
Les plateformes de mobilité en chiffres
Plus de 50 zones d’emploi couvertes par des plateformes de mobilité
9 régions couvertes Plus de
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professionnels de la mobilité
Nous nous attachons à proposer une mobilité adaptée à toutes les situations. Notre association Mobil’Emploi met, par exemple, à disposition des véhicules pour faciliter le déplacement de la personne vers son lieu de travail. Elle propose également des solutions de transport micro-collectif pour aider à la recherche d’emploi et offre un accès au microcrédit social pour les personnes souhaitant, par exemple, effectuer l’achat d’un véhicule. La mobilité est aussi un enjeu essentiel pour l’inclusion des seniors dans la société. En leur proposant une aide spécialisée, Wimoov lutte contre l’isolement et leur permet de garder une vie sociale active et plus d’autonomie. Nous aidons également les personnes en situation de handicap plus vulnérables aux problèmes de mobilité. Nous accompagnons par exemple des personnes malvoyantes dans les transports lorsqu’elles doivent s’habituer à un nouvel itinéraire afin qu’elles soient rassurées lors de leurs premiers déplacements.
Préserver l’environnement et les hommes
Le conseiller mobilité, une richesse essentielle
Nous définissons toutes nos actions autour de deux principes majeurs : la sécurité routière et de la mobilité durable. Nous voulons que tous les acteurs, qu’ils soient privés, publics ou associatifs, comprennent qu’ils ont un rôle à jouer sur ces deux aspects. Pour cela, nous mettons en place des actions de sensibilisation et de prévention, des formations et créons de nouveaux projets locaux. Par exemple, Wimoov a lancé « Paris sans ma voiture », invitant automobilistes et motocyclistes à se déplacer sans leur véhicule pendant trois semaines afin de favoriser le changement de pratiques. Nous sommes convaincus que nous pouvons, dans certains territoires, renverser l’hégémonie de la voiture individuelle et basculer vers les modes de déplacement les plus actifs et écologiques possibles afin de préserver à la fois la santé de l‘environnement et des hommes.
Nous sommes convaincus que la mobilité ne doit pas être réduite à la multiplication des solutions de transport. Nous entendons recentrer la conception du déplacement autour de l’humain de deux manières : non seulement en partant des caractéristiques et des besoins de la personne elle-même pour adapter les solutions, mais aussi en plaçant l’accompagnement au cœur de la démarche, notamment grâce au « conseiller mobilité ». Toute l’efficacité du dispositif repose sur la compétence, l’écoute, la bienveillance et l’ingéniosité de ces conseillers. Conscients de la richesse qu’ils apportent, nous avons lancé, à travers le Laboratoire de la mobilité inclusive (LMI) dont Wimoov est co-fondateur, un diplôme interuniversitaire de conseiller mobilité. En créant ce diplôme, nous sommes fiers d’officialiser et pérenniser l’expertise et la valeur ajoutée apportée par ce nouveau métier.
La mobilité pour ouvrir les horizons
Innover pour tous, avec tous
La mobilité est parfois un frein à l’accès à la culture. Les déplacements pour se rendre au musée ou au théâtre constituent parfois un obstacle qui renforce l’isolement des populations fragiles. Conscient de cet enjeu, Wimoov s’est par exemple associé au Centre des monuments nationaux (CMN) pour organiser des journées permettant à des bénéficiaires de découvrir les lieux emblématiques de leur région.
La co-construction est une excellente méthode pour trouver les meilleures solutions, innovantes et pérennes. Pour répondre efficacement aux besoins non couverts des territoires, nous travaillons main dans la main avec l’ensemble des acteurs : pouvoirs publics, entreprises, acteurs associatifs et de l’insertion, établissements scolaires et universitaires. Nous pouvons, de cette manière, continuer à imaginer les projets de demain, accompagner tous les individus vers une mobilité autonome et durable tout en améliorant l’impact sur notre planète.
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Penser la mobilité pour les plus fragiles
Interview croisée
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La mobilité inclusive, un transport pour l’émancipation
Avec la participation de
Élisabeth Borne Ministre auprès du ministre d’État, ministre de la Transition écologique et solidaire, chargée des transports Jean-Pierre Orfeuil Sociologue, professeur d’aménagement à l’Institut d’urbanisme de Paris, spécialiste des mobilités urbaines Florence Gilbert Directrice générale de Wimoov, GROUPE SOS Emploi
Si l’offre de mobilité n’a jamais été aussi développée, 43 % des Français peinent toujours à se déplacer, faute de moyens de transport. Si les difficultés d’accès à la mobilité sont souvent perçues comme secondaires, elles constituent pourtant un facteur aggravant des inégalités et des mécanismes d’exclusion préexistants. À ce titre, et dans le contexte des débats entourant la loi mobilités, Élisabeth Borne, Jean-Pierre Orfeuil et Florence Gilbert croisent leurs expertises et leurs expériences pour penser la question de la mobilité de demain.
Emploi
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La France est considérée comme un pays ayant parmi les meilleurs maillages territoriaux d’Europe en matière de transport. Comment expliquer alors la difficulté d’accès des Français à l’emploi, la culture… En raison de difficultés de déplacement ? Florence Gilbert : L’État et les collectivités ont développé une offre de transports, permettant développement économique, désenclavement et autonomie individuelle. Cette démarche nécessaire rencontre certaines limites. Tout d’abord, le déplacement n’est pas considéré dans son intégralité. Habiter très loin d’une gare et ne pas avoir de voiture, souffrir d’un handicap physique et habiter au cinquième sans ascenseur : autant de motifs d’assignation à résidence. Au-delà des infrastruc-
tures, il est nécessaire de considérer les modes de déplacement doux, actifs tels que le vélo, la marche à pied et d’assurer une intermodalité entre toutes ces solutions. Élisabeth Borne : Nous sommes dans un pays qui avance à deux vitesses, où, sur une grande partie du territoire, nos concitoyens n’ont pas d’autre solution que la voiture individuelle. Cela crée une dépendance qui est, non seulement source de contraintes mais qui pèse sur le pouvoir d’achat. C’est aussi une situation qui exclut tous ceux qui n’ont pas les moyens de posséder un véhicule, qui n’ont pas le permis ou ne sont pas en capacité de conduire. On sait combien c’est un frein pour l’accès à l’emploi, à l’apprentissage, à la formation, à la santé. C’est tout l’enjeu de ce que nous
Interview croisée
Mobilité
proposons à travers le projet de loi mobilités : proposer à tous et partout des solutions alternatives et accompagner ceux qui n’ont pas d’autre choix pour passer à des véhicules moins polluants et donc moins consommateurs.
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Jean-Pierre Orfeuil : Je ne suis pas sûr que les Français rencontrent plus de difficultés que leurs voisins européens, mais il est vrai qu’il y a en proportion plus de personnes vivant dans des zones de faible densité. En outre, nous avons laissé se développer des zones industrielles, commerciales ou logistiques uniquement accessibles en voiture, et notre culture ferroviaire nous a longtemps interdit de développer le maillage de dessertes plus fin qu’offre l’autocar. Cela dit, la majorité des Français n’est pas, heureusement, en difficulté de mobilité.
Vous nous avez expliqué la différence entre avoir accès à des transports, et être réellement mobile. Mais comment faire en sorte que la mobilité soit accessible à tous ? Par exemple, il semble très compliqué de savoir comment faire sans Internet, ou en étant en situation de handicap. Jean-Pierre Orfeuil : Les difficultés de mobilité sont diverses : handicaps physiques et sensoriels, difficultés psychologiques et cognitives, revenus trop faibles, durées et éloignement trop importants. Des solutions
« Dans une société fracturée, la mobilité doit permettre l’émancipation individuelle et de retrouver notre cohésion sociale et territoriale. » relèvent de la prévention des difficultés en amont : le combat contre l’échec scolaire, l’apprentissage de la mobilité et du vélo à l’école, l’aide au permis, l’alphabétisation des étrangers, le maintien en forme des seniors, la couverture numérique… Il faut aussi des services au plus près des gens, apportant la ville à domicile, comme la médecine ambulante et connectée ou les bibliobus. Nous devons enfin transgresser des tabous. Pourquoi ne pas accorder 300 litres de carburant détaxés à chaque automobiliste, pour que les actifs rejoignent à moindre prix leur emploi en voiture si elle est indispensable, en compensant par une fiscalité plus lourde au-delà de ces 300 litres ? Florence Gilbert : C’est tout l’enjeu de la mobilité inclusive ! Au sein des plateformes de mobilité Wimoov, les conseillers accueillent les publics rencontrant des difficultés avec leur mobilité, qu’elles soient physiques, matérielles, financières et/ou psychologiques. Après les avoir analysées, nous mettons en place un parcours composé de formations, d’informations ou encore de mises à disposition de solutions matérielles et d’accompagnement. Il faut généraliser ces plateformes et tendre vers des solutions conçues pour les plus exclus afin de garantir l’inclusion dans les territoires. Élisabeth Borne : La mobilité n’est pas qu’une question d’infrastructures, c’est un enjeu de solutions, d’offres, de services.
C’est toute l’importance de la transformation profonde que nous voulons en facilitant la prise de compétences en matière de mobilité par les collectivités, pour que, partout, des solutions puissent être proposées en simplicité et en proximité. Cela va de pair avec les avancées pour une mobilité inclusive que propose le projet de loi, comme le développement des plateformes de mobilité qui sont un formidable outil pour accompagner nos concitoyens les plus éloignés de la mobilité.
Comment pensez-vous la mobilité de l’avenir ? Va-t-on au-devant de grandes évolutions dans ce domaine, et comment s’y préparer ? Élisabeth Borne : Dans une société fracturée, la mobilité doit jouer tout son rôle à la fois pour permettre l’émancipation individuelle et retrouver notre cohésion sociale et territoriale. C’est un défi considérable, mais nous avons pour cela une formidable opportunité avec l’émergence de toutes les nouvelles solutions pour se déplacer, comme le covoiturage, l’autoportage ou les navettes autonomes. La mobilité devient plus partagée, plus connectée, plus autonome, et plus propre. Il nous faut à la fois impulser, accompagner et tirer tous les bénéfices de ces mutations. Dans ce cadre, la transition écologique de notre mobilité est un enjeu fondamental pour le climat et la qualité de l’air. Là aussi, c’est toute
Jean-Pierre Orfeuil : Dans la mobilité, tout fait système : les meilleures solutions suscitent des effets rebond, la mobilité distinctive des uns, génère le ressentiment des autres, etc. C’est tout le système de mobilité qui doit caler ses normes sur les mobilités sobres et inclusives. Cette exigence doit être à la fois acceptable et efficace. Je vois trois directions : - réduire fortement les consommations des automobiles avec des malus plus forts ou l’interdiction des voitures « excessives » ; - développer la mobilité à la demande et partagée et faciliter l’électrification ; - promouvoir le petit véhicule individuel pour les usages quotidiens grâce à une ambitieuse politique industrielle européenne (un « Airbus » du petit véhicule urbain : cahier des charges, sélection des propositions, aide à la R&D et commercialisation), suivie d’une adaptation des normes d’exploitation des réseaux. Florence Gilbert : Demain, la mobilité sera connectée, intermodale, multimodale, active et accompagnée. Le véhicule autonome, l’accélération du numérique (comme outil d’information et de gestion de flottes) sont des opportunités formidables d’accès à l’information et aux services. Pour que ces progrès ne laissent personne de côté, l’accompagnement humain vers la mobilité devra rester la norme en ayant pour boussole la dimension durable ! De l’énergie non dépensée, c’est bon pour la santé, pour la planète et pour les budgets les plus modestes. Les alternatives à l’autosolisme doivent devenir une priorité. ⦁
Élisabeth Borne Préfète de la région Poitou-Charentes de 2013 à 2014, et présidente de la Régie autonome des transports parisiens (RATP) de 2015 à 2017, Élisabeth Borne est actuellement la ministre chargée des Transports. C’est, en effet, après une très longue expérience dans les politiques de transport et d’urbanisme (directrice de la stratégie de la SNCF, directrice générale de l’urbanisme à la Mairie de Paris…), qu’elle pilote désormais les politiques de transport nationales.
Jean-Pierre Orfeuil Jean-Pierre Orfeuil, ingénieur des mines et docteur en statistique, est professeur d’aménagement à l’Institut d’urbanisme de Paris (IUP), université Paris-Est-Créteil-Val-de-Marne. Connu comme un des plus grands spécialistes français des mobilités, il a publié différents ouvrages sur ces sujets comme Mobilités urbaines : l’âge des possibles ou Accès et mobilités : les nouvelles inégalités (2015) . Florence Gilbert Florence Gilbert est la directrice générale de l’association Wimoov qui a créé et gère plus de 50 plateformes de mobilité dans toute la France. Florence a plus de 20 ans d’expérience dans le développement de services de mobilité innovants adaptés aux besoins de différents publics. À ce titre, elle crée en 2013 le Laboratoire de la mobilité inclusive (LMI) qui a pour but de faire émerger dans le débat public le sujet de la mobilité des publics vulnérables et de créer des services innovants de mobilité à destination des publics fragiles sur les territoires enclavés. Florence est diplômée de l’ISCOM Paris (master en communication). Elle est chevalier de l’ordre national du Mérite.
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l’importance des mesures que nous portons pour encourager des solutions alternatives à la voiture individuelle, mais aussi pour des motorisations plus propres.
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Une société pour tous, une place pour chacun
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SolidaritĂŠs Jeunesse Emploi
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Handicap
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Enfants autistes : une autre manière de grandir
9 heures 15. Le portail de l’Institut médico-éducatif Anatole France, situé à Créteil, ouvre ses portes. Des véhicules entrent dans la cour de l’établissement pour déposer les enfants qui y sont pris en charge. Après un temps de jardin, les enfants se dirigent ensuite vers leur groupe de vie respectif, véritable « lieu d’ancrage » pour eux, nous précise Frédéric Ferreri, directeur de l’IME. Ils rient, courent, crient. Âgés de quatre à quatorze ans, tous présentent des troubles du spectre de l’autisme. Mais, avant tout, ce sont des enfants. Et, à l’IME, tout est fait pour qu’ils puissent s’épanouir.
Le trouble du spectre de l’autisme est un trouble neurodéveloppemental qui touche principalement la communication socio-émotionnelle et donc la réciprocité sociale combinée à la présence d’intérêts restreints et stéréotypés chez le petit, le jeune ou l’adulte autiste. Les enfants ont des difficultés à échanger avec l’autre. Ils ne comprennent pas les relations sociales, n’en saisissent ni les codes, ni les enjeux. Le défi est de leur donner d’autres moyens, que ceux classiques, pour communiquer, s'exprimer, trouver leur place. « Toute l’équipe réfléchit ensemble à la singularité de chaque enfant, pour l’accompagner dans la compréhension de son environnement. Nous essayons d’apporter une pierre à l’édifice de sa construction psychique », nous explique Frédéric Ferreri. Pour y parvenir, l’équipe, composée d’éducateurs spécialisés et de moniteurs éducateurs, de psychomotriciennes, d’une enseignante de l’Éducation nationale qui travaille à temps plein avec une éducatrice scolaire, de psychologues, travaille en transversalité. Pour Géraldine, maman de deux frères jumeaux atteints de troubles autistiques, « la prise en charge pluridisciplinaire est l’un des atouts de l’IME. Cela permet de coordonner tous les soins (prise en charge orthophonique en libéral, psychomotricité, suivi psychologique) sur place. » À l’IME, pour communiquer, les mots ne suffisent pas. Ils s’accompagnent de signes, de pictogrammes et de visuels. « Nous nous
basons sur les méthodes PECS et Makaton, des méthodes de communication alternatives », précise Mylène, éducatrice spécialisée à l’Institut. Mylène nous montre tous les signes qu’elle a appris à maîtriser et dont elle se sert au quotidien pour appuyer ses paroles et expliquer aux enfants comment se déroulera leur journée, les activités auxquelles ils participeront ou ce qu’ils mangeront pour le déjeuner. Elle s’appuie également sur des livres ou des tablettes permettant à l’enfant d’accéder à des images ou pictogrammes représentant des feutres, un jouet, une voiture, l’extérieur… « Ces méthodes favorisent la communication pour les enfants et donc leur épanouissement. Cela leur permet d’être plus autonomes », complète Mylène. Les enfants pourront ainsi mieux se repérer et évoluer plus sereinement. Les emplois du temps sont personnalisés et adaptés en fonction des besoins spécifiques de chacun des enfants (sous forme d’objets réels, photos ou pictogrammes, ou sous forme écrite). Pour accrocher leurs affaires, devant leur salle de vie, ils pourront se repérer grâce à des images. Pour certains, une
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Aller au-delà des mots
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Un enfant qui progresse est un enfant qui se sent bien
Aider les enfants à s'épanouir en soutenant les parents Ce lien avec les parents est l’une des pierres angulaires de l’accompagnement proposé par l’IME. Ce que nous confirme Frédéric Ferreri : « Pour nous, le lien avec les parents est fondamental. On ne peut pas faire sans eux. L’Institut ne peut pas apporter toutes les réponses. Professionnels et parents sont de véritables partenaires dans l’évolution des enfants. » L’idée est d’établir une continuité entre ce que les enfants apprendront à l’Institut et chez eux. La liaison entre l’équipe et les familles est continuelle grâce à des entretiens régulièrement organisés, un système de cahier de liaison et des temps de rencontre. L’IME accompagne aussi les parents pour leur donner des clés pour mieux comprendre ce que vit leur enfant. Si une méthode de communication fonctionne bien à l’Institut, elle pourra être reproduite chez eux. C’est ce qu’a fait Géraldine avec les emplois du temps imagés de Louis et Adrien dont elle se sert chez elle, par exemple.
La socialisation est également primordiale pour les enfants. Elle commence dès le trajet du matin et se poursuivra tout au long de la journée. Avec les autres enfants accompagnés par l’institut, avec l’équipe, puis avec leur famille. En travaillant sur cette socialisation dans l'enceinte de l'IME et à l'extérieur, l’équipe aide les enfants Une fête des familles est organisée chaque été avec l’équipe, à la gérer à l’extérieur quand ils vont faire des les enfants, leurs parents et leur famille proche. « Nous courses avec leurs parents et sont nous réunissons, voyons ce qui a été mis en confrontés aux temps d’attente place pendant l'année et, au-delà, partageons « Nous prenons en un moment où nous dansons, rions, tous ou aux stimulations sensorielles compte chacun par exemple. Tous les jours, dès ensemble », raconte Mylène. En unissant dans sa singularité leurs forces, parents et professionnels per10 h 30, les enfants participent à pour construire des activités variées qui favorisemettent aux enfants de progresser. Géraldine le projet éducatif ront les interactions sociales. Elles souligne à quel point les difficultés renconqui lui permettra peuvent être artistiques, sportives, trées au quotidien peuvent être atténuées le plus de des jeux et des sorties à l’extérieur. grâce à la prise en charge de ses jumeaux s’épanouir. » Elles favorisent l’éveil et l’intérêt à l’IME. « Pouvoir s’exprimer a contribué à des enfants tout en répondant à atténuer leurs troubles du comportement. leurs besoins sur plusieurs plans : Ils sont plus apaisés, ce qui nous permet sensoriel, moteur, cognitif… Avec un objectif d’envisager plus de sorties avec eux. L’implication personnacommun : favoriser le bien-être des enfants. lisée pour chaque enfant nous permet d’avoir des clés pour « Nous adaptons les activités en fonction des poursuivre le travail à la maison. Tout ceci participe à une âges, des besoins et des intérêts de chacun des véritable progression de l’enfant au quotidien. Nous nous enfants tout en encourageant la transversalité. sentons véritablement épaulés dans notre rôle de parents. » Pour les plus grands, nous parlons avec eux de Prendre le temps de vivre la puberté dans des ateliers dédiés. Ce sont des Chaque journée à l’IME est une journée qui passe à toute adultes en devenir et nous les accompagnons dans ce processus ! », explique Frédéric Ferreri. vitesse. Les temps d’activités, les jeux, les repas, les situations de crise, les rires… « Tout va à 200 à l’heure !, s’exclame Chaque activité a une mission définie par les professionnels et le projet d’établissement repose Mylène. Il est primordial de prendre le temps de penser sur les bonnes pratiques qui sont établies par les choses, de se remettre en question, de créer des outils, la Haute autorité de santé. Géraldine raconte : d'évaluer et de réajuster ce qui a été mis en place. » Un défi que tous tentent de relever pour donner aux enfants des « L’un des jumeaux participe à l’activité théâtre moyens de vivre leur vie d’enfant comme les autres. De et l’autre à l’activité musique. Nous avons la chance d’avoir des intervenants extérieurs qui s’amuser, de faire des sorties, de leur permettre de s’exviennent proposer ces activités au sein de l’IME. primer. Les enfants autistes ne peuvent pas toujours être Louis adore également l’activité « Petit journal ». scolarisés ou accéder aux centres de loisirs ou à un club de sport classique. Le combat des familles et de l’IME est ici : Chaque trimestre, les enfants préparent un se battre pour qu’ils aient une place bien à eux, sans rejet « Mag » envoyé aux parents à chaque période de vacances scolaires. Pour nous, c’est super et sans discrimination, un lieu où l’on s’adapte à eux et non l’inverse. « Nous accueillons des enfants plein de vie. intéressant pour avoir une meilleure vision de ce qui se passe au sein de l’établissement. » Des moments forts, nous en vivons tous les jours. Ce sont toutes les fois où nous les aidons à exprimer la force de vie qui réside en chacun d’eux », conclut Frédéric. ⦁
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photo d’eux suffira. Pour d’autres, il faudra également ajouter d’autres repères visuels. « C’est à nous de nous adapter à la situation de chaque enfant, et non l’inverse. Nous prenons en compte chacun dans sa singularité pour construire le projet éducatif qui lui permettra le plus de s’épanouir », précise Frédéric Ferreri. Parce qu’il s’agit bien de ça avant tout à l’IME, permettre aux enfants de grandir.
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a Géraldine, maman de Louis et Adrien, atteints de troubles autistiques. « Nous continuerons à travailler avec l’équipe de l’IME au quotidien, pour pouvoir offrir aux enfants la meilleure vie possible. »
Mylène, éducatrice spécialisée à l’IME depuis neuf ans. « Ce métier est une passion. Il demande de l’énergie et de l’investissement. Il faut aimer ce qu’on fait pour pouvoir penser et créer au quotidien. »
Handicap : rompre l’isolement Changeons de regard !
Notre société n’a pas encore fait toute sa place aux personnes en situation de handicap. Un environnement inadapté, des idées reçues tenaces sont encore à combattre. Cette situation, nous ne l’acceptons pas et agissons pour favoriser l’inclusion dans la société des personnes en situation de handicap. Inclure et changer le regard sur le handicap, deux priorités d’actions pour GROUPE SOS Solidarités.
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S’adapter aux attentes de la personne et non l’inverse
Nos expertises transverses au service de chacun
À GROUPE SOS Solidarités, l’inclusion passe par le postulat que tout citoyen doit être acteur de sa vie, de ses choix par l’adoption d’une logique de parcours et non de place. Nous favorisons l’inclusion des personnes en situation de handicap en préservant d’abord leur dignité et en s’appuyant sur leurs capacités. Nous refusons de réduire la personne à ses vulnérabilités.
S’il existe un pôle Handicap spécifique, au sein du GROUPE SOS, l’accompagnement des enfants et des adultes est un enjeu transverse de l’ensemble des associations et secteurs qui constituent le Groupe. Par exemple, avec GROUPE SOS Jeunesse, le pôle Handicap a créé une plateforme Petite enfance et handicap pour l’accompagnement des jeunes enfants. Elle vise à permettre leur intégration dans les crèches et donc dans le « droit commun », en accompagnant la famille dans la coordination du parcours de l’enfant. établissements Le pôle Handicap travaille également avec les équipes de GROUPE SOS Seniors personnes sur l’accompagnement des bénéficiaires personnes handicapées vieillissantes et en lien étroit avec un Service de salariés soins infirmiers à domicile (SSIAD) parisien auprès des personnes en situation de handicap à domicile.
GROUPE SOS Solidarités propose des solutions adaptées à tous les âges et à toutes les formes de handicap. Chaque année, des enfants et des adultes sont accompagnés à travers le diagnostic, l’éducation, la formation, l’hébergement ou le logement adapté, l’insertion et les soins. Ainsi, pour les jeunes en situation de handicap, nous conjuguons soins et activités épanouissantes et apprenantes autour de la culture notamment, en collectif, mais aussi à domicile ou en « milieu ordinaire », avec l’intervention d’équipes mobiles ou de services d’éducation spéciale et de soins (SESSAD). Nous proposons aux personnes en situation de handicap, de travailler au sein d’établissements et services d’aide par le travail (ESAT), un cadre épanouissant avec des activités professionnelles aménagées et valorisées. Enfin, les personnes les plus autonomes peuvent bénéficier de solutions d’habitat inclusif. La maison d’accueil spécialisé (MAS) de Kourou, par exemple, propose des appartements individuels dans la ville. En parallèle, un suivi médico-social étroit est garanti. Il permet aux résidents de bénéficier des infrastructures de l’établissement in situ (balnéothérapie, espace bien-être Snoezelen, kinésithérapie…) mais également de participer à des moments de convivialité. Les résidents sont acteurs de leur vie. À chaque étape de l’accompagnement, nous écoutons leurs attentes et respectons chacun de leurs choix.
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Le Centre recherche théâtre et handicap (CRTH), dispositif d’inclusion par la culture de GROUPE SOS Solidarités, se lie avec GROUPE SOS Culture pour proposer des évènements valorisant les talents des personnes accompagnées à travers, par exemple, des expositions ou encore la production d’un film dont le scénario a été pensé par les personnes accompagnées au Foyer d’accueil médicalisé (FAM) Maraîchers.
Changer le regard sur le handicap, favoriser le bien-être de nos résidents
Handicap et activité professionnelle : incompatibles ? 84 % des actifs qui travaillent quotidiennement avec un collaborateur en situation de handicap jugent facile de travailler avec lui. Au GROUPE SOS, l’emploi des personnes en situation de handicap est reconnu comme une source d’égalité, de performance et de cohésion des équipes. Les recrutements pour tous les postes se font à compétences égales, avec une priorité accordée aux personnes avec un handicap. Briser les tabous autour de la vie affective et sexuelle Briser les clichés, c’est aussi oser briser les tabous, autour de la vie affective et la sexualité notamment. Il s'agit à la fois d'accompagner les publics en situation de handicap dans leur sexualité, abordée de manière artistique, ludique e t i n f o rmative, mais également de sensibiliser le grand public à cet aspect du handicap souvent tabou, générateur de nombreux préjugés. Les équipes de nos structures et les personnes accompagnées travaillent avec l’association ARCAT à la création d’une charte facile à lire et à comprendre, à la production d’une série de films d’animation sur ce sujet et à la co-construction d’une formation à destination des bénéficiaires, de leurs proches et des professionnels. Le sport pour dépasser les barrières mentales et sociales Selon une enquête TNS Sofres réalisé en 2015, si 70 % des personnes en situation de handicap déclarent être intéressées par le sport, 56 % d'entre elles affirment avoir déjà été limitées dans leur pratique sportive de par leur situation.
Comme de nombreux acteurs associatifs, nous favorisons la pratique sportive. L’Institut médico-éducatif (IME) Jean Richepin à Saint-Denis propose, par exemple, des activités variées aux jeunes porteurs de troubles du spectre autistique. Depuis 2012, six jeunes ont été inscrits au club de plongée de Bonneuil-sur-Marne, dont trois ont obtenu leur premier niveau de plongée handisport. Chaque jeudi, les plongeurs en herbe suivent des séances supervisées. Si le sport occupe une place centrale dans l’éventail d’activités que nous proposons aux résidents, c’est parce qu’elle constitue une alternative thérapeutique non médicamenteuse, source de bien-être. Que l’on soit porteur ou non d’un handicap, le sport permet d’apprendre à se connaître, se dépasser, se sociabiliser. En somme, un facteur d’inclusion dans la société. La culture pour rapprocher La culture irrigue nos activités, auprès de tous les publics et, en particulier, celui porteur d’un handicap. Complémentaire à la prise en charge médico-sociale, la pratique artistique favorise le bien-être et l’épanouissement de nos résidents, quel que soit leur âge ou le degré de leur handicap. Chez nous, les œuvres réalisées en ateliers d’art-thérapie débouchent sur des expositions ouvertes au public. À Sète, les jeunes accompagnés par l’IME La Corniche exposent régulièrement les oeuvres qu’ils réalisent à partir de matériaux naturels ou de récupération. En 2019, des résidents du foyer de vie parisien Camille Claudel, ont exposé leurs oeuvres au ministère de la Santé et des Solidarités. Ils ont également, cette année, réalisé un projet autour du street art. Les spectacles d’Acte 21, l’École de théâtre du CRTH, permettent aux personnes avec un handicap ou non de se réunir, sur scène ou dans le public. Au FAM Maraîchers, les résidents ont pleinement pris part à un projet de court-métrage, du scénario au tournage.. Ce film a d’ailleurs été présenté lors d’un festival de courts-métrages, à Paris, en novembre 2018. Le cirque est également un art présent depuis toujours au sein de l’IME Adam Shelton, situé à Saint-Denis. Les jeunes porteurs de troubles du spectre autistique participent activement à des ateliers cirques, avec le soutien régulier de l’académie Fratellini.
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Les clichés autour des personnes avec un handicap sont encore bien tenaces. C’est pour cette raison que nous agissons pour changer le regard de la société sur le handicap, tout en proposant à nos résidents des activités favorisant leur bien-être.
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Il n’y a pas de personnes handicapées il n’y a que des situations de handicap Avec la participation de
Sophie Cluzel Secrétaire d’État auprès du premier ministre, chargée des personnes handicapées Audrey Sovignet CEO « I Wheel Share » Alexandra Barrier Directrice générale Handicap de GROUPE SOS Solidarités
Dans la lutte contre l’exclusion des personnes en situation de handicap dans tous les pans de la société – emploi, logement, espace public… - un changement de paradigme majeur est apparu : ce n’est pas à la personne handicapée de s’adapter à l’environnement, mais à l’environnement d’être pensé et conçu pour s’adapter à tous. Mais comment le traduire dans la réalité du quotidien ? C’est le combat que mènent, chacune à sa manière, la secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées, Sophie Cluzel, la co-fondatrice de la start-up « I Wheel Share » Audrey Sovignet, et la directrice générale handicap de GROUPE SOS Solidarités, Alexandra Barrier. Explications.
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La dynamique « jamais rien pour nous sans nous » ambitionne de donner une place majeure à l’autodétermination et de sécuriser le parcours des personnes en situation de handicap, quels que soient leurs choix de lieu de vie. Où en est-on aujourd’hui ? Alexandra Barrier : Au lieu de se concentrer sur les fragilités d’une personne en situation de handicap, nous valorisons ses forces et compétences. Nous soutenons, par l’approche rétablissement, sa capacité à agir et la détermination de ses propres objectifs et priorités, tout en respectant son rythme. À Paris, le foyer de vie Camille Claudel incite ainsi ses résidents à prendre part aux décisions les concernant grâce à un Conseil de la vie sociale entièrement composé d’usagers,
une autoévaluation des projets personnalisés, une co-écriture du projet d’établissement ou encore la pair-aidance. Sophie Cluzel : Ma politique a une priorité : répondre aux attentes exprimées par les personnes et co-construire avec elles, dans le respect de nos engagements internationaux. Les avancées sur l’accessibilité universelle, et l’ouverture de la société à la différence, répondent au principe fondamental d’autodétermination. Pour aller au bout de cet objectif, il est essentiel que toutes les personnes en situation de handicap, mais aussi leurs proches et les professionnels, s’en saisissent. Il y a encore beaucoup d’autocensures et de représentations erronées : l’autodétermination n’est pas réservée aux personnes avec les handicaps « les plus légers. »
Interview croisée
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Sophie Cluzel Militante associative, fondatrice de différentes associations de scolarisation d’enfants handicapés, Sophie Cluzel est aujourd’hui secrétaire d’État chargée des personnes handicapées. Forte de sa grande expérience associative, comme ancienne présidente de la Fédération nationale des associations au service des élèves présentant une situation de handicap (FNASEPH), administratrice de l’UNAPEI ou organisatrice du premier Grenelle des jeunes handicapés dans la société en 2012, elle est actuellement chargée du pilotage de la politique du handicap en France. Elle a récemment présenté le nouveau plan autisme et porte le projet de donner le droit de vote aux personnes sous tutelle.
Audrey Sovignet : « I Wheel Share » prouve que l’innovation numérique et collaborative permet de motiver des choix individuels chez ces personnes, lever les freins liés à leur handicap et les accompagner vers toujours plus d’autonomie et de prise de participation. C’est en réponse à ce grand enjeu que nous nous sommes donné pour mission d’afficher les initiatives existantes sur le territoire en fonction des particularités du handicap de la personne, de sa position géographique et surtout de ses envies (offres d’emploi, logement accessible, offre culturelle ou sportive adaptée...). Nos utilisateurs peuvent ensuite qualifier cette information pour faire part à la communauté de leurs expériences.
Aujourd’hui, l’accompagnement des personnes en situation de handicap se veut souple, modulable et se construit en fonction des attentes et des besoins de chaque personne. Concrètement, comment cela se traduit-il ? Audrey Sovignet : Nous œuvrons depuis 2015 à transmettre des informations d’accessibilité aux personnes avec un handicap sensoriel ou moteur, au plus près de leurs attentes. Ainsi, pour être en permanence à leur écoute, nous avons développé Wilson, le premier chatbot dédié à l’accessibilité. Nous croyons également à la co-construction de nouveaux services. Par exemple, des non-voyants nous avaient exprimé la nécessité de connaître la localisation des distributeurs de banque autour d’eux. Nous nous avons donc enquêté auprès des banques, rassemblé l’information et testé avec nos utilisateurs une assistance vocale dédiée. Alexandra Barrier : Dorénavant, nous construisons tous nos projets sur la volonté et les désirs des personnes que nous accompagnons, lesquels peuvent d’ailleurs évoluer tout au long de la vie. Nous avons ainsi inventé et développé dans le 20e arrondissement de Paris, un véritable écosystème autour de la santé mentale, regroupant un foyer de vie, un foyer
Audrey Sovignet Audrey est une entrepreneuse sociale créative et engagée. Ancienne élève des arts déco, Audrey fonde « I Wheel Share » en 2015, trois ans après l’accident qui rendra son frère Lucas paraplégique. Lauréate du programme French Tech Diversité ou du Prix ESSespoir, cette start up est une plateforme digitale collaborative visant à améliorer le quotidien et l’intégration des personnes handicapées dans la société.
« Ce qui nous paraît exceptionnel leur paraîtra naturel »
Sophie Cluzel : Le plan « ambition transformation », lancé avec les départements, vise à ajuster l’accompagnement médico-social aux besoins des personnes, en priorité sur leurs lieux de vie. L’hébergement momentané en foyer ne doit jamais être une solution par défaut, faute d’accompagnement sécurisant un chez-soi. Nous développons considérablement les offres nouvelles - habitat inclusif, emploi accompagné, pôles de compétences -, et, sur l’offre existante, j’ai donné une instruction claire aux agences régionales de santé (ARS) : d’ici 2022, 50 % de l’offre d’accompagnement doit s’organiser en services rendant la vie « la plus ordinaire possible » à laquelle les personnes aspirent.
En quoi la volonté d’inclusion dès le plus jeune âge est un combat majeur pour poser les bases d’une société où les personnes en situation de handicap auront pleinement leur place ? Sophie Cluzel : Comme le dit bien le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge dans le rapport qu’il m’a remis en juillet : « L’inclusion des jeunes enfants dans les services communs dès la première enfance pose les bases d’un rapport de familiarité avec le handicap, socle d’une société inclusive, et non d’une étrangéité qu’il faudra ensuite réduire. » C’est le sens de notre « bonus inclusion handicap » pour les crèches accueillant des enfants handicapés avec
des professionnels formés et ainsi capables de repérer des signaux d’alerte et mettre en place une intervention précoce. Audrey Sovignet : Nous souhaitons décloisonner les mondes handi et valides dès le plus jeune âge. Il est bien évidemment important de trouver répit, soutien et réponses au sein d’associations ou d’espaces dédiés au handicap, mais nous pensons, chez I Wheel Share qu’il est d’autant plus important d’encourager parents et personnes touchées par le handicap à exister en milieu ordinaire. École, aires de jeux, activités périscolaires, ou sportives, milieu professionnel… Le handicap doit prendre sa place dans la société avec autodétermination et naturel. Alexandra Barrier : Notre combat, c’est d’abord d'éviter au maximum d’exclure les enfants en situation de handicap des crèches classiques. Avec les crèches de GROUPE SOS Jeunesse, nous avons formé une équipe mobile pluridisciplinaire, intervenant auprès des professionnels de la petite enfance et accompagnant les familles. Cela permet une mixité dès les premiers pas dans la vie, et de détecter le handicap plus rapidement. Nous avons aussi développé des dispositifs accueillant des enfants porteurs de troubles du spectre autistique dans des écoles maternelles et élémentaires. Ce qui nous paraît exceptionnel leur paraîtra alors naturel ! ⦁
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Alexandra Barrier Entrée au GROUPE SOS il y’a plus de douze ans comme cadre administrative et financière, Alexandra Barrier a notamment dirigé le pôle Habitat et soins avant de devenir directrice générale en charge du Handicap à GROUPE SOS Solidarités. Auparavant, Alexandra avait commencé sa carrière comme chargée de projet au Burkina Faso dans une ONG puis à l’Ambassade de France. Alexandra est diplômée d’un master Gestion et management des entreprises de l’économie sociale et solidaire et d’un executive master Ressources humaines à Sciences Po Paris.
d’accueil médicalisé, des appartements en diffus et bientôt une équipe mobile. Nous couvrons un grand nombre de besoins d’accompagnement, tout en favorisant la mixité sociale. Il faut adapter l’environnement à la personne et à ses désirs, plutôt que la personne à son environnement.
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Personne n’est jamais au bout de son histoire
La Corniche est un établissement emblématique du GROUPE SOS. Ouvert en 1988, il est le premier centre à avoir proposé en France, un accueil et un accompagnement pour des jeunes, mineurs et majeurs, en situation d’addiction. Situé dans les plus beaux quartiers de Marseille, à quelques mètres de la mer, La Corniche est un cocon, où les jeunes peuvent se (re)construire. Le temps de l’adolescence La première chose qui frappe un visiteur qui arrive à La Corniche, c’est la sérénité du lieu. La Corniche est une maison chaleureuse avec une grande terrasse. L’établissement est un Centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA). D’une capacité de dix places, il héberge des mineurs et jeunes majeurs, filles et garçons, âgés de 14 à 22 ans. Alcool, cannabis, cocaïne, opiacés… Tous présentent une problématique addictive. La Corniche leur propose un hébergement et un accompagnement de six mois, renouvelable une fois. En moyenne, l’établissement accueille 25 à 30 adolescents par an. « Ils arrivent avec la multitude de problèmes qu’on peut rencontrer à leur âge : ce qu'ils sont, ce qu’ils font, où ils vont. Et sont confrontés à un problème d’addiction », précise Noura Payan, directrice de La Corniche. Le temps de l’adolescence est bien particulier. On quitte le moment de l’enfance pour entrer dans le monde adulte. Cette période clé dans la construction d’un individu est mise au cœur des solutions éducatives proposées par l’équipe.
du plaisir. Mais ces temps ont également une visée thérapeutique. Les activités proposées sont diverses et variées : physiques, corporelles, d’expression, artistiques, sportives… Et poursuivent un objectif commun : permettre aux jeunes de vivre de véritables moments pour lâcher prise, s’exprimer et gérer leurs émotions. Ils se défoulent grâce à la boxe, s’expriment avec le théâtre d’improvisation, sont sensibilisés à l’environnement en entretenant un potager… « Pour les aider à reprendre confiance en eux, nous leur proposons des ateliers de socio-esthétique ou encore de l’escalade pour favoriser leur concentration », précise Akim Adgharouamane, chef de service à La Corniche.
Ressentir, exprimer, se défouler
Reprendre ses marques
Tous les matins, en semaine, les jeunes quittent La Corniche pour se rendre dans un centre de jour, situé dans le 15e arrondissement de Marseille. Au quotidien, ils pratiquent toute une série d’activités sur place ou en extérieur, à la mer notamment. Les jeunes y prennent
Les entretiens éducatifs rythment le quotidien de La Corniche. Tous les jours, les éducateurs spécialisés échangent avec les jeunes sur leur envie de consommation et leur ressenti. Pour leur permettre de s’insérer dans la société, ils les accompagnent dans leurs démarches administratives ou de recherche d’emploi. Plus largement, les temps d’échange
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« Je me lève et me couche à la même heure chaque jour. Je mange bien, j’ai repris des forces. Je me sens mieux dans ma tête et dans mon corps. »
entre l’équipe et les jeunes sont permanents. Cela permet d’ajuster le projet éducatif de chacun. Des moments de « recadrage » peuvent aussi être nécessaires si les jeunes rencontrent des difficultés : manque de respect, consommation de produits psychoactifs, acte de violence… La communication est la pierre angulaire de l’accompagnement proposé.
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Le soir, quand ils rentrent à La Corniche, c’est comme s’ils rentraient chez eux. Préparation du repas, détente devant la télévision, discussion sur la terrasse, tâches ménagères… « C’est un vrai fonctionnement familial ! », s’exclame Akim. Les jeunes peuvent ainsi se recréer des repères et évoluer dans un cadre rassurant et structurant. Jour après jour, ils retrouvent un rythme. Daiana, 19 ans, est accueillie à La Corniche depuis sept mois. Elle explique : « Je me lève et me couche à la même heure chaque jour. Je mange bien, j’ai repris des forces. Je me sens mieux dans ma tête et dans mon corps. » Les jeunes comprennent aussi l’importance du respect des règles et surtout du respect d’euxmêmes et des autres. Un apprentissage qui facilitera leur arrivée dans le monde adulte. Quand ils se sentiront prêts.
Le soin du corps… Et de l’âme Toutes les semaines, un médecin généraliste et une infirmière interviennent à La Corniche pour faire le point avec les jeunes. Ils peuvent parler avec eux de leur consommation avec une approche différente et complémentaire de celle proposée par les éducateurs. Des groupes de parole ont lieu deux fois par mois autour de questions sur la sexualité par exemple. Des rencontres avec des médecins psychiatres sont également organisées. Les soins apportés par le corps médical sont primordiaux. Ceux par la psychologue également. Elle se rend une fois
Personne ne naît toxicomane Tout est mis en œuvre pour aider les jeunes à ne plus consommer, tout en s’adaptant à leur situation. Quand ils sont majeurs, la réduction des risques peut être privilégiée. À La Corniche, le respect fait partie des valeurs les plus importantes. De la personne, de son histoire, de son parcours et surtout de son futur. La prise en charge des addictions est complétement intégrée à ce processus. Mais elle ne définit pas les jeunes. « La première chose qu’on leur fait
comprendre, c’est qu’ils existent pour quelqu’un. Qu’ils ne sont pas nés avec une addiction et qu’ils peuvent reprendre le pouvoir sur leur vie », précise Akim. Thomas a 21 ans, il est à La Corniche depuis sept mois. Pour lui, être ici lui a permis de « se retrouver lui-même », de canaliser son addiction mais aussi, nous explique-t-il « de réaliser des choses que je n’aurais jamais faites avant, comme de la plongée sous-marine ! » La solidarité qui règne entre les jeunes saute aux yeux. Ils tissent des liens et peuvent s’entraider, se confier. Il est 19 heures. Nous nous apprêtons à quitter l’établissement. Thomas, Daiana, Nassim et les autres sont réunis dans le salon. Le baby-foot est prêt à être utilisé, l’ambiance est chaleureuse. « Bien sûr qu’il y a des moments difficiles, des tensions. Mais il y a encore plus de moments de joie », conclut Akim. ⦁
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par semaine dans l’établissement. Les jeunes peuvent se confier librement à elle. « Nous parlons très vite de l’essentiel, c’est même surprenant de voir les ados se livrer si rapidement, comme si, finalement, ils n’attendaient que ça, un lieu pour dire et se dire… », explique-t-elle.
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a Akim, chef de service de La Corniche. « La première chose que nous faisons comprendre aux jeunes, c’est qu’ils comptent pour quelqu’un. »
Daiana, 19 ans, accompagnée par La Corniche depuis sept mois. « Cela me fait énormément de bien d’être ici. J’ai repris des forces. Je me sens bien. »
35 ans de lutte contre les addictions Le GROUPE SOS est le premier acteur français de la lutte contre les addictions, un pionnier en la matière. Cette expertise remonte aussi loin que l’histoire du Groupe. Les premiers établissements que nous avons créés en 1984 proposaient une prise en charge des personnes toxicomanes totalement inédite. La France était très en retard dans ce domaine. Au GROUPE SOS, nous ne portons pas de jugement sur le comportement et les choix des individus, et en particulier sur celui des personnes souffrant d’addictions. Notre objectif est d’apporter la meilleure réponse possible en fonction de la problématique de chacun. Chez nous, l’accompagnement est global et comprend : les soins, l’hébergement, l’insertion sociale et professionnelle et la réduction des risques.
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96 Inventer avec et pour les publics les plus précaires Dans les années 1980 et 1990, il était urgent d’inventer en France des dispositifs de prise en charge des personnes toxicomanes. Les institutions hospitalières et sociales n’acceptaient pas ces publics. Les rares institutions spécialisées exigeaient un arrêt immédiat de la consommation de drogue. Un blocage face auquel nous ne pouvions rester les bras croisés. Toxicomane ou non, toute personne doit être considérée comme un citoyen à part entière et ne doit pas être mise de côté. En créant les Sleep’In à Paris puis à Marseille, nous sommes allés à contre-courant des idées reçues contre les personnes toxicomanes sans abri. Existant toujours aujourd’hui, ces disposi-
tifs proposent à ces personnes un hébergement d’urgence, un environnement sécurisé et rassurant ; ils rendent possible l’accès aux soins et ouvrent une porte vers l’insertion sociale. Addictions et infections étaient par ailleurs intimement liées. Les usagers de drogues par voie intraveineuse étaient particulièrement vulnérables face au VIH/Sida, dans un contexte de rapide propagation de l’épidémie. De ce constat est née notre démarche actuelle d’accompagnement : garantir à la personne un environnement sain doit prévaloir. Elle permet non seulement d’assurer les conditions nécessaires à un accompagnement vers une sortie de la dépendance, mais également d’endiguer la propagation d’infections. Il vaut donc par-
fois mieux permettre à la personne de consommer dans de bonnes conditions (matériel stérile, produits de substitution, dosage adapté…), que de la livrer à elle-même ou de la sevrer brutalement, au risque de provoquer une rechute. Cette démarche, totalement nouvelle à l’époque, constitue le principe de Réduction des risques que nous portons encore aujourd’hui au GROUPE SOS, notamment au sein de nos Centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogue (CAARUD). La réduction des risques consiste à faire en sorte qu’une personne qui n’est pas dans une démarche de sevrage puisse néanmoins limiter les effets collatéraux de l’addiction pour elle et son entourage (contamination, mise en danger d’autrui…). Elle suppose aussi de considérer qu’une sortie de l’addiction ne peut résulter que d’un choix personnel et ne doit pas être imposée.
Un accompagnement global, des réponses adaptées à chacun
Les époques changent, avec elles les comportements évoluent, y compris quand il s’agit d’addictions. D’abord les jeunes, y compris ceux venant de milieux favorisés, sont de plus en plus concernés par la consommation de cannabis. Pour établissements ce public, la réduction des risques présente une problématique centrale : la prévention. Elle consiste à personnes bénéficiaires faire prendre conscience aux jeunes que la protection de leur santé est prioritaire et que le corps est un capital. Ainsi, nous avons ouvert de nombreux services (consultations jeunes consommateurs, point écoutes parents-adolescents, CSAPA dédiés aux jeunes en situation d’addiction, comme La Corniche à Marseille). La prévention primaire - avant la consommation à risque et donc l’addiction - est également déployée dans les collèges et lycées.
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Plus récemment, de nouveaux produits de synthèse en France ont émergé, notamment dans le milieu festif LGBT. Véritable enjeu de santé publique, ces produits comme le GHB et le GBL, engendrent de nouveaux modes de consommation dans des lieux festifs à risque auxquels nous devons nous adapter. Parce qu’il est essentiel de partir à la rencontre de ces personnes pour prévenir les risques le plus tôt possible, nous avons mis en place des dispositifs d’équipes mobiles. Elles interviennent par exemple sur des festivals et soirées où circulent des drogues de synthèse. En complément des actions de prévention qu’elles déploient, elles distribuent des kits stériles permettant une consommation dans de bonnes conditions sanitaires. Les addictions, seulement une affaire de substances ? Plus aujourd’hui. Ces dernières années, les addictions sans substance se sont développées. Elles sont aussi vastes que le public concerné : l’addiction aux jeux d’argent pour les publics majeurs, l’addiction aux écrans avec parfois de très jeunes personnes qui en souffrent, l’addiction au travail également. Comme depuis 35 ans, nos équipes s’adaptent constamment aux évolutions en matière d’addiction. Depuis 2009, nos CSAPA prennent en charge les personnes souffrant d’addiction sans substance. S’adapter en matière d’addiction, c’est également prendre en considération les caractéristiques de nos territoires d’intervention. Nous n’intervenons pas de la même façon dans le centre-ville de Paris ou de Marseille que seringues dans les zones rurales. Dans l’Aude, par exemple, distribuées il existe de nombreuses zones dites blanches, isolées. L’accès aux soins et la prévention des risques y sont difficiles. Pour y répondre, le CSAPA Aude - Intermède a mis en place en 2016 une salariés unité mobile de prévention. Le principe ? Une fois par semaine, un médecin spécialisé et un éducateur sillonnent le territoire à la rencontre des populations vulnérables, avec l’aide des acteurs médico-sociaux et associatifs locaux.
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Notre approche globale de la personne est sans doute ce qui nous différencie. Nous ne nous contentons pas simplement de répondre aux situations de dépendance, mais nous engageons un processus global d’insertion de la personne. Être en situation d’addiction isole bien souvent la personne de son environnement social et professionnel : nos centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) sont là pour les accompagner. Dans la mesure du possible, les équipes de ces structures favorisent le rétablissement de liens familiaux rompus. Elles aident la personne à bien gérer son temps libre, lui proposent des sorties culturelles, l’accompagnent dans l’élaboration d’un projet de vie, y compris professionnel. Enfin, pour favoriser l’inclusion des personnes vulnérables, il peut être nécessaire d’accompagner ses proches, de les rassurer, et de répondre à leurs questions. Au sein de nos CSAPA, par exemple, la thérapie familiale et la médiation familiale sont privilégiées.
S’adapter à de nouvelles addictions, de nouveaux publics, de nouveaux territoires
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Une personne vivant avec une addiction n’est pas un délinquant mais un malade Avec la participation de
Dr. Pierre Polomeni Psychiatre et addictologue, chef de service Addictologie des Hôpitaux universitaires Paris Seine-Saint-Denis (AP-HP), président de l’association ELSA France Dr. Nicolas Prisse Président de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) Dr. Guy Sebbah Membre du directoire du GROUPE SOS Solidarités
Alors que de plus en plus d’États se penchent sur la question de la légalisation du cannabis, et que la crise d’overdoses d’opioïdes fait rage de l’autre côté de l’Atlantique, trois médecins spécialistes de l’addictologie remettent en cause nos certitudes sur la manière de lutter contre les addictions.
Malgré les politiques françaises répressives, on ne constate pas de réelle diminution de la consommation des produits illicites et/ou licites. Est-ce un combat perdu d’avance ? Guy Sebbah : Nous défendons le principe que les usagers sont des personnes malades et non des délinquants. De toute évidence, la répression n’apporte aucune réponse viable à l’addiction : malgré un arsenal répressif unique en Europe occidentale, les drogues sont en France, de plus en plus nombreuses et accessibles, et de moins en moins chères. Depuis 1970, la France tient un double discours : à la fois réprimer et soigner. Mais la prison est la pire solution possible pour les consommateurs pour se sevrer et éviter les récidives ; et la menace d’une condamnation pénale ne peut rien face au besoin
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irrépressible de consommer que provoque l’addiction.
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Nicolas Prisse : Si on se concentre sur l’usage du cannabis en France, on compte 700 000 usagers quotidiens et près d’un Français sur deux en a déjà consommé : c’est un chiffre élevé. Les jeunes sont particulièrement exposés : près de quatre adolescents de 17 ans sur dix ont déjà fumé du cannabis et 7,4 % seraient susceptibles de présenter un risque élevé d’usage problématique. Mais la prévalence de l’expérimentation est inférieure de 11 points par rapport à 2002. Cette baisse, certes encore fragile, traduit bien le fait que l’action publique peut être efficace en maintenant un interdit qui contribue à protéger. Pierre Polomeni : Si l’on considère un combat contre les drogues comme un concept logique de confrontation entre des forces du bien et des forces du mal, il est perdu. Si l’on se dégage de ces falaises de l’inéluctable et de la morbidité qui nous écrasent, et que l’on s’entend sur une cohabitation, l’apprentissage d’une paix, sociale et personnelle, et qu’on se concentre sur le soin aux personnes souffrantes, esclaves, débordées par leurs répétitions et leurs difficultés psychologiques ou matérielles, on crée alors un espace de lutte qui ne fait que commencer : tous les espoirs sont alors permis !
Quelles mesures pourrions-nous prendre pour enrayer plus efficacement encore les addictions en France ?
réduction des risques est la clef de la lutte contre les addictions, et la licéité de la substance consommée ne doit pas intervenir dans le soin.
Pierre Polomeni : Il faudrait prioriser de façon plus claire la prévention et les thérapies liées aux addictions les plus à risque - alcool, tabac, cannabis, jeux (vidéo) -, qui nous débordent encore complétement. Les addictions impactent en fait le système de santé centré sur les organes et le curatif tardif. Il me semble donc que la prise en compte prioritaire de ces comportements devrait se construire aux urgences d’une part, et, d'autre part, pourrait se poursuivre dans un cadre associant la psychiatrie et le social, par exemple dans des structures « lieux de vie » de plus longue durée.
Nicolas Prisse : Le plan national de mobilisation contre les addictions associe un renforcement de l’information de la population sur la dangerosité et la diffusion des produits ; des stratégies de prévention (renforcement des compétences parentales et psycho-sociales des enfants) ; un repérage et un accompagnement des consommateurs sur le plan sanitaire, éducatif et social ; une meilleure application des interdits protecteurs et une intensification de la lutte contre les trafics. Enfin, des progrès sont attendus par la mobilisation des territoires et le soutien aux collectivités confrontées quotidiennement aux conséquences des conduites addictives.
Guy Sebbah : La solution passe par une dépénalisation de la consommation et par le fait de traiter l’usager comme un malade. Plutôt que de punir, il faut d’une part prévenir les risques auprès des jeunes et des plus fragiles, et d’autre part réduire les risques pour ceux qui souffrent déjà d’une addiction : poursuivre l’ouverture de salles de consommation hygiéniques et sécurisées, qui proposent un accompagnement vers une sortie de l’addiction. Il faut également cesser les hypocrisies : contraventionnaliser le cannabis, qui présente moins de risques pour la santé que le tabac, l’alcool ou certains médicaments opiacés n’a pas de sens. La politique de
Sur un plus long terme, comment pourrait-on réduire durablement les conduites addictives ? Nicolas Prisse : Les deux leviers permettant d’agir sur le long terme sont l’offre (l’accessibilité) et la demande. Concernant les produits licites, le contrôle de la publicité, l’action sur les prix et le respect de l’interdiction de vente aux mineurs pourraient permettre de mieux réguler l’offre. Concernant les produits illicites, il s’agit de renforcer la lutte contre les trafics. Pour
« La solution passe par une dépénalisation de la consommation. »
Pierre Polomeni : Le long terme engage un projet de société, voire de civilisation. Les progrès médicaux sont énormes et permettent de mieux comprendre et d’intervenir sur le fonctionnement du cerveau. Mais en matière de prévention, des budgets suffisants devront permettre d’effectuer des actions ayant prouvé leur utilité, en particulier en réduction des risques. S’embarrasser des addictions implique de travailler à ce qui peut permettre aux jeunes, aux gens, de se positionner face au plaisir, au travail, au respect de soi et des autres. Cela implique aussi de construire une société limitant les inégalités, les violences faites aux femmes et aux enfants. Guy Sebbah : Comme souvent, au lieu de s’attaquer aux causes, on s’attaque aux conséquences. L‘intelligence artificielle et les chimistes amateurs produiront bientôt des drogues sur-mesure. Face à cela, nous devons développer la recherche et individualiser les accompagnements. Il n’y a pas de porte de sortie unique et standardisée de l’addiction aujourd’hui, et il n’y en aura pas plus demain. ⦁
Dr. Pierre Polomeni Membre du Haut conseil de santé publique, le Dr. Pierre Polomeni est psyhiatre et l’un des addictologues français les plus reconnus. Il est chef de service Addictologie des hôpitaux universitaires Paris Seine-Saint-Denis (AP-HP), président de l’association ELSA France (Association française des équipes de liaison et de soin en addictologie) et président du Conseil scientifique Addictions du GROUPE SOS. Pierre Polomeni est également administrateur du GROUPE SOS. Dr. Nicolas Prisse Médecin de formation, Nicolas Prisse est, depuis 2017, président de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA), l’organe gouvernemental chargé d’animer et de coordonner la politique gouvernementale relative aux drogues et aux addictions. Auparavant, il était conseiller en charge de la santé publique au cabinet de l’ancienne ministre de la Santé, Marisol Touraine, et avait également travaillé longuement auprès de la Direction générale de la santé (DGS) dans des groupes de travail sur les traitements de substitution aux opiacés. Dr. Guy Sebbah Médecin de formation, Guy Sebbah rejoint le GROUPE SOS en 2001, en tant que médecin-directeur de l’un de ses établissements. Il a ensuite exercé les fonctions de délégué régional Groupe Île-de-France et a participé au développement des activités Solidarités, dont il a assuré la direction. Guy Sebbah a occupé, entre 2015 et 2017, le poste de délégué général du GROUPE SOS et a accompagné le développement des secteurs Santé et Seniors. En 2017, il devient directeur général de GROUPE SOS Solidarités puis, en 2019, membre du directoire du GROUPE SOS en charge du secteur Solidarités.
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réduire la demande, nous comptons sur les programmes de renforcement des compétences psychosociales et parentales, associés à une débanalisation de l’usage et une juste information sur les risques et dommages des produits.
Le bien-être pour renaître Le projet Santé Plurielle a pour objectif principal d’améliorer l’accès à la santé des femmes accueillies en centres d’hébergement d’urgence et de réinsertion sociale (CHURS) à Paris. Le projet existe à travers un réseau de plus de 70 acteurs qui travaillent ensemble : une trentaine de centres d’hébergement et une quarantaine d’associations qui agissent dans les champs de la santé mentale, physique, sexuelle des femmes. Tous coordonnent leur action pour faire de la santé des femmes, au sens large, une dimension incontournable de leur mise à l’abri.
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102 Accompagner les professionnels pour que la bienveillance prime À l’origine, le projet Santé Plurielle a été lancé pour répondre à une problématique majeure rencontrée par les femmes accueillies au sein du centre d’hébergement d’urgence (CHU) Plurielles (GROUPE SOS Solidarités) situé à Paris. Plus de 85 % d’entre elles déclarent avoir déjà été victimes de violences et connaissent une santé abîmée et une relation au corps difficile. En mettant en place ses premières actions au sein du CHU Plurielles, l’équipe de Santé Plurielle s’est rapidement rendue compte de la nécessité de faire évoluer la prise en charge des femmes sur le plan de leur santé. Depuis, le projet a été déployé dans une trentaine d’autres centres d’hébergement accueillant des femmes. « Ce que nous souhaitons faire, c’est mobiliser l’ensemble des actrices et acteurs s’occupant de ces femmes au quotidien (directeurs, chefs de
de renouer avec un bien-être corporel et mental. Pour y parvenir, l’une des approches de Santé Plurielle passe par la formation des professionnels qui travaillent à leur contact et les accompagnent chaque jour.
service, accueillants, travailleurs sociaux) et de les mettre en contact avec des professionnels de la santé des femmes et de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles », précise Salma Lamqaddam, chargée du projet Santé Plurielle. Avec un objectif final : permettre aux femmes, dont les parcours ont été semés de violences, de situations d’errance et de difficultés,
« Il me paraît impossible de pouvoir mettre à l’abri les femmes, si elles ne sont pas écoutées et accompagnées avec la plus grande bienveillance face aux traumatismes qu’elles ont vécus et qu’elles portent encore », précise Salma. Avec Santé Plurielle, de nombreuses actions concernent la lutte contre les violences qui détruisent les femmes, les isolent, abîment la santé, précarisent. Les professionnels peuvent, grâce à Santé Plurielle, participer à des formations, des rencontres, des échanges de bonnes pratiques. Comment dépister de façon systématique les violences subies par les femmes ? Comment accompagner dans l’ouverture des droits les femmes étrangères ? Comment accueillir de manière
Se réapproprier son histoire à travers son corps Selon la définition de l’OMS (Organisation mondiale de la santé), « la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. » Les actions menées dans le cadre de Santé Plurielle s’inscrivent pleinement dans cette définition. Par exemple, les femmes accueillies par le CHU Plurielles ont pu se rendre au sein du salon de coiffure de l’association Joséphine (GROUPE SOS Emploi) pendant une journée. Là-bas, elles ont eu du temps pour prendre soin d’elles, de leur corps, de leurs cheveux, pour se regarder. Pour renouer avec une autre vision d’elles-mêmes, plus positive. Et de créer des liens aussi. « Pour moi, cette solidarité et cette convivialité, c’est l’une des mesures de l’efficacité du projet. Quand je vois que deux résidentes,
qui vivaient à deux étages sans se connaître, repartent en échangeant leur numéro de téléphone pour se revoir, je me dis que cet espace de socialisation contribue à leur permettre d’aller mieux », raconte Salma. Santé Plurielle organise aussi des ateliers où les participantes peuvent fabriquer leurs produits de beauté, se faire appliquer des masques. Prendre du temps pour elles et pour respirer. « On peut créer tous nos produits, pour le visage, les cheveux. On en profite aussi pour se retrouver et pour parler de tout et de rien », explique Marie, résidente au CHU Plurielles. D’autres actions sont également organisées comme des journées de dépistage des infections sexuellement transmissibles (IST), gratuites et au sein des centres, des journées de bilan auditifs. Salma précise : « les femmes victimes de violences présentent beaucoup de troubles auditifs à cause des traumatismes crâniens ou des chocs émotionnels. Les professionnels ne sont pas formés à ce repérage et ne pensent pas forcément à leur poser la question. » Autre exemple d’action mise en place, un tournoi de foot. Marie, résidente au
CHU Plurielles, a été joueuse de foot professionnelle. Avec Salma, elle organise ce tournoi pas à pas. « C’est une manière de valoriser les femmes, de ne pas valoriser que les garçons qui jouent au foot. De lutter contre les différences alors que nous aussi on donne tout. J’ai déjà fait plein de tournois alors je peux expliquer à Salma comment ça marche », précise Marie en souriant. Valoriser. Revaloriser surtout. Des femmes dont le corps a été bafoué. Et qui pourtant se sont battues pour aller mieux, pour retrouver le contrôle de leur vie. Des femmes pleines de ressources et de force qui, pour Salma, « ont toutes pour point commun d’avoir connu la violence, celles de la rue, des ruptures sociales, d’un conjoint ou ex-conjoint, d’une famille homophobe… Mais surtout qui ont en commun la résilience. » La santé sera pour elles un moyen de favoriser leur réinsertion dans la société, un levier pour reconstruire la suite de leur vie. ⦁
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bienveillante et informée des personnes transgenres ? Autant de thématiques abordées qui permettent d’apprendre et de toujours progresser dans l’accueil et l’accompagnement des femmes. « Lorsqu’elles arrivent dans un centre d’hébergement, les femmes sont épuisées, ont une inimitié certaine pour leur corps, et abandonnent tout parcours de soin. Plus les professionnels sont formés à toutes les questions liées à leur santé, plus leur réinsertion dans la société sera facilitée », explique Salma.
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Salma Lamqaddam, chargée du projet Santé Plurielle. « Ce qui me guide, c’est à mon échelle de faire avancer la lutte pour les droits des femmes et leur accès à la santé. De lutter contre les violences, sous toutes leurs formes, faites aux femmes et aux minorités de genre. »
b Marie, résidente au CHU Plurielles. « Quand tu n’as pas la santé, tu n’as rien. Ce que nous avons fait lors de l’atelier organisé avec l’association Joséphine, c’était un moyen de se sentir bien, de se sentir femme et bien dans notre peau. »
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Les réfugiés sont une chance pour notre pays
Un toit avant tout CADA : centre d’accueil pour demandeurs d’asile. CAO : centre d’accueil d’orientation. Deux acronymes pour deux établissements animés par les mêmes équipes à Nîmes. Et poursuivant un objectif commun, accueillir, héberger et accompagner des personnes migrantes en demande d’asile ou « dublinées » (pour le CAO) ou en cours de procédure (pour le CADA). Les personnes en demande d’asile sont orientées par l’Office français de l’intégration et de l’immigration. La première chose qui leur est proposée est un toit. « Au CADA La Luciole de Nîmes, comme dans tous les autres CADA du GROUPE SOS, nous avons fait le choix de proposer des appartements en diffus, situés à Nîmes ou aux alentours », explique Dominique Salgas, la directrice du CADA. Les personnes hébergées, peuvent être des familles ou des personnes isolées. Pour ces dernières, le centre privilégie des appartements en colocation. C’est la première mission de l’établissement. Permettre à des personnes de pouvoir se reconstruire et mener à bien leur démarche en étant logées. Une mise à l’abri et une sécurité nécessaires. « Les personnes qui arrivent au CADA ont connu des problématiques liées à l’exil, vécu des traumatismes qui
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Au CADA (centre d'accueil pour demandeurs d'asile) de Nîmes, il n’y a pas de journée type. Il n’y a que des histoires de vie. Uniques. Il y a des personnes. Toutes ont rencontré suffisamment de difficultés pour devoir prendre la décision de quitter leur pays d’origine et de venir en France. Toutes y ont demandé l’asile. Toutes essayent de trouver leur place dans la société, de recréer des liens, de reconstruire leur vie. Il y a l’aspect administratif, bien sûr. Des démarches longues et complexes qui font l’objet d’un suivi au plus près par les professionnels du CADA. Mais il y a l’humain avant tout. C’est le cœur du travail de l’équipe qui accompagne les 300 personnes accueillies chaque année par l’établissement.
parfois relèvent de l’indicible », précise Dominique Salgas. Les loger dans des conditions dignes est la première étape de l’accompagnement qui leur est proposé. Le logement en diffus permet de mettre l’accent sur l’autonomie. Chacun peut vivre comme il le souhaite, organiser sa vie et son quotidien, tout en ayant accès aux locaux du CADA et aux professionnels qui y travaillent.
L’information au cœur de l’intégration En plus du logement, les professionnels du CADA accompagnent les personnes migrantes dans toutes leurs démarches juridiques, sociales, administratives et favo-
risent leur intégration dans la société française. La mise en sécurité des personnes accompagnées passe par un accès aux informations. Sur leurs droits, sur les démarches à suivre et sur la société française. Il faut pouvoir leur donner les clés pour comprendre comment cette dernière fonctionne pour qu’elles puissent être les plus autonomes possible. Lise est conseillère en économie sociale et familiale. L’un des aspects fondamentaux de son métier consiste à accompagner les migrants dans cette autonomie, par rapport au logement notamment. Si les demandes d’asile aboutissent favorablement, il faut pouvoir envisager la suite. « J’organise des ateliers collectifs pour expliquer la fonction du logement en France ou comment en chercher un. Lors des rendez-vous avec les personnes migrantes qui ont obtenu un statut de réfugié, j’essaye de comprendre au mieux leur projet et d’y répondre », précise Lise. Si le résultat de la demande est négatif, l’équipe veille à préparer au mieux la sortie du dispositif, malgré les difficultés.
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Chaque personne accompagnée par le CADA est considérée dans la globalité de son histoire : son parcours lié à l’exil, son présent souvent teinté d’incertitudes et ses projets à redéfinir. Les professionnels du CADA sont également experts des procédures administratives liées à la demande d’asile qui sont souvent complexes et singulières. Lors des rendez-vous organisés régulièrement, ils dirigent les personnes vers les bonnes instances, les informent quant à leurs droits, mettent tout en œuvre pour qu’elles puissent mener à son terme la procédure de demande d’asile. Pour cela, il est indispensable de créer un lien de confiance avec les personnes, de leur offrir un lieu où elles peuvent sereinement et de manière confidentielle partager leurs histoires, doutes, attentes… Anne, éducatrice spécialisée au CADA, explique : « J’accompagne au quotidien une trentaine de demandeurs d’asile. Je leur apporte un soutien dans leurs démarches administratives et dans leur procédure de demande d’asile. Mon rôle est de les écouter, de les soutenir et de les aiguiller dans une société qui leur est inconnue. »
Retrouver une vie « normale » « Les moyens humains sont indispensables. L’équipe, composée d’assistants sociaux, d’éducateurs, de conseillers en économie sociale et familiale, d’un personnel administratif et technique, d’une juriste, d’enseignantes, est au fait du processus de demande d’asile. Elle est au plus près des situations des personnes pour les soutenir au quotidien », précise Dominique Salgas. L’équipe doit également savoir s’adapter à chaque personne. Le CADA accueille des
« Mon rôle est de les écouter, de les soutenir et de les aiguiller dans une société qui leur est inconnue. »
personnes isolées et des familles originaires de partout dans le monde : Afghanistan, Soudan, Érythrée, Guinée, Venezuela… En tout, 33 nationalités ont été représentées en 2018. Certains ont besoin de soins, d’un soutien dans l’organisation du quotidien, d’autres ont des enfants qui doivent être scolarisés. Dans tous les cas, l’une des priorités est de leur permettre de trouver leur place, de se sentir à l’aise dans une société nouvelle pour eux. Cela passe d’abord par l’apprentissage du français. Les personnes accueillies au CADA peuvent assister à des cours de français, mais aussi à des ateliers artistiques, culturels ou sportifs où elles s’expriment différemment. Ainsi durant l’atelier de
graphisme, il est possible de dessiner une nature morte tout en apprenant le nom des couleurs ou des fruits. L’apprentissage de la langue est également favorisé par la vie à plusieurs. Dans les colocations formées dans les appartements, les personnes n’ont pas forcément la même langue d’origine, et parlent donc français pour communiquer. Cela peut être moteur dans leur intégration. Khalifa, par exemple, parle français avec son colocataire Khalid qui est arrivé avant lui. Il l’encourage aussi à participer à des activités. Peu à peu, tous peuvent reprendre leur souffle et commencer, si leur demande d’asile aboutit, à imaginer leur vie ici.
S’enrichir de nos différences
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Au CADA de Nîmes, un projet d’atelier cinéma a été mis en place. Animé par un professionnel de l’image qui intervient bénévolement, il permet aux participants d’apprendre à communiquer en français grâce à toute une partie théorique. Et à communiquer autrement à travers la caméra et l’image. « Au début, je me suis dit que le projet était trop ambitieux pour des personnes ne parlant pas du tout français. Mais, finalement, cela fonctionne très bien ! », confie Dominique Salgas. Le résultat est impressionnant : du scénario à la comédie en passant par la réalisation et le montage, les participants réalisent des films courts en français en abordant de manière décalée et pleine d’humour des thèmes sérieux comme le racisme et l’intégration en France. Des activités, qui comme le sport ou les sorties culturelles, visent à créer de la cohésion, à donner confiance à des personnes qui doivent trouver leurs marques. « Les personnes que nous accueillons nous donnent également beaucoup, raconte Dominique Salgas. Nombre d’entre elles ont quelque chose qu’elles souhaitent partager. Certains en dispensant des cours d’arabe, d’autres en ramenant des plats qui font partie de la gastronomie de leur pays ou en partageant leurs traditions ! » Ce sont avant tout ça les valeurs que tous partagent au CADA : des valeurs d’humanisme, qui transcendent les frontières. ⦁
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Lise, conseillère en économie sociale et familiale. « Ce qu’il y a de plus important est qu’on accompagne un public qui a eu un long parcours d’errance. Nous devons prendre en compte les traumatismes, les doutes, l’inconnu de l’avenir. Pour permettre à chacun de retrouver une forme de stabilité. »
b Khalid d’origine afghane et Khalifa est d’origine libyenne. Tous les deux sont accueillis par le CADA Luciole et hébergés dans un appartement en colocation situé dans Nîmes.
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Accueillir sans condition, accompagner chaque situation Aujourd’hui en France, 12 millions de personnes sont concernées par la crise du logement. Perte d’un emploi, difficultés financières, ruptures familiales… Autant de causes qui fragilisent de nombreux ménages et peuvent conduire à un problème de logement. Parce que la solidarité envers les plus démunis est l’un des fondements de notre engagement, nous proposons des solutions d'hébergement et d’accompagnement variées tout en veillant à respecter la dignité de chacun. Nous sommes convaincus que le logement est un socle indispensable pour qu’une personne retrouve sa place dans la société. Un accueil inconditionnel
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Le profil des personnes sans-abri a fortement évolué ces dernières années. Même si les hommes isolés restent majoritaires, le nombre de jeunes, de personnes âgées, de migrants, de travailleurs pauvres ou encore de femmes ne cesse d’augmenter. Aujourd’hui, trop de personnes restent à la porte des structures d’accueil et pas seulement par manque de places. De nombreux refus d’admission sont dus à la peur d’accueillir des publics aux besoins trop complexes, ou au manque de moyens adaptés. Victimes de violences physiques et sexuelles, de maladies, de troubles psychologiques et de traumatismes… Les personnes sans domicile décèdent en moyenne à l’âge de 50 ans quand elles vivent dans la rue et 55 ans en hébergement, alors que l’espérance de vie se situe en France autour de 80 ans. Nous n’acceptons pas cette réalité. C’est pourquoi dans nos centres, nous portons une exigence d’inconditionnalité pleine et entière à l’accueil. Nous accueillons chaque personne en situation de détresse, y compris celles porteuses d’un handicap, d’une addiction, sans regard sur leur situation administrative, sanitaire ou encore judiciaire.
Remettre l’usager au cœur du dispositif Le mal-logement n’est pas un problème homogène. Nous accompagnons des personnes aux parcours de vie singuliers. Rupture familiale, licenciement, accident… Nous prenons en compte l’histoire et la situation de vie de chacun, sans porter aucun jugement. Notre objectif est de leur proposer la solution la plus adaptée à leur parcours pour qu’elles retrouvent leur place au sein de la société. Nous voulons leur donner les moyens d’avoir une vie choisie et autonome. Pour cela, nous veillons dans un premier temps à ce qu’elles soient hébergées dans les meilleures conditions possibles de sécurité et de qualité. Chaque personne est accompagnée par une équipe pluridisciplinaire, composée de professionnels du travail social, qui l'accompagne dans chaque démarche (accès au droits, recherchede logement, d’emploi…).
Leur priorité : construire un accompagnement sur-mesure qui prend en compte les besoins, attentes et qui s’appuie sur les forces et les capacités de chacun. Nous aidons les personnes accueillies à sortir de la « survie » pour qu’elles puissent se centrer sur leurs projets de vie.
Accompagner les demandeurs d’asile et les réfugiés Depuis 2015, la France est concernée par un afflux de personnes migrantes qu’elle peine à accueillir, et qui est moins une crise migratoire qu’une crise de l’accueil. Face à ce phénomène, nous nous sommes largement investis dans l’hébergement et l’accompagnement des personnes en situation d’exil, convaincus qu’elles constituent une richesse pour notre société. En près de trois ans, nous avons créé plus de 2 400 places d’hébergement en dispositifs pérennes ou d’urgence. Notre objectif : mieux accueillir, mieux intégrer, tout en préservant l’exercice effectif des droits pour tous ceux qui frappent à la porte de la France.
94 établissements 30 169 personnes
bénéficiaires
5 885 personnes transportées vers les CAO
1 236 salariés Favoriser la mixité sociale
Sortir de l’urgence, reprendre une vie normale
Nous sommes convaincus que l’hébergement est un lieu d'intégration et d'acculturation. Nous encourageons la mixité sociale et le vivre-ensemble. Depuis 2019, nous sommes co-porteurs du projet expérimental Coco Velten. Ce lieu d’accueil à dimension sociale, conçu comme un site culturel et économique, est ouvert sur le quartier et les habitants de Marseille. Créé initialement pour répondre au manque de logements pour les personnes sans-abri, Coco Velten a également pour objectif de faire émerger de nouvelles manières de vivre ensemble. Au cœur de ce lieu, un espace de bureaux et d’ateliers est dédié aux acteurs de l’économie sociale et solidaire. Des activités culturelles et citoyennes animent les espaces ouverts à toutes et tous : cantine, terrains de sport, théâtre… Ce projet facilite la cohabitation et l’intégration des personnes sans-abri habituellement stigmatisées.
Parce que nous considérons que pour se reconstruire, une famille doit pouvoir vivre dans un vrai foyer, nous privilégions l’hébergement en appartements diffus, permettant le maintien de l’autonomie et préservant l’intimité familiale. Mais disposer d’un véritable logement, pérenne, est le socle d’un retour à la vie professionnelle, à la santé, à la vie sociale ou familiale, souvent interrompue par les années de rue ou de précarité. Accompagner une personne vers et dans un logement durable est le premier pas pour qu’elle retrouve son autonomie, sa liberté et une place dans la société, et l’hébergement doit rester une solution temporaire. Nous gérons depuis 2009 le dispositif d’intermédiation locative (IML) pour permettre à des ménages en difficulté, souvent habitués aux hôtels sociaux, de bénéficier d’un logement issu du parc privé. Avec plus de 1 200 appartements, nous disposons du plus important parc de logements d’intermédiation locative d’Île-de-France. Cette solution a fait ses preuves en termes d’accès à un logement définitif : en 2017, 91 % des sorties de notre dispositif d’IML se sont faites vers un logement autonome.
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Dans nos établissements, nous essayons au maximum de lever toutes les restrictions et de créer un climat convivial dans lequel les personnes se sentent bien. Dans nos structures, les règles de vie sont les moins contraignantes possibles (horaires, consommation d’alcool) afin de concilier paisiblement liberté individuelle et vie collective. Informatique, cuisine ou encore linguistique... au sein de nos établissements, des ateliers divers et variés sont mis en place. Cela permet aux personnes accueillies de se rencontrer, d’échanger, de rompre l’isolement, d’apprendre mais aussi de partager des moments de convivialité. L’appropriation par les personnes accueillies des établissements autant que des accompagnements est encouragée, avec le développement de la pair-aidance par exemple.
Interview croisée
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Logement, accompagnement : le ciment d’une même reconstruction Avec la participation de
Sébastien Frutieaux Président de l’association Dignité créée par les résidents d’un centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) Aurélien Taché Député du Val-d’Oise, auteur du rapport intitulé 72 propositions pour une politique ambitieuse d’intégration des étrangers arrivant en France Chantal Mir Directrice générale Habitat et Action sociale de GROUPE SOS Solidarités
Le logement, quoiqu’indispensable, reste inaccessible pour un trop grand nombre : si 150 000 personnes sont considérées comme sans-abris et 902 000 personnes comme privées de logement personnel, on estime à plus de deux millions le nombre de logements vacants dans notre pays aujourd’hui. Aurélien Taché, Sebastien Frutieaux et Chantal Mir nous font part de leurs engagements respectifs et de leurs perspectives pour améliorer les politiques de l’accueil et de l’accompagnement en France. Malgré l’augmentation du budget consacré à l’hébergement, le sans-abrisme ne semble pas diminuer. Comment expliquez-vous cette situation ? Chantal Mir : Depuis quelques années, le public des sans-abris augmente et se diversifie : si l’homme isolé reste le profil majoritaire, il y a de plus en plus de femmes, d’enfants, de travailleurs pauvres ou encore de migrants. En parallèle, l’allocation des crédits privilégie l’urgentisme à la mise en œuvre de politiques ambitieuses de loge-
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ment d’abord, et nous peinons donc à résoudre le problème à la racine. Et, même dans l’urgentisme, il n’y a pas de réelle inconditionnalité de l’accueil : les publics aux besoins complexes se voient souvent refuser l’accès aux centres. Les règlements stricts des centres ou leur insécurité découragent certains d’essayer d’y dormir. Aurélien Taché : Entre 2001 et 2012, le nombre de sans domicile fixe a augmenté de 50 %. La problématique est réelle. Le gouvernement et la majorité se sont mobilisés en pérennisant 11 000 places en deux ans, portant le nombre de places pérennes à 145 000. Cela représente une hausse du budget pour l’hébergement d’urgence de 15 %. Nous devons permettre à ces personnes de sortir du dispositif de l’hébergement d’urgence et d’accéder au logement social. Sébastien Frutieaux : Sur l’afflux du sansabrisme, il y a pour moi une politique de la nonréussite, tant au niveau public qu’associatif : quand la vie de quelqu’un bascule, plutôt que de l’aider directement, on va le sanctionner, le laisser
tomber, et ensuite seulement on va lui proposer de l’aide. Le sans-abrisme persiste, car on a des schémas d’accompagnement qui datent d’il y a trente ans, et des hébergements qui ne sont plus adaptés aux situations actuelles des personnes. Certains publics sont même oubliés, notamment les hommes isolés à la rue, ou les sans-abris propriétaires de chiens.
Quelles sont les solutions prioritaires à mettre en place selon vous pour amorcer un retour au logement durable du plus grand nombre ? Sébastien Frutieaux: Je ne sais pas si « solution » est le bon terme… La base est surtout d’apporter une réponse aux envies des personnes, pas seulement à leurs besoins, et de les considérer comme des citoyens. Il faut réformer profondément et remettre d’actualité le travail social tout en ayant une vraie volonté politique et associative de réussir, d’être capable de rentrer dans l’offre de services à la personne en leur laissant le pouvoir d’agir. Il y a aussi un problème de gouvernance : aujourd’hui,
Interview croisée
Habitat et Action sociale
tout vient d’en haut, on ne prend pas la peine de questionner ou de faire voter les gens concernés.
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Chantal Mir : Il faut d’une part que l’inconditionnalité de l’accueil soit effective, par une prise en compte de la vulnérabilité des personnes dans les tarifs des centres d’hébergement, et des règlements plus souples : réguler la consommation d’alcool plutôt que de l’interdire par exemple, pour qu’il n’y ait pas de barrière insurmontable. D’autre part, nous devons miser sur un droit à l’accompagnement personnalisé, dissocié du type d’habitat, et qui valorise les compétences, l’expérience, et la capacité de décision autonome de la personne. L’entraide entre pairs a également fait ses preuves. Aurélien Taché : Il faut se doter des moyens et outils efficaces. Cinq millions d’euros ont été affectés cette année pour permettre d’aller à la rencontre des publics éloignés avec le développement des maraudes. L’idée est d’amener le plus rapidement possible ces personnes vers le logement durable, condition fondamentale permettant l’insertion. Aussi, s’agissant des demandeurs d’asile, j’ai proposé, dans le rapport intégration que j’ai remis au gouvernement, une amélioration de leur hébergement passant par une meilleure répartition sur le territoire national. Aujourd’hui encore, de trop nombreux locaux publics vides pourraient être aisément réhabilités partout sur le territoire en logements durables pour les réfugiés.
Sébastien Frutieaux Il est le président et co-fondateur de l’association Dignité. Créée par des résidents d’un centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) en région parisienne, l’association contribue à l’émancipation des personnes en difficultés en organisant des activités culturelles. Elle défend leurs droits en intervenant auprès des travailleurs sociaux et en organisant des événements de sensibilisation.
Aurélien taché Il est un homme politique français. D’abord engagé au parti socialiste, conseiller auprès des ministres du Logement Sylvia Pinel et Emmanuelle Cosse, il rejoint En marche ! en 2016, puis est élu député en 2017 dans la dixième circonscription du Val-d’Oise. À ce titre, il est l’auteur du rapport 72 propositions pour une politique ambitieuse d’intégration des étrangers arrivant en France. Engagé dans le secteur de l’économie sociale et solidaire, il a également travaillé au GROUPE SOS, où il occupait le poste de délégué régional Île-deFrance.
« Notre vocation : devenir inutiles. »
Quels seront selon vous les principaux enjeux des politiques de lutte contre la grande exclusion ou d’accompagnement social des personnes les plus précarisées des prochaines années ?
Sébastien Frutieaux : Il faudrait des politiques moins administratives, moins complexes. Ce qui embolise le système, c’est la multiplication des dispositifs qui semblent encourager le non recours. Ce n’est pas normal : on a tellement de droits qu’on n’y a pas accès. Il faut aussi considérer que la précarité, c’est une situation, et non pas un état, ni un héritage. Et avoir ainsi des marqueurs d’alerte pour éviter que des familles ou des jeunes à l’ASE (aide sociale à l'enfance) ne finissent dans la rue. Il faut aussi arrêter de catégoriser les publics par les lignes de financement des dispositifs pour avoir une action globale. Quelqu’un à la rue, c’est quelqu’un à la rue, qu’il soit migrant, jeune, ou vieux. Chantal Mir : L’un des grands enjeux sera de parvenir à étendre aux migrants tous les principes de l’accueil et de l’accompagnement appliqués aux sans-abris français : inconditionnalité, personnalisation… En y ajoutant des politiques d’intégration adaptées, ambitieuses, et ce dès le moment crucial de l’arrivée sur le sol français ; un autre enjeu majeur, c’est l’accompagnement au changement par la formation et la prévention des expulsions locatives : intervenir en amont d’une expulsion, ne pas attendre que la personne se retrouve à nouveau dans la rue. ⦁
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Chantal Mir Elle est la directrice générale Habitat et Action sociale de GROUPE SOS Solidarités. Elle gère ainsi l’ensemble des établissements et dispositifs relatifs à l’accueil et l’accompagnement de publics vulnérables ayant des difficultés d’accès au logement (personnes sans domicile fixe, migrants…). Avant d’intégrer le GROUPE SOS, Chantal a notamment passé près de douze ans à coordonner des programmes de Médecins sans frontières. Chantal est diplômée d’HEC Paris et d’un master Économie et gestion du secteur médico-social à l’Université ParisDauphine.
Aurélien Taché : L’enjeu principal est la construction du vivre-ensemble qui va nécessiter un investissement social et économique important. C’est un enjeu de solidarité nationale. Nous avons pour ambition de permettre l’émancipation de chacune et chacun d’où qu’elles et ils viennent. Or ces situations de précarité ne peuvent conduire à l’émergence d’une telle société. Aussi, la question des réfugiés et de leur intégration doit être une priorité. Leur intégration ne peut se faire uniquement du seul point de vue linguistique mais par une intégration professionnelle et sociale. Nous devrons être pleinement mobilisés durant les trois prochaines années pour créer les conditions de la sortie de cette précarité pour parvenir à l’émancipation.
Santé communautaire
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Pouvoir être soi, tout simplement
Une offre communautaire sur-mesure C’est dans des locaux accueillants, situés au cœur du quartier du Le Checkpoint-Paris propose une offre comMarais, que le Checkpoint-Paris a munautaire dédiée aux publics LGBT+. « LGBT posé ses valises. En passant la porte, est l’acronyme de lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres. On y ajoute un symbole “+” un sentiment de bienveillance pour inclure les orientations sexuelles et les règne dans la structure. Créé il y a neuf ans par le Kiosque Info Sida et identités de genre qui ne sont pas majoritaires et normatives », explique Hannane Mouhim Toxicomanie, ce centre dédié aux Escaffre, cheffe de service du Checkpoint-Paris communautés LGBT+ propose une depuis juillet 2018. offre de santé sexuelle complète et gratuite qui combine prévention, Le Checkpoint-Paris propose une offre de santé sexuelle complète : dépistages du VIH, des dépistage, bien-être sexuel et hépatites et des infectionssexuellement transpsychique. missibles (IST) avec rendu de résultats rapide, traitement des IST sur place, délivrance du traitement post-exposition au VIH, consultations et accompagnement prophylaxie pré-exposition (PrEP)… Depuis 2016, le Checkpoint-Paris est devenu une antenne du centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD)
Ouvert du lundi au samedi jusqu’à 21 heures, les horaires du Checkpoint-Paris sont adaptés au mode de vie urbain et répondent aux attentes de son public. L’association déploie des méthodes innovantes pour toucher les jeunes gays et HSH (hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes) pour lesquels les données épidémiologiques des dernières années sont préoccupantes, marquées par une augmentation des nouveaux diagnostics pour le VIH. Elle a notamment investi les lieux de rencontres gays (applications et site Internet). « Nous rentrons en contact avec les utilisateurs pour leur présenter l’offre du Checkpoint, répondre à leurs questions, et leur proposer des entretiens de prévention afin de les accompagner dans la construction de leur propre stratégie de prévention », explique Patrick Florentiny, animateur de prévention. L’association est également très active sur les réseaux sociaux, une manière efficace de toucher une génération de digital natives.
« Cela évite la peur d’être jugé qu’on peut ressentir chez le médecin parfois. Ici, on peut se confier sans crainte. »
Écouter, sans juger En plus des dépistages, le Checkpoint-Paris propose également des consultations PrEP, un traitement qui permet de se protéger contre le VIH lorsqu’on est séronégatif. Même si elles s’adressent principalement à des hommes gays ou HSH, elles sont aussi ouvertes aux femmes trans et aux travailleur.se.s du sexe, également exposés aux VIH. Depuis 2016, 600 personnes se sont vues prescrire
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du Groupe hospitalier Saint-Louis – Lariboisière – FernandWidal de l’Assistance publique des Hôpitaux de Paris. Les personnes qui passent la porte du Checkpoint-Paris sont accueillies par une équipe de professionnel.le.s de santé expérimenté.e.s, engagée auprès des communautés LGBT+, avec laquelle elles ont la possibilité de parler librement de leur sexualité. L’équipe du centre réalise des checkups complets et gratuits en santé sexuelle. En quatre-vingt dix minutes est réalisé un dépistage du VIH, des hépatites, et des infections sexuellement transmissibles. Le CheckpointParis utilise un automate d’analyse médicale permettant un rendu rapide des résultats. « Avec ce dispositif, nous pouvons proposer immédiatement un traitement à la personne qui aurait une IST. C’est le principe du test and treat qui présente un intérêt individuel pour la personne directement concernée, mais également un intérêt collectif en permettant d’éviter la transmission d’IST à de nouveaux partenaires », explique Hannane Mouhim Escaffre.
la PrEP par le Checkpoint. Lors d’un premier rendez-vous, elles échangent avec un accompagnateur communautaire qui les écoute, les guide et leur explique le fonctionnement du traitement. Actuellement, plus de 300 personnes sont suivies au Checkpoint-Paris pour la PrEP. Dans une atmosphère bienveillante, chaque personne peut échanger librement avec les accompagnateurs PrEP et l’équipe pluri-professionnelle sur des questions de santé mais pas seulement : couple, sexualité, orientation sexuelle ou encore consommation de produits… Pour Mathias, 21 ans, accompagné depuis novembre 2017, l’avantage de ces consultations et du Checkpoint en général réside dans le fait qu’on peut y parler librement. « Cela évite la peur d’être jugé, qu’on peut ressentir chez le médecin parfois. Ici on peut se confier sans crainte. »
Prendre le temps, mettre en confiance
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En parallèle, le Checkpoint-Paris propose des consultations de sexologie et de gynécologie. « Parce que la santé sexuelle des femmes lesbiennes et bisexuelles et des personnes trans est encore trop souvent négligée par le milieu médical. Nous leur proposons des consultations bienveillantes et adaptées aux enjeux de santé », explique Hannane Mouhim Escaffre.
Depuis 2016, Céline Puill, sage-femme, propose des consultations de gynécologie aux personnes trans et aux femmes lesbiennes qui sont victimes de discriminations ordinaires, y compris dans les lieux de soins. « Certaines femmes lesbiennes ne consultent plus de gynécologues depuis plusieurs années, car ces derniers leur disent que n’ayant pas de relations sexuelles avec des hommes, elles n’ont aucune raison de consulter », explique Céline Puill. Le Checkpoint-Paris permet à ces femmes un retour aux soins. Chaque consultation dure une heure. « Lors d’un examen, j’explique chaque geste, je prends mon temps pour que les personnes que j’accueille se sentent respectées et reconnues dans leurs spécificités. J’essaye de les mettre à l’aise pour qu’elles soient en confiance », poursuit-elle. En fonction des pratiques, la sage-femme conseille, répond aux questions, oriente sans jamais juger. « Mon rôle est également de dépister d’éventuels parcours de violences et d’orienter les victimes vers des services adaptés », explique la sage-femme.
Œuvrer en faveur de l’égalité des droits Précurseur du dépistage rapide du VIH, le Checkpoint-Paris est reconnu dans les communautés LGBT+. Depuis l’obtention du statut d’antenne de CeGGID, le centre a augmenté sa
visibilité. « Notre action a un véritable impact de santé publique. Nous luttons contre le VIH en ciblant une population clé mais aussi contre les discriminations et inégalités sociales de santé », rappelle Nicolas Derche, directeur d’Arcat et du Kiosque Info Sida et Toxicomanie. On reproche parfois au Checkpoint-Paris d’être discriminant, car son offre est exclusivement dédiée au public LGBT+. « Il est important de rappeler que les personnes hétérosexuelles ne subissent pas de discrimination liée à leur orientation sexuelle, contrairement aux personnes LGBT+ », rappelle Nicolas Derche. Le système de santé reproduit des normes sociales qui peuvent exclure les publics LGBT+ des offres de santé. « Nous souhaitons tendre vers une égalité d’accès aux droits et aux soins. Mais plus globalement, nous luttons contre toutes les formes de discriminations qui altèrent le bien-être et la qualité de vie des personnes qui en sont l’objet », conclut-il. ⦁
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Julien Bisse, accompagnateur PrEP au Checkpoint-Paris depuis décembre 2017. « Il n’est pas forcément facile de parler de sa sexualité et de ses pratiques. L’accompagnement que nous proposons est un temps de bienveillance et de non jugement. »
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Mathias, suivi par le Checkpoint-Paris depuis novembre 2017. « Au Checkpoint, nous pouvons parler librement sans crainte d’être jugé. »
La santé communautaire pour prendre soin des diversités Accompagner tous les parcours de santé Le début des années 1980 a vu surgir l’épidémie du VIH/Sida qui, en l’absence de traitement, a détruit des vies et endeuillé des communautés entières, jusqu’à l’apparition des premiers traitements anti-rétroviraux à la fin des années 1990.
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Dès 1984, le GROUPE SOS s’engage dans la lutte contre le Sida pour sortir de cette situation inacceptable de rejet et de stigmatisation. Il crée un dispositif alors unique au monde : les appartements de coordination thérapeutique (ACT). Le principe, simple, est une révolution : proposer un toit aux personnes séropositives et malades du VIH/Sida pour les soigner dans de bonnes conditions et les accompagner, souvent jusqu’à la fin de leur vie. Ces ACT se sont ensuite ouverts aux personnes vivant avec d’autres pathologies invalidantes. Aujourd’hui, le GROUPES SOS est le premier gestionnaire d’ACT en France, et ses dispositifs sont ouverts à tous ceux qui ont des besoins de santé spécifiques et qui cumulent des vulnérabilités sociales et/ou économiques.
Des patients acteurs Acteur historique de la lutte contre le VIH/Sida, le GROUPE SOS n’a cessé de rechercher l’excellence dans l’accompagnement du parcours de soins. Le patient est au cœur de notre accompagnement et est le premier acteur de son parcours de santé. Notre association, Arcat, propose une offre d’éducation thérapeutique à des personnes vivant avec le VIH en situation de précarité. Le poids du VIH/ Sida, l’estime de soi, l’alimentation, la coordination et la compréhension de son parcours de soins et de ses traitements, la fatigue, la prévention des complications, sont autant de sujets abordés avec les personnes en ateliers collectifs et en entretiens individuels afin de renforcer leurs connaissances et compétences.
Chacun sa vie, chacun ses soins Certaines communautés ou populations, stigmatisées ou discriminées, sont particulièrement exposées au VIH/Sida. C’est notamment le cas des hommes gays et des personnes nées à l’étranger dans des régions où la population est plus touchée. Les offres d’accompagnement et de santé doivent s’adapter à leurs spécificités et les associer à l’élaboration des réponses à apporter à leurs besoins. Notre lieu d’accueil, le Pasaje Latino, accueille les communautés latino-américaines transgenres et/ou de travailleuses du sexe pour mener avec elles des actions de prévention, de promotion de la santé et ainsi leur offrir un meilleur accès à leurs droits et aux soins. L'association Altaïr accompagne et héberge des personnes en situation de prostitution et travail-
leuses du sexe, et plus spécifiquement des hommes et femmes transgenres en situation de précarité. Depuis 1998, Arcat mène des actions de prévention auprès de la population migrante asiatique d’Île-de-France dans les lieux qu’elle fréquente régulièrement. Une professionnelle parlant plusieurs dialectes chinois propose de la médiation, de l’interprétariat et de la navigation en santé auprès de groupes cumulant des facteurs de vulnérabilités comme les travailleuses du sexe chinoises. Des documents (dépliants, affiches…) en mandarin sont élaborés pour sensibiliser aux risques du VIH/Sida, des hépatites virales ou encore sur la tuberculose, la contraception…
Former et préparer les professionnels Le succès de nos dispositifs nous a poussé à partager nos expertises et savoir-faire avec les autres acteurs de la lutte contre le VIH/Sida et du secteur médico-social. Arcat est un organisme de formation agréé, qui s’adresse à tous les professionnels des établissements de soins et de l’action sociale. Tout comme les personnes que nous accompagnons sont actrices de leur parcours de santé, nos formations placent le professionnel stagiaire au centre du dispositif en partant de ses connaissances et de ses représentations. L’articulation de modules théoriques et d’ateliers pratiques favorise le développement des compétences et l’amélioration des pratiques professionnelles. Notre expertise permet également de conseiller et d’aider la gestion globale d’établissements médico-sociaux. Arcat propose une
offre sur-mesure pour accompagner journaldusida.org, témoignent de trente-cinq ans le lutte contre le Sida la mise en place et le développe- et sont depuis 2018 mises en perspectives avec les enjeux actuels. ment de projets au sein de struc- Depuis 1993, Arcat organise chaque année deux grandes ventes de solidarité tures externes au GROUPE SOS. « Les créateurs ont du cœur » au profit de l’association. Des centaines de grandes marques et de jeunes créateurs se mobilisent tout au long de l’année Vivre avec le VIH et offrent à l’association des milliers d’articles, vendus ensuite au public à et construire prix réduits. Ces braderies permettent de soutenir les programmes d’aide ses projets de vie aux personnes et les actions de prévention en direction des communautés Si le soin est au cœur de nos actions, les plus exposées au VIH/Sida.
Informer, communiquer, mobiliser Pour soutenir l’insertion professionnelle des personnes vivant avec le VIH/Sida, l’information et la mobilisation des entreprises est un enjeu majeur. Depuis 1997, Arcat publie le BIP, le bulletin d’information pour les professionnels sanitaires et sociaux de l’entreprise. Il relaye les initiatives de prévention contre le VIH/Sida par les entreprises et sensibilise autour de l’emploi des personnes vivant avec le VIH. Arcat publie également depuis 1988 Le Journal du Sida. Les archives, valorisées sur le site
3 associations
Vers le progrès social
Les communautés minoritaires sont souvent victimes de rejets, de stigmatisations et de discriminations conduisant à l’isolement et à la précarité sociale et économique, et détériorant l’état de personnes santé physique et mentale des personnes. Face bénéficiaires à ce constat inacceptable, le GROUPE SOS s’est résolument engagé à faire respecter les droits et matériels distribués la place de chacun dans la société et agit pour (gels, préservatifs, changer les mentalités du grand public. Depuis brochures) 1997, à l’occasion de la Journée mondiale de lutte salariés contre le sida, Arcat diffuse gratuitement, dans des restaurants d’entreprises, des administrations et des établissements scolaires partenaires, des sets de table, sur lesquels figurent des messages illustrés de prévention et de solidarité. Cette action de sensibilisation, à laquelle de nombreux dessinateurs de renom tels que Wolinski, Plantu, ou Charb ont collaboré, permet de toucher massivement et de façon ludique des salariés, lycéens ou collégiens. L’équipe du Kiosque Infos Sida et Toxicomanie mène également des actions de sensibilisation en milieu scolaire et universitaire pour sensibiliser les jeunes et lutter contre toutes les « LGBTphobies ». Depuis 2010, le Checkpoint-Paris œuvre quotidiennement contre les discriminations et les inégalités qui existent dans le système de santé et empêchent l’accès aux soins des publics LGBT+. avec 8 établissements et services
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L’égalité sociale : pas une utopie, mais un objectif Depuis 1984, le GROUPE SOS est pionnier dans la lutte contre le VIH/ Sida. La mobilisation des personnes vivant avec le VIH, des chercheurs, des cliniciens, des associations et décideurs a permis des avancées politiques, scientifiques et thérapeutiques majeures. Mais la santé agit toujours comme un révélateur des inégalités et discriminations vécues par les communautés LGBT+ et migrantes. Le GROUPE SOS croit fermement au principe de l’universalisme proportionné : en soutenant et développant des programmes, des services et des politiques universels selon une échelle et une intensité proportionnelles au degré de vulnérabilité, l’universalité des droits pourra être effective pour toutes et tous. La richesse de la société se trouve dans notre diversité sociale et culturelle. C’est pourquoi, comme en 1984, comme aujourd’hui, le GROUPE SOS continuera demain à militer, à faire bouger les lignes et à innover pour et avec toutes les communautés.
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notre objectif est d’apporter des réponses adaptées aux besoins des personnes et de les accompagner dans leurs parcours de vie, même les plus difficiles. La santé est un état de bien-être physique, mental et social, pas seulement une absence de maladie ou d’infirmité. En nous appuyant sur l’ensemble des expertises du Groupe, nous favorisons la réinsertion sociale et professionnelle des personnes accueillies. Par exemple, le service d’accompagnement à la vie sociale d’Arcat propose une offre globale valorisant les approches individuelles et collectives. Les personnes ont la possibilité, en fonction de leurs besoins, de rencontrer individuellement une équipe de professionnels composée de travailleurs sociaux, psychologues, juristes, médecins et chargées d’insertion professionnelle pour les aider à mettre en œuvre leur projet de vie. Elles peuvent également participer à des ateliers collectifs proposés au sein même de l’association ou à des sorties culturelles. Ces temps collectifs renforcent les liens de solidarité entre les personnes accompagnées et permettent de valoriser expérience et vécu avec leurs pairs.
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L’égalité de droit, un acquis ? L’égalité de fait : à conquérir ! Avec la participation de
Adrian de la Vega Acteur, youtubeur, nommé personnalité LGBT+ de l’année 2017 Catherine Tripon Porte-parole de l’Autre cercle, directrice des relations aux parties prenantes et des partenariats de FACE et militante associative Abdelka Boumansour Directeur général Addictions de GROUPE SOS Solidarités et porte-parole droits des personnes LGBT + GROUPE SOS
Si les personnes LGBT+ ont le droit d’être traitées comme les autres, nous constatons que, dans les faits, l’égalité réelle est loin d’être acquise. Lutte contre les discriminations, transidentité, et rapport au genre… autant d’enjeux majeurs que cette interview croisée entend éclairer.
Quel constat faites-vous de l’avancée des droits des personnes LGBT+ depuis la loi Mariage pour tous ? Abdelka Boumansour : La mobilisation contre la loi Mariage pour tous a révélé que la force des préjugés et des discriminations envers les personnes LGBT+ était toujours vivace. La Manif pour tous a « libéré » une certaine parole, et révélé une homophobie latente, rendue socialement acceptable par des arguments, souvent de mauvaise foi, cherchant à convaincre
« Aucune action ne peut abolir ce qui relève de l’irrationnel : le rejet de la différence. »
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sous l’angle du bien-être de l’enfant. Si l’égalité de droit progresse, malgré quelques bastions de résistance se cristallisant en ce moment sur la famille ((procréation médicalement acceptée - PMA, gestation pour autrui - GPA), nous sommes bien loin d’une égalité de fait : discriminations, violences, préjugés, accès aux soins ou au logement. Catherine Tripon : Ce débat pour l’extension du droit du mariage a paradoxalement fait réagir les employeurs, ayant constaté que les débordements verbaux dans la sphère publique s’étaient invités en interne, même au sein d’instances de direction, ce qui n’était pas acceptable. Conjugalité et parentalité impactent les droits LGBT+ et aucun employeur ne peut plus l’évacuer, même dans le cadre de filiations encore non autorisées en
France. Il faut simplifier le changement d’état civil pour les personnes transgenres. Cet engagement RSE doit être assumé par tou.te.s. Adrian de la Vega : Sur la transidentité, il reste beaucoup à faire. Par exemple, le changement d’état civil pour une personne transgenre nécessite toujours l’aval d'un tribunal de grande instance. Devoir se justifier de son identité devant la justice est humiliant et d’une complexité absurde. D’autre part, pour une personne transgenre, le choix du médecin pour ses opérations et son suivi n’est pas libre en France : il y a un monopole des « experts » autoproclamés de la SoFECT (Société française d’études et de prise en charge de la transidentité) qui conditionnent l’accès au remboursement tout en perpétuant une approche psychiatrisante et
« On a multiplié les catégories : est-ce que la vraie liberté ne serait pas que ça n’ait plus d’importance ? » ainsi stigmatisante de la transidentité alors qu’elle n’est plus considérée comme une affection psychiatrique depuis plus de dix ans par l'Organisation mondiale de la santé (OMS)…
Quelles solutions concrètes préconisezvous pour abolir les discriminations et aller vers une égalité de droits et de fait pour les personnes LGBT+ ?
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Adrian de la Vega : Même si la loi n’empêche pas les crimes et les délits, avoir le courage de légiférer est le seul moyen pour offrir un cadre adapté et protecteur aux personnes LGBT+ souhaitant se défendre. Il faut aussi multiplier les campagnes de prévention et de sensibilisation dans tous les milieux (jeunes, entreprises, administrations…) pour éviter les préjugés aux conséquences considérables. Abdelka Boumansour : L’éducation dès le plus jeune âge peut faire bouger les lignes, nous donner une chance que les générations futures pensent normale et naturelle la diversité des genres et orientations sexuelles, pour eux-mêmes et pour leur entourage. Il faut cesser d’inculquer l’idée d’une norme et d’une déviance par rapport à la norme aux enfants et leur proposer des représentations correspondant à la réalité. Pour les adultes, nous pouvons faire passer l’éducation par le monde du travail, via des politiques de ressources humaines de lutte contre les discriminations, créer un environnement bienveillant et accompagner les salariés qui changent d’état civil. Catherine Tripon : Aucune action ne peut abolir ce qui relève de l’irrationnel : le rejet de la différence. C’est la constance de l’action et le courage de sanctionner qui réduiront les inégalités et discriminations. Outre l’éducation des jeunes et les formations des ministères de l’Intérieur et de la Justice, il faut agir sur l’exemplarité des dirigeant.e.s
Adrian de la Vega Acteur français, conférencier, vidéaste, et militant. Depuis 2015, il utilise sa chaîne Youtube comme plateforme pédagogique pour ouvrir le discours sur les questions de transidentité et d’identité de genre. Lauréat du OUT d’Or en tant que personnalité LGBT+ de l’année 2017, il sensibilise l’opinion publique française aux enjeux de la défense des droits des personnes LGBT+.
Catherine Tripon Après avoir rejoint FACE (Fondation agir contre l’exclusion) en 2011, Catherine Tripon est aujourd’hui directrice des Relations aux parties prenantes & des partenariats. Ancienne directrice générale adjointe de l’ANDRH (Association nationale des directeurs des ressources humaines) après un parcours dans le privé dans des fonctions commerciales et marketing, elle est aussi connue pour ses engagements associatifs depuis près de vingt ans sur l’égalité, la diversité et les discriminations. Ancienne conseillère régionale, elle fut aussi membre du comité consultatif de la HALDE (Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité) et a contribué au label Diversité.
« La revendication principale est la fin des identités figées. »
Sur un plus long terme, comment voyez-vous l’avenir de la lutte pour les droits des personnes LGBT+ ? Sur quel terrain se situera-t-elle, quels seront ses moyens ? Catherine Tripon : L’Union européenne a été moteur dans les politiques de défense des droits humains, transposables dans le droit national. L’enjeu des prochaines années sera majeur sur le maintien des droits acquis et la lutte contre les discriminations. Toute évolution sociétale doit être portée par les parties prenantes et plus seulement par des militant.e.s LGBT+. Les nouvelles générations ont une sensibilité à l’injustice, une relecture du genre très souple et réinterrogent les codes sociaux ancestraux. Ne les décevons pas. Adrian de la Vega : La situation actuelle apparaît extrême et ambivalente. D’un côté, de plus en plus de gens entendent et acceptent les enjeux LGBT+ et, de l’autre, de plus en plus de
personnes de tous bords assument leur haine et intolérance librement. À mon sens, une vision globale est nécessaire, car c’est l’ensemble de la société qui doit être sensibilisée et non plus seulement le législateur, les institutionnels ou la rue. L’argumentation doit devenir plus factuelle et moins émotionnelle pour attirer l’attention et provoquer la réflexion. Elle doit être portée sur tous les supports (réseaux sociaux, vidéos, manifestations…) et notamment au cinéma, où la fiction permet souvent de mieux appréhender le réel. Abdelka Boumansour : La jeune génération est en train de changer de paradigme : les étiquettes de genre ou d’orientation sexuelle se multiplient et se banalisent, mais quand on les regarde de plus près, on s’aperçoit que la revendication principale est la fin des identités figées, qui ont servi de point de départ des luttes des générations précédentes : Gender fluid... On a multiplié les catégories d’orientation sexuelle et de genre, pour que chacun puisse s’identifier, et au fond on se dit : est-ce que la vraie liberté ne serait pas que ça n’ait plus aucune importance ? ⦁
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Abdelka Boumansour Abdelka Boumanssour a fait toute sa carrière au sein du GROUPE SOS. Entré en 1998 sur les sujets VIH/Sida, il dirigera par la suite plusieurs structures en région PACA (directeur régional des dispositifs d’urgence sociale, directeur régional d’Habitat et Soins...) avant de se diriger sur les enjeux relatifs aux addictions. C’est ainsi fort de son expérience chez SOS Drogue International, qu’il est aujourd’hui directeur général Addictions de GROUPE SOS Solidarités. Abdelka a quitté à 20 ans un environnement qui rejetait son identité. « Le GROUPE SOS m’a permis de trouver ma place et d’évoluer professionnellement, ce qui est fondamental et fait écho à notre plaidoyer LGBT+. »
et des partenaires sociaux dans leur engagement contre les discriminations des personnes LGBT+, sur la formation de nos élites – écoles de l’administration publique, universités et établissements d’enseignement supérieur – à la prise en compte du critère LGBT+. Seul un mouvement social et économique volontariste en matière de responsabilité sociale pourra influer positivement sur la société.
Interview croisée
La réponse au VIH est autant politique que scientifique VIH/Sida
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Avec la participation de
Christine Rouzioux Professeur émérite, virologie, faculté de médecine de Necker, Paris. Florence Thune Directrice générale de Sidaction Nicolas Derche Directeur régional Santé communautaire et lutte contre les discriminations (Arcat, Checkpoint, Altair) - GROUPE SOS Solidarités
Alors que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait prévu la fin des nouvelles contaminations au VIH en 2030, les experts s’accordent sur le fait que cet objectif ne sera pas atteint. Alors que tous les moyens médicaux de prévention et de soins sont aujourd’hui à disposition, comment pouvons-nous expliquer cet echec annoncé ? Que signifie vivre avec le virus aujourd’hui ? En quoi l’épidémie de VIH est-elle un révélateur de discriminations et d’inégalités ? Nicolas Derche : Les populations les plus exposées au VIH sont aussi celles qui subissent des violences systémiques : le racisme, l’homophobie, la transphobie, la stigmatisation des travailleuses et travailleurs du sexe ou des consommateurs de produits psycho-actifs… Ces discriminations font le lit de l’épidémie, aggravent les situations de précarité et éloignent des offres de soins, de prévention et de réduction des risques. Les personnes
vivant avec le VIH font l’objet de rejets dans tous les domaines de la vie : affective et sexuelle, sociale, professionnelle et dans l’accès aux soins. Lutter contre le VIH, c’est aussi lutter contre ces discriminations. Christine Rouzioux : Elle touche des personnes qui sont souvent rejetées et qui subissent les conséquences de discriminations, que celles-ci soient homophobes ou à l’égard de patients séropositifs, de tous milieux sociaux. Cela induit des inégalités à l’embauche et au travail, éloigne ces personnes du soin, diminue leur adhésion aux
SolidaritĂŠs
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traitements et les isole dans le secret, alors qu’elles auraient besoin de soutien. La méconnaissance de la maladie et le manque d’informations entretiennent les inégalités et inversement.
VIH/Sida
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Florence Thune : L’une des premières questions que l’on vous pose lorsque vous vivez avec le VIH, c’est de savoir comment vous avez été contaminé. En dehors du contexte médical, la question est déjà en soi une première forme de discrimination, parce que l’on s’arroge le droit d’accéder, sans autorisation, à la vie intime de la personne concernée, et potentiellement de la juger. Lorsque l’on subit déjà d’autres formes de rejet comme le racisme ou l’homophobie, lorsque l’on est ostracisé parce que travailleur.se du sexe, détenu.e ou usager. ère de drogues, l’histoire de la lutte contre le sida nous montre à quel point le VIH amplifie ces discriminations.
Quels sont les enjeux actuels de la lutte contre le VIH/Sida ? Florence Thune : Ils sont multiples, à l’image de ce qu’est la lutte contre le sida depuis plus de trente ans. L’un d’entre eux est de réduire drastiquement le nombre de nouvelles infections. Malgré l’absence de vaccin, nous avons les outils, préservatif, PrEP et traitements pour atteindre cet objectif. Encore faut-il s’attaquer aux obstacles d’ordre moral, économique ou social qui en empêchent l’accès. À l’heure où la prise en charge du VIH tend à se remédicaliser, un autre enjeu fondamental sera de ne pas perdre de vue les acquis de la lutte contre le sida, et notamment le respect de la parole des personnes concernées. Nicolas Derche : En France, on estime que 20 000 personnes vivent avec le VIH sans le savoir. Il faut dépister mieux, notamment au sein des populations les plus exposées au VIH, afin de pouvoir commencer le traitement le plus précocement possible. Le bénéfice est individuel, mais également collectif puisqu’on sait depuis plus de dix ans maintenant qu’une personne vivant avec le VIH traitée ne transmet pas le virus à ses partenaires. C’est un message fort à relayer pour lutter contre le rejet et les discriminations et permettre à ces personnes de retrouver une vie sexuelle la plus épanouie possible et sans crainte.
Christine Rouzioux Professeur émérite à la faculté de médecine de Necker à Paris, Christine Rouzioux est l’une des plus grandes virologues françaises. Engagée dans la recherche sur le sida depuis de nombreuses années, elle a notamment assuré le développement de nombreux tests diagnostiques et du contrôle de qualité de ces tests sur le terrain. Elle a également organisé de nombreux programmes dans le cadre de la prévention de la transmission de l’infection VIH de la mère à l’enfant. Elle a aussi beaucoup soutenu les programmes d’aide aux pays du Sud et a développé des tests pour la mesure de la virémie VIH (présence du VIH dans le sang) à des prix abordables dans les pays à faibles ressources. Christine Rouzioux est également administratrice du GROUPE SOS. Membre de l’équipe du prix Nobel de médecine 2008 pour la découverte du VIH.
Florence Thune Forte d’une grande expérience associative, Florence Thune a travaillé 18 ans au sein de l’ONG Handicap international en Afrique et en Asie, puis au siège lyonnais, avant de rejoindre Sidaction en 2005. Elle en devient la directrice générale en 2017. Séropositive depuis vint et un ans, elle revendique par ailleurs la nécessité de témoigner de sa vie avec le VIH afin de lutter contre la stigmatisation et les discriminations, dans une société où la sérophobie demeure une réalité pour de trop nombreuses personnes.
« Lutter contre le VIH, c’est aussi lutter contre les discriminations. »
En finir avec le VIH/Sida à horizon 2030, est-ce vraiment possible ? Christine Rouzioux : Il y a tout en France pour en finir avec de nouvelles infections à l’horizon 2030 : les tests de dépistage, les traitements, la PrEP. Il ne reste qu’à tout mettre en musique dans le même concerto, avec les associations qui jouent un rôle majeur auprès des personnes atteintes du virus. Cependant, il est indispensable de ne pas oublier que les sujets déjà infectés le restent à vie et que, contrairement à la fin envisagée de l’épidémie de l’hépatite C, il faudra toujours faire attention à ce que l’infection des personnes séropositives aujourd’hui ne progresse pas vers la maladie. Florence Thune : Si la vie se déroulait comme un modèle mathématique présenté en conférence, nous en aurions déjà terminé avec l’épidémie du VIH. C’est certainement ce qui était envisagé pour la rougeole avant que le nombre croissant de décès, en dépit de l’existence d’un vaccin, soit à nouveau au cœur de l’actualité. Malgré les avancées scientifiques, les obstacles sont encore trop nombreux pour pouvoir donner une date de fin de cette épidémie. Sans compter que sans perspective réaliste d’éradication du virus, même en l’absence de nouvelles infections, plus de 37 millions de personnes continueront de vivre avec le VIH. Nicolas Derche : Beaucoup de progrès scientifiques ont été réalisés ces 10 dernières années mais la route est encore longue. On dispose maintenant de nombreux outils pour se protéger du VIH : le préservatif bien sûr mais également des traitements pré/post exposition, des outils de dépistage rapide… qui ne pourront ni contenir ni éradiquer l’épidémie tant que les populations les plus exposées n’auront pas accès aux traitements, aux soins et aux droits. Oui, il est possible d’atteindre l’objectif de zéro contamination en 2030, mais la réponse doit être autant politique que scientifique ! ⦁
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Nicolas Derche Directeur régional Santé communautaire et lutte contre les discriminations, comprenant notamment Arcat et le Checkpoint/Kiosque Infos Sida, deux des plus importantes associations françaises dans la lutte contre le VIH/Sida. Entré en 2003 au GROUPE SOS comme assistant social, Nicolas avait préalablement travaillé pour l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP). Nicolas est assistant social de formation. Il est titulaire d’un diplôme supérieur en travail social et d’un diplôme d’étude d’ingénierie sociale.
Christine Rouzioux : En France, un des enjeux majeurs est le renforcement de l’accès au dépistage, pour que les personnes séropositives suivent les traitements le plus tôt possible. Je pense aussi à la recherche, aussi bien en sciences fondamentales (vaccination thérapeutique et prophylactique, molécules développées en cancérologie…) qu’humaines, afin de mieux répondre au développement de la maladie et aux enjeux sociaux de l’observance des traitements. À l’international, les besoins financiers doivent être réévalués et les financements sécurisés. Réduire l’épidémie dans les pays à forte prévalence nécessite de renforcer les systèmes de santé et les structures économiques dans des contextes souvent instables.
Prévention de la radicalisation : agir, c’est s’engager Depuis 2012, la France a été endeuillée par des actes terroristes qui sont venus mettre à mal le sentiment d’appartenance à un récit collectif. L’analyse des travaux universitaires, des études empiriques et des analyses de terrain provenant du maillage territorial dense constitué des établissements du GROUPE SOS a permis de déterminer combien le phénomène de radicalisation était de nature multifactorielle, puisait son origine dans les vulnérabilités de la personne et supposait un accompagnement pluridisciplinaire.
Prévention de la radicalisation
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Au nom du principe de l’accueil inconditionnel et de l’idée fondamentale selon laquelle personne n’est au bout de son histoire, le GROUPE SOS s’est engagé en faveur de l’accompagnement des personnes radicalisées.
Rapatrier les ressortissants français de Syrie, une exigence humaine, un impératif stratégique La facilité serait de considérer que ceux de nos ressortissants qui se sont rendus sur un théâtre terroriste ont choisi une destinée qui n’épouse plus celle de la République, et dont elle peut se désintéresser. Pour au moins trois raisons, c’est une erreur majeure.
À cet effet, il crée, en 2018, programme d'accompagnement individualisé et de réaffiliation sociale (PAIRS), mariage de l’ADN social et médico-social de GROUPE SOS Soli- Premièrement, cela revient à légitimer la torture darités et du savoir-faire en média- et la peine de mort. C’est la fin de l’État de droit, tion interculturelle et religieuse et le début de la barbarie. C’est aussi un caret déconstruction du discours de burant extraordinaire pour les prêcheurs de rupture, développé au sein de l’as- haine qui ne manqueront pas d’entretenir sociation ARTEMIS. Accueillant des une confusion entre bourreaux et victimes, personnes suspectées ou condam- d’insister précisément sur le décalage nées pour des faits de terrorisme ou entre le discours humaniste français et le radicalisées au cours d’une déten- sort auquel seraient abandonnés leurs tion pour tout fait de droit commun, « martyrs ». En un mot, d’alimenter PAIRS accompagne des personnes des théories du complot. N’offrons de retour de Syrie, une expérience pas de prises à ce discours qui a conduit le GROUPE SOS à mortifère. Nos équipes s’engager. travaillent quotidiennement au contact de jeunes radicalisés, nous savons que ce phénomène repose aussi sur une rupture avec le projet collectif et le fantasme de la persécution. Deuxièmement, cela implique d’accorder davantage de confiance à une situation instable et aléatoire
qu’aux garanties de notre État de droit. Qui peut savoir, avec certitude, que les peines encourues au Kurdistan syrien seront effectivement et durablement exécutées ?
80 jeunes
Déconstruire l’engagement et le discours radical
Troisièmement, les mineurs qui ont grandi sur place seront des enfants du djihad si nous les abandonnons, mais ils peuvent encore être des enfants de la République. C’est pourquoi ils doivent rentrer en France, pour faire l’objet d’un accompagnement dans le respect du droit commun de la protection de l’enfance.
8 000 professionnels formés
L’accompagnement des usagers radicalisés repose sur une prise en charge globale incluant des psychologues, des éducateurs spécialisés et travailleurs sociaux, des conseillers d’insertion professionnelle, avec pour objectif l’autonomisation de la personne dans un parcours individualisé solide. À ceci s’ajoute le désengagement du discours rupture.
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jeunes bénéficiaires des ateliers d’éducation aux médias
15 salariés Pour les mineurs, ne jamais déroger du droit commun de la protection de l’enfance Les mineurs de retour de Syrie sont très majoritairement des enfants de moins de cinq ans qui ont passé l’essentiel de leur très jeune existence dans une relation d’exclusivité avec leur mère, incarcérée à leur retour en France, sur des zones n’apportant aucune garantie sanitaire de nature à leur assurer un développement sain. Les dispositifs de protection de l’enfance, outillés pour faire face à ces vulnérabilités, sont fondés à accueillir ces enfants et à œuvrer pour leur permettre un développement personnel et collectif dans un cadre propice à leur autonomisation. Pour les mineurs plus âgés, pris en charge conjointement par l’aide sociale à l’enfance et la protection judiciaire de la jeunesse, le travail de désengagement est essentiel. Proposer des établissements dédiés, sur le fondement d’une prise en charge exorbitante du droit commun, serait contraire à l’objectif de rétablissement de ces jeunes passés par des théâtres d’horreur. GROUPE SOS Jeunesse, accompagné par l’association ARTEMIS, a donc ouvert ses portes à ces jeunes, citoyens français et enfants de la République.
Développé par l’association ARTEMIS, il repose sur l’idée que, par-delà la quête de spiritualité, la radicalisation est avant tout une conversion idéologique qui s’appuie sur des référents religieux détournés et convoqués au bénéfice d’un projet de rupture. Il convient d’analyser ces référents, de faire naître l’esprit critique dans leur appréhension, de les réinsérer dans le contexte de révélation des textes au regard des mutations de la société. L’objet est là aussi d’œuvrer à l’autonomisation de la personne dans sa pratique religieuse. Ce savoir-faire rare suppose une grande connaissance théorique et une maîtrise des compétences essentielles du travail social. ARTEMIS accompagne des professionnels susceptibles de devenir des médiateurs interculturels et religieux aguerris face à l’ampleur du phénomène de radicalisation en France.
Vaincre, c’est prévenir Dans l’ensemble du champ social, sanitaire et médico-social, le GROUPE SOS considère que la prévention et l’accompagnement représentent les deux faces d’une même médaille. La politique de prévention en matière de lutte contre la radicalisation suppose une formation des acteurs de terrain. Professionnels du travail social, agents publics, responsables des ressources humaines des grandes entreprises, ARTEMIS déploie ses formations auprès de tous les publics. Le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation a retenu ARTEMIS comme son unique organisme de formation en matière de prise en charge de la radicalisation. Ces formations sont essentielles pour identifier les signaux faibles et permettre de distinguer la pratique religieuse relevant de la liberté de culte garantie par notre Constitution, de l’embrigadement dans un processus de radicalisation appelant au passage à l’acte violent au nom d’une idéologie. Depuis 2015, ARTEMIS a formé plus de 8 000 personnes sur l’ensemble du territoire français. La prévention suppose également de sensibiliser les jeunes générations au nouveau risque que constitue une information détournée à des fins de développement des théories du complot aux effets démultipliés sous l’effet addictif des boucles d’enfermement algorithmique. Générées pour faire naître un sentiment d’indignation insoutenable, elles font le lit de la radicalisation. Aussi, l’association ARTEMIS, en partenariat avec GROUPE SOS Culture, déploie des ateliers d’éducation critique aux médias qui passent par l’autopsie des théories du complot pour mieux les combattre.
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Ne pas prendre en charge les « revenants », c’est rendre les armes face au terrorisme.
pris en charge
Santé
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Santé
Favoriser l’accès à des soins de qualité pour tous
Soigner au cœur des territoires Situé en plein centre-ville de MontSaint-Martin, l’hôpital a été fondé en 1900. Repris par le GROUPE SOS en 2012, sa devise : offrir les meilleurs soins possibles selon les besoins des habitants de la région.
Santé
138 Faire rimer soins et excellence L’hôpital de Mont-Saint-Martin est privé à but non lucratif. À ce titre, il assure une ou plusieurs missions de service public. L’une d’entre elles : assurer l’égalité devant l’accès aux soins. La valeur la plus importante, c’est de pouvoir offrir à n’importe quelle personne, quels que soient ses revenus, le meilleur soin. Pour cela l'hôpital pratique le « reste à charge zéro » c’est-à-dire un remboursement total des frais de santé. Sans pour autant faire l’impasse sur l’excellence. L’hôpital de Mont-Saint-Martin met tout en œuvre pour rivaliser avec les plus grands hôpitaux. Cela passe par un renouvellement constant des services et par une adaptation du matériel et des pratiques. À titre d’exemple, depuis 2017, il est le premier établissement de santé de la région et le troisième en France à disposer d’un tout nouveau mammographe, permettant de faire une radiologie des seins, à la pointe de la technologie. « Notre ambition ? Être un centre d’excellence », précise le docteur Savvas Rafailidis, chirurgien au sein de l’hôpital depuis 2017. Pour y parvenir, le plateau technique a entièrement été rénové avec notamment un bloc opératoire flambant neuf. Le service dispose de chambres individuelles et d’une hôtellerie
La valeur la plus importante, c’est de pouvoir offrir à n’importe quelle personne, quels que soient ses revenus, le meilleur soin.
haut de gamme. La dynamique dans laquelle s’inscrit l’hôpital vise à développer une activité chirurgicale et orthopédique de nouvelle génération dans les années à venir. Modernisation et amélioration continue de l’existant sont les enjeux permanents des professionnels.
Innover pour mieux soigner Lorsque nous parcourons les couloirs de l’établissement, nous sommes étonnés par le calme qui y règne. Contrairement à l’image répandue d’un lieu avec des médecins et infirmiers qui courent dans tous les sens, l’hôpital est un lieu excessivement organisé où les déplacements et les soins se déroulent dans la tranquillité. Au coin d’un couloir, nous entendons toutefois de la musique s’échapper d’une pièce. En nous approchant, nous découvrons qu’un cours de
sport s’y déroule. « C’est l’un des cours dispensés dans le cadre du centre de l’obésité créé au sein l’hôpital ! », explique Savvas Rafailidis. L’obésité est une maladie chronique qui peut entraîner de nombreuses comorbidités, comme le diabète, l’hypertension, l’apnée du sommeil, l’asthme, des maladies cardio-vasculaires, avec un risque élevé de mortalité prématurée. En Meurthe-et-Moselle, près de 22 % de la population est touchée par un problème d’obésité. Pour y remédier, les équipes de l’hôpital ont créé le Centre de l’obésité, qui poursuit plusieurs objectifs : prévenir, diagnostiquer, suivre et soigner des personnes en surpoids ou atteintes d’obésité. L’innovation ? « Leur proposer une prise en charge complète, comme un véritable parcours : un suivi médico psychologique, une intervention chirurgicale si cela est nécessaire, une prise en charge par l’équipe diététique, et un coaching sportif personnalisé… », répond le Docteur Rafailidis.
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Ce n’est pas aux patients de se rapprocher de l’offre de soins, c’est l’inverse. Depuis son ouverture, le centre de l’obésité affiche des résultats plus que concluants. Cyril, ancien basketteur de haut niveau reconverti en coach sportif nous explique : « Après ma carrière de sportif, j’ai voulu aider les gens. L’obésité a été reconnue comme la maladie du xxie siècle. J’essaye de comprendre les problématiques rencontrées par les gens que je coache, de me mettre à leur place. Nous devons tout faire pour qu’elles ne se sentent jamais en échec. » Et cela fonctionne : sur les 130 personnes passées par le centre de l’obésité de Mont-SaintMartin depuis son ouverture, aucun abandon du parcours et beaucoup d’enthousiasme.
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L’hôpital dédié aux habitants avant tout L’une des priorités de l’hôpital : permettre aux habitants de la région d’accéder à une offre de soins complète, sans être contraints de faire plus d’une centaine de kilomètres. L’offre globale en soins couvrent 95 % du besoin de la partie haute du Pays-Haut, soit 100 000 habitants. Un seul établissement de santé y existe. Et c’est primordial qu’il y demeure. Il faut éviter que les personnes soient obligées de faire de trop longs déplacements pour accéder à des soins de qualité. Ce n’est pas eux qui doivent se rapprocher de l’offre de soins, c’est l’inverse. L’hôpital y parvient en proposant une offre de soins diversifiée: consultations classiques de médecine, chirurgie, hémodialyse, urgence, psychiatrie, Unité de soins longue durée, radiologie… Le tout en mettant toujours le respect des patients au cœur des
démarches de soins. Manon est apprentie infirmière, en dernière année de soins infirmiers au sein de l’unité de soins longue durée. Pour elle, « à l’hôpital il y a à la fois le soin et le relationnel. Nous sommes toujours en interaction avec les professionnels de santé, les patients, leurs familles et devons organiser au mieux l’hospitalisation. Prendre soin des patients, c’est aussi leur parler, les respecter,
prendre le temps. » Chaque patient est traité dans le respect de son individualité, de sa volonté dans la plus grande bienveillance. ⦁
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Gaëlle, patiente au centre de l’obésité depuis septembre 2018. « Le cours est intense mais cela me fait du bien. Je me sens fière de moi. »
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Manon, apprentie infirmière. « Le métier d’infirmière en trois mots pour moi : humanité, cohésion, relationnel. »
Un droit pour tous, le meilleur pour chacun
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La santé, ce paradoxe
L’humain au cœur de nos valeurs
La France, ses fleuves, ses montagnes, ses plages, ses dunes de sable… Et ses déserts médicaux. En matière de santé, la France possède l’un des systèmes les plus performants au monde. Le nombre de médecins a doublé depuis 1980 et Paris compte 798 médecins pour 100 000 habitants. Mais à 100 kilomètres de là, dans le département de l’Eure, il y a 180 médecins pour 100 000 habitants. Même les grandes agglomérations sont menacées. En Île-de-France, la moitié des 22 000 médecins actuels sera en âge de partir à la retraite d’ici à cinq ans et l’installation de jeunes médecins est freinée par des prix immobiliers croissants et prohibitifs. En zones rurales et périurbaines, il faut parfois attendre des mois avant de consulter un spécialiste, obligeant à consulter loin de chez soi. Parce que cette situation n’est pas acceptable, le GROUPE SOS s’est lancé dans le domaine de la santé, pour lutter contre la désertification médicale. Nous croyons qu’en matière de santé, il n’y a pas de patients de seconde zone. Il n’y a pas de discipline plus importante qu’une autre, mais des besoins identifiés qui doivent être satisfaits. Que la qualité de la prise en charge n’est non seulement pas une variable d’ajustement, mais une réponse au droit de chacun à disposer du meilleur de la médecine.
C’est en 2008 que le GROUPE SOS a repris son premier établissement de santé à Paris : l’hôpital Jean Jaurès. Nous avons étudié les services de l’hôpital et créé des services sur la base d’une étude des besoins des patients du territoire. Depuis, nous avons repris la gestion de huit autres établissements, à Saint-Avold, Mont-Saint-Martin, Thionville, Château-Salins et Forbach (Grand Est), Villiers-sur-Marne (Île-de-France) et plus récemment en Bourgogne-Franche Comté et dans les Hautes-Alpes. Notre modèle : privé non lucratif. Non lucratif, car il n’y a pas d’actionnaires et pas de dividendes. Les bénéfices générés sont réinvestis, à l’image du fonctionnement du GROUPE SOS de façon générale. Cela nous permet de proposer une offre de soins performante autour des valeurs fondamentales qui sont les nôtres. Le patient au cœur de la démarche : toutes nos activités sont centrées sur les besoins de la personne. L’équité dans l’accès aux soins : nos prestations sont accessibles à tous, quel que soit le niveau de revenu. La recherche de l’excellence : l’innovation, le recrutement des meilleurs talents, la formation professionnelle continue au service du patient. Assurer une médecine de proximité, à travers le maintien et le développement de services de soins de proximité utiles à la population. Par exemple, après un séjour hospitalier, des équipes de nos hôpitaux et de leurs partenaires peuvent, quand la situation du patient l’exige, assurer un suivi de la personne à son domicile.
3 549 salariés 188 191 patients qui représentent 405 596 passages
Innover pour répondre aux besoins des habitants
Le patient acteur de sa prise en charge
Dans les communes où nous sommes implantés, nous sommes parfois la seule offre sanitaire à des kilomètres à la ronde. La nécessité de proposer aux territoires et à leurs habitants une offre de soins performante et de proximité en est d’autant plus capitale. Nous relevons ce défi et pouvons citer quelques exemples pour l’illustrer. À Mont-SaintMartin, les besoins en sénologie étaient mal couverts. En 2017, notre hôpital situé dans cette commune a ouvert un pôle dédié et installé un mammographe à la pointe de la technologie, en partenariat avec la Ligue contre le Cancer. Permettant de dépister 2 500 femmes par an, l’établissement est devenu le premier du Grand Est à se doter d’une installation de cette envergure. À la pointe en matière de chirurgie et obstétrique, l’hôpital du Creusot dispose d’un robot en chirurgie depuis cette année, une première en Saône-et-Loire. En 2018, l’hôpital de Saint-Avold répondait à une carence dans les dépistages du cancer de la prostate. En complément d’activités de préventions régulières, l’établissement était l’un des premiers en France à se doter d’une technologie 3D combinant les avantages de l’IRM et de l’échographie. Le résultat ? Des lésions difficilement détectables ont pu être décelées, permettant une prise en charge la plus précoce possible. Une innovation répondant là encore à des besoins identifiés. Par ailleurs, des centres du sommeil ouvrent actuellement dans nos établissements pour apporter des solutions face à ce trouble qui touche un Français sur trois et dont les conséquences vont bien au-delà de l’oreiller. C’est ainsi qu’en plus d’assurer une mission de proximité, nos hôpitaux sont devenus des références à l’échelle nationale dans leurs spécialités.
À chaque étape de l’accompagnement, le patient est au cœur de la démarche de soins quelle que soit sa pathologie ou la durée de son séjour hospitalier. De son admission au suivi post-intervention, l’accord du patient ou de sa famille est toujours requis. Intervention, traitement, suivi individualisé… les professionnels de nos hôpitaux veillent au respect de chaque personne. Le respect de ses choix, de son histoire, de la confidentialité aussi. Ce respect fondamental est garanti par notre charte de bientraitance, et pratiqué par notre personnel soignant formé. Les professionnels de santé sont là pour informer le patient, l’écouter, échanger avec lui, le rassurer, répondre à ses interrogations. En somme, lui donner les clés pour intervenir à chaque structures étape de sa prise en dont charge et favoriser son autonomie. Chez nous, hôpitaux le patient est acteur de sa prise en charge. Par exemple, dans nos services de cancérologie, nous mettons en place un accompagnement de patients experts formés à l’université des patients. Il s’agit de personnes qui, ayant traversé la même épreuve, apportent une autre dimension dans l’accompagnement des patients en cours de traitement.
Au quotidien, nos équipes se mobilisent pour faire de nos hôpitaux des lieux aussi chaleureux que possible. À cet égard, l’art a toute sa place dans nos hôpitaux. Le centre de rééducation de Villiers-sur-Marne propose des ateliers de pratique d’un instrument de musique ou de théâtre pour les enfants hospitalisés. Régulièrement, des expositions d’art habillent les murs de nos établissements et des compagnies de théâtre viennent divertir les enfants et adultes, pour leur faire oublier un instant leur maladie. Nos équipes ne manquent pas d’inventivité et de motivation pour faire de nos hôpitaux des lieux de vie rassurants.
Des tarifs pratiqués abordables Cliniques privées trop chères, hôpitaux publics inefficaces ? Au GROUPE SOS, nous déconstruisons les idées reçues, y compris dans le domaine de la santé. Non, le secteur privé n’est pas toujours prohibitif et, d’un autre côté, garantir des tarifs accessibles à tous ne cache pas nécessairement une moins bonne prise en charge. L’accessibilité tarifaire de nos prestations passe notamment par le fait que nos médecins ne pratiquent aucun dépassement d’honoraires. Parce que nous considérons que nos patients n’ont pas à payer pour les investissements de pointe que nous réalisons. À ce titre, nous faisons figure d’exception dans le domaine privé. Dans notre pays, la majorité des spécialistes exerce en effet en honoraires libres et peut donc fixer librement le montant de leur rémunération.
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Si le patient est le centre de toutes nos attentions, nous n’oublions pas ses proches. Eux aussi ont un rôle essentiel à jouer dans l’accompagnement et le droit d’être rassurés et informés. Une pathologie lourde touche non seulement la personne qui en souffre, mais aussi son entourage, qui se retrouve souvent démuni face à la maladie d’un être cher. À titre d’exemple, nos équipes soutiennent les proches de personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer à l’hôpital gériatrique Le KEM à Thionville. Elles leur proposent des séances psychoéducatives pour les rassurer tout d’abord. Au cœur de la démarche : la pédagogie. Elle leur permet d’améliorer leurs connaissances de cette maladie, donc d’adopter les bons gestes face à leur proche et de mieux communiquer avec lui, de mieux le comprendre.
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L’hôpital, un lieu de vie
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Interview croisée
Santé
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La santé : une opération collective À l’heure des discussions passionnées autour du plan gouvernemental « Ma Santé 2022 » et des nombreux enjeux de la transformation du système de soins en France, Sylvie Justin, le Pr Marc Braun et Nguyen Tran font le tour des questions relatives à l’innovation dans le domaine de la santé.
Avec la participation de
Pr Marc Braun Doyen de la faculté de médecine de Nancy Nguyen Tran Directeur opérationnel de l’École de chirurgie de la faculté de médecine et de l'Hôpital Virtuel de Lorraine. Sylvie Justin Membre du directoire du GROUPE SOS Santé et Seniors
Sylvie Justin : Les symptômes sont connus : une trop grande place accordée au curatif vis-àvis du préventif, une coupure excessive ville/hôpital, un surarmement hospitalier dans les soins aigus, alors que le vieillissement, les maladies chroniques et la santé mentale sont les nouvelles priorités.
Ces évolutions et le gigantisme des CHU contribuent non seulement au manque d’engagement des soignants sur ces priorités mais aussi à la concentration médicale dans les métropoles. Marc Braun : Le trop grand nombre d’intervenants dans l’organisation et la coordination des soins. Le périmètre de l’intervention des différents acteurs de soins doit être précisé rapidement au niveau des règles de fonctionnement comme de la répartition du financement entre eux. La faible attractivité des territoires plus éloignés est un fait qui s’impose à tous et je crains qu’elle ne le reste. Il faut donc organiser le rapprochement entre les professionnels de soins et la population.
Nguyen Tran : La diversification des attentes et des priorités, le redéploiement géographique, la nécessité de l’équipement en adéquation avec les avancées techniques/technologiques et la maîtrise des coûts sont quelques exemples qui invitent à réfléchir et à reconsidérer le schéma structurel et l’organisation de notre système de santé.
147 Santé
Quelles sont selon vous les principales difficultés à surmonter du système de soins en France, dans son organisation comme son pilotage ?
Interview croisée
Santé
Que vous inspire le changement de paradigme actuel qui tend à placer le patient comme partenaire de ses soins plutôt que simplement bénéficiaire ?
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Nguyen Tran : Si je suis naturellement favorable aux mécanismes favorisant la relation « soignant-soigné » dans le but d’améliorer le rendu thérapeutique, le concept de « partenariat » mérite d’être mieux éclairé. Le partenariat sous-tend une relation de réciprocité. Le patient, par définition, est plutôt en attente d’attention et de soins. Par conséquent, dans la phase d’hospitalisation, la conduite thérapeutique devrait rester sous la responsabilité des professionnels avec une meilleure information auprès des patients. Dans la phase pré- et/ ou post-hospitalisation (devenue plus importante avec la pratique ambulatoire), le partenariat me paraît plus intéressant à construire et/ou renforcer. Tous les aspects préventifs ou de conduite thérapeutique post-hospitalisation nécessitent une implication plus soutenue des patients et il y a là une belle place pour développer de l’ingénierie pédagogique, relationnelle et humaniste. Sylvie Justin : L’expérience originelle du GROUPE SOS dans la prise en charge des toxicomanes et des malades du Sida a ancré nos actions dans une culture de contractualisation et de considération du patient-partenaire. La maladie et le traitement le conduisent à développer de nouvelles compétences comme l’explique bien la Pr Catherine Tourette-Turgis, fondatrice de l’université des patients. C’est ainsi que nous avons construit un dispositif innovant avec les patients et ex-patients formés par Catherine, pour proposer, dans nos établissements, des séances de guidance par des patients-experts, dans le domaine de la cancérologie et du diabète. Marc Braun : C’est un changement majeur qui doit maintenant être intériorisé par certains patients. C’est aussi une modification profonde de la relation intime entre le patient et les professionnels de santé qu’il faut apprécier à chaque consultation ; le professionnel de soins devra faire preuve de pédagogie envers le patient. L’éducation en santé est décisive et l’on connaît la puissance de la formation par les pairs (les patients-experts ont ici une place importante) ; la nature des consultations en sera changée profondément.
Pr Marc Braun Le Pr Marc Braun, professeur des universités et praticien hospitalier au service neuroradiologie diagnostique et thérapeutique du CHRU de Nancy depuis 1997, a été élu comme doyen de la Faculté de Médecine de Nancy et vice-président du directoire du CHRU de Nancy en 2014. Outre ses activités hospitalières, le Pr Braun est à l’origine, notamment, de la création du centre universitaire d'enseignement par simulation médicale (CUESiM) de l’Université de Lorraine.
Nguyen Tran Enseignant-chercheur à la faculté de médecine de l’Université Lorraine, Nguyen Tran est co-fondateur et directeur opérationnel de l’école de chirurgie de la Faculté de Médecine et de l’Hôpital Virtuel de Lorraine. Il a également rejoint le conseil national du numérique sur les sujets relatifs à la recherche en santé.
Sylvie Justin En 1995, Sylvie Justin prend la direction générale d’une association du GROUPE SOS impliquée dans l’accompagnement de personnes vivant avec le VIH. Au fur et à mesure du développement du Groupe, Sylvie Justin dirigera le secteur Santé et Social. En 2008, elle devient membre du directoire en charge des secteurs Santé et Seniors. Sylvie est titulaire d’un master en psychopathologie et d’un master management global (université ParisDauphine). Elle est chevalier de l’ordre national du Mérite.
Comment innover dans le champ de la santé en garantissant une pratique des soins à la fois efficace et humaine ? Marc Braun : Une modification significative de la formation des étudiants dans les métiers de soins devra se mettre en place pour accompagner ces mutations. La pratique naturelle de la téléconsultation, la maîtrise de l’usage des dispositifs d’intelligence augmentée par les professionnels de soins sont parmi les mutations les plus importantes de la formation. L’irruption du tiers technologique entre le professionnel de soins et le patient-citoyen est la principale rupture des dix prochaines années. La formation initiale comme la formation continue doivent prendre en compte très rapidement cette mutation. Nguyen Tran : De l’intelligence artificielle comme aide au diagnostic à la fluidification des données patients, le « big data » contribuera à améliorer la pratique des professionnels. Il en est de même pour la robotisation progressive de la pratique médico-chirurgicale. Cette évolution va dans le sens de l’efficience pratique mais implique en effet un rôle plus soutenu de l’homme, soignant et soigné, et ainsi doit investir dans l’innovation cognitive humaine. Il faut ré-introduire l’humanisme, l’anthropologie et l’équilibre des rapports « soignant-soigné » dans tous les processus de soins. Sylvie Justin : Une avancée technologique est innovante si elle crée un bénéfice social. Nous expérimentons ainsi l’assistance médicale par intelligence artificielle, qui accompagne, sans le remplacer, le médecin urgentiste dans son diagnostic. L’innovation c’est le quotidien : l’exigence permanente de faire mieux pour le patient, moins pénible pour le salarié et moins coûteux pour la société. C’est grâce à l’innovation de nos équipes que GROUPE SOS Santé est reconnu pour sa compétence de transformation d’établissements en difficulté. L’envie de faire, l’écoute des usagers sur les interstices du système, et l’attention aux besoins émergents en sont les ingrédients. ⦁
149 Santé
« Une avancée technologique est innovante si elle crée un bénéfice social. »
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Relevons le dÊfi du grand âge
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Vieillir et continuer à bien vivre L’EHPAD Michel-Dinet est situé à Villerupt en Meurthe-et-Moselle (54). Flambant neuf, l’établissement a ouvert ses portes en 2018. Il se différencie par sa taille : 141 résidents peuvent y être hébergés. Un lieu plein d’activités et de sourires, dans lequel les personnes âgées sont mises à l’honneur.
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152 Un lieu de vie avant tout
« Travailler dans un EHPAD, c’est un choix. On choisit un lieu où le contact humain est primordial. »
c’est d’abord une nouvelle maison pour les résidents. Ils pourront y être épaulés au quotidien grâce à des soins, du confort et des activités favorisant leur bien-être.
Lorsque nous arrivons à l’EHPAD Michel-Dinet, nous découvrons un lieu joyeux et vivant. Les résidents sont réunis dans le salon situé au rez-de-chaussée, sur fond musical. Certains échangent entre eux, d’autres se font chouchouter dans le salon de coiffure. La plupart se préparent à déguster le goûter qui va bientôt commencer dans la salle de restaurant. « Un EHPAD, c’est avant tout un lieu de vie », nous indique immédiatement Philippe Maurice, le directeur. Terme technique, un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, ou EHPAD, est destiné à accueillir des personnes âgées qui ne peuvent plus vivre chez elles parce qu’elles ont besoin d’aide, d’accompagnement et d’une prise en charge spécifique.
Pour le directeur de l’établissement, il est impératif que le lieu vive en étant ouvert sur l’extérieur : « des personnes extérieures à l’EHPAD, les familles, par exemple, peuvent venir prendre le goûter avec leurs proches tous les jours. Notre salon de coiffure est également ouvert à des personnes âgées ne résidant pas ici et souhaitant bénéficier du service ». L’EHPAD Michel-Dinet est parfaitement équipé. Accès Wifi pour permettre à chacun de se connecter s’il le souhaite. Télévision, enceintes, canapés, salon de jeux, salle de détente, décoration… Tout a été pensé pour être fonctionnel et beau.
La dépendance pour une personne âgée signifie qu’elle ne peut plus assurer elle-même des actes de la vie courante : se déplacer, manger, faire le ménage, se laver… Elle peut être physique (trouble de l’équilibre, difficulté à marcher) et psychique (perte de mémoire, altération de l’humeur). Une maison de retraite médicalisée
ployés au sein de l’EHPAD Michel-Dinet de Villerupt qui a été construit pour accueillir les résidents des anciens EHPAD Pasteur et Peupliers, situés à Villerupt, qui ne répondaient plus aux exigences de sécurité et de confort. L’établissement s’inscrit aussi dans
Une centaine d’emplois ont été créés ou redé-
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154 une démarche éco-responsable avec des pompes à chaleur et des panneaux photovoltaïques.
Se sentir chez soi Monsieur M a 89 ans. Il est résident à l’EHPAD depuis deux mois et s’adapte progressivement. L’arrivée à l’EHPAD n’est jamais évidente. Il nous explique : « Un jour j’ai fait une chute et je n’ai pas pu me relever. J’ai d’abord été hospitalisé, puis je suis arrivé ici sans retourner chez moi. » Monsieur M prend ses marques tout doucement dans ce nouveau chez-lui. Il a pu installer ses affaires dans sa chambre et reprendre ses habitudes. Parmi elles, le tennis et le vélo qu’il regarde à la télévision et affectionne particulièrement. Permettre aux résidents de se sentir chez eux est une des premières missions de l’équipe de l’établissement. Pour y parvenir, il est important de tisser des liens avec les résidents. « Travailler dans un EHPAD c’est un choix. On choisit un lieu où le contact humain est primordial. Où il est important de connaître les personnes que nous accompagnons, leurs goûts, leur vie, leurs envies », nous explique Philippe Maurice. Les professionnels connaissent certains résidents depuis plusieurs années. Christelle, aide-soignante, nous explique que ce qui compte le plus pour elle c’est ce contact avec les seniors et
précise « chaque résident a son caractère. Il faut faire preuve de patience et d’empathie. » C’est notamment grâce à cette attention permanente, à la bienveillance et au respect, que les personnes âgées peuvent s’épanouir.
Le plaisir des papilles À 15 h 30, le goûter va bientôt commencer. Un véritable moment de convivialité. L’un des temps fort de la vie d’un EHPAD. « Les repas sont primordiaux, ils sont un temps de plaisir pour les personnes âgées. » À l’EHPAD Michel-Dinet, comme dans l’ensemble des établissements de GROUPE SOS Seniors, la cuisine est faite sur place. Une équipe de quatre cuisiniers conçoit et élabore les repas, pensés pour pallier les problèmes de dénutrition des personnes âgées mais aussi, et surtout, pour être goûteux. Trois fois par an, des commissions sont organisées entre les cuisiniers et les résidents. Chacun
peut y exprimer ce qu’il a préféré manger ou ce qu’il n’a pas aimé. Les repas sont élaborés, en prenant en compte les goûts de chacun. Dans la salle de restaurant de l’EHPAD, on se croit presque dans un restaurant classique. C’est d’ailleurs ce qu’a cru un des résidents qui venait d’arriver à l’EHPAD, nous confie le directeur : « il n’osait pas manger les plats, pensant qu’on lui demanderait de payer l’addition à la fin. » L’anecdote fait sourire. Mais elle témoigne de l’importance de la qualité donnée aux repas dans la vie d’un senior. Ce n’est pas parce qu’on est vieux qu’on ne doit prendre aucun plaisir à manger. Bien au contraire. Suite au goûter, une séance est organisée avec l’ergothérapeute, présente tous les jours à l’EHPAD. Une dizaine de personnes y participe. Après l’échauffement, les seniors se renvoient un ballon, font des exercices avec un bâton, puis entament, tour à tour, un parcours de marche. Ils travaillent leur motricité et leurs réflexes. Cela leur permet de conserver le plus longtemps possible leur autonomie. Toutes les activités proposées aux résidents sont à la fois pensées pour les divertir et pour être thérapeutiques. Les activités permettent de ralentir le processus de dépendance. Chaque résident choisit les activités auxquelles il souhaite participer : lotos, jeux de société, peinture, gymnastique douce, sorties en extérieur… Une animatrice est présente à plein temps à l’EHPAD. Chaque mois une zoothérapeute intervient également. Grâce aux exercices proposés au contact de son chien, les résidents travaillent leur mémoire, leur équilibre et leurs réflexes. Avec les ateliers de cuisine pédagogique, chacun peut proposer une recette qu’il affectionne et qui sera réalisée avec les autres résidents. Ces activités qui rythment le quotidien apportent un véritable bien-être aux seniors et contribuent à leur permettre de garder leurs repères. Des temps intergénérationnels leur sont régu-
lièrement proposés. « Nous avons des visites d’enfants du centre aéré, mais aussi de jeunes qui viennent faire des concerts de guitare ou de piano. Les résidents aiment beaucoup le contact avec la jeunesse. » Ces activités ne remplacent pas les soins qui sont assurés quotidiennement par un médecin et des infirmiers. Mais elles sont essentielles pour favoriser leur autonomie, le plus longtemps possible.
Respect et humanité L’équipe présente à l’EHPAD est composée de profils très variés : aide-soignant, infirmier, secrétaire, cuisinier, lingère, ouvrier d’entretien, animateur, médecin, psychologue, ergothérapeute… Quand nous leur demandons ce qui est le plus important pour eux dans leur métier, c’est l’humanité qui prime. Pour Christelle, travailler à l’EHPAD c’est permettre aux seniors de « naviguer le mieux possible dans la vieillesse. » Pour cela, la bientraitance et le respect sont indispensables. Il faut être attentif à la personne, à son histoire, à ce qu’elle exprime, à ce qu’elle aime ou non. Lui parler, la toucher avec respect. Les soins apportés aux personnes doivent être individualisés, adaptés aux besoins que chaque personne exprime. Au quotidien, à l’EHPAD Michel-Dinet, chacun est investi de cette mission : faire de l’EHPAD un lieu où l’on se sent bien. ⦁
Les 141 places de l’EHPAD Michel-Dinet se répartissent dans le cadre d’une offre de services globale et complémentaire auprès de la personne âgée dépendante : - 132 places d’hébergement permanent, dont deux unités protégées pour personnes atteintes de maladie d’Alzheimer et apparentée pour 26 lits et une unité d’hébergement renforcé (14 lits) ; - trois places d’hébergement temporaire ; - six places d’accueil de jour. Les chambres sont individuelles. 12 chambres sont couplables et donc peuvent accueillir six couples. L’EHPAD est réparti sur trois étages.
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Soigner autrement
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Christelle, Aide-soignante depuis 20 ans en EHPAD. « Je connais certains résidents depuis dix ans. Je connais leur vie et leurs habitudes. Le contact humain, c’est ça qui doit primer. »
b Monsieur M, 89 ans, résident à l’EHPAD Michel-Dinet depuis janvier 2019. « Sur la photo, c’est moi quand j’étais jeune. J’étais agent de maîtrise à la mine d’Hussigny. C’était en 1967. »
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Le défi du grand âge, un défi pour la vie
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Seniors, à vous aussi la belle vie !
Autonomie chacun sa vie
En France, il y a deux fois plus d’actifs que de retraités. En 2050, il n’y aura qu’un actif pour un retraité. Cet enjeu majeur de société pose question : dans quelles conditions les personnes âgées vont-elles vivre le grand âge ? Avec l’espérance de vie qui tend à augmenter, et la difficulté des familles à s’occuper des anciens, les maisons de retraite deviendront au fur et à mesure de véritables références pour toute la société. Aujourd’hui, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) souffrent d’une mauvaise image du fait des nombreux dysfonctionnements relayés dans les médias : les conditions de travail sont difficiles, le nombre de résidents augmente et les financements ne permettent pas de répondre à l’évolution de leurs besoins. Les personnes âgées y sont trop souvent infantilisées, avec parfois pour seul droit : être là.
Nous développons des services permettant de prévenir la perte d’autonomie des personnes que nous accompagnons. Les professionnels qui travaillent dans nos EHPAD proposent un suivi médical adapté à tous les parcours individuels, afin de rendre ou de maintenir les capacités motrices et mentales de chaque senior. Mais développer l’autonomie d’une personne âgée, c’est avant tout lui donner une participation active dans la définition de ses règles de vie. Est-il acceptable d’aller vivre dans un endroit où l’on ne nous consulte jamais, où l’on ne peut pas partager ce qu’on aimerait faire dans la journée ? Dans tous nos établissements, nous tâchons d’impliquer nos résidents dans la planification de leur quotidien mais aussi dans la gestion ou l’organisation des activités. Nous sommes également attentifs à leur donner les clefs pour suivre l’évolution de la société : nous leur proposons par exemple des formations au numérique, pour qu’ils puissent gérer des démarches administratives digitalisées, ou tout simplement communiquer avec leurs proches.
Les établissements ou services à destination des seniors ne sont en aucun cas des « mouroirs », mais bel et bien des lieux de vie et d’animation. C’est avec cette conviction que le GROUPE SOS a intégré son premier EHPAD en 2011. Depuis, nous innovons sans cesse pour proposer les meilleurs services à nos aînés. Nos objectifs ? Respecter la dignité de chacun, assurer une meilleure autonomie des retraités et maintenir leur vie sociale.
Vieillir - un plaisir La vie en EHPAD ne se résume pas aux soins. Dans notre philosophie, les maisons de retraite doivent être en même temps des lieux de soins et des lieux de vie, car les personnes, mêmes affaiblies, ont des envies et passions individuelles. Le « bien-vieillir » est un défi, que nous comptons bien relever haut la main, en faisant de nos EHPAD des établissements conviviaux et chaleureux, agréables et confortables. Nous adoptons une démarche globale pour répondre aux besoins et envies de tous les seniors que nous accueillons. La nourriture en EHPAD ne doit pas être uniquement conditionnée par les qualités nutritives spécifiques à apporter aux seniors. Nous conjuguons « manger » et « plaisir » dans chacun de nos EHPAD, en faisant appel à des cuisiniers qualifiés : les repas sont systématiquement préparés sur place, nous mettons à l’honneur les produits bio ou locaux. Chaque année, nous organisons Silver Fourchette, un festival gastronomique unique en son genre qui oppose les cuisiniers de nos EHPAD. Tous nos établissements proposent des animations adaptées, à travers des ateliers quotidiens de pratique d’activité physique, mais aussi de stimulation cognitive comme des ateliers mémoire, lecture, écriture, zoothérapie…
et services
6 779 résidents 4880 salariés Home sweet home Nous n’oublions pas que la meilleure maison de retraite est celle où l’on reste chez soi. L’aide à domicile est chère au cœur des personnes âgées, mais n’est pas assez développée : trop de seniors se voient dans l’obligation de quitter leur domicile contre leur volonté. Pourtant, il existe une solution : faire rayonner l’expertise de l’EHPAD sur son territoire. Nous avons imaginé et mis en place Seniors Connect, service qui ouvre les compétences présentes dans un EHPAD aux domiciles des seniors vivant à proximité. Nos équipes deviennent alors un cordon de vie pour tous, prenant en charge les besoins quotidiens (restauration, blanchisserie, soins, coiffure…) tout en renforçant le lien social des personnes les plus isolées.
Innover, apanage de tous les âges Dans toutes nos activités, nous dépassons un stéréotype : l’innovation n’est pas le privilège de la jeunesse. La high-tech est un outil important pour relever le défi du grand âge. Chacun de nos établissements est un living lab, où nous testons ce qui se fait de mieux. Des exemples ? Nous avons mis en place des sols connectés permettant de détecter les chutes des résidents. Nous avons fait voyager des seniors atteints de la maladie d’Alzheimer grâce à des casques de réalité virtuelle, pour évaluer l’impact positif de la 3D. Nous équipons nos EHPAD d’espaces de télé-expertise et de télémédecine pour rendre moins pénible les parcours de soins et alléger les déplacements, source d’anxiété pour les seniors comme les aidants.
Un senior, il sort ! Nous sommes convaincus que tout individu est un être social, que ce soit à 5 ou 85 ans. Les seniors ne doivent pas être coupés de la société. Au contraire, ils ont un rôle important à jouer ! Il est donc du devoir des acteurs du grand âge de leur permettre d’apporter leur contribution à la collectivité, et que de cette contribution les personnes âgées tirent un plaisir, une satisfaction et un sens. Vingt de nos EHPAD ont joint leurs forces pendant deux ans pour compiler les souvenirs et anecdotes des résidents en un seul et même récit, intitulé Les Souvenirs d’Ernest. Des élèves de CM1 ont ensuite illustré ce livre et profité de l’expérience de vie fascinante des seniors. Le lien intergénérationnel est un maillon essentiel de l’inclusion des seniors dans la société. Nos associations Un Toit 2 Générations et le Pari Solidaire promeuvent la rencontre et l’entraide entre une personne âgée et un jeune en leur proposant de vivre sous le même toit, après avoir étudié les besoins et envies de chacun. L’un offre une chambre meublée, l’autre sa présence : c’est la cohabitation intergénérationnelle. Nous incitons les seniors à participer à la vie des alentours également, avec des sorties au marché local ou des activités avec les écoles par exemple.
Le « bien-vieillir » pour tous ! Pour réinventer l’accompagnement de tous les seniors, nous nous attachons à rendre nos services accessibles à tous. Nous avons conçu et testé un nouveau modèle de tarification en EHPAD : le surloyer solidaire. Le principe est simple : quel que soit le niveau de revenu, tous ont accès à la même qualité de service. Les plus riches payent un peu plus pour que les moins aisés puissent profiter des mêmes prestations. Pour tous, les prix sont moins élevés que dans un EHPAD privé et les conditions de vie plus que plébiscitées par nos résidents. Nous démontrons que conjuguer justice sociale et qualité des services pour tous n’est certainement pas une utopie. C’est bel et bien en rendant aux seniors leurs droits de décider de leur mode de vie, de vieillir sereinement chez eux et de s’inscrire dans la société que nous pourrons relever le défi du grand âge, aussi complexe soit-il.
35 000 personnes sensibilisées à l’ali-
mentation (Silver Fourchette)
10 000 personnes bénéficiaires des
services de portage de repas
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95 établissements
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Il est possible de bien vieillir en maison de retraite ! Avec la participation de
Annie de Vivie Fondatrice, rédactrice en chef Agevillage. com, directrice du réseau des formations Humanitude Luc Broussy, Président de France Silver Eco et directeur du Mensuel des Maisons de Retraite Maryse Duval Directrice générale GROUPE SOS Seniors
Aujourd’hui, 2,1 millions de Français sont âgés de 85 ans et plus. En 2050, ils seront 4,2 millions et le nombre de personnes dépendantes aura doublé. De fait, alors que l’adaptation de la société au vieillissement apparaît comme un des plus grands enjeux du xxie siècle, trois spécialistes reconnus du secteur, Luc Broussy, Annie de Vivie et Maryse Duval, nous apportent des éclairages sur les questions de la dépendance et du « bien-vieillir ».
Nous entendons beaucoup parler des conditions de vie des personnes âgées résidant en EPHAD, et des conditions de travail du personnel soignant. Certains vont jusqu’à les qualifier d’« inhumaines » ou de « maltraitance ». La maison de retraite où il fait bon vivre et vieillir est-elle possible ?
« Un EHPAD plus cher ne représente pas forcément une meilleure qualité de service. »
Luc Broussy : On assiste à une vague d’EHPA-bashing qui a une part d’irrationalité puisque jamais dans l’histoire de notre pays, un tel niveau de qualité n’a été atteint. Innovations architecturales, formation des personnels, surface des chambres, qualité de la restauration : l’EHPAD de 2019 n’a plus rien à voir avec la maison de retraite des années 1980. Mais il est vrai que d’autres facteurs ont évolué, comme l’altération des capacités cognitives des résidents. Cela change profondément la physionomie des établissements, d’autant que les ratios de personnel n’ont pas évolué au même rythme, créant ainsi malaise et frustration au sein des équipes et exigences croissantes des familles. Annie de Vivie : Les personnes accueillies en EHPAD sont aujourd’hui très fragilisées par l’âge, les polypathologies (huit maladies en moyenne), qui épuisent l’entourage et empêchent le maintien à domicile.
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Maryse Duval : Oui, nous la vivons tous les jours ! Les situations évoquées sont réelles, et s’y ajoute une représentation de la dépendance et de la grande vieillesse qui nous renvoie à nos propres peurs. Mais ce n’est pas représentatif de la majorité des cas. Ce qu’il faut comprendre, c’est d’abord qu’un EHPAD plus cher ne représente pas une meilleure qualité de service, en plus d’être inaccessible à une large part du public senior. Le GROUPE SOS montre que l’on peut allier qualité et prix accessibles, dans un modèle à but non-lucratif qui vise non seulement l’excellence des services mais également l’égalité d’accès à ces services.
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Accompagner ces situations demande des savoir-être, des savoir-faire, du temps et des organisations ajustées, un management de proximité, du soutien, de la vigilance face aux vulnérabilités ainsi que la vision d’un « prendre-soin » de qualité, debout jusqu’au bout !
Quelles sont les solutions à mettre en place dans l’immédiat ? Peut-on envisager des manières de remédier à la faible qualité du service dans beaucoup d’EHPAD, publics comme privés ?
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Annie de Vivie : Au départ : posons une vision positive d’un accompagnement digne, jusqu’au bout. Un « prendre-soin » positif pour la qualité de vie des résidents, des habitants mais aussi pour la qualité de vie au travail des professionnels. Ensuite, organisons le renforcement des compétences, une organisation apprenante, un pilotage de la qualité, notamment des situations à risque. Enfin, accompagnons chaque jour, dans chaque service, les projets d’accompagnement personnalisés. Les outils du label Humanitude ont été conçus en ce sens avec les équipes de terrain. Maryse Duval : Nous avons mis en place un dispositif inspirant : le surloyer solidaire. Cela consiste simplement à échelonner le prix à la journée selon les revenus et les aides dont dispose le résident, et sans que cela n’ait d’impact sur les services proposés : chacun a accès aux mêmes services haut de gamme quel que soit le prix payé. D’autre part, comme 50 % des résidents d’EHPAD sont dénutris, nous avons mis en place un programme d’alimentation saine et variée. Nous proposons également des activités physiques adaptées, qui améliorent la santé et participent à la prévention des chutes. Luc Broussy : Il est temps que les EHPAD, comme les établissements de soins, passent par la moulinette d’un référentiel unique et
Annie de Vivie Annie de Vivie a grandi dans la maison de retraite où travaillait sa mère. Fondatrice d’Agevillage.com et d’Agevillagepro. com, elle pilote le déploiement des formations Humanitude jusqu’au premier label de bientraitance. Engagée pour la cause des aînés fragilisés, elle est par ailleurs v ice-présidente de l’association pour la Journée nationale des aidants et a écrit plusieurs livres pratiques sur la question du « bienvieillir ».
d’une publication de leurs évaluations par la Haute Autorité de santé (HAS). Tout doit devenir transparent. Tant que le jugement sur la qualité de service ne sera pas basé sur des critères objectifs et reconnus, nous continuerons à évoluer dans le règne de l’arbitraire, de l’à-peuprès et du jugement médiatique. Il faudra aussi en arriver à des Booking.com permettant aux familles et aux usagers euxmêmes de s’emparer de ce sujet de la qualité.
Au-delà de la situation dans les établissements, comment peut-on envisager un mieux-vieillir pour les seniors ? Et comment peut-on préparer le vieillissement de notre population ? Luc Broussy : En notant le paradoxe consistant à toujours expliquer que les Français veulent vieillir chez eux tout en continuant à concentrer les efforts financiers sur les EHPAD. Il faut renverser la logique et repartir du logement de chaque senior pour s’assurer d’un vieillissement plus autonome. Je plaide pour l’obligation d’un diagnostic habitat-mobilité à partir de 75 ans pour engager les professionnels à structurer leur offre de prise en charge du vieillissement, des premiers signes de fragilité à la grande dépendance finale. Il faut aussi mieux évaluer l’impact des nouvelles technologies (domotique, véhicule autonome…) sur le « bien-vieillir ».
« En 2050, nous atteindrons le ratio d’un actif pour un retraité : il faut nous y préparer ! »
Maryse Duval : En 2050, nous atteindrons le ratio d’un actif pour un retraité : il faut nous y préparer ! Nous proposons de ne pas conditionner les services proposés dans les maisons de retraite aux seules personnes hébergées, mais bien de les ouvrir aux seniors de leur territoire. Nous construisons l’EHPAD comme une plateforme proposant soins médicaux, activités physiques, cantine, relais de poste, vie sociale… Permettant à ceux qui le peuvent de rester chez eux le plus longtemps possible. L’EHPAD devient ainsi acteur de son territoire : nous accueillons par exemple des relais de poste pour pallier à leur fermeture dans les petites communes. ⦁
Maryse Duval Forte de plus de vingt ans d’expérience dans la silver economie, Maryse Duval dirige les établissements et services de GROUPE SOS Seniors depuis 2013. Passée par le secteur privé lucratif, et ayant fondé et développé avec succès des structures de soins et d’aide à domicile, Maryse gère aujourd’hui plus de 70 structures et 3 500 salariés. Maryse est titulaire d’un diplôme de gestion de la santé (Paris xiii).
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Luc Broussy Spécialiste des questions liées au vieillissement, auteur en 2013 du rapport interministériel sur L’adaptation de la société au vieillissement de la population et fondateur du Think Tank Matières Grises, Luc Broussy préside l’association France Silver Eco depuis septembre 2014 et la filière Silver économie depuis 2018 et sa nomination par Agnès Buzyn, ministre de la Santé et des Solidarités. Par ailleurs, il a auparavant été délégué général du SYNERPA (Syndicat national des maisons de retraite privées), professeur à Sciences Po Paris et conseiller « Personnes âgées » de François Hollande pendant la campagne présidentielle de 2012.
Annie de Vivie : Nous savons aujourd’hui que l’on peut vivre et vieillir debout jusqu’au bout, même avec une maladie neurodégénérative. Les structures labellisées Humanitude en font la démonstration. Elles sont inspirantes, rayonnent sur leur territoire vers les personnes vieillissant dans leur domicile, mais aussi vers les professionnels en devenant des formes de centres de formations territoriaux. Elles ouvrent leurs services de soins (jusque la télémédecine), de restauration, de vie sociale et deviennent les centres experts du « bien-vieillir» , durables et éco-responsable !
Culture
Faire de la culture un levier de changements
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Les Hommes réveillent les pierres, les pierres révèlent les Hommes
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Il est 7 heures. Marseille s’éveille. Les premiers salariés d’ACTA VISTA arrivent au fort Saint-Nicolas situé à l’entrée du Vieux-Port. Ils débutent leur journée sur le chantier de restauration entrepris par l’association en 2003. Offrant une vue imprenable sur la cité phocéenne, ce bâtiment prestigieux construit au xviie siècle est aujourd’hui classé Monument historique. Depuis le début des travaux, plus de 2 000 personnes ont travaillé sur cet édifice pour lui rendre sa splendeur d’antan.
Le prestige au service de l’insertion Chacun a un talent qui peut être révélé. C’était autour de cette conviction qu’ACTA VISTA a été créé il y a dix-sept ans. L’association développe des chantiers d’insertion et de formation qualifiante aux métiers du patrimoine et du bâti ancien pour les personnes éloignées du monde du travail. « Nous accueillons des personnes venant de tous horizons. Aucune qualification ne leur est demandée à leur arrivée chez nous », précise Vincent Nicollet, directeur d’ACTA VISTA. Le château de Port-Miou à Cassis, l’hôpital Caroline sur les Îles du Frioul, la batterie de la Cride à Sanary-sur-Mer… Près de 35 sites historiques ou d’intérêt patrimonial ont jusqu’à présent été restaurés ou sont en cours de restauration. « Nous proposons à nos salariés d’apprendre un métier via une pédagogie de
« Ici, l’apprentissage se fait essentiellement par le geste. »
transmission par le geste sur des sites prestigieux, devenant ainsi de véritables écoles à ciel ouvert », explique Martin Thoreau La Salle, formateur à ACTA VISTA depuis sept ans. Chaque année, l’association accueille et forme plus de 500 personnes à travers la France.
Transmettre des savoirs et perpétuer l’excellence Taille de pierre, maçonnerie du bâti ancien, menuiserie, ferronnerie… Pendant un an, les salariés en insertion bénéficient d’une formation complète alternant travaux sur le chantier et préparation des examens sur des plateaux techniques aménagés sur le site. « Les salariés ont par exemple réalisé les garde-corps en fer forgé qui entourent la cour du fort », raconte Quentin Rigal, formateur depuis sept ans. Ici, l’apprentissage se fait essentiellement par le
geste. Le savoir-faire ancestral et les techniques de la maçonnerie sont transmis « de la main à la main ». En alliant technicité et excellence, ACTA VISTA veille à ce que l’histoire de chaque édifice restauré soit respectée. L’association accueille des personnes d’âges, de nationalités, de cultures ou encore de formations différents. L’apprentissage par le geste permet notamment de faciliter la compréhension de tous. « En arrivant ici, je ne parlais pas français. Aujourd’hui, j’ai fait des progrès. Je suis content d’être ici, notre équipe est soudée », confie Lion, arrivé il y a sept mois sur le
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« Nous démontrons chaque jour, que nous pouvons réaliser un travail qualitatif avec des salariés apprenants. »
les valeurs portées par ACTA VISTA : transmettre, apprendre mais également restaurer le passé et construire l’avenir. « Nous proposons à nos salariés de travailler sur des chantiers prestigieux. Participer à la conservation de leur patrimoine génère chez eux un véritable sentiment de fierté », précise Vincent. « Nous démontrons chaque jour que nous pouvons réaliser un travail qualitatif avec des salariés apprenants », poursuit Martin. Le dispositif a fait ses preuves : neuf salariés sur dix se qualifient aux examens présentés de maçon du bâti ancien à l’issue de la formation.
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chantier du fort Saint-Nicolas. Entre les salariés, les formateurs, les accompagnateurs et l’ensemble des équipes règne une ambiance bienveillante. « À mon arrivée ici, nous sommes allés voir un match de football opposant l’Olympique de Marseille et Lille au stade Vélodrome. C’était un moment très convivial que j’ai beaucoup apprécié », poursuit Lion. « C’était génial, même si Marseille a perdu », complète son collègue Ishack en riant.
La fierté au cœur du projet F.I.E.R. Ces quatre lettres exposées au centre de la cour du fort Saint-Nicolas ont été réalisées dans le cadre des Journées européennes du patrimoine par neuf salariés en formation au sein des ateliers pédagogiques de métallerie et de coffrage sur le site. Elles rappellent
Bâtir son futur « En plus d’un savoir-faire, nous apprenons à nos salariés un véritable savoir-être, indispensable en entreprise. Arriver à l’heure au travail, respecter sa hiérarchie, travailler en équipe… Ce que nous leur apprenons dépasse le cadre technique », explique Martin. À la sortie du dispositif, les salariés peuvent prouver à leurs futurs employeurs qu’ils sont capables de s’investir dans leur projet professionnel. Chaque salarié en insertion est accompagné par un conseiller qui l’aide à définir son projet professionnel. « Une fois le diplôme en poche, un salarié sur deux s’oriente vers les métiers du bâtiment, l’autre moitié vers d’autres secteurs tels que les services à la personne, la sécurité, la logistique, etc. », explique Émilie Fritschy, cheffe de projet-accompagnatrice.
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À l’issue de sa formation, Lion, qu’elle accompagne depuis sept mois, aimerait par exemple devenir cuisinier. L’objectif d’Émilie est de l’aider à réaliser son projet en lui proposant des stages ou en l’orientant vers une formation complémentaire. « Il y a quelques années, nous avons accueilli un salarié qui, après avoir obtenu son diplôme, s’est orienté vers la couture. Il travaille aujourd’hui au sein d’un atelier de confection », se souvient Martin. Ce parcours atypique témoigne de l’efficacité des équipes de l’association. En un an, elles ont réussi à remettre ce salarié sur le chemin du travail tout en réveillant les talents qui sommeillaient en lui. ⦁
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De gauche à droite : Martin, Émilie, Ishak et Lion. « Tout le monde est capable de faire quelque chose et de le faire avec talent. »
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FAR c’est…
« FAR, c’est le foisonnement de projets culturels qui participent à la mutation de la culture. » Magali, coordinatrice générale de FAR. « Je m’occupe de développer l’animation de communauté, la communication et l’événementiel pour FAR. De développer le lieu, en trouvant des partenariats, en développant de nouveaux programmes d’accompagnement d’artistes et d’entreprises. Ce qui me plaît le plus ici, c’est le métissage de toutes ces structures où chacun s’entraide. Chaque entreprise est une ressource pour l’autre. Cela crée un réseau, des ponts entre tous. C’est un lieu très stimulant, où l’on apprend tous les jours quelque chose. Ici, on s’adapte et on évolue en fonction des projets qui arrivent. On se redéfinit en permanence. L’âme du lieu, ce sont les résidents. En ce moment, il y a beaucoup de médias. Du coup, nous organisons des événements en lien avec l’innovation dans la presse. Mais demain, ce seront peut-être des projets plus artistiques qui se multiplieront et cela changera la dynamique du lieu. Les résidents font le lieu. »
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L’accélérateur de projets culturels FAR, pour « Fontaine au Roi » (Paris, 11e), nom de la rue dans laquelle il se situe depuis mai 2018. Mais FAR c’est surtout un terrain de jeu : un espace de 2 600 mètres carrés où foisonne l’innovation culturelle, où se croisent entrepreneurs, artistes, associations, journalistes, institutions, chercheurs… Un projet qui fédère une communauté créative muée par un objectif commun : transformer la société grâce à la culture.
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« FAR c’est un lieu d’émulation pour les artistes et les entrepreneurs du milieu culturel où l’on peut défricher de nouveaux sujets. » Jean-Thibaut Couvreur, chercheur, accueilli chez FAR pendant six mois pour mener une étude sur la transformation numérique des musées, programme accompagné par GROUPE SOS Culture en partenariat avec Google. « En étant chez FAR, j’ai accès à la fois à des personnes – des entrepreneurs, des artistes, des dirigeants de médias émergents – et aussi à des événements qui ont lieu ici comme des conférences sur des sujets pointus dans le champ culturel. Ce n’est pas seulement un espace où venir pour travailler à son bureau. FAR, c’est un lieu de vie qui bouillonne tout le temps, c’est plein d’émulations intellectuelles et artistiques. Par exemple, l’agence Le Troisième Pôle m’aide beaucoup dans le cadre de ma recherche, à la fois sur le plan méthodologique et sur l’accès à des ressources. Son équipe possède une expertise très poussée de la culture en France. Par ailleurs, les incubés de la résidence Créatis sont une véritable source d’inspiration pour moi. Cela m’enrichit et m’aide dans mon travail de recherche. »
« FAR c’est une grande maison dans laquelle nous avons installé la résidence Créatis. » Émilie Friedli, directrice de Créatis. « Créatis c’est une résidence avec un accompagnement sur-mesure pour les entrepreneurs de la culture et des médias. Notre engagement, c’est les aider à construire des modèles économiques pérennes tout en respectant leur ambition d’avoir un impact social fort. Ils portent tous une vision d’une société plus ouverte, mieux informée et plus solidaire. FAR, c’est un lieu de rencontres avec des artistes et des porteurs de projets auxquelles les entrepreneurs que nous accompagnons n’auraient pas forcément accès autrement. C’est aussi un lieu qui nous permet de développer une programmation événementielle très dense, avec plusieurs événements, grands ou petits, ouverts au public ou réservés à nos entrepreneurs, chaque semaine. Ici nous pouvons réunir des personnes d’horizons différents et qui peuvent se rencontrer, échanger, créer. C’est un véritable écosystème. »
« FAR, c’est une communauté d’acteurs engagés qui se réunissent autour de la culture. » William Elland-Goldsmith, directeur du Mouvement UP.
« Ce que mes yeux ont vu propose des ateliers qui ont la spécificité de provoquer la rencontre de personnes qui, a priori, ne se côtoient jamais : des collaborateurs d’entreprises et des personnes en très grande précarité. Cette rencontre permet l’ancrage de l’apprentissage des compétences. Pour nous, Créatis a été un moment clé dans notre développement qui nous a permis de structurer notre offre et de nous challenger en tant qu’entrepreneurs. Nous avons pu être testés régulièrement, nous remettre en question, bénéficier d’un mentoring très personnalisé. FAR, est un lieu physique dans lequel on se sent excessivement bien, mais c’est aussi d’autres entrepreneurs qui font partie de notre écosystème. Cela nous permet de tisser des liens et d’entamer des collaborations. Le cadre de travail est très ouvert sur l’extérieur. J’adore la lumière dans l’espace qui est à l’image de ce qu’est FAR : quand il ne fait pas beau dehors, il fait toujours beau à l’intérieur ! »
« FAR, c’est le lieu de vie du Mouvement UP qui se compose de médias, en format papier, web ou encore audio, et d’une agence d’engagement citoyen et de communication. Ici, nous avons nos studios de création vidéos et de radios. Ces studios, nous les mettons à disposition de la communauté FAR et de clients extérieurs qui peuvent les utiliser. Ici on peut tous se nourrir des projets des autres. C’est avant tout un lieu qui vit et respire, et cela donne au quotidien la possibilité d’être porté par une belle énergie chaque matin. À FAR, le Mouvement UP peut se connecter avec d’autres acteurs qui permettent de donner vie à ses projets. » ⦁
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« FAR c’est un lieu inspirant et ouvert. » Stéphanie Merran co-fondatrice de Ce que mes yeux ont vu, entreprise de l'économie sociale et solidaire (ESS), à FAR depuis un an, accompagnée par Créatis.
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a Émilie Friedli, directrice de Créatis. « Ici nous nous rencontrons, nous échangeons et nous créons ! »
Jean-Thibaut Couvreur, chercheur, qui mène une étude sur la transformation numérique des musées, programme accompagné par GROUPE SOS Culture. « FAR, c’est avant tout un lieu de vie où tout bouillonne et provoque une énergie créatrice. »
L’émancipation par la Culture L’émancipation de la Culture
L’accompagnement comme engrais de la créativité
Il n’y a pas de culture pauvre pour les pauvres et de culture riche pour les riches
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On pourrait croire que GROUPE SOS Culture est un nouveau-né, puisque ce secteur est apparu en 2017. Pourtant, l’histoire de la culture au sein du GROUPE SOS remonte à ses origines. Dès 1984, nous considérions la culture comme l’un des premiers moteurs de l’identité de chacun et de la cohésion collective. La culture est ce qui permet l’ouverture aux autres et l’ouverture à soi. En aiguisant l’esprit critique, en éveillant les passions, elle construit et reconstruit les personnalités et favorise le lien collectif en rassemblant des valeurs communes. Que nous soyons des créateurs – parfois même des artistes – ou des publics. En cela, la culture n’est pas la cerise sur le gâteau. C’est pourquoi, tout au long de son histoire, le GROUPE SOS a mis en place des ateliers artistiques dans ses établissements comme pour les autres acteurs de la société. Aujourd’hui, notre intervention va du cinéma au patrimoine en passant par les médias et l’ingénierie. Notre diversité nous permet de développer un modèle économique plus pérenne que les acteurs spécialisés. Et notre démarche, qui recherche l’impact et non le profit, nous distingue des mastodontes du secteur. Toutes nos expertises sont au service à la fois des établissements du Groupe, quels que soient leurs domaines (handicap, seniors, jeunesse, transition écologique…) mais aussi des structures du champ de la culture et des médias et des publics externes. Quels que soient les individus concernés, quelle que soit leur situation sociale ou économique, nous sommes convaincus que l’accès à la culture est force de construction personnelle. C’est pourquoi nous avons la même exigence lorsque nous mettons en place des ateliers artistiques pour des résidents d’établissements médico-sociaux que lorsque nous organisons une biennale d’art contemporain au rayonnement international.
Rendre la culture accessible à tous, c’est aussi donner à toutes celles et ceux qui portent des projets créatifs les moyens de toucher un public plus large et diversifié. En matière d’entrepreneuriat, nous réinventons les modèles économiques culturels en accompagnant l’expérimentation et la croissance de projets porteurs de sens. Par exemple, une start-up a développé une application de reconnaissance gestuelle permettant aux DJ de mixer plus facilement. Grâce à l’accompagnement proposé par Créatis, notre incubateur qui favorise le développement de startstructures ups et d’institutions culturelles, cette 380 000 technologie a été rendue utile dans de personnes nouveaux secteurs. De cette innovation impactées sont nées des nouvelles solutions de 726 mobilité ou de prise en charge du hansalariés dicap, par exemple.
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Notre agence Le Troisième Pôle accompagne toutes les transformations des projets culturels, de leur naissance à leur mutation. Elle a par exemple joué un rôle majeur dans la réhabilitation du monument historique de Toulouse, l’hôpital de La Grave. Elle a écrit, imaginé et permis l’avènement d’une véritable « Cité de la création » nichée dans ce lieu historique. Son expertise lui a permis de rédiger un projet culturel conjuguant exigence artistique et réalisme économique, en prenant en compte les modalités techniques et juridiques. L’agence va de l’idée jusqu’à l’action, en organisant par exemple la biennale d’art contemporain de Rennes qui a accueilli 65 000 visiteurs. GROUPE SOS Culture s’est aussi investi pour mettre l’innovation technologique au service du plus grand nombre, à travers l’ouverture d’H7 à Lyon. Cette ancienne halle, convertie en hub d’entrepreneuriat, accompagne les actions des start-up, PME, ETI et grands groupes en quête du plus grand impact social, culturel et environnemental.
L’art change le monde
Déconstruire et reconstruire l’information
L’image est un outil privilégié de partage d’émotions, elle est porteuse de sens, directement auprès du plus grand nombre. Un film peut changer une vie. C’est pourquoi, de l’idée jusqu’à la première projection, nous encourageons la création d’œuvres cinématographiques, pour que les projets les plus ambitieux, même s’ils semblent fragiles, deviennent réalité. Par exemple, le soutien de notre fabrique de cinéma Commune Image a permis au film La Belle et la Meute de voir le jour. Ce film indépendant qui suit le parcours d’une femme victime d’agression en Tunisie a changé le monde à son échelle, en salles de cinéma et jusqu’au Festival de Cannes, dans la sélection Un certain regard !
Nos médias, de la radio à la presse papier en passant par un magazine web et un réseau social en ligne, rendent accessibles à tous les clefs de compréhension du monde. Parce qu’ils conduisent tous les acteurs de la société jusqu’à l’action, nos médias constituent un véritable mouvement citoyen. Dans UP le mag ou Respect magazine, ou lors d’événements tels que le UP Fest ou les UP Conferences, nous mettons en avant des prix Nobel comme des entrepreneurs sociaux qui inventent des solutions concrètes pour réparer le monde, pour préparer l’avenir. À l’heure où les « fausses informations » font vaciller la démocratie, le Mouvement UP organise aussi des ateliers de sensibilisation aux Fake News, aussi bien dans les établissements scolaires que dans les prisons. Chacun peut devenir vecteur de transition, c’est pourquoi GROUPE SOS Culture a un fer de lance : l’agence du Mouvement UP, qui accompagne les grandes organisations qui ont fait le pari du changement, par le conseil, le média training, la création graphique, audio et vidéo. Elle s’appuie sur nos rédactions et les talents qui les composent pour aider tous les acteurs, publics comme privés, à construire un discours et à agir en intégrant la transition sociale et écologique. Partout en France, nous prenons et nous donnons la parole, pour parler d’environnement et de lutte contre l’exclusion, sans langue de bois et sans déclinisme. Car les solutions existent !
Le patrimoine comme ferment de fraternité
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Au-delà des films et des documentaires, Commune Image explore La France possède une richesse culturelle unique, son patrimoine. Derrière les nouvelles formes narratives les « vieilles pierres », on trouve une histoire bien vivante : un morceau de permises par la réalité virtuelle. notre mémoire, de notre identité, le témoin de ceux qui nous ont précédé, Ces artistes d’un nouveau genre, à réinventer par ceux qui nous succéderons. Parce que le patrimoine pionniers d’une industrie nais- n’appartient pas au passé. À travers nos chantiers d’insertion, nous offrons sante, permettent des expériences un travail et une formation aux personnes les plus éloignées de l’emploi, immersives pour tous. Dans nos en leur confiant de prestigieux sites de patrimoine bâti. Et, chemin faisant, maisons de retraite, nous faisons nous permettons à des monuments historiques en péril de revivre, par voyager des seniors atteints de la leur restauration et jusqu’à leur ouverture au plus grand nombre. maladie d’Alzhei- Depuis dix ans, le fort Saint-Nicolas, une citadelle du xviie siècle qui repose mer grâce à nos au coin du Vieux-Port de Marseille, a permis la formation de 2 000 Marseillais casques de réalité éloignés de l’emploi. Dans ce lieu chargé d’histoire et pourtant fermé virtuelle. L’œuvre au public depuis plus de trois cent cinquante ans, ACTA VISTA et BAO qu’ils préfèrent formation leur offrent un travail et les forment aux métiers du patrimoine est le voyage de bâti, pour leur ouvrir les portes d’un emploi pérenne. Cette citadelle, une Thomas Pesquet fois restaurée, se transformera petit à petit en un village artistique ouvert dans la Station spatiale inter- à tous, avec des espaces verts partagés, des lieux de convivialité et des nationale, 16 levers de soleil, dont événements culturels accueillant toutes les disciplines artistiques. La nous avons accompagné la visite comprendra une balade ponctuée d’œuvres monumentales et production. Le but de ces ate- participatives, et des œuvres numériques immersives. liers ? Évaluer l’impact positif sur les personnes âgées, par Un modèle unique la réduction des angoisses GROUPE SOS Culture n’a pas d’équivalent. Dans le champ culturel, il n’existe notamment. Et le plaisir pas d’acteur du patrimoine, du cinéma, des médias ou de l’ingénierie tout simplement, par la culturelle qui puisse s’appuyer sur un réseau de 550 établissements et de 18 000 collègues de tous domaines d’expertise de l’économie sociale et découverte et l’évasion. solidaire. De notre singularité émerge notre force : à l’exigence artistique se mêle l’exigence sociale, au cœur des valeurs du GROUPE SOS. Les créations faites par les enfants, les seniors, ou encore les résidents en situation de handicap, témoignent toutes de leur « fécondité culturelle et sociale ». À travers l’art et l’information, chacun dépasse sa réalité et participe à la création de valeurs et de repères communs.
Interview croisée
La Culture n’est pas la cerise sur le gâteau, c’est le gâteau ! Culture
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Avec la participation de
Stéphane Bern Journaliste, animateur, écrivain, chargé d’une mission ministérielle sur le patrimoine français en péril Nabil Ayouch Réalisateur Alexandre Lourié Directeur général GROUPE SOS Culture
Le journaliste, animateur et écrivain passionné d’histoire Stéphane Bern, le réalisateur franco-marocain Nabil Ayouch et le directeur général GROUPE SOS Culture Alexandre Lourié croisent leurs regards sur la culture, ses défis actuels et à venir, et proposent leur vision pour une culture accessible à tous, de la création à la consommation. Le milieu de l’art et de la culture paraît toujours fermé à la majorité : difficile d’en vivre, difficile d’y avoir accès. Comment interprétez-vous cette situation ? Alexandre Lourié : Il n’a jamais été aussi simple de regarder des films, lire des livres, jouer à des jeux vidéo, d’accéder à des millions de musiques des quatre coins du globe… Mais aussi de créer, dessiner, composer, filmer et de montrer son œuvre. Mais si les talents sont distribués équitablement dans la population, les opportunités ne le sont pas ! Par exemple, dans notre fabrique de cinéma Commune Image, on vit encore comme un miracle quand un créateur du 93 donne à voir une œuvre qui nous bouleverse. Ça ne devrait plus appartenir à l’extra-ordinaire.
Stéphane Bern : C’est vrai que jamais l’accès à la culture n’a été aussi simple, immédiat, ouvert à tous, puisque d’un seul clic tout nous parvient sur nos smartphones. Et pourtant, j’ai le sentiment que le fossé culturel se creuse entre les « sachants » et les autres. Il y a une frontière invisible, presque un mur qui s’est élevé sans que l’on sache comment ni pourquoi. Jamais les prix des places du théâtre public n’ont été aussi peu chers, les musées sont souvent gratuits, les joyaux de notre patrimoine sont à portée de main et en accès libre, mais cela semble réservé « aux autres ». Ma génération a été éduquée avec l’idée qu’on pouvait s’élever socialement grâce à la connaissance, à la culture. J’allais toutes les semaines emprunter des livres à la bibliothèque
« Il existe une voie conciliant exigence culturelle, saine gestion et impact social. »
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municipale de mon quartier pour me cultiver et apprendre. Il faut redonner à chacun cette appétence, ce goût de la culture, comme un droit pour tous sans exclusivité.
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Nabil Ayouch : Ma génération a appris à regarder le monde dans une maison de la jeunesse et de la culture. On pouvait voir, entendre, apprendre, mais la création et la diffusion étaient plus difficilement accessibles. Aujourd’hui, la création n’a jamais été autant à portée de main. Les nouveaux outils permettent aux artistes, où qu’ils soient, de s’exprimer en totale liberté et de faire circuler leurs œuvres. Ça ouvre la porte à toute une série d’initiatives, individuelles ou collectives. C’est un précieux vecteur d’espoir et d’ouverture, surtout dans certaines régions du monde où la création artistique est très encadrée.
Comment lancer une dynamique d’entrepreneuriat culturel et donner un accès effectif à la culture et à son histoire ? Nabil Ayouch : Je suis convaincu que la première étape est la connaissance de soi, puis vient la connaissance de l’autre. Il faut revenir aux fondamentaux pour donner envie à des jeunes d’entreprendre dans la culture. Ce désir doit naître dès le plus jeune âge, à l’école. Les langues, y compris anciennes, ont un rôle à jouer. L’enseignement des disciplines artistiques doit également être sanctuarisé. Si un gamin des quartiers défavorisés comprend que les arts et la culture seront pour lui un outil d’émancipation, il aura envie de s’y engager. La culture, ça se vit, ça se partage mais ça s’apprend aussi. Alexandre Lourié : Il y a trop de subventions, labels, normes et guichets qui sont illisibles pour les créateurs émergents. Leur principal problème, c’est l’isolement. Il faut chérir l’idée d’accompagnement plutôt que d’intervention directe. C’est ce que nous faisons avec FAR, notre accélérateur de projets culturels, avec 250 porteurs de projet sous le même toit, où chacun devient une ressource pour son voisin.
Il existe une voie conciliant exigence culturelle, saine gestion et impact social. Dans nos chantiers d’insertion ACTA VISTA, on embauche et forme chaque année 500 personnes éloignées de l’emploi, pour restaurer des monuments historiques en péril. Insertion et culture, d’une pierre deux coups ! Stéphane Bern : Je ne peux que souscrire à l’action d’ACTA VISTA car je sais combien, à travers ces chantiers du patrimoine, elle donne une chance de recevoir une formation et un métier autant qu’un accès à l’art, à la beauté, aux monuments historiques. Je crois que tout commence dans la petite enfance avec l’éveil à la culture pour tous ceux qui n’ont pas la chance de baigner dans un environnement familialement propice, on propose bien la Semaine du Goût, pourquoi ne pas imaginer de favoriser le goût de l’art et du patrimoine. Ma fondation a participé ainsi au financement de kits éducatifs pour les CM1 et CM2 afin de les initier au patrimoine. Il faut aussi organiser des voyages scolaires dans des lieux de culture et de patrimoine pour créer des chocs émotionnels qui seront comme des révélations pour certains élèves. L’offre culturelle est plus grande qu’avant, mais c’est comme en matière d’éducation au goût, si la carte du restaurant est plus étendue, on doit inciter les jeunes générations à choisir autre chose que le fast-food ! N’est-ce pas autant le rôle de l’Éducation nationale que celui du service public audiovisuel ?
Selon vous, quels vont être les principaux défis pour la culture de demain ? Y-a-t-il des évolutions prévisibles qui changeront notre mode d’accès à la culture ? Stéphane Bern : Aujourd’hui chacun veut un accès libre et gratuit à tout, ce qui pose évidemment la question du droit d’auteur et de la rétribution juste des artistes pour leur création. Je crains que la culture de demain ne souffre de déculturation… Chacun picorera ici ou là sans prendre conscience de ce que la culture offre de liberté à l’individu, de compréhension du monde. Je regrette qu’il n’y ait plus une base classique dans l’éducation culturelle, ne serait-ce que pour comprendre le théâtre, la peinture, la sculpture à travers les références bibliques ou mythologiques. Il faut revoir sérieusement le socle commun pour offrir des bases solides à chacun.
Nabil Ayouch : La multiplication des offres et de la demande risque de saturer l’espace culturel. Pendant longtemps, la rareté a fait la valeur de l’objet. L’accès de plus en plus simple aux œuvres peut entraîner un processus de banalisation des rendez-vous culturels. L’exemple le plus flagrant est celui des plateformes de SVOD qui financent un travail qui peut prendre des années à son créateur pour finir par le diffuser selon des critères uniquement consuméristes. Un des principaux enjeux sera de protéger la valeur des œuvres et l’indépendance des créateurs en réinventant sans cesse les sources de financement. Alexandre Lourié : Pour lutter contre la précarité des jeunes artistes, donner leur chance aux entrepreneurs et outiller chacun dans sa citoyenneté, il faut une logique d’anticipation. Prenons les fake news : il est idiot de croire qu’on va résoudre le problème par la réaction, c’est se condamner à être spectateurs. La solution est simple : des ateliers d’éducation aux médias à l’école, comme nous le faisons avec le Mouvement UP. Par la pratique, on comprend comment construire et déconstruire l’information, on aiguise l’esprit critique, on s’ouvre à l’altérité et on travaille la démocratie aux racines. ⦁
« Si les talents sont distribués équitablement dans la population, les opportunités ne le sont pas. » Stéphane Bern Journaliste et animateur radio et télévision. Connu du grand public grâce à sa grande expérience dans le paysage audiovisuel français (TF1, Canal+, France 2), Stéphane Bern anime depuis 2009 son émission Secrets d’histoire, fort de son intérêt prononcé pour la préservation et la mise en valeur du patrimoine historique. Il est d’ailleurs chargé d’une mission ministérielle sur le patrimoine français en péril. Également écrivain, ses derniers ouvrages s’attachent à raconter l’histoire, au-travers de la vie de personnalités d’époque.
Nabil Ayouch Réalisateur franco-marocain. Il est découvert du grand public avec le film Mektoub en 1997, grand succès commercial au Maroc et sélectionné pour représenter le Maroc aux Oscars. Son film Les Chevaux de Dieu, traitant de la radicalisation, remporte le prix François-Chalais à Cannes, dans la sélection Un certain regard, malgré la censure marocaine. Son film Much Loved est sélectionné à Cannes en 2015, et est interdit de projection au Maroc en raison d’une polémique sur la représentation de la sexualité des femmes.
Alexandre Lourié Il commence sa carrière à l’étranger, dans une ONG à Manille, une société d’investissement à Shanghai et dans le bureau de Casablanca de BCG. Après avoir créé son propre cabinet de conseil au service d’acteurs à fort impact social, il rejoint, à Matignon, le cabinet de la secrétaire d’État chargée de la réforme de l’État et de la simplification pour travailler sur l’ouverture des données publiques et les politiques de transformation numérique. Il devient directeur général GROUPE SOS Culture en 2016. Alexandre est diplômé de HEC Paris et de Sciences Po Paris.
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Il ne suffit pas de décréter l’accès gratuit ou facilité pour tous, encore faut-il accompagner l’offre culturelle d’une politique volontariste en matière d’éducation artistique, encourager davantage la pratique musicale, ouvrir les théâtres et les opéras… Je rêve d’un monde où l’on consacrera autant de temps à parler d’opéra et de théâtre, de danse et de spectacles que de foot !
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Transition ĂŠcologique
Prendre soin des hommes et de la nature
Transition ĂŠcologique Jeunesse Emploi
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Lutter contre le gaspillage alimentaire tout en aidant les plus démunis Avec un réseau de 380 épiceries solidaires et quatre chantiers d’insertion situés à Rungis, Marseille, Lille et Perpignan, ANDES est un acteur incontournable de la lutte contre le gaspillage alimentaire. Mais ses actions ne s’arrêtent pas là. Pour mieux les comprendre, plongeons au cœur du fonctionnement du chantier d’insertion de Perpignan. Transition écologique
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« Plus qu’un centre de tri, nous sommes un centre de valorisation. »
Le chantier de Perpignan est situé en plein cœur du pôle économique Saint-Charles. Ladislas Hugon de Scoeux, son directeur, nous fait visiter l’endroit pour que l’on comprenne mieux le fonctionnement du chantier. « Le principe, c’est que nous collectons des fruits et des légumes auprès des transporteurs, importateurs ou coopératives, qui s’apprêtent à les jeter », précise-t-il. Comme à Rungis, Marseille, Lille, le chantier La Cistella de Marianne est une plateforme qui voit passer entre ses murs plusieurs centaines de tonnes de légumes et de fruits chaque année.
Sa première mission est d’éviter le gaspillage alimentaire tout en permettant aux personnes les plus défavorisées de pouvoir acheter des produits de qualité dans les épiceries solidaires. « À la base, ANDES a été créé à partir d’un constat : il n’y avait pas de légumes et fruits frais dans les épiceries solidaires », explique Ladislas. En parallèle, les grossistes ou importateurs sont amenés à jeter plusieurs tonnes de produits par an. La raison ? Un défaut de calibrage ou de couleur des fruits et légumes, ou encore un état considéré comme trop altéré. Rien que sur le chantier de Perpignan, ANDES récupère
300 tonnes de fruits et de légumes par an. Son objectif ? En revaloriser la plus grande quantité. « Plus qu’un centre de tri, nous sommes un centre de valorisation », précise Ladislas. Et au sein du chantier, tout est revalorisé. Les cartons sont compactés et revendus sous forme de balles. Les cagettes et le bois sont recyclés. Une activité que le chantier va d’ailleurs développer en intégrant une structure voisine qui recycle à temps plein les cagettes. Les fruits et légumes qui ne pourront pas être revalorisés seront recyclés pour nourrir des animaux ou faire du compost. Cette dynamique permet à ANDES de livrer, à partir de ses quatre chantiers, 280 associations et de revaloriser chaque année 800 tonnes de fruits et légumes qui échappent ainsi à la poubelle.
Des fruits et légumes frais pour tous Parmi ces points de livraison, 80 sont des épiceries solidaires faisant partie du réseau ANDES. Une épicerie solidaire fonctionne sur le même modèle qu’une épicerie classique et propose la même diversité de produits. Mais elle s’adresse à des personnes en situation de précarité, dans une démarche d’aide alimentaire. Elle permet
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à des publics en difficulté économique de faire ses courses, en ayant du choix, en payant 10 % à 30 % de la valeur marchande habituelle. Une partie de ces épiceries sont livrées par le chantier de Perpignan qui compte en tout une quarantaine de points de livraisons, principalement des associations qui interviennent dans le champ de l’aide alimentaire. « L’un de nos enjeux, c’est de donner du choix aux bénéficiaires des chantiers ANDES : tous les mois, nous leur envoyons un bon de commande en nous basant sur les fruits et légumes de saison. En priorité, nous mettons en avant les produits issus de la valorisation. Et nous pouvons compléter par de l’achat », précise Ladislas. Au sein des épiceries solidaires, on retrouve des produits secs, des fruits et légumes, des produits frais, du poisson et de la viande… Majoritairement issus de dons de magasins, de grossistes, industriels ou particuliers. Près de 160 000 personnes peuvent bénéficier des épiceries solidaires du réseau ANDES.
Retrouver le chemin de l’emploi, et agir avec sens Au sein du chantier La Cistella de Marianne, il y a quatre salariés permanents et 14 salariés en insertion. En plus de lutter contre le gaspillage alimentaire et de favoriser la consommation de produits frais pour des personnes en difficulté, ANDES permet aussi à des personnes éloignées de l’emploi de bénéficier d’une embauche et d’un accompagnement socio-professionnel. Les salariés en insertion restent en moyenne un an au sein du chantier. Ils y bénéficient d’un accompagnement par un conseiller en insertion, pour redéfinir leur projet professionnel et lever les freins qu’ils peuvent rencontrer (addictions, mobilité, estime de soi) et d’une formation aux métiers d’ANDES : tri des légumes, préparation des commandes, livraison… « Nous mettons tout en œuvre pour leur
Du champ à l’assiette Si ANDES assure la valorisation et lutte contre le gaspillage alimentaire, le secteur Transition écologique du GROUPE SOS compte également un réseau de fermes qui interviennent encore plus en amont pour promouvoir une autre manière de faire de l’agriculture. Ce réseau, c’est Fermes d’Avenir. Son pari ? Accélérer la transition agricole. Elle s’adresse aux différents acteurs de la transition : agriculteurs et futurs agriculteurs, entreprises, territoires, propriétaires fonciers, citoyens et consommateurs. L’association est organisée autour de plusieurs activités : production, formation, sensibilisation et financement. L’équipe compte une quinzaine de personnes dans les régions Centre, Normandie et Île-de-France.
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permettre de retrouver leurs marques, de les former, puis de les accompagner vers un emploi durable », précise Ladislas. Et avec succès, puisque 80 % d’entre eux retrouvent soit une formation qualifiante, soit un CDD ou un CDI à leur sortie du chantier La Cistella de Marianne. Au quotidien, l’équipe fait tourner le chantier pour assurer le tri et les livraisons des commandes dans les temps. L’organisation du métier est millimétrée, et ce qui frappe en visitant les lieux est la qualité des produits reçus par ANDES. Les tomates sont magnifiques ; les kiwis, bien que trop petits pour correspondre aux normes de calibrage des distributeurs, sont en parfait état. C’est ce qui a le plus marqué Ladislas depuis qu’il travaille dans le secteur : « J’ai trouvé ça aberrant de se rendre compte de l’excellente qualité de ce qu’on s’apprêtait à jeter ». C’est contre cette aberration qu’ANDES lutte au quotidien et avec un grand succès, en plus de favoriser le retour à l’emploi de personnes en difficulté et de permettre au plus grand nombre de consommer des produits frais. ⦁
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Quentin, salarié en insertion « Ce que je préfère, c’est l’ambiance de travail et m’occuper des livraisons. Ici, je n’ai pas eu à prouver que j’étais capable de faire les choses. On m’a fait confiance. »
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Delphine Metehnier, conseillère en insertion. « Il faut être empathique, solidaire et rigoureux. J’aime me lever le matin et savoir que je vais peutêtre aider quelqu’un à repartir, à sortir de la galère. C’est mon moteur au quotidien ! »
Ladislas Hugon de Scoeux, directeur du chantier d’insertion de Perpignan. « Ce qui me plaît le plus, c’est notre polyvalence : aider les personnes à retrouver un travail, lutter contre le gaspillage alimentaire, recycler un maximum de produits, et permettre à des personnes en difficulté financière de consommer des fruits et légumes de qualité. »
Prendre soin des hommes et de la nature Face aux urgences environnementales et sociales actuelles, nous avons décidé de nous investir dans la transition écologique pour réfléchir à de nouvelles solutions afin de construire un monde durable. Développer une agriculture qui garantit une alimentation saine pour tous, lutter activement contre le gaspillage alimentaire, mettre sur pieds et financer des projets de transition territoriale, entretenir les forêts, les rivières... Autant de solutions pour recréer des écosystèmes protecteurs, créateurs de valeur économique, sociale et environnementale. Nous défendons le concept d’écologie humaine, celle qui fait rimer l’homme avec l’environnement, sans que l’un ne prenne le pas sur l’autre. Notre ambition à l’ère de la rareté : faire mieux avec moins.
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192 Préserver notre patrimoine naturel et nos ressources
Nourrir correctement et durablement l’humanité
Conscients de l’importance des écosystèmes, aussi riches et variés soient-ils, nous avons à cœur d’entretenir le patrimoine naturel français, mais aussi de le restaurer quand celui-ci est endommagé. La préservation et l’entretien de la nature est, en effet, l’une des clés de la transition écologique. Il s’agit d’une ressource stratégique pour le développement rural, l’agriculture agro-écologique, l’économie forestière et touristique, ainsi que pour la réduction des risques naturels. À travers les activités des Brigades Nature, nous réalisons des chantiers d’entretien et de restauration d’espaces verts et naturels afin que la nature, qui contribue à la richesse de nos territoires, conserve toute sa spécificité et son caractère. Avec cette association présente dans quatre départements, nous souhaitons faire avancer ensemble le social et l’écologie. Notre antenne dans le Rhône, par exemple, forme chaque année 500 personnes aux métiers verts et verdissants en vue d’un retour durable vers l’emploi.
La nature, c’est aussi l’agriculture ! Notre modèle agricole actuel est à bout de souffle. Nos ressources naturelles sont très fragilisées, notamment en raison du développement massif de la monoculture intensive et de l’utilisation des pesticides. Face à l’urgence de la situation, nous avons décidé d’accélérer l’implantation d’un nouveau modèle agricole. Un modèle vertueux s’inspirant des écosystèmes naturels : l’agro-écologie. Nous nous sommes ainsi investis aux côtés de Fermes d’Avenir, à la Ferme de la Bourdaisière et en lien avec plus de 1 000 fermes sur le territoire français. Nous avons expérimenté et évalué l’intérêt de l’agro-écologie pour développer une agriculture plus performante et plus résiliente que l’agriculture conventionnelle. Prendre soin des hommes et de la nature n’est pas une option, mais une nécessité pour une agriculture durable.
Essaimer le changement dans les territoires
250 000 bénéficiaires
Financer la transition agricole
600 salariés
Installation de maraîchage bio, conversion au bio, projet d’agroforesterie, transformation et distribution de produits issus de l’agriculture biologique... La transition peut parfois s’avérer difficile et coûteuse pour les acteurs agricoles et agro-alimentaires. Un grand nombre d’entre eux n’a pas accès ou a un accès restreint au financement bancaire, ce qui freine le développement de leur projet. Avec la plateforme Blue Bees, nous accompagnons les projets grâce au financement participatif. Pour aller plus loin, nous avons fondé PROSPER, le premier club de financeurs de la transition écologique. Il a pour ambition de faciliter le financement des projets de transition agricole et alimentaire à hauteur de 100 millions d’euros d’ici 2020. Le club PROSPER participe également à la structuration de filières économiques et au changement d’échelle nécessaires à une accélération de la transition écologique.
L’accès à l’alimentation est un droit devant lequel nous ne sommes pas tous égaux. Aujourd’hui, en France, huit millions de personnes n’ont pas accès à une alimentation suffisante et de bonne qualité pour des raisons financières. Pourtant, plus de dix millions de tonnes d’aliments consommables partent chaque année à la poubelle. À travers le réseau d’épicerie solidaire ANDES, composé de 380 épiceries à travers la France, nous valorisons les fruits et légumes invendus afin de les distribuer aux personnes dans le besoin. Parce que l’alimentation est un droit vital pour l’homme, nous œuvrons pour que chacun ait accès à une alimentation saine composée prioritairement de produits frais, de fruits et légumes, en échange d’une faible participation financière. Du champ à l’assiette, nous souhaitons offrir une alimentation saine au plus grand nombre.
Nous croyons à l’avènement d’une nouvelle économie. Une économie locale, circulaire, sobre en consommation de ressources non renouvelables, créatrice d’emplois et de liens sociaux. En 2018, nous avons pris part au projet Sésame, qui vise à engager à grande échelle une transition agricole et alimentaire sur le territoire de Cœur d’Essonne Agglomération. Nous y assurons la gestion de la Ferme de l’Envol, une ferme agro-écologique de 75 hectares située sur l’ancienne base aérienne de Brétigny-sur-Orge. Le projet Sésame rassemble tous les acteurs de la chaîne de valeur, tels que les collectivités locales, des agriculteurs, distributeurs, transformateurs, ou encore des restaurateurs. Ensemble, nous avons recréé une économie territoriale. D’ici dix ans, ce projet d’envergure produira dix pour cent de la consommation des habitants et 50 % des approvisionnements des restaurants collectifs. Nous croyons en la viabilité du projet de la Ferme de l’Envol que nous souhaiterions essaimer par la suite dans toutes les régions de France.
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La transition écologique nous concerne tous. Nous avons donc décidé de partir à la rencontre des citoyens pour leur présenter les solutions expérimentées sur le terrain. Nous avons organisé, au cours de l’été 2017, le premier Tour de France dédié à l’agro-écologie et à la permaculture : le "Fermes d’Avenir Tour". Au cours de ce festival itinérant, nous avons notamment proposé plus de 100 conférences, visité 220 fermes écologiques et diffusé de nombreux films engagés. Pendant trois mois, nous avons fait découvrir aux citoyens des initiatives locales qui constitueront le monde rural de demain.
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La planète peut se passer de nous, mais nous ne pouvons pas nous passer d’elle Avec la participation de
Cécile Ostria Directrice générale de la Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l’homme (FNH) Guillaume Pitron Journaliste, auteur de La guerre des métaux rares : la face cachée de la transition énergétique et numérique Pierre Pageot Directeur général GROUPE SOS Transition écologique
La directrice générale de la Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l’homme, le journaliste spécialiste des enjeux des métaux rares et le directeur général GROUPE SOS Transition écologique, nous offrent des perspectives précieuses et inspirantes pour répondre à l’urgence écologique, à l’heure où les mobilisations sociales pour le climat ne cessent de se multiplier aux quatre coins de la planète. Nous entendons des constats très alarmistes sur la santé de notre planète. Est-il déjà trop tard ?
favorisant l’adaptation aux changements climatiques à venir.
Cécile Ostria : Dire qu’il est trop tard revient à laisser faire sans tenter de changer ! Au-delà de la planète, c’est l’avenir de l’humanité qui est menacé. Plus l’humanité pense se libérer de la nature, plus elle se fragilise. Osons affirmer que la planète peut se passer de nous mais que nous ne pouvons pas nous passer d’elle ! Pour espérer un avenir acceptable, nous devons prendre conscience de la finitude de notre planète, et lutter contre l’uniformisation – culturelle ou naturelle – pour atteindre une résilience
Guillaume Pitron : Nous ne pouvons pas nous résoudre à dire qu’il est trop tard, cela signifierait que l’on baisse les bras. C’est irresponsable. Et puis trop tard pour qui ? La Nature s’adapte, il faut bien distinguer la menace pour l’être humain en tant qu’espèce et la menace pour la planète dans son intégralité. Par ailleurs, depuis la chute de Rome, il a été annoncé 182 fois
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Interview croisée
Transition écologique Interview croisée
Transition écologique la fin du monde. Chaque époque provoque une hypothèse de fin du monde qui génère aussi une forme de résilience.
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Pierre Pageot : Sur un bon nombre d’indicateurs, nous sommes bien au-delà des capacités de notre planète. Nous avons dépassé des points de non-retour, des seuils d’irréversibilité définitive – notamment dans la perte de biodiversité et l’impact des perturbations humaines sur le vivant. La question de la survie sur la planète et d’un quotidien acceptable pour le plus grand nombre se pose de manière de plus en plus aiguë. Oser dire la rareté et l’urgence, c’est se donner une chance de dessiner et d’entamer un chemin de transition écologique et solidaire vivable pour nos descendants.
Quelles sont les principales mesures à prendre pour enrayer le réchauffement climatique et restaurer un rapport sain à notre environnement ? Pierre Pageot : Les solutions existent ! Le GROUPE SOS est porteur de transitions ; donnons-nous collectivement les moyens de les mettre en œuvre : faire émerger et soutenir des systèmes de production agricoles et alimentaires durables, rémunérateurs pour l’agriculteur, pertinent pour le consommateur et l’habitant du territoire. C’est la clé de résolution simultanée de plusieurs défis : développement économique local, insertion par
et dans les métiers verts, transition énergétique, atténuation du changement climatique, préservation de la biodiversité et des ressources naturelles, santé grâce à une alimentation saine. Nous devons aussi flécher l’épargne vers des investissements verts, et intégrer l’impact écologique au modèle de l’entreprise. Cécile Ostria: Réguler les marchés financiers et remettre l’économie au service de l’humanité est prioritaire. Cela doit s’accompagner de politiques publiques cohérentes trop souvent mises à mal par les lobbys d’intérêts particuliers. Malgré les nombreux engagements nationaux et internationaux de la France, force est de constater que la baisse des émissions de CO2 n’est pas à la hauteur de l’urgence. La décarbonation des flux d’énergie passe par des réformes massives dans tous les domaines, dont principalement les moyens de mobilités, la production agricole, la rénovation des bâtiments et les sources d’énergie. Guillaume Pitron : Que faut-il faire et que faut-il ne PAS faire ? La première chose est de ne pas gober un discours type croissance verte qui pourrait nous faire croire que des solutions purement technologiques sont la solution. Et ensuite ? La mise en place de solutions radicales semble irrémédiable. Il faut aller rapidement vers une logique de parcimonie en décorrélant la croissance de l’utilisation de nos ressources et la croissance économique. Nous devons par ailleurs regarder les choses en face et faire payer le vrai prix de nos productions en intégrant les externalités dans les coûts.
« La transition écologique ne se décrète pas : c’est avant tout une véritable évolution mentale, culturelle, sociologique, organisationnelle. »
Guillaume Pitron : Il faut à mon sens raisonner au niveau micro et macro en visant le niveau de légitimité le plus fort possible. Au niveau micro, car la prise de décision doit se faire au niveau de zones géographiques limitées pour qu’elle ait le maximum de légitimité. Au niveau macro, car les enjeux dépassent totalement les frontières françaises. L’interdépendance de nos économies (et, par exemple, notre dépendance aux produits d’imports chinois) nous oblige à se parler au niveau supranational pour apporter une réponse à la bonne échelle. Cécile Ostria: En garantissant la justice sociale. Nous vivons un moment d’exigence. Une exigence démocratique d’abord, où chacun, à son niveau, doit raviver le dialogue et entretenir la voix citoyenne. Une exigence environnementale ensuite, alors qu’experts et scientifiques mettent chaque jour un peu plus en évidence les impacts de nos modes de vie sur le climat et la biodiversité. Une exigence de solidarité enfin, pour entendre et répondre aux difficultés d’un grand nombre de nos concitoyens à vivre dignement. La Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme (FNH) propose la création d’une assemblée citoyenne du futur, qui répondrait à cette triple exigence et associerait citoyens et experts. Pierre Pageot : La transition ne se décrète pas par le haut : c’est avant tout une véritable évolution mentale, culturelle, sociologique et organisationnelle. L’empreinte écologique individuelle est trop élevée dans les pays du Nord. L’évolution des comportements personnels est déterminante : consommation, épargne, vote... Et même métier : le « Manifeste pour un réveil écologique », signé par plus de 30 000 étudiants qui ne veulent pas intégrer une entreprise allant à l’encontre de leurs convictions écologiques, marque une prise de conscience de la primauté absolue de l’urgence écologique. ⦁
Cécile Ostria En 1987, après une thèse de doctorat sur la reconstitution des climats anciens, dans les hautes Andes de Bolivie, Cécile Ostria s’oriente vers la vulgarisation scientifique en intégrant le monde de l’édition et de la presse. Au début des années 1990, Cécile Ostria croise la route de Nicolas Hulot et de la Fondation Ushuaïa (qui deviendra Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l’homme en 1996). D’abord conseillère scientifique et responsable éditoriale, elle devient en 2002 directrice générale de la Fondation.
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Guillaume Pitron Journaliste et réalisateur. Il a écrit pour Le Monde Diplomatique, Géo ou National Geographic, et est notamment lauréat de l’édition 2017 du Prix Erik Izraelewicz de l’enquête économique, créé par Le Monde. En 2018, il a publié son premier ouvrage La guerre des métaux rares : La face cachée de la transition énergétique et numérique. Il a enquêté pendant six ans pour remonter la trace de nos métaux stratégiques. Il est ainsi régulièrement auprès du parlement français et de la Commission européenne sur le sujet des métaux rares.
Pierre Pageot Pierre Pageot est entré au GROUPE SOS en 2012. Après avoir été responsable du développement du département média, il devient directeur de l’association Fermes d’Avenir avant de prendre la direction de GROUPE SOS Transition écologique. Auparavant, il avait commencé sa carrière dans le marketing et le contrôle de gestion d’entreprises comme L’Oréal et LVMH. Pierre est diplômé d’un master de Management.
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Les solutions proposées relèvent d’un grand nombre d’acteurs : étatiques, privés de divers secteurs… Comment impulser une politique globale d’une telle ampleur ?
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Accompagner le changement dans le monde
L’innovation sociale au cœur du jeu
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200 PLAY International, c’est l’histoire d’une intuition devenue certitude : le sport est une formidable source de solutions pour répondre aux enjeux de société. Dès ses débuts en 1999, l’association a orienté ses actions autour de la formation et de la création de nouvelles façons d’utiliser le sport. Le défi qu’elle relève : utiliser le jeu comme levier d’éducation, de développement et d’insertion sociale. L’ONG s’est développée dans l’optique d’apporter des réponses durables tout en répondant à une situation d’urgence. En 20 ans, ce sont 750 000 enfants qui ont bénéficié des actions de l’association. Aujourd’hui, PLAY International compte 45 salariés en France et à l’international : Burundi, Kosovo, Haïti, Royaume-Uni, Inde et Vanuatu.
Un terrain pour combler les fractures Sur quatre continents, PLAY International intervient en nouant des partenariats avec des structures locales. Une vraie dynamique de développement ! Fin 2019, un bureau ouvrira d’ailleurs au Sénégal, dédié aux actions de PLAY International en Afrique de l’Ouest. « Les projets seront de plus en plus multi-pays, c’està-dire coordonnés dans les différents pays où nous intervenons », indique David Blough, directeur de l’ONG. Avec ses partenaires sur le terrain, PLAY International crée des solutions adaptées aux problématiques locales. Son équipe met en place des formations, qui sont ensuite dispensées par les partenaires qui portent le projet éducatif sur place. La logique derrière ce dispositif est d'accroître l’impact collectif des actions et favoriser la coopération, la co-création.
La pédagogie par le sport, un jeu d’enfant PLAY International a rejoint le GROUPE SOS en 2009 pour envisager un développement plus important. Une réflexion s’est alors engagée sur le modèle d’impact de l’ONG, y compris en France. Pour son équipe, une perspective claire se dessinait devant leurs yeux : la valeur ajoutée pour l’ONG, c’est de créer de nouvelles façons d’utiliser le sport comme support de développe-
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ment et d’insertion. Au début, un projet pilote a été monté dans quatre écoles élémentaires de région parisienne. C’est dans leur cour de récréation qu’est née la « Playdagogie ». Derrière ce terme, une méthode active et participative permettant à des enfants de 6 à 12 ans d’apprendre en jouant. Une thématique éducative est intégrée directement à une approche sportive, comme l’égalité filles/garçons, le handicap ou l’environnement. La « Playdagogie » est proposée en France dans le champ du scolaire, du périscolaire et en milieu spécialisé, comme les Instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques, par exemple. « Notre dispositif est transversal au sein du GROUPE SOS. Nous intervenons lors des événements organisés par le Mouvement UP, travaillons avec des Maisons d’enfants à caractère social du GROUPE SOS Jeunesse, et avec des structures du secteur Solidarités pour les réfugiés. »
L’essentiel est de participer
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En parlant de sport, les valeurs de l’Olympisme ne sont-elles pas, elles aussi, un formidable levier éducatif ? C’est la conviction de l’équipe de PLAY International. L’organisation des JO de Paris offre la possibilité de reconsidérer le rôle du sport dans nos sociétés, en France comme à l’étranger. Les valeurs de l’Olympisme se retrouvent dans tous les aspects de la vie quotidienne. Le respect, l’amitié, la tolérance, le partage, la coopération et l’excellence, sont des valeurs universelles. C’est donc naturellement que PLAY International s’est rapprochée du Comité d’organisation Paris 2024 et de l’Unicef. Ensemble, les trois organisations ont établi un projet éducatif développé dans cinq pays. En seulement dix mois, 15 000 enfants ont bénéficié de ce programme.
Le partage pour favoriser le changement social Le sport n’est donc pas seulement un levier d’éducation, c’est aussi un catalyseur de changement social. En 2018, PLAY International a créé le Playlab, accélérateur d’innovation pour favoriser la co-création de nouvelles solutions. Son ambition : faire émerger de nouvelles réponses en matière d’éducation des jeunes, d’accès à l’emploi ou encore de gestion des crises humanitaires. « Avec le Playlab, le champ des possibles autour de l’innovation et du sport est assez incroyable », souligne David Blough. Il mobilise des acteurs diversifiés : éducateurs sportifs, enseignants, professeurs d’universités, et même des scientifiques. Pour permettre aux acteurs de se rencontrer, partager, créer, développer, tester, le Playlab, situé en plein cœur de Paris, propose un espace de bureaux,
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un café pour favoriser la convivialité et un terrain adapté aux formations et ateliers.
Innover face aux défis de nos sociétés
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L’activité de PLAY International en France se développe beaucoup : « C’est un très bel exemple d’innovation inversée. Nous nous sommes nourris de tout ce qui a été mis en place aux quatre coins du monde pour développer en France des programmes, de nouvelles approches pédagogiques adaptées à la France », confie David Blough. Sans oublier l’Outre-mer, en particulier à Mayotte, où près d’un habitant sur deux a moins de 15 ans. Les problématiques sociales évoluent, les projets éducatifs proposés par PLAY International aussi. Par exemple, face à la généralisation de l’utilisation des smartphones, y compris chez les plus jeunes, un projet expérimental a été lancé pour aider les enfants à comprendre l’effet néfaste de l’usage des écrans. David Blough imagine l’avenir : « À horizon 2025, nous souhaitons structurer notre activité autour de l’inclusion et de la cohésion sociale pour les publics réfugiés, et développer les passerelles avec le secteur de la santé pour intervenir auprès des personnes souffrant d’autisme. » Les solutions doivent être accessibles au plus grand nombre. D’où l’importance de la co-création et de transmettre. David Blough souligne : « Nous voulons que les autres acteurs s’approprient ces solutions pour les faire perdurer. » C’est sans doute ça, la force de PLAY International : repenser l’éducation main dans la main avec des acteurs engagés. L’expérience la plus marquante a eu lieu en 2011. Je suis allé en Haiti dans un contexte d’urgence. Je me suis rendu compte du potentiel qu’offre le sport. Quand on voit qu’on peut travailler sur la prévention du choléra à travers le sport, comme c’était le cas à l’époque, on se rend compte qu’un terrain de jeu est loin d’être anecdotique, mais peut apporter des réponses concrètes. » ⦁ L’info en plus Point Sud, association de GROUPE SOS Jeunesse, développe également à Marseille des programmes éducatifs à travers le sport. Depuis vingt ans, l’association œuvre dans la lutte contre les inégalités et la prévention de la délinquance par l'accès au sport et aux loisirs.
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Florent Martin, responsable Pédagogie et Innovation sociale, aux côtés de jeunes Haïtiens. « Nous nous sommes nourris de ce qui a été mis en place aux quatre coins du monde pour développer et co-construire en France et ailleurs des programmes et de nouvelles approches pédagogiques adaptées. C’est un bel exemple d’innovation inversée. »
Engageons-nous pour un monde plus juste ! Le monde est vaste ; ses enjeux, nombreux. Si nous agissons depuis tant d’années avec autant de volontarisme auprès de celles et ceux qui en ont le plus besoin dans notre pays, il nous a semblé évident de porter ce même enthousiasme hors des frontières de l’Hexagone. La raison est simple : les enjeux de notre temps sont plus que jamais mondiaux. Favoriser l’éducation permet à celles et ceux qui ne se ressemblent pas de se rapprocher les uns les autres, de tolérer leurs différences, d’éviter les conflits. Nous croyons qu’une craie sur un tableau peut être plus forte qu’une arme dans son étui, qu’une poignée de mains est plus solide qu’un mur de béton, et que posséder une carte d’identité est un sésame pour s’émanciper. Des enjeux globaux, mais des spécificités locales : nous n’intervenons pas de la même façon partout. Voilà pourquoi dans les 44 pays où nous sommes présents, nous appuyons les acteurs locaux pour renforcer leurs compétences et accroître leur efficacité sur le terrain, sans jamais se substituer à eux. Nous intervenons de deux manières : par le renforcement de compétences et par le volontariat.
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206 Une pelouse, un ballon rond, un trait d’union L’éducation, c’est donner les clés aux plus jeunes pour devenir des adultes accomplis. C’est aussi contribuer à rendre les futures générations responsables, tolérantes, et à faire des individus qui la composent des personnes autonomes. Nous sommes convaincus que c’est avant tout par l’éducation que nous faisons bouger les lignes. Par exemple, l’association PLAY International propose une approche éducative originale : l’éducation par la pratique sportive. Sous un aspect ludique, le sport est un excellent au Burundi, le programme AMEP moyen d’apprendre à respecter les - pour l’accès et le maintien à l’école règles, à accepter que les règles des enfants burundais grâce à la s’appliquent pour les autres autant Playdagogie - est mis en œuvre pour que pour soi. C’est aussi un for- favoriser une éducation de qualité midable moyen de rapprocher pour tous les enfants. les populations et de faire tomber Depuis la mise en place du proles barrières. L’éducation par le gramme, 10 000 enfants ont bénéfisport par PLAY International ? La cié de séances de Playdagogie dans Playdagogie. Cet outil sensibilise 15 écoles et 15 centres pour jeunes. les enfants sur des enjeux sani- Leur objectif est de déconstruire taires, sociaux et environnementaux les stéréotypes sur la pauvreté, le de façon ludique et sportive. Ainsi, genre et le handicap, principaux
critères de discrimination et facteurs d’exclusion scolaire. L’exclusion est souvent le fruit de l’histoire. Elle a pu ségréguer des ethnies, comme au Burundi ; elle peut aussi ostraciser les femmes, comme en Afghanistan. Là encore, nous entendons faire bouger les lignes. Depuis 23 ans, Afghanistan Libre agit pour faciliter l’accès des jeunes Afghanes à l’éducation. Pionnière en la matière, l’ONG a ouvert en 2002 le premier lycée de jeunes filles du
5 structures 5 incubateurs 243 salariés
Le volontariat : une mission pour chacun Nous sommes convaincus que pour faire bouger les lignes et faire naître une société plus juste, l’engagement citoyen est essentiel. C’est ce que nous proposons à travers le volontariat à l’international. Entrepreneuriat social, protection de l’environnement, amélioration de l’accès à la santé et aux droits fondamentaux, soutien à l’éducation et à la culture, développement local… Le volontariat, c’est donner la possibilité aux citoyens d’agir et de se sentir utiles. Planète Urgence est la deuxième association française d’envoi de volontaires. Les besoins auxquels nos associations partenaires sur le terrain entendent répondre sont nombreux, diversifiés. La bonne nouvelle, c’est que les compétences, les expériences des volontaires sont tout aussi diversifiées. Il existe quelque part dans le monde une mission pour chacun, y compris pour les salariés. Planète Urgence développe un dispositif absolument innovant : le Congé Solidaire®. Le principe ? Dans le cadre d'une mission de deux à quatre semaines, des salariés peuvent rejoindre, durant leurs congés, une structure locale d'un pays en développement. Les volontaires peuvent financer leur mission individuellement, ou être soutenus par leur employeur. Chaque année, 60 % des volontaires qui s'engagent sont soutenus financièrement par leur employeur. Ainsi, le volontariat permet non seulement à nos partenaires sur le terrain de bénéficier de l’expérience de volontaires, mais de permettre aussi aux volontaires d’acquérir une expérience humaine et professionnelle enrichissante. Rencontrer des personnes qu’on n’aurait sans doute jamais rencontrées autrement, découvrir une culture autre que la sienne, sortir de sa zone de confort ; bref, ouvrir son esprit. Et l’ouverture d’esprit, c’est la condition première vers une société plus juste !
150 160 bénéficiaires directs
La santé, un droit pour tous Dans les pays où nous intervenons, la situation sanitaire est bien souvent préoccupante. Nous formons et accompagnons les professionnels sanitaires et sociaux pour leur permettre d’intervenir plus efficacement auprès de la population. Sur le continent africain, à Madagascar, au Proche-Orient ou encore en Mongolie, Santé Sud apporte un soutien aux structures sanitaires, sociales et associatives. Un des défis majeurs qui mobilise ses équipes : la santé maternelle et infantile. Ces structures favorisent l’information, la prévention sanitaire auprès des mères, notamment pour repérer d’éventuels signaux d’alerte relatifs à la santé de leur nouveau-né. Développer les infrastructures sanitaires est également nécessaire. En Afghanistan, une femme meurt toutes les deux heures de complications liées à la grossesse et presque 10 % des enfants meurent avant l’âge de cinq ans. Face à cette situation alarmante, Afghanistan Libre a ouvert quatre centres d’éducation à la santé (CES) implantés dans l’enceinte des écoles. Ni centre médical, ni infirmerie, ce type de structure est unique en Afghanistan. Lieux d’information où les femmes et les filles peuvent échanger librement, les CES sont gérés par une éducatrice issue de la communauté locale et formée à la promotion de la santé. À travers les actions de leurs équipes, nos ONG de solidarité internationale favorisent la construction d’une société inclusive, au-delà de nos frontières. Faire bouger les lignes ne pourrait toutefois se passer d’une dimension essentielle : l’engagement de citoyens volontaires.
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pays : le lycée Malalaï. Puis le lycée Koja Lakhan un an plus tard. Aujourd’hui, l’association permet à plus de 8 000 enfants, répartis au sein des sept écoles, de recevoir une éducation de qualité et d’accéder à l’enseignement supérieur. Mais une barrière demeure, d’ordre administratif. Posséder une pièce d’identité est indispensable pour passer le kankor, équivalent afghan du Baccalauréat, qui détermine le passage à l’université. Or, 20 % des Afghanes seulement en possèdent une. En partenariat avec l’association La Voix de l’Enfant et la Fondation ENGIE, Afghanistan Libre agit pour permettre aux jeunes filles d’obtenir une pièce d’identité.
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Pour être durable, le développement doit être local Avec la participation de
Chékéba Hachemi Présidente d’Afghanistan Libre et administratrice du GROUPE SOS Pierre Buhler Président de l’Institut français Frédéric Bailly Membre du directoire du GROUPE SOS Action internationale et Immobilier
Adoptés en 2015, l’agenda 2030 et les Objectifs du développement durable (ODD) courent jusqu’en 2030. Néanmoins, les derniers rapports de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), du réseau Sustainable Development Solutions Network (SDSN) ou de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) montrent que la trajectoire menée actuellement ne permettrait pas de respecter ces objectifs. Trois grands noms du secteur du développement et de la coopération internationale, donnent des pistes d’actions pour sortir de l’urgence, et enfin envisager des solutions durables aux grandes questions du développement international.
Depuis des décennies, la pauvreté ne cesse de reculer dans le monde. Mais selon les derniers rapports, certains pays d’Afrique devraient inverser cette tendance. Comment donner une véritable chance aux pays émergents de sortir enfin de la pauvreté ? Frédéric Bailly : La première responsabilité incombe aux dirigeants de ces pays : garantir le bon fonctionnement des institutions dans un État de droit, fournir des services de base de qualité et développer un climat propice à l’investissement et à la création d’entreprises. Bien entendu, l’accès à l’éducation (notamment pour les filles), à la santé et au logement sont des priorités. Mais il faut également soutenir l’entrepreneuriat, notamment à impact social et écologique, amener les acteurs de l’économie informelle vers le formel et permettre aux pays les moins avancés d’accroître leurs recettes fiscales. Chékéba Hachemi : Investissons dans l’éducation ! Selon le Partenariat mondial pour l’éducation, si les systèmes éducatifs sont améliorés, la pauvreté sera réduite d’au moins 30 %. Je me bats depuis 25 ans avec mon ONG Afghanistan Libre avec la ferme conviction que l’apprentissage et l’éducation, notamment des filles, a un impact positif durable sur la croissance économique, le développement et la réduction des inégalités, à travers les générations.
« Il faut partir du terrain et des besoins locaux et ne pas considérer que les solutions se dessinent à Washington ou à Bruxelles. »
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Interview croisée
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Pierre Buhler : L’éducation, l’État de droit, la santé, le logement, l’entrepreneuriat et le commerce, sont autant des clés de développement, que des facteurs et des conséquences. Cependant, ce qui surdétermine l’enclenchement de ces cercles vertueux, c’est le défi démographique, « le cœur du sujet ». C’est en ces termes que le président de la République l’a défini en novembre 2017 à Ouagadougou, plaidant pour que les jeunes filles ne subissent plus le mariage forcé et qu’elles puissent continuer leurs études et choisir elles-mêmes leur vie.
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Les politiques d’aide humanitaire et d’aide au développement paraissent sans fin et servent tout juste à pallier à l’urgence sans impliquer de changements durables. Comment envisager une solution pérenne sur le long terme ? Pierre Bulher : L’aide humanitaire a pour vocation première de pallier les situations d’urgence engendrées par des contextes de guerre ou de catastrophes naturelles. Les politiques d’aide au développement conduites visent à créer les conditions d’un développement durable. Elles s’inscrivent dans une stratégie mondiale définie par les 17 Objectifs de Développement Durable adoptés par l’ONU en 2015. Nombre de pays promis à une misère sans fin, il y a un demisiècle, figurent aujourd’hui parmi les économies émergentes, grâce à des politiques publiques pertinentes, à une démographie maîtrisée et à des systèmes d’éducation efficaces. Frédéric Bailly : Il faut en finir avec les politiques d’aide conçues et mises en œuvre par les acteurs des pays riches ; les organisations locales de la société civile doivent être reconnues comme des partenaires de plein droit, et non comme des prestataires de services. Pour cela, le GROUPE SOS, en partenariat avec Alima, va proposer une
palette de services support pour soutenir leur autonomisation. On peut innover en utilisant des financements aux résultats plutôt qu’orientés sur les moyens, et en laissant aux opérateurs une plus grande latitude dans leurs modes opératoires. Enfin, il faut soutenir la coopération entre entrepreneurs sociaux, société civile et entreprises classiques, notamment au bénéfice des populations les plus pauvres. Chékéba Hachemi : À long terme, l’augmentation du nombre de filles instruites ralentit la croissance démographique et atténue donc la pression du changement climatique. Toutes les études démontrent que l’impact sur l’économie est très positif : une augmentation d’un point de pourcentage de l’éducation des filles entraîne une augmentation de 0,3 point du PIB moyen et une augmentation de 0,2 point du taux de croissance annuel du PIB. À l’opposé, il a été prouvé que limiter l’accès des filles à l’éducation coûte aux pays entre 15 000 et 30 000 milliards de dollars en perte de productivité et de revenus au cours de la vie.
Après-demain, quels seront selon vous les principaux enjeux du développement international ? Chékéba Hachemi : Il faudra partir du terrain et des besoins locaux et ne pas considérer que les solutions se décident à Washington ou à Bruxelles. Aucune solution n’est universelle, il faut tenir compte de chaque culture et impliquer les bénéficiaires dans la conception et la mise en œuvre des projets. J’ai été confrontée à des dizaines de possibilités de financements de projets en Afghanistan, alors qu’ils n’étaient absolument pas adaptés. Construire une maison en dur de trois étages dans un village, où toutes les maisons sont en torchis, pour y faire des cours d’alphabétisation pour les femmes au vu et su de tous, ce n’est pas une bonne
solution, même si cela est décidée dans un tableau Excel à New York. Pierre Buhler : Un premier enjeu sera d’assurer les biens et services de base à des milliards d’individus dans un contexte de dérèglement climatique en constante aggravation – sècheresse, manque d’eau, phénomènes météorologiques extrêmes... Un second enjeu a trait à la création des prémisses du décollage économique : sécurité intérieure, maîtrise du défi démographique, État de droit, système d’éducation, liberté d’entreprendre… La culture est, de plus en plus, reconnue comme un levier de développement. Enfin, la révolution numérique, qui permet la création de valeur sans investissements lourds, constitue une chance pour nombre de pays en développement. Frédéric Bailly : Avec la quatrième révolution industrielle, de véritables bonds technologiques vont être réalisés en Asie et en Afrique, soutenus par leur poids démographique et la croissance asiatique, tandis que nos systèmes européens et américains, plus établis, seront plus difficiles à faire évoluer. Les enjeux majeurs seront certainement la gestion des biens communs et la préservation de l’environnement, car ils impacteront tout le reste : nous devons anticiper les évolutions et ruptures, souvent brutales, qui en découleront. ⦁
Pierre Buhler Haut fonctionnaire français, diplomate de carrière qui a notamment enseigné les relations internationales à Sciences Po Paris. Ancien ambassadeur de France à Singapour et en Pologne, il dirige désormais l’action culturelle extérieure de la France en tant que président de l’Institut français depuis 2017.
Chékéba Hachemi Première femme afghane à avoir été diplomate, auprès du gouvernement provisoire afghan en 2001. Elle a été nommée première secrétaire de l’ambassade d’Afghanistan auprès de la Communauté européenne en janvier 2002. Présidente et fondatrice de l’association Afghanistan Libre, elle lutte depuis plus de 20 ans pour l’éducation des filles et l’émancipation des femmes en Afghanistan. Chékéba Hachemi est également administratrice du GROUPE SOS. Elle est chevalier de l'ordre national du Mérite
Frédéric Bailly Après une première expérience professionnelle au sein du GROUPE SOS entre 1995 et 1997, Frédéric Bailly le rejoint définitivement en 2003 pour y créer et développer des activités de commerce équitable. En 2010, il devient directeur général de la structure immobilière Alterna. Depuis 2014, Frédéric Bailly a également pris la direction des activités internationales du Groupe. En 2017, il devient membre du directoire en charge de l’Immobilier et de l’International. Frédéric est diplômé d’une école de commerce et d’un master Management global à l’Université Paris-Dauphine. Il est chevalier de l’ordre national du Mérite.
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« Il faut soutenir la coopération entre entrepreneurs sociaux, société civile et entreprises classiques, notamment au bénéfice des populations les plus pauvres. »
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Construction d’un futur partagé GROUPE SOS Consulting
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GROUPE SOS Consulting
Transmettre nos savoir-faire, renforcer notre impact PARTAGER VALORISER
Notre histoire, berceau de notre expertise terrain
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Trente cinq ans d’existence et autant d’années à imaginer, oser, expérimenter, échouer parfois, réussir aussi. Et surtout, persévérer. Les femmes et les hommes qui font le GROUPE SOS mettent tout leur cœur à vouloir répondre aux enjeux de société de leur temps : insertion des populations en situation d’exclusion, gestion associative, transition sociale et environnementale, prise en charge du vieillissement, entrepreneuriat social et inclusif… Pour répondre à ces enjeux, nous développons des réponses innovantes. Parce qu’elles ont vocation à être essaimées, il nous a semblé naturel de partager nos solutions à l’ensemble des acteurs qui veulent faire bouger les lignes. Pour une société plus juste et plus durable.
Être précurseurs Notre efficacité s’appuie sur une triple approche : l’approche terrain, associant les experts du GROUPE SOS ayant fait leurs preuves dans nos 550 établissements et services ; l’approche conseil grâce à l’intervention de consultants externes au Groupe ; enfin, l’approche analytique pour anticiper l’impact des solutions proposées aux clients. Ces trois dimensions offrent l’assurance d’un accompagnement pertinent et innovant, sur le court, moyen et long-terme. GROUPE SOS Consulting modélise des approches novatrices qui révolutionnent les enjeux sociaux. Son but : créer et théoriser des modèles de dispositifs innovants à impact reproductibles sur différents territoires et dans plusieurs pays.
Les entreprises rencontrent aujourd’hui des défis majeurs, et la durabilité de leur système est constamment remise en question. Attirer les nouvelles générations devient alors un enjeu primordial. Ces dernières Conseiller autrement recherchent davantage à concilier valeurs perGROUPE SOS Consulting structure l’ensonnelles et valeurs de semble de nos expertises. Cette actil’entreprise, et à mettre vité de conseil se distingue par son la quête de sens au approche originale : être le cœur de leur carpremier cabinet de conseil à rière. L'enjeu est associer experts de terrain et alors de réusconsultants dans le domaine sir à cont ide la transition sociale et nuer de les TRANSFORMER environnementale. Plus séduire. qu’une originalité, une force
qui lui permet d’accompagner les organisations pour adapter leur stratégie aux nombreux enjeux de notre temps. GROUPE SOS Consulting parvient à allier l’excellence et la rigueur du conseil et de la recherche à la force concrète du travail terrain et opérationnel. Nous sommes convaincus que dans un monde où l’ampleur des évolutions technologiques, économiques, sociétales et générationnelles s’accélère, les organisations doivent adapter plus que jamais leur modèle pour ne pas disparaitre. C’est là que nous intervenons.
Quand les entreprises se réinventent Nous accompagnons tout d’abord les entreprises dans la transformation stratégique de leur modèle. Nos perspectives sont multiples et nous cherchons à aider les entreprises sur un champ d’action extrêmement varié allant de la mesure d’impact à la prise en charge des fragilités des collaborateurs en passant par l’open-innovation.
INNOVER
Aider les structures associatives à grandir Les associations, ONG et structures médico-sociales ont aussi besoin d’être accompagnées. Les aides publiques qui leur sont allouées diminuent graduellement. Par ailleurs, les réglementations, d’ordre fiscal, juridique et administratif, sont de plus en plus complexes, conduisant ces structures à devoir mieux professionnaliser leurs activités et optimiser leur organisation. Notre objectif : rendre ces structures plus performantes pour leur permettre d’atteindre des objectifs plus ambitieux. Cela passe notamment par un changement d’échelle. Des premières associations fondatrices à ses 550 établissements et services actuels, avec une présence dans 12 régions, quatre DROM COM et 44 pays, le GROUPE SOS est passé maître dans le déploiement et l’organisation d’activités à grande échelle.
FAIRE PROGRESSER
Rendre l’action publique plus performante, donner la parole aux citoyens Depuis les débuts du GROUPE SOS, nous sommes partenaires des collectivités locales et de l’Etat. Nous avons besoin d’eux, ils ont besoin de nous. Forts de notre expertise, nous accompagnons les acteurs publics dans l’orientation et l’évaluation de leurs actions, qu’il s’agisse des villes, pour les rendre plus durables, mieux connectées aux attentes des habitants, ou pour redynamiser les centres-villes. Ils sont ensuite mis en relations avec les villes et les propriétaires de locaux disponibles. Sans oublier les citoyens qui attendent d’être mieux informés des enjeux de leur ville et aspirent de plus en plus à participer à la vie de la cité, des départements et régions pour favoriser la transition écologique des territoires, grâce au développement de l’économie circulaire ou la mise en place de projets de conversion agro-écologique en zones urbaines et semi-urbaines. COMMUNIQUER
Au-delà de nos frontières, répondre aussi présents Qu’elles soient d’ordre démographique, environnemental, sociétal notamment, les problématiques traversent les frontières. Nous avons pour objectif de diffuser nos modèles à l’international, et de déployer nos offres dans des territoires touchés par ces mêmes enjeux sociaux. C'est notamment le cas du grand âge, par exemple. À l’instar des pays occidentaux ou du Japon, la Chine connaît un vieillissement de sa population. En 2030, l’Empire du milieu comptera 350 millions de personnes de plus de 60 ans, soit un quart de sa population. Pour aider le pays à accélérer le développement de la silver économie, GROUPE SOS Consulting s’est engagé aux côtés experts mobilisés d’Universe Cloud (Beijing) Health Management Co., Ltd à créer une filière gériatrique d’excellence répondant aux besoins de l’ensemble de la population. Riches de notre savoir-faire au sein de GROUPE SOS Seniors et de ses 95 établissements et services, nous entendons accompagner ce partenaire vers un modèle qui marche chez nous : rendre l’accès aux soins gériatriques accessibles à tous, quel que soit le niveau de revenu, développer les prestations à domicile pour seniors autonomes et ceux en perte d’autonomie, développer des activités de formation pour les professionnels du secteur. Le résultat ? 5 600 places en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et en résidence seniors, et 4 500 places d’aide et de soins à domicile.
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Innover pour changer les comportements Collectivités locales, entreprises, associations… Pour répondre aux problématiques complexes, nous devons nous aussi innover constamment. Afin de rendre ses recommandations toujours plus impactantes, GROUPE SOS Consulting a développé avec l’IFOP un tout nouvel outil : « l’Impact Nudge ». Il entend modifier les comportements inconscients des individus afin de les rendre socialement vertueux. Issu des sciences comportementales, l’Impact Nudge identifie les pratiques non réfléchies des individus et modifie l’environnement dans lequel ils évoluent, afin que ces derniers adoptent le comportement recherché. L’objectif poursuivi par cette approche innovante est de permettre un changement socialement bénéfique du comportement des individus impactés. Réduction des déchets, amélioration de la qualité de vie et de la performance au travail, limitation de la vitesse sur les routes, etc., sont quelques exemples des bienfaits déjà réalisés par l’approche Nudge.
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Redéfinir les priorités des entreprises et les aider à s’adapter aux attentes des consommateurs responsables et des citoyens sensibles à l’impact social et environnemental des politiques publiques et des entreprises sont nos objectifs prioritaires. Nous cherchons aussi à accompagner les collaborateurs, toujours plus nombreux à vouloir donner du sens à leur travail dans un contexte où des problématiques comme la diversité, le fait religieux ou encore les fragilités peuvent être sources d’interrogation au sein des entreprises. GROUPE SOS Consulting cherche aussi à encourager au maximum l’innovation, grâce à ses programmes d’intrapreneuriat ou d’open-innovation, comme nous le faisons au GROUPE SOS depuis 2016.
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GROUPE SOS Pulse
Impulser un entrepreneuriat à impact positif
Être un jeune entrepreneur à Montreuil… À Montreuil, les locaux du Comptoir sont situés dans un immeuble moderne. Ouvert depuis 2014, l’accélérateur accompagne chaque année entre 15 et 20 entrepreneurs, âgés de 22 à 32 ans pour la plupart. « Un accélérateur, cela signifie que nous soutenons des projets qui ont déjà commencé à exister sur le plan juridique notamment, ou qui ont déjà un business model », précise Emmanuel Chauvin, responsable du Comptoir. Chaque promotion dure de six mois à un an, pendant lequel les jeunes pousses pourront bénéficier d’un programme d’accompagnement sur plusieurs plans : ateliers, coaching, mentorat, accès à des locaux… Tout est mis en place pour répondre aux besoins des différents profils des
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entrepreneurs. Et ces derniers peuvent être très variés ! Julie et Cédric, par exemple, ont fondé Eonef, une start-up qui conçoit des ballons autonomes en énergie, permettant de rétablir une connexion en zone isolée ou de collecter des données. « Nous intervenons dans des situations d’urgence, notamment humanitaires, avec des ballons radios qui permettent d’échanger des infos rapidement. Grâce à eux, nous pouvons également suivre des animaux en milieu naturel et aider la recherche scientifique. Ou encore surveiller certains sites très étendus grâce à des caméras placées sur les ballons », explique Julie, co-fondatrice d'EONEF. Autre exemple de projet accompagné par l’accélérateur, La Koncepterie, qui conçoit des événements responsables qui éveillent les curiosités sur des sujets de société liés au développement durable. En tout, depuis sa création, Le Comptoir a soutenu 90 projets. Tous ont en commun de développer des entreprises qui ont un impact positif sur la société, qu'il soit social ou environnemental, tout en ayant un impératif de rentabilité. Pour les aider à pérenniser leurs projets ou leur
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Ils sont jeunes, vivent en région parisienne ou en Afrique du Sud. Ce qu’ils ont en commun ? Un projet, une idée d’entreprise et la volonté de changer les choses. Que ce soit en favorisant le vivre-ensemble, l’inclusion, d’autres manières de consommer, en luttant contre les discriminations, en donnant à chacun une place dans la société. Pour y parvenir, ils sont accompagnés et soutenus par des accélérateurs ou incubateurs faisant partie de GROUPE SOS Pulse, qui leur permettent de mettre en œuvre ou de pérenniser leurs projets et d’être viables économiquement. À la clé ? Dessiner les contours des entreprises de demain, responsables, et toujours innovantes.
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per mettre de changer d’échelle, l’équipe du Comptoir identifie d’abord avec eux leurs besoins : finance, marketing, communication digitale, branding… Seront ensuite organisés des rendez-vous réguliers pour faire un état des lieux des avancées, donner des axes d’intervention pour agir, mettre en relation les entrepreneurs avec des mentors qui peuvent les aiguiller grâce à leur propre expérience, mais également pour les aider à trouver des financements… Rien n’est laissé de côté. « À chaque étape, nous essayons également de donner une dimension responsable à l’accompagnement proposé ; par exemple, nous privilégions une manière responsable de communiquer », précise Emmanuel Chauvin. Les entrepreneurs peuvent soumettre les problèmes qu’ils rencontrent à l’équipe du Comptoir. Pour Julie, co-fondatrice d’Eonef, l’accompagnement a été centré sur un changement de nom et un besoin de communication : « Notre objectif avec ce programme d’accélération était de stabiliser notre activité après une récente levée de fonds et de recrutements. Il fallait qu’on sécurise tout cela et qu’on évolue en termes de communication », explique-t-elle.
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À la fin, l’objectif est pour toutes les start-up d’avoir pu profiter de ce temps de soutien pour solidifier leurs activités. « Cette forme d’entrepreneuriat positif permet de transformer les choses. Ce qui me plaît le plus, c’est qu’en tant qu’accélérateur nous avons un rôle à jouer là-dessus », conclut Emmanuel.
… Ou au Cap ! Dans le centre-ville de Cap Town, en Afrique du Sud, on aperçoit des palmiers depuis les locaux d’Oribi Village, un incubateur lancé en 2018 par GROUPE SOS Pulse. Si le paysage n’est pas le même, l’ambiance rappelle pourtant celle du Comptoir. Oribi Village favorise l’innovation sociale en Afrique du Sud, en permettant à de jeunes porteurs de projets de concrétiser leurs idées et de bénéficier d’outils performants. Pour Ingrid Fiette, directrice d’Oribi, « Le Cap regorge de personnes talentueuses et créatives qui sont motivées non seulement par la volonté de réussir, mais aussi par le désir profond de faire bouger les lignes ! » Pour sa deuxième promotion, Oribi accompagne 20 entrepreneurs pendant six mois. Parmi eux, neuf ont un projet en lien avec la food, un enjeu particulièrement marqué dans la région, identifié par l’équipe et visant à donner accès aux marchés à des petits agriculteurs. Pour les autres projets, la diversité est de mise. Permettre à des femmes qui ont été incarcérées de retrouver un emploi et une place dans la société
avec Beyond Bars Akademia, ou encore Wesh Wesh qui propose une ligne de vêtements éthique avec le whweshwe, un tissu en coton teint sud-africain. Tout au long de leur accompagnement, les incubés peuvent soit bénéficier d’un programme visant à les aider à concrétiser une idée d’entreprise, soit d’un programme d’accélération s’ils en sont à un stade plus avancé. Dans tous les cas, les jeunes entrepreneurs ont accès à l’espace de coworking d’Oribi qu’ils partagent avec d’autres start-up. L’accompagnement est adapté aux problématiques spécifiques qu’ils rencontrent. Grâce à des ateliers, de cours dispensés par des entrepreneurs externes, de programmes de mentorat, chacun peut trouver des réponses adaptées à ses enjeux. « La synergie est importante : la communauté peut également permettre de résoudre des problèmes. Certains porteurs de projets se mettent à travailler ensemble ! », précise Auriane Lamy, chargée de l’incubation et du développement d’Oribi. Cela a été le cas de ToastAle, une entreprise qui fabrique de la bière à partir de pains périmés, et de Saymaw, une agence qui forme des jeunes sans emploi aux métiers de la vente. Toast Ale a ainsi commencé à travailler avec des jeunes qui ont suivi la formation de Saymaw.
Partager une volonté commune : faire bouger les lignes ! À Montreuil ou au Cap, les problématiques et les clés de l’entrepreneuriat sont les mêmes. Il faut s’adapter en permanence pour donner les meilleures solutions aux entrepreneurs, être le plus compétent possible pour les aider. Comment lever des fonds ? Comment trouver des mentors ? En faisant partie de l’écosystème Pulse, chacun peut s’enrichir de l’expérience de l’autre et trouver des réponses communes. GROUPE SOS Pulse est présent en Tunisie, au Maroc, et à Hong-Kong notamment. « Nous échangeons souvent avec les autres incubateurs pour partager des informations ou bonnes pratiques. Cela peut être une opportunité de développement international pour certains projets aussi. Par exemple, Les Cols Verts de la dernière promotion travaille en lien avec l’incubateur Bidaya à Casablanca et le LabESS à Tunis », précise Emmanuel Chauvin. Auriane Lamy confirme en évoquant les problématiques communes et tout l’intérêt de pouvoir mutualiser des outils et échanger sur des retours d’expérience. Ce qui marche chez l’un pourra être repris chez l’autre. Dans tous les cas, Emmanuel et Auriane se sentent guidés par des valeurs communes : transformer la société, accompagner le changement à grande échelle en l'insufflant petit pas par petit pas. Et tout doucement changer le monde pour le rendre plus juste. ⦁
Transformer la société, accompagner le changement à grande échelle en l'insufflant petit pas par petit pas. Et tout doucement changer le monde pour le rendre plus juste.
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« Au Cap ou à Montreuil, partager une volonté commune : faire bouger les lignes ! »
De haut en bas, Julie Dautel, co-fondatrice du projet Eonef, Emmanuel Chauvin, responsable du Comptoir et Hermine Violot, chargée de communication du Comptoir
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Ci-dessous, de gauche à droite : Ingrid Fiette, directrice Oribi Village, Auriane Lamy, chargée de l’incubation et du développement d’Oribi Village et Siphamandla Soxua, porteur de projet accompagné par Oribi Village
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Inspirer et concrétiser les désirs de changer le monde GROUPE SOS Pulse est le programme de soutien à la nouvelle économie et à l’entrepreneuriat positif. Il rassemble l’ensemble des lieux et dispositifs d’incubation du GROUPE SOS. Il initie et développe des programmes d’accompagnement en faveur des porteurs de projets à fort impact. Belgique, France, Chine, Maroc, Tunisie, Afrique du Sud… Le réseau est présent aux quatre coins du monde où nos experts accueillent toutes les personnes désireuses de faire germer, puis grandir des réponses innovantes aux enjeux économiques, sociaux et environnementaux. L’entrepreneuriat, une route à tracer
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Chaque jour, grandes et petites entreprises, start-up, laboratoires de recherche, associations, mutuelles, coopératives et fondations, créent et soutiennent des projets et des activités au service de l’intérêt général. Ces acteurs participent à l’émergence d’un nouvel entrepreneuriat, plus humain, plus solidaire et plus efficace ; un entrepreneuriat ambitieux mais réaliste, engagé pour créer de la richesse qui profite à tous, y compris aux plus exclus. Ce dynamisme cache néanmoins une autre réalité : tout le monde n’a pas accès à l’entrepreneuriat, l’accès au financement reste difficile, l’écosystème reste complexe.
Partager notre expertise aux 4 coins du monde Au cours de ses 35 ans d’histoire, le GROUPE SOS a toujours affirmé sa volonté de partager son expertise à ceux et celles qui veulent faire grandir des projets positifs. En 2010, notre incubateur Le Comptoir lançait ses premières activités pour développer l’entrepreneuriat social
et son écosystème. Depuis, Creatis, Commune Image VR, Espace Bidaya, Lab’ESS, autant de programmes qui ont été créés et qui accompagnent aujourd’hui les acteurs de la société à imaginer, développer, construire de nouveaux projets positifs. Pour optimiser l’efficacité de tous ces dispositifs, la création d’une entité capable de faire fructifier toutes ces solutions ensemble était devenue une évidence. C’est pourquoi GROUPE SOS Pulse naît en 2018, avec pour mission de faire émerger les futurs champions de l’impact positif en unissant les compétences professionnelles du GROUPE SOS.
L’intelligence collective pour façonner l’innovation positive Pour accompagner tous les acteurs de la société, GROUPE SOS Pulse s’appuie sur trois forces internes du GROUPE SOS. Ses trente-cinq ans d’histoire, riches d’essais, de recherche et d’innovation, passés au plus près du terrain, lui ont permis de saisir au mieux les enjeux sociaux-environnementaux dans de multiples domaines. Son réseau d’experts et d’entrepreneurs sont reconnus pour leur action. Enfin,
sa capacité à développer des modèles économiques pérennes et vertueux n'est plus à démontrer. Pour mettre tous les leviers de l’intelligence collective au service des structures que nous accompagnons, GROUPE SOS Pulse s’enrichit des nombreuses expertises disponibles. Nos programmes réunissent ainsi des entreprises, des entrepreneurs sociaux, des experts et des institutions académiques. À travers leur mise en réseau, des événements et ateliers en commun, l’intelligence collective est mise au service de l’intérêt général.
Cultiver les jeunes pousses pour qu’elles deviennent forêts L’innovation sociale est en pleine émergence, que l’on soit un jeune entrepreneur, une association, une petite entreprise, une collectivité ou un grand groupe. Toute structure désireuse d’avoir un impact positif, quelle que soit sa taille, mérite un accompagnement adapté. Par exemple, nous avons soutenu le développement de la start-up Phenix, qui adapte le fonctionnement des entreprises pour les tourner vers l’économie circulaire en réduisant
La diversité, notre force L’originalité de GROUPE SOS Pulse est à l’image du GROUPE SOS. À la fois spécialiste dans le domaine de la culture, de la tech, de l’agro-écologie ou de l’immobilier, par exemple. Commune Image VR, premier incubateur entièrement consacré à la création en réalité virtuelle en Europe, fait ainsi partie de son réseau. Il conçoit et anime des lieux d’innovation sociale pour le compte d’institutions, de collectivités ou d'entreprises qui veulent rassembler une communauté autour de leurs défis sociétaux. Il apporte notre expertise en finances pour consolider les modèles et permettre l’accès au financement. Il accompagne des projets comme Silver Lab, qui entend redonner toute sa noblesse à la vie des seniors, à travers la gastronomie notamment.
Par-delà les frontières, qu’elles soient nationales…
En parallèle, nous travaillons depuis 2013 pour consolider et faire grandir les activités du GROUPE AMH (Amicale marocaine des handicapés), fort de plus de 200 professionnels. Dans un contexte de pénurie de personnel et de performance limitée des structures spécialisées, GROUPE SOS Pulse participe à l’optimisation des procédures de gestion et d'administration. Il contribue également à faire rayonner le projet grâce à un plaidoyer, permettant une meilleure prise en compte du handicap dans la stratégie nationale de santé. Notre accompagnement est décliné à tous les stades de développement des projets, de la simple recherche d’idée, à l’expansion de projets plus matures. En s’appuyant sur nos dispositifs de pré-incubation, GROUPE SOS Pulse aide à transformer les idées, les concepts, en une offre de produits ou services. Nous avons la capacité et l’expertise nécessaires pour accompagner le changement d’échelle et la conquête de nouveaux marchés pour des projets plus matures. Un exemple : MedTrucks propose des soins de proximité aux personnes dans les déserts médicaux grâce à des camions hôpitaux. Si la solution a été initialement développée pour la région de Casablanca, l’accompagnement de GROUPE SOS Pulse lui a permis de lancer de nouveaux projets pilotes et de s’installer sur le territoire français, également touché par la désertification médicale.
… ou sociales En plus de cette profusion de solutions efficaces, GROUPE SOS Pulse répond à un défi de taille : être capable d’accompagner des publics très divers, même ceux en difficulté. Lancé en 2016, So In So Good a créé un programme visant à sensibiliser à l’entrepreneuriat de jeunes lycéens défavorisés de Hong-Kong. Le Lab’ESS agit depuis 2013 pour renforcer la société civile et l’accompagnement des acteurs de l’économie sociale et solidaire en Tunisie. L’innovation sociale étant en pleine émergence, lui donner les clés pour grandir sur tous les territoires est à la fois un besoin, une nécessité et une volonté pour GROUPE SOS Pulse. C’est pourquoi nous continuerons de créer et de rassembler les solutions qui concrétisent les rêves de ceux qui désirent changer le monde.
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le gaspillage et en valorisant leurs déchets.
La volonté de GROUPE SOS Pulse est de proposer son expertise par-delà les frontières, où l’accès aux clés de l’entrepreneuriat se fait sentir également. Nous avons ouvert Oribi Village, un lieu doté d’un programme d’incubation favorisant l’accès à l’entrepreneuriat social et culturel au Cap et dans ses alentours. Nous agissons en partenariat avec le Microfinance African Institution Network (MAIN) et la Solidarité internationale pour le développement et l’investissement (SIDI) pour renforcer les compétences de 79 institutions de microfinance en Afrique. Pour cela, nous avons mis en œuvre des formations universitaires diplômantes, développé les outils numériques du MAIN, et consolidé le modèle économique des institutions. Nous portons aux côtés du Haut-Commissariat à l’Économie sociale et solidaire le développement de « Pact for Impact », une alliance internationale d’acteurs privés et publics en faveur de l’économie sociale et inclusive.
GROUPE SOS Pulse
Interview croisée
L’entrepreneuriat à impact positif : une aventure collective GROUPE SOS Pulse
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Ulla Englemann Responsable de l’unité Clusters, Économie sociale et entrepreneuriat à la direction générale GROW de la Commission européenne Arnaud Mourot Président d’Ashoka Europe Kevin Goldberg Directeur général GROUPE SOS Action internationale et GROUPE SOS Pulse
Entre acteurs de l’économie sociale qui se développent, et acteurs de l’économie classique qui s’interrogent de plus en plus sur leurs pratiques et responsabilités sociales, la question de la raison d’être d’une entreprise se détourne de plus en plus du seul profit économique. Face à cette révolution dans le monde de l’entrepreneuriat, la spécialiste des questions d’économie sociale au niveau de l’Union européenne, le Président d’Ashoka Europe et le directeur général du GROUPE SOS Action internationale, affirment ensemble la necessité d’accompagner encore plus les entrepreneurs d’intérêt général. Nous voyons se développer toujours davantage de start-ups cherchant à répondre aux problèmes sociaux de notre monde. Cela signifie-t-il que les États ont failli dans leurs missions ? Ulla Englemann : Non, je ne pense pas. Pour moi, les autorités publiques restent au cœur des réponses apportées aux défis sociétaux en élaborant des politiques favorables à l’action collective. Toutefois, il est évident qu’aucun acteur ne peut réussir seul aujourd’hui. Les États ont besoin de collaborer avec des acteurs multiples pour rendre possible un développement soutenable des territoires. Les start-up sociales en sont
l’incarnation. C’est la raison pour laquelle il est important de faciliter leur éclosion et leur changement d’échelle. Kevin Goldberg : Au risque de prêcher par optimisme, je dirais que la multiplication des startups sociales dans un pays est plutôt la preuve que les pouvoirs publics réussissent à proposer un cadre incitatif et valorisant où se lancer dans l’aventure de l’entrepreneuriat est de plus en plus accessible et valorisé ! Aux États d’être ensuite capables de repérer
« Les États ont besoin de collaborer avec des acteurs multiples pour rendre possible un développement soutenable des territoires. »
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Accompagnement à l’entrepreneuriat et à l’innovation sociale et environnementale
ces porteurs d’innovations sociales pour les aider à grandir dans des conditions d’incertitude souvent handicapantes. Il ne s’agit pas de se substituer aux politiques publiques, mais bien d’affirmer que l’entreprise aussi, et d’autant plus celle ne réduisant pas sa raison d’être à la recherche infinie du profit, peut participer à la définition des réponses à apporter aux principaux enjeux contemporains d’intérêt général.
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Arnaud Mourot : Disons plutôt que les enjeux que rencontrent nos sociétés sont de plus en plus complexes. Et que pour y trouver des réponses adaptées, la puissance publique n’est parfois pas assez agile. Je dirais que l’on assiste à un glissement de l’État providence vers un État catalyseur qui, au lieu de gérer et être proactif, promeut et aide à mettre en place les bonnes solutions. Il faut le voir comme une opportunité pour réinventer des modèles plus efficients, toujours dans une logique de recherche de l’intérêt général.
Que manque-t-il encore pour répandre le modèle de l’entrepreneuriat au service de l’intérêt général ? Kevin Goldberg : On peut d’abord regretter que les nouveaux entrepreneurs dit « classiques » soient aujourd’hui peu nombreux à questionner la relation entre leurs activités et l’intérêt général. On peut ensuite interroger le fait que la vision court-termiste prime encore largement parmi les financeurs. Pour inverser cette tendance, il faudrait d’un côté que l’ensemble des acteurs de l’écosystème de l’entrepreneuriat intègrent peu à peu les questions de RSE (Responsabilité sociétale des entreprises) et d’impact au cœur de leurs programmes, et d’un autre que l’entrepreneuriat social cesse de se penser comme un secteur économique endogène. Arnaud Mourot : De la visibilité ! Il faut sortir de l’entre-soi. On se connaît bien entre nous, acteurs des 10 % de l’économie, mais
ce sont les 90 % restant qu’il faut convaincre. Il nous faut des leaders, des influenceurs qui touchent le grand public. Et des success stories, qui ne sont pas forcément que des individus talentueux ou des organisations qui ont réussi à beaucoup grandir, mais surtout des alliances entre secteurs qui marchent vraiment. Il faut que l’on ait un discours « par la preuve », plutôt qu’un discours seulement sur les valeurs et les intentions. Ulla Englemann : Le principal problème à mes yeux, c’est le manque persistant de visibilité de ce modèle qui agit en faveur du bien commun. En effet, trop souvent encore, l’entrepreneuriat social n’est pas bien identifié par les acteurs institutionnels, les financeurs et plus largement les citoyens. Un exemple : les jeunes, lors de leurs études, ne sont que trop rarement sensibilisés à ce mode d’entreprendre, alors que celui-ci offre des opportunités intéressantes en terme de création d’emplois et qu’il répond à un intérêt croissant pour un mode d’engagement et d’innovation.
Comment voyez-vous l’avenir de ce modèle, et son intérêt pour le monde de demain ? Arnaud Mourot : Avec beaucoup d’enthousiasme et d’impatience. C’est un modèle qui va devenir de plus en plus riche et divers. Son spectre va être de plus en plus large, avec des structures à but lucratif qui vont de plus en plus se dédier aux questions d’intérêt général, et des structures à but non lucratif qui seront de plus en plus business oriented. La pression croissante de toutes les parties prenantes, consommateurs, millennials, salariés en quête de sens, investisseurs, État « catalyseur », tout cela va contribuer à forger des modèles positifs et variés en matière d’impact. Définir ce qu’est une « entreprise sociale » sera de plus en plus complexe, car l’on va dépasser les catégories figées. Ulla Englemann : L’intérêt de l’entrepreneuriat au service de l’intérêt général devient de plus en plus évident. Le débat en cours dans de nombreux États membre de l’Union Européenne, dont la France, autour des « entreprises à mission », en est la preuve. Ce modèle apporte également une contribution indispensable en faveur d’une Europe plus sociale que la Commission appelle de ses vœux. Il permet enfin de mobiliser le terrain où l’énergie ne manque pas, de la canaliser pour répondre
« Il faut qu’on ait un discours par la preuve plutôt qu’un discours sur les valeurs et les intentions. »
Kevin Goldberg : Je suis optimiste. Je crois que l’idée de créer avant tout une start-up pour devenir millionnaire est en train de battre de l’aile. Même si les entrepreneurs qui se revendiquent « sociaux » sont encore peu nombreux, je rencontre de plus en plus de profils différents, désireux de créer des solutions aux problèmes sociaux et environnementaux dont ils sont témoins. À nous d’être suffisamment à l’écoute pour les repérer, et accompagner leur énergie pour qu’elle soit mise au profit de tous. Si l’innovation sociale est un phénomène mondial, il nous faut aider celles et ceux qui l’exportent pour enfin internationaliser ces nouveaux modèles d’entreprises. ⦁
Ulla Englemann Ulla Engelmann a plus de 15 ans d’expérience dans l’administration de l’UE, et plus spécifiquement à la Commission européenne. Depuis 2017, elle est responsable de l’unité « Cluster, économie sociale et entrepreneuriat » à la direction générale de la commission en charge du marché intérieur, de l’industrie, de l’entrepreneuriat et des PME. À ce titre, elle pilote les programmes européens d’appui à l’économie sociale et solidaire en Europe.
Arnaud Mourot Ancien sportif de haut niveau, administrateur du GROUPE SOS, fondateur de l’ONG Play International, Arnaud Mourot a lancé les opérations d’Ashoka en Europe en 2005, Depuis, il développe les activités d’Ashoka, réseau mondial d’entrepreneurs sociaux, en Europe du Sud et dans les régions francophones.
Kevin Goldberg Directeur général de GROUPE SOS Action internationale et de GROUPE SOS Pulse, Kevin Goldberg est entré au Groupe en 2013 comme responsable du développement et des partenariats. Il a ensuite dirigé l’ONG Santé Sud et les incubateurs d’entrepreneurs sociaux affiliés au Groupe. Auparavant, Kevin a travaillé auprès d’élus locaux dans l’Association des petites villes de France ou comme assistant parlementaire au Parlement européen. Kevin est diplômé d’un master Management global à l’Université ParisDauphine et d’un master Politique et administration européenne au Collège d’Europe.
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aux défis de la société et, in fine, d’assurer un développement économique plus durable.
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Le numérique pour lutter contre l’exclusion sociale
Pour une personne sans abri, conserver ses papiers d’identité et autres documents administratifs est un véritable défi. La pluie, les déplacements constants, les vols… Les difficultés rencontrées sont multiples. C’est en cherchant une solution innovante pour résoudre ce problème que Reconnect a vu le jour. Cette start-up associative a trouvé l’inspiration dans le numérique, en plein essor à cette époque. L’idée ? Créer un coffrefort en ligne permettant aux plus démunis de conserver des copies de leurs documents administratifs et ainsi faciliter leur accès aux droits.
Proposer des solutions numériques aux personnes vulnérables Il est 14 heures. Nous retrouvons Pierre Le Dauphin, responsable de la formation chez Reconnect, qui se rend au centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (CAARUD) Le Kaléidoscope, situé dans le 19 e arrondissement de Paris et faisant partie de GROUPE SOS Solidarités. Cette structure accueille, informe et accompagne des personnes majeures dépendantes à une ou plusieurs substances psycho-actives. Pierre s’y rend régulièrement pour former professionnels et bénéficiaires de la structure à l’utilisation de Reconnect. Il échange avec Abdou, bénéficiaire du CAARUD. Tous deux s’installent autour d’un ordinateur. En quelques clics, Pierre créé un compte à Abdou et scanne sa carte d’identité. Désormais, celui-ci pourra accéder à son compte depuis n’importe quel appareil équipé d’un accès à Internet, en s’identifiant et en entrant son
mot de passe. Il pourra y enregistrer tous les papiers qui lui sont essentiels, mais également partager un calendrier commun avec le travailleur social qui l’accompagne, ou encore noter des informations dans un bloc note en ligne. Pour lui, comme pour les 6 000 personnes qui utilisent le coffre-fort numérique, l’objectif est le même : faciliter l’accès aux droits grâce à un espace sécurisé en ligne et ne plus être bloqué dans des démarches administratives essentielles en raison d’une perte ou d’un vol de papiers d’identité.
Faciliter le travail des professionnels de l’action sociale Reconnect s’adresse également à tous les professionnels qui accompagnent les publics fragiles au quotidien. Chaque utilisateur peut en effet décider de partager l’accès aux informations enregistrées sur son compte avec un travailleur social. En France, 30 à 40 % du temps est consacré par les acteurs sociaux à refaire les
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papiers d’identités des bénéficiaires accompagnés. L’un des enjeux de Reconnect est de faciliter leur travail. La présence de l’équipe est indispensable sur le terrain. Du moins au début. « Nous équipons les structures de notre logiciel et formons les professionnels pour qu’ils puissent ensuite se servir de l’outil en autonomie. Notre objectif est de leur fournir une solution qui leur fait gagner du temps et leur permet de se concentrer pleinement sur l’humain », précise Vincent Dallongeville, directeur de l’association. Depuis deux ans, Camille est assistante sociale au sein du CAARUD. Tous les jours, elle accompagne les usagers du centre dans leurs démarches pour l’ouverture de leurs droits (sécurité sociale, aide médicale d’État, hébergement) et dans leur insertion professionnelle. Pour elle, la plateforme de stockage a une vraie utilité au quotidien ; elle lui permet de gagner du temps. « Je peux me connecter sur l’interface et accéder aux papiers d’identité des personnes que j’accompagne en quelques clics ». Formée par les équipes de Reconnect, Camille peut se servir de l’outil de façon autonome et le proposer à toutes les personnes qu’elle accompagne.
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Éthique. C’est l’un des maîtres mots de l’association. Rendre le numérique accessible au plus grand nombre
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230 Mettre en confiance Éthique. C’est l’un des maîtres mots de l’association. Lorsqu’une personne enregistre en ligne ses papiers, elle peut y mettre une partie de sa vie : son identité, mais également des lettres ou des photos qu’elle souhaite conserver. Il est donc impératif qu’elle puisse le faire en confiance. « Toutes les questions liées au numérique et à l’utilisation des données personnelles, qui traversent la société dans son ensemble, concernent aussi les personnes qui sont accompagnées dans les structures sociales », précise Pierre Le Dauphin. La confidentialité et le respect des données personnelles sont au cœur de l’approche de Reconnect. Pour Valentine de Dreuille, la directrice des opérations, « l’association est à la frontière de plusieurs mondes dont la tech et le social. Au quotidien, nous rencontrons des personnes formidables que l’on cherche à aider avec des outils techniques. Nous mettons le numérique au service des personnes vulnérables. La protection de leur vie privée reste notre priorité. »
En France, à l’heure où les services publics se digitalisent à toute vitesse, la fracture numérique touche des millions de personnes. Facteur croissant d’exclusion sociale, elle recouvre à la fois l’inégalité d’accès aux technologies numériques et leur capacité d’utilisation. Pour l’équipe de R e con ne c t, en plus de l’éthique, un outil numérique doit répondre à deux caractéristiques : être facile et utile. « Si nous voulons que l’outil fonctionne, il faut qu’il soit utile et surtout qu’il puisse être bien utilisé », précise Vincent Dallongeville. Pour cela, la formation au numérique est impérative. Reconnect est utilisé dans 350 structures en France et au Canada : des centres sans hébergement, des centres avec hébergement, des centres avec soins médicaux… En se déployant, l’association a rapidement identifié un besoin d’accompagnement des publics à l’utilisation du numérique. En vue d’y répondre, elle a mis en place une série de formations à destination des bénéficiaires et des professionnels, qui sont souvent les premiers médiateurs numériques des populations fragiles. Depuis un an, l’association propose, par exemple des formations, et anime différents ateliers autour du numérique pour les personnes accompagnées : atelier CV, atelier d’initiation aux démarches administratives en ligne, atelier d’apprentissage du numérique… « Grâce à ces ateliers de formation, nous pouvons diffuser ensuite ces bonnes pratiques auprès de nos publics et les rendre autonomes dans leurs démarches », nous explique Camille.
Acteur de terrain, Reconnect accompagne également les nouvelles problématiques sociétales liées à la transition numérique. Accès aux droits, inclusion sociale et professionnelle numérique… Les publics touchés par la fracture numérique sont divers et leurs besoins sont différents. L’association a su faire évoluer son offre et propose aujourd’hui des solutions sur-mesure adaptée à chacun.
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Les seniors et les personnes en situation de handicap, par exemple, rencontrent de réelles difficultés dans l’accessibilité et la maîtrise des nouvelles technologies, et pâtissent parfois d’un manque d’autonomie pour leurs démarches administratives. Reconnect se développe dans ce sens et souhaite systématiser la solution qu’elle propose dans tous les lieux accompagnant des publics en situation de fragilité. Petite association mais grande ambition : contribuer à faciliter l’accès aux droits grâce au numérique. « Nous relevons des défis techniques en ayant une chose en tête : l’humain », conclut Pierre Digonnet, directeur technique de Reconnect. ⦁
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a Camille « Reconnect est une solution qui nous fait gagner du temps et qui nous permet de former et d’être formés au numérique. » c Pierre Le Dauphin « J’aime à la fois le contact humain sur le terrain, et toute la réflexion sur la pédagogie à mettre en place autour du numérique. »
Abdou, bénéficiaire du CAARUD Le Kaléidoscope et usager de Reconnect depuis un an. « Grâce à Reconnect, je peux conserver mes papiers d’identité dans un espace sécurisé. »
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Faire du numérique une chance pour tous
La société digitalisée, une promesse à repenser
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Depuis l’apparition des technologies numériques, et plus particulièrement depuis la démocratisation d’Internet, la promesse d’un monde nouveau est née. Un monde connecté, intelligent, accéléré, où il est possible d’accéder sans se déplacer à de nombreuses solutions. La dématérialisation des services publics va dans ce sens. Pourtant, si la digitalisation de notre société apporte de nouvelles opportunités pour certains, une grande partie de la population n’y a pas accès. Près de sept millions de Français ont abandonné l’utilisation d’outils numériques, faute d’avoir les notions de base nécessaires. Certes, des acteurs se mobilisent pour organiser des ateliers ou des cours pour les plus démunis. Mais ce sont essentiellement des associations, dont la plupart des formateurs sont des bénévoles, et les moyens consentis par la puissance publique ne sont pas à la hauteur des besoins. Là repose tout le problème : l’accessibilité d’une société fondée sur le numérique ne peut reposer uniquement sur l’action individuelle de bénévoles pour colmater les fractures engendrées par le digital.
Vers l’impact positif L’apport des technologies digitales est indéniable : nouveaux services, confort, efficacité, simplicité. La raison d’être du GROUPE SOS nous pousse à penser plus largement, au-delà des apports technologiques. La finalité de l’innovation : refuser la tech pour la tech, la tech pour maximiser la croissance, mais penser une innovation au service du collectif. C’est pourquoi nous nous inscrivons dans la mobilisation collective pour la « Tech for Good », en développant des solutions de la Civic Tech – tech au service de l’action citoyenne - et de la Social tech, au service de la société. Les plateformes d’échanges, par exemple, sont utilisées pour vendre tous types de produits et services.
Notre start-up Hacktiv propose aux collectivités de booster l’action citoyenne, l’engagement bénévole et la solidarité via des plateformes permettant de rapprocher associations et particuliers désireux d’agir sur un territoire. Autre exemple : la réalité virtuelle est une révolution attendue dans l’univers des jeux vidéo. Grâce à elle, nos personnes âgées peuvent s’évader, voyager dans l’espace tout en étant confortablement assis sur leur chaise. Cette collaboration entre Commune Image et nos EHPAD permet de proposer un accompagnement non médicalisé complémentaire aux soins des maladies neurodégénératives des seniors.
Repenser le numérique pour tous
Le numérique positif en open source
Il y a 35 ans, au début de l’histoire Dans une société numérique, il Nous ne voulons pas être les seuls du GROUPE SOS, Internet n’existait faut veiller à n’oublier personne à mêler digitalisation et impact posipas. Aujourd’hui, le numérique est au bord du chemin. C’est le cœur tif. Au contraire, nous entendons omniprésent dans toutes nos activi- de notre projet d’entreprise. Nous accompagner tous les acteurs de tés. En intégrant dans nos disposi- sommes particulièrement attachés la société à repenser leur manière tifs les nouvelles technoloà suivre tous nos salariés dans la d’utiliser le numérique et sa finalité. gies au fil du temps, nous digitalisation de leur quotidien Chronos, cabinet de conseil, accomavons pu démultiplier leur professionnel. Nous mettons en pagne les collectivités pour les aider impact. Wimoov, acteur place des actions de à utiliser leurs données dans l’intéde la mobilité inclusive, a sensibilisation et de rêt de tous. Par exemple, dans une mis en place WIN, un test formation, adaptées étude nommée Datacités, Chronos de mobilité numérique. En à chacun et s’appuyant analyse la façon dont nous pouvons permettant un diagnostic sur des campagnes internes utiliser les services numériques rapide et simple, il permet de d’évaluation des compétences publics pour accélérer la transition tripler à moindre coût le nombre numériques. Les salariés ayant énergétique et écologique, entre de bénéficiaires pris en charge et besoin d’une formation aux usages autres. Pour former les étudiants de concentrer l’accompagnement numériques de base, des savoirs et futurs managers aux enjeux physique sur les situations les plus complémentaires ou de connais- d’une croissance durable, notre complexes. Pour comprendre la tran- sances expertes peuvent être orien- EdTech, Tech au service de l’édusition numérique, il est également tés vers des offres correspondant cation, Impact Campus utilise une important d’observer la manière dont à leurs besoins, garantissant par approche d’enseignement blended chacun la vit. Derrière les opportuni- ailleurs leur employabilité future qui mêle physique et numérique, tés, de nouveaux besoins émergent. et leur bonne adaptation à l’évo- pour rendre les étudiants acteurs Ainsi, notre centre de soins, d’ac- lution de leur métier. Surtout, nos de leur apprentissage, intensifier compagnement et de prévention 18 000 salariés sont les premiers l’expérience pédagogique, et ainsi en addictologie (CSAPA) Monceau à être confrontés aux difficultés les aider à devenir des décideurs a constaté que 92 % des adoles- quotidiennes de leurs bénéficiaires engagés. cents dépassent la limite conseillée et aux opportunités de ce nouveau de temps passé devant un écran. Il quotidien digitalisé. a donc développé un programme d’ateliers ludiques pour lutter contre Pour un numérique inclusif, ce type d’addiction. Autre illustration : en remarquant que 30 à 40 % du temps des assistants sociaux était dédié à refaire les papiers administratifs perdus, Reconnect a créé un cloud solidaire pour que toute personne en demande de droits puisse les retrouver rapidement. Nos établissements deviennent ainsi des véritables laboratoires de l’innovation, et c’est grâce au travail de nos salariés sur le terrain que nous pouvons comprendre, par exemple, à quel point la télémédecine soulage les personnes âgées qui peinent à se déplacer. C’est parce que leur expérience nous souligne que la réactivité sur les chutes des seniors est capitale, que nous avons pu mettre une priorité sur le développement des sols connectés, qui avertissent de tels incidents.
citoyen et durable
Nous partageons la conviction, comme beaucoup, que le numérique peut être une chance pour tous. Notre différence ? Être un acteur de terrain. Nous savons, grâce à notre quotidien, qu’intégrer le numérique ne se fait ni naturellement, ni facilement. Nous militons et agissons pour transformer la manière dont la société s’empare de la Tech. Celle-ci ne doit pas être une course à l’innovation de pointe, mais une recherche constante de l’impact positif. Pour cela, nous sommes convaincus que le numérique doit répondre à un triple objectif, qui guide tous nos dispositifs. Tout d’abord, il doit être inclusif, c’est-à-dire pensé pour être accessible par tous. Outil formidable de partage et de liberté d’expression, il doit également être tourné vers l’action citoyenne et la solidarité. Chaque outil digital doit être pensé à travers une question : qu’apporte-il à la collectivité ? Enfin, le secteur du numérique doit être façonné pour répondre aux enjeux de développement durable auxquels fait face la société. Les actions de GROUPE SOS Tech se démarquent des autres acteurs, parce que notre objectif est très différent. Nous ne sommes pas dans une course à l’innovation pour l’innovation. Notre priorité ? Au quotidien, sur le terrain, mesurer l’impact positif sur la collectivité et sur la valeur ajoutée réelle créée. Celle qui ne se mesure non pas en nombre de connexions par heure sur une application, mais en nombre de liens créés entre les individus et en contribution à l’intérêt collectif.
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L’humain au centre de la réflexion
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Interview croisée
Inclusion, impact sur la planète : nous devons nous responsabiliser sur notre consommation numérique 236 GROUPE SOS Tech
Révolution majeure et systémique, la transition numérique est pourtant très inégalitaire : 13 millions de Français ont des difficultés à utiliser ces nouveaux outils et sept millions ne se connectent jamais. Pour répondre aux enjeux de cette transition sans précédents, un mathématicien, une philosophe et une entrepreneuse sociale apportent des pistes de réflexion pour penser différemment la société à l’heure du digital. Avec la participation de
Cynthia Fleury Philosophe et psychanalyste, professeure au Conservatoire national des arts et métiers, titulaire de la chaire humanités et santé, Cédric Villani Mathématicien et député de l’Essonne Hélène Béjui Membre du directoire du GROUPE SOS Transition numérique & Accélérateur d’innovations
Nous constatons depuis quelques années l’accélération de la révolution numérique. Malgré ses promesses, c’est encore un quart de la population française qui est fragile, voire exclue du numérique : vient-il aujourd’hui renforcer l’inclusion sociale ou au contraire fragiliser nos sociétés ? Hélène Béjui : Le numérique n’est qu’un outil, ni bon ni mauvais. La digitalisation progressive de la société et de l’économie est une formidable opportunité pour favoriser l’engagement citoyen, accélérer l’accès aux droits, mettre les technologies au service du soin et de l’humain. On peut néanmoins craindre que mal accompagnée, elle vienne renforcer les inégalités existantes en menant à l’exclusion progressive de 28 % des Français aujourd’hui en situation d’illectronisme ou qu’elle déstabilise profondément
nos démocraties par l’avènement d’une citoyenneté numérique sans règles. Cynthia Fleury : Si l’outil numérique n’est pas conçu de façon loyale, transparente, orientée éthiquement et socialement, il renforcera de facto les inégalités existantes. L’appropriation sociale de l’outil a donc un coût considérable qu’il faut prendre en compte dans les politiques publiques. La régulation démocratique du numérique est un enjeu politique et économique majeur ; c'est tout sauf simple, car la mondialisation est d’abord un espace de grande dérégulation. Aujourd’hui, le numérique
« Le numérique est indissociable de l’agir politique, de la science, de la création de valeur ajoutée économique. »
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Transition numérique
n’est pas qu’un outil, il impacte le niveau « méta » : il est indissociable de l’agir politique, de la science, de la création de valeur ajoutée économique, etc.
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Cédric Villani : Le numérique vient avec de grandes promesses d’inclusion, que ce soit à titre personnel ou professionnel. On le voit dans les statistiques, et dans les cas personnels : des étudiants qui retrouvent accès à l’éducation, des agences de services improvisées, des artistes retrouvant une seconde carrière par la vente en ligne... J’ai rencontré bien des cas, et participé moi-même à diffuser en ligne selon de nouvelles modalités. D’un autre côté, le taux d’adhésion par le numérique reste décevant, et une fraction importante de la population se retrouve plus perdue qu’incluse. Énorme enjeu pour notre société de plus en plus numérisée, que de travailler spécifiquement à combler ce fossé.
Dans ce contexte, comment s’assurer que le numérique soit une chance pour tous et que le progrès technologique puisse bénéficier à l’ensemble de la société ? Cédric Villani : Il y a un enjeu d’éducation : nous devons nous fixer l’objectif que tous nos jeunes soient accoutumés au numérique, avec une éducation qui commence dès le cours
préparatoire ; cela ne se mettra pas en place du jour au lendemain. Il y a un enjeu d’ergonomie : les outils doivent être préparés avec les usagers, et contrôlés après mise en place. L’intelligence artificielle trouvera un champ d’application énorme à faire l’interface entre l’humain et l’automatique. Et il y a tout simplement l’idée de mobiliser les ressources humaines là où elles seront le plus utiles, et en priorité au service de ceux qui se sentent exclus par le numérique. Hélène Béjui : En 2022, tous nos services d’accès aux droits seront dématérialisés. Il faut systématiser la formation aux savoirs numériques de base pour que chacun puisse avoir une solution d’accès aux plateformes dématérialisées de services – qu’ils soient publics ou privés - au risque d’un éclatement entre une société d’exclus et celle d'individus connectés et donc intégrés. Il faut former à l’éducation critique au web et aux médias digitaux, pour que nous soyons tous des citoyens éclairés. C’est la survie de notre démocratie qui est en jeu. Nous sommes dans l’urgence : les moyens financiers et la mobilisation ne sont pas du tout à la hauteur de la marche que nous devons monter. Cynthia Fleury : Il y a le niveau local, en permettant la création de Fab Labs sur le territoire, ou de toute autre dispositif produisant de l’alphabétisation numérique, le but étant alors d’être au plus près de ceux qui sont vulnérables ; à l’international, il s’agit plutôt de mettre en place une harmonisation de ladite régulation numérique. Il est important aussi de veiller à une responsabilité sociétale numérique des entreprises.
Le progrès offert par la révolution numérique est à observer en miroir de sa difficile conciliation avec la transition écologique : comment réconcilier ces deux dynamiques pour penser un avenir numérique durable ? Cynthia Fleury : C’est vrai que l’on sort enfin de l’illusoire société numérique
Cédric Villani : Toute évolution humaine aujourd’hui doit se penser avec la transition écologique et solidaire en tête. Sur l’écologie, le numérique est ambivalent : d’une part, il apporte son lot de promesses de rationalisation, d'optimisation, d'aide à la décision, pour l’agriculture, la biodiversité, l’efficacité énergétique, l’économie de proximité. D’autre part, les calculs sont gourmands en énergie et matières premières. Il y a toute une batterie de mesures complexes à mettre en œuvre pour concilier efficacité numérique et sobriété. Dans mon rapport sur l’intelligence artificielle, j’avais fait le choix de consacrer un chapitre entier à l’écologie. Hélène Béjui : Le coût énergétique de la révolution numérique vient rendre caduque une large partie des efforts menés pour tenir les objectifs de la COP21, sans oublier les incidences sur l’environnement de l’exploitation des métaux nécessaires aux équipements. Nous devons collectivement nous responsabiliser sur notre consommation numérique et réintroduire une réflexion sur la finalité dans l’usage des nouvelles technologies, qui ne peut être seulement l’accélération de la consommation. Met-on le numérique au service de l’intérêt général ? Quelle création de valeur collective permet-il ? ⦁
« C’est la survie de notre démocratie qui est en jeu. »
Cynthia Fleury Professeure au Conservatoire national des arts et métiers, titulaire de la chaire humanités et santé, elle est également professeure associée à l’École des mines (PSL/Mines-Paristech). Sa recherche porte sur les outils de la régulation démocratique, notamment à l’heure de la transition numérique. Elle est l’auteur de plusieurs ouvrages remarqués, et est la plus jeune membre du Comité consultatif national d’éthique. En 2016, elle a fondé la chaire de philosophie à l’Hôpital Hôtel-Dieu de Paris, et dirige désormais la chaire de philosophie à l’Hôpital Sainte-Anne.
Cédric Villani Mathématicien, Cédric Villani a reçu la médaille Fields en 2010, a dirigé l’Institut Poincaré et enseigne à l’Université Claude-Bernard-Lyon-I. Il a été élu député de la 5e circonscription de l’Essonne en juin 2017 et a notamment été chargé par le gouvernement de dresser la feuille de route sur la stratégie française relative à l’Intelligence artificielle et à l’usage des données numériques. Il a remis son rapport sur ces enjeux en mars 2018.
Hélène Béjui Après un début de carrière au Louvre comme chargée de mécénat, Hélène Béjui a occupé des fonctions financières chez LVMH, avant de poursuivre son parcours dans les affaires publiques en tant que directrice de cabinet et directrice adjointe des relations internationales de la Fédération française de l’assurance. Elle entre au GROUPE SOS en 2017 comme déléguée régionale Hauts-de-France, Île-de-France, Centre Val-deLoire. En parallèle, Hélène devient directrice puis membre du directoire en charge de GROUPE SOS Tech et de l’accélérateur interne d’innovations. Hélène est diplômée de l’ESSEC et de Sciences Po Paris.
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non-énergivore. Non seulement, elle l’est, mais elle s’appuie sur l’extraction des métaux rares, ce qui est très dommageable pour l’environnement. Il y a un mouvement « Green tech for good » qui est lancé. Disons qu’il est encore très greenwashing, mais il est incontournable, sinon le même cercle vicieux d’une croissance surexploitant le milieu naturel, et détruisant les écosystèmes naturels, se répétera.
Engagement de la société civile
Un programme dédié aux jeunes entrepreneurs sociaux Engagement de la société civile
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Révéler les talents UP Factory est un programme porté par le Mouvement UP. Initié en 2014 par le GROUPE SOS, ce mouvement vise à fédérer toutes celles et ceux qui veulent faire bouger les lignes grâce à des événements, des publications, un réseau social… L’équipe du Mouvement UP partage son quotidien entre l’organisation d’événements, la rédaction de supports et la veille de tout ce qui touche à l’innovation. Vérifier tout ce qu’il faut emmener avant l’événement, préparer les supports
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8 h 30. Nous sommes au Square, un espace collaboratif situé rue Amelot dans le 11e arrondissement de Paris. Laure et Charlotte, toutes deux cheffes de projet au sein du Mouvement UP, s’activent depuis trente minutes pour préparer la salle : chaises, tables, présentation PowerPoint, café et viennoiseries… D’ici quelques minutes, l’ensemble des jeunes pousses accompagnées par UP Factory arriveront pour le kick off. Un premier moment passé ensemble qui donne le go de six mois d’accompagnement proposé par le GROUPE SOS et Accenture.
Engagement de la société civile
de communication, identifier des lieux… Mais aussi et surtout, savoir saisir les évolutions de la société et identifier des personnes inspirantes qui y contribuent.
Engagement de la société civile
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Parmi les nombreux formats proposés par le Mouvement UP, UP Factory propose, depuis 2014, un programme de pré-incubation pour de jeunes entrepreneurs. En quatre éditions, une trentaine de porteurs de projets ont été accompagnés par les équipes UP et Accenture, associées au projet dès le début. L’expertise du GROUPE SOS, première entreprise sociale européenne, et celle d’Accenture, entreprise internationale de conseil et de technologie, permettent de proposer une palette de conseils complète aux entrepreneurs. Le but ? « Faire émerger et évoluer les projets pendant les six mois de pré-incubation », explique Laure. Parmi ces projets accompagnés ces dernières années, on retrouve notamment Le Drenche, un journal de débat de sociétés, et Les Talents d’Alphonse, une plateforme qui met en lien des seniors avec des jeunes pour qu’ils leur transmettent leur savoir-faire (tricot, bricolage, photos…). Chaque année, les équipes UP Factory reçoivent une centaine de candidatures. Pendant plusieurs semaines, des jeunes pousses défilent devant elles pour présenter leur idée ou leur projet. Pour sélectionner les projets, plusieurs critères entrent en ligne de compte : leur impact sur la société, leur dimension innovante… « mais nous réfléchissons aussi à la cohérence générale, nous avons à cœur de créer une vraie synergie entre tous les projets d’une même promotion », précise Charlotte.
Un programme sur-mesure 10 h 20 : le premier atelier est lancé. Il a pour objectif de choisir les modules abordés lors des six prochains mois. Statuts juridiques, financements, mesure d’impact, communication, modèle économique, marketing, gestion de projet, média training… Ce ne sont pas moins de 19 thématiques qui sont proposées aux por-
« C’est aussi ça la promo UP Factory : pouvoir bénéficier de l’aide de chacun ! »
teurs de projet lors de ces modules, pour qu’ils puissent renforcer leur projet. « Votre défi maintenant est de choisir les dix ateliers que vous voudrez faire durant nos cinq rendez-vous », leur explique Laure. Les jeunes pousses sont répa r t ies en deu x g roup e s. I l s ont trente minutes pour construire leur planning. En cas de désaccord ? « On passe à la battle ! », leur répond Laure en souriant. Le débat est lancé et les discussions battent leur plein : « Mesure d’impact ? C’est pas l’urgence, si ? » ; « Communication ? Moi, je trouve ça plus intéressant d’aborder le marketing. Oui, mais il faudrait qu’on sache ce qui se cache derrière ! » ; « Campagne petit budget : oui, pour tout le monde ? O.K. On note ! » Un premier exercice commun qui leur permet de prendre conscience qu’ils partagent tous les mêmes problématiques tout en ayant des compétences complémentaires. Les projets sont certes différents, mais les objectifs sont bien communs : faire émerger son projet, le concrétiser, et surtout le mener
Charlotte et Laure notent les modules choisis en commun qui seront automatiquement sélectionnés : le modèle économique, la campagne petit budget, la mesure d’impact… Les thématiques autour du business model semblent mettre tout le monde d’accord. Pour le reste, chacun est appelé à défendre son choix. Neuf modules passeront par la case débat. Les échanges se déroulent dans la bonne humeur générale. « Le succès d’un projet repose à 100 % sur l’équipe », défend une jeune pousse pour appuyer son choix d’un module sur le management. « C’est vrai que c’est important !, réplique l’équipe en face, mais peut être plutôt vers la fin du programme. » Chacun fait des concessions et parvient à déterminer ce qui lui semble indispensable et ce sur quoi il peut se former de son côté. Un ancien journaliste et une attachée de presse, présents parmi les entrepreneurs, proposent de ne pas garder le module « Relations presse » mais s’engagent à aider tout le monde sur le sujet. Au final, pas de vraie battle, mais plutôt un esprit de solidarité et d’entraide qui marquera les six prochains mois
qu’ils passeront ensemble.
Partager, avancer, changer les choses Côté UP, l’enthousiasme est là : « J’étais ravie de tous vous voir aujourd’hui et surtout de vous voir ensemble. Nous espérons pouvoir vous accompagner au mieux pendant les prochains mois », conclut Charlotte. Côté jeunes pousses, ça respire la motivation et l’envie : « Moi, je trouve génial que nos projets soient différents, et je pense que nous allons beaucoup apprendre les uns des autres. » « Moi, j’ai trouvé ça assez frais, chaque personne a envie de partager. » L’aventure UP Factory démarre pour la quatrième fois. Elle prendra la forme de sessions communes de partage, de questionnements, de remises en question parfois. Le tout dans une dynamique porteuse qui permettra à chacun de pousser son projet encore plus loin avec un même objectif : changer le monde à son échelle. En conclusion, une jeune entrepreneuse reprend une citation de Pierre Rhabi qui l’a inspirée : « Les utopies d’aujourd’hui feront les solutions de demain. » ⦁
Focus sur les jeunes pousses 1 Km à Pied est un service RH qui permet d’optimiser les trajets domicile-travail des entreprises multi-établissements, pour que les salariés qui le souhaitent puissent être mutés sur un établissement du Groupe plus proche de chez eux. Une solution pensée par Laure Wagner pour augmenter le bien-être des salariés et diminuer leur empreinte écologique ! Imaginé par Yoann Hodeau, Prowd est le premier coach digital qui fait économiser de l’argent grâce à des gestes écologiques. Prowd, c’est également des ateliers ludiques pour citoyens ou salariés en entreprises. Merci pour l’invit’ est le premier réseau d’hébergement citoyen permettant la réinsertion de femmes en difficulté. Pensé par Margaux Tarrerias, ce réseau souhaite aider les 80 000 femmes sans domicile fixe en France à trouver un hébergement stable, un premier pas vers la réinsertion. « Transmettre le meilleur d’hier à ceux qui viendront demain. » Avec Passerelle de Mémoire, Pierre Goupillon et Nicolas Lewandowski remettent au goût du jour le récit de vie filmé et permettent à des seniors de raconter aux plus jeunes l’histoire de leur territoire à travers leur histoire personnelle. « La drêche de brasserie, l’or urbain de demain ! », tel est le crédo de Zébu. À travers ce projet, Lise Couturier et Benoît Cicilien souhaitent aider les microbrasseries urbaines à réduire leur production de déchets, notamment des drêches qui, au lieu d’être jetées, seront revalorisées en énergie, pour l’alimentation animale ou humaine, ou encore dans l’agronomie. L’épargne collectif entre potes, c’est désormais possible avec Potos. Imaginée par Amine Lahrichi, Sami Bekas et Bartholomew Joyce, cette plateforme inspirée des tontines rotatives traditionnelles permet de financer facilement et rapidement les projets de ses proches. Charles et Anne Reboux souhaitent créer la matière textile de demain qui soit à la fois écologique, locale et polyvalente. Au cœur de cette nouvelle matière, le chanvre, plante aux nombreux atouts agronomiques et environnementaux, dont la France est le premier producteur européen.
243 Engagement de la société civile
jusqu’au bout ! L’étape du vote arrive. Chaque groupe sélectionne ses dix thématiques. Et une question demeure : est-ce qu’il y aura battle ?
Engagement de la société civile
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Amine, à l’origine du projet Potos et jeune pousse accompagnée dans le cadre du programme UP Factory. « Le succès, c’est être capable d’aller d’échec en échec sans perdre son enthousiasme. » Winston Churchill.
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Laure, cheffe de projet Mouvement UP et UP Factory depuis 2015. « Tous les jours, je découvre un projet positif pour la société. C’est enthousiasmant. C’est un métier qui a du sens. Aider de jeunes entrepreneurs, à notre échelle, à monter leurs projets, à les rendre concrets, c’est une très belle source de satisfaction. »
Charlotte, cheffe de projet Mouvement UP et UP Factory depuis 2016. « Au sein du Mouvement UP, nous sommes un peu comme un relai de messages positifs et porteurs d’espoir. »
Engagement de la société civile
« Sois le changement que tu veux voir dans le monde ! » Aux actes, citoyens !
Engagement de la société civile
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Nous aspirons tous à un monde meilleur pour nous et pour les prochaines générations. Comment, chacun à son échelle, influer sur ce monde globalisé ? Une tâche d’une ampleur titanesque, mais bonne nouvelle : en tant que citoyens, nous avons les moyens d’agir. Le nombre fait la force, le volontarisme et la créativité aussi. C’est en s’engageant et en unissant nos forces que nous parviendrons à modeler la société que nous souhaitons. En créant des synergies entre personnes de tous horizons, jeunes ou moins jeunes, entrepreneurs ou salariés, citadins ou ruraux. C ’e s t l a r a i s o n p o u r laquelle nous avons lancé le Mouvement UP. À travers une déclinaison d’événements gratuits et ouverts à tous (UP Conferences, UP Cafés, UP Fest, UP Pro), il s’agit de donner les clés pour comprendre les enjeux de notre société. Montrer des solutions qui fonctionnent et se les approprier. Nous avons tous notre propre expérience, des idées à partager, l’envie de se retrouver, d’apprendre des autres et de rencontrer des personnalités particulièrement inspirantes, parmi lesquelles Muhammad Yunus, Hélène Mac Arthur, Joseph Stiglitz, Naomi Klein, Hubert Reeves. Pour susciter ou renforcer l’engagement de chacun et de chacune.
Ériger des ponts entre associations et bénévoles Le GROUPE SOS a créé des dispositifs variés qui facilitent l’engagement. La raison ? Des citoyens souhaitent s’engager en donnant de leur temps bénévolement. Parrains par mille (GROUPE SOS Jeunesse), notre association de parrainage de proximité, met ainsi en relation des jeunes en difficulté avec des personnes ayant du temps à leur consacrer. Trois types de parrainage sont proposés : socio-culturel, pour s’épanouir et grandir sereinement (visites culturelles, cuisine, bricolage, activités sportives…) ; socio-scolaire, pour retrouver l’envie d’apprendre et lever les éventuels blocages scolaires ; et pour les plus grands, socio-professionnel (élaboration du projet professionnel, journées d’immersion pour faire découvrir au filleul le monde professionnel…). Parrains Par Mille est une des 1 300 000 associations qui agissent quotidiennement dans notre pays. De l’autre côté, de plus en plus de citoyens veulent agir à leur échelle (+37 % comparé à 2010 pour les 18-35 ans). Pourtant, plus de 60 % des Français ne sont pas encore engagés dans une action citoyenne, notamment en raison d’un manque de temps ou d’information. Première plateforme d’engagement à la demande, Hacktiv entend répondre à cette demande. Cette association propose à chaque citoyen de trouver la mission qui lui correspond. Comment ? Des appels à mobilisation citoyenne sont géolocalisés sur une carte interactive, et chacun peut agir en trois clics selon ses centres d’intérêt et ses disponibilités, son lieu de résidence. Le logement peut également être un formidable levier d’engagement citoyen et de création de lien social, notamment entre les générations. L’association Le Pari Solidaire (GROUPE SOS Seniors) met en relation une personne âgée vivant seule et des étudiants à la recherche d’un logement. L’un propose une chambre à tarif abordable, l’autre un peu de sa présence et une aide pour les tâches du quotidien. Par ailleurs, de 2017 à 2019, GROUPE SOS Solidarités et SINGA France ont lancé un partenariat permettant l’accueil de 400 réfugiés chez des particuliers volontaires pour une durée temporaire de trois à douze mois. Le principe : via la plateforme SINGA, mettre en relation habitants et réfugiés à la recherche d’un logement. En complément, des travailleurs sociaux accompagnent les réfugiés dans leurs démarches administratives.
Parler de société civile, c’est aussi donner un rôle central aux entreprises sociales. Or, pour les voir émerger, il faut les professionnaliser, accompagner les entrepreneurs sociaux et, bien-sûr, susciter les vocations. L’entrepreneuriat social n’est plus marginal. Les grandes écoles et universités forment de plus en plus les étudiants aux métiers de l’économie sociale et solidaire (ESS). Au GROUPE SOS, il nous a semblé naturel de prendre part à cette aventure universitaire. En 2015, nous avons lancé un diplôme universitaire en partenariat avec l’université Paris- Dauphine. Proposé en formation continue, il est ouvert aux actuels ou futurs entrepreneurs, cadres, dirigeants de l’ESS, mais aussi à tous ceux, issus des fonctions publiques ou de l’entreprise classique, qui entendent orienter leur parcours professionnel vers les entreprises d’intérêt général, l’innovation sociale et territoriale et la co-création. À l’image de Clémence, qui a fondé une association de recyclage de déchets, de Ghizlaine, qui a lancé un gourmet store éthique pour valoriser l’artisanat, ou encore d'Alain, qui a créé un coussin connecté 3.0 pour faciliter le quotidien de personnes âgées en perte d’autonomie.
Quand les salariés ré-enchantent l’entreprise L’entreprise connait une mutation sans précédent. Une étude menée en 2018 par GROUPE SOS Consulting et Ifop a montré que 78% des collaborateurs sont fiers d’appartenir à leur entreprise. La considération des salariés pour leur entreprise est essentielle, leur quête de sens dans leur travail aussi. À travers les fondations d’entreprises, le mécénat de compétences ou en proposant à ses salariés de participer à des missions de solidarités, les entreprises facilitent l’engagement de leurs collaborateurs. Nous encourageons ces entreprises et cette dynamique. Le Congé Solidaire, proposé par une de nos ONG de solidarité internationale, Planète Urgence, permet à des salariés d’effectuer une mission de volontariat de courte durée durant leurs congés. Alternacom propose à des collaborateurs d’entreprises des journées de solidarité, entre team-building et bénévolat. Dans les récentes sessions, ils ont ainsi pu créer des kits pédagogiques pour enfants en difficulté, fabriquer du mobilier en matériaux recyclés ou encore participer à des chantiers nature pour la protection de la forêt. Au GROUPE SOS, nous encourageons les idées porteuses de sens à voir le jour. Notre programme UP Factory, créé en partenariat avec Accenture, permet à des femmes et des hommes issus de la société civile de bénéficier d’un coaching personnalisé, pour créer un projet à impact social positif. C’est l’émergence d’une nouvelle génération d’innovateurs, porteurs de solutions inédites répondant aux défis de notre temps qui est encouragée. Mais chut, c’est un secret.
L’intrapreneuriat, clé du bonheur au travail ? Sur leur lieu de travail aussi, les collaborateurs peuvent s’engager, notamment pour déconstruire les clichés, dépasser les préjugés. C’est dans ce cadre qu’au GROUPE SOS, nous participons à l’initiative « Duo Day ». Ce programme consiste à former un duo entre une personne valide et une personne porteuse d’un handicap, dans l’optique de créer de futures collaborations et de susciter des vocations. S’engager sur son lieu de travail, c’est aussi avoir la possibilité de devenir de vrais entrepreneurs. Au GROUPE SOS, nous sommes 18 000 salariés et avons au moins autant d’idées. Nous proposons depuis 2016 un programme d’entrepreneuriat interne : l’intrapreneuriat. Il a vu naître plusieurs initiatives originales comme, un bar au cœur de Paris permettant à chacun de gérer sa consommation d’alcool sans compromettre la convivialité de ce lieu chaleureux. Ou encore une pension solidaire, destinée à accueillir les chiens et les chats d’usagers des services hospitaliers et des structures médico-sociales et d’hébergement.
Consommation : (re)devenir raisonnable Consommer est une forme d’engagement que nous encourageons, car c’est choisir d’encourager des modes de productions plus éthiques et plus respectueux de la planète. En choisissant nos marques de commerce responsable, comme Altermundi ou Té. En s’engageant dans le « Green Friday », réponse au « Black Friday », symbole d’un mode de consommation effrénée à l’impact social et environnemental négatif. Le Green Friday, dont Altermundi (GROUPE SOS Emploi) est l’un des membres fondateurs, fédère des marques éthiques qui ne proposent pas de réductions à leurs clients le jour du « Black Friday » et reversent 15 % de leur chiffre d’affaire de la journée au profit d’associations engagées pour une consommation responsables telles que HOP, Zéro Waste… L’objectif : sensibiliser les Français aux différentes alternatives responsables et les appeler à plus de sobriété dans leurs démarches d’achats.
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Sur les bancs de l’école de l’engagement
Engagement de la société civile
Interview croisée
Engagement de la société civile
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Le changement est l'affaire de tous Avec la participation de
Marie Trellu-Kane Présidente et co-fondatrice d’UnisCité Pablo Servigne Collapsologue Nicolas Froissard Membre du directoire du GROUPE SOS Communication corporate et Culture
Tandis que la société actuelle exprime de plus en plus de forts besoins écologiques et sociaux, et que les États peinent à répondre efficacement à l'ampleur des dérèglements contemporains, l'engagement de la société civile et la participation des citoyens aux processus de transformation systémique s'intensifient. Dans ce contexte, le fondateur du Mouvement UP, la co-fondatrice d'Unis-Cité et le plus célèbre collapsologue de France éclairent les enjeux de l'engagement citoyen.
Quelle est votre constat sur les crises que traverse notre société ? Marie Trellu-Kane : Elles sont très proches de celles que nous avions observées en 1995 en créant Unis-Cité : - crise du vivre ensemble dans le respect des différences dans un pays de plus en plus multiculturel - crise du pouvoir d’action avec une société où les citoyens se sentent en incapacité d’influencer le cours des choses. Face à l’ampleur des besoins écologiques et sociaux, il faut veiller à ce que nos jeunes gardent espoir d’un demain meilleur, et l’envie de le construire. Nicolas Froissard : Les crises sont multiples. Le changement climatique révèle chaque jour ses conséquences dramatiques ; les inégalités prospèrent ; les démocraties sont mises à mal. Une partie de la population mondiale survit. L’autre est préoccupée par sa consommation tout en admettant être en quête de sens. La tendance semble être au repli sur soi, alors qu’il faudrait au contraire, et plus que jamais, travailler tous ensemble.
Engagement de la sociĂŠtĂŠ civile
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Interview croisée
Engagement de la société civile
Engagement de la société civile
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Pablo Servigne Ingénieur agronome de formation, Pablo Servigne se présente comme un chercheur « in-terre-dépendant ». Après des années de recherche sur les mécanismes de l’entraide chez les insectes et des engagements militants divers au service de la transition écologique, il a récemment théorisé et popularisé le thème de la « collapsologie ». Auteur de nombreux articles et livres, il questionne régulièrement la trajectoire de la civilisation industrielle et ce qui pourrait lui succéder.
« La société de demain sera celle que nos jeunes construiront. »
Pablo Servigne : Je ne parle pas de crise. Le mot crise implique un retour à la normale. Il n’y a pas de retour à la normale possible. Nos sociétés rencontrent beaucoup de problèmes aujourd’hui : des catastrophes présentes et futures, une dégradation au niveau du climat, du politique, de la finance, du social. Certaines conséquences sont déjà irréversibles, et il y a la possibilité d’un effet domino qui peut conduire à un effondrement et changer fondamentalement notre mode de vie.
L’engagement citoyen est-il la solution ? Nicolas Froissard : C’est le point de départ. Lorsqu’on voit la Suédoise Greta Thunberg et les jeunes qui font la grève pour le climat partout dans le monde, on a malgré tout de quoi être optimiste. Les enjeux sont tellement complexes aujourd’hui que les réponses passeront par une réflexion et des actions communes entre tous les acteurs. Le changement est l'affaire de tous. Par exemple, au GROUPE SOS, nous proposons des dispositifs, des outils, un cadre collectif et collaboratif, qui aident à trouver sa voie et à s’impliquer, car quand on est tout seul face à l’immensité de la tache c’est difficile. Marie Trellu-Kane : Cent trente mille jeunes Français donnent huit mois de leur vie chaque année avec le service civique, et 67 % des jeunes se disent intéressés pour s’y engager. À Unis-Cité, nous recevons quatre demandes pour une place en service civique et accueillons 7 000 jeunes par an. Les missions sont nombreuses : lutter contre l’isolement des personnes âgées ou handicapées, éduquer à l’environnement, participer à l’accueil des réfugiés, à la lutte contre le décrochage scolaire… Donner les moyens de cet engagement est essentiel pour que notre société reste positive et vivante. Nicolas Froissard : Beaucoup ont envie de changer les choses. Mais ne savent pas forcément par où commencer. C’est pour cette raison que nous avons impulsé le Mouvement UP. Pour inspirer grâce à de l’information positive, porteuse de solutions, tous ceux qui veulent s’engager : citoyens, entreprises, acteurs publics, monde académique… Tout en déconstruisant les fausses informations, les théories du complot qui encouragent les passions tristes, alors qu’il faut au contraire de l’optimisme et de l’énergie. Marie Trellu-Kane : La société de demain sera celle que nos jeunes construiront. L’État ne peut et ne doit pas tout faire. Avec le service civique, il aide en revanche à ce que les jeunes aient les moyens de cet engagement et de se sentir utiles et intégrés. D’autant plus si, comme à Unis-Cité, on veille à mélanger des jeunes de parcours différents. Pablo Servigne : On ouvre une brèche avec la collapsologie : on montre qu’on peut motiver les gens avec des mauvaises nouvelles.
Marie Trellu-Kane Marie Trellu-Kane est la présidente et co-fondatrice d’UnisCité, l’organisation pionnière du service civique des Jeunes en France. Plus de 25 000 jeunes ont déjà effectué leur service civique à Unis-Cité, association nationale créée en 1984, dont 7 000 en 2018 dans une cinquantaine de villes en France. Chevalière de l’ordre national du Mérite, administratrice de l’Agence du service civique, et membre du Conseil économique, social et environnemental français, elle a fortement contribué au lancement du service civique en 2010 et à la création de la chaire d’entrepreneuriat social à l’ESSEC.
« Le politique doit faire confiance aux citoyens. »
Comment le politique peut-il accompagner le mouvement ? Pablo Servigne : Le politique doit être réellement à l’écoute des besoins des citoyens, les citoyens doivent retrouver le goût du politique. La montée des fascismes à travers le monde est sans doute un signe de son effondrement, et elle va même l’accélérer. Nicolas Froissard : Le politique doit faire confiance aux citoyens. Encourager les initiatives citoyennes, les aider à se développer, à essaimer. Inciter aussi les entreprises à prendre davantage en compte leur impact social et environnemental. Associer davantage les territoires et les citoyens dans la décision publique. Là où il y a la volonté de travailler main dans la main, le chemin se dessine. Marie Trellu-Kane : L’engagement citoyen ne remplacera pas le politique, sauf si l’on ne croît plus en la démocratie représentative, ce qui est loin d’être mon cas ! La société civile a besoin du politique. Pour le service civique, il lui a donné un cadre légal, des moyens financiers… C’est indispensable pour essaimer un dispositif qui a fait ses preuves. La prochaine étape devrait être de permettre à tous les jeunes qui veulent s’engager en service civique de le faire ! Pablo Servigne : Il ne faut jamais renoncer ni à l’individu ni au collectif. Chacun doit suivre un cheminement intérieur, mais il nous faut aussi collectivement donner du sens, écrire un récit commun comme à l’époque de la Résistance ou du plan Marshall. ⦁
251 Engagement de la société civile
Nicolas Froissard Nicolas Froissard rejoint le GROUPE SOS en 2000, au sein duquel il a notamment créé le Mouvement UP. Aujourd’hui membre du directoire en charge de la Communication et du secteur Culture au sein du Groupe, il en est aussi son porte-parole. Nicolas est par ailleurs enseignant à l’université Paris-Dauphine où il est coresponsable du seul diplôme en formation continue destiné à former des entrepreneurs sociaux. Nicolas est diplômé d’un master en Droit et d’un master en Sociologie des organisations (Sciences Po Paris). Il est chevalier de l’ordre national du Mérite.
Des personnes sont sidérées par nos constats c’est vrai. Mais nous recevons aussi un nombre spectaculaire de courriers de personnes qui nous disent : « merci, je me bouge enfin, ce n’était plus possible ». En ce moment, beaucoup de choses émergent. Il existe un nombre extraordinaire d’organisations de justice sociale et environnementale avec des millions de personnes. C’est le plus grand mouvement social de l’histoire. C’est le système humanitaire de la terre qui se réveille. On est en train de vivre l’époque la plus incroyable de l’humanité. Le grand tournant. Est-ce qu’on réussira à aller assez vite pour changer, pour atténuer ou empêcher les effondrements ? Personne ne le sait. En tout cas il faut essayer à fond, à toutes les échelles.
Forger les clés du succès de nos établissements Le GROUPE SOS étonne. Des activités très diversifiées, un modèle unique, une myriade d’établissements… Mais comment ce Groupe a-t-il pu, en 35 ans, prendre la forme qu’il a aujourd’hui ? Entre opportunités de se développer, volonté de servir l’intérêt général et innovations imaginées par nos salariés, découvrez pourquoi et comment le Groupe a bâti le succès des établissements qui le composent.
Comprendre l’objectif du GROUPE SOS :
Essaimer les valeurs qui préparent l’avenir Pourquoi le GROUPE SOS se présente comme une entreprise d’intérêt général ?
Le GROUPE SOS en questions
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Tout simplement parce que l’intérêt général est l’objectif premier de toutes nos actions. Comme une entreprise, nous recherchons constamment l’efficacité économique, mais l’impact positif sur tous les acteurs de la société est notre cap. Dans la même logique qu’un entrepreneur, le GROUPE SOS imagine des solutions concrètes et innovantes, et entend bâtir autour d’elles une organisation solide capable de créer et pérenniser des activités économiques tout en ayant un fort impact positif sur notre société.
Pourquoi le GROUPE SOS se développe-t-il ? Le GROUPE SOS a fait le choix du développement en partant du principe que la taille était un atout pour son indépendance, la carrière professionnelle de ses salariés, pour pérenniser les activités des associations qui nous rejoignent et les aider à grandir. De par sa taille, le GROUPE SOS peut notamment mettre en œuvre, en toute transparence, des mécanismes de solidarité financière entre ses entités et ainsi pallier les difficultés
économiques que certaines peuvent rencontrer ponctuellement. Sa solidité financière facilite également les relations et négociations avec ses différents partenaires bancaires. Surtout, le foisonnement et le mélange d’expertises qui interagissent au sein du GROUPE SOS sont source d’innovations uniques pour améliorer notre société. C’est parce que des professionnels de la petite enfance et des professionnels du handicap travaillent au sein du Groupe que nous avons créé des crèches qui accueillent des enfants valides et des enfants en situation de handicap, et la plateforme d’accompagnement petite enfance et handicap. C’est parce que nous avons un secteur transition écologique et que nous gérons des dispositifs accueillant des personnes migrantes, que nous pouvons permettre à ces derniers de suivre une formation au métier de maraîcher bio.
Le GROUPE SOS est-il militant ? Le GROUPE SOS démontre qu’une alternative existe : une entreprise peut résolument servir l’intérêt
général, réallouer ses bénéfices dans ses activités, ne pas avoir d’actionnaires et encadrer les salaires. Nous revendiquons et portons ce modèle au quotidien pour qu’il inspire et irrigue largement notre société, en France et partout dans le monde. Nous nous appuyons sur nos 20 porte-parole qui, en plus de leur fonction au sein du Groupe, ont pour mission de faire connaître nos propositions et notre expertise sur chacun de nos grands sujets d’intervention, notamment dans le but de faire évoluer les politiques publiques. Le militantisme du GROUPE SOS ne se limite pas à « ses » propres solutions. À travers le Mouvement UP (événements, productions, réseau social), le GROUPE SOS propose à tous de devenir acteur du changement et de l’innovation sociale et environnementale. Parce que l’alliance de l’ensemble des parties prenantes (citoyens, entreprises sociales, entreprises privées, pouvoirs publics, collectivités, chercheurs) fera naître les idées les plus ingénieuses. Enfin, parce que l’innovation sociétale appartient à tous et s’enrichit de tous.
Le GROUPE SOS en questions
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Comprendre le fonctionnement du GROUPE SOS :
Redéfinir la « création de valeur » au sein de la société À qui appartient le GROUPE SOS ?
Le GROUPE SOS est-il riche ?
Ce sont nos quatre associations « mères » qui gouvernent l’ensemble des établissements du Groupe : GROUPE SOS Jeunesse, GROUPE SOS Solidarités, GROUPE SOS Santé et GROUPE SOS Seniors. En tant qu’associations, elles ont une finalité non lucrative et n’appartiennent à aucun actionnaire. Un versement de dividendes n’est donc pas envisageable. Les entreprises commerciales du Groupe appartiennent à 100 % aux quatre associations fondatrices.
Le GROUPE SOS n’est pas riche. Le budget global du GROUPE SOS (950 millions d’euros) est simplement la somme des budgets de l’ensemble de ses activités, de ses établissements. Au quotidien, l’ensemble de nos dispositifs vivent des services que nous fournissons à nos clients (qu’ils soient publics ou privés). En 2018, notre résultat net était d’environ huit millions d’euros, soit moins d’1 % de la somme des chiffres d’affaires de nos établissements. La valeur que nous créons ne se mesure pas à nos comptes en banque, mais se situe dans l’impact positif que nous apportons à la société, aux individus, à la planète. Nous réinvestissons systématiquement nos résultats dans nos actions. Le GROUPE SOS n’est pas riche, mais il est solide.
Quel est le modèle économique du GROUPE SOS ?
Le GROUPE SOS en questions
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Entre 1984 et 1995, les associations dites « fondatrices » du GROUPE SOS cassent déjà les codes, en réinventant, entre autres, la prise en charge des toxicomanes et des personnes atteintes du VIH/Sida. En 1995, la réussite des nouvelles solutions amène une nouvelle réflexion : comment passer un nouveau palier, changer d’échelle pour décupler leur impact ? La nécessité de mettre en commun leurs moyens devient évidente. Le GROUPE SOS lance alors un modèle innovant et efficace, avec la création du Groupement d’intérêt économique (GIE) Alliance Gestion. Ce GIE permet de mutualiser de nombreuses fonctions support, telles que la comptabilité, le juridique, les ressources humaines… Toutes les associations du GROUPE SOS participent, à leur niveau, au financement de ces fonctions support. Mais elles gardent toutes leur indépendance dans leur fonctionnement, et chaque structure a son propre modèle de financement. Ainsi par exemple, une Maison d’enfants à caractère social (MECS) est financée par le conseil général de son département. Les ressources d’une maison de retraite médicalisée, en Lorraine, proviennent à la fois de l’Assurance-maladie, du conseil général du département concerné, et des résidents. Des entreprises comme Altermundi ou le traiteur Té, fournissent des prestations à de nombreux clients, professionnels et particuliers…
Pourquoi le GROUPE SOS est-il propriétaire d’une grande partie de son immobilier ? Lorsque le GROUPE SOS a lancé des solutions innovantes pour prendre en charge les personnes toxicomanes dans les années 1980, il s’est retrouvé face à des propriétaires immobiliers qui refusaient de louer leur bien pour accueillir ou héberger ces personnes qui en avaient pourtant grandement besoin. Les loyers sont aussi souvent une charge rédhibitoire pour les associations. Face à cette réalité, le GROUPE SOS a décidé de devenir propriétaire des murs de ses associations et de créer la coopérative Alterna en 1995, pour maîtriser ses coûts, la qualité du bâti et garantir l’indépendance et la pérennité de ses dispositifs. Certaines associations qui nous rejoignaient étaient également propriétaires de leurs murs à leur arrivée dans le Groupe. De fil en aiguille, le patrimoine immobilier est ainsi devenu la base de notre solidité financière, rassurant nos partenaires bancaires, plus confiants pour nous prêter des fonds.
Comprendre l’envergure du GROUPE SOS :
Rassembler et partager pour mieux innover
La diversité de nos activités n’est pas le fruit du hasard. Le GROUPE SOS n’a pas de dogme, il est pragmatique. Au fur et à mesure que les enjeux de la société évoluent et que des problématiques sociales naissent, de nouvelles activités du Groupe y répondent. Le GROUPE SOS s’est d’abord construit sur des actions de lutte contre les exclusions : accès aux soins, au logement, à l’éducation… Il s’agissait alors de considérer l’ensemble des problématiques d’un individu, de l’appréhender dans sa globalité. Une fois satisfaits les besoins fondamentaux des personnes, se pose la question du retour à l’emploi. Le GROUPE SOS a donc entrepris de créer des entreprises d’insertion pour permettre à des personnes jugées « inemployables » de travailler, et d’avancer vers une insert ion professionnelle durable. Nous avons accueilli des associations en passe d’être dissoutes, mais dont le projet avait trop de sens pour être arrêté. D’autres structures nous rejoignent pour passer un nouveau palier, grâce au soutien du Groupe. Ce qui a amené notre modèle à démontrer qu’il pouvait être utile pour permettre à tous d’accéder à des services de qualité dans tous les domaines : santé, grand âge, petite enfance, culture… Utile pour accélérer la transition écologique. Utile pour accompagner d’autres entreprises à impact positif. Utile en France et partout dans le monde grâce à notre secteur Action internationale.
Comment et pourquoi les associations nous rejoignent-elles ? Il est légalement impossible d’acheter une association. Quand une association intègre le GROUPE SOS, cela signifie qu’elle décide volontairement que la gouvernance change de main ; les membres qui forment son assemblée générale démissionnent pour laisser la place aux associations mères du Groupe. À aucun moment, un quelconque transfert d’argent n’est opéré. Le GROUPE SOS ne rachète donc pas, il prend le contrôle de l’association avec l’accord de ses membres, ce qui nous permet de mettre l’ensemble de notre organisation au service de l’association qui nous rejoint.Lorsqu’une association souhaite intégrer le GROUPE SOS, c’est généralement pour pouvoir s’adosser à une organisation outillée pour lui permettre de pallier les difficultés qu’elle rencontre ou bien pour maximiser ses potentialités de développement.
Comment le GROUPE SOS finance-t-il sa croissance ? Nous sommes différents des entreprises classiques, car nous nous affranchissons du piège de la finance. Nous n’empruntons pas pour verser des dividendes. Nous n’achetons pas des entreprises pour récupérer une partie de leurs bénéfices. Ne pas avoir d’actionnaire est évidemment une force. Le critère le plus décisif reste de mesurer notre performance non pas à travers notre rentabilité, mais à travers l’impact de nos activités. L a p e r fo r m a n c e, c’est l’impact positif et durable sur la société. La finance doit être au service de cette performance. Le travail et l’expertise d’une association telle que les Brigades Vertes, qui œuvre pour restaurer et entretenir notre patrimoine naturel, sont utiles pour notre présent et notre futur. La reprendre financièrement et pérenniser son activité, alors qu’elle était en difficultés, est possible grâce à la solidité du Groupe. Cette solidité financière et notre vision à long terme nous poussent constamment à investir. C’est pourquoi emprunter pour
financer la croissance de nos activités est une solution à la fois durable et responsable. Nos emprunts sont vertueux, car au service du terrain. Les fonds ne servent pas à acheter des activités déjà existantes. Ils sont dédiés à optimiser la gestion et le déploiement de nos projets. La nature des activités du Groupe et son modèle sont la source d’un engagement de nos salariés bien supérieur à celui des salariés des entreprises classiques. Donner du sens à son travail accroît l’implication de nos équipes, stimulant la qualité de leur travail et la création d’une valeur supplémentaire, humaine. Préparer l’avenir, ce n’est pas optimiser la rentabilité, ce n’est pas accumuler de l’argent. C’est investir dès maintenant et exclusivement pour le futur. La société et ses enjeux évoluent vite, il est donc difficile de savoir quelle croissance connaîtra le GROUPE SOS d’ici dix, cinq ou même an an. Pourtant, cette imprévisibilité n’est pas source d’instabilité pour nos équipes. Car nous avons su créer un modèle financier et économique pérenne, guidé par une gouvernance dont l’objectif premier restera : forger les clés du succès de nos établissements. ⦁
255 Le GROUPE SOS en questions
Pourquoi le GROUPE SOS mène-t-il des activités aussi diversifiées ?
Interview croisée
La finance aussi peut être responsable ! Finances et participations
256 Avec la participation de
Blandine Mulliez Présidente de la Fondation Entreprendre Christine Jacglin Directrice générale du Crédit Coopératif Romain Garcia Membre du directoire du GROUPE SOS - Finances et Participations
Impact investing, épargne responsable ou solidaire, financement participatif, autant d'évolutions émergentes dans le monde de la finance qui bâtissent un nouveau paradigme économique. Afin de concilier efficacité économique et impacts environnementaux et sociaux, l'enjeu du changement d'échelle de la finance responsable est ainsi de plus en plus prégnant. Regards croisés sur cette révolution en cours.
Peut-on concilier rentabilité et impacts sociaux et écologiques ? Romain Garcia : La finance est un outil. Plutôt que de chercher à tordre l’outil, il vaut mieux s’intéresser à la manière de s’en servir. La juste rémunération du risque est la question centrale : trop rémunérer le capital est inutile et revient à détourner de la valeur au détriment des projets de l’entreprise ; mais le rémunérer insuffisamment freine le développement et l’innovation en limitant la capacité de l’organisation à lever des fonds. Christine Jacglin : Traiter les impacts sociaux et environnementaux relève d’activités économiques créatrices de valeur ajoutée, d’emplois et d’avancées technologiques. L’exigence de rentabilité contribue à l’acceptabilité sociale et fiscale dans nos sociétés. Exemple avec les énergies renouvelables : quand on a exigé un alignement sur les prix de marché, leur coût a drastiquement baissé grâce à l’innovation et l’industrialisation, et leur diffusion s’est élargie. Blandine Mulliez : Et si nous changions de paradigme? De plus en plus, la création de valeurs sociales, environnementales et sociétales est génératrice de valeurs économiques et participent à la rentabilité de
« La finance est un outil. Plutôt que de chercher à tordre l’outil, il vaut mieux s’intéresser à la manière de s’en servir. »
Finances et participations
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Interview croisée
Finances
l’entreprise. Il ne sera plus possible à l’avenir de les séparer, et il existe déjà des pratiques (ISR, épargne solidaire, financement participatif…) en ce sens.
Finances et participations
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Cela traduit une capacité à produire un bénéfice responsable applicable à tout l’écosystème de l’entreprise en tenant compte des problématiques territoriales, humaines et environnementales. Il serait intéressant d’accompagner les dirigeants d’entreprises sur la question du sens, et d’accélérer la sensibilisation du plus grand nombre, tant sur les modes de consommation que sur l’épargne solidaire ou l’investissement d’entreprises créatrices de valeurs collectives.
Comment la finance responsable peut-elle changer d’échelle ? Christine Jacglin : En montrant que c’est une manière d’accélérer le développement de nos entreprises. Ainsi, l’engagement du Groupe Crédit coopératif à financer les projets à impact (quel que soit le statut juridique de l’entreprise accompagnée) lui permet de disposer d’un très haut niveau de satisfaction de ses clients, d’une part, de connaître un développement rapide auprès de certains publics, d’autre part. La finance responsable est une des clés essentielles pour redonner confiance dans le système bancaire. Romain Garcia : En agissant au niveau de la gouvernance pour garantir une juste rémunération du capital et du travail. Une entreprise capitaliste pourrait augmenter le pouvoir des comités de rémunération des dirigeants et élargir leurs champs d’étude aux revenus des actionnaires. Pour une organisation non lucrative, il faut faire preuve d’un peu d’innovation juridique et financière. Les outils existent, il s’agit surtout d’entreprendre. Les bons projets trouvent des moyens. Prenons le GROUPE SOS : 100 % des résultats réinvestis dans ses projets, une échelle des salaires de un à 15, et une
croissance annuelle moyenne de 15 %. Son modèle original de développement a permis de financer auprès des partenaires bancaires 500 M€ d’investissements dédiés à dix millions de bénéficiaires au cours des cinq dernières années. Blandine Mulliez : Elle peut changer d’échelle si elle répond concrètement aux enjeux actuels et émergents : inégalités, migrations, ressources, climat... Il faut aussi mieux promouvoir des solutions méconnues, comme l’épargne responsable ou solidaire, qui constituent une faible part du patrimoine financier des Français. Il est enfin nécessaire que les entreprises mesurent le bénéfice réel de cette finance et son impact. Celles qui n’auront pas anticipé ce processus risquent d’être dans l’incapacité d’évoluer et de répondre aux nouvelles exigences des consommateurs et salariés.
Quelles sont les évolutions nécessaires pour une finance responsable et durable ? Blandine Mulliez : Des avancées se multiplient dans l’économie de partage tandis que l’hybridation des modèles (investisseurs publics, solidaires, financiers ou philanthropes), la mise en place de fondations reconnues d’utilité publique actionnaires, ou fonds de pérennisation participent à cette évolution. À la Fondation Entreprendre, nous pensons que le don et le mécénat font partie intégrante de cette dernière et qu’ils permettent aussi de faire bouger les lignes. Parallèlement, sensibiliser les plus jeunes est primordial pour que se développe une nouvelle génération d’entreprises et de citoyens mettant le sens au cœur de leurs projets. Christine Jacglin : L’éducation, la régulation et les pratiques sont au cœur de cet engagement. La mise en œuvre d’une finance responsable et durable repose sur l’éthique des personnes qui sont à la
« De plus en plus, la création de valeurs sociales, environnementales et sociétales est génératrice de valeurs économiques et participe à la rentabilité de l’entreprise. »
Romain Garcia : Il faut agir sur les débouchés pour accompagner, amplifier ou compléter le pouvoir prescripteur des clients, et donc leur influence sur les missions des organisations. Au-delà de l’indispensable engagement citoyen, les pouvoirs publics doivent appuyer les réformes au niveau international, pas seulement pour récompenser ou punir les pratiques, mais aussi pour ouvrir la voie. La COP 21 s’est faite en réaction à la prise de conscience du grand public sur la question environnementale ; le courage et l’audace auraient été de faire cet accord bien plus tôt. ⦁
Blandine Mulliez Passsionnée par l’entreprise et l’entrepreneuriat, Blandine Mulliez est à la tête de la Fondation Entreprendre qui développe de multiples programmes d’engagement philanthropique au service de l’homme et de l’emploi. La fondation finance un large panel d’associations dédiées à la promotion de l’entrepreneuriat et à l’accompagnement des jeunes entrepreneurs (Réseau entreprendre, 100 000 entrepreneurs, Entreprendre pour apprendre (EPA) et l’association nationale Les Entrepreneuriales).
Christine Jacglin Directrice générale du Crédit coopératif depuis cinq ans, Christine Jacglin a mené toute sa carrière dans le Groupe Banque populaire, puis dans le Groupe BPCE dans divers postes de direction. Forte de sa grande expérience dans le secteur banquier mutualiste, Christine Jacglin défend l’idée d’un secteur bancaire au service d’une économie plus sociale et solidaire.
Romain Garcia Après un début de carrière en audit chez Mazars, Romain Garcia rejoint le GROUPE SOS en 2010 comme directeur Financier. Depuis 2017, il est membre du directoire du Groupe en charge des finances et de la gestion des participations. Il enseigne par ailleurs la gestion à l’université Paris-Dauphine, dont il avait été diplômé d’un master en Contrôle de gestion.
259 Finances et participations
manœuvre, à tous les niveaux des institutions, particulièrement dans le secteur bancaire. La formation initiale, puis professionnelle des équipes s’avère cruciale. La régulation du secteur financier, alliée à l’exemplarité des dirigeants, notamment sur leur rémunération, constitue enfin un outil incontournable pour modifier en profondeur les pratiques.
Interview croisĂŠe
Grandir, grossir, se dĂŠvelopper : oui, mais pour quoi faire ? Synergie et Performance
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Jean-Christophe Combe Directeur général de la Croix-Rouge française Cyrille Brouard Associé Audit et ExpertiseComptable au sein du Groupe Mazars, co-animateur du secteur ESS Éric Balmier Membre du directoire du GROUPE SOS - Synergie & Performance et Transition écologique
Trois dirigeants de grands groupes internationaux nous expliquent en quoi la grande taille d'une entreprise n'est pas synonyme d'éloignement des réalités locales. Au contraire, c'est au fur et à mesure du développement d'une entreprise que les synergies s'accentuent au profit de la performance économique et sociale, et au service des enjeux spécifiques des territoires.
Vous êtes tous les trois à la tête d’entreprises de grande taille, regroupant une large diversité de secteurs et de corps de métiers. Comment combiner efficacité et humain dans des groupes d’une telle taille ? Éric Balmier : Le GROUPE SOS est un banc de poissons : chacun de nos directeurs d’établissement est un entrepreneur social à part entière. L’expertise de terrain est au cœur de notre organisation : les salariés sont en première ligne pour évaluer les besoins et penser l’innovation sociale. L’agilité, la prise de décision rapide, la capacité à se remettre en cause et à évoluer sont les clés d’une performance globale. Il est essentiel de générer une culture forte d’entrepreneuriat social, fondant l’identité du Groupe et sa culture managériale. La performance économique est nourrie par la performance sociale. Cyrille Brouard : L’ensemble de nos 24 000 collaborateurs a vocation à choisir secteurs et métiers, pour trouver et approfondir leur voie. À titre d’exemple, durant les deux premières années du parcours d’audit, ils participent à toutes sortes de missions pour déterminer le secteur de leur choix en troisième année. Les mutations géographiques choisies leur permettent d’allier projet personnel et projet professionnel. Ils peuvent également s’investir dans les différentes actions relevant de la RSE ou de l’intérêt général alignées sur les valeurs du cabinet.
261 Synergie et Performance
Avec la participation de
Interview croisée
Synergie et performance
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Jean-Christophe Combe : Avec 60 000 bénévoles et 18 000 salariés, la Croix-Rouge assure un maillage dense du territoire, aussi bien en métropole qu’en Outre-mer. Cette taille critique nous permet d’avoir une large vision des réalités de la société et d’en témoigner. À l’écoute des remontées du terrain, nous sommes attentifs à avoir une culture managériale qui responsabilise chacun de nos acteurs et leur permet d’être autonomes, tout en regardant tous dans la même direction. Le fil rouge de toutes nos activités est de venir en aide aux personnes vulnérables : il ne peut donc y avoir d’efficacité sans humanité.
Quel est selon vous l’intérêt de rassembler autant de secteurs différents, travaillant sur des sujets très divers ? Jean-Christophe Combe : La particularité de la Croix-Rouge, est qu’elle regroupe en son sein une dualité d’acteurs, salariés et bénévoles. C’est ce qu’on appelle le « plus » Croix-Rouge et c’est ce qui fait sa richesse. Ce dialogue permanent entre l’engagement et l’expertise permet de confronter les points de vue, d’échanger sur les bonnes pratiques. La complémentarité de nos métiers, tous tournés vers la maximisation de l’impact social de nos activités pour un accompagnement global et digne des plus vulnérables, et la diversité de nos secteurs d’activité nous permettent de faire vivre nos principes et nos valeurs partout où l’on a besoin de nous. Éric Balmier : Notre taille est le fruit de notre indépendance : nous avons relevé des défis auxquels personne ne voulait s’attaquer. Aujourd’hui, elle a pour seul objectif de démultiplier l’impact et la qualité de nos services, de pérenniser les emplois et actions de ceux qui nous rejoignent et de coordonner les expertises. Le Groupe est riche de métiers différents et complémentaires qui alliés, aux synergies et à la transversalité, per-
mettent des réponses adaptées, évolutives et pragmatiques. Face à une exclusion souvent multifactorielle, nous pouvons ainsi accompagner chacun dans la globalité de son parcours vers l’émancipation. Jean-Christophe Combe Directeur général de la Croix Rouge française depuis 2016, Jean-Christophe Combe avait intégré l’ONG en 2011 comme directeur de cabinet de l’ancien président Jean-François Matte, puis comme directeur de l’engagement et de la vie associative et enfin directeur général adjoint en charge des directions opérationnelles et de l’organisation. Auparavant, JeanChristophe Combes a dirigé les cabinets de différents maires, et travaillé au Sénat comme conseiller technique.
Cyrille Brouard : La diversité de nos offres se concilie avec l’évolution des projets des collaborateurs. Les jeunes générations sont réticentes à toutes formes de routine ou de monotonie, elles cherchent de la diversité et ont des capacités d’apprentissage rapides avec les nouvelles technologies. Nous composons ainsi des équipes « sur-mesure » de collaborateurs très investis et motivés. De plus, la diversité culturelle et professionnelle permet un enrichissement mutuel des intervenants, qui comparent leurs approches et élèvent leur niveau de compréhension et de maîtrise des problématiques à résoudre.
Comment concevez-vous l’évolution de vos entreprises, et vers quoi devraient-elles tendre pour s’adapter au monde de demain? Cyrille Brouard : Dès aujourd’hui, de très fortes attentes de toutes les parties prenantes s’expriment à l’égard d’entreprises comme la nôtre, et nos collaborateurs entendent donner du sens à leur vie professionnelle. Au travers de la notion de missions d’intérêt général, nous cherchons à concilier digitalisation et humanisme,
« Notre taille est le fruit de notre indépendance. »
Jean-Christophe Combe : Les trois mots d’ordre qui caractérisent notre évolution sont l’autonomie, l’exemplarité et l’innovation. L’autonomie parce que les tensions sur nos financements traditionnels et la concurrence des nouveaux acteurs mettent au défi notre modèle économique. L’évolution dans un sens plus entrepreneurial est une condition fondamentale pour maintenir nos activités. Ensuite, l’exemplarité, mise en œuvre à travers notre stratégie RSO, élément indispensable pour maîtriser notre impact. Enfin, pour assurer la pertinence de notre réponse aux besoins sociaux, nous déployons de solutions innovantes : nous avons créé un accélérateur d’innovation sociale 21, conçu pour accompagner des porteurs de projet internes et des start-ups. Éric Balmier : Nous plaidons pour une entreprise au service de l’intérêt général qui rend indissociables ses impacts économiques, sociaux et écologiques de sa performance globale. Répondre aux défis dès aujourd’hui est précisément ce qui nous anime. Il faut, en conséquence, définir un espace large et clair de responsabilités pour chacun, faire de l’innovation l’affaire de tous, et dessiner un projet d’entreprise auquel ils s’identifient. Cette approche s’inscrit pleinement dans les aspirations et évolutions sociétales : développer des modèles efficients qui prennent soin de l’homme et de la nature. ⦁
Éric Balmier Éric Balmier intègre le GROUPE SOS en 1996 en tant que directeur Financier du GIE Alliance Gestion, dont il assurera la direction générale de 1998 à 2011. Depuis septembre 2011, Éric Balmier est en charge de la Synergie et Performance au sein du Groupe. Membre du directoire depuis 2008, il est également en charge des activités de Transition écologique du Groupe. Éric est diplômé en études comptables et financières et est titulaire d’un master de Management global (université Paris-Dauphine). Il est chevalier de l’ordre national du Mérite.
263 Synergie et Performance
Cyrille Brouard Cyrille Brouard, est commissaire aux comptes et associé Audit et ExpertiseComptable au sein du Groupe Mazars depuis 33 ans. Il a une forte expérience de l’audit et du conseil d’un nombre important d’associations et de fondations, souvent reconnues d’utilité publique, faisant appel ou non à la générosité du public, et poursuivant toutes des missions d’intérêt général. Il co-anime le secteur Économie sociale et solidaire chez Mazars.
réduction de notre empreinte carbone, indépendance financière, prévention des discriminations, égalité des chances et philanthropie, que ce soit directement ou au travers de la Fondation Mazars pour les jeunes en situation de handicap, un fonds de dotation destiné aux urgences humanitaires, mécénats de compétences, congés solidaires, etc. Autant d’initiatives partagées par tous et promises à un développement majeur.
Le GROUPE SOS, au cœur des territoires Entretien avec Gaëlle Tellier, membre du directoire – Territoires. Un Groupe présent partout en France
Territoires
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« Le GROUPE SOS est implanté dans toutes les régions à l’exception de la Corse et de la Martinique. Historiquement, nous avons commencé à développer nos activités principalement en Île-de-France et en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, ce qui explique le nombre très important d’établissements du GROUPE SOS dans ces régions. Le rapprochement avec de nombreux établissements dans les champs de la santé et des seniors au début des années 2010 a entraîné une forte présence du Groupe dans la région Grand Est. Depuis, nous nous sommes développés partout en France et dans les DOM-COM. »
Nos engagements sur les territoires : expertise et solidité « D’une part, l’expertise du GROUPE SOS dans ses différents métiers est un véritable gage de confiance pour les pouvoirs publics et le secteur associatif. Cela a été, par exemple, le cas avec l’ouverture de Coco Velten, à Marseille. Ce projet a été conçu, dans le cadre du Lab Zéro en partenariat avec Yes we camp et Plateau urbain, comme un site culturel et économique, ouvert à toutes et tous. Une synergie pensée pour favoriser la création de liens entre les différents publics et l’insertion des personnes en situation d’exclusion. C’est parce que le GROUPE SOS a su démontrer sa capacité à gérer l’accueil et l’hébergement de personnes vulnérables dans plusieurs dispositifs d’hébergement partout en France, que l’État lui a fait confiance pour gérer les 80 places d’hébergement pro-
Gaëlle Tellier intègre le GROUPE SOS en 2003. Elle y a exercé le métier d’assistante sociale puis des fonctions de direction d’établissement et de déléguée régionale. Elle est aussi aujourd’hui membre du directoire du Groupe en charge des territoires. Gaëlle est chevalier de l’ordre national du Mérite. posées par Coco Velten. D’autre part, le modèle du Groupe est solide tant au plan de la gestion que des finances. Et cela rassure nos partenaires. Notre solidité assure une bonne gestion de toutes nos activités. C’est ce qui motive également des établissements ou associations à se rapprocher du GROUPE SOS, afin de pérenniser et développer leurs activités tout en respectant leur identité. Ces rapprochements permettent de maintenir des activités indispensables sur les territoires ».
Deux marqueurs de l’ADN du GROUPE SOS : la transversalité et l’innovation « Notre capacité à apporter des réponses transversales a été souvent perçue comme innovante. Cela a été notamment le cas avec le déploiement de
la plateforme Petite enfance et Handicap développée par le Groupe. Mêlant l’expertise des professionnels intervenant dans les 50 établissements Petite enfance gérés par le Groupe à celle de tous ceux intervenant auprès des personnes en situation de handicap, nous avons su concevoir un dispositif innovant et adapté à la situation de jeunes enfants handicapés accueillis dans des crèches classiques. Face à l’efficacité de ce dispositif innovant, l’Agence régionale de santé a décidé de le financer durant cinq années supplémentaires en Île-de-France. C’est l’un des exemples de ce que le Groupe peut proposer sur un territoire : faire travailler des structures et métiers différents pour apporter des réponses les plus adaptées possibles, innovantes socialement. C’est ainsi qu’en Normandie, nous avons pu faire intervenir deux de nos secteurs, différents et pourtant très complémentaires – GROUPE SOS Solidarités et GROUPE SOS Transition écologique – en les faisant travailler ensemble sur l’insertion des personnes réfugiés grâce à la permaculture. Face à des besoins sociétaux non pourvus, nous sommes en mesure d’être force de proposition sur les territoires. Ce sont aussi les valeurs que le GROUPE SOS défend, à travers ses plaidoyers par exemple, qui peuvent éveiller l’intérêt au niveau local. L’exemple d’un concours comme Silver Fourchette qui vise à démontrer qu’il est impératif pour les seniors de continuer à prendre du plaisir à manger, en est une bonne illustration. Pour sa der-
nière édition, plus de 300 EHPAD dans 14 départements ont participé ! »
Coordonner et faire vivre notre présence sur les territoires
S’ouvrir sur son environnement « Une autre clé de notre présence en régions est la capacité pour nos structures à s’ouvrir sur leur environnement. Depuis plus de quinze ans, le GROUPE SOS organise les « Rencontres avec le GROUPE SOS », période de l’année pendant laquelle tous nos établissements sont invités à organiser une Journée portes ouvertes partout où nous sommes présents, en métropole, en Guyane, en Guadeloupe, à Mayotte, à La Réunion. À travers des formats d’événements très
NORMANDIE BRETAGNE PAYS DE LA LOIRE
ILE-DEFRANCE
CENTREVAL-DELOIRE
NOUVELLEAQUITAINE
GRAND-EST
BOURGOGNEFRANCHECOMTÉ
AUVERGNERHÔNE-ALPES
PROVENCEALPES-CÔTE D’AZUR
OCCITANIE
265 GUADELOUPE
LA RÉUNION
GUYANE FRANÇAISE
MAYOTTE
Entre 0 et 10 structures
Plus de 50 structures
Entre 10 et 50 structures
Plus de 200 structures
variés, nos équipes invitent leurs voisins, partenaires, élus, à venir à leur rencontre et découvrir leurs activités. Tous nos partenaires institutionnels et tous les échelons territoriaux peuvent à cette occasion découvrir nos activités. Cela contribue aussi à faire connaître le Groupe et ses différentes activités. La plupart du temps, un maire ou un acteur associatif, peuvent s’interroger sur le fonctionnement du Groupe, et ainsi mieux voir comment nous fonctionnons concrètement. Plus généralement, nous invitons souvent nos partenaires à venir visiter
nos structures et découvrir leur fonctionnement. Et nous participons de notre côté à plusieurs instances régionales : plans départementaux, contrats ville, projets territoriaux de santé… Nous pouvons y partager notre expertise et participer à l’évolution des dispositifs. Ces liens, quotidiens, avec l’ensemble des échelons territoriaux, nous permettent d’être dans une relation constructive. » ⦁
Territoires
« Une activité à fort impact social, environnemental et économique est un projet qui se construit au plus près des territoires en construction avec l’ensemble des acteurs. Pour coordonner ce développement et les différentes activités du Groupe dans toutes les régions, nous nous appuyons sur la présence de sept délégués régionaux Groupe. Pleinement implantés dans leur territoire, ces Délégués régionaux en connaissent les enjeux et peuvent faire la passerelle avec les cœurs de métiers du Groupe. Ils ont pour rôle de créer des synergies entre nos différents secteurs et de faire vivre nos différents métiers à l’échelle du territoire. En lien permanent avec les établissements et l’ensemble des directions générales, leur vision panoramique leur permet d’identifier ce que le Groupe peut apporter au niveau local. Ils y parviennent en participant à la vie associative des régions et en étant en lien avec tous les échelons territoriaux. Le GROUPE SOS est complexe, et ses activités très variées. Pouvoir se reposer sur les délégués régionaux pour faire connaître et valoriser nos activités est un véritable atout ! »
HAUTS-DEFRANCE
Répondre aux défis, par-delà les mers
DOM-COM
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Les départements et collectivités d’outre-mer (DOM-COM) accueillent une nature d’exception, sur terre comme dans la mer. Leur biodiversité remarquable d’espèces et d’écosystèmes fait de la France un des pays où le patrimoine naturel est le plus riche. Les styles de vie, l’histoire de chacun de ces territoires apportent également une richesse culturelle indéniable. Les DOM-COM vivent aujourd’hui des situations de société difficiles, qui leurs sont propres. La part des jeunes dans la population des DOM est beaucoup plus élevée qu’en métropole, allant jusqu’à 50 % de moins de 19 ans à Mayotte. À titre de comparaison, en France métropolitaine, environ 23 % de la population a 19 ans ou moins. Le taux de chômage des jeunes ultramarins demeure particulièrement élevé touchant autour de 50 % des jeunes âgés de 15 à 29 ans sur la plupart des territoires. Les causes sont multiples : illettrisme, faible réussite scolaire et universitaire, tassement de la croissance économique, accroissement des inégalités et de la pauvreté… Ces faits influencent les parcours de vie des jeunes, expliquant en partie une délinquance violente plus présente qu’en métropole. Les difficultés sont grandes. Mais pas insurmontables, c’est notre conviction. Le GROUPE SOS a donc décidé de s’engager pour lutter contre les exclusions qui frappent les DOM, et agit à travers 41 structures réparties entre Mayotte, la Guyane, La Réunion et la Guadeloupe. Zoom sur certaines de nos actions ! ⦁
Mayotte : 20 établissements, GROUPE SOS Jeunesse, Emploi, et Solidarités
À Mayotte, favoriser l’emploi grâce au patrimoine naturel Depuis janvier 2014, le service insertion par l’activité économique de notre association Mlezi Maore coordonne et développe trois ateliers et chantiers d’insertion et une entreprise d’insertion. C’est dans un cadre naturel unique que des personnes éloignées de l’emploi sont formées et réinsérées professionnellement : ils entretiennent une exploitation avicole et maraichère, des sentiers de grandes randonnées ou travaillent à la préservation et à la délimitation du patrimoine forestier.
Guadeloupe : un établissement, GROUPE SOS Jeunesse
En Guadeloupe, favoriser les projets de vie des mineurs délinquants Le Centre éducatif fermé Port-Louis accueille 12 garçons délinquants âgés de 15 à 18 ans, pour six mois. Comme tous nos CEF, il se veut ouvert sur l’extérieur. Il propose de nombreuses activités éducatives, une scolarité adaptée avec un seul objectif : permettre au jeune de se construire un projet de vie. Il initie également un travail d’accompagnement avec les familles, et essaye de maintenir les liens d’attachement avec les proches.
La Réunion : sept établissements, GROUPE SOS Jeunesse, Solidarités
À La Réunion, héberger pour mieux réinsérer Situé au centre-ville de Saint-Pierre, le centre d’hébergement et de réinsertion sociale Le Logis accueille toute personne adulte sans solution d’hébergement, marginalisée, en rupture familiale ou en situation précaire. Il propose 35 places en hébergement et un accompagnement social centré sur l’accès aux droits, et à la protection sociale pour permettre le retour à une vie citoyenne.
DOM-COM
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Guyane : 13 établissements, GROUPE SOS Jeunesse, Solidarités
En Guyane, sensibiliser les jeunes à la solidarité internationale En 2018, en partenariat avec l’association guyanaise « Ne plus jeter », les salariés et jeunes des centres éducatifs renforcés Guyane et TI’KAZ ont collecté des fournitures scolaires pour les jeunes favorisés défavorisés de la région du Macapa, au Brésil. L’équipe éducative est ensuite partie au Brésil pour donner les fournitures aux enfants, et échanger sur les bonnes pratiques pour faire face aux défis communs que rencontrent les institutions de chaque territoire.
Gouvernance « Démocratique et collégiale, au service de l’intérêt général, tournée vers l’efficacité économique, dénuée d’actionnaires… La gouvernance du GROUPE SOS interpelle. L’université d’Harvard lui a par exemple consacré une étude complète en 2016. Le GROUPE SOS se définit comme une entreprise d’intérêt général, c’est-à-dire une entreprise qui entend démontrer qu’il est possible de bâtir une organisation solide, capable de créer et pérenniser des activités économiques tout en ayant un fort impact positif sur la société. Personne n’est propriétaire de quoi que ce soit au sein du GROUPE SOS, ce qui exclut tout versement de dividendes à des personnes physiques. Cela nous permet de nous concentrer sur la qualité du service rendu, notamment à travers de nombreuses innovations sociétales pour répondre toujours mieux aux enjeux de notre époque. »
Gouvernance
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Que ce soit avec les pouvoirs publics, des entreprises « classiques », ou des partenaires associatifs, le GROUPE SOS inscrit son action dans une dynamique de co-construction. Fort de ses savoir-faire et des outils de gestion qu’il a développés, il a accueilli de nombreuses associations. Toutes ont créé des synergies, professionnalisé leurs pratiques, mutualisé leurs dépenses, inventé ensemble de nouvelles solutions… Tout en préservant et développant leur savoir-faire, leur impact et leur identité. Nos 550 établissements disposent d’une autonomie importante. Notre modèle est davantage celui du banc de poissons que de la baleine. Des instances décisionnelles existent cependant au niveau du Groupe et des entités qui le composent pour s’assurer du bon fonctionnement de nos activités et de leur adéquation avec nos tration de ces associations ont les mêmes prérogatives que dans le cadre d’une association type loi 1901 : valeurs. Ce mode de gouvernance s’exprime par la réunion régulière de nos instances sta- - Les assemblées générales ont une compétence et une mistutaires - dont les membres ont une très bonne sion de surveillance générale ; elles approuvent les rapports connaissance des problématiques et des sujets annuels d’activité et de gestion, les comptes ; affectent les abordés - et par la formation de commissions résultats et procèdent régulièrement au renouvellement thématiques. des mandats des membres des conseils d’administration et des membres du directoire. L’architecture juridique du GROUPE SOS repose sur les quatre Associations mères que sont - Les conseils d’administration ont la mission de définir les GROUPE SOS Solidarités, GROUPE SOS Seniors, orientations des associations fondatrices et de leur filiales, GROUPE SOS Santé et GROUPE SOS Jeunesse. mais également de contrôler leur mise en œuvre par le L’ensemble des entités du Groupe (associations, directoire. Les conseils s’adjoignent les compétences de filiales, coopératives immobilières, sociétés commissions spécialisées. Leurs attributions et règles de commerciales) découle de ces associations mères. fonctionnement sont fixées par décision du conseil ou le règlement de fonctionnement de l’association. Ces comChaque assemblée générale d’association mère missions peuvent émettre tous avis et recommandations élit un conseil d’administration, composé à l’attention des membres du conseil d’administration. d’administrateurs personnes physiques. Les assemblées générales et conseils d’adminis- À titre d’illustration, les conseils ont institué depuis plu-
Benjamin Duclos Secrétaire général auprès du directoire | Directeur général du GIE Alliance Gestion
- Le Comex Groupe est le lieu de partage et de contribution à la stratégie du Groupe entre le directoire et les dirigeants de secteurs et pôles et les directions transversales - L es stratégies du Groupe et de ses entités membres sont également partagées avec les directeurs d’établissements, l’ensemble des cadres et des équipes du Groupe au moins une fois par an lors d’événements participatifs. - Des dispositifs ont été mis en place afin que chaque salarié du Groupe puisse faire connaître facilement et simplement ses remarques sur le fonctionnement du Groupe, suggestions, critiques, souhaits d’évolution, projets… Un programme « intrapreneuriat » a permis à plusieurs salariés du Groupe de créer et mettre en œuvre un projet qui leur tenait à cœur. - L es bénéficiaires de nos établissements sont impliqués régulièrement dans la vie de leur structure. Regroupant un collège d’experts, un conseil de la bientraitance contrôle et interroge en permanence nos pratiques depuis 2012, pour que la question du bien-être de nos usagers soit omniprésente dans le quotidien de nos établissements.
Respect et égale dignité des personnes
Le respect des personnes passant par la qualité de l’accueil qui leur est proposé, il porte une attention particulière aux conditions d’hygiène, de confort, d’intimité et d’esthétique des lieux d’accueil.
Égalité des droits et des chances
sieurs exercices une commission des finances et de l’audit qui a pour objet l’examen des comptes, des budgets prévisionnels, et l’analyse de l’efficience des procédures financières et budgétaires en vigueur. Cette commission est habilitée à émettre tous avis et recommandations au conseil d’administration. - Le directoire, constitue l’instance exécutive nationale de mise en œuvre des délibérations et orientations qui ont été définies par les conseils d’administration. Il détermine les stratégies du Groupe et de ses membres dans le cadre de ces orientations.
Refusant toute forme de discrimination quel que soit son fondement : le sexe, les origines ethniques ou sociales, la langue, la religion, les opinions politiques, la fortune, la naissance, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, il s’engage à respecter l’égalité des droits et des chances à tous les niveaux de son action et à la promouvoir au sein de la société.
Fraternité et émancipation Le GROUPE SOS fonde son action sur la richesse personnelle que recèle tout individu, et qui peut être utile à l’ensemble de ses contemporains.
Laïcité Le GROUPE SOS est une organisation laïque, qui n’est l’émanation d’aucun courant religieux ou politique. Il lutte contre les exclusions et vient en aide aux personnes en difficultés en ayant en permanence la volonté de promouvoir les principes de tolérance, de respect des croyances et des convictions politiques. Les interventions sociales, éducatives ou sanitaires assurées par les professionnels du Groupe s’effectuent dans le cadre d’une stricte neutralité vis-à-vis de l’usager. ⦁
269 Gouvernance
Le GROUPE SOS a la volonté de répondre au plus près aux besoins des personnes dans le respect de leur identité. Son action vise à favoriser leur autonomie et leur capacité d’expression afin que chacun puisse avoir les moyens d’exercer ses responsabilités de citoyen.
Les conseils d’administration du GROUPE SOS
Conseils d'administration
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GROUPE SOS JEUNESSE
GROUPE SOS SOLIDARITÉS
GROUPE SOS SANTÉ
GROUPE SOS SENIORS
Mme Sophie FERRACCI Présidente
Mme Caroline CROCHARD Présidente
Mme Nadine AJZENBERG Présidente
Mme Agnès AUDIER Présidente
Magistrate | Diplômée de Sciences Po Paris.
Professeur en médecine spécialisée en hématologie biologique à l'APHP
Senior advisor auprès du Boston Consulting Group | Ancienne élève de l’École normale supérieure (ENS), ingénieure en chef du Corps des Mines et diplômée de Sciences Po Paris | Chevalier de la Légion d’honneur
Avocate | Ancienne cheffe de cabinet du ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique, et de la ministre des Solidarités et de la Santé | Cadre dirigeante d’un établissement public au service du développement économique et social dans les territoires | Diplômée d’HEC — M. Frédéric FRANCHET Secrétaire Dirigeant de société de conseil en organisation d'entreprise M. David MOREL Trésorier Chef d'entreprise | Agent général d'assurance M. Paul-Henri d'ERSU Administrateur Retraité | Ancien directeur du département Afrique et Asie à l'AFPA M. Laurent BALMIER Administrateur Dirigeant de société Mme Christine ESCHENBRENNER Administratrice Professeur et coordonnatrice du programme pédagogique de l'Opéra National de Paris "Dix mois d'école et d'Opéra" M. Arnaud MOUROT Administrateur Directeur général Ashoka France/ Belgique/Suisse M. Albin GAUDAIRE Administrateur Directeur du mécénat Institut du cerveau et de la moelle épinière M. Nicolas MESSIO Administrateur Sales & Distribution senior manager chez Disneyland Paris
— Mme Amina SLAOUI Secrétaire Présidente d’association spécialisée dans le handicap | Chevalier de la Légion d’honneur M. Lionel PALASI Trésorier Expert-comptable | Contrôleur financier dans le secteur bancaire Mme Christine ROUZIOUX Administratrice Professeure émérite en virologie à la faculté de médecine de Necker, Université Paris Descartes | Membre de l’équipe des prix Nobel de médecine de 2008 pour la découverte du VIH | Membre de l’Académie nationale de pharmacie et de l’Académie nationale de médecine | Commandeur de la Légion d’honneur M. Bruno CHATELIER Administrateur Consultant en stratégie d’entreprise et de communication M. Matthias LERIDON Administrateur Président d’une société de conseil en communication | Chevalier de la Légion d’honneur M. Michel SUCHOD Administrateur Conseiller d’État | Ancien viceprésident de l'Assemblée nationale Mme Odile VALETTE Administratrice Magistrate M. Owen-Basile MARSH Administrateur Network planning manager Air France
— Mme Chékéba HACHEMI Secrétaire Première diplomate afghane | Consultante | Chevalier de l'ordre national du Mérite M. Simon BLIN DESPRÉS Trésorier Dirigeant d'une entreprise de BTP M. Pierre POLOMENI Administrateur Médecin psychiatre, addictologue à l’APHP Mme Catherine TOURETTE-TURGIS Administratrice Sociologue | Professeure à la Sorbonne et chercheure au CNAM | Fondatrice de l'Université des Patients | Chevalier de la Légion d'honneur M. Stéphane GODIN Administrateur Directeur du pôle média d'un site Internet Mme Imène KADDACHE Administratrice Cadre informatique
— M. Vincent BRETIN Secrétaire Directeur général d'une entreprise de gestion immobilière M. Éric MONIOT Trésorier Administrateur civil au ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie (MINEFI) | Secrétaire général de LCP-AN M. Alain REGNIER Administrateur Préfet délégué général pour la coordination de l’hébergement et de l’accès au logement des personnes sans abri ou mal logées auprès du Premier ministre | Chevalier de l’ordre national du Mérite Mme Léa DOMENACH Administratrice Réalisatrice - Auteure M. Arnold MONTGAULT Administrateur Journaliste - Réalisateur
Écrire pour transmettre, lire pour agir Citoyens, entreprises, acteurs publics, entrepreneurs sociaux… Nous en sommes convaincus, chacun a quelque chose à apporter à ses contemporains. Pour construire ensemble un monde plus juste, il est utile de s’inspirer de l’expérience des autres. Qu’il s’agisse de réalisations ou de réflexions engagées, de l’histoire atypique du GROUPE SOS et du parcours de son président fondateur, Jean-Marc Borello.
Auteur de nombreux ouvrages dédiés à l'entreprise sociale, Jean-Marc Borello, président du GROUPE SOS, invite chacun à imaginer les perspectives possibles pour construire un monde plus juste. Dans son livre L’Entreprise doit changer le monde (Débats Publics, 2019), JeanMarc Borello appelle l’entreprise à devenir le pivot de l’émancipation individuelle et de l’amélioration collective. Acteur libre, elle doit trouver les moyens concrets de changer le monde. C’est afin d’entraîner le plus grand nombre dans son sillage que Jean-Marc Borello a tenu à livrer son expérience et ses convictions dans son ouvrage Pour un capitalisme d’intérêt général (Débats Publics, 2017). Dans Manifeste pour un monde solidaire (Cherche midi, 2015), Jean-Marc Borello et Jean-Guy Henckel (directeur du réseau Cocagnes) partagent leur vision d'un autre monde, plus solidaire, et nous rappellent l’importance de valeurs sociales fortes comme la démocratie, la solidarité, la participation, la citoyenneté, l’inclusion. Les pieds sur terre, la tête dans les étoiles (Rue de l’échiquier, 2013) invite le lecteur à découvrir comment
les équipes du GROUPE SOS inventent sans cesse de nouveaux moyens de mettre l'efficacité économique au service de l'intérêt général. L’entreprise du xxie siècle sera sociale ou ne sera pas (Rue de l’échiquier, 2012) est un manifeste pour un entrepreneuriat social décomplexé. Une méthode pour dépasser les logiques de profits à court terme, au bénéfice de l'homme et de son environnement. Retraçant l’histoire du GROUPE SOS depuis sa création, sa philosophie d'action, SOS contre toute attente (Rue de l’échiquier, 2009) donne la parole à Jean-Marc Borello sous la forme d’entretiens.
De belles rencontres, au fil des pages
À travers Rencontres, publié à l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés en 2018, GROUPE SOS Solidarités a souhaité retranscrire son engagement en faveur des réfugiés et des demandeurs d’asile. L’objectif est de mettre en lumière le travail des équipes et le parcours des personnes accompagnées.
Le Journal du Sida 2.0
UP TO YOU, les clés pour participer tous à la vie de la Cité
Plus qu’un témoin de l’histoire de la lutte contre le VIH/Sida, le Journal du Sida était la tribune indépendante pour tous les acteurs de cette lutte entre 1988 et son arrêt en 2013. En 2018, l’association ARCAT (GROUPE SOS Solidarités) lui a donné (re)naissance en lançant un site Internet. Il propose une version numérique des articles publiés ces vingt-cinq années et publie des actualités, dossiers thématiques pour suivre les enjeux d'aujourd'hui et les évolutions médicales et sociales liées à la lutte contre le VIH.
Comment, à notre échelle, influer sur un monde globalisé, toujours plus complexe ? C’est la question à laquelle entend répondre UP TO YOU. Cet ouvrage fourmille d’initiatives associant innovation, plaisir et quête de sens, et dessine un projet de société novateur, dans lequel les citoyens sont les acteurs du changement.
Fort de son modèle atypique, le GROUPE SOS a inspiré les médias étrangers. L'Économiste, premier quotidien économique du Maroc, The Guardian (Royaume-Uni), etc., mais également dans un article sur « l'une des plus grandes entreprises sociales au monde », publié en 2013 dans Harvard Business Review. ⦁
En 2018, Jean-Marc Borello a remis à Muriel Pénicaud, ministre du Travail, son rapport intitulé Donnons-nous les moyens de l’inclusion. En cinq chapitres, il y exprime des recommandations pour permettre aux personnes en difficulté de retrouver leur place dans la société. Parce que personne n’est jamais au bout de son histoire.
271 Publications
L’expérience et la vision du président du GROUPE SOS
Une démarche transversale pour l’égalité entre les femmes et les hommes Aujourd’hui, le débat sur l’égalité femmes-hommes occupe une place importante dans notre société. Le GROUPE SOS agit au quotidien pour faire évoluer les mentalités. Focus sur sept initiatives innovantes portées en faveur de l’égalité femmes-hommes et des droits des femmes. Combattre les stéréotypes avec PLAY International À travers le kit Filles-Garçons du programme Playdagogie, PLAY International apprend aux enfants à identifier, comprendre et combattre les effets des stéréotypes et discriminations dont sont victimes filles et garçons, tout en favorisant l’intégration de toutes et tous. Cet apprentissage dès le plus jeune âge permet de prévenir la persistance de comportements discriminatoires qui affectent nos sociétés.
Égalité femmes/hommes
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Rendre les femmes actrices de leur bien-être avec Santé Plurielle Le programme Santé Plurielle vise à favoriser l’accès à la santé pour des femmes en situation de précarité, ayant vécu des parcours traumatiques et violents. En fédérant un réseau de partenaires médico-sociaux pour répondre à leurs souffrances physiques et psychiques, Santé Plurielle déploie des actions à l’attention des professionnel.le.s (formations, échanges de bonnes pratiques…) et des femmes accompagnées (actions de prévention, d’expression, consultations médicales...).
Joséphine, la beauté et le bienêtre comme leviers d’insertion L’association Joséphine s’adresse aux femmes fragilisées dans leur parcours de vie. En utilisant les soins de beauté et de bien-être comme levier d’insertion sociale et professionnelle, Joséphine permet aux femmes de se réconcilier avec leur image et de renouer avec leur corps, en leur apportant du bien-
être et en leur redonnant confiance. Ce regard positif sur soi-même est primordial pour se reconstruire socialement, accéder à l’emploi et trouver sa place au sein de la société.
Améliorer la santé des femmes migrantes avec l’École des Femmes Créée en 2002 à Bordeaux, l’École des Femmes a pour mission d’améliorer la santé des habitants, spécifiquement des femmes migrantes. L’École des Femmes favorise l’accès aux droits, à l’information et aux soins via une médiation et de l’interprétariat entre publics bénéficiaires et institutions sanitaires, sociales et scolaires. Elle développe également des actions de prévention et de promotion de la santé à destination des femmes.
Soutenir les mères isolées avec Parrains par mille À travers la mise en place de parrainages socio-culturels ou scolaires entre des enfants et des parrains bénévoles, Parrains par mille agit en faveur de mères isolées en leur offrant des moments de répit, durant lesquels elles peuvent se consacrer à leur projet professionnel ou personnel. La plupart des bénéficiaires étant des familles monoparentales, à 95 % représentées par des femmes, le parrainage apporte un véritable relai dans l’éducation de leur(s) enfant(s).
Favoriser l’autonomie des femmes afghanes avec Afghanistan Libre L’Afghanistan est encore considéré comme l’un des pays où la condition féminine est la plus précaire. Depuis sa création en 1996, Afghanistan Libre se donne comme objectif de favoriser l’autonomie des Afghanes, de leur permettre d’accéder à leurs droits et d’être actrices du développement de leur pays. Pour cela, l’association développe des programmes d’accès à l’éducation et à la santé, de suivi psycho-social et d’activités génératrices de revenus.
Une démarche transversale pour l’égalité et l’empowerment des femmes Le GROUPE SOS a lancé une vaste réflexion pour mobiliser la politique RH en faveur de l’égalité professionnelle (égalité salariale, lutte contre le sexisme ordinaire et les violences, mixité…). Cette dynamique a également vocation à se déployer auprès de nos bénéficiaires, autour des problématiques liées aux violences, à la déconstruction des stéréotypes et l’accès aux services essentiels (santé, emploi…). Parmi les premières actions engagées, un groupe de travail dédié au repérage et à l’accompagnement des femmes victimes de violences conjugales a été mis en place au sein des établissements de GROUPE SOS Solidarités. ⦁
Le GROUPE SOS apporte son expertise dans le débat public
En 2018, le GROUPE SOS lance sa première série de plaidoyers. Vingt porte-paroles sont choisis pour leur expertise sur les principales thématiques portées au quotidien par les équipes du GROUPE SOS : seniors, mobilité inclusive, lutte contre le VIH, transition numérique, protection de l’enfance, habitat et action sociale, transition écologique, addictions, protection judiciaire de la jeunesse, emploi, petite enfance, culture, action internationale, accompagnement à l’entrepreneuriat, Europe, handicap, finances & participations, droit des personnes LGBT+, synergies & performance,société civile et santé. Ils portent de manière collective la voix du GROUPE SOS. Les plaidoyers, en partant de notre constat, de nos attentes et de notre expérience de terrain, dressent un bilan de la situation de chacun de ces sujets, affirment la position du GROUPE SOS en accord avec sa philosophie et ses valeurs, et formulent des propositions d’évolutions à destination des acteurs et décideurs publics. Il peut s’agir d’évolutions législatives, de refonte de l’organisation ou du mode de financement d’un secteur, de déconstruction de préjugés à l’égard d’un public, de promotion d’une innovation sociale expérimentée au GROUPE SOS et qui a fait ses preuves. Le plaidoyer est formalisé dans un document écrit, et chaque porte-parole le présente lors d’un événement de lancement lors duquel il remet les propositions du GROUPE SOS à un acteur public pertinent. Il poursuit ensuite un travail de promotion de ces propositions et cherche à faire porter la voix du GROUPE SOS dans le débat public, pour faire évoluer la situation des personnes accompagnées par ses établissements et services. Le GROUPE SOS, première entreprise d’intérêt général d’Europe, fort de ses 18 000 salariés engagés chaque jour au service d’une société plus juste, inclusive et durable, de 35 ans d’expertise dans la lutte contre toutes les exclusions et de sa capacité à toujours inventer et expérimenter de nouvelles solutions, décide à présent de faire entendre sa voix pour participer à la construction de notre futur partagé.
… Et bientôt un IMPACT TANK, pour transformer nos intuitions, issues de la pratique en données objectivées À l’occasion de ses 35 ans, le GROUPE SOS lance son IMPACT TANK. Laboratoire d’idées s’appuyant sur des études scientifiques menées au sein du GROUPE SOS, l’IMPACT TANK est un projet qui se veut ouvert sur notre environnement. Depuis 35 ans, le GROUPE SOS est une immense base de données sur la qualité de la prise en charge dans les secteurs sanitaires, médico-sociaux et sociaux, fourmillant d’exemples d’innovations sociales réussies, de nouvelles manières d’accompagner et d’émanciper ceux qu’il accompagne. Il est temps de transformer les intuitions de nos salariés, issues de leur pratique de terrain, en données scientifiquement étayées. En évaluant l’impact de nos manières d’accompagner et de prendre soin des personnes accueillies en termes sociaux, économiques et environnementaux, et en les rendant publics, nous lançons un débat pour chercher collectivement à toujours faire mieux. Plus que le tank du GROUPE SOS, l’IMPACT TANK a vocation à s’ouvrir à tous ceux qui souhaitent poursuivre une démarche comparative et transnationale basée sur la mesure d’impacts, pour dépasser des modèles supposés inconciliables, faire converger les meilleures pratiques pour qu’ils bénéficient à davantage de personnes, et continuer à inventer ensemble le monde de demain. ⦁
273 Et demain ?
Des plaidoyers pour influencer les politiques publiques…
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« Ces quelques lignes que l’on m’a proposé d’écrire ne suffisent pas à exprimer les émotions ressenties pendant ces quatre mois de reportages consacrés à ce projet. Tourné vers l’humain et le partage de valeurs communes, j’ai vécu cette expérience avec un réel engagement personnel. Il a fallu rentrer dans l’intimité de personnes aux situations compliquées sans trahir la confiance qu’ils m’ont accordée. Comme un fil conducteur, tout au long de ces vingt reportages, la générosité rencontrée au sein de chaque établissement m’a reconnecté avec les raisons pour lesquelles je suis devenu photographe. Je souhaite adresser de sincères remerciements aux équipes qui nous ont accueillies, aux personnes qui ont acceptés de se faire photographier et à l’équipe communication pour avoir su faire exister ce magnifique projet auquel je suis particulièrement fier d’avoir participé. Et maintenant ? L’aboutissement de ce projet est entre vos mains et la suite de l’histoire ne demande qu’à être photographiée. » Brian du Halgouet Photographe indépendant www.brian-dh.com
Un livre édité par Presscode - Studio du Mouvement UP Directeur de la publication : Jean-Marc Borello Coordinatrice : Morgane Dereeper Rédaction : Pierre-Antoine Chevallier, Lucile Démolin, Morgane Dereeper, Matthieu Droulers, Quentin Dubourg, Nicolas Froissard, Sofiane Kherarfa, Inès Revolat. Photographie : Brian du Halgouet, à l’exception des photos des intervenants externes au GROUPE SOS pour les interviews croisées et des photos des pages 197, 198, 199, 200 et 202. Direction artistique et production : Antonin Doussot. Illustrations : Sophie Antkowiak, Antonin Doussot, Aurélie Espert, Patrice Ithany, Gabrielle Lemaignan, Nicolas Naudon, Maxime Samouiller. Sécrétariat de rédaction : Geoffrey Chappelle, Philippe Lesaffre, Hélène Gronier (leclicetlaplume.fr), Carole Bouché (calliope-corrections.com). Nous remercions toutes les équipes et bénéficiaires des établissements du GROUPE SOS au cœur des reportages de ce livre : le SAJE 22, le CER 93, Oribi Village, PLAY International, l’hôpital Mont-Saint-Martin, l’EHPAD Michel Dinet à Villerupt, la plateforme de mobilité Wimoov à Saint-Avold, le multi-accueil Les Robinsons, FAR, UP Factory, le chantier d’insertion La Cistella de Marianne, le CADA Luciole, Le Comptoir, Té-Créateur d’instants, Acta Vista, La Corniche, le Checkpoint, Reconnect et le CAARUD Le Kaléidoscope, l’IME Anatole France, Santé Plurielle et le CHU Plurielles. Nous remercions également l’ensemble des personnalités ayant accepté de répondre aux interviews croisées de ce livre. P6 : illustrations Sophie Antkowiak | P8-9 : illustrations © Istock | P18-19 : illustrations Gabrielle Lemaignan | P20-21 : portraits Aurélie Espert | P3031 : illustrations © Istock | P32-33 : portraits Patrice Ithany d’après photo © Marie-Laure Houzé | P35 : photo © Marie-Laure Houzé | P42-43 : illustrations Gabrielle Lemaignan | P45 : portraits Gabrielle Lemaignan | P56-57 : illustrations © Istock | P58-59 : portraits Antonin Doussot d’après photo © Mathilde de l’Ecotais | P61 : photo © Mathilde de l’Ecotais | P68-69 : illustrations Maxime Samouiller | P70-71 : portraits Gabrielle Lemaignan d’après photo © JL AVENIR - © Arnaud Bouissou | P73 : photo © JL AVENIR - © Arnaud Bouissou | P83 : illustration Maxime Samouiller | P84-58 : portraits Sophie Antkowiak - Photo : © Benoit Granier | P86 : photo © Benoit Granier | P94-95 : illustrations © Istock | P96-97 : portraits Gabrielle Lemaignan d’après photo © Benoit Granier | P99 : photo © Benoit Granier | P110-111 : illustrations Sophie Antkowiak | P112-113 : portraits Gabrielle Lemaignan | P124-125 : portraits Antonin Doussot d’après photo © Xavier Renauld | P127 : photo © Xavier Renauld | P129 : portraits Nicolas Naudon | P132-133 : illustration © Istock | P142-143 : illustration Maxime Samouiller | P144-145 : portraits Patrice Ithany | P156-157 : illustration © Istock | P158-159 : portraits Gabrielle Lemaignan d’après photo © Fabien Baunay | P161 : photo © Patrick Dagonnot | P176-177 : illustrations © Istock | P179 : portraits Antonin Doussot d’après photo © Laurent Menec | P181 : photos © Laurent Menec - © Karl Dyson | P190-191 : illustrations © Istock | P193 : portraits Aurélie Espert | P204-205 : illustrations Gabrielle Lemaignan | P206-207 : portraits Antonin Doussot d’après photo © Thierry Rateau | P209 : photo © Thierry Rateau | P212 : illustration Maxime Samouiller | P220 : illustrations Maxime Samouiller | P222-223 : portraits Patrice Ithany | P232-233 : illustrations Patrice Ithany | P234-235 : portraits Gabrielle Lemaignan d’après photo © Hélie Gallimard | P237 : photo © Hélie Gallimard | P244-245 : illustrations © Istock | P247 : portraits Sophie Antkowiak d’après photo © Vanessa Chambard. | P249 : photo © Vanessa Chambard. | P250-251-252-253 : illustrations © Istock | P254 : portraits Nicolas Naudon d’après photo © Alain Bujak - © Jean-François Deroubaix | P257 : photo © Alain Bujak - © Jean-François Deroubaix | P258259 : portraits Gabrielle Lemaignan d’après photo © Stephane Remael - La Company | P261 : photo © Stephane Remael - La Company | P264-265 : illustrations Gabrielle Lemaignan | P266-267 : illustration Sophie Antkowiak | P271 : illustration © Istock Impression : Aubin imprimeur - Chemin des Deux Croix - CS 70005 86240 Ligugé - aubinimprimeur.fr
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Une entreprise d’intérêt général