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Epicentro del Mal
from Disparates 03
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Les maux. Petit monologue
J’aimerais vous parler de choses graves, importantes, mais je ne peux pas. Les mots sont coincés sous ma langue... enfin pas coincés, plutôt cachés. Ils se sentent bien là, c’est chaud et humide, alors ils restent, et ils s’enfoncent confortablement dans la muqueuse. Je claque ma langue, je la retourne dans tous les sens, je la secoue comme un tapis mais ils ne bougent pas. Ils se cachent et ils pensent que je vais les oublier. Mais je me concentre, je ne veux pas les oublier, ce que j’ai a dire est trop important.
Je vais me faire opérer, avec un scalpel on extrait tous les mots cachés. Un scalpel qui va les déloger, et les jeter tous nus sur la table d’opération. Tremblants sur le métal glacé, je les reconnaîtrai, et je saurai. Je les attraperai et je les enfoncerai dans mes oreilles. Un à un, ils reprendront leur place dans mon cerveau. Et je les dirai tous, je les cracherai à la gueule du médecin, pour voir. Pour voir s’ils sont aussi puissants que je le crois. Peut-être que ça va le décapiter ! Ça ne sert plus à rien un médecin sans... Sans... Vous savez... Voila sans... (Désigne son visage) Ça. Dés fois j’ai mal à ça, des petits clous dans mon cerveau.
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Je connais un homme qui est mort. Il ne faisait plus attention à ses mots, il en avait de plus en plus lovés entre ses dents et, à force, il s’est étouffé dans son discours. Un discours dont il se gargarisait d’ailleurs, mais qu’il n’a jamais pu prononcer. L’opération est chère, alors en attendant j’utilise une technique artisanale. Le moment où les mots sont les plus vulnérables, où ils remontent à la surface, c’est durant le sommeil. Lorsque je sors du sommeil, avant même d’ouvrir les yeux, je fourre ma main dans ma bouche et parfois j’arrive à en attraper un. La dernière fois c’était « clé ». Clé. J’étais bien contente, maintenant je peux ouvrir ma serrure.
Écrit par Iris Richert Illustré par Yannick Meric