TFE - Guillaume Burietz

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L E TO I T- T E R R A S S E : U N E P I È C E D E V I E



GUILLAUME BURIETZ

L E TO I T- T E R R A S S E : U N E P I È C E D E V I E

Énoncé théorique dirigé par Matthieu Meunier 2016 - 2017



Ce travail de recherche a été réalisé dans le cadre de la validation du Master d’Architecture de la faculté UCL - LOCI Tournai.



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Mes remerciements vont à toutes les personnes qui m’ont permis de mener à bien la réalisation de ce Travail de Fin d’Étude. Merci à Matthieu Meunier, architecte et promoteur de ce travail, pour ses conseils et son soutien au cours de ce travail. Merci à Olivier Bourez et Renaud Pleitinckx, architectes et co-promoteurs, de m’avoir suivi et conseillé lors des ateliers de recherche en et sur l’architecture. Merci à Christian Gilot, architecte, pour ses précieux conseils et la lecture de cet écrit. Merci à Anne-Sophie Vanhelder pour sa patience, son soutien et pour les différentes discussions qui ont pu enrichir mon travail. Enfin, merci à mes parents qui m’ont toujours permis d’entreprendre ce que je voulais et sans qui je n’aurais pu avoir la chance de faire ces études.


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INTRODUCTION CHAPITRE PREMIER

TOUR D’HORIZON 17

01. QU’EST-CE QU’UNE PIÈCE ? L’espace délimité

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02. QU’EST-CE QU’UN TOIT ? L’épiderme aérien

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03. CATÉGORIES D’USAGES DE TOIT Végétalisé, nourricier, récepteur, équipement, convivial

CHAPITRE DEUX

LE LIEU LÀ-HAUT 47

04. DU SOL AU TOIT La poésie du parcours

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05. UNE PIÈCE ENTRE L’HOMME ET LE CIEL Le bord, l’eau, l’air, la lumière

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06. RENDEZ-VOUS SUR LE TOIT Lieu d’interactions publiques


CHAPITRE TROIS

IMAGINAIRE DU CIEL ET UTOPIES URBAINES 07. TRANSGRESSION L’homme est un chasseur

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08. CONTEMPLATION La tête dans les nuages

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09. EXPRESSION Toit, mon médium

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CHAPITRE QUATRE

SUR LES TOITS DE BRUXELLES

10. LE CHÂTEAU DES MARAIS Plongée, contre-plongée

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11. LE PONT GRAY-COURONNE Topographies naturelle et artificielle

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12. UNE BIBLIOTHÈQUE DE QUARTIER Les toits habités

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POUR COURONNER LE TOUT

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Bibliographie Thématique

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Iconographie

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Annexes

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INTRODUCTION

On a tous le souvenir d’un moment particulier passé sous ou sur un toit. C’est en prenant de la hauteur dans les dernières villes que j’ai visitées ou habitées que je me suis rendu compte du privilège que l’on ressentait d’être sur les toits. Que l’on soit au sommet du clocher de la ville, au dernier étage de son appartement ou sur le toit en y accédant par la fenêtre du grenier, de là-haut, plus un bruit. D’un coup d’œil, aux quatre vents, une vue plongeante sur tous les évènements du quotidien s’offre à nous: un coucher de soleil à l’horizon, les voisins au balcon, les gens qui prennent un café en terrasse, la circulation, les oiseaux, le lointain... Outre cet agréable sentiment que l’on ressent là-haut face au paysage, je me suis demandé si l’architecture sur le toit pouvait impacter ce ressenti. Je me suis alors énormément renseigné sur quelques architectures aériennes accessibles tout en veillant à ne pas juste noircir des pages par pur plaisir d’accumuler l’ensemble des exemples incontournables en matière de toiture. Même si l’histoire de l’architecture de la toiture est riche, infinie et passionnante, il s’agira dans ce travail d’essayer de comprendre les différents outils qui qualifient et spatialisent les toitures plates accessibles. Car si le salon, la chambre et la cuisine sont sans conteste des pièces de la maison, qu’en est-il pour la terrasse sur le toit lorsqu’elle est accessible ?


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LE TOIT-TERRASSE: UNE PIÈCE DE VIE

Même si la question peut paraître anodine et la réponse évidente, ce questionnement souligne en filigrane des notions d’espaces et de limites qui nuanceront le propos.

Afin de mieux appréhender la question, ce Travail de Fin d’Étude (TFE) est organisé en quatre chapitres thématiques, eux-même découpés en trois rubriques. Le chapitre premier intitulé Tour d’horizon, balaiera les origines et précisera les définitions de ce que sont la pièce et le toit. Enfin, il exposera cinq grandes catégories d’usages potentiels sur les toits. Le chapitre deux, Le lieu là-haut, illustrera au travers d’études de cas: la poésie du parcours du sol jusqu’au toit, puis le lien spatial entre la pièce et le toit, pour terminer par présenter différents types d’interactions publiques en toiture. L’imaginaire du ciel, et utopies urbaines dévoilera via le cinéma, la photographie et la peinture comment le toit devient un élément de transgression, de contemplation et d’expression pour l’homme. Enfin, le dernier chapitre, Sur les toits de Bruxelles, décrira les caractéristiques physiques de cette ville qui m’ont intéressés pour qu’enfin je puisse vous présenter le projet d’architecture en réponse aux questionnements précédents.


INTRODUCTION

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CHAPITRE PREMIER

TOUR D’HORIZON 01. QU’EST-CE QU’UNE PIÈCE ? L’espace délimité 02. QU’EST-CE QU’UN TOIT ? L’épiderme aérien 03. CATÉGORIES D’USAGES DE TOIT Végétalisé, nourricier, récepteurs, équipement, convivial

“Quelques branches abattues dans la forêt sont les matériaux propres à son dessein. Il en choisit quatre des plus fortes, qu’il élève perpendiculairement et qu’il dispose en carré. Au-dessus, il en met quatre autres en travers ; et sur celles-ci, il en élève qui s’inclinent et qui se réunissent en pointe des deux côtés. Cette espèce de toit est couvert de feuilles assez serrées, pour que ni le soleil ni la pluie ne puissent y pénétrer ; et voilà l’homme logé.” Marc-Antoine Laugier



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01 QU’EST-CE QU’UNE PIÈCE ? L’ESPACE DÉLIMITÉ

Pièce \pjɛs\ (n. f. singulier, du bas latin ‘‘petia’’, morceau de terre): Espace habitable d’un logement délimité par des murs ou des cloisons. Chacun de ces espaces, à l’exception de la cuisine, des sanitaires et des dégagements, dans un descriptif d’appartement. Un appartement de trois pièces (ou un trois-pièces).1 La pièce est l’élément d’un tout. L’addition de ces pièces compose le logement. Synonyme d’une salle, elle sous-entend l’acte de bâtir. La pièce est donc un volume domestiqué et construit permettant aux hommes de se retrouver, de dialoguer, de travailler, de se reposer, de se laver, de manger, de vivre. Elle est donc adaptée à un ou plusieurs usages spécifiques. Bien qu’apparaissant évidente, cette définition un peu restrictive de la pièce omet quelques subtilités en matière d’espace. Pour qu’une pièce existe, elle a besoin de limites. Ces limites ou ‘‘éléments de l’architecture’’2 peuvent se matérialiser par des murs, cloisons, baies, voûtes, planchers, toits... Généralement par le clos et le couvert, celles-ci font naître un intérieur et un extérieur. Par leur disposition ces éléments dessinent un volume évidé. Des murs peuvent délimiter des angles ou se décomposer en une succession rapprochée de poteaux. Le vide ainsi créé est circonscrit par une frontière physiquement perforée mais virtuellement bien présente.

1 Dictionnaire Le petit Larousse Illustré, 2001, p. 780 2 GUADET Julien, Cours de théorie d’architecture. Leçon d’ouverture, le 28 novembre 1894, Ecole nationale et spéciale des beaux-arts, éd. Paris, 1895, p. 14 (cette leçon est publiée de nouveau dans le Tome I, Livre II: Principes généraux, des Éléments et théorie de l’architecture).


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TOUR D’HORIZON

Bien que déterminantes pour privatiser et qualifier un espace, ces limites ne se réduisent pas uniquement à celles du plan vertical. Dans le plan horizontal, la première limite est imposée par la gravité: le sol. En creux ou en saillie, il délimite des sous-espaces et des seuils. Parallèlement ou non au sol, le toit peut spatialiser une intériorité. Sans élever de murs, la projection de son ombre suffit à circonscrire une pièce ouverte sur le dehors. La végétation peut tout autant spatialiser que la grammaire architecturale le fait. L’ombre d’un arbre crée un espace propice à la détente. Une rangée de haie taillée ou non, délimite clairement un jardin ou une terrasse. Mais s’agit-il encore d’une pièce lorsque la limite est végétale, donc non construite ? Ce premier questionnement s’en suit de nombreux autres... Si une cuisine est ouverte sur un salon, s’agit-il d’une ou de deux pièces ? Quel est le degré d’ouverture maximal pour qu’une pièce reste une pièce ? L’intériorité de l’espace est-elle uniquement définie par la disposition de ses limites ? Ou la couleur, la texture, la matérialité ou les objets peuvent-ils structurer l’espace ? ‘‘L’espace architectural naît de la relation entre les objets ou entre des bornes et des plans qui n’ont pas eux-mêmes le caractère d’objet, mais qui définissent des limites. Ces limites peuvent être plus ou moins explicites, constituer des surfaces continues formant une frontière sans interruption, ou , au contraire, constituer uniquement quelques repères (par exemple quatre colonnes) entre lesquels l’observateur établit des relations lui permettant d’interpréter une limite virtuelle.’’3

3 von MEISS Pierre, De la forme au lieu + de la tectonique, éd. Presses polytechniques et universitaires romandes, 2012, p. 130


QU’EST-CE QU’UNE PIÈCE ?

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TOUR D’HORIZON

Selon Nathaniel Cortland Curtis (1881 - 1953), professeur à la Tulane University of Louisiana: ‘‘Le premier but de l’architecture est la clôture de l’espace ; la plus simple forme d’un bâtiment sera donc une seule pièce.’’4 Le raisonnement de Curtis empreignit Kahn dans un célèbre dessin: ‘‘Architecture comes from a Making of a Room.’’5 Selon Kahn, l’espace architectural est similaire à la notion de pièce. Pour qu’un espace soit architectural, il est une combinaison claire entre construction et lumière naturelle. Pour qu’une pièce soit viable pour l’homme, l’espace clos doit être ouvert pour permettre le passage et la diffusion de la lumière. ‘‘Un espace n’en est pas un tant qu’on n’aperçoit pas comment il est créé. Alors, dit-il, j’aime l’appeler une pièce. (...) Je ne crois pas qu’aucune pièce vaille même d’être appelée une pièce quand elle est éclairée artificiellement.’’6

4 CORTLAND CURTIS Nathaniel, Architectural Composition, Cleveland, 1923, p. 104 5 KAHN Louis, ‘‘Architecture comes from the making of a room’’, 1971 6 KAHN Louis, dans John W. Cook & Heinrich Klotz, Questions aux architectes, Bruxelles-Liège, 1974 (traduction de Conversations with Architects, New York - Washington, 1973), p. 360-361


QU’EST-CE QU’UNE PIÈCE ?

Pour aller plus loin, Bruno Zevi décrit l’expérience spatiale dans et en dehors de l’édifice7 dans le même esprit que Kahn lorsqu’il déclara: ‘‘The street is a community room’’8. Sur ce principe, l’espace devient le commencement et la fin de l’architecture. L’expérience spatiale intérieure se prolonge dans les rues, les places et les parcs des villes. Elle continue partout où l’homme a délimité des vides. D’une manière générale, bien que le caractère construit d’une chose renforce les limites, la densité de la végétation peut tout à fait clore et qualifier un espace. Je pense que ce qui caractérise ou non une pièce, c’est son degré d’ouverture - fermeture, il faut qu’elle soit une intériorité suffisamment délimitée. ‘‘Pour parler de façon abrégée, l’architecture primitive peut être définie comme quelque chose d’organisé autour d’un vide.’’ 9

7 ZEVI Bruno, Apprendre à voir l’architecture, éd. Les éditions de Minuit, Paris, 1959, p. 16 8 KAHN Louis, ‘‘The Room, the Street and Human Agreement’’, AIA Journal, vol. 56, n°3, septembre 1971, p. 33 (traduction française dans Louis I. Kahn, Silence et Lumière, Choix de conférences et d’entretiens 1955-1974, traduits par Mathilde Bellaigue et Christian Devillers, Paris, 1996, p. 229) 9 LACAN Jacques, L’éthique de la psychanalyse, Le séminaire VII, 1959-1960, éd. Seuil, Paris, 1986, p. 162

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TOUR D’HORIZON

‘‘Les quatre façades d’une maison, d’une église, d’un palais, pour belles qu’elles soient, ne constituent que le coffre dans lequel est enfermé le joyau architectural. Ce coffre peut être finement ouvragé, artistement sculpté, ajouré avec goût, il peut être un chef-d’œuvre, mais il n’est qu’un coffre. Il existe aujourd’hui une technique de l’emballage, mais jamais personne ne songe à mettre sur le même plan la qualité de l’emballage et celle de son contenu.’’ Bruno Zevi


QU’EST-CE QU’UNE PIÈCE ?

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02 QU’EST-CE QU’UN TOIT ? L’ÉPIDERME AÉRIEN

Avant de donner une définition précise du toit j’ai jugé utile de remonter aux origines de la première cabane. À travers leurs écrits, ces quelques architectes et théoriciens confirment que le toit a été et reste l’élément significatif de l’habiter. Les premières traces écrites sont de Vitruve (Ier s. av. J-C). Il rapporte que l’édification de la cabane résulte du besoin des hommes de se ‘‘défendre du soleil et de la pluie.’’10 C’est un projet collectif où les hommes apprennent ensemble des uns et des autres, perfectionnant ainsi les techniques. Ils creusent des loges dans les montagnes, construisent des huttes avec des feuilles et imitent les techniques de construction des hirondelles. Alberti (1404-1472) écrit que la construction des murs et du toit impose les limites physiques des espaces. Une fois ouverts, murs et toit permettent les accès des personnes, de l’air et de la lumière tout en se protégeant des hostilités externes11. Andrea Palladio (1508-1580), ajouta que ‘‘Vitruve nous dit que les hommes des premiers siècles faisaient les couvertures de leurs maisons toutes plates, mais que s’étant aperçus depuis, qu’ils n’étaient pas assez garantis de la pluie, la nécessité les contraignit de les élever en faite, (...) leur donner une pente pour écouler les eaux.’’12

10 PERRAULT Claude, Les Dix Livres d’Architecture de Vitruve, corrigés et traduits l’auteur, p 30 11 ALBERTI, Leon Baptista, L’art d’édifier, traduit du latin par Pierre Caye et Françoise Choay, Paris, Seuil, 2004, coll. ‘‘Sources du savoir’’, p. 57 12 PALLADIO Andrea, Les Quatre Livres de l’architecture, vol.1 publié à Venise, 1570


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TOUR D’HORIZON

Adam sous la pluie

Spéculations de Claude Perrault d’après les écrits de Vitruve

Marc-Antoine Laugier (1713-1769) illustra la cabane primitive13 en 1755. Cette célèbre image de la hutte primitive adaptée et transformée intrigua de nombreuses cultures à toutes les époques. Antonio Averlino (1400-1469), plus connu sous le nom de Filarète, du grec, ami de la vertu a une vision très anthropomorphique du toit et de l’édifice même. Pour ce théoricien de l’architecture ce n’est ni plus ni moins que le corps d’Adam qui est à l’origine de l’art de bâtir : ‘‘il pleuvait, lorsque Adam fut chassé du Paradis’’ et comme ‘‘il n’avait que ses mains pour se protéger de la pluie’’ Adam ‘‘les a mises audessus de sa tête’’ ainsi il ‘‘a fait un toit de ses mains.’’ Puis il eu l’idée ‘‘de réaliser une sorte d’habitation pour se protéger de la pluie et du soleil.’’ Adam a donc été ‘‘probablement le premier homme à construire des maisons.’’14 Dans La maison d’Adam au Paradis, Joseph Rykwert (1926- ) explique l’attachement récurrent des architectes à la hutte primitive. Comme Averlino, il écrit que le geste d’Adam serait à l’origine de cette vision de la maison à deux pans, symbole du besoin de protection contre les éléments extérieurs.

13 cf. p. 14 14 FILARETE, Traité d’Architecture, 25 Volumes


QU’EST-CE QU’UN TOIT ?

House In Leiria , Portugal, Aires Mateus, 2010

Nils Ballhausen15 confirme cette vision anthropomorphique. Demandez par exemple à votre entourage de dessiner une maison et vous obtiendrez un carré surmonté d’un triangle. La cabane est l’archétype de la maison pour les enfants mais aussi pour les architectes. Récemment, dans un mouvement post-minimal, de nombreux artistes épurent la maison de tout élément superficiel. Les sculptures en béton d’Hubert Kiecol, ou des maisons d’architectes comme Herzog & de Meuron, Aires Mateus et bien d’autres sont des maisons au volume simple, réduites à leur signe minimal: le toit à double plan sur quatre murs. Cette forme triangulaire, bien ancrée dans la culture occidentale à travers les âges revêt une symbolique forte. Une dimension technique et standardisée est apportée par le Neufert. Il décline le toit en exactement seize formes de base: de la toiture terrasse à la toiture à lucarne à deux pans, en passant par la toiture à la Mansard, chaque catégorie explique brièvement ses propriétés esthétiques techniques et structurelles ainsi que les systèmes de couvertures possibles: chaume, bardeaux, ardoises, zinc, tuiles, pierre, toit végétal...

15 BALLHAUSEN Nils, L’architecture d’aujourd’hui, n°364, ‘‘Dessine-moi un toit’’, éd. Jean Michel Place, Mai - Juin 2006

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TOUR D’HORIZON

Tegulae et imbrices, toiture à Vaison-la-Romaine

Le toit est définit en tant que complexe charpente-couverture qui protège un intérieur. Il est une peau technique qui exprime les savoirsfaire des cultures. Il est définit par sa forme et texturé par ses matériaux. L’homogénéité de la forme et des matériaux signent l’identité de la ville. Dans Bâtir, René Vittone donne une définition plus pointue: ‘‘La toiture est l’ensemble des éléments porteurs et de protection destinés à former la fermeture supérieure de l’édifice ; elle peut être inclinée ou horizontale. Toute construction trouve son achèvement, son couronnement, dans la toiture qui la protège des intempéries ou du soleil, comme elle protège aussi les occupants. Son expression extérieure façonne l’environnement, en accord ou en opposition avec le site. C’est fréquemment une cinquième façade qui affirme la fin du bâtiment. Elle limite aussi l’espace intérieur.’’16

16 VITTONE René, Bâtir, Manuel de la construction, éd. Presses Polytechniques et universitaires romandes, 2006, p. 515


QU’EST-CE QU’UN TOIT ?

Toit \twa\ (n. m. singulier, du latin ‘‘tectum’’, qui sert à cacher, à couvrir, à abriter): Couverture d’un bâtiment présentant des versants et reposant sur une charpente ou l’extrados d’une voûte.17 En d’autres termes, le toit est une peau appartenant aussi bien à la terre, qu’au ciel. Telle une membrane protectrice18, le toit est la frontière physique entre un dedans et le dehors. Cette surface spatialise et intimise l’intérieur, elle assure un confort aux hommes contre les éléments de l’extérieur. L’espace couvert devient habitable. Ancré dans notre subconscient, le toit revêt une symbolique forte qui accroît le sens de l’abri protecteur. Par métonymie lorsque quelqu’un a, vit ou cherche un toit, le toit s’apparente toujours à une maison, ou à un nid douillé. ‘‘Les murs bordent mais ne couvrent pas ; avoir un toit c’est avoir une maison...’’19 Vivre sous le même toit apporte un sentiment d’appartenance commune. Cet élément d’architecture confère au lieu une ambiance particulière et fédère les occupants. Dans ce microcosme modelé par et pour l’homme, les rapports entre les individus du cocon sont préservés des caprices du ciel. Après avoir rapidement parcouru l’histoire, l’étymologie et la définition du toit, on peut confirmer que sa fonction principale est de délimiter un espace intérieur couvert. Elle sous-entend que la partie externe du toit n’est pas pensée pour l’homme et ses usages. L’image reflétée du toit comme celle d’un élément fermé sur lui-même et non ouvert sur l’extérieur s’apparente aussi à celle du comble.

17 Dictionnaire Le petit Larousse Illustré, 2001, p. 1014 18 Du latin, protegere renvoie à tegere, et protectum à tectum 19 DEFFONTAINES Pierre, L’homme et sa maison, éd. Gallimard, Paris, 1972, p.62

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TOUR D’HORIZON

Proportions idéales du comble droit et du comble à la Mansart, in Pierre Bullet, Architecture pratique, 1788

Comble \kɔ̃bl\ (n. m. singulier, du latin ‘‘cumulus’’, tas, grande quantité, couronnement): Faîte d’un bâtiment, comportant charpente et toit ; espace intérieur correspondant, De fond en comble: de la cave au grenier, du haut en bas ; entièrement, Point culminant, degré extrême.20 Le comble, espace sous le toit, espace du dedans s’apparente au grenier du latin granarium, c’est le lieu du stockage des grains. Cette image plutôt utilitaire et péjorative sur le plan des usages met à distance cet espace des ‘‘véritables’’ pièces de vie. Les chambres étroites de bonnes dans les immeubles haussmannien à Paris illustrent la considération que l’on avait à l’époque de ces espaces délaissés et dévalorisés. Ici, le toit n’a aucun attrait esthétique ou fonctionnel particulier. Il est relégué à son simple statut primaire d’élément de protection contre les intempéries, qu’il ne remplit qu’à moitié. Ces combles comprimés sont de véritables fournaises l’été et glaciaux l’hiver, sans oublier les fuites fréquentes lors de fortes pluies. À cette époque, le paradis n’est pas là-haut, mais bien plus bas, au bel-étage.

20 Dictionnaire Le petit Larousse Illustré, 2001, p. 236


QU’EST-CE QU’UN TOIT ?

La sociologie des combles d’un immeuble parisien avec les miséreux et les artistes. Coupe sur une maison parisienne, in Émile Texier, Tableau de Paris, 1853

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TOUR D’HORIZON

Il faudra attendre la fin du XIX ème siècle et la diffusion de l’ascenseur pour changer le statut de ces derniers niveaux. Ce renversement symbolique et pratique accompagné du mouvement hygiéniste revalorisera architecturalement et socialement les hauteurs bâties. Les progrès réalisés dans les techniques d’étanchéités horizontales et la mise au point d’une série de nouveaux matériaux comme les ciments et les bétons ont mit un terme à des centaines d’années de frustrations constructives en Occident. Sous l’impulsion du mouvement moderne, le toit plat se généralisa d’abord aux États-Unis puis en Europe. La triade ‘‘air pur, lumière et soleil’’ prônée par les hygiénistes inspira par la suite de nombreux architectes qui n’ont cessé d’imaginer de nouvelles formes d’espaces extérieurs. Désormais, le toit-plat devient un support de vie à investir. Ce lieu possède de plus en plus les attributs d’une pièce de la maison. Le toit devenu terrasse, du latin terra21, restitue un sol artificiel en échange du sol naturel qu’il subtilise. Dès lors, il est possible d’envisager une multitude d’usages là-haut.

21 Dictionnaire Le petit Larousse Illustré, 2001, p. 1002


QU’EST-CE QU’UN TOIT ?

Projet du concours pour l’aménagement et la décoration des toitures-terrasses, organisés à l’initiative de la société des architectes modernes, publiés dans la revue La Construction Moderne, le 13 juillet 1930.

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03 CATÉGORIES D’USAGES DE TOIT VÉGÉTALISÉ, NOURRICIER, RÉCEPTEUR, ÉQUIPEMENT, CONVIVIAL

Les toits plats peuvent représenter jusqu’à 32% de la surface des villes.22 Par leur accessibilité et leurs usages, ils ont un rôle indéniable à jouer. Dans cette rubrique, cinq grandes catégories d’usages potentiels se sont dégagées: le toit végétalisé, le nourricier, le récepteur, l’équipement et le convivial. Il s’agira d’étudier ce que ces usages peuvent apporter spatialement à la toiture.

Les toits végétalisés En matière de toiture végétale et de construction en terre, l’homme a environ 11 000 années d’expérience. Les jardins suspendus de Babylone en Irak actuelle, au Vème siècle av. JC sont les plus célèbres. De nombreux récits antiques et illustrations témoignent de la grandeur merveilleuse des jardins du roi Nabuchodonosor. Ainsi en lisant Philon de Byzance (IIIème siècle av-JC.) et Diodore (Ième siècle av-JC.) on constate des prouesses techniques et architecturales de l’époque qui lui confèrent ce statut de merveille du monde au milieu du désert. Ces toitures-terrasses jardins soutenues par des galeries voûtées sont irriguées par un aqueduc incorporé au terrassement. La végétation abondante donne le sentiment de se retrouver au cœur d’un jardin. Ces toits sont les ancêtres directs des toitures végétales intensives actuelles.

22 OBENDORFER Erica, BioScience, ‘‘Green Roofs as Urban Ecosystems: Ecological Structures, Functions, and Services’’,vol. 57, n°10 Novembre 2007, p. 823


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TOUR D’HORIZON

Vision futuriste de la ville, Luc Schuiten, 2010

Les premiers peuples amérindiens et scandinaves ont très largement utilisé cette technique pour leurs habitats. Après avoir combiné les matériaux disponibles sur place, ce toit vert améliore l’isolation (thermique et acoustique), l’étanchéité et la résistance au feu. Il remplit de manière optimale sa fonction primaire de protection tout en conférant un espace accessible extérieur sur le dessus. Dès 1970, de nouveaux enjeux liés à l’urbanisation comme la qualité de l’air, les îlots de chaleur, l’imperméabilisation des sols, ont eu tendance à diminuer la qualité de vie en ville. Pour y remédier, deux types de toitures végétales sont normalisées. Les toitures extensives généralement inaccessibles et ornementales, supportent une fine et légère épaisseur de terre (< 10 cm). Les plantes sont très résistantes et demandent un faible entretien. L’inconvénient est que ce toit est rarement utilisable comme espace récréatif.


CATÉGORIES D’USAGES DE TOIT

Coin de tranquillité

Les toitures intensives supportent une plus grande épaisseur de terre (> 10 cm). Le coût monétaire et matériel est beaucoup plus élevé (évidemment sur le court terme). La structure doit être adaptée à cette surcharge, des systèmes d’irrigation sont installés, et l’entretien doit être régulier. Ce type de toiture permet de concevoir de véritables jardins suspendus où la végétation peut être plus imposante. Elle favorise ainsi une richesse des contours et de textures invitant à la détente et au bien-être. À mesure que les toits verts coiffent la ville, un couloir ou maillage écologique se tisse. La végétalisation des toits offre des conditions plus clémentes à l’épanouissement de la faune et la flore comparé aux strates inférieures des villes où règnent une plus grande concentration de pollution de l’air et sonore. La régulation des débits hydriques par le substrat, limite le ruissellement en ville. La température en surface du toit est réduite et sa durée de vie augmentée (moins de choc thermique).

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TOUR D’HORIZON

Les toits nourriciers Ils consistent en une activité de production vivrière et agricole, généralement en milieu urbain où les produits sont destinés à être consommés localement. Ce sont parfois des bacs posés sur le toit ou de véritables potagers intégrés à la toiture quand la structure du bâtiment le permet. Comme dans le film Demain, de Cyril Dion et Mélanie Laurent, cette initiative est plus courante en Amérique comme à Chicago ou Montréal. Ce concept trouve néanmoins de plus en plus d’adeptes dans le monde. L’entreprise Topager à Paris ou l’entreprise Le début des haricots à Bruxelles lancent des projets de potagers, d’apiculture et de fermes urbaines sur les toits dans un but plus pédagogique que de rendement productif. Souvent expérimentaux à Bruxelles, ces toits gourmands n’ont pas vocation à rendre la ville auto-suffisante, mais permettent de sensibiliser les habitants sur leur alimentation, leur environnement, sur le travail et d’autres modes de consommation.

Un jardin sur le toit


CATÉGORIES D’USAGES DE TOIT

Les toits récepteurs Comme nous l’avons vu précédemment le toit fut le moyen de contrer le soleil et la pluie. Il aura fallu connaître plusieurs crises énergétiques et le développement de nouvelles techniques de production d’énergie pour se rendre compte du potentiel d’usage de nos toitures. Désormais le toit est la première surface à capter les eaux de pluie et le soleil. Ces dernières années, dans un élan écologique, certains gouvernements européens attribuent des aides aux propriétaires de leurs logements ou aux collectivités pour l’installation d’équipements récepteurs dans le but d’atteindre une meilleure efficacité énergétique (panneaux photovoltaïques, panneaux solaires, éoliennes, dispositifs de ventilation naturelle, collecteurs d’eaux pluviales...). Ces usages couvrant l’édifice spatialisent très peu voire en rien ces toitures. Ils présentent surtout un avantage économique et écologique plutôt que social et esthétique.

L’équipement à l’abri du regard ?

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TOUR D’HORIZON

Les toits équipements À ses débuts, le toit a très vite été surplombé d’une cheminée pour chauffer ou ventiler l’espace du dessous. Depuis le perfectionnement et la démocratisation des ascenseurs électriques au début des années 1900, les systèmes mécaniques et autres édicules ne cessent d’abonder sur les toitures des villes. Plutôt que d’offrir cet espace disponible pour les habitants, les antennes de télévision, de téléphone, et autres climatiseurs ont colonisé les places restantes. L’intensification de ces équipements impacte leur santé dû aux différents champs magnétiques et ondes dont les effets restent encore peu connus. Les dimensions spatiale, sociale et esthétique sont exclues au détriment de la machinerie. Ce n’est pas parce que vu d’en bas le toit semble invisible, qu’il doit être traité tel un dépotoir technique. Alors oui l’équipement sur le toit apporte le confort de vie attendu par certains, néanmoins il ne doit pas encombrer cet espace. Le toit revêt un potentiel latent non négligeable à exploiter pour la ville et ses habitants. L’idée n’est pas de diaboliser ces équipements mais de donner la priorité à la qualification des espaces sur le toit pour les utilisateurs.

Extension (non réglementaire) de ma cuisine sur le toit, chez moi à Tournai.


CATÉGORIES D’USAGES DE TOIT

Les toits conviviaux Convivial \kɔ̃.vi.vjal\ (adj. m. singulier du latin ‘‘convivialis’’ relatif au repas pris en commun): Qui suscite des relations favorables ou agréables parmi les membres d’un groupe, Atmosphère joyeuse d’un repas pris en commun, D’utilisation pratique et intuitive (en informatique), Se disant d’un outil, au service de l’être humain, adapté à la nature humaine, à dimension humaine (en sociologie)23. La dimension humaine est inhérente à la convivialité. Cette catégorie vaste et subjective, transcende les précédentes. Il n’y a pas de recette miracle à la convivialité. Se retrouver sur un toit équipé d’antennes télé peut parfois se révéler plus convivial qu’un autre où quelques tomates et un bout de gazon seraient plantés: la configuration spatiale pourra induire certains usages propices à la convivialité. La relation au ciel et au lointain est pour moi primordiale ; c’est ce qui caractérise le toit. C’est un lieu de contemplation privilégié des scènes quotidiennes, des voisins et du lointain. Chaque toit est différent, il apporte un nouveau point de vue à conquérir sur la ville. Seul en totale introspection, avec sa bande d’amis, en famille autour d’un barbecue, ou aux chandelles lors d’un dîner romantique, le toit apporte une dimension plus conviviale aux évènements. D’ailleurs depuis 2014 Rotterdam organise les Rooftop days. Lors de ces journées, le public investit des toits jusqu’alors inutilisés et assistent aux performances d’artistes autour d’apéros et de barbecues. Outre la fonction festive, certaines grandes villes denses voient dans ces espaces aériens une manière de palier au déficit d’espace au sol pour pouvoir profiter d’espaces plus vastes pour se retrouver et jouer au golf, au football ou au tennis.

23 Dictionnaire Le petit Larousse Illustré, 2002, p.260

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CHAPITRE DEUX

LE LIEU LÀ-HAUT 04. DU SOL AU TOIT Poésie du parcours 05. UNE PIÈCE ENTRE L’HOMME ET LE CIEL Le bord, l’eau, l’air, la lumière 06. RENDEZ-VOUS SUR LE TOIT Lieu d’interactions publiques

“Tout au long de son histoire, l’humanité a regardé vers le ciel pour s’orienter, géographiquement ou spirituellement ; lorsque nous hésitons sur notre destination, nous portons toujours notre regard vers le haut.” Stephenson David



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04 DU SOL AU TOIT POÉSIE DU PARCOURS

S’il est possible d’imaginer une multitude d’usages sur le toit, la mise en scène et le chemin pour y accéder jouent un rôle essentiel. Le toit invisible depuis la rue se donne rarement au premier regard. Mais une fois la porte d’entrée passée, le parcours jusqu’à la dernière pièce commence. La plupart du temps cette dernière est un comble ou une terrasse, dans d’autres cas le toit est la première pièce de cette promenade architecturale. À travers trois exemples, je vais étudier les caractéristiques du chemin qui mènent à cette pièce maîtresse qu’est le toit. Le premier exemple sera celui des maisons-tours à Sanaa au Yemen, puis la Chapelle Santa Maria degli Angeli en Suisse, le Mucem à Marseille, pour terminer avec l’installation de MVRDV à Rotterdam. Certains édifices n’ont pas attendu la démocratisation de l’ascenseur électrique pour mettre en valeur le toit au moyen de dispositifs architecturaux simples. Les maisons-tours à Sanaa au Yemen suivent une hiérarchie des espaces à mesure que l’on s’élève. Les rues et les ruelles sont si comprimées et les maisons tellement hautes que le monde du bas est moins vivable que celui du haut. La lumière peine à pénétrer le sol, l’air circule mal, le vent engendre des tourbillons de poussière, les animaux logeant en bas de la maison sont bruyants et odorants. La hauteur, permet de


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L’escalier, passage de l’ombre à la lumière


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La ǧubâ, terrasse sommitale de la maison, permet de faire sécher le linge et les graines

se déconnecter de l’inconfort de la rue. À la différence des maisons repliées sur leur patio que l’on retrouve au Maghreb, celles-ci s’élancent bien plus haut. ‘‘La zone d’articulation que constituent les escaliers, daraǧ, prend son point de départ au niveau de bâb al-ḥâǧiz, la ‘‘porte de la barrière’’, pour aboutir à la ‘‘porte de la terrasse de couverture’’ bâb al-ǧubâ.’’24 Une fois la porte d’entrée passée, une lueur guide le visiteur vers la seule issue aérée et lumineuse: l’escalier. Il est la colonne vertébrale de la structure de cette maison tour. Au fur et à mesure de la montée, les espaces s’intimisent et s’anoblissent. La lumière devient toujours plus puissante pour enfin sentir sa chaleur accompagnée d’une légère brise. Le plafond devient bleu, et l’horizon dessine quelques montagnes derrière les minarets de la ville. Ici quelques graines sèchent, le linge est étendu offrant une vision plus dégagée sur la ville.

24 BONNENFANT Paul, Sanaa, Architecture domestique et société, éd. Presses du CNRS, Paris, 2002, p. 163

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Malgré les escaliers à gravir, les derniers étages (jusqu’à dix) sont de loin les plus appréciés. Ils offrent un coin de tranquillité loin de l’agitation des souks. Cet espace est délimité par de gros garde-corps qui continuent les façades. Ils spatialisent la terrasse et protègent les femmes des regards des voisins. Certaines toitures divisent l’espace du toit par des différences de niveaux où de nouveaux sous espaces à ciel ouvert se matérialisent.

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La Chapelle Santa Maria degli Angeli perchée à 1 567 m d’altitude, sur le Mont Tamaro en Suisse, conçue en 1996 par Mario Botta rend un des accès possibles à la chapelle par le toit. Il se matérialise tout d’abord par un viaduc constitué de roche volcanique de 65 m qui projette le visiteur vers le paysage au dessus de la vallée. Pendant cette longue traversée dans le vide, d’épais garde-corps de pierre protègent le visiteur. Ces garde-fous sont les seuls éléments architecturaux auxquels le visiteur peut se raccrocher face à l’immensité de la vallée. Cette plate-forme est un élément de parcours et de découverte qui se conclut en apothéose. Elle connecte le visiteur au ciel à travers une expérience sensorielle et contemplative. Le toit se transforme en escalier à la manière d’un amphithéâtre qui se retourne vers la montagne. Cet escalier découpe et diffuse la lumière à l’intérieur de la chapelle pour créer un espace propice à la méditation. La procession continue par un autre petit escalier qui se dédouble et descend jusqu’aux portes de la chapelle. La composition d’éléments architecturaux simples en relation avec le paysage, spatialise et scénarise le parcours. Et c’est ce même parcours qui définissant la physionomie du toit, confère à la chapelle une dimension sacrée.

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Plan du toit

Au Mucem (Musée des Civilisations de l’Europe de la Méditerranée) construit en 2013 à Marseille, Rudy Ricciotti profite de la topographie du lieu pour rendre un des accès possibles à l’édifice par la toiture. Cet accès théâtralisé via une longue passerelle en béton précontraint de 76 m de portée surplombant la mer est le début d’un parcours exceptionnel. Arrivé sur le toit, le visiteur découvre une nouvelle ambiance où la vue sur la mer est filtrée par une résille de béton. Cet élément récurrent sur trois des quatre façades du musée s’interrompt sur une partie de la toiture et impose une limite physique à l’édifice. Il délimite spatialement les terrasses par l’ombre qu’il crée et confère au toit-terrasse une agréable atmosphère. Le visiteur profite alors d’une brise iodée sous la dentelle ombrée que le béton vient dessiner. Il jouit à la fois d’une vue sur le patrimoine marseillais et la mer Méditerranée. Enfin, pour rejoindre le sol, on glisse le long de la rampe entre le musée et sa fine double peau de béton laissant passer le regard et l’air marin.

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D’autres atteignent le toit d’une manière plus provocante et symbolique tel le bureau MVRDV entre mai et juin 2016. À Rotterdam, pour le 75ème anniversaire de la reconstruction de la ville après la Seconde Guerre mondiale l’agence a dessiné un escalier de 57 m de long. Il rejoint le toit du Groot Handelsgebouw culminant à 29 m. Cette installation éphémère constituée d’échafaudages, offre une extension de l’espace public sur le toit de cet immeuble de bureaux. Lors de la montée de ces 180 marches, de nouvelles perspectives sur la ville s’offrent aux piétons. En fin de course, le visiteur peut contempler les alentours grâce à une plate-forme d’observation temporaire. Làhaut, un bar et un ancien cinéma temporaires laissent aux visiteurs la possibilité de boire un verre et d’assister à des projections. Certes cet escalier est une curieuse et audacieuse manière d’accéder au toit, mais elle a le mérite d’être directe et d’en animer (temporairement) la toiture.


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05 UNE PIÈCE ENTRE L’HOMME ET LE CIEL LE BORD, L’EAU, L’AIR, LA LUMIÈRE

L’architecture existe dans un espace tridimensionnel incluant l’homme. Comme annoncé dans le chapitre premier la pièce n’est pas systématiquement définie par un intérieur. Par un jeu de limites construites ou non, le toit peut dans certains cas être considéré comme une pièce à ciel ouvert soumise aux éléments naturels. Il y a des architectures où le toit devient un espace en intime relation avec le paysage. Ces architectures puissantes situées aux abords d’une falaise ou de la mer révèlent le Génie du Lieu, le toit n’est plus utilisé pour son simple rôle protecteur mais devient un outil de connexion entre l’homme et le paysage. Le lieu devient une combinaison magique entre nature et culture où l’esprit du visiteur est sous l’emprise de la beauté du site. D’autres édifices voient quant à eux, leur toitureterrasse plutôt comme une extension des pièces intérieures. La disposition d’un sol, d’un pli, de deux bords, ou de quatre murs, peut suffire à délimiter une nouvelle pièce encore insoupçonnée. J’ai décidé d’étudier les toitures de la House of Infinite à Cadix, la Villa Malaparte à Capri, la villa Noailles à Hyères, l’appartement Beistegui à Paris et la maison de verre à Bruxelles. À travers ces exemples, il s’agira de déceler et d’analyser les éléments architecturaux qui bordent un espace en toiture et invitent l’homme à y passer du temps comme ils pourraient le faire dans leur salon.


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Socle posé

En bord de plage, dans l’environnement sauvage de Cadix en Espagne, Campo Baeza a sculpté en 2014, ce monolithe au toit plat s’ouvrant sur l’étendue de l’océan Atlantique. Tel un podium, la large toiture terrasse de la House of Infinite offre une vue panoramique sur les alentours. L’accès à l’intérieur de la maison se fait grâce à l’escalier central qui est tout comme la piscine, creusé dans l’épaisseur du volume. Quelques marches délimitent une petite terrasse plus intime et donne au visiteur une vue rasante sur l’horizon. Par un simple jeu de pleins et de creux en toiture, le lieu évoque l’entrée de la maison, la terrasse, le solarium, le salon de détente...


UNE PIÈCE ENTRE L’HOMME ET LE CIEL

Enclos orienté

Toujours dans un esprit monumental et minimaliste, Kahn réalise en 1965, le Salk Institute à San Diego, aux Etats-Unis. Cette place qui n’est pas un toit apparaît-elle si différente de la toitureterrasse de la House of Infinite ? Quels sont les moyens mis en œuvre par l’architecte pour structurer et qualifier l’espace ? Même si les deux projets font face à l’océan, la place symétrique du Salk Institute, bordée par une rangée de bancs en béton puis de bâtiments de quatre étages parallèles est une sorte de négatif de l’autre25. Car contrairement à la maison de Cadix, où le socle-toiture se distingue du sol naturel, par le vide qui définit ses bords, ici, le plein clos et oriente la place.

25 CHANVILLARD Cécile, Au seuil de l’architecture ; le sacré, Thèse, 2011

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Croquis de Luis Barragan

Croquis de Campo Baeza


UNE PIÈCE ENTRE L’HOMME ET LE CIEL

Pendant la conception de la place (initialement une cour-jardins) du Salk Institute, Louis Kahn demanda conseil à Luis Barragan. Il luit répondit : ‘‘I would not put a tree or blade of grass in this space. This should be a plaza of stone, not a garden. If you make this a plaza, you will gain a facade - a facade to the sky.’’26 Et c’est ainsi que Kahn transforma ce qui aurait pu être une série de jardins en une place unitaire. Seule la fontaine découpe la place et renforce sa symétrie. La lisibilité du sol prit entre deux épaisseurs construites définit précisément l’espace de la place. À titre comparatif, on constate sur le croquis de Campo Baeza, qu’il tentait de spatialiser cette toiture en la creusant, en déroulant une façade sur la rue et en déliant deux murs sur le dessus comme pour la Villa Malaparte (un mur). De cette manière plusieurs sous espaces se dévoilent. La séquence d’entrée se fait par le toit. Faisant allusion à la ruine, un mur percé met à distance la rue comme pourrait le faire une façade classique. Puis l’on passe une sorte de vestibule pour se retrouver enveloppé par deux murs latéraux. Temenos \temenɔs\ (n.m. singulier, mot grec): Aire sacrée d’un sanctuaire, délimitée par une enceinte monumentale autour d’un temple grec ; espace planté d’arbres délimité par cette enceinte.27 C’est comme cela qu’un poète grec compare le projet de Campo Baeza, comme un lieu de rencontre où selon la mythologie, les hommes et les dieux se réunissent.28 À travers la confrontation de ces deux exemples, le jeu de limites construites simples et leur degré d’ouverture extrême tendent malgré tout à délimiter et distinguer des espaces minimaux.

26 Note accompagnant un dessin de Louis Barragan pour Louis I. Kahn, La Jolla, 1966. (Traduit de l’anglais par l’auteur: ‘‘Si j’étais toi, je ne planterais pas d’arbre, ni de bandes engazonnées dans cet espace. Il faudrait que ce soit une place minérale et non un jardin. Si tu en fais une place, tu gagneras une façade, une façade pour le ciel.’’) 27 Dictionnaire Le Petit Larousse Illustrée, 2001, p. 998 28 http://www.campobaeza.com/house-infinite/

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Sur le toit, le voile de béton blanc intimise l’espace tel un paravent sur une plage.

La Villa Malaparte à Capri, conçue en 1937, par Adalberto Libera est un bâtiment trapézoïdal divisé en trois niveaux de pierre. Située à 32 m de haut, sur une pointe rocheuse en bord de mer, elle offre un point de vue incontournable sur l’horizon Méditerranéen. Cet autel solaire sans garde-corps est utilisé comme piste de bicyclette par Malaparte puis comme solarium en 1963 par Brigitte Bardot dans Le Mépris de Jean-Luc Godart. Ce grand plateau est accessible par un escalier monumental de maçonnerie rouge pompéien. Un mur blanc courbé vient couronner cette toiture afin d’en intimiser une partie. Aucun espace intérieur n’est en lien direct avec la toiture. Le sol naturel rocheux vient créer une continuité avec l’escalier du toit. S’il apparaît parfois évident de dire qu’un espace clos par des murs et couvert d’un toit est une pièce, dans ce cas la limite est plus ambiguë. Un voile courbe en béton blanc vient retarder la découverte de la vue sur la mer et délimite la toiture. D’environ 2 m de hauteur, il se déroule sur une quinzaine de mètres jusqu’à se terminer au ras du sol. Ce mur embryonnaire crée un petit coin tranquille dans cette grande étendue sans bord. Est-ce suffisant pour délimiter une pièce à part entière ? Depuis Le Mépris, les arbres ont bien poussé. On pourrait alors se demander si en clarifiant les bords, la végétation ne matérialiserait pas un nouvel espace ?

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Le toit comme jardin enchanté

L’appartement Beistégui a été conçu par Le Corbusier en 1929 aux Champs Elysées à Paris. Juché au dernier étage d’un immeuble haussmannien, cette œuvre singulière est une surélévation en duplex. Cet appartement n’était pas destiné à être habité, mais devait servir de réception pour de grandes fêtes organisées par un riche collectionneur, Charles de Beistégui. Il a dès lors été le terrain d’exploration et de jeu de Le Corbusier. Une première terrasse dilate l’espace intérieur de la cuisine et du salon. Puis une succession de trois terrasses extérieures s’articulent les unes aux autres par une série de petits escaliers. Elles prolongent l’appartement jusqu’aux toits de plus en plus clos. Grâce aux tracés du plan, de l’alternance du béton et du végétal, ces terrasses ‘‘ménagent sous le ciel des lieux d’intimité.’’29 La mise en scène du parcours ascensionnel est ponctuée de quelques vues sur le patrimoine parisien cadrées par l’alternance des murs et des haies taillées.

29 LE CORBUSIER (JEANNERET Charles-Edouard), Réponse brève à quelques chambres de commerce et à Mr Umbdenstock, cité par Jacques LUCAN, Le Corbusier, une encyclopédie, éd. Centre Pompidou, Paris, 1987


UNE PIÈCE ENTRE L’HOMME ET LE CIEL

Le salon (de) jardin dans les airs à Paris

Cette promenade continue jusqu’à un espace enfermé par quatre murs où le salon tente de prendre le pas sur le jardin. Dans ce décor surréaliste, les murs dressés laissent émerger au loin, la tour Eiffel et l’Arc de triomphe. Une cheminée posée sur le gazon sème le trouble. L’espace clôturé suggère un intérieur. L’espace non couvert sousentend un extérieur. La perception de l’espace devient confuse, est-ce un extérieur déguisé en intérieur ? Se jouant du vocabulaire architectural du dedans et du dehors, cette pièce unique et indépendante vis-à-vis des pièces intérieures confère au lieu une ambiance particulière. Cet exemple concrétise la vision du toit de Le Corbusier comme lieu de séjour en plein air. On pourrait qualifier cette pièce de solarium-jardin-terrasse-salonchambre à ciel ouvert. Car au même titre que le salon, la chambre ou la cuisine, ce jardin est un espace de la maison conçu et construit pour la détente au soleil.

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La villa Noailles à Hyères est une œuvre de l’architecte Robert MalletStevens construite entre 1923 et 1925 pour les mécènes Marie-Laure et Charles de Noailles Une promenade architecturale se déroule à travers les terrasses en gradins exposées plein sud. Tels des jardins à compartiments, elles se différencient en une série de lieux qui prolongent les espaces intérieurs. La première terrasse du bâtiment principal est délimitée par un long mur d’enceinte. Percé de larges baies, il encadre le paysage. Sans faire obstacle, il concentre le plaisir de la vue sur la vallée.

La terrasse comme espace noble de la villa


UNE PIÈCE ENTRE L’HOMME ET LE CIEL

Un intérieur très ouvert

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Une chambre à ciel ouvert

Dans cette grande villa, la proportion des espaces intérieurs comparés à celle des terrasses invitent les hôtes à ne pas vivre enfermés. Quinze petites chambres composent la villa, et disposent toutes d’une salle de bain et d’une terrasse. Les toits-terrasses sont les véritables espaces nobles du lieu. Sur la photo ci-dessus, la chambre d’été du maître du logis se dédouble et se transforme en une véritable chambre en plein air avec un lit en métal suspendu. La porte mène directement à la terrasse de la chambre, comme si la chambre était l’extension de la terrasse. Où commence et se termine la chambre ? Le toit délimite le même espace que la baie vitrée fermée. Mais une fois la baie ouverte, le sol semble se prolonger jusqu’au garde-corps qui sans ambiguïté clos la pièce. La limite floue dedans-dehors enrichit les qualité spatiales de chacun des compartiments et multiplie les ambiances au sein de la villa.


UNE PIÈCE ENTRE L’HOMME ET LE CIEL

La terrasse intégrée au bâti

La maison de verre à Bruxelles est l’habitation personnelle du concepteur Paul-Amaury Michel en 1935. Elle est une transposition du langage de Le Corbusier, avec pilotis, plan libre, fenêtre en longueur et toit-terrasse. Cette dernière pièce apporte une lumière naturelle aux chambres. Comme pour la villa Noailles, cette terrasse assumée et intégrée à la maison invite les occupants à venir l’investir et à s’y sentir comme dans son salon. La continuité du mur de la chambre percée par la fenêtre en bandeau, certes sans vitrage, confère à cet espace un caractère indéniable de pièce à ciel ouvert. Cette pièce forme un séjour extérieur abrité qui continue les chambres du dernier étage. À la manière de la maison de Le Corbusier au Weissenhof de Stuttgart en 1927, la terrasse est intégrée au volume grâce au traitement de la façade.

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06 RENDEZ-VOUS SUR LE TOIT LIEU D’INTERACTIONS PUBLIQUES

En Occident, la sédentarisation conduit l’homme a passer en moyenne près de 67 % de son temps chez lui.30 Temps passé à l’intérieur, qui augmente considérablement s’il travaille au bureau. Même si la météo sous nos latitudes joue un rôle non négligeable dans ce résultat, autant dire que le temps passé à l’extérieur n’est pas sur les toits. Et pourtant, si la possibilité leur été offerte, non seulement d’avoir un accès pour souffler le temps d’une pause ou pour pratiquer une activité, peut-être que la plupart d’entre-eux iraient profiter des hauteurs. J’ai sélectionné quelques exemples où la configuration de l’espace induit de nouveaux types d’appropriation des toits. Dans un premier temps nous découvriront Çatal Höyük, en actuelle Turquie et Masouleh en Iran. Ces deux villes ont la particularité que tous les espaces publics sont sur les toits. Puis, la terrasse des Ponchettes à Nice et la Promenade plantée à Paris rendront compte des anciennes structures utilitaires réaffectées en tant que nouveaux espaces publics hors-sol. Pour clore cette rubrique, j’étudierai la richesse et les qualités spatiales des toits des écoles maternelles de la Cité Radieuse de Marseille et Fuji à Tokyo.

30 ZEGHNOUN Abdelkrim, Description du budget espace-temps et estimation de l’exposition de la population française dans son logement, Institut de veille sanitaire, octobre 2010, p. 31. Disponible sur: www.invs.sante.fr


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L’espace public sur les toits, Çatal Höyük, actuelle Turquie VII ème s. av. JC.

Çatal Höyük est une ville du Néolithique (VIIème siècle av. JC) qui aujourd’hui a disparu. Les maisons réalisées en briques d’adobe recouvertes d’un mortier de terre sont adossées les unes aux autres, sans aucun espace entre elles. Il n’y a pas de rue. Les maisons sont uniquement accessibles par les toits. La porte dans le toit permet de descendre une échelle pour arriver directement au coin cuisine de la maison. ‘‘Cette typologie originale aura traversé les siècles et les continents puisqu’elle se retrouve dans les villages indiens du Nouveau-Mexique et l’habitat dogon du Mali, comme les villages a flanc de colline du Nouristan en Afghanistan.’’31

31 GOSSÉ Marc, MATTHU Roland, STEVENS André, VERPOEST Luc, La façade du ciel, éd. skyline, 1998, p. 30


RENDEZ-VOUS SUR LE TOIT

Terrasses publiques en gradins, Masouleh, Iran, 2014

La ville de Masouleh en Iran vielle du X ème siècle est construite selon le même principe. Située à plus de 1000 mètres d’altitude dans la chaine de l’Elbourz, elle est construite à flanc de montagne sur un dénivelé de 100 mètres. Les toits reliés entre eux deviennent des cours, des places, des véritables espaces publics destinés aux piétons la journée, puis privés une fois la nuit tombée. Ces constructions sont réalisées avec les matériaux locaux à base de pierre, de terre et de bois. Elles sont toutes orientées plein sud et bénéficient toutes d’une vue panoramique sur le paysage montagneux. Les rues étroites et les nombreux escaliers interdisent bien évidement la circulation des engins motorisés sur les toits. Ces toitures deviennent de véritables lieux de convivialité du quotidien des habitants.

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Terrasse des Ponchettes, Nice, XIXème siècle

Coulée verte René-Dumont, Paris 12ème, 2006


RENDEZ-VOUS SUR LE TOIT

Suite à leur désaffectation, d’anciennes structures porteuses sillonnant les villes, sont devenues des éléments du Tiers paysage. Les dessous sont progressivement réinvestis, pour devenir des espaces couverts habités ou abritant par exemples des ateliers, des boutiques ou des marchés de plein air. En surface, ces toits qui n’étaient pas conçus à l’origine pour accueillir les promeneurs se voient être réinvestis et reconsidérés par les villes. L’espace du sol doublé par le toit, amplifie l’animation du quartier. En 1731, un ensemble de bâtiments couverts d’une toiture-terrasse continue est construit le long de l’ancien tracé de fortification. Il s’agit d’un quartier de pécheurs avec sur les toits une promenade surélevée. Nommés les toits-terrasses des Ponchettes, ils sont aménagés en 1848 et deviennent le lieu privilégié de la balade des aristocrates. Ces toits ont longtemps été interdits car trop abîmés pour être considérés comme de l’espace public. En 2010, Nice lança un concours pour les rendre publics à nouveau. Avant la célèbre High-line de Manhattan à New York, la Coulée verte René-Dumont à Paris 12ème, a été réaménagée en 1980 sur ces 4,8 km. Elle reprend l’ancienne voie ferroviaire de 1859, désaffectée en 1969. Ce ‘‘toit délaissé’’ est dans un premier temps réinvesti par la faune et la flore puis réaménagé pour la balade. Cette promenade suspendue offre de multiples points de vue sur le paysage de toits. Elle offre un espace aéré pour les joggeurs, les peintres et les enfants. Il devient un véritable lieu de sociabilité sur le dessus mais également en-dessous lorsque les arcades abritent des magasins, bars et restaurants qui animent la vie de quartier. Perché sur cette seconde strate urbaine, la présence de la ville s’estompe en faveur du ciel. Le visiteur profite de nouvelles qualités spatiales.

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Le cadrage du toit-terrasse montre un détachement par rapport au reste du bâtiment

Cour de récréation, Marseille, 1949

L’un des exemples connus de toits accessibles est celui de la Cité Radieuse à Marseille achevée en 1952. Prôné par quelques générations avant Le Corbusier, le toit-terrasse est l’un de ses cinq points de l’architecture moderne. La couronne hérissée de 56 m de cette machine à habiter profite d’un cadre paysager exceptionnel, entre la mer Méditerranée, la ville et les montagnes. Idéale pour défouler les enfants, cette toiture récréative donne l’illusion de se retrouver sur le pont d’un paquebot face au large. Les cages d’ascenseurs et les cheminées de ventilation émergentes du sol participent à l’imaginaire marin. Proportionnée par le modulor et ordonnée selon un axe nord-sud, la composition des équipements en toiture tels que l’école maternelle, la crèche, le gymnase, et le théâtre spatialisent ce sol dans le ciel. L’alternance plein-vide et le mobilier intégré créent des sous espaces de jeux qui séquencent cette toiture de 137 m de long sur 24 m de large.


RENDEZ-VOUS SUR LE TOIT

La végétation transcende le construit

Cour de récréation, Tokyo, 2007

Le bureau Tezuka architects au Japon propose régulièrement d’investir les espaces en toitures pour les écoles, crèches ou même pour des maisons familiales qu’ils conçoivent. C’est le cas de l’école maternelle Fuji construite en 2007 à Tokyo. Construite de plain pied, cette école en forme de Donuts est le paradis des enfants. Le plan du toit, parallèle à celui du sol multiplie et circonscrit la surface récréative du site. Le toit devient une piste de course, un amphithéâtre pour les spectacles de l’école et le point de départ pour faire du toboggan. Depuis le sol, quelques arbres traversent cette toiture et lui apportent des recoins ombrés dans lesquels les enfants peuvent s’adonner à la pratique de l’escalade.

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CHAPITRE TROIS

IMAGINAIRE DU UTOPIES URBAINES

CIEL

ET

07. TRANSGRESSION L’homme est un chasseur 08. CONTEMPLATION La tête dans les nuages 09. EXPRESSION Toit, mon médium

‘‘Personne n’a jamais construit la ville pour qu’elle soit vue de haut. Que peut-on raconter des hommes en étant là-haut? La ville contient tout. On peut la filmer indéfiniment, elle contient toutes les émotions. L’infiniment grand et l’infiniment petit. La ville vue des toits, c’est aussi un traité d’art involontaire.’’ Benoît Peeters



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07 TRANSGRESSION L’HOMME EST UN CHASSEUR

L’homme a toujours dû lutter contre les éléments. Les évènements ont rarement été aisés pour lui. Quand bien même il trouvait refuge dans la grotte, il voulu avoir plus de confort dans une construction dont il aurait choisi les matériaux et l’emplacement. C’est bien connu, l’homme convoite ce qu’il n’a pas et s’amuse de l’interdit. En Occident, le style international connu un grand succès entre les années 1920 et 1980. Le béton armé joua un rôle déterminant. Il mit un terme à des centaines d’années de frustrations techniques. Grâce à lui, les Modernes marquèrent l’avènement du toit-terrasse. Outre ce choix formel, il permit à l’homme perché d’améliorer sa qualité de vie et de profiter pleinement des concepts défendus par les hygiénistes de l’époque: air pur et lumière du soleil. Malgré ces débuts très enthousiastes, les constructions de ces toits plats se sont dégradées lorsque les constructeurs ont vu en eux le moyen d’augmenter les profits. En banlieue, les toitures terrasses de ces grands-ensembles deviennent des espèces de non-lieux techniques hostiles à l’homme. Interdits aux habitants, ils font parfois l’objet de films documentaires et œuvres cinématographiques. Dans La Haine, réalisé par Mathieu Kassovitz en 1995, une scène du film nous montre une bande de jeunes profitant d’un barbecue sur le


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IMAGINAIRE DU CIEL ET UTOPIES URBAINES

Le toit-terrasse investi par Saïd et ses amis, La haine, 1995

La terrasse, lieu de l’élite, Le cercle de la rue Rorale, J.J. Tissot, 1868


TRANSGRESSION

toit de leur barre HLM. L’espace investi, normalement inaccessible, devient à cette occasion un véritable salon salle-à-manger dans les airs. L’accès par une échelle escamotable ne les empêche pas de ramener des banquettes de voiture en guise de canapé. Ils se sont réunis ici car c’est le seul espace de la cité où il est possible de dominer les alentours: ‘‘sur un toit élevé en ville, un peu plus proche du ciel que le commun des mortels’’32. Ici, le toit détourné de son usage initial devient un outil de pouvoir où les formes de sociabilité s’affirment. D’ailleurs, la police tentera en vain de les déloger. Dans Metropolis, de Fritz Lang en 1927, le toit, ou plutôt les hauteurs de la ville sont le reflet de la pyramide sociale. L’action se déroule en 1926 à Metropolis, ville futuriste dans laquelle règne une injustice sociale bien ancrée. Les ouvriers sont condamnés à travailler, et faire fonctionner des machines pour garantir le confort des élites supérieures. Ces ouvriers vivent loin de la lumière, à des dizaines de mètres dans les sous-sols de la ville. Au contraire l’élite vit au sommet de ces gratte-ciels. La rue devient un niveau parmi tant d’autres où les ouvriers tentent d’échapper à leurs conditions pour s’élever au même niveau que le peuple d’en-haut. Finalement, prendre de la hauteur semble associé à la réussite et à un rapport de domination sur le peuple d’en-bas. C’est ce qui explique l’attrait que certains ont de vivre dans les penthouses ou de siroter un cocktail dans un skybar. Véritable nid d’aigle assis sur l’entièreté des logements inférieurs, l’occupant profite d’une vue plongeante sur la ville: ‘‘Le toit plat praticable reste destiné à une élite. Il existe par exemple dans la publicité sous forme d’une spacieuse terrasse sur laquelle, l’homme, qui a réussi, se prélasse au-dessus des toits de sa ville. Invisible du petit peuple, cette plate-forme symbolise le promontoire d’où domine le chef de guerre. Cet homme est arrivé à quelque chose.’’33

32 BENTMANN Richard, MULLER Michael, La villa architecture de domination : Ville-satellite et penthouse, Bruxelles, éd. Mardaga, 1975, p.174 33 BALLHAUSEN Nils, L’architecture d’aujourd’hui, ‘‘Le toit,5e façade’’, éd. jeanmichel place, maijuin 2006, p. 54.

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IMAGINAIRE DU CIEL ET UTOPIES URBAINES

Fuite de Fantomas sur les toits de Paris, 1964

Simon Nogueira parcourt les toits de la Place de la Bourse, Bruxelles, 2016


TRANSGRESSION

Souvent vu comme un échappatoire dangereux, le toit est également perçu comme la porte d’entrée et de sortie des voleurs dans les immeubles d’appartements. Au cinéma, c’est aussi le lieu de courses poursuites comme dans Sueurs Froides, d’Alfred Hitchcock, Blade Runner, de Ridley Scott ou Fantomas, d’André Hunebelle. Pour les escaladeurs, freerunners, et adeptes du Parkour, le toit devient un obstacle de la vraie vie à franchir. Le freerunning, variante artistique du Parkour, est une pratique de déplacement rapide par franchissement des obstacles urbains. Ces adeptes sillonnent les villes du monde à la recherche de nouveaux spots pour publier de nouvelles vidéos acrobatiques à couper le souffle sur Youtube. Une véritable culture des toits, du vide, et de la liberté se développe au sein de ces disciplines de l’Urbex34. En lien avec les usages des toits des villes, ces pratiques repoussent les limites communément admises où les cimes urbaines sont impraticables et inappropriables. Peu importe les bâtiments, leurs sommets deviennent un moyen de déplacement. La proximité des toits, les différences de niveaux entre-eux, les relevés de cheminées, les balustrades et autres éléments techniques du bâti suffisent à spatialiser une sorte de salle d’entraînement en plein air jusqu’alors inenvisageable. Par le jeu, et le déplacement, ces téméraires animent cette couche aérienne et laissent rêveurs ceux qui préfèrent garder les pieds sur terre. Le Corbusier souligna l’importance du déplacement physique pour permettre au visiteur de ressentir ‘‘le phénomène poétique’’ de l’architecture.35

34 URBEX: URban & EXtrem, pratique consistant à explorer des lieux interdits ou difficile d’accès. 35 BALTANAS José, Le Corbusier, parcours, éd. Parenthèses, Marseille, 2005

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08 CONTEMPLATION LA TÊTE DANS LES NUAGES

‘‘Dans le Japon ancien, existait une cérémonie appelée kunimi (mot à mot: ‘‘regarder le pays’’) dans laquelle l’Empereur faisait l’ascension d’une montagne et de là portait son regard vers le lointain. Il signifiait ainsi sa souveraineté sur le territoire. Au début itinérant (...), ce rite fut par la suite cantonné dans la capitale, et l’ascension d’une montagne symboliquement remplacée par celle d’une tour.’’36 Voir et entendre la ville autrement, sans être vu, libre comme un oiseau dans les airs ou puissant comme Dieu sur son nuage, l’inaccessibilité du toit et sa relation intime avec le ciel développe l’imaginaire des piétons dans la ville. Le ciel est un élément immatériel et impalpable. Symbole d’infini et de liberté pour Icare, il suscite le désir et certaines rêveries. Pendant très longtemps et encore maintenant les toits ont été des sujets d’inspiration pour beaucoup d’artistes. Il est un moyen de se rapprocher des cieux et de développer un nouveaux regard sur la ville. La puissance d’évocation des dessins-animés de Walt Disney a fait rêver les enfants, lors l’envol de Peter Pan au pays imaginaire, de Mary Poppins qui danse avec les ramoneurs sur les toits de Londres ou même les Aristochats qui se baladent sur les toits de Paris témoignent de ce mouvement. Dans Une journée particulière, d’Ettore Scola, le linge étendu flottant au vent sur le toit habité permet de faire abstraction de l’Italie en guerre des années 1940. 36 BERQUE Augustin, Les raisons du paysage, éd. Hazan, 1996


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IMAGINAIRE DU CIEL ET UTOPIES URBAINES

A Roof in Chelsea, New York, John Sloan, 1941

Le Miracle de la relique de la Croix, de Vittore Carpaccio, 1494

Détail


CONTEMPLATION

Lieu du songe et d’évasion, le toit est dans certaines représentations de l’époque un support architectural de contemplation. Les altanes se sont dressées vers 1200 à Venise. Altane, de l’italien altiero signifie fier. Le Miracle de la relique de la Croix, peinture de Vittore Carpaccio en 1494, rend compte du mode de vie de l’époque. Dans un tissu urbain dense et la concomitance des canaux, de nombreuses maisons ne pouvaient posséder leur jardin. Les enjeux liés à la densité ont poussé les vénitiens à tirer parti de l’espace disponible. Grâce à la construction de ces altana sur les toits en pente, les vénitiens pouvaient disposer fièrement de leur propre terrasse au soleil. Ils bénéficiaient ainsi de points de vues aérés sur la cité et sa lagune. Toujours utilisées comme terrasse, ces altanes sont une preuve passée que cette quête contemplative n’est pas un plaisir moderne. Cette idée vénitienne fut à quelques reprises réutilisée et réinterprétée par certains candidats du concours d’idées Bordeaux203037, intitulé Habiter les toits. Les participants ont imaginé de nouvelles manières d’investir les toits bordelais pour répondre aux enjeux de demain. Des îlots connectés, des espaces publics sur les toits, des toitures éventrées et bien d’autres ont été développés. Huit siècles après les altanes ce sont ces mêmes enjeux qui nous poussent à investir les sommets de nos villes. Dans d’autres cités, la gravure ci-après montre que les parisiens du XVII ème siècle se plaisaient déjà à regarder la ville d’en-haut. Ces toitures plates invitèrent aussi les hommes à regarder un peu plus haut que les rues, les canaux et les autres édifices habituels. Grâce notamment à l’Observatoire de Paris conçu en 1667 par Claude Perrault, le ciel devient un sujet d’étude et de contemplation nocturne.

37 Les projets sélectionnés sont disponibles sur: http://www.agorabordeaux.fr/categorie/prix-appel-aidees/habiter-les-toits-2014/

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IMAGINAIRE DU CIEL ET UTOPIES URBAINES

Gravure des toits de l’île de la Cité vus depuis une tour de Notre-Dame, vers 1620


CONTEMPLATION

‘‘Elle me dit, un soir, en souriant : — Ami, pourquoi contemplez-vous sans cesse Le jour qui fuit, ou l'ombre qui s'abaisse, Ou l'astre d'or qui monte à l'orient ? Que font vos yeux là-haut ? je les réclame. Quittez le ciel ; regardez dans mon âme !’’

Extrait Les Contemplations, Un soir que je regardais le ciel Victor Hugo, 1830-1845

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09 EXPRESSION TOIT, MON MÉDIUM

Désormais, le toit n’est plus le seul terrain de jeu des chats, ou des pigeons, qui de là-haut, guettent et narguent les passants. Même si les couvreurs et les quelques ramoneurs en profitent le temps du travail, ce coin fut aussi le nouvel espace d’expérimentation des photographes du début des années 1920. À ce moment, un nouveau courant photographique apparaît en Europe: la Nouvelle Vision. Plus que le photogramme, plus que le gros plan et que la contreplongée, la vue en plongée incarne la modernité en photographie. La démocratisation de ce nouvel angle de vision, plonge la banalité du quotidien dans une autre dimension. Profitant de l’amélioration de leurs appareils photos, ces photographes modernes arpentent les toits pour offrir des points de vue toujours plus surprenants sur la ville. En mars 2015 le photographe Herman Desmet va encore plus loin. Il propose aux internautes via son site web Brussels from above38 des panoramas à 360° de la ville. Grâce à cette sorte de Google Air View, on se retrouve en quelques clics sur une trentaine de points culminants bruxellois. Perché sur le toit à la croisée du transept de la Basilique de Koekelberg ou sur l’antenne télé de la tour du Midi, des perspectives inattendues redessinent la ville.

38 Disponible sur: http://www.brusselsfromabove.be/


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IMAGINAIRE DU CIEL ET UTOPIES URBAINES

Marie-Françoise Plissart sur le toit de la Tour des Finances à Bruxelles, 1998


EXPRESSION

Rassemblement pour la manifestation dans la cour du Vkhoutemas, Alexandre Rodtchenko, Moscou, 1928

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IMAGINAIRE DU CIEL ET UTOPIES URBAINES

Dernière représentation publique des Beatles, sur le toit d’Apple Corps à Londres, 30 janvier 1969


EXPRESSION

Une aubaine pour que ceux qui ont le vertige puissent contempler par procuration la skyline bruxelloise. Beaucoup de photographes se sont spécialisés dans les clichés pris depuis les cimes des villes. Dans les pas de Marie-Françoise Plissart avec son recueil de photographies dans Bruxelles, Horizon Vertical en 1998 ou d’Alex MacLeane avec sa série Sur les toits de New-York: différents types d’occupation des toits de 2012, nombreux sont les passionnés de photographies à saisir la poésie reflétée par cette canopée urbaine soumise aux variations lumineuses et météorologiques. Les musiciens n’ont pas non plus boudé les toits. Dans le froid matin de janvier 1969, les piétons londoniens entendirent la musique des Beatles tomber du ciel. Le groupe donnait son dernier concert sur le toit d’Apple Corps39. Cette situation pour le moins curieuse et inattendue concentra l’attention des passants en bas de l’immeuble. Ce dernier spectacle symbolique offert à la ville, s’est finalement apparenté à un concert en plein air. Le toit, ou plutôt la scène dilata cette salle de concert jusqu’aux balcons des voisins et même jusqu’aux rebords des fenêtres dans la rue où le public profita de cette expérience inédite. La technologie nous amenant toujours plus loin dans le progrès et toujours plus haut en matière de construction, a accompagné l’imagination des artistes. Leurs idées ont permis de faire germer de nouveaux points de vues et usages, de nouvelles ambiances et relations entre intérieur et extérieur. Ces toits qui coiffent la ville participent au paysage et à l’ambiance de celle-ci. À l’échelle urbaine et humaine, l’imaginaire et les usages des toits ne connaissent pas de limite.

39 Concert intégral disponible sur: http://www.dailymotion.com/video/x13rmt9_mtv-the-beatlesrooftop-concert-1969_music

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CHAPITRE QUATRE

SUR LES TOITS DE BRUXELLES 10. LE CHÂTEAU DES MARAIS Plongée, contre-plongée 11. LE PONT GRAY-COURONNE Topographie naturelle, artificielle 12. UNE BIBLIOTHÈQUE DE QUARTIER Les toits habités

“Si vous possédez une bibliothèque et un jardin, vous avez tout ce qu’il vous faut.” Cicéron



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10 LE CHÂTEAU DES MARAIS PLONGÉE, CONTRE-PLONGÉE

Bruxelles /bʁy.sɛl/ de l’ancien néerlandais, Broeksel ou Broekzele signifie ‘‘habitation, château’’ (sel/zele) ‘‘des marais’’ (broek).40 Une des cinq étymologies proposées dans la littérature, défini Bruxelles comme ‘‘une habitation des marais’’ ou ‘‘un château des marais’’. ‘‘Marais’’ car Bruxelles a toujours été une zone humide entourée de marécages, et de nombreux cours d’eau se jetaient dans la Senne. Pour des raisons d’hygiène, la ville décida au XIXème siècle de voûter cette rivière. Les travaux sont achevés en 1871. La ville s’est développée à l’origine vers le VII ème siècle en trois noyaux distincts, l’un au cœur de la vallée de la Senne et les deux autres sur les hauteurs avoisinantes. Sur l’une de ces collines dite de Coudenberg s’est construit un château fort. Sa position stratégique est confortée par la topographie très marquée de la ville haute à l’est, et la ville basse à l’ouest. Cette ville à deux niveaux de part et d’autre la Senne est illustrée ciaprès au moyen de petites coupes séquencées et associées à des photos dans l’étude de Bernardo Secchi et Paola Viganò, pour le Concours Brussels 2040.

40 van ISTENDAEL Geert, Arm Brussel, éd. Atlas, Bruxelles, 2013


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SUR LES TOITS DE BRUXELLES

Rive gauche

Pannenhuis

Boulevard du Jubilé

Avenue Jean Dubrucq

Gare de l’Ouest

Parc Astrid


LE CHÂTEAU DES MARAIS

Rive droite

Boulevard Léopold II

Esplanade du Congrès

Jardin du Mont des Arts

Parc Duden

Avenue Victor Rousseau

Source: Studio 010, Associato SECCHI Bernardo, VIGANÒ Paola, Concours Brussels 2040, 2012

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SUR LES TOITS DE BRUXELLES

Mont du Bon Dieu

Mont des Arts Pont Gray-Couronne

Mont de la Justice

Topographie de Bruxelles


LE CHÂTEAU DES MARAIS

Edmond Carton de Wiart définira trois monts symboliques culminants à Bruxelles: “Il y a le mont de la justice, il faut là-bas à Koekelberg le mont du Bon Dieu et ici le mont des Arts.”41 Certes l’Atomium, la grand roue de Noël ou certaines tours permettent de prendre de la hauteur, mais la topographie bruxelloise est suffisamment variée pour le faire sans effort. Des ruptures de niveaux assez nettes permettent de faire en sorte qu’un toit devienne un rez-dechaussée-belvédère sur la partie basse de la ville. Sur ces trois Monts, il est possible d’admirer gratuitement à n’importe quel moment de l’année et par tous les temps la skyline bruxelloise. Ce sont ces caractéristiques topographiques et urbaines qui m’ont poussé à choisir cette ville pour ce TFE. Et bien évidemment je n’ai pas construit sur l’un de ces trois Monts, qui de toute manière ont déjà été investis. Quoique ? L’idée m’a en faite traversé l’esprit. Et pas qu’un peu, car naïvement j’ai tenté de m’implanter sur le Mont de la Justice. Enfin, sur les toits de l’école Robert Catteau au bout de l’Avenue Louise pour être exact. C’était un numéro d’équilibriste raté d’avance, où je tentais de m’aligner aux grandes lignes directrices de la Place Poelaert sans obstruer la vue... Trop confiant, je pensais axer mon projet sur la vue et le lointain. Certes le projet d’architecture peut offrir des points de vues intéressants sur la ville, mais il ne se résume pas uniquement à la vue qu’il propose. Après avoir cherché un peu partout dans les guides touristiques, les cartes topographiques, et écouté les différentes pistes proposées, je me suis implanté au niveau du pont Gray-Couronne.

41 CARTON de WIART Edmond, Léopold II, Souvenirs des dernières années (1901 – 1914), éd. Goemaere, Bruexlles, 1944

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11 LE PONT GRAY-COURONNE TOPOGRAPHIES NATURELLE ET ARTIFICIELLE

Les fins connaisseurs de Bruxelles auront peut être déjà remarqué le terrain d’étude visible sur la photographie p. 102 qui situe le pont Gray-Couronne dans le contexte d’Ixelles. D’autres auront peut-être entendu parlé du site via le concours d’architecture de février 2017. Intitulé l’entre-deux-ponts, il vise à qualifier et dynamiser la zone enclavée par une reconversion des archives de la CINEMATEK. Le site est caractérisé par un dénivelé impressionnant. Il se situe au croisement d’une topographie naturelle et artificielle: la rue Gray encaissée dans la vallée surplombée par le pont de l’Avenue de la Couronne. Cet ouvrage d’art en maçonnerie de briques rouges surmonté d’une balustrade en pierre bleue est dessiné en 1864 et achevé en 1880 par Victor Besme. Il a été construit dans le but de développer la partie est de Bruxelles. Il prolonge la rue du Trône et enjambe la vallée du Maelbeek qui jusqu’alors était un obstacle pour l’extension urbaine. La rue Gray qui relie la Place Eugène Flagey d’Ixelles à la Place Jourdan d’Etterbeek, suit l’ancienne trace du Maelbeek, petit ruisseau affluent de la Senne.


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SUR LES TOITS DE BRUXELLES

Place Jourdan

Rue du Trône

Place Eugène Flagey

Avenue de la Couronne

Croisement rue Gray et Avenue de la Couronne qui se prolonge rue du Trône


LE PONT GRAY-COURONNE

Vue du pont, 1900

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Vue d’Ixelles depuis le viaduc de l’avenue de la Couronne, William de Farmas Testas, 1885

Ce pont en arc a une hauteur de 20 m, pour une largeur d’environ 17 m. Sa portée de 11,30 m correspond à la voûte en berceau. Cette voûte repose sur deux pilastres. Le tablier est soutenu par les murs de soutènement latéraux rythmés d’arcades aveugles et élancées. De ce pont n’est visible que l’arche principale car les arcades sont cachées par la végétation d’un côté et par une barre de logements collectifs de l’autre. De chaque côté, le haut du pont offre aux piétons des vues panoramiques imprenables. Ce pont est délimité à ses extrémités par des maisons d’époque 1850. Ces maisons présentent un intérêt patrimonial à préserver. Elles participent à l’identité du lieu et à la structure du pont. Ce pont crée une présence théâtrale sur le site (génie du lieu). Il est classé depuis le 10 décembre 2015 par le Gouvernement de la Région de Bruxelles.


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SUR LES TOITS DE BRUXELLES

Vue de l’Avenue de la Couronne, sur le pont, 1920

Vue de l’Avenue de la Couronne, sur le pont, 2017


LE PONT GRAY-COURONNE

Rue Kerckx

Rue Gray

Une végétation envahissante

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SUR LES TOITS DE BRUXELLES


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12 UNE BIBLIOTHÈQUE DE QUARTIER LES TOITS HABITÉS

Un manifeste publié en 1994 par 1’UNESCO définit la bibliothèque publique comme ‘‘une force vivante au service de l’éducation, de la culture et de l’information’’ qui permet ‘‘de contribuer au progrès spirituel de l’humanité.42’’ Ces maisons de la connaissance doivent être conviviales, accessibles à tous et favoriser la cohésion de la communauté. Ainsi, j’ai profité de la visibilité du site et sa situation particulière aux abords du pont. C’est un entre-deux niveaux: entre l’avenue de la Couronne et celui de la rue Gray. Au cœur de la vallée du Maelbeek, entre deux places fréquentées (Eugène Flagey et Jourdan), le projet vise à diversifier l’offre d’espaces disponibles en tirant parti d’espaces délaissés. Ce site laissé à l’abandon depuis plus de cinquante ans est envahi par la végétation. Celle-ci obstrue la vue depuis le pont sur la maison, depuis la maison sur Bruxelles et encombre l’espace bordant le pont. L’enjeu est tout d’abord de tirer parti de la topographie du site, tout en s’intégrant au tissu existant. Tissu marqué par la présence du pont, le projet vise à animer le quartier et à renforcer son identité.

42 Manifeste de l’UNESCO sur la bibliothèque publique, Novembre 1994


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SUR LES TOITS DE BRUXELLES

Au cœur de la vallée du Maelbeek, entre la Place Eugène Flagey (Ixelles) et la Place Jourdan (Etterbeek)


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UNE BIBLIOTHÈQUE DE QUARTIER

5

20 10

Les abords du pont: une identité forte et une topographie prononcée

40


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SUR LES TOITS DE BRUXELLES

Croquis d’intention, espaces servis - espaces servants

Continuité des toitures-terrasses

Vue depuis la rue Gray, 1904


UNE BIBLIOTHÈQUE DE QUARTIER

Le site caractérisé par un dénivelé de 20 m est une opportunité qui permet à cette bibliothèque de disposer de deux accès: un tout public rue Gray et un autre pour les étudiants en langues venant de la maison qui jouxte le site le long de l’avenue de la Couronne. Sur la photo de 1904, on remarque que le terrain est retenu par une succession de murs de soutènement. Cette structure non entretenue est toujours existante mais tombe en ruine. Le projet vise à s’inscrire dans cette logique constructive de gradins. Ainsi la bibliothèque se caractérise par une succession de quatre niveaux de sols et murs de soutènement de briques claires. Le dernier niveau se confond avec le niveau bas de la maison des cours de langues. Ces niveaux restent ouverts les uns par rapport aux autres pour accentuer leur continuité et créer un espace unitaire. L’intégration du mobilier dans l’épaisseur du ‘‘mur-garde-corps’’ (banquette et tablette en bois clair) minimise l’impact bâti sur la structure du projet. Les toitures-terrasses en gradins traversent le site et sont habitées par des salles de travail en groupe en lien avec une terrasse. Dans le croquis d’intention, j’ai disposé dans l’épaisseur creusée privée de lumière directe les espaces servants (magasins, sanitaires et techniques) en lien avec les espaces servis (banquettes de lecture, espace de consultation et de travail) plus lumineux. Le volume parallélépipédique vient couvrir de son toit une portion de ces terrasses pour les rendre intérieures. Les toitures-terrasses deviennent des pièces très ouvertes. À la fois intérieures et extérieures, les limites sont celles du vitrage, de la succession de poteaux et des arcades pleines du pont. La fine structure de poteaux métalliques clairs laisse la lumière du nord-est se diffuser dans les espaces de lecture et de travail.

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SUR LES TOITS DE BRUXELLES

Deuxième étage Salle de travail en groupe - Terrasse

Premier étage

Rez-de-chaussée

Espace de consultation - Magasin

Hall - Prêt - Vestiaires


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UNE BIBLIOTHÈQUE DE QUARTIER

PROGRAMME

SURFACE

PLACES ASSISES

Hall 60 m2 Prêts livres 25 m2 Espaces de consultation 260 m2 Salles de travail en groupe 200 m2 Cafétéria 60 m2 Magasins 115 m2 Bureaux 35 m2 Circulations, sanitaires, techniques 100 m2 Terrasses extérieures 1 510 m2 TOTAL

84 36 20

2 360 m2

0,5

2 1

Quatrième étage

5

135

8 4


126

0,5

SUR LES TOITS DE BRUXELLES

2 1

8 4

Le toit protège, la terrasse invite à prendre l’air


UNE BIBLIOTHÈQUE DE QUARTIER

La terrasse dilate les espaces de travail

À la manière de la villa Noailles, où quelques pièces intérieures profitent du prolongement d’une terrasse, cette bibliothèque dispose de salles de travail en groupe faisant face à une terrasse. Par sa dimension, elle dilate l’espace intérieur, le baigne de lumière et invite les lecteurs à profiter du toit-terrasse. D’épais garde-corps fleuris se prolongent à l’intérieur en table de travail en partie supérieure et contiennent des banquettes intégrées en partie basse. Ils délimitent une succession de pièces cloisonnées entre les murets végétalisés, et les arcades du pont créant ainsi des espaces plus attractifs pour le public.

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0,5

2 1

8 4


UNE BIBLIOTHÈQUE DE QUARTIER

Promenade jusqu’au toit

Parcours de l’intérieur vers l’extérieur

‘‘Un homme avec un livre va vers la lumière. Ainsi commence une bibliothèque. Il ne s’éloignera pas de 15m pour se mettre sous la lumière électrique.’’43

C’est par les circulations du volume intérieur que l’ascension s’effectue de terrasse en terrasse vers l’extérieur. Les livres occupent l’espace central de chacune des terrasses et deviennent une séquence du parcours. À l’extérieur, la promenade se fait sous une végétation abritant des recoins plus verdoyants le long du mur côté sud. Ce parcours permet de prendre de la hauteur progressivement en profitant de différentes ambiances en terrasse jusqu’au dernier toit en passant par la terrasse de la cafétéria.

43 KAHN Louis I., Silence et lumière, éd. du Linteau, Cognac, 2006, p. 36

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SUR LES TOITS DE BRUXELLES

Une aire de jeu pour les enfants

Projections en plein air


UNE BIBLIOTHÈQUE DE QUARTIER

Des expositions

Concerts en plein air ...

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SUR LES TOITS DE BRUXELLES

0,5

2 1

8 4


UNE BIBLIOTHÈQUE DE QUARTIER

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Le grand espace de la Bibliothèque royale conçu par Boullée où les rayonnages des livres sont gradins inspira lorsqu'il remarquait SUR LES TOITS DEKahn BRUXELLES 134disposés sur les murs en la manière dont: ''celle-ci fait sentir ce qu'une bibliothèque devrait être — vous entrez dans une pièce et les livres sont tous là.'' KAHN cité dans McCARTER Robert, Louis I. KAHN, éd. Phaidon, Paris, 2007, p. 305


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POUR COURONNER LE TOUT

Mode d’expression de son environnement et de son temps, le toit a connu de nombreuses évolutions. Longtemps relégué à son statut initial de protection permettant à l’homme de créer un monde intérieur maîtrisé où les rapports avec la nature sont contrôlés, il est désormais devenu un espace de vie extérieur. Le climat au Proche-Orient fut propice au développement de ces espaces aériens de sociabilité. Il en fut autrement sous nos latitudes. D’abord triangulaire par nécessité, il s’est peu à peu aplani grâce à l’amélioration des techniques d’étanchéités horizontales et l’apparition du béton. Manifeste architectural des années 1920, le toitterrasse n’est plus le simple couvercle protecteur des pièces de vie du dessous. Il devient le couronnement de l’édifice: une cinquième façade qui ouvre la voie à de nouveaux possibles. Non seulement cet espace entre ciel et terre prolonge et dilate les pièces intérieures, mais il devient également une pièce à part entière où de nouveaux usages se généralisent. Le toit est un support privilégié où l’on peut disposer d’un belvédère aménagé, d’un jardin suspendu, d’une piscine, voire d’une chambre à coucher. Entre deux infinis, le toit est un espace providentiel pour l’homme. Entre un dedans et un dehors, il est en lien avec le proche et le lointain.


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LE TOIT-TERRASSE: UNE PIÈCE DE VIE

Comme tout espace le toit connaît des limites, celles du vide. Celles-ci délimitent les bords du toit et différencient donc l’espace accessible de celui non accessible. Sans clos, ni couvert, l’espace ainsi dégagé est ce que l’on pourrait appeler le plus bas degré d’une pièce étant donné que son degré d’ouverture est maximal: un socle dégagé qui se distingue du sol sur lequel il est posé. Si l’on admet cette hypothèse, alors toutes les toitures-terrasses sont des pièces. Je pourrai creuser dans ce socle ou dérouler un ou deux murs afin de créer de nouvelles pièces en surface. Peut-être même que des objets imposants ou non, voire de la végétation pourraient également intimiser et déterminer les espaces. Jacques Lacan l’évoquera en ces termes: ‘‘Pour parler de façon abrégée, l’architecture primitive peut être définie comme quelque chose d’organisé autour d’un vide.’’ 44 Mais aussi loin que l’on puisse aller dans la manière de délimiter cette toiture par un jeu de creux et de saillies, de matérialité, de couleurs et de textures, cette pièce à ciel ouvert est et restera extérieure. Les règles architectoniques du jeu étant posées, il ne reste plus qu’aux hommes à s’emparer du lieu pour laisser libre cours à leurs imaginations. Aux classiques salon, cuisine, salle à manger s’ajoute désormais une pièce solaire. Cette pièce supplémentaire est, on l’a vu, qualitative sur de nombreux plans. Lieu suspendu convoité, il offre un coin de tranquillité, et invite les occupants à venir y passer de bons moments de convivialité. Les quelques exemples illustrés et analysés de cet écrit auront démontré qu’en architecture et dans les usages, il en faut peu pour être heureux.

44 LACAN Jacques, L’éthique de la psychanalyse, Le séminaire VII, 1959-1960, éd. Seuil, Paris, 1986, p. 162


POUR COURONNER LE TOUT

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LE TOIT-TERRASSE: UNE PIÈCE DE VIE

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ICONOGRAPHIE

IMAGINAIRE DU CIEL ET UTOPIES URBAINES SCHUITEN François, Les Cités Obscures, Le Guide des Cités, éd. Casterman, 2011: p. 82 Screenshot: KASSOVITZ Mathieu, La Haine, 1995 : p. 86 La terrasse, lieu de l’élite, Le cercle de la rue Rorale, J.J. Tissot, 1868: p. 86 Simon Nogueira sur les toits de la Place de la Bourse, Bruxelles, 2016, Zenzel Photographie, Zero Degré: p. 88 Screenshot: HUNEBELLEAndré, Fantomas, 1964, Collection Cahiers du Cinéma: p. 88 A Roof in Chelsea, New York, John Sloan, 1941, disponible sur www.pinterest.com: p. 92 Le Miracle de la relique de la Croix, de Vittore Carpaccio, 1494, disponible sur www.pinterest.com: p. 92 Gravure des toits de l’île de la Cité vus depuis une tour de Notre-Dame, vers 1620, dans LECLERQ F. SIMON. P, Les toits de Paris : de toits en toits. Paris, éd. Hazan, Pavillon de l’Arsenal, Paris, 1994: p. 94 Marie-Françoise Plissart sur le toit de la Tour des Finances à Bruxelles, dans PLISSART Marie-Françoise, PEETERS Benoît, Bruxelles, Horizon Vertical, éd. Prisme, décembre 1998: p. 98 Rassemblement pour la manifestation dans la cour du Vkhoutemas,Alexandre Rodtchenko, Moscou, 1928, disponible sur www.pinterest.com: p. 99 Dernière représentation publique des Beatles, sur le toit d’Apple Corps à Londres, 30 janvier 1969, disponible sur www.pinterest.com: p. 100

SUR LES TOITS DE BRUXELLES Rooftop avenue Louise Rooftop , vues de Bruxelles depuis le toit d’une haute tour sur une artère fréquentée de la ville, Eric Ostermann, 2016: p. 102 Studio 010,Associato SECCHI Bernardo, VIGANÒ Paola, Concours Brussels 2040, 2012: p. 106 - 107 Carte retouchée par l’auteur à partir de celles recueillies dans Étude exploratoire de la problématique des hauteurs en région de Bruxelles Capitale, BUUR Sprl, 2017: p. 108 Plan de situation réalisé par l’auteur, 2017, p. 112 Vue du pont, 1900, BRUCIEL, disponible sur www.bruciel.com: p. 113 Vued’Ixellesdepuisleviaducdel’avenuedelaCouronne,WilliamdeFarmasTestas,1885,disponiblesurpinterest.com:p.113 Bruciel et Photographies de l’auteur, 2017: p. 114 - 115 Vue depuis le pont, Photographie de l’auteur, 2017: p. 116 - 117 Axonométrie de situation, de l’auteur, 2017: p. 120 Plan du site, de l’auteur, 2017: p. 121 Bruciel et Croquis de l’auteur, 2017: p. 122 Plans, de l’auteur, 2017: p. 124 - 125 Coupe et plan, de l’auteur, 2017: p. 126 - 127 Plan et plans schématiques, de l’auteur, 2017: p. 128 - 129 Axonométries des usages sur le toit, de l’auteur, 2017: p. 130 - 131 Coupe longitudinale, de l’auteur, 2017: p. 131 - 133 Perspective intérieure de la bibliothèque, de l’auteur, 2017: p. 134

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LE TOIT-TERRASSE: UNE PIÈCE DE VIE

Une bibliothèque à Etterbeek Guillaume Burietz


ANNEXES

Une rupture de niveau Guillaume Burietz

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LE TOIT-TERRASSE: UNE PIÈCE DE VIE

Habiter la topographie Guillaume Burietz


ANNEXES

Promenade jusqu’au toit

Parcours de l’intérieur vers l’extérieur

Habiter les terrasses Guillaume Burietz

La terrasse dilate les espaces de travail

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LE TOIT-TERRASSE: UNE PIÈCE DE VIE

Une aire de jeu pour les enfants

Projections en plein air

Des expositions

Concerts en plein air ...

Différents usages Guillaume Burietz


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ANNEXES

PROGRAMME

SURFACE

60 m2 25 m2 260 m2 200 m2 60 m2 115 m2 35 m2 100 m2 1 510 m2 2 360 m2

Hall - Prêt - Vestiaires

Espace de consultation - Magasin

Une bibliothèque en relation avec les terrasses Guillaume Burietz

Salle de travail en groupe - Terrasse

PLACES ASSISES

5 84 36 20

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LE TOIT-TERRASSE: UNE PIÈCE DE VIE

Continuité intérieur / extérieur Guillaume Burietz


ANNEXES

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LE TOIT-TERRASSE: UNE PIÈCE DE VIE

Maquette 1:100

Vue depuis la rue Gray


ANNEXES

Vue depuis la rue Kerckx

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LE TOIT-TERRASSE: UNE PIÈCE DE VIE

Vue depuis le pont


ANNEXES

Vue d’ensemble

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L E TO I T- T E R R A S S E : U N E P I È C E D E V I E


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