Horizontale, In the family of things de Rosy Lamb est accrochée dans l’atelier, la toile enchâssée sur un large cadre de bois, peinte à l’huile. Au premier plan, un corps de femme est allongé. Le regard pénètre presque instantanément dans ses cuisses. Happé par une touche orange vif. Puis, l’œil circule le long d’une surface penchée, une table peut-être. Des formes humaines mêlées d’objets font face au corps quand elles ne l’incarnent pas. Le tout semble nappé d’une brume pastel. Les gris omniprésents teintés de bleus, de blancs aux nuances violacées se fondent dans les éléments en présence. Leur matérialité importe autant que celles des corps, celle du gris clair turquoise visible en traversant les jambes, tout particulièrement. Lumineux, palpable, tangible, il a la consistance d’une crème épaisse, de celle qui nimbe les gâteaux. Comme si pour voir clair, il fallait regarder au-delà des formes, à travers les formes. Des verts, des noirs, des jaunes émergent alors. Touches franches, issues d’une autre temporalité, elles contrastent avec cette sensation silencieuse dégagée par le calme des nuances.
Rosy Lamb, in the family of things, huile sur toile, 100x143 cm, 2020 Š
Profonde, l’œuvre de Rosy Lamb se révèle à la fois intense et intime. Difficile à appréhender, à pénétrer, sa figuration alimente un mystère latent, dont l’incandescence se situerait en dessous de la surface, hors d’atteinte. À l’intérieur. Ses œuvres naissent dans son atelier clos, ouvert à la lumière. Son corps face au chevalet, sa palette à ses côtés, qui contient ses nuances de couleurs souvent préparées le matin. L’œil acéré et cristallin, Rosy Lamb regarde. Elle pose une touche, l’étale, essuie son pinceau et regarde à nouveau. « Et encore un temps pour cent indécisions, Et pour cent visions et cent révisions, Avant d’aller prendre un toast et le thé » chante Alfred Prufrock (1). Cette phrase ne pourrait mieux illustrer ce à quoi l’artiste s’attèle sans relâche, sa tasse fumante et ses œufs brouillés non loin de là.
Rosy Lamb, revision III, huile sur plâtre, 50x40 cm, 2020 ©
Rosy Lamb, the sacrifice, huile sur plâtre, 52x77 cm, 2020 ©
Devant elle, étendue sur une table, un corps nu se mélange aux sculptures, à des objets divers, du pot de confiture vide à la coupelle de fruit, aux bronzes sortis de la fonderie. « J’ai mis du temps à être transparente pour elle et elle à être transparente pour moi » me confie-t-elle, en évoquant le modèle. Sa recherche du visible contourne la question du sujet. Les formes qu’elle regarde lui permettent de sculpter la peinture, comme s’il s’agissait d’un morceau entier de glaise qu’elle malaxait. Les mots de Maurice Merleau Ponty dans son essai L’Œil et l’Esprit ne pourraient mieux résumer notre regard face aux œuvres de Rosy Lamb : « Je serais bien en peine de dire où est le tableau que je regarde. Car je ne le regarde pas comme on regarde une chose, je ne le fixe pas en son lieu, mon regard erre en lui comme dans les nimbes de l’être, je vois selon ou avec lui plutôt que je ne le vois. » (2).
Juliette Bonhoure
(1) T.S. Eliot, « La Chanson de J. Alfred Prufrock, le mal-aimé », 1911 Alain Liepietz, « Traduire Prufrock selon Eco », Acta fabula, vol. 9, n°1, 2008 (2) Maurice Merleau-Ponty, L'Œil et l'Esprit, 1964
GUIDO ROMERO PIERINI Directeur guidoromeropierini@gmail.com +33 6 89 08 91 66
LESLIE SENA FERNANDES Responsable Galerie leslie.senafernandes@gmail.com +33 6 13 92 50 94
Vernissage le 18 mars 2020 Ă partir de 18h Exposition du 19 mars au 11 avril 2020 de 11h Ă 19h
37 rue Chapon 75003 Paris