Exposition Virtuel : AgroAlimentaire

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DU FIL A LA PÂTE L’agroalimentaire à Parthenay

Catalogue publié à l'occasion de la tenue de l'exposition du 22 Novembre 2006 au 24 Mars 2007, au musée municipal de Parthenay sous la direction de Maria Cavaillès

Cet ouvrage a reçu l'appui financier : de la Direction Régionale des Affaires Culturelles Poitou-Charentes, du Conseil Général des Deux-Sèvres, de la ville de Parthenay.


Table des matières Table des matières

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Avant-propos

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Avant la guerre (G. Picard)

p5

Le mot du Maire

I . LE MONDE AGRICOLE

I . Un bref historique du monde agricole (BV)

II . Parthenay et la Gâtine dans la première moitié du XIXe siècle (AV)

III . Les activites agroalimentaires, à l’epoque des trente glorieuses à Parthenay (MB)

IV . Le nouveau monde agricole (Chambre d’agriculture) II . LE MONDE ANIMAL

p9

p 14

p 16

p 20

V . La race bovine parthenaise (AV et EB)

p 24

VII . Les halles (AV et MC)

p 40

VI . Les foires et marchés (AV et MB)

p 29

VIII . Les laiteries et fromageries (PM-R et MC)

p 42

X . Le cinquième quartier (MC)

p 62

XII . La filature de laine (PA)

p 77

IX . L’abattage et les entreprises de transformation (AV et MC) XI . Les tanneries (AV)

III . LE MONDE VEGETAL

p 52

p 74

XIII. La production céréalière (AV)

p 82

XV . Les fruits et légumes (AV)

p 87

XVII . Les conserves alimentaires (MC)

p 108

XIV . Les moulins du canton de Parthenay(AV) XVI . Les boissons - distilleries (AV et MC) XVIII . La filature de coton (BD) ENCADRES

Annexe 1 : L’image de Parthenay dans le monde agroalimentaire (EB)

p 84 p 90

p 119

p 124

Annexe 2 : Des Parthenaisiens récompensés (EB)

p 126

Bibliographie

p 133

Annexe 3 : Du poisson et du miel (AV)

Auteurs, crédits photographiques, remerciements

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p 130

p 135


Le mot du maire

Parthenay a conservé de son passé un savoir-faire économique de grande qualité dont nous pouvons être fiers aujourd’hui. Pour cette nouvelle exposition proposée par la Mairie de Parthenay, la plupart des objets présentés ont aimablement été prêtés par des familles parthenaisiennes descendant d’entrepreneurs, de collaborateurs ou de partenaires des entreprises dont ils sont originaires. Je tiens à remercier très sincèrement tous nos concitoyens qui par cette collaboration ont ainsi permis de proposer une évocation du dynamisme économique local de notre proche passé. Nichée au creux de la Gâtine dont le paysage si typique a été façonné par l’élevage, Parthenay est une cité millénaire qui fut toujours un lieu d’échange et de commerce ; héritière de ce passé prestigieux, elle a su garder son caractère accueillant et dynamique. L’élevage est le moteur de notre industrie et l’origine de la vigueur de notre économie : Parthenay est notamment célèbre pour son marché aux bestiaux, sa cotation nationale et européenne et, le « Label Rouge » pour la viande « Parthenaise » contribue à cette identité. L’équipement exceptionnel qu’elle possède lui permet aussi de développer d’autres filières d’élevage : les ovins, les volailles, et d’autres activités : découpe, conditionnement, transformation, commercialisation. Je souhaite donc que cette exposition aide les Parthenaisiens à prendre conscience de la richesse des origines de notre économie, notamment avec ce premier volet concernant l’agroalimentaire et tout ce qui s’y rattache, afin de contribuer à la prospérité de Parthenay, aujourd’hui et demain. Cordialement, Xavier ARGENTON Maire de Parthenay

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Avant-propos

Le public n’a pas l’habitude de rencontrer dans les vitrines d’un musée d’Art et d’Histoire des objets tels que vieilles boites de conserve, abat-jour en vessie de bœuf ou merlin de boucher. Nous avons certes déjà accueilli dans nos murs des instruments de musique artisanaux, des pommes de pin et même dernièrement un canon anti-grêle ; mais ces expositions, fruit de travaux de recherche associatifs, correspondaient à une politique d’ouverture et d’accueil plutôt qu’à une démarche propre au musée. La mission d’un musée est d’abord de présenter ses propres fonds et éventuellement d’élargir cette démarche par des emprunts temporaires, ce que nous avons fait pour les deux dernières expositions sur les peintres parthenaisiens et les faïences de Saint-Porchaire. Fondé en 1935 notre musée d’art et d’histoire a naturellement présenté, au début, des collections de tableaux, de sculptures et de faïences. Il fut plus tard enrichit de deux domaines : l’ethnologie locale et l’archéologie. Cette présente exposition se veut un nouveau pas dans le développement de notre démarche. En effet, si l’histoire locale s’exprime bien à travers les œuvres d’art, les objets archéologiques, les photographies sur plaques de verre du fonds Cordier, les objets marquant les coutumes traditionnelles qu’il convient d’appeler ethnologiques, il s’agit toujours d’une histoire locale déclinée au passé, recherchant dans l’objet la trace de celui-ci dont il est quelque fois le dernier témoignage. Le thème choisi aujourd’hui est une évocation des activités agroalimentaires dans l’aire de Parthenay, de la Révolution à nos jours. Elles seules rassemblent ce qu’on a coutume d’appeler le secteur primaire, le secteur secondaire et le secteur tertiaire. Il s’agit pour nous de proposer ici l’idée d’un lien entre l’activité du paysan, celle de l’industriel qui en utilise les produits, celle du commerçant qui en assure la promotion et la distribution. Loin de l’autarcie paysanne de l’Ancien Régime, c’est l’origine à Parthenay de ce lien très moderne entre le monde paysan et le monde industriel que nous avons voulu suggérer : la naissance d’une nouvelle économie locale. La boite de « camembert parthenaisien », la plaque du 1er prix agricole d’élevage bovin, le sac d’engrais, ne sont pas ici à rechercher comme des traces du passé dans le présent, mais plutôt comme des prémices du futur dans le présent.

Maria CAVAILLES

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Georges Picard 1 :" Souvenirs de l'avant-guerre" (celle de 1914-18) " J'allais à Parthenay autrefois avec M. Aristide.(...) J'ai encore fait ce voyage, avec lui, ce matin. Forcement, c'était un jour de marché, un mercredi. (...) Nous approchons de Parthenay. Les "cages" se suivent régulièrement sur la route. Elles transportent les gorets, les petits gorets bien roses qui sautent bien sagement sur la paille avant d'être dispersés sur le champ de foire de la ville. J'aperçois maintenant les clochers, la flèche de Saint-Laurent, toute verdâtre, celle de Sainte-Croix plus sombre et plus ancienne (...) Le Marchioux, le Donjon sont envahis. Se faire un passage avec une voiture est difficile. Tout le long de la route, il y a des cages arrêtées (...) Parthenay

est une ville où il y a du commerce, des marchands, des bœufs à vendre, des veaux de deux ans, des gorets et même quelques chèvres, le mercredi, sur le foirail. On parlait patois, un patois savoureux avec quelques intonations dures. C'était bruyant, coloré avec les blouses bleues délavées des marchands de vaches, les blouses plus foncées des "maîtres hommes" paysans. Ces derniers mettaient des chapeaux ronds, avaient tous leur petit orgueil et ne s'en laissaient pas conter. Les femmes traînaient des paniers de poules plus lourds qu'elles, et des bouclions d’œufs, de beurre, de fruits ! Des coiffes partout ! Et les oies blanches, l'hiver, aux approches de Noël ; les oies blanches que venaient ache-

ter les marchands de Poitiers pour leurs "fourrures de cygnes". Le marché couvert, à cette époque, était ridicule-

ment petit. Les marchandises s'empilaient les unes sur les autres. Ah le bon temps ! Le beurre valait bien douze sous la livre ! Les oeufs se donnaient presque ! Et les pommes, les Clochards mêmes ! Tout était pour rien ! Ça s'enlevait. Les fermières avaient leurs clientes attitrées, passaient de maison en maison. Cela évitait une entrée au marché où il n'y avait pas de place ! Les forains avaient leurs boutiques au milieu des rues. Impossible de passer dans la Grand'Rue de onze heures à deux heures de l'après-midi. Tous les magasins regorgeaient de clientes. Les marchands d'étoffe faisaient fortune. Les veilles de fêtes, il fallait voir ces boutiques pleines... On ne marchandait guère. On causait plutôt. On échangeait des nouvelles de famille. C'était quand on avait épuisé le chapitre des "santés" que l'on songeait au commerce. Tous les mercredis, à Parthenay, c'était la fête. Autour des champs de foire, il n'y avait que des cafés. lls ne se faisaient pas concurrence. Chacun savait où aller. Les auberges attiraient le monde. Des odeurs de poulets rôtis et de "ventres de veaux" bouillis. Les soupes grasses en plus. Les boudins. Quand on n'allait pas â l'auberge, on mangeait un "Saint-Loup" sur la place. II y avait quelques tentes où l'on pouvait boire. Toute la Gâtine se rencontrait à Parthenay. C'était comme une sorte de déshonneur pour

les fermiers que de ne pas aller "au marché". Ils n'y manquaient guère. Les vieux amis se donnaient des rendezvous. lls trinquaient au vin rouge. A peine quelques ivresses... Parthenay, le mercredi, était gai. C'était son jour de joie. Parthenay ne vivait bien que ce jour-là. Les autres jours, la ville était morte. Mais il lui fallait bien sa semaine pour se préparer au marché d'un mercredi à l'autre. II fallait bien ça."

1 Extrait du Courrier de l’Ouest du 16 avril 1949, publié par Maurice POIGNAT.

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1– Carte économique du département des Deux-Sèvres, publiée par G. PICARD 1927.

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I - le monde agricole

2– Le tracteur, à l’origine du bouleversement de l’agriculture dans les temps modernes. © Coll. CERDO/UCPC-Métive, Fonds Marie-Joseph PACREAU

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I. Un bref historique du monde agricole Les origines 1 Les Grecs anciens ont désigné l’évolution de la vie des hommes en plusieurs périodes : les âges d’or, d’argent, de bronze et de fer. L’âge d’or, le meilleur bien entendu, était représenté par l’abondance des choses, des bêtes sauvages et des plantes qui donnaient toutes les nécessités pour la vie courante. En fait, c’était la civilisation de la chasse et de la récolte des plantes sauvages. La vie facile sans le travail en quelque sorte. L’âge d’argent était plus contraignant, car l’homme était obligé de semer et de récolter les fruits de la terre. Puis sont venus les métaux, employés soit en activités productives (essentiellement l’agriculture), soit pour d’autres activités, comme la guerre par exemple. Donc, dans les légendes grecques nous avons une esquisse de l’évolution de la société de l’homme ; une progression des méthodes pour faire fructifier la terre. Mais, bien entendu, les choses ont progressé au delà des légendes des Anciens et nous avons ici un petit aperçu de cette évolution. Les origines de l’agriculture se trouvent au Proche Orient où, il y a environ huit à neuf mille ans, l’homme a commencé la domestication des plantes de type graminée. Les plantes choisies ont été à l’origine natives des steppes (prairies). Par ce choix, l’homme a déterminé l’agriculture pour des millénaires. Il fallait que les lieux de culture conviennent à ces plantes des steppes, les proto-blés et autres cultures de ce type. La culture des plantes a très vite contraint l’homme à la sédentarisation. Il fallait rester sur place au moins une année pour accomplir le cycle de la culture et ensuite conserver les stocks de graines de semence. Mais avec une récolte bien supérieure aux méthodes de cueillette, il était possible de subvenir à bien plus de personnes sur le même territoire. L’agriculture a contribué ainsi à la naissance des villes… Les vecteurs de transmission de l’agriculture vers l’Europe se sont dirigés par deux voies : 1) Les plateaux, à travers l’Europe Centrale et l’Europe du Nord, suivant les axes des grandes fleuves. 2) Le long des côtes Méditerranéennes. La progression de cette transmission a été lente, l’agriculture est arrivée sur la façade Atlantique il y a environ 5500 ans. L’agriculture en France date de l’Ere Néolithique.

3– Progression de l’agriculture à partir du Proche Orient vers la France. Deux vecteurs sont manifestes : un par les côtes méditerranéennes et un autre par les zones de dépôts loessiques le long des grandes rivières dans le nord de l’Europe (cultures Danubiennes), d’après PHILLIPS 1980.

1 Cet exposé s’est largement inspiré de l’ouvrage de Georges DUBY, (dir.) Histoire de la France rurale,1975

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Problèmes de l’introduction de l’agriculture en France La végétation en France à l’époque de l’introduction de l’agriculture était essentiellement une forêt d’arbres feuillus. Cet état des choses n’était pas adapté aux plantes domestiquées à l’origine des prairies, telles que le blé, et autres graminées de la culture agricole pratiquée. Les sols étaient trop acides et les argiles peu adaptées aux fournitures nécessaires d’éléments nutritifs, telle que la potasse. En plus les ombrages des forêts n’étaient pas convenables pour la croissance des plantes des steppes ensoleillées. - Méthodes développées pour l’introduction de l’agriculture L’agriculture a progressé en plusieurs étapes pour conquérir les forêts. La première méthode nécessitait l’élimination des

grands arbres. Les premières conquêtes ont été obtenues en pratiquant des coupes claires. Il fallait aussi brûler le bois des arbres pour produire des éléments alcalins, tels que la potasse et la chaux qui corrigeaient l’acidité naturelle du sol des forêts. Cette action était efficace pour une période d’environ sept ans, à la suite de laquelle il était nécessaire de déplacer la zone de culture. Ensuite, il fallait recommencer l’opération, coupe claire et brûlage du bois. L’instrument de choix de l’homme préhistorique était la hache en pierre polie. Cet outil était inséré à angle droit dans un manche en bois, l’ensemble étant capable de couper les arbres.

4– L’instrument qui a transformé la surface de la France, la hache confectionnée à partir d’une pierre polie. A partir de celle-ci l’homme « agricole » a pu conquérir les forêts. 2 haches polies, 6000 av. J.C. Coll. Lycée E. Pérochon de Parthenay. © Musée municipal de Parthenay

La deuxième étape de la culture des céréales en France est plus complexe. En fait elle est le résultat de la domestication des animaux élevés pour le lait et la viande, par exemple les moutons et les chèvres. La présence de ces animaux nécessitait le parcage dans un enclos, ou bien un gardiennage, où ils broutaient pendant une bonne partie de l’année. Avec un investissement de ce type en labour et infrastructure, les prairies artificielles, résultant du broutement de ces animaux, sont devenues des sites formidables pour la culture des céréales. Ces prairies artificielles ont créé les conditions chimiques nécessaires à la croissance des céréales des steppes. Les moutons et les chèvres ont donc permis la sédentarisation des champs par la formation de prairies artificielles devenues riches en minéraux argileux et potassiques, avec une acidité convenable. Les bœufs ont été attelés et l’homme a vu ses capacités motrices multipliées de façon importante. Le schéma de deux animaux, une charrue et un homme, pourtant ancienne, a perduré pendant des millénaires, jusqu’à nos jours, ou du moins, au début de la deuxième moitié du vingtième siècle. Mais avec l’introduction des bêtes de trait, est arrivée la nécessité de les nourrir, et donc une contrainte sur l’emploi des surfaces cultivées. Ceci correspondait au tiers de la production, dans la deuxième moitié du XIXe siècle.

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5– Reproduction d’une gravure rupestre du Mont Bego (Tende, Alpes-Maritimes) représentant une scène de labour à l’araire. Début de l’Age de Bronze. D’après Duby 1975.

6– Page de garde de la revue “L’Agriculture Nouvelle” du 5 Mars 1932

- Les cycles de l’agriculture ancienne L’agriculture, depuis les temps de la Grèce ancienne, était pratiquée par l’alternance des cultures et donc assez tôt, avec un usage des prairies comme méthode de régénération de la fertilité des sols. Ceci donnait de la nourriture aux animaux, bêtes à viande et animaux de trait. Les assolements (alternances de l’usage des sols), depuis le Moyen Age comportaient : une grande période de prairie (cinq à sept ans), avec une période d’alternance des graminées (céréales) et autres plantes de plus courte durée (trois à quatre ans). La prairie était nécessaire pour la nourriture des animaux, mais elle a aussi fortement augmenté la fertilité des sols. Le fait de fixer les animaux dans les aires de parcage, puis le fait de les mettre à l’étable (pour le lait et l’hivernage), a permis de produire du fumier. Il a été vite compris que celui-ci était aussi une source de fertilité pour les sols. L’engrais principal devenant ce dit fumier, un mélange d’excréments d’animaux et de paille. Il fut répandu sur les champs, après une maturation de plusieurs mois, et a fortement accru la productivité des sols.

La science agronomique change les pratiques agricoles - Les prairies Les recherches sur les méthodes d’amélioration de l’efficacité des cycles d’alternance des plantations dans les champs ont conduit, au XVIIe siècle, à l’emploi des éléments les plus actifs des prairies, tels que la luzerne, le sainfoin et les trèfles. Au lieu d’un cycle de cinq à sept ans, on a réduit la partie prairie à un ou deux ans. Ainsi la production de blé, d’avoine, et autres a pu être augmentée. 11


- La jachère Il s’agit du non-emploi de la terre sans plantations, et donc plusieurs cycles de travail de la terre par année. Il a été utilisé pour que la terre se « repose », avec comme conséquence une augmentation du stock des éléments produite par l’altération des minéraux présents. Ceci a donc engendré notamment, une augmentation de la potasse et du phosphore disponibles pour la croissance des plantes. - Les engrais Au milieu du XIXe siècle, la potasse minérale (essentiellement sous forme de chlorure de potassium) et les phosphates (par traitement des minéraux naturels tels que l’apatite) sont employés pour augmenter la productivité du blé et de certaines autres récoltes. Mais, étant donné que ces éléments nutritifs étaient chers, leur emploi a été fait avec parcimonie. Donc, en résumé, nous ne voyons pas une augmentation importante de la production par hectare, pour les périodes où ces engrais « artificiels » ont trouvé leur place dans l’agriculture en France.

L’ ère Moderne et le tracteur Les méthodes de traction restent les mêmes depuis le Moyen Age et pendant la plupart de l’histoire de l’agriculture en France, essentiellement bœufs et chevaux. La surface de terre cultivée par une personne est pratiquement la même que dans les périodes très anciennes mais la productivité par unité de surface augmente légèrement avec le temps, grâce aux traitements plus efficaces des terres et des rotations des espèces cultivées.

7Moissonneuse-batteuse dans une grange - Soutiers (Deux-Sèvres) Coll. Cl. et Jean-Louis NEVEU

Le bouleversement des pratiques de l’agriculture a été initié par le remplacement des animaux, par la traction avec un moteur sous la forme d’un tracteur, dans les années cinquante. Les surfaces cultivées par un seul homme ont augmentées. L’efficacité du labeur a été améliorée avec la suppression des animaux de trait. Le résultat est donc qu’une partie de la terre a été libérée (environs 30%), ce qui a permis, essentiellement, l’effacement des assolements. Les cycles anciens ont donc changé radicalement. Mais la productivité a changé radicalement elle aussi. L’efficacité des méthodes agricoles dans l’ère moderne a été augmentée par l’usage intensif des engrais, notamment l’azote, ainsi que la potasse et les phosphates. Les types de plantes ont été sélectionnés pour leur réponse à ces traitements chimiques. Mais en même temps qu’a eu lieu cette augmentation de la productivité, la population de la France a elle aussi augmenté. Il y avait donc une nécessité de produire plus, par la force des choses.

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8– Relation entre la productivité par hectare planté de blé et la population de la France, d’après DUBY 1975.

9– Relation entre le nombre de tracteurs employés en France et la surface agricole, d’après DUBY 1975.

Avec l’efficacité des tracteurs, limitée tout de même à des terres assez plates et des champs relativement grands, une partie importante de la terre est devenue non cultivable et les surfaces en jachère ont quasiment disparues. Le tracteur n’a été adapté que pour une partie des surfaces cultivées autrefois, avec des pentes faibles et des terres assez profondes. Par conséquent, les prairies destinées de ce fait à l’élevage ont augmenté et les surfaces des forêts aussi. En résumé, l’aspect de la France rurale a changé radicalement dans la période de l’après guerre.

10 – L’emploi des terres cultivées en France au début du XIXe siècle et dans la deuxième moitié du XXe siècle. D’après PERDILLON 1977 Bleu : zones boisées Vert : zones de prairie

Les zones non adaptées à la culture moderne sont devenues des zones d’élevage ou éventuellement des forêts par la reconquête de la végétation dominante avant la venue de « l’homme agricole ». La production agricole était incitée à la croissance par l’évolution de la population en France et en Europe. L’augmentation s’est faite au même

rythme que la production du blé par hectare. Mais dans les dernières décennies du vingtième siècle, la production agricole a dégagé un excédent et l’exportation est devenue systématique. Nous sommes maintenant très loin du temps des bœufs et des chevaux de trait, des prairies et des champs de luzerne, des tas de fumier et des alternances de récoltes suivant des principes millénaires. Nous sommes maintenant liés aux produits de l’usine, soit en matériel mécanique, soit en produits chimiques. L’ère moderne a rapproché la terre et les usines. 13 B.V.


II. Parthenay et la Gâtine dans la première moitié du XIX

e

siècle

Par définition, le terme agroalimentaire désigne la transformation des produits agricoles opérée par l’industrie. Dans la première moitié du XIXe siècle, cette activité ne relève pas vraiment de l’industrie tel qu’on l’entend aujourd’hui, tout du moins en Gâtine. Le temps de la mécanisation paraît encore bien éloigné des préoccupations des Gâtinaux et rien n’a véritablement entamé les vieilles habitudes et le poids de la tradition. Ce n’est vraiment que dans les années 1880 que des analystes mettront en avant les changements opérés dans la pratique agricole, l’accroissement de la production et la recherche du rendement1. Évoquer l’agroalimentaire, c’est étudier le territoire, les hommes, les productions et traiter des rouages ancestraux du commerce et des transformations qui sont encore simples dans la première moitié du XIXe siècle. Le pays de Gâtine, à l’aube du 1er empire, est un paysage de bocage. C’est le fruit d’une longue maturation qui a transformé la forêt originelle en un terroir propice à l’élevage. À la fin du Moyen Âge, la Gâtine est couverte de petits villages, qui portent souvent le nom d’un fief, entourés de très nombreuses parcelles sans aucunes haies ou presque. Les grandes exploitations y sont rares et l’élevage y est réduit. C’est encore le temps où les laboureurs à bras dominent dans le paysage agricole. Partout, les restes de la forêt d’origine sont encore visibles à travers un nombre considérable de boqueteaux…

Le rôle des engrais est toujours mis en avant par les auteurs des divers ouvrages traitant de l’agriculture en Gâtine2. En ce sens, Lecointre-Puyraveau et le préfet Dupin3 insistent sur le fait qu’il faut améliorer les engrais et développer les prairies artificielles en Gâtine. Ailleurs, l’écobuage(explication du sens ?) est vivement décrié et il arrive que certains propriétaires en interdisent l’usage et le fassent expressément inscrire sur le bail de la métairie. Le fumier est un constituant recherché et précieux, et tout ce qui peut servir d’engrais doit être consciencieusement recueillis. Alexandre de Ferrière précise une manière de procéder : « On emploie la litière des animaux à l’engrais des terres, et presque généralement on y ajoute encore des roseaux, des glaïeuls, des ajoncs et des genêts. Ces matières sont jetées dans les champs au moment où l’on projette de l’ensemencer et dans la proportion de la charge de 4 bœufs pour un 6e d’hectare »4. En matière de constitution d’en-

grais pour l’agriculture, le canton de Parthenay peut être appréhendé d’une manière particulière. En effet, la ville est un univers spécifique qui génère une quantité importante de déchets susceptibles de servir à engraisser les terres. En premier lieu, citons le fumier des écuries, même si une partie non négligeable de cette production est étalée dans les jardins citadins. De plus, si dans la ville intra muros il ne semble plus y avoir de cochons, il reste les volailles5. À cela s’ajoutent les activités humaines en déchets culinaires, cendres des foyers (utilisées pour les lessives), déchets de l’artisanat et excréments. À ce sujet et à l’époque qui nous concerne, la municipalité s’alarmera d’apprendre que certains jardiniers n’hésitent pas à arroser leurs légumes d’un mélange d’eau et d’excréments humains.

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11 – Photographie d’une scène de labours en Gâtine dans les années 1950. Coll. privée.

BAUDRILLART 1888. Sur la constitution des engrais dans les métairies, voir l’ouvrage du docteur Louis Merle, MERLE 1958, p. 124-127. LECOINTRE-PUYRAVEAU 1954 ; DUPIN An IX. DE FERRIERE An XII, p. 56. Les lapins domestiques ne sont jamais cités, ce qui pourrait indiquer que l’élevage n’en était pas encore habituel. Le docteur Merle le constate également dans les métairies au XVIIIe siècle.


Le chaulage, pratique qui améliore la qualité des terres acides comme celles de la Gâtine, mettra du temps à se généraliser. Dès la Révolution, elle est recommandée, mais, comme cela a déjà été évoqué, le cultivateur ne change pas ses pratiques du jour au lendemain. Vers 1880, L. Buffières rapporte le rôle du général Allard qui habite à la Touche-Aury, commune de la Chapelle-Bertrand, pour avoir donné « une vive impulsion à l’agriculture ; il a préconisé l’emploi de la chaux qui a opéré des merveilles dans les terrains granitiques de la Gâtine »1. Le matériel agricole comprend bien évidemment une charrue – pour les exploitations où l’on ne fait pas que de l’élevage –, la houe (le pic), « la pelle-bêche, la piarde, la pelle de bois, la fourche de fer, la faux, la forge et le marteau à deux pinces, les fourches et râteaux en bois, la faucille, le fléau, les cribles, les blutoirs, la hache ou cognée, la serpe, la scie, la charrette à bœufs, le tombereau, la brouette et la civière 2» . La description de ces instruments est assez rare. Celle de la charrue en usage en Gâtine n’est jamais très précise. Alexandre de Ferrière en décrit une qu’il déclare être principalement utilisée dans les arrondissements de Niort et Melle, et en indiquant, qu’à quelques variantes près, elle se rencontre dans l’ensemble du département. « La charrue est formée de deux parties principales, le versoir et l’avant-train, qui elles-mêmes sont composées de plusieurs pièces. Le versoir est formé, 1°. du cep, pièce qui glisse sur la terre, et qui est armée du soc ; 2°. de l’oreille, planche ajustée au côté gauche du cep ; 3°. de la queue ; 4°. d'une perche nécessaire à l’assemblage des différents détails de cet instrument. Plusieurs pièces composent également l’avant-train. 1°. L’essieu ; 2°. deux petites roues assez légères, de 6 décimètres de hauteur ; 3°. une pièce de bois plate, que les laboureurs nomment la forceau ; une perche à peu près de la même longueur que celle du versoir, et de la même force, mais ordinairement ronde.

12 – Vue des boeufsau labour. Coll. CERDO/UPCP-Métive. Fonds société centrale d’agriculture des Deux Sèvres.

Le versoir et l’avant-train sont unis l’un à l’autre, au moyen d’une chaîne de fer, fixée à l’avant-train par une forte cheville. Cette charrue à quelques changements près, est celle dont on se sert dans la généralité du département »3. Claude Dupin indique qu’en Gâtine la charrue est « beaucoup plus forte et d’un plus grand volume : là il faut quatre bœufs et souvent six dans la Plaine »2. Il précise dans son second mémoire : « L’essieu de l’avant-train est à peu près double de longueur, et les roues ont au moins un mètre de hauteur : la perche qui est aussi plus longue tient immédiatement à l’essieu et est consolidée par deux pièces latérales disposées en arc-boutant ; les oreilles du versoir et de l’areau sont plus écartées du cep et font un angle moins aigu »4. A.V. 1 2 3 4 5

BUFFIERES 1880, p. 210. Ibid. DE FERRIERE An XII, p. 57. DUPIN An IX, p. 239. Ibid, p. 248.

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III. Les activites agroalimentaires, à l’epoque des trente glorieuses à Parthenay Les trente années qui suivirent la Seconde Guerre mondiale (1945-1975) correspondent à une période de croissance économique. Elles ont été qualifiées, par les historiens économistes de « Trente Glorieuses »1 et sont caractérisées par une modernisation de l’agriculture qui entraîna un exode rural massif dont bénéficièrent les villes. La population urbaine augmenta fortement et l’aspect des villes se modifia avec le développement de nouveaux quartiers. Le niveau de vie des Français tripla entre 1945 et 1973 et la société de consommation s’installa. Ce phénomène national s’observe parfaitement à Parthenay. En 1946, Parthenay comptait moins de 8.000 habitants2 ; 30 ans plus tard, la capitale de la Gâtine accédait à la deuxième place départementale avoisinant les 13.000 habitants pour la commune seule et 17.500 avec les communes limitrophes de Châtillon-sur-Thouet, Le Tallud et Pompaire. Certes le baby boom de l’après-guerre, les progrès sanitaires et médicaux, les mesures sociales récemment créées jouèrent un rôle important dans ce mouvement naturel positif ; mais, c’est le solde migratoire qui explique principalement cette évolution démographique. Parthenay accueillit en effet une part importante de l’exode rural qui touchait les campagnes de Gâtine, comme les autres zones rurales françaises. L’activité économique de l’agglomération explique en grande partie l’attrait qu’exerça alors la ville sur le territoire central des Deux-Sèvres.

13 – Vue de l’ancien champ de foire, prise du clocher Saint-Laurent. © M. Bernier

Parthenay doit une grande partie de ce développement à sa fonction commerciale traditionnelle symbolisée par le marché du mercredi : « Que serait Parthenay sans la foire hebdomadaire gargantuesque qui la relie ombilicalement à la campagne ? » affirmait une journaliste parisienne3 au début des années 1960. Elle décrivait ainsi le marché du mercredi : « Il faut voir alors, à l’assaut des places, des rues en rocade, des trottoirs étroits, des bornes du foirail reliées par des barres métalliques, déferler dès l’aube par milliers, de tous les départements avoisinants et même de plus loin, les camions à bestiaux, les autocars pleins de paysans, les voitures attelées de cages à gorets et de mues à volailles, les marchands forains dont les tentes barrent les rues, et tout ce monde transformer soudain la commune de moins de 10.000 habitants en foire d’importance internationale. » La localisation du champ de foire, à l’emplacement de l’actuelle place du 11 novembre concentrait hommes et animaux au cœur de la ville et augmentait encore l’impression de fourmillement de l’activité. A cette époque, la presque totalité de la population était intéressée par le gigantesque négoce hebdomadaire, les ruraux réinvestissaient immédiatement une partie de la vente de leurs productions dans les commerces locaux, certains commerçants avouaient alors « ne travailler que ce jour-là » ! Le développement du marché aux bestiaux et l’engorgement de la ville qu’il provoquait amenèrent son transfert, en 1973, sur un nouvel emplacement, au-delà de la gare et à proximité du centre d’abattage. Le marché de Bellevue accueillit ainsi l’année de son installation 200.000 animaux et vit ses apports atteindre les 300.000 à la fin des années 19704. Ce fut la période la plus florissante du marché de Parthenay : près de 2.500 gros bovins s’alignaient chaque mercredi le long des barres du vaste hall du foirail alors que les parcs voisins regroupaient plus de 3.000 ovins malgré la concurrence du marché de Vasles, créé en 1965. Chaque semaine, deux trains chargés d’animaux vivants partaient de la gare de Parthenay à destination de Modane et donc de l’Italie.

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FOURASTIE 1979. 7.947 habitants au recensement de 1946, 12.728 habitants à celui de 1975. HUNEBELLE 1962, p. 16. Cf. article IV “ L’apogée du marché de Parthenay “ (1973-1993) p. 30.


14 – Embarquement de bovins à la gare de Parthenay. © M. Bernier

En lien direct avec l’élevage, l’activité agricole dominant alors en Gâtine, un centre d’abattage moderne remplaça, en 1960, les vétustes installations de l’abattoir du quartier Saint-Jacques, situé sur les bords du Thouet. Inauguré par le ministre de l’Agriculture de l’époque, A. Rochereau, le Centre Régional d’Abattage de Parthenay – le C.R.A.P. comme on le désignait alors – comprenait des parcs d’attente pour les différentes catégories d’animaux (gros bovins, veaux, moutons), des salles destinées aux différentes chaînes d’abattage et des installations frigorifiques (tunnel de ressuage, chambres froides, salles de congélation de grande capacité pour l’époque) exploitées par la S.E.E.F.P1. De 7.000 tonnes la première année de son fonctionnement, le centre d’abattage atteignit une production de près de 20.000 tonnes à la fin des années 1970. Administré par une régie municipale, le centre d’abattage comptait une centaine d’employés, mais si on compte le personnel des usagers (entreprises privées qui avaient recours à ses installations), c’est plus de 400 personnes qui le fréquentaient. En effet, plusieurs sociétés utilisaient les services de l’abattoir pour faire abattre les animaux qu’elles avaient acquis sur les marchés et chez les éleveurs. Ainsi, les Etablissements Contré assuraient le ravitaillement en viande désossée des grandes surfaces ou des collectivités et exportaient, notamment vers l’Italie, une partie de leur production. De même, Viand’Ouest, la filiale d’un groupement de producteurs nommé le G.E.R.C.O.2, réalisait 10% du tonnage abattu. Toutefois, dans les années 1970, le plus gros usager de l’abattoir était la Société Bréchoire qui réalisait 50% du tonnage total du CRAP. Cette société, créée en 1967 par Colbert et Claude Bréchoire, qui tenaient une boucherie dans le centre-ville, avait pour vocation initiale de commercialiser des carcasses et des quartiers de viande auprès des bouchers. La société se développa et employa alors plus d’une centaine de salariés. Dans les années 1970, elle fit édifier, à proximité immédiate de l’abattoir, des salles de désossage et de transformation de la viande sous forme notamment de steaks hachés. Congelés, ces produits étaient exportés à 85% vers les pays limitrophes de la France et faisait alors de la Société Bréchoire un des plus gros exportateurs nationaux de produits agroalimentaires.

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Société d’Exploitation des Entrepôts Frigorifiques de Parthenay. Groupement des Eleveurs de la Région du Centre-Ouest.

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15 – Article de presse sur la production du CRAP Courrier de l’Ouest, 11 Janvier 1966

Autour de l’abattoir, gravitaient également deux entreprises : la SO.NO.T.A.1 et les Etablissements Peignon et Fils. La SONOTA, avait décentralisé en 1970 son usine de la Courneuve dans l’enceinte même du centre d’abattage. Elle était spécialisée dans la production de tripes cuisinées, de gras-double et du corned-beef et elle employait une cinquantaine de personnes. Quant aux Etablissements Peignon et Fils, localisés dans le faubourg Saint-Paul, ils collectaient dans les différents abattoirs de la région, les boyaux qu’ils dégraissaient, raclaient, calibraient et salaient avant de les vendre aux ateliers de salaison régionaux mais aussi de les exporter en Italie principalement. Le secteur de la viande était aussi représenté à Parthenay, à cette époque, par la COP.AVI.F.2 et la tuerie de lapins Thouin. La COPAVIF fut l’une des premières entre-

prises à s’implanter sur la zone industrielle de Parthenay située entre la route nationale 149, en direction de Poitiers, et la route départementale se dirigeant vers la Chapelle Bertrand. Construits en 1964, les bâtiments de la COPAVIF abritaient les chaînes d’abattage de poulets qui provenaient de la centaine d’adhérents de la coopérative. L’aire d’extension de cette coopérative correspondait à la région de Parthenay et de Bressuire. Avec une trentaine de salariés, elle ramassait, abattait, conditionnait et vendait, dans les années 1960, 15.000 poulets par semaine. La COPAVIF ne pratiquait pas l’intégration, c’est-à-dire que ses adhérents étaient libres de s’approvisionner en poussins et en aliments chez le fournisseur de leur choix. Précurseur en la matière, elle misait sur la qualité, commercialisant « des poulets blancs des fermes de Parthenay, finis au grains » comme l’affirmait sa publicité. La tuerie de lapins Thouin était implantée dans le faubourg Saint-Jacques, sur la commune de Châtillon-surThouet, à proximité de l’église de la Maison-Dieu, qu’elle utilisait alors comme séchoir pour les peaux ! Entreprise artisanale, elle employa jusqu’à une quinzaine de salariés pour un abattage de plus de 1.500 lapins par jour.

16 – Société Bréchoire : atelier de fabrication de steacks hachés. © M. Bernier

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Société Nouvelle de Triperie et Abats. Coopérative Avicole des Fermes des Deux-Sèvres.


Au cours de cette période, l’ensemble de ces entreprises a pu faire qualifier Parthenay de « cité de la viande ». Berceau d’une race bovine réputée, la parthenaise, siège d’un marché hebdomadaire parmi les plus importants de France, Parthenay avait là des atouts à faire valoir, mais, seul le marché aux bestiaux a permis à la ville, jusqu’à une date récente, de maintenir une activité agroalimentaire d’ampleur nationale. Le centre d’abattage n’a jamais réussi à drainer plus de 10% des animaux amenés sur le foirail voisin et avec lequel il était pourtant relié par un raccordement direct. De plus, il a toujours connu la concurrence des autres abattoirs du département, ceux de Bressuire, de Thouars, de Celles-sur-Belle auxquels s’est ajouté, dans les années qui suivirent, celui de Sainte-Eanne, près de Saint-Maixent. Toutefois, la principale faiblesse de cet abattoir était de reposer presque exclusivement sur un seul usager. Sa disparition, dans les années 1980, entraîna de facto son déclin.

17 – Détail de la façade de l’usine Panzani de Parthenay. © M. Bernier

Pendant les Trente Glorieuses, l’entreprise industrielle qui fit le plus pour la renommée de Parthenay à l’échelle nationale fut sans

aucun doute la fabrique de pâtes alimentaires Panzani (cf. chapitre consacré aux Conserves alimentaires p. 86). En 1967, le siége social de Panzani Régia Scamarelli quitta Parthenay, la fabrication des pâtes fut transférée sur les autres sites du groupe, seul subsista le dépôt du chemin des Loges pour le stockage et la distribution dans l’Ouest de la France, jusque dans les années 1990. Ce départ de l’usine Panzani de Parthenay a été ressenti, à l’époque comme une déchirure et surtout il a porté un rude coup à l’emploi local, notamment pour la main d’œuvre féminine non qualifiée. « La ville, pour se consoler, n’eut plus droit, pendant plusieurs années, qu’à la mention « Panzani-Parthenay » sur les poches de cellophane »1. C’est à l’époque des Trente Glorieuses que l’agroalimentaire a joué, dans l’histoire de la ville de Parthenay, le rôle le plus important. La prospérité du marché aux bestiaux, et dans une moindre mesure celle du centre d’abattage, rejaillissait sur tous les secteurs économiques de la ville et lui donnait une notoriété nationale que renforçait l’usine des pâtes alimentaires Panzani. Toutefois, les industries agroalimentaires ne représentaient, à la fin des années 1970, que 15% de l’emploi dans l’agglomération parthenaisienne, loin derrière le pôle mécanique (45%)2. M.B.

18 – Vue partielle des séchoirs dans l’usine Panzani. © M. Bernier

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Courrier de l’Ouest, 8 novembre 1986. BERNARD, BERNIER, CHAUMET, COMBES, LUC 1980, p. 282.

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IV. Le nouveau monde agricole Quelle est la situation de l’agriculture aujourd’hui sur Parthenay et sa région ? En Gâtine, comme sur l’ensemble du département des Deux-Sèvres, le nombre d’exploitations agricoles diminue au rythme de 2% par an depuis 15 ans. Il en va de même pour le nombre d’actifs, divisé par deux depuis 1990. De fait, la superficie totale agricole évoluant peu, les exploitations restantes sont de taille plus importante, et le revenu des agriculteurs a augmenté (+ 30% en 15 ans). Donc on vit mieux de l’agriculture aujourd’hui, mais cela concerne moins d’actifs, surtout vis à vis des autres secteurs d’activité : en Gâtine, l’agriculture emploie environ 5% des actifs. Outre cette évolution concernant le nombre d’entreprises agricoles et d’exploitants, le principal changement concerne les rôles de l’agriculture : il ne s’agit plus seulement de « nourrir la planète » ! Voici quelques missions des entreprises agricoles d’aujourd’hui : - produire des aliments sains, - fournir des services aux clients, touristes, habitants, consommateurs, usagers… - gérer l’espace et les ressources du territoire, - contribuer à renforcer l’identité du territoire, etc.

Devant cette multifonctionnalité de l’agriculture, différents types se distinguent. Ils ne sont ni exclusifs (une entreprise peut cumuler différents rôles), ni exhaustifs (de nouveaux rôles peuvent apparaître) : - Une agriculture axée sur des produits porteurs d’identité du territoire : Le label « race Parthenaise » ou les AOC « Maine Anjou », beurre Charentes Poitou doivent permettre de valoriser les produits des éleveurs tout en s’appuyant sur l’image du bassin de production. - Une agriculture de services : Les fermes auberges situées aux alentours de Parthenay, les exploitations qui commercialisent leurs produits en circuits courts, les fermes équestres, les éleveurs de chiens sont autant d’exemples de formes nouvelles d’agriculture. Ces services, proposés hier de manière informelle, sont entrés désormais dans le domaine de l’entreprise : ce sont des activités dites de diversification, sources de revenu pour les agriculteurs. - Une agriculture de production de masse : Beaucoup d’entreprises produisent des aliments, de manière directe (volailles, porcs) ou indirecte (fourrages, aliments du bétail). Ces entreprises peuvent aussi fournir d’autres marchés, par leurs sous-produits (cuir, laine, fertilisants organiques…) ou par des débouchés bien identifiés : fabrication de biocarburants avec du colza, industrie textile avec le chanvre ou le lin, semences de gazon, industrie pharmaceutique… Les filières non alimentaires connaissent aujourd’hui un nouvel élan (la hausse du prix du fioul y contribue pour beaucoup !) Les marchés de producteurs permettent chaque été aux consommateurs de connaître et de déguster des produits des exploitations locales. 19 – © Chambre d’Agriculture

Une agriculture gestionnaire de l’espace : La montée des préoccupations environnementales dans la société a généré une évolution de l’agriculture, par différents leviers : réglementations, taxes et aides soumises à conditions environnementales, contrats avec l’Etat, ou bien actions volontaires. Comme dans le cas des services, le revenu des agriculteurs est lié à la bonne réalisation de ces préconisations ou pratiques. Protéger l’eau destinée à l’alimentation humaine, préserver la biodiversité, notamment les habitats des espèces menacées, entretenir le paysage, ce sont des objectifs prioritaires pour beaucoup d’agriculteurs aujourd’hui. Concrètement, cela se traduit notamment par le développement des prairies sur les zones Natura 2000 (Vallée du Magot, Vallée du Thouet amont, avifaune de plaine). Ailleurs, c’est la mise en place de jachères fleuries qui est encouragée. Autre exemple, les bandes enherbées situées en bordure de rivière par les agriculteurs limitent les risques de pollution diffuse des cours d’eau. 20


20 – Champ de Gâtine © Photothèque de la Chambre d’Agriculture des deux-Sèvres

Face à cette diversité d’attentes, les systèmes agricoles ont évolué. Il n’y a plus aujourd’hui de recettes miracles à appliquer sur son exploitation pour pouvoir dégager un revenu : à chacun d’être auteur de son entreprise et de ses projets. Cela se traduit par une plus grande diversité de situations : moins d’entreprises familiales, variété des modes de production et de la taille des ateliers… L’impact se fait sentir sur les chefs d’entreprises agricoles. Désormais, compte tenu du grand nombre de paramètres à prendre en compte et de leur instabilité, ils doivent aussi y voir clair dans leur environnement : gestion des ressources (humaines notamment), maîtrise des marchés, évolution des réglementations, recherche et développement, alliances possibles avec les autres acteurs… L’épizootie de la grippe aviaire, en 2005, illustre bien cette instabilité du contexte agricole. Parallèlement à l’évolution de l’agriculture, l’industrie agroalimentaire a aussi évolué : dans un premier temps dans le sens d’une diversification des gammes de produits, puis par des regroupements d’entreprises et des restructurations : concentration des unités d’abattage, spécialisation des sites de transformation qui ont été souvent placés au cœur des bassins de production. A titre d’exemple, les abattoirs de volailles sont placés au centre de la zone d’élevage qui s’étend sur les Pays de la Loire et sur les Deux-Sèvres. Parthenay n’a pas pu bénéficier de cet avantage et a ainsi vu se réduire considérablement les activités agroalimentaires. Les produits agricoles sont transformés ailleurs. Pour autant, le territoire conserve une forte activité agricole, en particulier dans le domaine de l’élevage. Rappelons que la Gâtine et le Bocage concentrent l’essentiel des élevages du département, ce dernier étant classé cinquième au niveau national pour la production d’ovins, dixième pour la volaille, second pour les lapins, premier en lait de chèvre… D’ailleurs la présence importante de l’élevage favorise l’adéquation entre agriculture et attentes des habitants : le paysage de bocage, l’identité du territoire, la forte présence de prairies sont liés à l’élevage. Et que cela dure ! 21


21 – Carte du département de Deux-Sèvres avec localisation des établissements industriels en 2002. Source : Chambre de commerce et de l’industrie des Deux-Sèvres.

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II - le monde animal

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V. La race bovine Parthenaise

23 Joug, début du XXe siècle. Coll. Musée d’Airvault. © Musée municipal de Parthenay

La création de la race : La nature du sol de la Gâtine a favorisé l’élevage et ses habitants ont su associer ce terroir à une race bovine : la Parthenaise. Sa robe beige, ses « yeux de biche », son élégance attirent spontanément le regard lorsqu’elle apparaît au milieu des pâturages. La Parthenaise d’aujourd’hui n’est pas celle de nos ancêtres. C’est au XIXe siècle que la race achèvera de se constituer, mais c’est

aussi à la fin de ce même siècle qu’elle commencera à être menacée. En 1819, Pierre Benjamin Gellé, artiste vétérinaire de Parthenay qui contribua à enrichir les connaissances en agriculture du Baron Dupin, premier préfet des Deux-Sèvres, écrit : « L’espèce Gatinaise est une, et est conservée dans toute sa pureté ». Il ajoute, « tout ce qui naît dans le pays avec des signes contraires à sa beauté, comme le poil noir ou jaune, le tour des paupières jaunes, ou mal conformés d’ailleurs est sacrifié pour les boucheries ». « Le Bœuf Gâtinais se distingue par des formes plus moelleuses, plus arrondies, le poil est doux et brillant, communément de couleur rouge vif, les cornes blanches, claires et bien placées ; le dedans des oreilles, le tour des yeux, de la bouche, le dessous du ventre de couleur gris blanc. Il a plus de souplesse et d’activité que celui des plaines. Son aspect est plus agréable et son tempérament lymphatique-nerveux. Les plus beaux se trouvent dans les environs de Parthenay et Champdeniers et dans les meilleurs terrains »1. Il s’agit ici d’une des descriptions – précises – les plus anciennes de ce qui deviendra la race parthenaise. C’est bien sûr le bœuf qui est ainsi dépeint, animal emblématique de la Gâtine. En effet, si aujourd’hui c’est la vache qui est mise en exergue, autrefois, c’était le bœuf ; celui qui permettait d’assurer les labours et les transports, qui s’exportait tout autour de la Gâtine et qui était utilisé dans la majorité des fermes. Le pays était réputé pour ses bœufs, adroitement dressés par les métayers et les bordiers. Afin de préserver la pureté de la race, on crée en 1893 le Herd Book Parthenais : il s’agit d’un livre généalogique, ou registre, sur lequel sont inscrits les animaux répondant à un certain nombre de caractéristiques, dont bien entendu la qualité d’être de pure race parthenaise, ainsi qu’une production laitière suffisante. Au XIXe siècle, la race va compter jusqu’à 1 million de têtes car elle doit sa popularité par la convergence de trois qualités : travail, lait, viande. Peu à peu, c’est le côté viande qui va prendre le dessus, et, pour accroître les profits, elle va être croisée : taureau charolais + vache parthenaise = plus de viande … et dégénérescence de la race ! C’est le fait marquant des deux premiers tiers du XXe siècle.

24 Anneau de joug, début du XXe siècle. (terme local “omnbller”, ancien français “amblais”) Coll. Musée d’Airvault. © Musée municipal de Parthenay

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1 AD 79 12 M 29/M.


Malgré la tentation du profit à tous prix, certains agriculteurs vont tenter de conserver à la race le patrimoine génétique lentement constitué par leur ancêtre, permettant ainsi à la Parthenaise de figurer aujourd’hui parmi les plus belles espèces bovines de France. C’est dans les années 1960 qu’a lieu la prise de conscience quant à la menace de disparition évidente de la race. Il ne reste plus alors que 20.000 bestiaux ! Grâce à ces agriculteurs – à l’image du village des irréductibles gaulois, transposée ici en Gâtine – la race perdure, se fait connaître, se fait reconnaître et s’accroît ! AV

25 Sabots de bovins ferrés, milieu du XXe siècle. n° inv. 2006. 15.1-3. © Musée municipal de Parthenay

26 – Vache parthenaise, lithographie coloriée : Journal d’Agriculture pratique, t. 1, 1900, p. 210-211 © Coll. CERDO/UPCP-Métive. Fonds Société centrale d’Agriculture des Deux-Sèvres.

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La reconnaissance de la Parthenaise depuis les années 1980 Menacée de disparition à la fin des années 1970, la race parthenaise connaît depuis une “renaissance”. En effet, au cours des trente dernières années, éleveurs et institutions n’ont cessé de promouvoir ce qui constitue l’une des plus vieilles races bovines françaises et permettre ainsi une croissance continue du nombre d’animaux. Tout d’abord, c’est dans les années 1970 que la race connaît une orientation nouvelle en se spécialisant dans la production

de viande haut de gamme, en système vache allaitante. Désormais, ce n’est donc plus le bœuf qui présente le plus d’intérêt – puisqu’il a perdu sa fonction utilitaire au sein du travail agricole avec l’arrivée de la mécanisation –, ni la vache pour son lait, très riche en matière grasse, qui permit à plusieurs laiteries des Deux-Sèvres d’obtenir l’AOC1 « Beurre Charentes-Poitou ». Depuis la fin des années 70, l’intérêt de la Parthenaise est donc essentiellement sa viande, dont la qualité se caractérise par sa tendreté, son goût et sa faible contenance en gras. Cependant les effectifs sont alors peu nombreux puisque l’on dénombre seulement 7 850 vaches sur le territoire français ! Au cours de ces années, se met en place un schéma de sélection, et en 1980 est créée l’Unité Nationale de Sélection et de Promotion de la Race Parthenaise (UPRA Parthenaise), qui remplace le Herd Book Parthenais. Les années 1980 sont ainsi marquées, dans les départements de l’Ouest de la France2, par l’augmentation de la base de sélection qui a vu son nombre doubler. Ce résultat est dû au concours de différentes personnes et institutions, à savoir le Conseil Général des Deux-Sèvres, le lycée agricole de Melle, la CAEIA3 de St-Symphorien, la Chambre d’Agriculture, l’Institut technique de l’élevage bovin, et bien sûr les éleveurs qui constituent l’UPRA Parthenaise. Les nouveaux moyens qu’ils mettent en œuvre pour augmenter cette base de sélection sont l’insémination artificielle et la transplantation embryonnaire. En effet, si l’on souhaite accroître le cheptel, on s’attache tout aussi fortement à l’amélioration génétique des vaches Parthenaises. Pour cela ont été mises en place des grilles de qualification des vaches et des taureaux ; les sélectionneurs veillent notamment à diminuer le coefficient moyen de consanguinité. Les progrès génétiques ainsi réalisés ont permis de faire de la Parthenaise l’une des meilleures races bouchères actuelles.

27 – Photographie Herd-Book Parthenais. © UPRA

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1 Appellation d’Origine Contrôlée. 2 Deux-Sèvres, Vienne, Vendée, Charente-Maritime, Loire-Atlantique. 3 Coopérative agricole d’élevage d’insémination artificielle.


Aussi, dès la fin de l’année 1989, il est question d’un label. Cependant, ce projet ne peut être concrétisé dans l’immédiat, le cheptel étant trop réduit. En effet, si la race a vu son nombre de bovins augmenter depuis le début des années 1980, en ce qui concerne les vaches uniquement, on n’en compte à peine plus de 7000 quand s’achève la décennie – ce que l’on peut comparer au cheptel de limousines qui compte alors 200 000 bêtes ! Il est donc nécessaire de mettre en place un plan pour accroître les effectifs. L’UPRA Parthenaise décide donc d’instaurer un centre de développement de la race parthenaise. Ceci est concrétisé par la création, au sein du lycée agricole de Melle, d’une station d’évaluation visant à sélectionner chaque année les jeunes mâles reproducteurs parthenais. Les animaux sont évalués sur leurs performances et vendus aux éleveurs parthenais pour améliorer la génétique de leur troupeau. Suite à ces mesures, la race parthenaise voit son cheptel s’accroître. En effet, après s’être maintenu entre 7 000 et 8 000 animaux

au cours des années 80, ce dernier atteint au début des années 1990 le seuil des 10 000 vaches. Mais ça ne suffit pas ! On poursuit la promotion de la Parthenaise, allant même jusqu’aux Jeux Olympiques ! En effet, lors des J.O d’Albertville en 1992, on proposa aux grands chefs cuisiniers de servir de la viande de Parthenaise pour leur table de prestige à Val d’Isère. Aussi, cette active promotion de la Parthenaise est rapidement victime de son succès car si la demande devient de plus en plus importante, l’accroissement du cheptel devient alors insuffisant et il faut toujours poursuivre les efforts pour améliorer quantitativement la production. Néanmoins, la qualité prime toujours et doit être préservée. L’idée d’un label est alors remise en avant, puisque l’on souhaite donner à l’appellation toute sa garantie. Le but est de satisfaire à la fois l’éleveur, le boucher et le consommateur, en établissant des règles de contrôle strictes. « Le cahier des charges très strict et le contrôle de la filière doivent permettre de donner toutes les garanties. Ce que l’on recherche à travers la labellisation de la race Parthenaise, explique alors Bernard Andrieu, sous-préfet de Parthenay, ce n’est pas d’accroître la production mais de donner à la région un produit-fleuron qui tirera vers le haut les autres productions »1.

28 Photographies de “Victoire” © UPRA

1 Citation dans le Courrier de l’Ouest, 21/01/1993.

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En septembre 2006, la race reçoit enfin son label rouge “La Parthenaise” ! En effet, ce projet mené depuis deux ans par l’Association de promotion des viandes de race Parthenaise (APVP) vient d’obtenir la validation du ministère de l’Agriculture. Ce label constitue une reconnaissance officielle pour la viande de race Parthenaise. En ce qui concerne l’accroissement du cheptel, il ne cesse de progresser, après avoir vu ses effectifs tripler entre 1980 et 2000. L’UPRA Parthenaise poursuit son travail pour l’amélioration génétique de la race, ainsi que sa promotion, par l’intermédiaire de manifestations agricoles (concours, Salon de l’Agriculture, etc.). De nouveaux élevages sont créés, et pas seulement en France ! En effet, la race parthenaise se développe également très bien en Grande-Bretagne et en Amérique du Nord. La qualité de sa viande est aujourd’hui unanimement reconnue et fait la fierté de toute la région Poitou-Charentes. EB

29 Graphique Evolution des effectifs 1980-2006.

30 Logo de l’UPRA Parthenaise. (© UPRA

31 Carte de ‘‘Répartition Géographique des Animaux’’ en France en 2000, d’après UPRA.

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VI. Les foires et marchés L’élevage en Gâtine ne pouvait se développer sans qu’il y ait eu un important commerce de bestiaux, et il ne pouvait être florissant qu’avec de nombreux rassemblements. C’est le principe du marché hebdomadaire qui va être privilégié par les seigneurs de Parthenay, marché qui se tenaient sur une place du Vauvert plus grande que celle que l’on connaît aujourd’hui. Vers 1740, ce marché va emménager sur les anciens fossés sud de la ville, fraîchement remblayés, en haut de l’actuelle rue du 114e R.I. ; emplacement qu’il quittera en 1973 pour gagner son implantation actuelle. Là, il ne tardera pas, malheureusement, à entamer une forte diminution d’activité. Pour la première moitié du XIXe siècle, le marché aux bestiaux de Parthenay est particulièrement bien coté. Ainsi, en l’an X, le préfet Dupin indique qu’ « il se fait un grand commerce de bœufs aux marchés de Beauvoir et Parthenai »1. Le marché aux bestiaux est un indicateur précieux pour l’administration préfectorale. Ainsi, le sous-préfet est-il réjoui d’annoncer sa bonne tenue. Le marché aux bestiaux n’était pas le seul à se dérouler à Parthenay. Il se tenait un marché aux poissons tous les vendredis et un « aux légumes et menues denrées », le samedi. Le principe est confirmé en l’an VI tout en précisant que la viande pouvait être vendue tous les jours sauf à l’occasion des fêtes et toutes les décades2. En 1818, il est décidé de déplacer le marché de la place des Bancs. Dès lors, à chaque marché, la répartition des marchands est la suivante : « Place de l’Horloge : beurre, fromage, œufs, volailles, gibiers. Vis-à-vis la mairie : légumes secs et grenailles. Place de la Boucherie : légumes verts, fruits, viande et poissons. De l’écurie de M Ardouin jusqu’à la rue de la Douve : marché au veau d’un an »3. Des foires annuelles venaient compléter les marchés hebdomadaires ou décadaires. Sous l’Ancien régime, elles se déroulaient le 10 août, jour de la Saint-Laurent, et le 14 septembre, jour de l’exaltation de la croix4. Avec le nouveau

calendrier décadaire, la municipalité omet de mentionner les foires et elles disparaissent en l’an IV. Le 4 fructidor an VI, les membres de la municipalité tentent de justifier leur oubli et déclarent qu’ils se faisaient auparavant quatre foires à Parthenay : à la Saint-Michel, aux Rois, à la mi-carême et à la « mi-may »5. Dès lors, par arrêté départemental, les foires se dérouleront le 2 vendémiaire, le 11 nivôse, le 9 ventôse et 21 floréal, et ce, dès l’an VIII. Le préfet Dupin mentionne ces foires dans ses diverses statistiques6. Foires et marchés donnaient lieu à la perception de divers droit. Dans les années 1810-1830, ce droit était adjugé à celui qui proposait le meilleur prix et pour une durée de 3 ans. La municipalité s’assure d’autre part qu’il n’existe pas de fraude. C’est en ce sens que dans l’organisation de la municipalité en 1815, le deuxième adjoint se trouve « chargé de faire, lorsque le cas l’exigera, mais une fois par semaine au moins, une visite de police chez les boulangers et les bouchers a l’effet de vérifier leurs approvisionnements en grains ou farines, de s’assurer de la bonne qualité et du poids du pain qu’ils vendent au public, de constater l’identité des pièces de bestiaux qui s’abattent dans la commune avec celle marquée par la police… »7. A.V.

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DUPIN An IX, p. 355. Équivalant aux dimanches mais sur une semaine de 10 jours. Registre des délibérations du Corps Municipal. 6 Frimaire An II – 19 Messidor An VI, AD 79 L 2 supplément O 8, séance du 30 germinal an VI, 19/04/1798. Registre des délibérations 1818-1835, AMP 1 D 4, séance du 1/12/1818. Almanach provincial du Poitou, 1775. Almanach des Deux-Sèvres, 1793. Calendrier républicain pour l’an IV de la république française, & l’année entière bissextile 1796. On trouve la trace de ses foires aux XVIIe siècle. AMP 2 D 8, 4 fructidor an 6, 21/08/1798. DUPIN An XII, p. 33. Annuaire statistique du département des Deux-Sèvres pour l’an XI, Niort, an X, p. 175. Certains documents font état de la foire du 9 nivôse à la place du 11 nivôse. Registres des actes et décisions du maire. 21 pluviôse an VIII – 9 novembre 1846, AMP, 2 D 1, 1/6/1815.

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L’apogée du marché aux bestiaux de Parthenay (1973 -1993) Parthenay doit une grande partie de sa renommée à ses marchés foires du mercredi qui connurent à la fin du XIXe et dans la première moitié du XXe une prospérité dont témoignent notamment les descriptions des contemporains1 et les cartes postales. Ces documents nous restituent l'atmosphère de ces marchés, avec les paysans gâtineaux vêtus de leurs blouses bleues qui venaient vendre une paire de boeufs parthenais alors que les paysannes coiffées du bonnet blanc se retrouvaient au marché aux oies. Les «cages», ces voitures qui avaient servi au transport des bêtes et des gens, s'alignaient dans la partie basse du champ de foire, chevaux et bourricots trouvant refuge dans les écuries des cafés des alentours. 32 – Le Marché de Parthenay, carte postale, n° inv. 1978.8.57

Les transactions donnaient lieu à d'interminables discussions entre acheteurs et vendeurs, marchandage ponctué de grandes tapes dans la main et qui se terminait toujours dans les nombreux estaminets qui entouraient le champ de foire2. Malgré certains aménagements (installation de barres, de quais d'embarquement...), le champ de foire était menacé d'asphyxie en raison de sa croissance et de sa localisation en centre-ville. Aussi, en 1973, le marché émigra sur un vaste terrain situé au nord-est de l'agglomération. Le nouveau foirail de Bellevue fut doté d'une infrastructure fonctionnelle : commodité des accès tant routier que ferroviaire, liaison directe avec le centre d'abattage tout proche, vastes halls couverts : l'un pouvant accueillir 4.500 bovins, l'autre 5.000 ovins. De plus, il disposait de vastes parkings, d'un bâtiment d'administration qui, outre un bar restaurant, abritait des bureaux, des locaux bancaires et une salle de cotations.Ce fut alors, dans les années 1970 et 1980 l’apogée au niveau des apports des animaux. Parthenay pouvait alors s’enorgueillir d‘être le 2ème marché de France pour les apports globaux (bovins de différentes catégories et ovins…) et le 1er, à l’échelon national, pour les animaux de boucherie. C’était l’époque, comme l’affirmait un journaliste, « où l’élevage français broutait son herbe grasse ». Comment expliquer l’importance de ce marché ?

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1 Cf. texte Encadré de G. PICARD p. xx. 2 BERNIER, POIGNAT 1989, p. 60

33 – Photographie aérienne du site du Marché de Bellevue et du CRAP, Coll. municipale.


Une région d'élevage Parthenay est le pôle d'attraction d'une région naturelle : la Gâtine. Cette région où, dès la fin du Moyen Age, les propriétaires terriens remembraient leurs exploitations, les entouraient de haies vives et créaient des métairies isolées1, se rattache, avec le Bocage Bressuirais et le Bocage Vendéen, à la partie méridionale du Massif Armoricain. La nature des sols (souvent acides et imperméables), et un climat humide (environ 820 mm de pluie chaque année) expliquent l'importance que tient en Gâtine la surface herbagère et donc le développement de l'élevage. Pendant longtemps, celui-ci fut essentiellement bovin avec une vocation laitière prédominante. A partir de 1960, l'élevage des moutons s'est progressivement développé alors que le troupeau bovin s'orientait de plus en plus vers la production bouchère. Un tel contexte expliqua le développement du marché de Parthenay dans les années 197080 que favorisa encore la situation exceptionnelle de la ville au contact de régions d'élevage et de régions déficitaires en viande (Charentes - Sud-Ouest)2. De plus, le déroulement annuel des apports montrait que le marché local était régulièrement approvi-

sionné permettant ainsi aux négociants de trouver chaque mercredi quantité et choix. De même, il ne faut pas négliger le rôle des habitudes : pendant de nombreuses générations, les paysans gâtineaux se sont rendus au marché de Parthenay où ils trouvaient les contacts que ce pays de bocage à l’habitat dispersé, ne leur offrait pas3. On venait « prendre le vent », c'est-à-dire connaître la tendance des cours d'autant plus que, à partir de 1975, Parthenay remplaça la Villette comme place de cotation nationale des gros

bovins. A l’issue de chaque marché, une commission regroupant des éleveurs et des négociants rend compte de l’ambiance du marché et, à l’aide de la grille E U.R.O.P.A. qui indique les différentes qualités, traduit par des variations de prix les résultats de la

confrontation de l'offre et de la demande. Tandis que le marché aux moutons a toujours été approvisionné exclusivement par des éleveurs locaux, celui aux bovins l'était, dans une très forte proportion, par les négociants. En effet, les effectifs présentés par les

agriculteurs eux-mêmes représentaient alors en moyenne 15 % des apports, ce qui correspondait à près de 300 agriculteurs compte tenu du fait que chacun d’eux ne mettait en vente guère plus de deux bovins à la fois. C'est dire le rôle important que tenaient les négociants sur le marché de Parthenay (85 % des animaux présentés). Cependant ceux-ci agissaient soit pour leur compte personnel, soit pour celui d'éleveurs à qui, moyennant une commission, ils assuraient un service (transport-vente). Chacun de ces négociants amenait en moyenne une quinzaine d'animaux sur le foirail. Une spécialité : les gros bovins La réputation de Parthenay résidait dans son marché aux gros bovins de boucherie. Dans ce domaine, il était classé au premier rang national. Chaque mercredi, le foirail rassemblait les bovins de tous types : jeunes bovins (c'est-à-dire les animaux mâles de 20 à 24 mois), les génisses, les vaches, les boeufs et les taureaux. Les trois premières catégories représentaient chacune un tiers des effectifs. La Gâtine n'étant pas une région productrice de

broutards, un faible pourcentage d'animaux d'élevage était offert à la vente. Quant aux races, la diversité était aussi la règle sur le marché. Cette variété était visible par la multiplicité des robes des animaux même s’il y avait une prédominance des robes claires des animaux charolais de race pure ou croisée. L'approvisionnement4 pro34 – Origine des gros bovins commercialisés à Parthenay. Source AREAR Poitou-Charentes.

venait à 80 % des trois départements de l’ancienne province du Poitou.

Depuis l'installation sur le nouveau foirail en 1973, les apports ont augmenté globalement jusqu’en 1980 atteignant le chiffre record de 136.000 gros bovins. Depuis l’évolution négative amorcée en 1981 s'est poursuivie inexorablement : en 1994, le foirail n’avait plus accueilli que 56.000 gros bovins, et Parthenay n’était plus classé alors qu’au neuvième rang national. 1 2 3 4

MERLE 1958. ROBIN 1959, p.36. BERNARD, BERNIER CHAUMET, COMBES, LUC, 1980, p. 274. Ministère de l’Agriculture, « Le marché aux gros bovins de Parthenay », Atelier Régional d’Etudes Economiques et d’Aménagement rural, 1977, p. 24.

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Ce phénomène qui n'était pas spécifique au marché de Parthenay a toutefois particulièrement affecté la capitale de la Gâtine. Il s’explique par la conjonction de plusieurs phénomènes. Tout d'abord, la région a connu une baisse de la production de viande bovine : en Poitou-Charentes, dans ces années là, les productions végétales ont dépassé les productions animales alors que quinze ans auparavant ces dernières représentaient les deux tiers de la production agricole finale. II était logique qu'une telle évolution se refléta sur les marchés. De plus, un certain nombre de problèmes liés aux malversations de négociants, accentua le processus de changements des circuits de commercialisation des animaux, au bénéfice des groupements de producteurs tel le G.E.R.C.O. pour notre région. Enfin, l'origine de ce phénomène n'était pas liée aux seuls marchés mais qu'elle se situait également en aval de la chaîne commerciale avec la concurrence des viandes importées et la diminution de la consommation de viande bovine. Les bovins achetés sur le marché de Parthenay étaient destinés en premier lieu aux départements des Deux-Sèvres et de la Vendée — dans la proportion de 40 % —. La Vienne, en revanche pourtant gros fournisseur du marché, s'y approvisionnait relativement peu. Les autres clients se répartissaient dans les régions voisines (Pays de Loire, Centre...) ou plus lointaines (Sud-Ouest, Midi-Pyrénées...). II faut signaler également la part non négligeable (10 %) que représentaient les exportations vers la Belgique, l'Allemagne et surtout l'Italie. En effet, dans les années 1980, deux trains chargés d'animaux vivants partaient chaque semaine à destination de Modane.

35 – Vue du marché aux moutons en 1932. © M Bernier

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L'essor récent du marché aux moutons A la même époque, l'essor du marché aux moutons — les effectifs ont triplé en vingt ans — fut spectaculaire. Il était lié au développement considérable de cet élevage dans les campagnes gâtinelles mais aussi dans les régions voisines de la Vienne et de la Vendée. Depuis 1976, les effectifs présentés au marché dépassèrent ceux des bovins, sans toutefois atteindre un chiffre d'affaires comparable1. Parthenay, avec plus de 165.000 moutons en 1982, figurait parmi les plus gros marchés aux ovins de France derrière Sancoins et des marchés aveyronnais, précédant le marché de Vasles qui, créé en 1965, avait lui aussi connu alors une croissance remarquable (cf. fig. 38). C’est ainsi que chaque semaine, plus de 4.500 moutons étaient offerts sur les marchés de Gâtine à une clientèle venue des Deux-Sèvres mais aussi des départements plus éloignés comme la Haute-Vienne, la Dordogne ou la Manche. Cependant l'évolution de ces marchés marqua une régression très nette des apports qui n’atteignait plus que 56.000 têtes en 1994. Cette régression s'expliqua par des changements survenus tant au niveau de la production (les jeunes agriculteurs délaissant quelque peu cet élevage) qu'à celui de la commercialisation. Là aussi les groupements de producteurs prirent le pas sur les marchés traditionnels. A ces phénomènes s'ajoutèrent les problèmes de sous-consommation de viande ovine et ceux de la concurrence au sein de la Communauté Economique Européenne de l’époque et des importations des ovins de l’hémisphère austral. Des marches annexes : porcs, veaux, chevaux, chèvres Le marché aux bestiaux de Parthenay, dont l'origine est très ancienne, a connu dans les années 1970 une croissance liée au renouvellement de son infrastructure ; cependant il présentait un contraste saisissant entre le modernisme de ses installations et l'aspect coutumier des techniques de commercialisation qui y étaient pratiquées. En effet, le plus fréquemment, la vente des animaux se faisait encore à l'estime, c'est-à-dire indépendamment du poids vif et de la classification de l'animal2. Certes, il ne fallait pas mésestimer l'oeil du négociant qui reconnaissait immédiatement « la bonne bête », ni la sagacité de l'éleveur, qui était de mieux en mieux informé des prix et de la valeur de sa production. Mais le paiement à la carcasse se heurtait chez le vendeur à une méfiance fondée sur l'impossibilité de contrôler le poids des animaux abattus souvent fort loin de Parthenay. De plus, le paysan espérait toujours, en marchandant, faire une bonne affaire. En outre, ce commerce reposait sur la parole donnée : le paiement n’intervenait que plusieurs jours, voire plusieurs semaines après la livraison de l’animal. C'est dire le risque important que devait accepter les vendeurs.

36 et 37 – Vues du CRAP en 1982 © M. Bernier

1 BERNIER 1984, p. 143. 2 ROUSSEAUX 1991.

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Des mesures furent prises pour sécuriser les paiements en informatisant notamment les données mais elles ne furent pas suffisantes pour maintenir le marché de Parthenay à la place qu’il occupait dans les années 1970. Les crises qui touchèrent l’élevage à partir des années 1990, notamment celle dite de « la vache folle » portèrent un coup fatal au marché aux gros bovins qui resta fermé plusieurs mois. Depuis 2001, le marché n’accueille qu’une dizaine de milliers d’animaux et le hall aux gros bestiaux apparaît surdimensionné compte tenu de la centaine d’animaux présentés. Seul le marché aux moutons garde une certaine vitalité en recevant chaque semaine plus de 2.000 animaux. Depuis il a perdu un tiers des apports mais reste aujourd’hui le 1er marché en France d’ovins et le 5ème marché en France tous animaux confondus. L’Association des Amis du Marché œuvre pour ne pas le voir disparaître. M.B.

38 – Evolution des apports sur le marché de Parthenay, d’après les données fournies par la ville.

39 – 5 Plaques des prix de Parthenay, 1996-2004. n° inv. 2006.14.1-5. © Musée municipal de Parthenay

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Les éleveurs Hubert Faucher, né à Chatillon-sur-Thouet en 1909, s’installe à Plaisance et élève des bêtes (une cinquantaine de Parthenaises et de Charolaises) et des moutons (80 têtes). Il vend le lait de ses vaches à la laiterie de la Viette. Lorsqu’il prend sa retraite, il vend son exploitation. C’est sur ses terres que s’implanteront les bâtiments de la GERCO, qui deviendra par la suite TELDIS. Il gagne trois prix : le 2e prix de mâles de race Parthenaise en 1951, le 1er prix des veaux à la Foire Primée de 1961 et un autre pour les moutons.

40 2 plaques de prix de 1951 et 1961, Coll. privée. © Musée municipal de Parthenay

41 M. Hubert Faucher avec deux de ses vaches en 1950 Coll. privée.

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42 Marché aux chevreaux de Parthenay, carte postale, n° inv. 1997.8.947

43 Marché aux veaux de Parthenay sur la place du Donjon, carte postale, n° inv. 1987.8.426

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Marché aux bestiaux « Innovation et commercialisation : la re-dynamisation du marché aux bestiaux de Parthenay » Pour le propriétaire, la Ville de Parthenay, il s’agit avant tout de trouver un avenir pour ce site immobilier exceptionnel situé en plein coeur de ville et dont les retombées économiques autrefois florissantes assuraient une pérennité aux commerces du centre-ville ainsi qu’à son marché hebdomadaire du mercredi. Pour la Communauté de Communes de Parthenay, qui a la compétence économique, il s’âgit d’oeuvrer pour créer une nouvelle dynamique adaptée à un environnement nouveau et correspondant d’une part aux attentes du bassin d’élevage et, d’autre part pour soutenir la filière agroalimentaire locale. Pour le Pays de Gâtine, il s’agit de préserver la filière agricole qui repose en grande partie sur de petits élevages indépendants ou rassemblés dans des groupements coopératifs. Il en va aussi du devenir du paysage bocager de la Gâtine et de son attractivité naturelle. La volonté est donc de pouvoir conserver dans un cadre adapté et modernisé que ce soit techniquement ou de part les pratiques, un marché permettant la rencontre de l’offre et de la demande et la capacité d’assurer une cotation nationale, critère de référence pour l’ensemble de la filière nationale et européenne.

44 – Le Marché aux cochons et aux porcelets, carte postale, n° inv. 1987.8.427

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45 – Le Marché aux cochons et aux porcelets, carte postale, n° inv. 1987.8.430


46 – Le Marché aux cochons et aux porcelets, carte postale, n° inv. 1987.8.87

- Marché aux oies Installés derrière le marché couvert dans la première moitié du XXe siècle. Les oies étaient déplumées toutes les 6/7 semaines, le temps que leurs plumes repoussent. Les plumes ont toujours servit à faire les oreillers et les duvets.

47 – Le Marché aux oies, carte postale, n° inv. 1987.8.425

- PLUMES-POITOU rue Marcel Beau Cette entreprise, créée en novembre 2000, récupère les plumes de canards et des oies originaires des abattoirs et des particuliers1 du Poitou-Charentes et Vendée. L’unité de Parthenay traite le produit semi-brut, c’est-à-dire qu’une fois récupérées, elle lave, essore et fait sécher les plumes qui repartent ensuite vers d’autres unités installées en France pour la fabrication de duvets et oreillers.

1 Certains particuliers (fabricants de foie gras) peuvent abattre jusqu’à 10.000 canards par semaine.

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VII. Les halles À Parthenay, le commerce des grains transite nécessairement par les halles. À la Révolution, la halle aux grains que les habitants côtoient quotidiennement remonte aux XVIIe et XVIIIe siècles. Elle se compose de huit fermes sur poteaux formant sept travées et délimitant un espace entièrement clos par des murs constitués de planches. Vendue comme bien national, rachetée par la ville, la halle aux grains sert aussi au stockage des invendus – tout du moins au début de la période étudiée ici. Lors des fêtes, par mauvais temps, elle sert accessoirement de salle de bal. Certaines disettes nécessitent des aménagements. Ainsi, en 1812, le préfet avait fait établir un marché supplémentaire le dimanche par arrêté du 15 mai. Le 5 septembre, la municipalité fait savoir que ce marché a cessé depuis le 1er septembre et arrête « que le marché aux grains fixé le dimanche cessera d’avoir lieu à dater de ce jour, et que tous les grains amenés pour être vendus publiquement seront présentés au marché du mercredi, comme par le passé »1. En 1854, il est prévu de déplacer la halle mais, en 1860, avant même qu’elle ne soit remplacée, elle est démolie. À son emplacement, on élève aussitôt le tribunal actuel. Le marché aux grains se fait alors à ciel ouvert, et, les tergiversations d’alors, quant à savoir où elle devait être reconstruite, finissent par remonter jusqu’aux oreilles de l’empereur Napoléon III. En 1863, enfin, la nouvelle halle est inaugurée à l’emplacement de notre actuel Palais des Congrès2.

48 – Emplacement des Halles de Parthenay. Détail du cadastre napoléonien de 1836. Coll. archives municipales.

Le commerce des grains était parfaitement régenté et l’usage des halles est bien expliqué à travers un arrêté du 13 mai 18123. Il y est indiqué que les hal-

les de la ville sont le seul endroit où se tiendra le marché des grains et farines et qu’il est interdit d’en acheter ailleurs. Le marché est ouvert à 10h 30 le matin. « Les habitants et boulangers pourront seuls acheter pour leur consommation jusqu’à onze heures et demie fixe ». Ensuite, les commissionnaires et les marchands peuvent effectuer leurs achats. AV

49 – La halle aux grains. Cliché Eugène Cordier. Négatif sur plaque de verre numérisé. Fonds Guyonnaud, n° inv. 989.2.274.

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Registres des actes et décisions du maire. 21 pluviôse an VIII – 9 novembre 1846, AMP 2 D 1, arrêté du 5/9/1812. AD 79 Q 27 et E 379. AMP registres des délibérations, 1 D 4. Registre des délibérations du Corps Municipal. 6 Frimaire An II – 19 Messidor An VI, AD 79, L 2 supplement O 8.


La halle aux grains ne fonctionnera pas longtemps. La façade sera reconstruite et les lieux transformés pour l’installation d’un théâtre au début des années 1920.

50 – Les halles métalliques, carte postale, n° inv. 1987.8.542

Les produits frais mais aussi les marchands de légumes et d’herbes s’installent dans les rues le jour du marché. Mais il devient nécessaire d’aménager un lieu spécifique pour accueillir ces denrées. La construction des halles métalliques1 sera décidée par la municipalité Ganne en 1879 (ce qui occasionnera des délibérations municipales fortement agitées, suivies de plusieurs démissions). Les travaux se réaliseront l’année suivante. L’utilisation de matériaux nouveaux comme le métal (fonte, fer forgé), la brique et le verre s’inscrit dans une mode nationale de la seconde moitié du XIXe siècle. Le prix à payer sera de 108.000 francs. L’emplacement choisi fut celui de l’ancien abattoir public déplacé en 1869 au faubourg Saint-Jacques. Les halles se composent d’une grande salle centrale, entourée d’une galerie couverte et occupent une surface de 39,5 x 21,5 m pour une hauteur de 10,75 m. Conçues pour abriter 94 places de commerçants à l’intérieur, dont 32 à l’extérieur sous les bas-côtés, elles possèdent des toilettes publiques sous le perron d’entrée. Sous l’autorité du maire Louis Aguillon, un agrandissement fut réalisé en 1926 du côté du perron, aujourd’hui disparu. Les halles de Parthenay continuent d’assumer leur rôle économique et leur fonction de pôle commercial tous les mercredis et samedis matin. MC

51 – L’agrandissement des halles. n° inv. 1997.6.4

1

CAVAILLES 1997 p. 15-18.

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VIII. Les laiteries et fromageries L’élevage de vaches laitières prit un tel essor à la fin du XIXe siècle qu’il permit la fabrication industrielle du beurre. Cette industrie se développa en Gâtine de façon contemporaine à celle de la partie sud du département, mais sous une forme très différente. En effet, elle fut surtout le fait de quelques entrepreneurs,

52 – H. Amirault. Huile sur toile. Coll. privée.

grands propriétaires et agriculteurs, qui virent l’intérêt économique d’une fabrication massive de beurre, dont les débouchés étaient désormais assurés grâce au désenclavement de nombreuses communes. Les importants travaux routiers, réalisés en Gâtine entre 1830 et 1850, avaient été complétés par la création de voies de chemin de fer ; dès 1886, la ville de Parthenay était reliée par trains directs à Paris, Bordeaux, Royan ou La Rochelle. Jusqu’alors, le commerce du beurre sur les petits marchés locaux n’était que faiblement rémunérateur.

Le rôle du marquis Gilbert de Maussabré, domicilié au château de Soulièvres, paraît à ce titre exemplaire. Il fonda en quelques années seulement, entre 1896 et 1903, sous l’appellation « Laiteries du bocage gâtinais », plusieurs laiteries industrielles, à Fomperron (les Châteliers), Vouhé (la Viette), Verruyes (Marcilly), La Chapelle-Bertrand, Secondigny, ainsi qu’à Sanxay dans la Vienne. Le siège social

de ces six établissements fut implanté à Parthenay, 12, avenue Victor-Hugo, à proximité immédiate de la gare d’où partaient les chargements à destination des marchés parisiens. Elu à deux reprises, en 1898 et 1902, à la députation pour la circonscription de Parthenay1, le marquis possédait également une manufacture de chaussures. La création d’un réseau de laiteries s’inscrivait pour lui dans une stratégie de conquête politique, mais c’était aussi une tentative pour contrer l’expansion du mouvement coopératif laitier. Ce dernier, né en 1888 près de Surgères (Charente-Maritime), était déjà fortement implanté dans le sud du département et commençait à essaimer en Gâtine, avec les implantations, en 1894-1895, des laiteries de Saint-Loup-Lamairé, Saint-Christophe-sur-Roc et Mazières-en-Gâtine, puis celle d’Ardin en 1897. Ce mouvement coopératif, né après la conversion à la polyculture d’un territoire jusqu’alors dédié à la quasi monoculture de la vigne et ruiné par la crise du phylloxéra2, se caractérisait par un dynamisme tout à fait remarquable. Les groupements de cultivateurs s’étaient très vite organisés au sein d’une Association centrale des laiteries coopératives des Charentes et du Poitou, créée dès 1893, dont le siège social était installé à Niort, tandis que l’administration et les bureaux étaient à Surgères. Cette association visait à améliorer la production, à étendre les débouchés et à défendre les intérêts des entreprises affiliées. Elle obtint la création de l’inspection des laiteries coopératives de l’Ouest, une station d’industrie laitière à Surgères et, enfin, une école professionnelle installée également dans cette ville. Au total, en Charente-Maritime et dans les Deux-Sèvres (les deux départements du Poitou-Charentes les plus actifs pour cette industrie), le nombre de laiteries créées entre 1888 et les années 1930 approcha les 200. Les trois-quarts d’entre elles dépendaient du système coopératif. Proportionnellement, en Gâtine, le nombre d’établissements coopératifs resta assez faible, même si une deuxième vague d’installations eut lieu à partir de 1905 avec les laiteries de Pamplie et de Moncoutant, du Chillou et de Ménigoute (1913), puis de La Chapelle-Thireuil (1919). Alors que d’autres implantations privées complétèrent celles du marquis, à l’image des laiteries de Desmoulines (Saint-Loup-surThouet) et de La Peyratte. A Parthenay même sont mentionnés quatre établissements (voir ci-dessous).

Dans les années 1900-1910, les établissements de taille moyenne fonctionnaient le plus souvent sous l’autorité d’un directeur-comptable avec deux employés à la fabrication et une dizaine de laitiers pour assurer le ramassage du lait. Ce ramassage se fit en charrettes, attelées de chevaux ou de mulets, jusqu’aux années 1930, où les premières camionnettes équipèrent les établissements.

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MICHAUD 1996. Le phylloxéra est une maladie de la vigne qui, à la fin du XIXe siècle, détruisit le vignoble français.


Le règlement intérieur d’une grande partie des usines de la Gâtine exigeait de collecter uniquement du lait de vaches de race Parthenaise, reconnu pour la qualité gustative de son beurre. La recherche d’une valorisation toujours supérieure du lait entraîna une évolution des productions. Dans un premier temps, le petit-lait, sous-produit de la fabrication du beurre, fut utilisé pour l’alimentation des porcs, dans les porcheries annexées aux laiteries. Puis, la fabrication de caséine1 apporta une plus-value intéressante et quelques établissements de la Gâtine parmi les plus importants, comme la laiterie coopérative de Saint-Loup-Lamairé dès 1910, établirent un atelier dédié à cette production. Un peu plus tard, à partir de 1917 pour la laiterie particulière de La Peyratte ou les années 1920 pour les laiteries coopératives du Chillou et de Saint-Loup-Lamairé, la fabrication de fromages (des camemberts) fut annexée à celle du beurre. Dans les années 1960, la production de poudre de lait devint une activité supplémentaire à Saint-Christophe-sur-Roc et Ménigoute. L’établissement de fromages au lait de chèvre créé dès 1905 par M. Chevalier, à Saint-Loup-Lamairé, fut l’un des plus précoces de la région (après Bougon) ; sa production était expédiée à Paris et dans les villes de la région. Toutes les usines avaient en commun d’être implantées au cœur de la zone de ramassage de lait, auprès d’un point d’eau indispensable en grande quantité pour la fabrication et le lavage des appareils, et non loin d’une voie de chemin de fer pour faciliter le transport de la production, mais aussi du charbon nécessaire aux chaudières, lequel provenait essentiellement de La Rochelle.

L’architecture des usines créées par les particuliers ne rivalisa jamais avec celle des coopératives, qui bénéficiaient de conseils de professionnels, faisaient parfois appel à des architectes spécialisés et, surtout, prenaient exemple sur les constructions les plus récentes de leur association. Lors de son édification, la laiterie de Ménigoute était le modèle de ce qui se faisait alors de mieux quant à l’organi-

sation et l’esthétique dans la région, voire dans les autres régions où existait une coopération laitière (en Touraine notamment). Son

implantation à flanc de coteau et son plan particulièrement rationnel, en forme de U, étaient en parti mis au point depuis 1905. Les laiteries particulières, elles, étaient généralement agencées de manière plus économique et dotées le plus souvent d’un plan massé. Dans le cas des laiteries du marquis de Maussabré, leur environnement proche fit cependant l’objet d’attention ; pour deux d’entre elles sont encore visibles les arbres exotiques plantés, un cèdre du Liban à Marcilly et un séquoia à la Viette. Les établissements individuels eurent du mal à s’imposer face au mouvement coopératif et peu à peu ils furent rachetés par des groupements associatifs ou fermèrent. Des six laiteries du marquis de Maussabré, seule celle de la Viette, à Vouhé, est encore de nos jours en activité ; celle de Secondigny a fermé en 1978, les autres ont cessé de fonctionner bien plus tôt, dès les années 1920 (les bâtiments de l’avenue Victor-Hugo ont par la suite abrité les ateliers Panzani). Pour une plus grande efficacité, les coopératives se sont regrou-

pées et spécialisées dans quelques grandes unités de production employant un personnel nombreux (La Chapelle-Thireuil, Pamplie, Saint-Loup-Lamairé). P.M-P.

53 1 bidon de lait, Coll. privée. © Musée municipal de Parthenay

1 Substance, contenant l’essentiel des matières azotées du lait, pouvant servir à la préparation de colle, de matière plastique, de produits pharmaceutiques ou de fromages.

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- Laiterie Coopérative du Pays de Gâtine La Viette, à Vouhé Cette laiterie est créée en 1896 par le marquis Gilbert de Maussabré. Un arbre exotique, un séquoia, est planté lors de la création de cette usine, qui se situe au bord de la rivière la Viette, à un kilomètre de la gare de Saint-Pardoux, sur la ligne Paris-Bordeaux. Le marquis de Maussabré se trouve bientôt confronté à des problèmes financiers et la laiterie de la Viette est vendue en 1927 à un groupement de cultivateurs qui la transforme en coopérative. Les locaux d'origine subissent de grandes transformations au fil du développement de l'affaire : en 1937, une chambre froide, une salle de maturation de la crème et un hangar sont bâtis, puis, en 1942, une fromagerie par l'entrepreneur Raymond Trouvé de Saint-Pardoux (79), et, en 1946, un nouveau quai et des logements pour le directeur et le chauffeur. Dans les années 1950, on y fabrique du beurre, de la caséine, des fromages de type emmenthal et bleu d'Auvergne, et de la poudre de lait selon le procédé Hatmacker. Une nouvelle chaufferie est édifiée en 1956 et, l'année suivante, des garages et un atelier de mécanique sont bâtis de l'autre côté de la route. Un bâtiment de stockage des emballages et une chambre de congélation sont édifiés dans les années 1980. En 1984, l'établissement se lance dans la fabrication de fromages frais avec la construction de nouveaux locaux, puis, à partir des années 1990, dans le secteur de la crémerie fine. En 1994, des travaux d'agrandissement concernent un bâtiment administratif et un magasin d'expédition. Dans les années 1960, la laiterie compte une quarantaine d'employés1.

54 – Publicité de La Viette de 1959.

- « Fromagerie Parthenaisienne » Route de Poitiers (actuelle avenue Aristide Briand). On ne connaît pas son emplacement exact. Cette entreprise appartenait à MM. Goubault et Mérida dans le premier quart du XXe siècle. La fabrique sera rachetée par Léon Péjout avant 1920.

55 – En-tête d’une facture de la “Fromagerie Parthenaisienne”. Coll. AD 79 6 M 23/21

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MOISDON 2005.


- Laiterie-Fromagerie PEJOUT 2 rue du château Léon Péjout, successeur de Goubault et Mérida, aménage son entreprise au pied de la porte Saint-Jacques. Cet établissement fabriquait des camemberts et du beurre surfin de table en 19201 . Aux archives départementales est conservé le plan avec l’organisation des lieux, réalisé à l’occasion d’une demande de travaux pour installer une porcherie. Sur l’une des étiquettes de camembert de la marque « la Tour Saint-Jacques » est dessinée une fabrique de grandes dimensions, avec six fenêtres sur deux niveaux, alors que les lieux sont relativement petits. Cet établissement sera vendu à Gabriel Barribaud en 19332.

56 – Plan de la laiterie de la porte Saint-Jacques. Coll. AD 79 6 M 23/21.

1 AD 79 6 M 23/21, dossier concernant les fromageries des Deux-Sèvres, 1920. 2 MOISDON 2005 ; LA FRANCE COMTEMPORAINE p. 250

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- Laiterie Moderne Barribaud Fromagerie - Beurreurie 19-21 rue du Moulin Cette entreprise privée s'installe dans le premier quart du XXe siècle vraisemblablement dès cette époque à l'emplacement de l’ancien moulin désaffecté de Saint-Paul. Le choix du site de cette laiterie industrielle se justifie par la nécessité d’une « force motrice (la vieille roue à aubes qui actionnait jadis le moulin) et par l’eau qui doit être abondante, très propre et d’une température égale, tant en hiver qu’en été ». Afin de s’assurer une fabrication uniforme tout au long de l’année, on fore dans le rocher un puits de 70 mètres de profondeur afin d’obtenir une eau plus douce et à température constante de 10°C, tout en économisant le chauffage d’eau et le matériel encombrant. Gabriel Barribaud fait installer l’électricité et aménage une fromagerie dans les bâtiments à deux niveaux situés contre le coteau, ainsi qu’une beurrerie dans ceux construits au bord du Thouet.

57 – Portrait de Gabriel Barribaud, Coll. privée.

Il fait installer une roue hydraulique entre les deux barres de construction1 par les établissements Appercé, constructeur mécanique de Parthenay. Son choix de matériel laitier semble complet et relever des derniers perfectionnements : « dynamo, moteurs, barattes, mélangeurs, écrémeuses, réfrigérateurs ». Le nombre total de fournisseurs de lait s’élevait à plus de 700. A la sortie du faubourg St-Paul, il avait aménagé dans un hangar rue de la Foye, plusieurs écrémeuses. Il élevait entre 60 et 80 porcs. L’installation de porcheries dans ce type d’établissements était assez courante car ils nourissaient les cochons avec le petit-lait. Gabriel Barribaud mène une politique de développement en devenant propriétaire de plusieurs fabriques. En 1921, la moyenne journalière de production était de 450 litres, puis 5.700 en 1927, 7.900 en 1928 et 14.000 en 1932.

58 – Vue de l’ancien moulin de Saint-Paul. Cliché Paul Coutan. Tirage d’époque. n° inv. 2005.16.1.

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Renseignements de Mme L.Baulny, fille de Gabriel Barribaud.


59 – Les bâtiments de la laiterie Barribaud : à gauche la fromagerie, à droite la beurrerie Coll. privée.

Ainsi, en 1932, il acquiert la Laiterie d’Ayron (Vienne), ce qui lui

permet d’augmenter sa production de 5.000 litres de lait par jour. L’étiquette de camembert de la marque Barribaud reproduit un héron. En 1933 il achète la Laiterie-Fromagerie Péjout à Parthenay. Trois étiquettes différentes de la porte fortifiée sont conservées. Les produits des trois firmes de Gabriel Barribaud sont vendues sous les marques suivantes : « La Tour Saint-Jacques », « Le

60 Enveloppe d’un paquet de beurre de la Laiterie Barribaud. n° inv. 2006.2.2

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Information d’Eric Delpierre : http://www.letyrosemiophile.com, avec tous nos remerciements. LA FRANCE COMTEMPORAINE, p. 249-250

Héron», « Marcel Guth » et « Vieux prieuré ». De cette dernière marque est connue une étiquette qui présente la même typographie : un moine aide une laitière à charger des bidons de lait sur une mule devant le portail de la chapelle Notre-Dame du Val Boutry, située sur la commune de Le Mesnil-Bacley (Calvados). On ne sait pas comment Barribaud réussit à récupérer cette iconographie. Quant à la marque créée par Marcel Guth, à Saint-Clément-desLevées (Maine-et-Loire), elle fut déposée le 15 Avril 1912 au greffe du tribunal de commerce de Saumur1. Il est vraisemblable que Gabriel Barribaud l’ait acheté dans la première moitié du XXe siècle. Il obtient la médaille d’or à l’Exposition de Paris pour ses produits en 1923 et 19292. Son fils Pierre se joint à l’entreprise familiale. La production s’arrête à la suite d’une inondation en 1957. L’entreprise est rachetée par les propriétaires dela beurrerie de Lambreçais, près de Clessé. Un an plus tard Marius Peignon achètera les bâtiments pour y installer sa boyauderie. 47


61 – Etiquette de camenbert de la Tour Saint-Jacques Coll. Eric Delpierre. http://www.letyrosemiophile.com

62 – Etiquette de camenbert Porte Saint-Jacques de la fromagerie Barribaud. n°inv. 2006.2.1

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63 – Etiquette de camenbert de la Porte Saint-Jacques, fabriqué en Anjou ! Coll. Eric Delpierre. http://www.letyrosemiophile.com


64 – Etiquette de la Fromagerie de Parthenay n° inv. 2005.12.1

65 – Etiquette de la laiterie Barribaud n° inv. 2005.14.1

66 Extrait d’une planche lithographique (tierce) datée au crayon de 1950. Imprimerie Garnaud. Musée du papier. Angoulême.

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- Laiterie de La Chapelle-Bertrand La Chapelle-Bertrand. Cette laiterie est créée en 1901 par le marquis Gilbert de Maussabré. Elle est bâtie non loin du bourg, avec des pierres provenant de la carrière de la Touche-Ory1. Le bâtiment de 13 m sur 8 m abrite au rez-de-chaussée une salle d'écrémage, un bureau et un petit logement pour le directeur, et au sous-sol une chambre froide et une salle transformée en fromagerie vers 1918, lorsque débute la fabrication de

camemberts. Une source captée jaillit dans la chambre froide. Un monte-charge sert de navette pour les marchandises entre le sous-sol et le rez-de-chaussée. La commercialisation du beurre et des camemberts est assurée dans les années 1920 par la laiterie de la Viette. Les frais d'exploitation étant de plus en plus lourds, le marquis doit fermer l'établissement en 1923. Le bâtiment a été transformé par la suite en maison. Dans les années 1920, quatre laitiers assurent le ramassage du lait en bidons de 60 litres. - Laiterie-fromagerie Monastère Saint-Roch

La Peyratte. Cette entreprise est créée, dans le bourg de La Peyratte, par Paul-Octave Deboeuf vers 1917, sous le nom laiterie-fromagerie Saint-Roch2. Son propriétaire est également actionnaire de la beurrerie de Laubreçais. Dès la création de l'entreprise, le matériel comprend un pasteurisateur, et la production consiste en beurre et en camemberts. Par la suite, on y fabrique des fromages au lait de chèvre. Il semble que cet établissement ait fermé dès les années 1930. Les bâtiments ont été transformés par la suite en école, puis en logements.

67 – Etiquette de fromage Monastère Saint-Roc, La Peyratte, Coll. Eric Delpierre. http://www.letyrosemiophile.com

68 – Etiquette de fromage de chèvre de l’ancienne laiterie Monastère Saint-Roc, La Peyratte, Coll. Eric Delpierre. http://www.letyrosemiophile.com

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1 MOISDON 2005, p. 97 2 PERCHEY, Daniel. La merveilleuse histoire des laiteries des Deux-Sèvres (document dactylographié), conservé au service de l’Inventaire DRAC Poitou-Charentes.


Aujourd’hui, il existe encore quatre fromageries en activité. Il s’agit des établissements traitant le lait de chèvres originaires de la région proche. Dominique et Jean-Yves BELEGOU sont installés à la Revalière au Tallud et fabriquent un fromage moulé à l’ancienne qui porte la marque « Le Parthenay ». Claude et Denis IMBERT sont installés à Pompaire. Quant à Gilbert PATARIN, il fabrique des fromages sous la marque « L’Aubinois » au lieu-dit Sainte-Marie à Saint-Aubin-le-Cloud.

69 Publicité PATARIN. 2006. 7O Etiquette de fromage BELEGOU.

Fromagerie CORBINUS

66 rue Marcellin Berthelot En 1999 Didier Corbinus achète un fonds de crémerie et s’installe à son compte en tournant dans les marchés de la région. Dès janvier 2002 il installe une fabrique de fromages de chèvre dans son domicile. Il s’approvisionne en lait chez des producteurs de La Chapelle-Bertrand. Il a commencé avec cinquante litres par semaine. Avec cent litres de

lait il moule cinquante crottins, cinquante-cinq chabichous et dix gros ronds (pour la coupe). Aujourd’hui il traite trois cent litres par semaine. Sa gamme de produits concerne les formes suivantes : le crottin, le chabichou, le mothais (en feuille de châtaigner traditionnel du sud du département), le saint-maure et sa spécialité le « bouchon », petit fromage qu’il travaille à la main et qu’il coupe manuellement. Pour élargir sa gamme il fabrique une tomette de vache de 500 gr ainsi qu’un fromage de chèvre à l’ail et aux fines herbes. Il travaille actuellement sur un projet de « bleu de chèvre ». Sa méthode de travail est la suivante : dans les seaux de trente litres de lait chaud il ajoute la pressure et le sérum (ou petit-lait) ce qui lui permet de monter en arôme et en acidité. Par la suite il installe le caillé dans les différents moules et il sale à la surface. Environ douze heures après il les retourne, il sale l’autre face. Quarante heures plus tard il les démoule et les installe sur une grille dans le « hâloir » pour les faire affiner pendant 17 jours. Pendant ce temps le fromage fait son croutage et les arômes se développent. Il a crée la marque « Petit Binus » et vend ses produits sur les marchés de la région.

72 Etiquette Fromagerie CORBINUS.

71 Etiquette Fromagerie GAEC La Checrochère.

73 – Vue des fromages sur les clés de la fromagerie CORBINUS, Coll. privée.

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IX. L’abattage et les entreprises de transformation Après le pain, la viande composait la plus grande partie de l’alimentation humaine et sa part augmentera dès la Révolution et durant tout le XIXe siècle comme le soulignent divers documents. À Parthenay, l’abattage se faisait chez le boucher et la vente sous les halles de boucherie. Au début de la Révolution, cette dernière se trouvait sur l’actuelle place des Bancs1, nom que cette place portait déjà en 12812 et qui fait référence aux bancs en bois qui servaient à découper et vendre la viande. La halle de boucherie était un bâtiment de pierres et de bois comprenant deux portes, couvert en tuiles et possédant un auvent. En 1774, on y trouve « Les étaux bancs, tables et souches à vendre chair au nombre de 17 bancs, 8 tables, et 6 souches plus le ballet en bout de la halle sous lequel il y a 3 bancs attachés aux piliers avec crampons de fer »3. L’auvent comprend également 2 souches et les 3 tables qui doivent être rentrées dans le bâtiment après la vente. La vente de la viande se fait tous les jours sauf le vendredi où la halle est réservée à la vente du poisson. Elle est également fermée, normalement, le dimanche. Avec l’établissement du calendrier décadaire, la fermeture n’a lieu que tous les dix jours, c’est-à-dire le jour de repos. L’hygiène en boucherie et sous la halle peut être déplorable comme il est mentionné dans un texte de 1781 qui évoquent les dégâts occasionnés par les mouches. « C'est dans les boucheries même que ces insectes commencent à y déposer, même pendant la nuit, leurs oeufs qui produisent les vers qui la corrompent promptement ; si elles ont entamé la surface de la viande, on en sacrifie quelques tranches pour sauver le reste qu'elles laissent sain »4. Cela étant dit, il est reconnu aujourd’hui que les asticots ne consom-

ment que la matière avariée et qu’au contraire de ce qui est déclaré ici, ils purifient la viande en ne laissant que ce qui est consommable ! Ce qui caractérise cette halle de boucherie, c’est qu’elle ne verra pas le XIXe siècle. Elle est partiellement démolie en 1794 et il est alors prévu d’en construire une autre dans un endroit mieux approprié car sa présence complique la circulation des charrettes. Malheureusement, la forte dévaluation des assignats perturbe alors non seulement le commerce mais également les finances municipales. Ce qui reste de la halle focalise même de nombreuses plaintes. « Le procureur de la commune a dit que de justes motifs avoient déterminés la démolition de l’ancienne boucherie de cette commune ; que l’état où on a laissé cette démolition ne remplit pas le but qu’on s’étoit proposé, puisque la rue ou elle est située, l’une des plus fréquentée et qui sert de communication à la grande route de Maixent à Thouars, se trouve tellement obstruée que les voitures ne peuvent y passer sans présenter les plus grands dangers, il a invité le corps municipal à prendre les mesures convenables pour achever cette démolition dans le plus bref délai »5. La place des Bancs est bientôt entièrement dégagée et la vente de la viande se fait depuis chez les bouchers. Cela n’est pas sans engendrer de sérieux problèmes, surtout lorsqu’une taxe sera instituée sur la vente des viandes.

74 3 couteaux de boucher et de tanneur, Coll. privée. © Musée municipal de Parthenay

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Cette place était à l’origine plus petite. En 1837, deux maisons et la portion d’une troisième sont démolies pour permettre de l’agrandir et lui donner sa superficie actuelle. VERDON 1998, p. 108. LEDAIN 1897, p. 28. 25/09/1774, Archives Nationales, R1 186. Affiches du Poitou du 23/08/1781. Registre des délibérations du Corps Municipal. 6 Frimaire An II – 19 Messidor An VI, AD 79 L 2 supplément O 8. Séance du 9 vendémiaire an IV, 30/09/1795.


Quoi qu’il en soit, il faudra attendre 1821 pour que la municipalité de Parthenay se préoccupe de faire construire tout à la fois une halle de boucherie et un abattoir afin de mieux contrôler la filière viande. Le samedi 19 mai de cette même année, dans la salle des séances ordinaires du conseil municipal, se déroule une information « de commodo incommodo sur l’etablissement d’une halle pour les boucheries et d’un abattoir dans la partie de la ville connue sous le nom de Remorin »1. C’est l’emplacement de l’actuel Marché Couvert, rue Ganne. Le règlement établi le 12 avril 1824 stipule que l’abattage des animaux y est obligatoire et sous le contrôle d’un préposé de l’octroi. Les particuliers peuvent abattre chez eux les cochons, truies et agneaux « destinés à la consommation de leur ménage en justifiant de l’acquittement des droits ». Le règlement s’intéresse à la qualité de la viande en traquant les animaux malades, et à l’hygiène en insistant sur le nettoyage de l’abattoir et des halles : « La boucherie ouvrira chaque matin en été depuis quatre heures jusqu’à dix heures et à midi (sic, voulait indiquer en hiver) depuis dix heures jusqu’à midi. L’abattoir sera ouvert depuis le lever jusqu’au coucher du soleil, excepté les heures de vente, passé

les heures indiquées au présent, la halle ou l’abattoir seront fermés. Passé les heures de boucherie et durant le jour seulement, les débitants pourront, soit pour des malades, pour la campagne, ou pour les aubergistes vendrent des viandes mais en présence du préposé qui en fera note au compte des bouchers, de manière à ce que les restants soient toujours constatés »2. Les bouchers ne peuvent sortir du bâtiment que la quantité de viande nécessaire à leur consommation personnelle ainsi que la petite boucherie : têtes, pieds, intestins, viscères des animaux abattus. Les cochons tués à la campagne peuvent être vendus sur un banc externe, après vérification de la qualité de la viande et le paiement des taxes. La nouvelle boucherie ouvrit vers la fin mai et les bouchers durent faire disparaître tout ce qui se trouvait chez eux : « puisards, etau, tours, crochets… ». De même, ils furent obligés de démolir « les halles qu’ils avaient été autorisé a faire construire à leurs frais sur la place dite de la Boucherie »3, dans les huit jours qui suivirent l’ouverture du nouveau bâtiment. La halle ne servira qu’une trentaine d’années car les bouchers sont enfin autorisés à vendre la viande chez eux. Transformée en salle de spectacle en 1857, notamment pour les militaires, et en salle de bal, sa dangerosité face aux incendies la fait bientôt démolir et redevenir halle pour un éphémère marché aux légumes. L’abattoir, quant à lui, continue de fonctionner. Cependant, les riverains se plaignent des odeurs

désagréables, surtout en été4. Pour qui connaît l’odeur de la viande, il est facile d’imaginer ce que devait être un bal ou un spectacle près de l’abattoir ! Une commission est nommée et elle ne présente son travail qu’à la séance extraordinaire du 21 février 1869, sous l’autorité du maire d’alors : le docteur Louis Ganne. Le rapport qui est lu donne des indications intéressantes sur l’état des lieux. L’abattoir est alors utili-

sé par 7 bouchers, 4 charcutiers et 2 tripiers. On y trouve 5 treuils, 13 palans et 8 suspensions pour y mettre des crochets. Dans les « échaudoirs » le rapporteur décrit le parcours de l’animal qui va être abattu, pataugeant dans des mares de sang, les déjections, les viscères, piétinant des « peaux jonchant le dallage », et côtoyant des animaux en cours de dépeçage. Autant dire que les vétérinaires d’aujourd’hui en auraient eu une syncope ! Même le « conseil d’hygiène » départemental de l’époque demandait le déplacement. L’abattage, qui se fait d’un coup de masse sur le crâne, n’est pas sans danger car les animaux perçoivent l’odeur de mort et peuvent devenir furieux. En cas d’échec, il n’est pas rare que l’animal se relève, brise ses liens et parvient parfois à s’échapper. C’est sur l’ensemble de ces constats que le projet du nouvel abattoir est conçu.

75 – Merlin pour abattre les boeufs et les porcs, Coll. privée. © Musée municipal de Parthenay

Le deuxième abattoir public doit être édifié sur un terrain de 18 ares près du Thouet5. Il comprend un logement pour le préposé à l’octroi de boucherie, une bascule, une écurie pour les chevaux des bouchers avec fenil au-dessus et plusieurs écuries pour chaque type d’animaux en attente. La capacité maximum est de 40 veaux, 20 porcs, 80 moutons et 14 bœufs. La salle d’abattage se compose de 6 compartiments – « échaudoirs » – répartis de part et d’autre d’un couloir, et chacun d’eux peut recevoir 2 bouchers ou charcutiers. Une plateforme couverte

comprend une triperie avec fourneaux. À côté, un petit bâtiment sert de fonderie de suif et une pompe prend l’eau directement dans la rivière. D’autres documents indiquent qu’il faut ajouter à cette liste une cave, un bûcher, des latrines et l’ensemble des travaux de clôture du site6. 1 Registres des actes et décisions du maire. 21 pluviôse an VIII – 9 novembre 1846, AMP 2 D 1. 2 Registres des délibérations du conseil municipal. 17 août 1810 – 14 novembre 1835, AMP 1 D 4, 12/4/1824. 3 Idem. 4 AMP, registre des délibérations, 1 D 8, 3/8/1864. 5 AMP, registre des délibérations, 1 D 8, 21/2/1867. 6 AMP, registre des délibérations, 1 D 9, 21/10/1873.

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La réception définitive des travaux a lieu lors de la séance du 7 février 1875, alors que l’abattoir est déjà utilisé depuis plusieurs mois. Les membres de la commission reviennent sur les défauts constatés lors de la réception provisoire et concluent que cela leur « semble plus particulièrement exister au préjudice de la forme qu’au préjudice de la solidité.1» Ils auront tort ! La nouvelle structure est acceptée sous couvert de la réalisation des travaux demandés en 1873. L’abattoir n’a pas un an qu’il est victime d’un incendie dont le montant des réparations s’élève à 1.002,90 francs. Parmi ces réparations se trouve le tablier de la bascule2. En 1884, l’abattoir a besoin d’aménagements complémentaires, principalement un hangar pour servir de grilloir, c’est-àdire l’endroit où l’on dépose la carcasse d’un porc sur de la paille afin d’en brûler les poils. Est également prévu un « bélier hydraulique » installé au moulin de Godineau, un sys-

tème qui utilise la force hydraulique pour élever de l’eau jusqu’à l’abattoir. Le dernier élément prévu est un radeau posé le

long des berges du Thouet, composé d’un tablier de chêne,

76 – Détail d’un plan des abattoirs de Parthenay en 1910. AD 79 11 F 87

fixé sur des barriques, percé en son centre d’un orifice de deux mètres sur deux, autour duquel pouvaient se disposer une dizaine de laveurs3. Les bâtiments construits sont a priori ceux qui existent encore dans le faubourg Saint-Jacques. A.V.

Mais pour les gros bovins, le travail reste pénible et les locaux municipaux deviennent avec le temps vétustes et l’équipement rudimentaire. La décision de déménager est prise en 1959 et la création du troisième abattoir municipal, le nouveau Centre Régional d’Abattage de Parthenay, appelé couramment le C.R.A.P., voit le jour rue Marcel Beau, à l’emplacement de l’ancienne scierie Calvet. Tout est neuf et propre. Les animaux sont convoyés depuis le marché par des tunnels pour arriver dans le lieu d’abattage, puis ils sont abattus au pistolet ou par électrocution pour les cochons (pour préserver la tête). Les petites bêtes sont accrochées par une pâte puis égorgées. Les animaux sont toujours saignés. Certains animaux sont conditionnés selon la méthode Halal. La gestion du CRAP était municipale et il y avait de nombreux usagers qui étaient, pour la plupart, des négociants et des prestataires.

Ils installent leur siège social à l’abattoir : Jacques Contré qui vendra à la SOCOPA, Colbert Bréchoire, Robert Blanchard, Camille Trouvé, la Société de Maurice Raison qui louera un temps les Entrepôts Frigorifiques… Certaines entreprises sont même étrangères, comme les italiens des Ets MARIMEX. Tous font travailler l’entreprise d’abattage PEIGNON, créée en 1945, qui travaillera dans l’abat-

toir municipal jusqu’en 1973, lorsque la ville de Parthenay prend à son compte l’exploitation totale de l’abattoir y compris la tuerie des animaux. Elle sera vendue à la S.C.I. (Société Commerciale Industrielle) du Groupement des Usagers Bouchers et Expéditeurs. Marius Peignon restera responsable technique jusqu’en 1977. Le commerce de bouche était arrivé en tête de toutes les activités sur Parthenay. Dans l’annuaire de 1900 on dénombre huit bouchers et huit charcutiers4. Au gré des prises de vue de la ville par les photographes parthenasiens, il est possible de localiser certains éta-

blissements (ce sujet sera traité dans le cadre d’une autre étude). Mais certains de ces bouchers ou négociants en viande ont dépassé le stade local pour développer la découpe, le désossage et le conditionnement de la viande à l’échelle industrielle. Tout un ensemble de circonstances - l’évolution du monde de la viande, la maladie de la vache folle, des intérêts économiques - feront en sorte que l’abattoir de Parthenay ferme ses portes (cf. article de M. Bernier “Les Trente Glorieuses” p. 16). Mais tout n’est pas fini non plus, un projet d’installation d’un atelier de découpe verra le jour avant la fin de cette année. M.C

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1 AMP, registre des délibérations, 1 D 9, 7/2/1875. 2 AMP, registre des délibérations, 1 D 9, 29/7/1876. 3 AMP, registre des délibérations, 1 D 10, 15/12/1884, 22/5/1885, 15/10/1884. 4 ANNUAIRE 1900.


77 Ganivelle ou hache de boucher. n° inv. 2006.15.4 © Musée municipal de Parthenay

78 Feuille, Coll. privée. © Musée municipal de Parthenay

79 Crochet de l’abattoir à suspendre les animaux Coll. privée. © Musée municipal de Parthenay

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- Etablissement BRECHOIRE 37 rue Jean Jaurès, puis 38, bd. Edgard Quinet Né en 1909 à Craon, Colbert Bréchoire s’installe à Parthenay en 1937. Il achète le fonds de commerce de la « Boucherie Moderne », située au 37 rue Jean Jaurès, tenue précédemment par M. Proust. Il vend du bœuf, du veau et du mouton. A côté de ses activités de boucher, il développe l’expédition de viande vers Paris puis évolue vers la vente aux autres boucheries à partir de 1955. Il devient un expéditeurnégociant comme les nombreux usagers de l’abattoir de Parthenay. Il fait abattre les animaux par la Société de Marius Peignon. A la boucherie c’est Marie Bréchoire qui s’occupe de la vente.

80 – Portrait de Colbert Bréchoire, Coll. privée.

81 – Vue des Ets Bréchoire en 1980. Coll. privée.

Il crée en 1958 La Société Bréchoire et fils, avec l’aide de son fils Claude, puis suite à l’important développement de l’activité, elle se transforme en Société Anonyme en 1967. Au départ, le siège social et la comptabilité de l’entreprise se faisaient à la maison, 11 rue de la Citadelle. Il finit par vendre la boucherie en février 1970 à Albert Verdon, lequel poursuivra l’activité jusqu’à son départ en retraite en décembre

1997. La construction de l’usine en 1979 va permettre de répondre à d’autres demandes des clients y compris des bouchers détaillants (en viande bovine, ovine, porcine et abats). Son emplacement juste à côté du CRAP lui permet de transférer directement les carcasses depuis les frigos de l’abattoir à ceux de l’unité de transformation. Environ 150 salariés travaillent sur les chaînes. Le travail effectué consistait au désossage, à la découpe ainsi qu’au conditionnement de la viande sous vide ou surgelée. La production de steack haché est la plus importante de la région : 1.500 tonnes en 1981, puis 3.000 tonnes en 1983. La capacité de production est complétée par une capacité de stockage de 25.000 m3, à -22°C, ainsi que par un parc de 31 véhicules qui permettent de livrer sur la France entière. En 1983 l’entreprise prend une participation majoritaire dans la Société des Entrepôts Frigorifiques de Parthenay et réalise 35% de son chiffre d’affaires à l’export (en premier lieu la CEE mais aussi l’Afrique et le Moyen Orient).

L’entreprise a atteint 25.000 tonnes par an et a employé jusqu’à 340 personnes. En mai 1985, la SA Bréchoire est la seule industrie de viande qui accède à la cotation en bourse. En 1986, le Tribunal de commerce de Niort accepte la vente des Etablissements Cluzeau de Niort aux Ets. Bréchoire. Cette même année la Société fabrique jusqu’à 6.400 tonnes de steaks hachés1.

Deux ans plus tard, c’est le dépôt de bilan.

82 Boucherie Moderne Bréchoire. Publicité de 1959.

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Nouvelle République du 5 novembre 1987.

83 Boucherie Moderne Bréchoire. Publicité de 1971.


- SOPAL Le Tribunal de Nanterre annonce le dépôt de bilan de la Société le 18 mars 1988 et choisi pour sa reprise l’entreprise UnionViandes avec des fonds anglais. Les journaux se feront l’écho du mouvement social très important que cette décision provoque. 112 salariés finissent par l’emporter avec la création de la SOPAL1, le 18 août 1988. En 1993 c’est encore une nouvelle restructuration avec recentrage vers les produits transformés. - FAVID (viandes de volailles) 38, bd. Edgard Quinet En 1996, les locaux sont repris par l’entreprise Favid, originaire de la Châtaigneraie, qui travaille la viande de poulet, de dinde et de canard provenant d’abattoirs et de centres de découpes agréés CEE. Cette entreprise est équipée d’une chaîne de séparation mécanique et d’une chaîne de découpe mécanique. Elle conditionne les viandes prêtes à l’emploi. Trois années plus tard, ce sera le dépôt de bilan. - Société Nouvelle FAVID (viandes de volailles) En Mars 1999 sera créée la Société Nouvelle FAVID qui per-

mettra d’acheter les actifs de l’entreprise précédente et de reprendre les 32 salariés. Spécialiste de la transformation de toutes viandes standardisées, la SN FAVID est présente dans plus de 20 pays (France, Europe et autres continents). Elle répond aux besoins des utilisateurs : industriels de la charcuterie, conserves, fabricants de plats cuisinés et produits déshydratés. Chaque semaine sont traitées près de 700 tonnes de matières premières fraîches provenant exclusivement des régions Poitou-Charentes et Pays de Loire. SN FAVID travaille aussi l'élaboration de produits cuits en dinde, poulet, canard et porc. Elle emploie actuellement 52 salariés.

84 Logo de l’entreprise FAVID. Coll. privée.

85 Vues des ateliers de conditionnement de la Société Nouvelle FAVID. Coll. privée.

1

Société de Produits Agroalimentaires.

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- DIS-DIET rue Marcel Beau Entreprise créée par Robert Blanchard en 1981, elle traite les viandes ovines et porcines, ainsi que le veau de lait élevé sous la mère et le bœuf (en carcasse, désossée ou emballée sous vide). Une de leur spécialité, le traitement du cochon travaillé à l’ancienne, c’est-à-dire grillé et non trempé. L’usine ferme ses portes en 2000.

86 Publicité CED 1978.

87 Publicité CONTRE 1971.

88 Logo DIS-DIET, Coll. privée.

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- GERCO - TELDIS Route de Bressuire, Viennay A partir de 1960, il s’est créé dans le département des Deux-Sèvres de petits syndicats locaux qui regroupaient l’offre pour négocier les animaux sur une échelle dépassant le cadre de l’exploitation. Rapidement, des éleveurs des départements limitrophes ont voulu adhérer et le résultat a été la création du Groupement des Eleveurs de la Région du Centre Ouest, le G.E.R.C.O., avec le statut S.I.C.A. Civile (Soc. Intérêt Coll. Agricole). Il était composé de trois groupements de producteurs pour les bovins, les ovins et les porcins. Les caprins viendront ensuite. Leur but était bien de se regrouper pour mieux vendre et organiser la production. La concurrence était très sévère avec les marchands de bestiaux.

89 – Logo GERCO Coll. privée.

En 1970, c’est l’indépendance avec la création d’un centre d’allotement et de bureaux à 3 km de Parthenay. Le principe était basé sur un engagement triennal d’apport total de tous les bovins, les porcins ou les ovins. Le GERCO assurant lui-même et en totalité la commercialisation de la production de ses adhérents. Les animaux de boucherie sont vus en exploitation par un estimateur, puis ils sont ramassés pour être amenés au centre d’allotement où s’effectuent la pesée en vif et le classement. Une fois regroupés, les animaux partent vers l’abattoir de l’acheteur, ou celui de Parthenay, ou encore, directement pour l’exportation en Italie et en Belgique. La péréquation des prix des animaux, à la semaine et par périodes évite les aléas des fortes fluctuations des cours. Ainsi par exemple, deux animaux de deux exploitations diffé-

rentes seront payés au producteur le même prix au kilo s’ils ont été livrés la même semaine. En 1976, le GERCO compte 500 sociétaires adhérents engagés à effectuer l’apport total de leurs animaux. En 1982 ce sont 837 adhérents. Le personnel comprend 23 employés. Le groupement décide de créer une filiale commerciale et, en 1979, une société anonyme voit le jour : Viand’Ouest.. En 1983, Viand’Ouest achète l’entreprise d’abattage et de découpe Bafou à Bressuire, avec ses 80 salariés. Le siège social se déplace à Bressuire. Le tonnage total des animaux de boucherie commercialisé en 1984 était de 8.062 tonnes de carcasses. Le personnel atteint 34 personnes. Suivent des moments difficiles, jusqu’au dépôt de bilan à la fin de l’année 1984. La GERCO en conséquence est aussi en délicatesse. Le Groupe CANA, coopérative agricole Centre-Atlantique, intègre le groupement et GERCO devient TELDIS, toujours en activité. Quant aux volailles et aux lapins : De nombreux autres petits abattoirs de volailles ont existé sur Parthenay et aux environs : l’abattoir de MARCHAND-GUIGNARD, rue des Rocs ; l’abattoir de lapins et de volailles de Camille MOREAU, rue du Marchioux ; la famille THOUIN installe un abattoir de lapins, volailles (et pendant la période de mars à mai, de chevreaux) dans l’église de la Madeleine à la maison-dieu de Châtillonsur-Thouet et un deuxième à Parthenay-le-Vieux, qui fonctionneront jusqu’à la fin des années 1980; enfin, l’abattoir de pigeons GILBERT, à Pompaire. - Abattoir BERTHOME

28 rue du château Raymond Berthomé est né en Vendée en 1898. Il achète la minoterie du château après la deuxième Guerre mondiale1 et installe un abattoir de volailles, avec des ateliers d’engraissement de volailles de ferme, un négoce d’œufs et des installations frigorifiques. Il conçoit un appareil pour améliorer le travail d’abattage qu’il baptisera « PLUMVITE ». A sa retraite, il partage son affaire entre ses enfants et c’est M. Ramade, son beau-fils, qui prendra la suite jusqu’en 19702.

1 FLEURET STROBEL 2001 p. 14. Il s’installe après l’usine de chaussures de M. Salerne et avant l’ébénisterie de la famille Dargenton. 2 Renseignements de M. Berthomé, fils.

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ATELIER DE DECOUPE DE PARTHENAISE La Communauté de Communes de Parthenay, sollicitée par les éleveurs de l'association la Parthenaise de Qualité, a décidé la construction d'un atelier de découpe conforme aux exigences de qualité des viandes bovines. (Investissement d’un montant de 1.029 296euros réalisé sur le site de l’ex-abattoir fermé en 1999). La Société des Viandes des Eleveurs de Parthenay (SVEP), exploitante, devrait s’installer dans ces locaux en janvier 2007, la SVEP est propriétée de la SAS La Parthenaise des Eleveurs, holding financière dont le capital est détenu par les adhérents de l'association la Parthenaise de Qualité. La réalisation de cet équipement s’inscrit dans la démarche concertée menée par la Communauté de Communes de Parthenay, le Pays de Gâtine pour le maintien d’activités agricoles sur le territoire. - Abattoir coopérative de la COPAVIF 31 rue Henri Dunant Les bâtiments de cette Coopérative Avicole des Fermes des Deux-Sèvres ont été crées en 1964. Elle sera reprise en 1972 par la coopérative SICA-SAVA qui déposera le bilan quatre ans plus tard. La Société UNAVI reprend en 1976; cette dernière emploie jusqu’à 140 personnes. Le directeur était Gilbert Rautureau qui revendra ses parts en 1981 à la CANA, Coopération Loire-Atlantique.

90 En-tête COPAVIF en 1965 91 Porte-clé COPAVIF en porcelaine Coll. privée.

- FRIVOLE SA – Et. Rautureau rue Bourg-Belais, puis 12 rue Denis Papin Gilbert Rautureau crée son entreprise en 1981. Installée au début près du pont de Poitiers, la municipalité lui vend un terrain de 500 m2 en 1982 dans la zone industrielle Bernard Palissy. Au début l’abattage se fait à la CANA à Montcoutant, puis il fait construire un abattoir avec un tunnel de refroidissement. Il s’agit d’un abattoir généraliste multi-produits, avec découpe, conditionnement et distribution de volailles (poulet, poule, coq, pintade et dinde) et conditionnement de lapins et canards. Les labels utilisés sont « Label Rouge », « Challans », « Signé Poitou-Charentes » et « Volailles Halal » dont 20% de la production concerne ce dernier produit. La gamme de produits est diversifiée avec les plats cuisinés. Leur distribution se fait en France, en Europe et en Afrique, avec 15% à l’export. Il emploie jusqu’à 140 personnes.

92 Etiquettes FRIVOLE Coll. privée.

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Pour prolonger la conservation des viandes, on a toujours utilisé la glace or, dans notre région, il n’est pas facile de s’en procurer. Les besoins créent souvent la solution. - Fabrique de glace GUYONNAUD 27 av. Aristide-Briand Louis Guyonnaud est né le 15 novembre 1871 à Burgnac (87). Propriétaire d'un café, en 1912, l’usine à glace est installée en bordure de l'avenue. Jusqu'alors, la glace arrivait par le train en provenance de La Rochelle sous forme de pains de 25 kg à moitié fondus à leur réception. Pour cette installation, un Frigorigène est acheté à la Société d'application frigorifique (Paris) ; 1.200 kg de glace sont fabriqués par 24 heures. En 1916, un nouveau bâtiment est construit le long de l'avenue pour l'installation de matériel racheté à une brasserie de Niort. Puis, deux ans plus tard, de nouveaux locaux sont construits en fond de cour ; ils abritent un gazogène à anthracite Optimus, un compresseur horizontal Delion et Lepeu, un moteur Horsby de 15 chevaux et un condenseur tubu-

laire vertical. La production est livrée à domicile par camions dans des caisses, puis des sacs. En 1922, une fabrique de semelles de galoches est annexée à l’établissement. L'activité se diver-

93 – Portrait de Louis GUYONNAUD Coll. privée

sifie par la suite avec des installations frigorifiques chez les clients. Dans les années 1930, un corps de bâtiment abritant un bureau, un magasin et le logement patronal est construit sur l'emplacement de la première unité de fabrication de 1912 ; un atelier de réparation couvert d'un toit en shed est

bâti en 1935. Jusqu'à l'arrivée de l'électricité après la guerre et l'édification d'un transformateur, plusieurs moteurs ont été utilisés. Jean et Pierre Guyonnaud succèdent à leur père, puis l'affaire est reprise par le petit-fils, Jacques, puis le fils de ce dernier, Daniel. L'atelier de 1935 est agrandi successivement en 1939 et 1960. Vers 1965, on installe un négoce d’oeufs. La fabrication de glace prend fin en 1980 et une partie des bâtiments est démolie en 1988. Daniel Guyonnaud poursuit dans les locaux son activité de spécialiste en électricité, climatisation et froid industriel et commercial.

96 – Publicité GUYONNAUD 1959.

97 – Plaque de l’usine, coll. privée

94 – L.GUYONNAUD devant sa machine Coll. privée

98 – Marquage des oeufs avec une roulette, coll. privée

- SEEFP Rue Marcel Beau L’installation d’un centre de congélation, dans les bâtiments joints aux abattoirs, permet de contrôler d’avantage le rythme des ventes de viande. Avec le même type de régie municipale, les locaux sont d’abord loués à des usagers. Par la suite la gestion sera confiée à la Société d’Exploitation des Entrepôts Frigorifiques de Parthenay, jusqu’à la fermeture en même temps que le CRAP. - SOFRIPAR Cette Société Frigorifique parthenaisienne, installée à l’emplacement de la SEEFP depuis octobre 2000, emploie 5 personnes. Leur secteur d’activité consiste à l’entreposage frigorifique.

99 – En-tête facture SEEFP 1969 Coll. archives municipales

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X. Le cinquième quartier Rien ne se perd : la viande sera vendue chez les bouchers et les abats et boyaux sont transformés. Toutes les autres parties des animaux morts sont réutilisés : les déchets de viande sont transformés en farine animale et les os en engrais organiques, les peaux partent dans les tanneries, les graisses se convertissent en suif. - SO.NO.T.A. (Société Nouvelle de Triperies Associés)

100 Porte-clé des bouchers-charcutiers de Parthenay Coll. privée. © Musée municipal de Parthenay

Rue Marcel Beau, à côté du Marché de Bellevue. Afin de pouvoir assurer la transformation des abats et la fabrication de sous-produits alimentaires, se crée en 1964 à Parthenay une nouvelle société. La construction des bâtiments se réalise à côté du C.R.A.P., avec un bail emphytéotique et une redevance locative pour la munici-

palité. Très rapidement la récupération des abats dépasse la proche région. Il s’agit des abats dits « blancs » (c’est à dire panse de bœuf et moutons, pieds et mamelles – ainsi que les boyaux qui ne sont pas utilisés par cette société) par opposition aux abats « rouges » (tête, langue, foie, cœur, poumons, rate, rognon). Les produits sont nombreux : des tripes (à la mode de Caen, lyonnaise ou à la mode Corse), le gras-double, des andouillettes et noix de joues, ces derniers produits issus des têtes des bovins désossées avec de nombreuses expéditions vers Paris et Rungis. Les tripes sont faites avec la panse de bœuf, qui pèse autour de 20 kilos. Cette pièce est composée de quatre parties : la panse elle même, le bonnet, le feuillet et la caillette. Il faut les travailler en les nettoyant à l’eau très chaude à l’intérieur pour enlever la « houssure » (dépôt fait par les aliments à l’intérieur de la panse et qui sera ensuite récupéré pour l’alimentation animale) et à l’extérieur les restes de gras ou de peau. Après les avoir ébouillanté pour leur donner de la consistance, on les coupe et on les fait cuire dans des cocottes de 600 litres. On utilise des pieds de veau pour donner de la gélatine. Les tripes à la mode de Caen sont aromatisées au cidre ou vin blanc, mais surtout au madère qui venait directement du Portugal. Les tripes à la lyonnaise sont conditionnées avec du concentré de tomate et celles à la mode Corse sont davantage épicées et les morceaux coupés plus petits. Les tripes étaient conditionnées dans des boites de conserve « Bovida », en acier inoxydable 18/8, de 500 gr, 1 et 5 kilos. Le gras-double était travaillé à la main. Une fois nettoyée et ébouillantée, la panse est brossée à la main puis, sur une table de travail, divisée en trois, on fait des paquets en les roulants et en mettant à l’intérieur les morceaux de feuilleté et de caillette. Installés dans des bacs galvanisés, rangés, les paquets sont pressés puis plongés dans l’eau glacée pendant une nuit, ce qui fait des « pains » de 2 à 2,3 kilos. Vendus dans les étals des marchés, le service se fait en tranches. 101 Boite conserve SONOTA, n° inv. 2006.20.1 © Musée municipal de Parthenay

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En moindre quantité ils ont fabriqué des andouillettes tripières - faites avec de la panse de veau et de la fraise (qui est jaune), - et des « tripoux » qui sont une spécialité auvergnate – avec de la panse et des pieds de mouton. Les os récupérés sur Parthenay étaient broyés puis revendus aux entreprises d’alimentation animale. L’entreprise emploiera entre 80 et 100 personnes. Plusieurs succursales ouvriront sur le territoire français, mais le conditionnement des produits se fait à Parthenay. La vente se fait essentiellement pour la région parisienne, envoyée par wagons ou par camions, et très peu de vente au détail sur place. Un bâtiment joint sera construit servant à la congélation des abats et produits vers 1970. En effet, ces produits ne pouvaient pas partager les locaux avec les établissements frigorifiques de l’abattoir. L’entreprise ferme les portes en 1985. 102 Publicité SONOTA 1969.

- Boyauderie PEIGNON Moulin de Saint-Paul, Moulin de Brossard, puis Z.I. La Bressandière, Châtillon-sur-Thouet Marius Peignon, boucher de métier, commence à travailler à l’abattoir de Parthenay pen-

dant la 2ème guerre comme prestataire de service. Travailleur indépendant, il emploie jusqu’à sept personnes. C’est lui et son équipe qui assurait tous les abattages. Dès son retour en 1945 il crée sa propre entreprise et assure de surcroît la tuerie des animaux dans plusieurs abattoirs du département en plus de Parthenay.

103 – Facture M. Peignon. Coll. privée.

A l’époque, le travail s’arrêtait le jeudi et il envisage de faire une autre activité avec les sous-produits, les abats, appelés dans la profession le « cinquième quartier ». En effet, les intestins des animaux abattus n’étaient pratiquement pas utilisés, les abats étant livrés à l’équarrissage. Il décide de créer parallèlement à l’abattage sa propre boyauderie. Il traite 3.000 tonnes d’abats par an. Lorsque l’abattoir déménage dans les nouveaux locaux en 1959, ce type de travail est interdit. Il se rend alors propriétaire des bâtiments de l’ancienne laiterie Barribaud au moulin de Saint-Paul en 1957, il recrute 5 personnes

et s’installe. Bien qu’au départ ils ne traitent que les boyaux de l’abattoir de Parthenay, rapidement ils en récupèrent d’autres en dépassant la région Poitou-Charentes. Il va ainsi traiter jusqu’à 18.000 tonnes par an.

104 – Vue de l’entreprise Boyauderie PEIGNON à Saint-Paul Coll. privée

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105 – Séchoir de l’atelier de cordage au moulin de Brossard. Coll. privée

Lorsque la ville de Parthenay reprend à son compte l’exploitation de l’abattoir, l’entreprise personnelle d’abattage finit et s’intensifie l’activi-

té de la boyauderie. En 1971, la création d’une S.A.R.L. avec ses trois fils. En 1981, l’entreprise achète les bâtiments de l’ancien moulin Brossard aux établissements “Art et Miroirs de France”. Ils installent les ateliers de conditionnement et de calibrage des boyaux de mouton et de porc. Marius Peignon prend sa retraite en 1983. Les nouvelles normes sanitaires de la C.E.E. les obligent, en 1994, à investir dans une nouvelle unité et les usines déménagent à Châtillonsur-Thouet et l’entreprise devient une société anonyme. Son développement lui permet d’assurer 60% de sa production à l’export. Elle emploie 120 personnes. Marius Peignon fera aussi des essais de nouveaux produits : il s’associe avec une entreprise de Thouars pour faire du saucisson sec, ainsi qu’avec Jean Panzani pour fabriquer des tripes à la mode de Caen, à la sauce du même nom. Des essais qui ne se sont pas concrétisés. L’entreprise possède plusieurs ateliers qui assurent le traitement des boyaux : ils sont dégraissés, retournés, raclés, calibrés, mesurés, puis conditionnés dans le sel ou en saumure, congelés ou séchés. Dans cette entreprise sont traités les boyaux de bovins, moutons, porcs, et chevaux : intestin grêle (pour les saucissons et les saucisses) et le gros intestin du bœuf (pour faire les andouilles), mais aussi les baudruches (entre autres charcuteries, le salami), la peau de baudruche (pour envelopper le poisson fumé et la viande séchée), le fuseau de porc (andouillette et saucisson)… Outres ces utilisations alimentaires, il existe aussi une utilisation industrielle : avec le menu de bœuf (des ateliers de lanières, par exemple pour la fabrication de cordage des raquettes de tennis ou le catgut chirurgical et des cordes pour les instruments de musique) ; le séchoir de vessies de bœuf (pour fabriquer des abat-jour), et les farines de viandes. De même avec les caillettes de veaux et de chevaux on fabrique la présure. Enfin, la peau de baudruche est utilisée pour le flaconnage de parfumerie et pour les tampons d’instruments de musique à vent (clarinette, hautbois…). L’opothérapie trouve aussi dans les boyaux des extraits d’organes réutilisables : la bile ou le fiel des bêtes (pour faire des médicaments); les glandes de la langue de bœuf (pour la préparation du vaccin contre la fièvre aphteuse…). Les mucosités des boyaux de porcs et de boeufs sont utilisées par les laboratoires pharmaceutiques pour faire un anti-coagulant : l’Héparine. Pour conclure, dans le fondoir sont traitées les graisses pour fabriquer le suif industriel, lequel sera ensuite dirigé vers les savonneries et les laiteries.

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106 – Détail des cuves de la suifferie Peignon. Coll privée.


107 – Calibrage et nettoyage des boyaux. Coll. privée

La maladie de la vache folle provoque l’interdiction totale de consommer les abats d’origine bovine. Seuls les produits industriels peuvent être encore travaillés. cela les oblige à reconsidérer leur activité et à se diversifier pour faire des nouveaux produits, comme des friandises pour les animaux de compagnie. Cette crise a entrainé des licenciements et l’usine sera vendue, en 2001, à l’entreprise Adax. cette dernière vient d’être rachetée par la société Corsa qui poursuit la boyauderie et l’alimantation animale.

108 – Vue de l’atelier cordage des Ets. Peignon. Coll. privée

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109 Raquette de tennis et cordage (catgut), Coll. privée. © Musée municipal de Parthenay

110 – Lampe en vessie de porc Coll. privée. © Musée municipal de Parthenay

Dans ce secteur agro-fourniture, les entreprises élaborent et distribuent ainsi des « intrants » (fertilisants) pour le bon fonctionnement de l’agriculture. Le premier atelier d’équarrissage qui faisait cuire les carcasses d’animaux est attesté à Parthenay en 1865 et installé à l’extérieur de la ville. Les archives conservent une demande de M. Chartier pour l’installation d’une usine d’équarrissage avec fabrique d’engrais1 qui fut vraisemblablement installée dans le quartier Saint-Paul. Dans l’Annuaire des engrais de 1932-19332 on dénombre quatre établissements sur Parthenay : Aubrun, Poirault rue Bourg-Belais, Revault (vraisemblablement une succursale de l’entreprise de Bressuire) et Toulouse, ce dernier installé rue Alsace-Lorraine. Seul Aubrun est fabri-

cant. Aujourd’hui il existe un distributeur sur la commune de La Peyratte : les Etablissements Beauchamp ainsi que la Coopérative Agricole de Parthenay, dénommée maintenant « CIVRAY-CAPSUD ».

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Délib. CM 24-07-1918. Page 78 C : Annuaire d’Engrais, des produits insecticides et anticryptogamiques, des semences et des aliments du Bétail, éd. Lang, Blanchong et Cie, Paris, 1932-1933.


- Usine d'équarrissage et fabrique d'engrais organiques Lieu-dit « L’usine » (actuellement 1 rue de la Marne) La première fabrique de noir animal est créée en 1865 par Damelon-Jarry1, tanneur du quartier Saint-Paul, et Constant Pougnault, sur un terrain concédé par la commune2.Ce dernier devient le seul propriétaire en 1875. Une machine à vapeur est installée en 1881 et l’usine fait l’objet de plusieurs agrandissements. Cette entreprise fabrique des engrais et de la colle d’os. Pour fabriquer cette dernière, on réduit l’os à la vapeur en gélatine et, une fois séchée, on la vend aux entreprises spécialisées dans les colles. Elle sert aussi pour la fumure des choux fourragers. L’entreprise est rachetée par Louis de Berthier, originaire des Pyrénées Atlantiques, le 28 novembre 1912, qui revend la fabrique, pour des raisons de santé, à André Aubrun en 19223 : les bâtiments mais aussi les machines, chevaux, charrettes, camion auto-

mobile et autres marchandises pour 71.162,90 francs. Le siège social est alors installé au 71 faubourg Kléber (actuelle rue du Bourg Belais).

Cette entreprise vend aux négociants-distributeurs ou aux coopératives agricoles et non pas directement aux agriculteurs. Elle n’emploie qu’une vingtaine de personnes car le procédé de mise en œuvre est essentiellement mécanique. Dans l’atelier d’équarrissage, les carcasses d’animaux (chevaux, bovins et ovins) étaient transformées en farines animales dans des autoclaves. Les viandes de bonne qualité, découpées en quartiers, étaient cuites à la vapeur pendant cinq heures, puis séchées4 sur des clavettes et finalement broyées. Elles étaient vendues ensuite à des entreprises intermédiaires, comme « Sanders ». Les déchets étaient installés dans des grosses cuves en tôle dans les abattoirs qui étaient récupérées une fois par semaine. Ces sous-produits étaient asséchés, puis broyés pour fabriquer les engrais organiques5. On utilisait de la poudre de coques de chocolat, provenant de la région de Bordeaux pour accélérer l’assèchement. Aux engrais composés « l’Intensif Aubun » étaient ajoutés de la potasse, de l’acide phosphore et des adjuvants. La production de l’usine est vendue en sacs et livrée par camions. Les sacs de jute étaient achetés dans la région parisienne, chez « Saint Frères ». Le suif était revendu à des intermédiaires pour la fabrication de chandelles et de rouges à lèvres, comme « Bourgeois ». Il servait aussi pour fabriquer du savon, en ajoutant de la soude caustique et de l’essence de mirbane6, mais que pour une utilisation familiale. Quant aux peaux, elles allaient aux grossistes et aux tanneurs. Les peaux sans défauts étaient vendues plus chères que celles vaironnées, c’est-à-dire, trouées par la vermine ou les mauvais traitements.

111 Buvard publicitaire « Intensif AUBRUN » Coll. privée.

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Projet d’établissement délib. CM 21-11-1856 et 25-07 et 02-10-1864 Il est déjà propriétaire d’une usine d’engrais à Mauléon. Archives municipales 2F1 : arrêté préfectoral, procès-verbal de notification et correspondance. Cession de fonds de commerce par M. et Mme De Berthier à M. et Mme Aubrun, le 29 septembre 1922, Etude de Me Gaillard, notaire à Parthenay. On appelle cette méthode de la viande boucanée. Très riches en azote Appelé aussi nitrobenzène, il était utilisé dans la parfumerie et a une odeur d’amandes amères.

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André Aubrun va développer le négoce des engrais minéraux qui deviendra son succès. Des garages et des logements d’ouvriers sont construits en 1941. Après son décès en 1951, ses enfants - Jacques et Henri - créent une société anonyme.

112 – Cendriers publicitaires de couleur jaune et verte, Coll. privée.

Pour faire le service entre l’usine et la gare, l’entreprise avait acquit un camion électrique. En 1954 se réalise le premier embranchement ferroviaire de trains complets pour faciliter la réception des matières premières qui seront mélangées et conditionnées sur place1. L’équarrissage est abandonné en 1962 au profit de scories potassiques, utilisées en zones d’élevage. Les scories, originaires de Lorraine, étaient mélangées dans la fabrique avec de la potasse qui venait d’Alsace. Les années 19601970 marquent profondément l’entreprise qui fait l’objet d’incessants agrandissements. A partir de 1975, une nouvelle évolution concerne l’élaboration de formules de mélange d’engrais granulés adaptés aux besoins de ses clients et les bâtiments s’agrandissent encore.

Deux filiales sont crées : à Niort-La Crèche, en 1986, et à La Rochelle, en 1989. En 1988 est crée le groupe « FERTILWEST » avec trois autres sociétés qui ont formé un G.I.E. (Groupe d’Intérêt Economique) afin d’assurer la couverture de la clientèle de tout l’Ouest et le Centre-Ouest. La diversification se poursuit avec les oligo-éléments, les liquéfacteurs et masquants d’odeur pour lisier, les semences de maïs et de tournesol et les fournitures pour les espaces verts. Depuis 2002, la société, dirigée par Dominique Aubrun, a fusionné avec une autre entreprise familiale, TARTARIN, de Saint-Pierre-des-Coprs à Tours.

113 – Vue aérienne de l’entreprise Aubrun, © Marcel CHEVRET.

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1

Demande Aubrun pour l’établissement d’une voie ferrée pour la desserte de leur usine (délib. CM 03-11-1955).


Le fondateur André Aubrun : Fils du notaire parthenaisien Georges Aubrun, il est né le 6 août 1891. Après des études à l’école d’Agriculture et son service militaire, il revient à Parthenay et épouse le 18 mai 1920 Suzanne Colleville, avec laquelle il achète la fabrique et la maison faubourg Kléber. Sa personnalité et son engagement public l’amènent à participer à la vie parthenaisienne comme président du Syndicat d’Initiative et membre du Comité de la Foire-Exposition de Parthenay. En 1932, il devient le président du Groupement de Défense des Contribuables de l’Arrondissement de Parthenay. Il est membre élu de la Chambre de Commerce et de l’Industrie des Deux-Sèvres et participe en 1936 à la création de la Coopérative Agricole de Parthenay dont il fut le secrétaire-administrateur-délégué pendant de longues années. Il est décédé accidentellement à Rorthais le 9 mars 1951.

114 Portrait d’André Aubrun, Coll. privée.

115 Carte postale coloriée, n° inv. 1987.9.69

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116 Carte postale. N° inv. 1987.9.68

117 Vues de l’intérieur de l’entreprise. Coll. privée.

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118 Camion de l’entreprise. Coll. privée.


- Négoce de peaux et cuirs POTET 57 rue Faidherbe (angle rue Gutenberg) En 1896, Jules Potet rentre comme apprenti dans la fabrique de suif1 de son cousin, Jules Griffier qui avait été créée à la fin du XIXe siècle. Il finit par reprendre l’entreprise de fonderie de suif avec la fabrique de chandelles en 1902, à laquelle il ajoute une affaire de négoce de cuirs et peaux. C’est cette activité qui prévaudra lorsque l’utilisation des chandelles est remplacée par la généralisation de l’électricité. Son activité consistait à récupérer les peaux (de lapins, de moutons, de bovins et de chevreaux) auprès des abattoirs de toute la Gâtine, les saler, les trier et les faire sécher, suspendues. Ainsi conditionnées, il les proposait aux tanneurs et aux mégissiers : les peaux de lapin pour faire des chapeaux, celles de bovins pour les sièges de voiture... Le bas suif était revendu aux suifferies et servait à faire le savon. Le suif noble sans souillures, celui qui se trouve autour du cœur et des rognons, il le vendait pour faire les chandelles et pour faire des aliments pour les animaux. Il se fournissait en sel de mine (gris) à Verengeville en Lorraine – un camion de 24 tonnes par mois – ou en sel de mer (blanc) aux Salins-du-Midi en Camargue. L’utilisation différait selon les types de peaux ou les demandes des clients. En 1930, son fils Gaston prend la suite à la tête de l’entreprise. Ce dernier développe le ramassage et le traitement des peaux de chevreaux, essentiellement dans l’Ouest et le Centre-Ouest de la France, jusqu’à atteindre 120.000 peaux. Un renversement de sa situation a lieu lorsqu’un de ses clients fait faillite en 1975. En 1953, son petit-fils Yves prend les rênes de l’affaire familiale, toujours installée rue Faidherbe, Gaston gardant le secteur des petites peaux. L’activité continue jusqu’au moment où les abattoirs se sont mis à réaliser le salage sur place vers 1985. Ayant compté jusqu’à 30 ouvriers, elle ferme ses portes définitivement en 1992.

Le fondateur Jules Potet : Né le 21 février 1866 à Sanzay (Vienne). A dix-huit ans il s’engage dans l’infanterie de marine et fait son service militaire en Nouvelle Calédonie et reste sur l’île pendant sept ans comme chef comptable dans la Compagnie des Mines de Nickel.

Elu conseiller municipal en 1912, il devient le premier adjoint du maire de Parthenay. Il faisait partie de la famille de Louis Aguillon. Il est vice-président du comité cantonal du parti radical-socialiste. En raison des services rendus, il obtient en 1928 la croix de la Défense Nationale, devient Chevalier de la Légion d’Honneur, reçoit la médaille de la Prévoyance Sociale, puis devient Officier de l’Instruction Publique et Chevalier du Mérite Agricole. Très actif, il participe à la Commission administrative de l’Hospice au titre de vice-président ; il est également vice-président au Patronage scolaire et membre du Bureau de Bienfaisance ; à la Caisse d’Epargne, il est l’un des directeurs ; enfin il devient président de la Société Mixte de Tir et de Préparation Militaire de Parthenay. A son décès, en mars 1930, le maire Robert Bigot fait son éloge funèbre2.

1 2

Le suif est de la graisse fondue des ruminants, dont on faisait les chandelles. L’Echo de Parthenay du 30 mars 1930.

119 – Portrait de Jules Potet, Coll. privée.

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En-tête 121 Facture de Gaston Potet, Coll. privée.

120 Facture de Jules Potet, Coll. privée.

- Négoce de peaux et cuirs CARBONNIER rue des Tanneurs, puis Le Grand Retord (Pompaire) Théodore Carbonnier, né en 1907 à Louvier devient en 1929 tanneur à Lavausseau (Vienne). A cette époque, il y avait beaucoup de tanneries artisanales prospères en Poitou-Charentes, installées à la source des rivières. A la fin de la 2nd guerre mondiale, l’industrialisation de ce métier se développe de plus en plus, ce qui provoque la fermeture de nombreuses petites tanneries. Théodore Carbonnier fait le choix de devenir marchand de cuirs bruts.

122 Portrait de Théodore Carbonnier. Coll. privée.

En 1949 il achète les établissements Bouchet, rue des Tanneurs à Parthenay. Il négocie avec les bouchers qui salent parfois eux-mêmes leurs peaux et avec les abattoirs. Ce métier, nécessitant d’avoir une importante trésorerie afin d’acquérir des peaux en quantité, il s’associe avec d’autres marchands de cuir, Dubois et Grivault de Paris et Tours. Ils créent les « Halles aux Cuirs du Centre Ouest », dont le siège est à Parthenay. Lors de la fermeture de la dernière tannerie en 1955, ils achètent les bâtiments aux établissements Chartier. Ici c’est une région de production et, avec le développement très important des abattoirs, beaucoup d’autres négociants s’installent. La concurrence est très importante. L’entreprise crée jusqu’à 35 emplois. Au départ à la retraite de Théodore en 1972, ses deux associés créent une autre affaire à Bressuire, la Société Cuirs et Peaux de l’Ouest. Mais les entreprises finissent par déposer le bilan et ferment en 1975. A l’occasion de la vente aux enchères à Bressuire, Yves Carbonnier achète les bâtiments de Saint-Paul et récupère ainsi l’entreprise de son père. Avec son frère et son neveu, il retrouve les clients de celui-ci. En 1978 il s’associe avec M. Lecomte, financier à Grasse et créent la Société Parthenay-Bressuire Cuir ». 72


Le travail se spécialise dans le ramassage des peaux de tout type dans de nombreux départements, par camion (10.000 tonnes par an) et un peu de salage qui doit se faire dans les 24 heures suivant l’abattage de l’animal (la consommation de sel blanc ou gris s’élève à 50 tonnes par semaine.) Le gros du travail est de trier la marchandise, car certaines tanneries ne prennent que certains types de peau ou d’une certaine qualité. Ensuite ils exportent dans de nombreux pays, souvent vers l’Europe de l’Est (importantes commandes comme 72 camions vers la Russie, ou l’Algérie, 1.200 tonnes). Il emploie jusqu’à 25 personnes. Le métier continue à évoluer jusqu’en 1989. A ce moment les abattoirs s’associent pour saler leurs propres peaux. L’idée est de faire des économies en supprimant les intermédiaires entre les abattoirs et les tanneurs. Dans ce contexte économique, Yves Carbonnier crée l’entreprise « Euro Servi Cuirs » en mars 1989 et s’installe route de Niort, au Grand Retord. Il ramasse et sale les peaux provenant de l’abattoir, mais ne les achète plus. Les peaux restent propriété des abattoirs qui décident à qui les vendre. Il devient ainsi un prestataire de services. Son expertise en cuirs est reconnue. Il travaille pour d’autres entreprises, au Canada, en Allemagne, en Italie. En 2005, désirant moderniser son entreprise, il installe ses ateliers dans les anciens bâtiments de l’abattoir. La structure des abattoirs ne cesse d’évoluer, la plupart des abattoirs publics ferment au profit des établissements privés. Quatre groupes se taillent la part du lion : Bigard Charal, SOCOPA, SOVIBA et SVA. Sa clientèle se porte davantage sur le groupe Bigard Charal. C’est ainsi qu’en septembre 2005, Yves Carbonnier vend la totalité de ses actions à Charal qui continue aujourd’hui à exploiter EURO-SERVI-CUIRS pour y traiter sa propre production.

123 Panneau de l’entreprise en 2005.

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XI. Les tanneries

124 – E. PIDOUX “ Pont de Saint-Paul”, huile sur carton, h. 25,3 x l. 32,5 cm, n° inv. 2004.6.5.

Le tannage des peaux n’est pas véritablement une production agroalimentaire, mais, à Parthenay, cette industrie n’utilise que des matières issues de ce domaine : peau, huile, tan. Le nombre de peaux tirées des animaux abattus à Parthenay était insuffisant pour alimenter les ateliers de tannage. Les marchands allaient donc les chercher dans les villes voisines : Poitiers, Niort, La Rochelle et Rochefort. Les cuirs étaient essentiellement vendus à Poitiers. L’huile nécessaire pour nourrir les cuirs était extraite de la navette, une plante oléagineuse qui n’était pas cultivée en Gâtine. L’huile de poisson pouvait également être utilisée et les chamoiseurs de Niort vendaient souvent leurs vieilles huiles aux tanneurs de Parthenay. Le tan provenait des écorces de chênes des forêts de la Gâtine, principalement celle de Secondigny et jusqu’à celle de Mervent. Les écorces étaient prélevées sur les arbres, avant qu’ils ne soient abattus, sous forme de lanières mises ensuite en fagots. Ces derniers étaient transportés au moulin à tan pour y être broyés. À Parthenay, les moulins du Palais, de la Grève et de Godineau ont été partiellement ou entièrement dédiés à ce travail. En comptant également le moulin à tan se trouvant près de Saint-Loup, ils produisirent 105 tonnes de tan en 1812. Le transport du tan ou « poussier » se faisait sur l’eau entre le moulin de la Grève et les tanneries. Le travail du tanneur consistait à écharner les peaux, les laver, les préparer. On pouvait y employer de l’orge ou de la chaux. Ensuite, l’opération de tannage peut être appréhendée à travers cette succincte description de 1813 : « Le procédé qui s’emploie est celui du tan pulvérisé lessivé dans de l’eau chaude, dont on impreigne les peaux qu’on met ensuite dans les fosses, en ayant soin de les soupoudrer, à plusieurs reprises, du tan réduit en poussière »1. La tannerie était articulée autour d’une aire de travail, pavée couverte d’un auvent et touchant à la rivière, d’un séchoir pour les peaux, d’un grenier nommé « poussier » où était entreposé le tan broyé, d’une chaudière, de diverses cuves en bois et des fosses rectangulaires et/ou circulaires aménagées dans le sol. Voici la description des fosses en 1811 : « Les fosses font ordinairement 3 mètres de long, 1 mètre 2 tiers de large et 2 mètres de profondeur. Elles contiennent un cent de peaux tant de bœufs que vaches. On y met 1800 kg de tan qu’on renouvelle une autre fois. On laisse les peaux dans les fosses 8 mois au moins et un an au plus ». À l’issue, le vieux tan est mis à sécher et peut servir de matériaux de chauffage. Les peaux sont rincées, mises à sécher et huilées. Selon la destination des cuirs et l’animal d’origine, le travail et les matières utilisées peuvent varier. Pour écarter la peau de la chair et faciliter la dépouille, on utilisait un soufflet, mais, pour des raisons évidentes d’hygiène, ce procédé ne s’utilisait que pour les morts-nés ou les petits veaux. Par la suite, on procédait à l’aide d’une pompe à air.

125 Soufflet à détacher le cuir, Coll. musée d’Airvault. © Musée municipal de Parthenay

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1 AD 79 10 M 17/1b, statistique de 1813.


En 1789, le nombre de peaux tannées à Parthenay approchait les 10.0001. En 1812 : Une peau de bœuf fait 35 kilos et se vend 1 franc 30 le kilo ; Une peau de vache fait 23 kilos et se vend 1 franc 30 le kilo ; Une douzaine de peaux de veaux font 40 kilos et se vendent 1 f 25 le kilo ; Une douzaine de peaux de moutons font 19 kilos et valent 1 f 26 le kilo ; La peau de cheval fait 20 kilos et se vend 45 centimes le kilo. Le recensement de 1836 comptabilise 31 tanneurs et quatre ouvriers, résidents à Parthenay. Neuf tanneurs sont à la tête d’une entreprise familiale, dont six sont propriétaires de leurs demeures et tanneries2. Du côté du faubourg Saint-Jacques, la topographie des lieux peut permettre l’installation de tanneries de part et d’autre du pont, et plus particulièrement en aval, afin de profiter de la retenue d’eau provoquée par la présence de la chaussée du moulin Gaudineau. A la fin du XIXe siècle, un projet d’installation d’une tannerie contre la porte Saint-Jacques a été approuvé par le Préfet3. S’il a été suivi d’effet, cette tannerie n’a eu qu’une existence éphémère. C’est en amont de la chaussée du moulin de Saint-Paul que les tanneries se sont implantées depuis le Moyen Age. La dernière a fermé ses portes en 1955. Une étude récente retrace toute cette histoire4. A.V. - Tannerie et corroierie GIRARD

126 En-tête de facture tannerie et corroierie GIRARD, Coll. privée.

rue Faubourg Saint-Paul Claude Girard était originaire des Herbiers (Vendée), où il réalise des « veaux cirés, peaux blanches et de couleurs, vaches en huile… ». En 1882 il s’installe dans le quartier Saint-Paul. Il fait construire en 1884 un atelier de fabrication et un bâtiment pour abriter une machine à vapeur auprès d’une maison datant vraisemblablement du XVIIe siècle, qui sert de logement patronal. Après le décès de Claude Girard en 1903, son entreprise est vendue à M. Pougnault-Delaire, représentant de commerce. Puis, l’activité de tannerie cesse et les locaux sont transformés en café, puis en maison d’habitation5.

- Tannerie AGUILLON Rue des Tanneurs, rue du Faubourg Saint-Paul Le maire Louis Aguillon installe sa tannerie en 1881 et emploie 30 personnes jusqu'à sa mort en 1928. A cette époque, on compte encore une vingtaine de tanneurs dans le quartier.

1 2

Registre des arrêtés (13/7/1791) délib. de l’An IX. A. Municipales.

127 Portrait de Louis Aguillon, n° inv. 2004.9.1

VERDON 1998, p.5-117.

3 AD 79 6 M 23/24, 8/812/1891. Cette tannerie devait utiliser l’eau non potable du service d’eau, critère important à prendre en compte quant à l’implantation de ce type d’industrie à cette époque. 4 VERDON Albéric, « Tanneurs, tanneries et moulins à tan à Parthenay avant 1950 » (sous presse). 5

MOISDON 2005 p. 202-203.

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- Tannerie-Corroirie CHARTIER Rue des Tanneurs. La famille Chartier, déjà installée depuis de nombreuses années, fait une demande d’usine d’équarrissage avec installation d’une fabrique d’engrais en 19181. Etienne Chartier cédera l’affaire à son fils Paul. Il fait sa spécialité dans les veaux en huile et les cuirs pour chaussures et bourrellerie. Il procédait au tannage long pour le gros cuir, c’est-à-dire que les peaux restaient dans les fosses pendant deux ans pour une utilisation postérieure en bourrellerie, harnais des chevaux et de très divers produits. L’entreprise ferme les portes en 1955, (laissant libres près de 2.400m2 de locaux au bord du Thouet). C'est la dernière tannerie connue à Parthenay. Les bâtiments, repris par Théodore Carbonnier, sont aujourd’hui démolis.

128Bâtiments de la tannerie Chartier le 19 Mars 1902. Tirage stéréoscopique d’époque. n° inv. 2006.0.42 129 En-tête de facture de la tannerie Chartier, Coll. archives municipales.

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1

On ignore si l’emplacement était dans les mêmes locaux : déllib. CM 20-07-1918.


XII. La filature de la laine Parthenay. Le dernier tisserand pendant la 1ère guerre : M. Gargot avait son métier au 1er étage de sa maison rue de la Vau Saint-Jacques1. - Filature BLOT-BARDET (1821-1901) Pompairain, Châtillon-sur-Thouet

En 1821, un magistrat de Parthenay note à propos de la filature de Pompairain située dans la commune de Châtillon-sur-Thouet, à 2 kilomètres de la capitale de la Gâtine : « La filature de M. Blot est un grand événement. Les cardeurs de laine craignent de mourir de faim, car avec 8 à 10 ouvriers, on peut filer autant de laine dans une heure que 50 ouvriers dans un jour avec les procédés anciens. Des bruits d’incendie avaient circulé. Le maire et moi, avec 15 hommes armés, avons passé une partie de la nuit »2.

130 Portrait de François Blot, publié par M. Poignat.

Cette filature, où triomphe la mécanisation, témoigne d’un fait récent et exceptionnel à cette date : l’entrée de la Gâtine dans la révolution industrielle. Tout au long du XIXe siècle celle-ci va profondément transformer l’économie mondiale, les industries motrices étant celles du charbon, de la sidérurgie et de l’industrie textile. La filature de Pompairain a duré près de 80 ans. Qui l’a créée, comment s’est-elle développée, quelle est sa place dans le paysage industriel local, pourquoi a-t-elle disparue ? Ce sont là quatre questions fondamentales. Nous ne les traiterons que brièvement, elles seront étudiées très longuement dans un travail en préparation. Nous insisterons seulement ici sur des problèmes humains liés à l’entreprise : les ouvriers et leurs patrons. Faut-il s’en étonner ? Ce sont des hommes totalement étrangers à la région qui ont créé cette filature : trois frères Louis-Joseph, Célestin, Jean-François Blot originaires du nord de la France – de la Thiérache3. Issus d’une famille d’agriculteurs, la Révolution et l’Empire vont leur offrir d’exceptionnelles possibilités de promotion sociale. Leur sœur déjà leur a montré le chemin : installée à Paris, elle a épousé un député des Cinq-Cents nommé en 1800 préfet du Cantal et fait baron de l’Empire en 1810. Pour leur part, c’est au sein de l’armée que les trois frères se sont distingués : Louis-Joseph à la fin de sa carrière est lieutenant-colonel et chevalier de la Légion d’honneur, le second, chef de bataillon, le plus jeune, capitaine. La paix revenue, à l’instar d’autres demisoldes souvent, il leur faut s’adapter à la vie civile. Ils ont une riche expérience, celle du commandement, et quelques économies. L’industrie textile est en pleine mutation. Ainsi naît une entreprise à capital familial où les apports sont cependant inégaux : 51.000 francs pour Louis-Joseph, 24.000 pour Célestin, quant au plus jeune seulement 1.000 francs. Les 76.000 francs servent d’abord à acheter sur les bords du Thouet le moulin de Pompairain ainsi que les terrains avoisinants situés dans la commune de Châtillon-sur-Thouet et en partie dans celle de Parthenay – le tout pour 10.000 francs4. Pourquoi avoir choisi cette commune des Deux-Sèvres ? Il se peut que Louis-Joseph Blot, qui a combattu lors des guerres de Vendée, soit passé dans la région… Après un stage dans la filature d’un département proche, c’est lui qui prend la direction de l’entreprise. L’usine comprend deux ateliers, l’un au rez-de-chaussée, l’autre au premier étage. Le nombre de broches n’est pas connu mais dès 1829 la filature devient véritablement une fabrique à la pointe du progrès, grâce à l’installation d’une machine à vapeur5. Son rythme n’est plus soumis désormais à la seule force hydraulique, insuffisante pendant les basses eaux de l’été. Sa production, de saisonnière, devient permanente. Blot peut mieux satisfaire les fabricants qui lui apportent les laines brutes car il travaille à la commission. La réputation de la filature est telle que ses clients viennent aussi des départements voisins. La filature peut employer alors 80 personnes environ. Sa réussite a-t-elle eu les redoutables effets dénoncés en 1821 qui sont à l’origine des menaces de luddisme ? En 1827, seul un tiers des laines est filé au rouet . A Parthenay il y a 34 tisserands, 44 fileuses, 6 cardeuses. En tout cas, pour la filature, le succès est indéniable6. 1 2 3 4 5 6

POIGNAT 1975-1976. MASSE 1968, p. 195-308, p. 283. Pour la période antérieure à 1789, FOUNIER 1996. Sur cette famille et ses débuts dans les Deux-Sèvres, ARCHES 1994b, p. 1-24. AD 79 3 E 12410, Me Ardouin. AD 79 6 M23/18. AD 79 11F37/2.

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Grâce à leur esprit d’entreprise, à des capitaux qu’ils n’hésitent pas à investir dans l’industrie ainsi qu’à la discipline qu’ils font régner (toute usine est une caserne), les frères Blot sont des patrons dynamiques et innovants. Leur conduite contraste avec celle des notables locaux rivés à leurs revenus fonciers alors que l’agriculture est en général très en retard. Aussi Célestin Blot va-t-il à son tour tenter une autre aventure : en 1824, avec le même succès, il fonde une filature à Saint-Maixent. Seul le plus jeune des Blot quitte la vie industrielle. Il va vivre de ses rentes à Niort. Opposant républicain à la Monarchie de Juillet, au lendemain de la Révolution de 1848, il est élu représentant du peuple à l’Assemblée Constituante. Plus modestement, Louis-Joseph Blot a été membre du conseil d’arrondissement de Parthenay et maire de Châtillon-sur-Thouet1. Mais il l’est peu de temps car il meurt le 7 avril 1832. De son mariage avec Cécile Guérin du Grand-Launay (une famille de notables angevins), il laisse une fille, Cécile Loïde, dont il faut attendre le mariage en 1843 pour que la filature ait à nouveau un patron. Son mari, Augustin Bardet, est étranger à la Gâtine – il est né à Sablé-sur-Sarthe - et n’a aucune expérience du secteur industriel – il exerce la profession d’avoué à Angers. Sa tâche est d’autant plus difficile que, trois ans plus tard, il doit affronter la grave crise économique qui frappe la France. Il sait vaincre tous les obstacles et s’avère bon gestionnaire : il renouvelle le matériel et reconstruit (sans doute) l’usine. Nous connaissons l’effectif de celle-ci en 1850. Elle emploie 76 personnes : une majorité d’hommes – 48 (63%) ; près d’un quart de femmes – 18 (24%) et 13% d’enfants – 10, soit 6 garçons et 4 filles2. Sur ce point la filature de Pompairain devance largement celles d’Azay-sur-Thouet (39 personnes) et de Largeasse, 38, les autres établissements de ce genre dans les arrondissements de Parthenay. En 1841, la filature de Pompairain est en troisième position dans le classement des productions industrielles du canton de Parthenay. Avec 109 000 francs (6,4%) du total, elle n’est dépassée que par les minoteries largement dominantes (68%) et la fabrication des tissus (15%)3. Jusqu’en 1873, cette réussite est facilitée par la période de croissance rapide que la France connaît. Elle génère des profits grandissants, ce qui permet à Bardet-Blot de faire construire un château à quelque distance de l’usine. N’est-ce pas alors le plus visible témoignage de distinction sociale ? Mais les ouvriers profitent-ils également de cette prospérité ? Quel était leur sort et quel type de patron Bardet-Blot était-il pour eux ?

131 Carte postale du château de Pompairain, n° inv. 1987.8.118.

Paradoxalement un même document peut servir de guide. Daté du 13 juin 1873, il livre les réponses de Bardet-Blot à une enquête parlementaire sur les conditions de travail en France4. Ces 57 questions sont d’une grande richesse car elles abordent la plu-

part des aspects de la vie des ouvriers. Châtillon-sur-Thouet regroupe alors 702 habitants (recensement de 1872), dont les troisquarts de la population active masculine travaillent la terre5.

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1 AD 79 3M13 22, Châtillon-sur-Thouet. 2 AD 79 10M/2/2, statistique certifiée par le sous-préfet de Parthenay le 7 juin 1850. Sur cette période, cf. ARCHES 1994a, p. 399-482 ; GRELLET 1855-1856, p. 27-87, p. 76 – en 1855, « la filature occupe 100 ouvriers toute l’année ». 3 AD 79 11F/37/2. 4 AN C 3020. 5 AD 79 7M5, Châtillon-sur-Thouet, recensement de 1872.


Nous avons regroupé les réponses autour de trois thèmes : conditions de travail, vie quotidienne, paternalisme de Bardet-Blot. Quelles sont tout d’abord les conditions de travail dans la filature de Pompairain ? Dans de telles usines elles sont alors toujours très dures : y règnent le bruit, la chaleur, l’humidité. Depuis des décennies des études ont porté sur les conditions hygiéniques déplorables qui sont à l’origine du délabrement physique et de la forte mortalité dans le monde ouvrier. Aussi la première question de l’enquête portet-elle sur ce problème. Mais un industriel peut-il reconnaître sa responsabilité en ce domaine ? A suivre Bardet-Blot, l’installation de ses ateliers est satisfaisante. Pour preuve, les décisions du conseil de révision sont les mêmes pour les jeunes gens qui travaillent la terre et ceux des établissements industriels. Pourtant, à l’exception du dimanche où le repos est obligatoire, la journée de travail est longue : elle est légalement de 12 heures, mais ce chiffre peut être dépassé. De plus les rémunérations étant à la tâche, les salaires varient d’un individu à l’autre. Sur ce point Bardet-Blot fournit des données doublement intéressantes car elles font découvrir quatre catégories d’employés et leur rémunération par jour ouvré : hommes (sic) : 3 à 4 francs 50 ; manœuvres : 2,25 à 3 francs ; femmes : 1,30 à 2 francs : enfants : 0,60 à 0,75 francs. A priori, cela ne permet pas de calculer le revenu annuel car certains jours, le travail est arrêté pour des raisons techniques, mais ces périodes de chômage sont peu fréquentes selon Bardet-Blot. Ce dernier peut alors donner un exemple de revenu mensuel. Il choisit celui d’une famille où un couple et ses trois enfants travaillent à la fabrique. Il aboutit ainsi à la somme de 2.000 à 2.400 francs par an, un revenu très appréciable à l’époque dans un métier ouvrier. Mais Bardet-Blot a eu bien soin de choisir une situation qui justifie le travail des enfants. Par la même occasion il valorise la famille alors que le concubinage est fréquent dans les villes et régulièrement dénoncé. Le travail des femmes est-il cependant compatible avec les soins du ménage et surtout des enfants ? En réponse à cette question de l’enquête, Bardet-Blot doit reconnaître la supériorité du travail à domicile pour la femme. A Parthenay c’est possible grâce à une entreprise de tricot. Son succès est tel, déclare-t-il, que la manufacture a maintenant « beaucoup de peine à recruter son personnel en femmes ». Mais les salaires n’ont de sens que comparés au coût de la vie. L’enquête nous y aide en posant des questions sur les dépenses de première nécessité : logement, alimentation, habillement.

132 - Bâtiments de la filature Blot-Bardet de Pompairin, le24 Juillet 1898. . Tirage stéréoscopique d’époque, n° inv. 1988.1.520.

Les parlementaires n’ignorent pas les conséquences néfastes de l’insalubrité des logements. Bardet-Blot est d’autant plus intéressé par cette question qu’il a fait construire huit « logements d’ouvriers » en 1855. Chacun comprend deux pièces : l’une au rez-de-chaussée, l’autre au premier, avec un jardin et des servitudes. Pour Bardet-Blot, les ouvriers ne sont pas désavantagés par rapport au reste de la population, d’autant plus qu’ils habitent non loin de l’usine. Et le prix du loyer étant faible, ils ne sont pas incités à devenir propriétaires. Les organismes pouvant les y aider sont de ce fait inutiles. De même, l’industrialisation ne se prête pas dans la région à la concentration d’habitations. Certes Bardet-Bodet reprend le terme d’ «agglomération » mais c’est pour indiquer qu’il s’agit de maisons isolées dans « un même village ou hameau » car, souligne-t-il « l’ouvrier ne voudrait pas vivre en commun ». De ce type de logement, l’ouvrier tire aussi un autre bénéfice. Il dispose d’un « jardin de légumes » auquel est associé un petit élevage de porcs et de volailles. Il peut ainsi diversifier son alimentation et faire des économies. Certes sa nourriture est « frugale » mais « l’ouvrier laborieux » n’a nul besoin des aides mises en place pour lui fournir à bas prix des produits de consommation courante – elles sont destinées aux « ouvriers nécessiteux ». On peut aussi s’habiller à peu de frais car « dans le pays on fabrique précisément de grosses étoffes pour la classe laborieuse ».

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Dans ces conditions l’ouvrier n’a guère besoin de faire appel au crédit. Il le doit aussi à sa tempérance. Selon Bardet-Blot il ne dissipe pas ses ressources dans les cabarets – qui ne sont pas ici des assommoirs. Il ne s’endette donc pas et il a toujours un petit pécule – une minorité d’ouvriers pourrait même placer son argent à la Caisse d’épargne de Parthenay ou chez le patron. En un temps où la protection sociale est inexistante ou si faible, les économies permettent au travailleur d’avoir une vieillesse qui « n’est pas malheureuse ». Il peut aussi compter sur ses enfants ou sur les patrons. Mais pour Bardet-Blot l’explication de cette situation « assez satisfaisante » est à chercher dans les conditions de travail au sein de l’entreprise, sur lesquelles nous reviendrons ailleurs1. Le filateur de Pompairain peut conclure en prônant le modèle d’industrialisation qu’il défend : c’est non pas l’usine à la ville, mais à la campagne. Il en a montré les avantages tout au long de ses réponses. Mais il va plus loin en évoquant un autre encadrement, celui de la religion. Il n’ignore pas que l’homme de ce pays est plutôt « libertin » ; il sait qu’il n’aime pas toujours son curé, mais « il finit par l’estimer et l’appelle toujours à son lit de mort ». De même il salue le rôle des religieuses dans les domaines de la santé et de l’instruction. Aussi, dans une dernière phrase, peut-il aller jusqu’au bout de sa pensée : à la campagne « avec un tel encadrement » – celui du patron et du curé – « l’ouvrier s’apprivoise, si je peux parler ainsi, ses mœurs s’adoucissent et il cesse d’être un danger pour l’ordre social… Ainsi le gouvernement ne sera plus sans cesse menacé par les passions populaires, mises en jeu par la misère des villes et l’absence des sentiments religieux ». Tout est dit avec cette conclusion qui s’inscrit parfaitement dans une politique « d’ordre moral » décidée au même moment à la suite de l’élection de Mac-Mahon à la présidence de la République (24 mai 1873) et au choix d’Albert de Broglie comme chef du gouvernement. De ce fait, ce questionnaire nous en apprend beaucoup plus sur le patron que sur l’ouvrier. Il aurait fallu aussi donner la parole aux travailleurs. A la limite, le successeur de Bardet-Blot nous fournit une contre-épreuve sur certains points quand, en 1891, il retrace la vie d’un ouvrier. Elle complète parfaitement une réponse faite en 1873 où Bardet-Blot affirme au sujet des ouvriers « nous en avons qui travaillent jusqu’à 60 ans ». Cette réponse soulève bien des questions : s’arrêtent-ils à cet âge ? dans quel état physique sont-ils ? comment ont-ils pu tenir aussi longtemps alors qu’il s’agit d’un emploi pénible ? ont-ils bénéficié d’une promotion ? Tout est dit (ou presque…) dans le cas de Joseph Taillé « Agé de 67 ans, [il] vient de prendre sa retraite par suite de cécité après avoir travaillé 57 ans à la filature de Pompairain. Le brave homme qui pendant cette longue suite d’années n’a pas quitté un seul jour l’établissement où par son travail et son activité il était arrivé à être contre-maître, quoique sans instruction, mérite certainement d’être cité comme exemple parmi les travailleurs »2. Dans ce portrait, la réalité apparaît sous divers angles. En grande partie elle correspond à une période de prospérité. Mais dans les années 1880, la situation se renverse. La conjoncture économique est maintenant défavorable. La clientèle paysanne demande des articles de fantaisie anglais, moins solides mais plus brillants. Tant à Saint-Maixent qu’à Pompairain, les filatures ne sont pas outillées pour ce type de production. De plus, les concentrations s’accélèrent dans le domaine des filatures, renforçant l’emprise des grandes régions industrielles, du Nord de la France en particulier. Le profit risque donc de diminuer d’autant pour Bardet-Blot qui jusque là avec son épouse a fort bien géré sa fortune.

Voilà les difficultés qu’affronte Bardet-Blot puis, après sa mort en 1887, son neveu Albert Bertin. Ce dernier est jeune – il a 35 ans. Va-t-il pouvoir résister à tous ces nouveaux obstacles ? Il est d’abord l’héritier politique de son oncle : il lui succède en tant que maire de Châtillonsur-Thouet. Mais en 1890, il démissionne. Le sous-préfet de Parthenay n’y voit aucun inconvénient car il appartient au « parti réactionnaire ». Pour expliquer son geste, Albert Bertin met en avant ses occupations. S’agissant de la filature, il va la diriger encore dix ans. Le 31 Janvier 1901, elle ferme ses portes définitivement3. Que deviennent alors les ouvriers au nombre de quarante environ ? L’hebdomadaire conservateur “Le Petit Gâtinais” fait une mise au point le 24 février 1901. L’arrière-plan est politique, mais l’information qu’il nous apporte sur la situation économique et sociale est unique. En voici donc la teneur : « Plusieurs journaux ont annoncé il y a quelques temps que par suite de la fermeture des portes de la filature de Châtillon une quarantaine d’ouvriers se trouvait aujourd’hui sans travail. Ainsi présentée, cette nouvelle est inexacte. En effet nous savons pertinemment que si cet établissement cesse la filature, c’est pour installer en son lieu et place une industrie nouvelle. D’un autre côté le matériel étant transporté dans un établissement voisin les ouvriers qui se sont adressés au chef de la filature de Châtillon ont pu suivre leurs machines et donc par conséquent n’ont pas eu à chercher du travail ailleurs ». Outre la baisse de l’effectif des ouvriers, signe du déclin de l’entreprise, le texte nous montre combien les temps ont changé sur le plan politique et social. Le patronat peut être mis en cause lors d’une fermeture d’usine. Sa double réponse - arrivée d’une nouvelle activité, délocalisation de l’outil de travail - peut être rassurante, au moins dans l’immédiat. Mais la disparition de l’usine de Pompairain – comme celle de Saint-Maixent en 1899 à la suite d’un incendie – marque bien la fin de ce type d’établissement industriel de la première révolution industrielle à la française. L’entreprise est indissociable aussi d’une trajectoire familiale -celle des Blot-, d’un patronat paternaliste et d’un monde ouvrier encore partiellement paysan qui gagne très durement sa vie. P.A. 1 MARTIN 1975, p. 447-473. 2 Archives Municipales de Châtillon-sur-Thouet, Registre des délibérations municipales, 1874-1916, p. 179. 3 Le bocage et la Plaine, 3 février 1901. Nous remercions très vivement M. et Mme Noël de nous avoir permis de consulter la collection de ce journal.


III - le monde végétal

133 Cl. et coll. Jean-Louis NEVEU

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XIII. La production céréalière Comme le déclare le préfet Claude Dupin, « le pain est la principale nourriture de l’habitant des Deux-Sèvres »1. Il ajoute qu’il se prépare généralement avec du froment, de l’orge d’été, de l’orge ordinaire et du seigle. Ce dernier est la céréale la plus communément cultivée sur les terres de Gâtine. En effet, la nature du sol du cœur de la Gâtine n’est guère propice à la culture des céréales. À ce sujet, voici ce qu’en dit Lecointre-Puyraveau : « On n’y récolte presque que du seigle et sa culture y est très pénible parce que les terres y sont très fortes. Il n’est pas rare d’y voir une charrue attelée de huit bœufs des plus grands et des plus vigoureux ; deux hommes les conduisent, l’aiguillon à la main »2. Le pays se trouve donc tributaire de ce qui est produit dans la plaine. Mais si la plaine produit le grain pour la Gâtine, cette dernière fournit les fourrages à la plaine. Le marché des grains pour Parthenay est même complètement lié à celui de Thénezay, et pour le démontrer, il suffit de faire état des inquiétudes émises par la municipalité de Parthenay lorsqu’elle ne reçut plus les mercuriales de Thénezay. Ce document permettait en effet aux officiers municipaux de fixer le prix du pain. Les céréales cultivées en Gâtine sont un peu de froment d’hiver, l’orge d’hiver, l’orge d’été ou baillarge, le seigle, l’avoine, le blé de Turquie ou maïs3, le millet, le sarrasin ou blé noir4. Dans son ouvrage, Alexandre de Ferrière insiste sur certaines céréales. Il indique que « le seigle réussit particulièrement dans ce dernier pays »5. Il ajoute « On y cultive du seigle et de l’avoine en grande quantité, peu de froment, mais du sarrasin ou blé noir. On laisse ensuite la terre en jachère, pendant un intervalle de 5 à 8 ans ; la terre fournit alors aux bestiaux d’excellents pacages ; on défriche les jachères ; soit en levant la terre avec une forte charrue, soit en mettant le feu à des amas de terreau desséché, que l’on brûle sur le lieu même »6. En Gâtine, on moissonne le haut des épis7, ce qui, curieusement, a pour effet de donner une farine plus blanche ou, plus exactement, moins sale. En effet, dans les plaines du sud des Deux-Sèvres, l’habitude est de faucher très bas, ce qui entraîne le ramassage d’épis bas qui sont généralement salis, ainsi que des mauvaises herbes. Il semble que la nature des aires de battage contribue également à la qualité des grains. Au résultat, la farine paraît moins blanche dans le sud du département8. A.V. 134 Ramassage des foins. début du XXe siècle. Négatif sur plaque de verre. Fonds Guyonnaud n° inv. 989.2.160

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DUPIN An IX, p. 53. LECOINTRE-PUYRAVEAU 1954, p. 45. Le terme « blé de Turquie » est impropre, mais régulièrement employé. Le maïs est une plante originaire d’Amérique. Aussi bien en l’an IX qu’en 1814. DE FERRIERE An XII, p. 55. Ibid, p. 54. A environ soixante centimètres du sol. C’est le constat du préfet des Deux-Sèvres en l’an IX. DUPIN An IX, p. 54.


- COOPERATIVE AGRICOLE DE PARTHENAY Siège rue Etienne Dolet (actuelle rue Prosper Jouneau), puis bd. Edgard Quinet, puis Châtillonsur-Thouet. Créée en 1936 sous l’impulsion des propriétaires fonciers, elle compte 2.009 membres en 1938. A l’origine la coopérative était strictement céréalière. Les Ateliers de la Chaînette de Parthenay réalisent les travaux à l’occasion de l’agrandissement du magasin à blé en 1938 et 1940. Dès 1938, cette coopérative mène un chiffre d’affaires de 6.609.730,16 francs avec une collecte de blé de 34.555 quintaux. Elle a comme président Eugène Caillaud, et le secrétaire-administrateur-délégué André Aubrun. La réalisation d’un premier silo rue Etienne Dolet, a lieu en 1938, mais les locaux deviennent rapidement trop petits. De nouveaux silos seront construits rue Edgard Quinet en 1952 et les locaux seront agrandis en 1954, 1959, puis en 1964. La fourniture de sacs en jute pour ensacher le blé se fait à la Société Alsacienne de Filature et de Tissage de Jute, agence de Nantes, en 1939. Cette coopérative deviendra la Coopérative Agricole de la Gâtine, et couvrira les cantons de Mazières-enGâtine, Parthenay, Ménigoute, Secondigny, et partiellement ceux de Moncoutant, Saint-Loup et Thénezay. Elle emploiera 32 personnes en 1985 et aura un chiffre d’affaires de 62 millions de francs. En 1989, elle fusionne à nouveau. Aujourd’hui, elle se dénomme “CIVRAY-CAPSUD”, avec un dépôt à Châtillon-sur-Thouet.

135 Photographie de la coopérative de 1937.

136 Photographie aérienne du quartier de la gare de Parthenay en 1957. n° inv.2005.15.1

138 Publicité de 1968.

137 Publicité de 1959.

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XIV. Les moulins du canton de Parthenay

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Le grain vendu, il faut le porter aux moulins et ils sont nombreux en Deux-Sèvres. En 1809, il existe 1173 moulins à farines dans le département, c’est-à-dire 707 à eau qui représentent en tout 1065 roues, et 466 moulins à vent2. L’arrondissement de Parthenay comprend alors 189 moulins à eau avec un total de 289 roues, ainsi que 129 moulins à vent. Si, en théorie, les moulins de l’arrondissement pouvaient produire 101,6 tonnes de farine par an, les aléas des eaux et des vents font que cette capacité théorique était plutôt estimée à 87 tonnes. Les aléas évoqués ici sont clairement exprimés dans le texte suivant : « il faut observer qu’une grande partie des moulins à eau n’est alimentée que par des ruisseaux qui sont à sec dans l’été »3. En 1809, le recensement est plus précis puisqu’on apprend qu’il y a vingt moulins à farine, soit trente roues, treize moulins à foulon et deux à écorce, sur la portion comprise entre les sources du Thouet et Parthenay4. Tous ces moulins ont des roues à aube, le seul qui fait exception étant celui de la forge à fer de la Meilleraye avec des roues à godets. La moyenne des chutes d’eau est de 88,5 centimètres. À la fin du premier tiers du XIXe siècle apparaissent des minoteries qui feront peu à peu disparaître les petits moulins, surtout ceux qui ne peuvent fonctionner toute l’année. Ainsi, en 1851, il existe trois minoteries dans l’arrondissement. Celle de Decaix, qui est la plus importante, celle de Lory et une autre à Saint-Loup5. En 1848, seules les minoteries et quelques rares moulins sont des endroits où l’on travaille de nuit6. A.V. - Moulin à blé, minoterie 28 rue du Château En 1830, la famille Sionneau élève une minoterie sur les ruines de l'ancien moulin du château de Parthenay. En 1855, Decaix est cité en exemple car il adhère tout à la fois aux notions de mécanisation et de production. En effet, pour compenser le manque d’eau en début d’automne, il prévoit de « monter une machine à vapeur pour pouvoir continuellement disposer d’une force motrice suffisante7». La minoterie est agrandie et on y construit une énorme cheminée carrée, qui n'est pas représentée sur la gravure de Gibert datant d'avant 1860. (Fig. 139)

139 E. Gibert. Gravure. Vue de Parthenay depuis les Rocs avec en avant première le moulin du Château. Coll. municipale.

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Toutes les données concernant les moulins sont extraites d’une étude historique en cours sur les moulins de la Haute-Vallée du Thouet (de la Pointerie à Saint- Loup/Thouet). Je n’évoque ici que les moulins à farine. Il faudrait ajouter les moulins à foulon, à tan, les roues de la forge à fer de la Meilleraye, etc AD 79 10 M 2/4d et 9 M 3/2b. AD 79 10 M 2/4d, statistique de 1809. AD 79 11 M 16/8, 8/10/1809. AD 79 10 M 17/1c, lettre du 7 août 1851. Moulin du Château (Decaix) et du Temple (Lory) pour Parthenay. Il n’existe aucune minoterie dans l’arrondissement de Parthenay en 1812. AD 79 10 M 17/1a, statistique du 1/1/1812. ARCHES 1994, p. 468. Exposition universelle de 1855, remise des médailles aux exposants des Deux-Sèvres, le 12 février, Niort, imprimerie de L. Favre et Cie. AD 79 10 M 17/1d.


140 En-tête d’une facture. AD 79 1 J 233

- Moulin à blé, puis minoterie Lory, dit de Brossard Sur le Thouet

Le moulin de Brossard appartient dans les années 1830 à Jules Lory, qui devient également propriétaire du moulin voisin du Temple en 1817. L’établissement semble avoir été considérable-

141 Détail du cadastre napoléonien de 1836 du moulin du château. Coll. archives municipales.

ment agrandi par un nouvel atelier de fabrication et transformé en minoterie à l’anglaise durant le deuxième quart du XIXe siècle. Un logement patronal est construit à la même époque. En 1851, cette minoterie est considérée comme la deuxième des trois entreprises de ce type que compte l’arrondissement de Parthenay. Le moulin est équipé de deux roues en 1834. Une roue hydraulique d’environ 5 mètres de diamètre est toujours sur place contre l’élévation nord de l’atelier de fabrication. En 1862 elle appartient à la famille Fourré-Fecaix, puis en 1873, à Edouard et Henri Bonnin et François Dillay. En 1881 elle est rachetée par Pierre Grassin, à qui succède Hilaire Grassin en 19071. L’affaire sera transformée en chocolaterie sous le nom Chocolats Saint-Jacques par M. Dartenuc.

142 Détail du cadastre napoléonien de 1836 du moulin de Brossard. Coll. archives municipales.

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MOISDON 2005, p. 204

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- Huileries L’huile était une denrée précieuse, mais la Gâtine ne se prêtait guère à la culture de plantes permettant d’en fabriquer. Ainsi, en 1812, une statistique de ce qui est produit dans l’arrondissement indique que l’on ne fabrique pas d’huile avec le colza et que l’on ne récolte pas d’huile de navette, mais que cette dernière est nécessaire dans l’industrie drapière1. S’il est mentionné que l’on cultive 3000 hectares de chenevis, cette plante n’est pas utilisée pour servir à produire de l’huile. En fait, toute cette production sert à la fabrication du chanvre. Il en est de même pour les 1000 hectares de lin. C’est donc avec les noix que l’arrondissement produit de l’huile. Un moulin à huile est connu au XVIIIe siècle dans la paroisse SaintLaurent et il devait être actionné par la force animal. A.V. - Huilerie de noix NIVAUD 26 rue Bourg Belais. Un moulin à pressoir est attesté à cette adresse depuis 19062. Sincère Nivaud fabriqua de l’huile de noix au moins jusqu’en 1914. Il a fait fabriquer des bouteilles moulées au nom de son entreprise pour vendre l’huile au litre et qu’il enveloppait dans du papier kraft. Une épicerie est associée à l’entreprise. En 1948 on retrouve une épicerie nommée Hullin-Nivaud au même emplacement.

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AD 79 12 M 19/4, 6/8/1813: « on compte un hectare pour soixante noyers ». ANNUAIRE 1906.


XV. Fruits et légumes Le terme de petite culture renferme, d’après les statistiques de 1814, la production de sarrasin, d’avoine, de légumes… A cette époque, elle s’est accrue d’un tiers depuis 20 ans du fait de la culture de la pomme de terre. Les jardins, dans l’arrondissement de Parthenay, couvrent 1920 hectares en 1855. À cette date, l’auteur écrit « Nous regrettons de n’avoir pu nous procurer des renseignements analogues pour les autres localités où le jardinage est aussi tenu en grand honneur. Parthenay nous paraît, à cet égard, dans la voie d’un progrès remarquable, et nous y avons vu des exploitations parfaitement dirigées et très prospères » 1. La production de l’ensemble des terres de la petite culture concerne principalement les légumineuses. En l’An XI, sont cités les fèves, les haricots, les lentilles, les vesces, les orobes2. En 1814, on évoque le cochon (sic), la carotte, le haricot, le pois, la poirée, la laitue, la chicorée, le salsifis, le panais, les divers oignons. En 1888, apparaissent les artichauts, asperges, choux-pommes, choux-fleurs, raves, petits pois3. Pour en revenir à l’an IX, Claude Dupin écrit que l’on consomme alors surtout des « fèves, des haricots secs, peu de légumes verts, beaucoup d’ail ». En l’an XII, les légumes secs semblent même être un des secteurs qui caractérisent la production parthenaisienne après les bestiaux, la laine et les cuirs. Au cours du siècle, les produits consommés vont se diversifier, surtout chez les classes les plus aisées. Cela étant dit, il convient d’indiquer que Dupin indique que le farci poitevin se consomme couramment dans les classes les moins aisées : « Ils font surtout usage de fars, espèce de hachis d’herbes et de mie de pain, mêlé d’œufs et d’épices »4. AV - Etablissements FRUIPRIM av Mendès France ou bd Meilleraye Cet établissement a dû être en activité dans les années 1950, comme en témoigne le cendrier publicitaire réalisé par la faïencerie Bernard. Il s’agit, peutêtre, du prédécesseur des Etablissements DUBIN. 143 - Cendrier publicitaire en faïence de Parthenay. Coll. privée.

- Etablissements BOFRUIT 10 rue de Verdun Installé à Parthenay depuis juin 1989, cet établissement fait le commerce de gros en fruits et légumes provenant de Nantes. La maison mère se trouve à Cholet.

- GATINE PRIMEURS 15, route de Saint-Maixent, Pompaire Installés depuis janvier 1999, ils commercialisent les fruits et légumes provenant de Nantes, à l’exception des pommes et des poires de la Gâtine. L’entreprise envisage de s’installer sur la commune de Parthenay.

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144 Logo. Coll. privée.

145 Logo. Coll. privée.

Exposition universelle de 1855, remise des médailles aux exposants des Deux-Sèvres, le 12 février, Niort, imprimerie de L. Favre et Cie, p. 32. AD 79, 10 M 17/1d. DE FERRIERE An XII, p. 56. L’orobe est une légumineuse proche de la gesse, de la fève ou du pois. Dans la région de Niort, l’orobe, ainsi que des vesces et des grains ronds sont semés pour servir de fourrages sans qu’on en prélève les graines. DUPIN An IX, p. 90. Henri Gelin écrit que ces grains ronds servaient à nourrir les pigeons : GELIN H., Au temps passé, tome II, 1924, p. 156. BAUDRILLART 1888, p. 248. DUPIN An IX, p. 33 et 54-55.

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Sur Parthenay ont existé de nombreux magasins d’horticulture et arboriculture, ainsi que des commerces de grains et plantes. Les nouveaux systèmes de distribution ont provoqué souvent leur fermeture.

146 En-tête de facture de 1897. Coll.privée.

147 Publicité de 1964.

Aujourd’hui les fruits et légumes qui sont achetés dans les supermarchés proviennent pour la plupart de la région nantaise, à l’exception des pommes et poires… heureusement, car cela serait un comble pour une région couverte de vergers et de vastes champs plantés d’arbres fruitiers, berceau de la pomme « clochard ». - Pommes de terre Cette culture mérite d’être évoquée à part, tant elle est représentative d’une évolution agricole autour de Parthenay. Il est d’usage de dire que la pomme de terre fut répandue en France au XVIIIe siècle grâce à Parmentier. Même si une rue de Parthenay porte le nom de ce notable, il n’en demeure pas moins que ce sont des personnalités du bocage et de la Gâtine qui surent agir pour que cette culture devienne importante dans les Deux-Sèvres. Lecointre-Puyraveau rapporte ce qui s’est passé à Champdeniers avec la « patate ». « Elle était inconnue dans les cantons de Champdeniers et circonvoisins. Un citoyen planta. La première année, on épiait la récolte. Elle parut bonne ; on examina l’emploi qu’il en faisait ; il en nourrit des moutons, des chiens, des chevaux, des pourceaux, tous les animaux de basse-cour. Il en fit du pain, une farine légère, propre aux mets les plus délicats. Dès lors, chacun voulu en avoir et maintenant la patate occupe le place d’honneur au département des Deux-Sèvres, après le bled »1. Plus tard, le baron Dupin indique simplement que la culture de la « pomme de terre commence à prendre

faveur »2 dans l’arrondissement de Parthenay. À la même époque, au niveau national, on cherche à développer l’usage de ce tubercule. Des recherches sont faites, par exemple, pour conserver la pomme de terre en la desséchant et en la transformant en farine3. On cherche aussi à diffuser des variétés résistantes et productives qui ont été testées. Ainsi, M. Vilmorin, membre de la société royale et centrale d’agriculture, se trouve-t-il chargé de distribuer gratuitement les plans4. Des notices sont diffusées et on y explique l’art – simple – de les cultiver, selon une méthode qui se pratique toujours aujourd’hui. Pour conclure avec la pomme de terre, il convient d’indiquer qu’elle sert à la confection d’amidon, matière que l’on extrait également des céréales5. A.V.

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LECOINTRE-PUYRAVEAU 1954, p. 47. DUPIN An XI, p. 122. DUPIN An IX, p. 54. Lettre du sous-secrétaire d’État au département de l’intérieur adressée au préfet des Deux-Sèvres, AD 79 12 M 19/1, 21/10/1816. Avis de Silvestre, secrétaire perpétuel de la société, 8/11/1816, AD 79 12 M 19/1. En 1836, l’amidonnerie de Claude Etienne Bouthiaux se trouve près de la minoterie du Château à Parthenay. VERDON 1998, p. 68. En revancghe, en 1812, il n’y a aucune amidonnerie dans l’arrondissement. AD 79 10 M 17/1a, statistique du 1/1/1812.


- Pommes de terre CLISSON SA Place 114e R.I., puis route de Gourgé, Châtillon-sur-Thouet Eugène Clisson, né en 1887 à Pompaire, est agriculteur. A la suite de problèmes de santé consécutifs à la 1ère guerre, il décide de créer sa propre entreprise de graines en 1930.

148 Portrait d’ Eugène Clisson Coll. privée

Magasin de Michel Clisson rue 114e R.I. Coll. privée

Dès 1948, son fils Michel conditionne plus de 50 tonnes de plants de pomme de terre par an. L’entreprise familiale devient société anonyme en 1982. Quatre ans plus tard ils démarrent une nouvelle activité : les bulbes potagers. L’entreprise s’associe avec trois autres collègues pour fonder en 1991 le groupe « France Plants ». Afin de faire face à l’expansion de ses activités, une nouvelle usine de 10.000 m2 (dont 60.000 m3 de capacité frigorifique) voit le jour à Châtillon-sur-Thouet, avec des ateliers de calibrage, germination et conditionnement. Aujourd’hui l’entreprise commercialise plus de 5.000 tonnes de pommes de terre et 1.500 tonnes de bulbes par an.

- Fabrique d’insecticide GUEDON rue des Loges (en face Pépi) Roger Guedon crée une usine qui fabrique une poudre pour tuer les doryphores1 pendant la deuxième guerre. Il conditionnait en petits sachets la poudre à base d’arsenic qui lui arrivait par le train. A cette époque les enfants de Parthenay aidaient les agriculteurs dans le ramassage de ces insectes qui s’attaquent aux plants des pommes de terre.

1

Il s’agit d’un insecte coléoptère (leptinotarsa decemlineata).

149 Publicité de 1959.

150 Logo. Coll. privée

151 Publicité de 1942

89


XVI. Les Boissons - distilleries Et les pommes ? On les mange, mais on fait aussi du jus de pomme. Il existe des centaines de variétés de cet arbre fruitier. Le pommier est très cultivé dans notre région. Il est possible d’admirer jusqu’à 112 variétés, dont 70 de pomme « reinette » ou « clochard » (42 variétés locales ou régionales), au Verger Conservatoire d’Intérêt Régional, aménagé à Secondigny1. Ce lieu pédagogique a été créé par l’association « Les Croqueurs de Pommes » en 1996. L’association a pour but la sauvegarde du patrimoine végétal et des variétés fruitières anciennes, ainsi que des supports végétaux (portegreffes, greffons…). On classe les pommes en « pommes à couteau », que l’on consomme crues ou cuites (tarte, compote…) et en « pommes à cidre » dont le jus subit la fermentation alcoolique. Mais même si les statistiques de 1814 font état de fabrication de cidre, cette activité est marginale comme le rapporte Alexandre de Ferrière : « Il est rare qu’on extrait une boisson des pommes ou des poires ». Il donne une indication importante quant à la manière d’aromatiser l’eau : « Quelques malheureux boivent de l’eau, où des prunes desséchées ont fermenté »2. - Fabrique de jus de pomme DORE DE GATINE Route de Parthenay, Secondigny Le jus de pomme se faisait traditionnellement en Vendée. L’association Deux-Sévrienne de Jus de Fruits a crée la marque « Doré de Gâtine ». Elle s’est donné le but de promouvoir la consommation du jus de pomme naturel. Créée en 1986, elle vient de s’installer depuis novembre 2005 dans des nouveaux bâtiments. Les locaux et le matériel sont mis à disposition de chacun pour fabriquer son propre jus. L’assistance technique est assurée par des membres de l’association mais le particulier participe à la fabrication. Le procédé est simple : les pommes sont lavées, broyées et pressées. Le jus est filtré, puis pasteurisé à 80 degrés. L’embouteillage et le capsulage faits aussitôt permettent d’assurer une parfaite conservation sans additifs3.

152 Etiquettes de jus de pomme. Coll. privée.

A Parthenay on distille beaucoup de raisins pour en faire de l’eau-de-vie, un produit très apprécié et très consommé au début du XIXe siècle. Il existe un liquoriste dans la commune le 9 pluviôse an IV4. En 1811, il se trouve deux fabricants de liqueurs et confitures qui emploient ensemble 4 ouvriers. Ils utilisent les matières premières du pays et n’importent que le sucre5, c’est-à-dire 68 kg, à 9 francs le kilo. Ils transforment la valeur de 800 francs de fruits et d’eau-de-vie6.

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1 2 3 4 5 6

Ce verger pédagogique est ouvert au public en permanence ainsi qu’aux scolaires. DE FERRIERE An XII, p. 77. Renseignements fournis par M. Gérard Vitré, conseiller général et président de l’association. Registre des délibérations du Corps Municipal. 6 Frimaire An II – 19 Messidor An VI, AD 79 L2 supplément O 8. AD 79 10 M 17/1b. Statistique de 1811. AD 79 10 M 17/1a, statistique du 1/1/1811.


- Distillerie municipale La lecture des registres de délibérations du conseil municipal de Parthenay permet d’apprendre la prise de décision de la municipalité pour la création d’un atelier public de distillation en 1905. Installé dans une partie du baraquement situé près du château d’eau, il permettait aux propriétaires, fermiers et métayers, de faire distiller le produit de leur récolte. Pourtant, en 1916, le conseil décide la création d’un nouvel atelier public pour la distillation de vins, cidres, poires, marcs, lies et fruits sous la Halle aux grains. Il est d’avis que cet atelier ouvre tous les jours de la semaine, de 6h du matin à 6h du soir, sauf mercredi et samedi. En 1930, les membres du conseil choisissent un nouvel emplacement pour les bouilleurs de cru : la place de la Nation, considérant que ce lieu avait été choisi à l’origine pour cette activité4. - Distillerie Parthenaisienne RAMBEAUD Rue Romarin ? On ignore presque tout de cette distillerie si ce n’est qu’à travers les étiquettes des bouteilles ou les entêtes des factures conservées. Il semble qu’il s’agit de la même famille qui tient la fabrique de biscuits dans la rue Louis Aguillon. En effet, les noms et les prix indiqués sur ces documents sont les mêmes que ceux qui font référence à la biscuiterie : Rambeaud puis son fils. Toutefois, il est possi-

ble que Rambeaud père ait eu deux enfants, René qui conserve la biscuiterie et Charles qui lui succède à la distillerie. Ce dernier conserve l’activité des vins et liqueurs jusqu’en 1917, car il est présent dans les annuaires des entreprises. D’après la publicité des journaux, il vendait le vin en cercles et en bouteilles. Il fabriquait l’Elixir Vieux Rhum et le « Sève Rambeaud ». Ce dernier produit était encore produit dans les années 1970 par une entreprise de Cognac. Les autres spécialités de la maison sont « la Duna », Curaçao triple sec ainsi que de la Quinquina à base de Grenache.

153 Etiquette de la Distillerie Parthenaisienne. AD 79 11 F87

154 Publicités dans les journaux locaux de 1893 et 1906.

1

Registres des délib. CM 02-07-1905 ; 22-11-1916 ; 23-01-1930.

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La bière est une autre boisson consommée en Gâtine et plus particulièrement à Parthenay. Claude Dupin indique que la bière ne se boit qu’en ville, et qu’en l’an IX, elle provient de Fontenay-le-Comte et d’Hollande. Il précise également qu’il n’existe qu’une seule brasserie dans le département et qu’elle est établie depuis peu à Magné, près de Niort1. Cependant, dès l’année suivante, l’orfèvre Élie Drû établit un établissement de ce genre. - Brasserie rue du Château, tout près de la Porte Saint-Jacques. La réussite de cette entreprise est au rendez-vous puisque deux ans plus tard, le 14 floréal an XII, un courrier destiné au préfet mentionne que « Depuis deux ans il existe à Parthenay une brasserie de Bierre. L’entrepreneur a eu du succès. L’an dernier, il a brassé environ 400 tiercons. La consommation s’en est faite tant en cette commune qu’aux environs. Le département de la Vendée tire aussi de cette brasserie »2. En 1808, la production est de 295 hectolitres3, mais, dès l’année suivante, la situation devient défavorable avec l’établissement d’autres brasseries, notamment à Niort4. En 1811, la brasserie emploie 3 ouvriers qui reçoivent un salaire de 1 franc 50 par jour. Ils travaillent 300 jours par an. « Ils emploient 600 hectolitres d’orge à 9f 50. 750 kilo d’houblon à 3 f prix moyen et 45 steres de bois a 12 f. Ils produisent 900 hectolitres de bierre à 30 f. Le houblon vient de la Flandre et de Francfort ». L’année suivante, la production diminue un peu et les ouvriers ne travaillent que 150 jours par an5. Jacques Biget, lui aussi ancien orfèvre, achète cette brasserie en 1821. Cet achat avait été effectué en commun avec François Kemmerer6, un ouvrier brasseur venu d’Alsace. Il la revendra à Henry Violleau7 en 1825. Il est encore propriétaire de la brasserie en 1836 et un établissement de liqueur et de limonade se trouve encore en cet endroit au début du XXe siècle. A.V. - Brasserie Place Vauvert Malgré la concurrence établie à Niort, Jacques Roy, marchand fabriquant, et Claude Joseph Sauvageot, marchand limonadier, se lancent

dans l’aventure et créent une seconde brasserie à Parthenay. En 1818, ils achètent plusieurs maisons place du Vauvert et dès l’année suivante, lorsque Joseph Sauvageot rachète la part de son collègue, la brasserie est entrée en production. L’entreprise sera pourtant rachetée par Louis Morisset, marchand fabriquant, et son épouse Anne Cornuault en 1820 – ils étaient les anciens propriétaires des lieux – qui revendront le tout en 1827 à Jacques Biget, un ancien orfèvre. Ce dernier décèdera en 1835, peu après la fermeture de cette entreprise. Deux actes de vente concernant ces brasseries permettent d’avoir une idée de la configuration des lieux et du matériel employé. Pour la seconde brasserie, l’acte de 1827 indique que l’établissement comprend trois pièces différentes au rez-de-chaussée. À l’étage, se trouve une chambre où sont le « rafraichissoir » et la cave, une autre à côté où est le moulin, la chambre servant de germoir, une autre où se situent le bassin et le fourneau, une autre chambre servant à l’habitation avec un cabinet à côté et une cheminée, deux greniers, un troisième où se trouve la touraille, une écurie avec un fenil par-dessus, une cour où est placé un puits, et deux ballets sous l’un desquels est installée la chaudière, enfin un jardin en forme de terrasse. L’acte de 1834 qui concerne la première brasserie comporte davantage de renseignements et chaque pièce à un rôle qui lui est dévolue. La brasserie comporte une cave germoir où est établi le passage qui conduit au fourneau de la « touraille ». Deux chaudières dont les fourneaux sont installés dans une petite cour séparée du reste des bâtiments, sont en cuivre rouge garnies chacune de leurs robinets et conduits de vidange, hausse en bois, l’une d’une contenance de 19 hectolitres, l’autre de 6 hectolitres. 1 2 3 4 5 6 7

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DUPIN An IX, p. 56. AD 79 10 M 17/1a, 14 Floréal an XII. AD 79 10 M 2/4c, statistique de 1808. AD 79 10 M 2/4d, 5/10/1810. AD 79 10 M 17/1b, il est à mentionner que les statistiques du 1/1/1812, sur une autre source, indiquent qu’il ne se trouve aucune brasserie. dans l’arrondissement de Parthenay. AD 79 10 M 17/1a. Ou Kaemmerer. Il est désigné comme brasseur dans un acte de mariage du 10/11/1825, AMP, registre des mariages. Claude Henry Violleau est tailleur d’habits en 1807, marchand tailleur en 1815, marchand en 1825, brasseur en 1834. Il témoigne ainsi d’une évolution professionnelle que j’ai pu repéré en d’autres reprises à Parthenay au XVIIIe et XIXe siècles. Par déduction, Violleau et Kemmerer emploient un tonnelier nommé Pierre Landreau (né à la Rochelle). Ils sont témoins de son mariage. AMP, registre des mariages, 10/11/1825.


La touraille est un « séchoir dont le fourneau est au rez-de-chaussée ». Il a alors « sa plate-forme aux grilles en tôles fortes fixées et supportées par plusieurs barres en fer, le chapeau du foyer également en tôle avec ses montants et ses traverses en fer, de même que ses fermetures, le tout en bon état de service ». Un bâtiment nouvellement construit sert de manège à la mouture de la « dresche propre à la fabrication de la bière »1. Le moulin comprend une grande roue horizontale dont l’arbre vertical porte le levier ou moteur, deux meules dont l’une gisante et l’autre tournante garnies de leur encaissement, madriers, planchers et d’autres accessoires, tels que trémie, batte, bled, « lauteruelle », « aieul », arbre de la meule, cercles et pivots en fer, tous les câbles et crochets en fer pour lever la meule, levier et maie pour recevoir la mouture, le tout en bon état de service. Il existe également un petit moulin à main pour la mouture de certaines substances aromatiques qui entrent dans la confection de la bière. La brasserie comporte deux pompes en cuivre rouge étamé, montées et garnies de leurs robinets et conduits de vidange, balanciers en fer, verges de contrepoids ou leviers, colliers d’attache en même métal, lentilles en plomb, pistons et soupapes en cuivre, hormis celle à monter l’eau froide dont le piston est en bois. Quatre cuves et un bassin en brique et ciment pour la trempe des grains se trouvent dans une pièce. Deux sont à double fond et servent de cuves matières, une autre, ovale, a la capacité de contenir le produit des deux chaudières. Elles sont dénommées cuves « guilloires ». L’ensemble des cuves est garni de 14 cercles en fer avec leurs boucles. Les deux « beaux rafraichissoirs » ou « réfrigéreurs » reçoivent les cuves où la bière est mise à fermenter. Les bacs réfrigérants en

maçonnerie et ciment sont garnis de trois robinets en cuivre et d’une soupape avec sa fermeture. La brasserie comporte deux « entonelleries » ou « entonneries » où la bière est mise en fûts. Dénommés « futailles », ces derniers sont en bois ou en fer blanc. Pour cette brasserie ils sont au nombre de 140 à 180, certains se trouvant chez des clients. Parmi les outils, je mentionnerais une harpe à passer le blé, une traîne roulante, des siphons, des baquets, des marteaux, et des rames en fer et en bois2. Jusqu’aux années 1970, les métiers de limonadier ou de marchand de bière et celui de marchand de vin étaient dissociés. Les bouteilles de bière sont en verre de couleur marron. Quant aux bouteilles de limonade, elles sont de couleur verte ou alors transparentes. - Marchand de bière BLANCHETON - BARON 64 rue de la Vau Saint-Jacques, puis av. Mendés France Avant la fin du XIXe siècle, le couple Blancheton-Baron était installé dans la rue de la Vau Saint-Jacques. Dans ces locaux ils possèdent un entrepôt de bière et fabriquent de la limonade et de l’eau de selz. Ils sont aussi recensés comme étant dépositaires de vins et d’eaux de vie. Ils ont fait imprimer les bouteilles à leurs deux noms. Leurs produits étaient livrés à cheval. Désiré Blancheton déménage avec sa famille pour s’installer av. Mendès France vers 1936-1937, laissant les locaux à sa fille et à son gendre, M. Renault, qui deviendra aussi limonadier. Son fils Roger Blancheton prend la succession des parents à ce moment et acquière du nouveau matériel (tireuses pour la bière et la limonade, appareils pour remplir les siphons et autres machines pour laver et rincer les bouteilles). Il fera imprimer les bouteilles à son propre nom.

155 Portraits de M. et Mme Blancheton-Baron. Coll. privée.

Il achetait la bière à la brasserie de Montmorillon et les bouteilles à Vertou (Loire-Atlantique). Au décès de son mari Roger, Olga Blancheton vend son entreprise à Désiré Ayrault et à son épouse Paulette le 15 décembre19523. Guy Blancheton, son fils, travaillera avec ce dernier pendant quelque temps. 1 2 3

La « dresche » est le résidu solide de l’orge qui a servi à fabriquer la bière. Elle est donnée comme nourriture au bétail. AD 79 3E 13744, 16/11/1834. VERDON 1991, p. 83. Acte de vente de l’entreprise, archives privées.

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156 Ensemble de bouteilles de bière (de couleur marron) et de limonade (de couleur verte), ainsi qu’un siphon (ce dernier au nom de Roger Blancheton.) Coll. privée. © Musée municipal de Parthenay

- Limonadier RENAULT 64 rue de la Vau Saint-Jacques M. Renault est le beau-fils de Désiré Blancheton. Il s’installe dans la maison familiale lorsque celle-ci déménage bd. Mendés France. Il devient aussi marchand de charbon et fabriquant de limonade entre les deux guerres. Il entreposait ses marchandises dans la maison dite « des antiquaires », située en face de sa maison. Difficile de savoir si cette entreprise fabriquait de la bière ou s’il était seulement distributeur. Il semble avoir au moins mis en bouteille de la bière, comme l’indique une étiquette de la brasserie « Champigneulles ». Louis Boucher prendra la suite en 1959.

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157 Etiquette de bière : « mise en bouteilles par M. Renault à Parthenay » Coll. privée


158 Siphon Renault. Coll. privée. © Musée municipal de Parthenay

- Limonadier BOUCHER 64 rue de la Vau Saint-Jacques, puis 56 av. de la Gare (actuelle av. du Général de Gaule) Louis Boucher prendra la suite du précédant en 1959 et sera racheté par Michel Pelletier en 1975.

159 En-tête de facture de 1968. Coll. archives municipales.

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- Ed. BONNET rue Bel-Ange et Place des Bancs, n° 3 Pharmacien de première classe de l’école spéciale de Paris fabrique, en 1879, des chocolats de santé, ainsi que des Eaux minérales naturelles et artificielles.

160 En-tête de facture de 1879. Coll. privée.

Les Archives départementales conservent une facture de 1848 de l’entreprise Bonnet-Maury Jne, entreprise d’eau de vie, liqueurs, mais aussi fabrique de cierges et de bougies. 161 En-tête de facture de 1848. AD 79. 80 J16

- Eaux de vie, Liqueurs BONNET Place de la mairie (actuelle place Picard), puis rue de la Montagne (actuelle rue de la Saunerie) On conserve une vieille carte postale de la fin du XIXe siècle qui permet de localiser cet établissement. En 1900 et 1921 l’annuaire général des Deux-Sèvres fait mention d’un Bonnet rue de la Saunerie, puis rue Gambetta1. Il s’agit certainement d’Emile Paulin Bonnet qui s’installe à Parthenay en 1872. Il sera l’oncle du futur limonadier Paul Bonnet, qui commence son apprentissage chez lui.

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1

ANNUAIRES 1900 et 1921.

162 Carte postale. 1903. n° inv. 987.8.41


- Limonadier BONNET rue Voltaire Paul Bonnet est né à Parthenay le 30 août 1888. Il reprend l’affaire de son oncle Emile le 7 juin 1914, mais comme il est mobilisé le 2 août de la même année, ce dernier gardera la boutique. A son retour de la guerre en 1919, il déménage son entreprise rue Voltaire et commen-

ce à faire de la limonade, des eaux gazeuses et devient marchand de bière. Il fait fabriquer des bouteilles en verre à son nom, ainsi que des siphons en cristal de Bohème. A la suite d’une crise cardiaque, il cesse son activité le 29 septembre 1958. La société est mise en vente mais, n’ayant pas trouvé d’acquéreur, il est obligé de liquider marchandises et matériel. Il meurt le 11 février 1968.

163 Portrait Paul Bonnet, Coll. Privée

164 En-tête de facture. Coll. privée.

165 Deux bouteilles de limonade de Paul Bonnet, ainsi qu’un siphon. Coll. privée.

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- Limonadier AYRAULT 28 av Wilson (devenue Mendès France), puis 26 rue du Marchioux Après un passage à Saint-Jean d’Angély de 1947 à 1952 et un essai infructueux pour acquérir l’entreprise de M. Renault dans la rue de la Vau Saint-Jacques, Désiré Ayrault s’installe comme limonadier et négociant en boissons à Parthenay en achetant l’entreprise Blancheton. Au début, il réutilise les bouteilles imprimées de son prédécesseur (qu’il achetait à Vertou près de Nantes). Par la suite il n’utilisera que des bouteilles avec des étiquettes papier. Il fabrique limonades, sirops, sodas et eaux de seltz. Comme le travail de la bière ne suffisait pas toute l’année, surtout en hiver, il développe le dépôt de charbon en 1953 et la distribution de fioul en 1956. Les locaux étant trop petits, il déménage rue du Marchoiux au début de 1960. En 1966 son fils Guy prend la suite. La bière provenait de la « Brasserie de Montmorillon » dans la Vienne. Au début de leur activité ils mettaient en bouteille à Parthenay, mais rapidement il stérilise et embouteille directement à Montmorillon. Cette dernière sera rachetée par « Alsace-Lorraine », puis par « Champignolle ». Après la guerre d’Algérie il distribue la marque « Kronembourg ». Vers 1970 il arrête la fabrication de limonades et il commercialisera « L’abeille » de Cholet. Il vendra en 1980 à Michel Philips, lequel fermera en 1995.

166 Tapis de jeux Coll. privée.

167 Cartes à jouer. Coll. privée.

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168 Sirogène en grès. Coll. privée © Musée municipal de Parthenay


- Bières ALNET 3 rue de Pinier (actuelle, rue Barra) La consultation des annuaires professionnels permet d’apprendre qu’en 1900 et 1921 un entrepôt de bière est installé au 3 rue du Pinier1 dirigé par Edouard Alnet.

Il fabrique aussi des eaux gazeuses.

169 Bouteille de bière et siphon Coll. privée © Musée municipal de Parthenay

- Fabrique d’eaux gazeuses CROISE av. Wilson Cette entreprise est créée par Léon-Batiste-Alexandre Croisé et son épouse, née Dalidet, en 19092. Par la suite il devient distributeur de bière (dépositaire de la marque « La Meuse »), ainsi que d’eaux minérales vers 1914. Peut-être achète-t-il l’entrepôt de bière Alnet. Le 14 février 1947, il vend la fabrique à son fils Raymond Croisé, lequel la revend à Michel Pelletier en 1964.

170 Ensemble de bouteilles et siphons des établissements Croisé. Coll. privée. © Musée municipal de Parthenay

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ANNUAIRES 1900 et 1921. Acte de vente de l’entreprise, archives privées.

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- Limonadier PELLETIER 74 av. Wilson, puis 27 rue Louis Braille. Michel Pelletier achète l’entreprise de Raymond Croisé en janvier 1964. Il fabrique des limonades, sodas, sirops et eaux de seltz. Pendant plusieurs années, il utilise des bouteilles de son prédécesseur pour commercialiser ses produits. Il crée la marque de limonades « Sodali » vers 1967. L’étiquette est réalisée par M. Pinto, imprimeur à Lageon. A la différence des autres limonadiers qui à la même époque arrêtent la production, Michel Pelletier va investir dans les machines.

171 Publicité de 1978.

Le procédé pour faire de la limonade est le suivant : il utilise de l’eau et du sucre de canne qu’il fait fondre pour faire un sirop auquel il mélange de l’essence de citron et un soupçon de mandarine ou d’orange puis il ajoute de l’acide citrique (fabriqué à Melle par Rhône-Poulenc) pour le goût acidulé. Finalement il incorpore une dose d’eau gazifiée (CO2) à l’aide d’un saturateur (6 à 8 bars). Les produits étaient achetés à Marseille, chez Gazan, et à Saint-Yorre, chez Bouquet-Pau, ou en Italie. Le fournisseur en sucre était Béghin-Say à la raffinerie de Nantes.

172 3 bouteilles avec étiquettes SODALI. Coll. privée. © Musée municipal de Parthenay

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Le sirop se faisait dans un sirogène émaillé ou en grès, grandes cuves à couvercle munies à l’intérieur d’une grille sur laquelle on installait le sucre, et d’un robinet dans sa partie inférieure. Le sirop doit sortir à 28° baumé. Pour ce qui est de l’eau de seltz, le procédé est sans ajout de sucre. L’opération de remplissage se faisait en installant les siphons à l’envers et devant une grille au cas où le verre explose. Les siphons possèdent souvent une protection métallique. Quant au soda, on ajoutait un colorant alimentaire pour les goûts citron ou orange. Vers 1975 il reprend l’entreprise de Louis Boucher, située rue Alsace Lorraine. Les locaux devenant trop petits, il déménage en 1977 dans des bâtiments situés au 27 rue Louis Braille, dans le quartier de la Faïencerie. En janvier 1985 son fils Pierre rachète l’entreprise et s’associe à Gilles Poupin, au nom d’Etablissements Pelletier et Cie. En 1986 ils acquièrent l’entreprise de Raymond Chadeau (située bd. Anatole France) qui conditionnait et mettait en

bouteille les vins « La Belle Fille ». Ils embouteillent dans des bouteilles d’un litre réutilisables. Les bouchons en liège étaient achetés en Pyrénées Atlantiques. Les étiquettes ont été créées par Michèle Pelletier et sont éditées par Ouest Impression : l’étiquette de couleur verte pour le vin blanc, argent pour le rosé, rouge pour le vin à 10°, jaune pour le vin à 11° et or pour celui à 12°. L’entreprise sera vendue en juillet 2002 à Elidis Boissons Services de Niort qui arrêtera la fabrication de limonade et l’embouteillage des vins. Les locaux seront repris par l’usine Aubrun.

173 Casier en bois Vin de la Belle Fille. Coll. privée. © Musée municipal de Parthenay

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174 Etiquettes de « La Belle Fille de Parthenay». Coll. privée.

175 Lot d’objets publicitaires de marque CHADEAU et PELLETIER. Coll. privée. © Musée municipal de Parthenay

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- Fabrique de limonade et d’eau de seltz AIME SUIRE rue des Boucheries et rue du Cerf (actuelle rue Jean-Jacques Rousseau) Aimé Suire est aussi entrepositaire de bière et vend du vin, eaux-de-vie, liqueurs et sirops en 1889.

- Fabrique de limonades et eaux gazeuses PHILIPPONEAU

176 En-tête de facture de 1889. Coll. privée.

bd des Sires Emile Philipponeau installé, à côté du café de l’Europe avant la 1er guerre, fabrique ses propres eaux gazeuses rue Louis Aguillon1.

- Marchand de bière CHAIGNEAU

177 Carte postale n° inv. 987.8.344

rue des Petits Maures (actuelle rue Béranger). Henri Léon Chaigneau père, né en 1822 à Parthenay, était marchand de bière, en 1873 et 18892. Il tenait aussi une épicerie pour élargir ses activités. Il décède en 1891 et ses deux fils seront marchands de vins à Parthenay. Même si les archives font état de la présence de vigne à Parthenay et au cœur de la Gâtine au moyen âge, Alexandre de Ferrière dresse un triste bilan : « Le plateau granitique de la Gâtine n’est point propre à cette culture3. » En tant que boisson ordinaire, le vin était largement coupé d’eau. En plaine, cette vinasse, râpé et autre piquette se fabriquait en faisant passer l’eau sur le marc de raisin après les divers pressages4. En Gâtine l’eau pouvait être simplement ajoutée au dernier moment. À Parthenay, chez les plus aisés des habitants, on trouvait non seulement des barriques de vin ordinaire provenant du Mirebalais, du Thouarsais et d’Airvault, mais aussi des bouteilles d’origines plus prestigieuses.

1 2 3 4

ANNUAIRE 1906. Factures Coll. Privée. DE FERRIERE An XII, p. 55. DUPIN An IX, p. 98. Il indique aussi que « le râpé se met en barriques pour les travaux d’été ; la piquette plus aqueuse doit se boire sur le champ ».

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Parthenay comptait des nombreux négociants et grossistes en vin : - Vins GRELARD-ROCHE 23, rue Jardin Public Augustin Grélard et sa femme Angélique Roché s’installent vers 1930. L’entreprise portera les noms des deux époux. Augustin Grélard vendait des vins en gros et spiritueux (cognac et rhum) en barrique (220 litres), demi-barrique (110 litres) et barricot (64 litres) dans les cafés et aux battages. Ce n’est que vers la fin de la 2ème guerre qu’il mettra le vin en bouteille d’un litre. Il ferme les portes vers 1960.

178 Boite de cartes à jouer publicitaire Coll. privée. © Musée municipal de Parthenay 179 Vue du camion de livraison de M. Grelard. Coll. privée.

- Vins BACHARD 59, Rue Marchioux Fernand Bachard s’installe en 1933 (son oncle était aussi marchand de vins place de la Liberté). Il achetait le vin dans la région de l’Aude. Les chais étaient surélevés pour faciliter l’accès des camions ainsi que pour tenir le vin plus au frais. Son fils Michel lui succède en 1965. Il investit dans des machines pour la mise en bouteille et le conditionnement. Il utilisera aussi des conditionnements en bagging-box. Le vin arrivait en camion-citerne. L’entreprise fermera ses portes définitivement en 2005. 180 Bouchons avec le numéro de négociant. Coll. privée. © Musée municipal de Parthenay

181 Vues de Michel Bachard et sa famille dans la cave de l’établissement. Coll. privée.

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182 Etiquettes vins des vins Bachard. Coll. privée.


- Vins CHAIGNEAU-GALLARD 40, rue Marchioux. Né à Parthenay en 1854 et fils du marchand de bières, Léon Chaigneau s’installe marchand de vins (comme son frère Albert) grâce à un petit héritage d’un oncle parti au Brésil. Avec son épouse née Gallard il se spécialise en vins de la Gironde et, à la fin du XIXe siècle, vend aussi des fruits et sirops, du vinaigre, eaux-de-vie et liqueurs. Il se fournit en bouteilles de verre à la verrerie de Faymoreau en Vendée en 1881 et en bouchons, en 1889, dans la fabrique C. Fayet à Poitiers1. En 1900 sont cités deux marchands de vins : Albert et Léon, situés respectivement au 28 et au 10 rue du Marchioux2. En 1921 un seul est cité, Léon installé faubourg Westermann (actuelle rue du Marchioux)3. Parmi ses activités, il achète et commercialise du cidre de la région Nantaise. A sa mort, en 1930, Léon Clément Chaigneau succède à son père à la tête de l’entreprise, puis est remplacé à son tour en 1966 par son fils Léon Jean-Claude. L’entreprise fonctionne jusqu’aux années 1973. Ce dernier vendra son fonds de commerce à Michel Prevot.

184 En-tête de facture de 1889. Coll. privée.

185 Publicité de 1961.

183 Portraits M et Mme Chaigneau-Gallard. Coll. privée.

1 2 3

Archives privées. ANNUAIRE 1900. ANNUAIRE 1921.

105


- Vins CHAIGNEAU-BOUSSEREAU Rue du Marchioux, puis rue Henri Laborde. L’affaire est créée par le frère de Léon, Albert Chaigneau, grâce à l’argent de l’oncle du Brésil. Il est cité dans l’annuaire de 19001 au 28 rue du Marchioux. Les chais étaient installés à côté de la porte d’entrée, derrière la grille. L’entreprise sera reprise par M. Boussereau, puis revendue à M.Tapin. L’établissement sera transféré rue Henri

Laborde et repris par le gendre de ce dernier, Robert Gouzon.

- Marchand de vin CLISSON Place Vauvert Pierre Clisson est installé au début du XXe siècle en haut de la rue de la Vau Saint-Jacques. Son fils meurt à la 1ère guerre et il engage l’ami de ce dernier, Aimé Chadeau, qui

186 Carte postale. Détail de l’enseigne Chaigneau-Boussereau, sur la maison à gauche. n°inv. 997.2.136.

lui succédera à son départ en retraite. - Marchand de vin CHADEAU

Place Vauvert, puis, 5 bd Anatole France, puis bd de l’Europe

Aimé Chadeau est né à Lhoumois en 1891. Il prend la succession de Pierre Clisson et déménage en 1935 au boulevard Anatole France. En effet, les tonneaux de vin (fûts de 500 litres) arrivent par train à la gare de Parthenay et le transport jusqu’à la place Vauvert s’avère de plus en plus difficile. Pendant la 2ème guerre les véhicules sont réquisitionnés et la livraison de vin se fait en collaboration avec le limonadier Blancheton. Le vin provient du Midi, de Gironde et de l’Hérault. Les vins fins arrivent déjà conditionnés. Il fournit une quarantaine de cafés et de maisons d’alimentation, ainsi qu’à des particuliers et à des fermiers. Raymond Chadeau prend la suite de son père en 1959. Au départ il avait installé un

187 Etiquette de « La Belle Fille de Parthenay ». Coll. privée.

système d’embouteillage avec un vélo, avec des bouteilles d’un litre à six étoiles, réutilisables, qu’il achetait à Saint-Gobain, à Cognac ou à Angers. L’évolution des mentalités fait en sorte que les gens préfèrent le vin conditionné en bouteille, de même les systèmes de distribution changent vers les supermarchés. En 1985 il déménage bd de l’Europe et vend une année plus tard à Michel Pelletier.

106

1

ANNUAIRE 1900.

188 Panneau de bois sur voiture. © Musée municipal de Parthenay


- Vins L. PEJOUT

189 Carte postale. n°inv. 987.8.308.

2-4 rue du château Avant l’installation de la laiterie, Léon Péjout est cité en 1900 comme entrepositaire de bière. De même, plusieurs cartes postales anciennes du début du siècle montrent l’enseigne « Vins et liqueurs Péjout » sur le mur de façade. Il est signalé comme fabriquant d’eaux gazeuses en 19061. - J. ROSELLO 46 rue Nationale (av. Wilson)

En 1915 il vend des vins et produits d’Espagne, ainsi que des liqueurs dans son épicerie fine.

- Marchand de vins TOUCHAUD

190 En-tête de facture de 1915. Coll. privée.

Rue Leféron Henri Joseph Anselme Touchaud et son épouse créent l’entreprise vraisemblablement entre les deux guerres. Les chais étaient installés dans la cour. Ils vendaient en barrique et vers les années 1940 commencent la mise en bouteille du vin. Ils vendent à M. Prévot

- Vins PREVOT Rue Leféron, puis rue du Marchioux Maurice Célestin Prévot reprend l’affaire précédente en 1946, puis déménage dans des nouveaux bâtiments rue du Marchioux en 1953. Le vin arrivait en citernes, originaire de Neuville-en-Poitou puis de l’Aude. Le vin plus fin provient de Bordeaux. Son fils Michel est employé dans l’affaire dès son retour d’Algérie. Il créera avec son épouse le magasin « A la grappe d’Or » en 1971 et rachètera le fonds

de commerce de son père en 1978. Pour la mise en bouteille du vin rouge et blanc il crée la marque déposée « Prévinor ». Les bouteilles étaient achetées à un courtier de Niort et étaient originaires de Saint-Gobain. Pour calculer le degré d’alcool livré il utilise un ébulliomètre. Il commercialise 400.000 litres de vin par an. Les lourdeurs administratives font que l’alcool est acheté déjà mis en bouteille. Il vend son entreprise le 30 mars 2004 à MM. Bonnet et Coirault.

291 Publicité de 1965.

192 En-tête de facture de 1873. Coll. privée.

- MAUBERGER Fils Place de la Mairie, n°3 (actuelle place Picard) Entrepôt d’Eaux-de-vie et Liqueurs en gros et détail en 1873. 1

ANNUAIRES 1900 et 1906.

107


XVII. Les conserves alimentaires Le conseil municipal souhaite l’installation d’une fabrique de conserves alimentaires à Parthenay en 1892. Malheureusement, on ignore si ce souhait a été suivi de faits1. - Alimentation en gros – DION, puis LORGUEILLEUX puis Ets GAZEAU 11-13 av de la Gare (actuelle av du Général de Gaule)

Cet établissement était une épicerie en gros qui livrait aux autres petites épiceries en ville et à la campagne. Il semble que le premier à s’installer ait été Georges Dion au début du XXe siècle. Le magasin est repris par M. Lorgueilleux entre les deux guerres, puis acheté par MM. Aumonier et Gazeau dans les années 1950. Ils possédaient un deuxième établissement à Saint-Maixent-L‘Ecole. Par la suite l’affaire sera nommée Ets Gazeau et Fils. Si cette entreprise rentre dans cette étude c’est parce que ses dirigeants n’ont pas fait que du commerce. En effet, une confiserie en gros était associée au magasin par Lorgueilleux pour fabriquer de pastilles de marque « COLY ». MM. Aumonier et Gazeau de leur côté fabriquaient un sirop de luxe, à la fraise.

193 En-tête facture Lorgueilleux de 1931. AD 79 80 J 23.

194 En-tête facture Coly de 1934. AD 79 80 J 23.

195 Boite de pastilles Coly. Coll. privée.

196 En-tête facture Ets Gazeau de 1968.

108

1

Registre des délib. CM 09-09-18912.

197 – Bouteille sirop de fraise Coll. privée © Musée municipal de Parthenay


- Biscuits et macarons RAMBEAUD 4-6 Grande-Rue (actuelle rue Louis Aguillon.) Créée en 1854 par M. Ch. Rambeaud, la biscuiterie installée à Parthenay se distinguait par la qualité supérieure de ses produits, notamment ses ‘‘biscuits fins’’ et macarons. Elle fut dirigée à partir de 1886 par son fils, M. René Rambeaud. Ce dernier, avant de reprendre l’entreprise de son père, étudia dans les plus grands établissements français les meilleures méthodes de fabrication qui existaient alors dans le domaine des gâteaux et biscuits. Il acquit ainsi une compétence remarquable qui, conjuguée aux qualités commerçantes héritées de son prédécesseur, lui permit de diriger la biscuiterie parthenaisienne avec beaucoup d’habileté. Aussi, sous sa direction, la renommée de la maison ne cessa de s’accroître, puisqu’elle conquit une vaste clientèle dans toute la France. Ses produits se vendant très bien à Paris en particulier, M. Rambeaud décida d’y installer une succursale, vers 1894. Les spécialités de la maison Rambeaud étaient diverses puisqu’elle fabriquait des Gâteaux aux amandes, Macarons, Croquets,

Louisianes, Gâteaux crème, Biscuits genre Reims, etc. Les ateliers de fabrication étaient situés rue Romarin et communiquaient avec les magasins d’empaquetage, d’emballage et d’expéditions grâce à des galeries. La réalisation des biscuits commençait par la préparation de la pâte, essentiellement composée de farine, d’œufs, de sucre et de vanille. On procédait ensuite au moulage, effectué sur des plateaux de métal. Ces derniers, une fois remplis, étaient alors placés dans des étuves, avant d’être introduits dans les fours de cuisson. Lorsque les biscuits étaient cuits, ils étaient à nouveau emmenés dans des étuves, où ils restaient douze heures afin d’achever la dessiccation1. Enfin, ils étaient démoulés puis empaquetés dans des étuis en papier fort portant la marque du fabricant. Cette méthode de fabrication était semblable pour les différentes sortes de biscuits, ce sont essentiellement les ingrédients qui variaient. Ainsi, les Biscuits genre Reims étaient uniquement composés de sucre, d’œufs et de vanille, que l’on mélangeait ensemble pour former une pâte qui soit la plus homogène possible, ce qui permettait d’obtenir des produits d’une grande finesse. Outre les biscuits et macarons, une autre spécialité de M. Rambeaud était les gâteaux qu’il appelait « les Parthenaisiens », avec lesquels il eut beaucoup de succès. Par ailleurs, pour la fabrication de ses produits, la maison Rambeaud avait recours à un outillage mécanique, dont la force motrice était fournie par une machine à vapeur. Ainsi, lors de la réalisation des macarons aux amandes, on utilisait des broyeurs mécaniques pour réduire les amandes « en une pâte que l’on introduis[ait] dans une pompe munie d’un piston en bois d’où la pression l’oblige[ait] à sortir en un mince filet »2. Nous pouvons également évoquer, parmi les appareils à fonctionnement mécanique, la batteuse à biscuits, ou encore la hacheuse pour fruits. D’autre part, M. Rambeaud était particulièrement soucieux des règles d’hygiène qui devaient régner dans son établissement, ce qui est tout à fait précoce en cette dernière décennie du XIXe siècle. Aussi, lorsqu’il décida d’étendre la surface de ses ateliers, il fit construire « un laboratoire spécial au centre d’un vaste jardin […], tous les produits destinés à l’alimentation devant être préparés dans un milieu sain et aéré.»3. L’activité de M. René Rambeaud semble s’arrêter vers 1909, puisqu’à partir de cette année-là il ne figure plus dans l’annuaire des DeuxSèvres.4 - Chocolaterie DARTENUC Rue Louis Aguillon, puis moulin de Brossard. En 1909, à la même adresse se trouve désormais un nouveau fabricant de biscuits : M. Dartenuc, dont la production comprenait également la chocolaterie. Il créa notamment la marque de chocolat Rador, dont on conserve un emballage aux couleurs rouge, jaune et noir. M. Dartenuc déménagea ensuite sa fabrique au moulin de Brossard, où il resta jusqu’en 1936-1937. 1 2 3 4

198 Enveloppe plaque chocolat RADOR. Coll. privée.

Elimination de l’humidité du produit. Journal de Géographie, s. d., p. 4, AD 79 11 F 87. Revue Encyclopédique illustrée Le Travail, 16-23 septembre 1888, tome 6, n°36-38, p 309, AD 79 11 F 87. Il est probable que cette biscuiterie ait été dirigée par la même famille que celle à qui appartenait la distillerie parthenaisienne Rambeaud, qui fabriquait des vins fins, liqueurs et sirops. Ses ateliers étaient situés rue Romarin, et son activité nous est attestée jusqu’en 1917.

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- Chocolats FRUCHARD Moulin de Brossard. Ces années-là, M. Jean Fruchard (1902-1986) acheta le moulin et y poursuivit les activités de fabricant de biscuits et de chocolatier. Formé à l’Ecole des Arts et Métiers, il travaillait avec son épouse et employait probablement un ou deux ouvriers. Leur spécialité était la fabrication du chocolat, dont ils proposaient plusieurs sortes : le Chocolat des Fées, qui était présenté sous forme de petites tablettes emballées dans un papier rose et doré, coloré d’un peu de vert ; le Chocolat Jacquy ; le Chocolat Fruchard, à l’emballage bleu et bordeaux ; enfin, la marque de chocolat Rador, initialement produite par M. Dartenuc, qui continua d’être vendue par la maison Fruchard. Outre ces chocolats vendus en plaquettes, la maison Fruchard réalisait d’autres produits à l’occasion des fêtes, notamment à Noël et à Pâques, où elle fabriquait des cloches, des œufs et des

poules en chocolat, à l’aide de moules en métal. D’autre part, M. Fruchard produisait également différents biscuits : Mon Biscuit, Le Vendéen, et Brossard – dont il proposait deux sortes : les biscuits à la cuillère et ceux de type « Petit Congolais », fabriqués avec de la noix de coco. De plus, à ces deux activités que constituent la chocolaterie et la production de biscuits, Jean Fruchard ajouta la fabrication de bonbons. Il dut cesser son activité à l’aube de la guerre, en 1938, car il ne pouvait plus se fournir en fèves de cacao.

199 Panneau publicitaire avec prix. Coll. privée.

210 En-tête de facture de la confiserie de Parthenay. Coll. privée. 201 Enveloppe plaque chocolat FRUCHARD. Coll. privée.

202 Moule et cloche métallique pour fabriquer le chocolat. 2 pots en verre cacao et sucre et 1 couteau pour détacher les pâtisseries. Coll. privée. © Musée municipal de Parthenay

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- Maison FILLON av de la Gare (actuelle av. du Gal de Gaulle), puis 12 rue AlsaceLorraine en 1937, puis av. Aristide Briand. Théophane et Marie Fillon créent, avant la 1ère guerre mondiale, une bimbeloterie, mercerie et une confiserie en gros. Lui est musicien, de profession ménétrier (violoneux des bals de l’époque). Son épouse l’accompagne lors de ses tournées et vend des cacahuètes ainsi que des berlingots et des sucettes qu’elle fabrique elle même. La confiserie maison était l’élément de base de cette entreprise familiale mais, dès 1925, la fabrication de la confiserie s’arrête et l’entreprise devient un distributeur grossiste. Parmi les nombreuses autres activités de cette entreprise, la torréfaction des arachides est une des voies de développement de l’affaire. Cette activité est poussée par leur fils Edmond Fillon, né en 1903 qui créa la marque « Filed » et « Le Nègre ». Ces arachides provenaient du Brésil, Afrique, Israël, Liban. Ils arrivaient et repartaient par train. La torréfaction s’effectuait dans un four qui fonctionne jour et nuit. Celui-ci est à l’origine d’un terrible incendie qui détruisit les bâtiments en 1937. L’activité est déménagée bd. de la Liberté (actuel Leclerc) et rue Alsace-Lorraine et il achète des machines de torréfacteur de marque allemande « Probat ». Cet atelier employait une vingtaine de personnes dans la chaîne de conditionnement de la mise en sachet. Le travail se diversifie par la collecte de mûres pour faire de la confiture ainsi que par le travail de ramassage des légumes qui, une fois conditionnés étaient distribués à Paris. Ils utilisaient ainsi plusieurs camions à gazogène. L’atelier brûle en 1943 à cause de l’acide utilisé pour la conservation

203 Portrait de Théophane et Marie Fillon, devant le magasin avenue de la gare avec leur fils Edouard et trois employés en 1928. Coll. privée.

204 En-tête de factures Edmond Fillon. AD79 80 J 24

des mûres. Il sera reconstruit au même endroit. Pendant la deuxième guerre, alors que les machines à torréfier étaient à l’arrêt par manque de livraisons des arachides, la famille produit un succédané de café réalisé avec des glands de chêne décortiqués, de marque « Filca ». Le slogan était : “Le succédané idéal, égal pour le goût, meilleur pour la santé”. En 1974 il y a un nouvel incendie qui détruit l’entrepôt de l’av. Leclerc. L’affaire de cacahuètes est transférée à la Roche-sur-Yon avec la marque « France Cacahuète » par Jean-Claude Fillon. Les clients étaient les parcs zoologiques et les cirques dans toute la France : Frères AMAR, PINDER, ZAVATTA, RENCY, BOUGLIONE… ainsi que des grossistes, commerçants forains et la grande distribution. Un autre appoint dans la distribution était la commercialisation de bouteilles de mousseux de la région Saumur et Nantes. L’entreprise emploiera jusqu’à 140 personnes. Se spécialisant dans la distribution d’articles dits « sèches pleurs » et de jouets, la SA Fillon sera rachetée par le groupe Lacroix, puis le groupe Paris-Jouet devient propriétaire à son tour en 1992.

205 En-tête de facture. Archives municipales.

206 En-tête de facture. Coll. privée.

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- PANZANI 12 av. Victor Hugo Ubaldo, Jean, Valentin Panzani est né à Paris le 2 octobre 1911 et, comme il le rappelle lui-même, « …vit dans une boutique de pâtes et de produits italiens dans son enfance »1. Son père d’origine italienne était comptable à Niort. Il suivra à son tour une formation d’expert-comptable. En 1940 il est démobilisé et rentre blessé dans la famille de sa femme à Niort. Retournant à ses origines (à l’école on l’appelait « maccheroni » comme l’ensemble des italiens installés en France), il débute pendant la Seconde Guerre mondiale, en pleine pénurie de produits alimentaires, la fabrication de pâtes fraîches artisanales dans un atelier situé dans le grenier de la maison de ses beaux-parents. Au début il produisait en six heures 20 kg. Et il livrait en bicyclette. Puis il s’installe au 27 rue Baugier, puis il acquit des machines qui lui permettent de produire 2 à 3 tonnes par jour, puis 10, puis 30. Sa fille Françoise lui inspire sa première marque : « Francine ». Jean Panzani crée sa fabrique de pâtes alimentaires à Parthenay en 19462, rue Victor Hugo car l’eau et l’hygrométrie lui semblaient plus favorables. Il s’agit d’une usine de chaussures3 qui avait été bombardée, située à côté de la Gare, (assez vaste et bénéficiant, pour l’approvisionnement, de la plaque ferroviaire tournante pour la réception des semoules et l’expédition des produits finis).

208 - 2 protège-cahiers illustrès par Maurice Benezech et Hervé Morvan. Coll. privée.

207 Atelier de conditionnement en 1965. © Studio Gaston.

Ce type d’industrie, peu développée dans l’Ouest, lui permet de s’agrandir. Il cherche ses sources en Italie. Après la guerre il innove et il crée en 1950 « Pasta Panzani » car les pâtes c’est italien. Les pâtes sont conditionnées en paquets de 250 gr et de 500 gr sous cellophane, car comme il disait « ce qui se voit, se vend »… alors que les autres fabricants utilisent des emballages en carton. Car « il fallait que je ne sois pas comme tout le monde »…. Pour la fabrication il utilise des moules en Téflon, (qui évitent que les pâtes collent à la cuisson), la technique de fabrication sous vide, ainsi qu’un tunnel automatique de séchage des pâtes longues, et, bien sûr, la machine à conditionner le cellophane. En 1952 le travail de conditionnement des pâtes et des expéditions est transféré aux « Petites Loges », route de Poitiers, dans les anciens établissements de la conserverie Pépi4, avec développement des ateliers en 1960. En 1956, l’affaire personnelle de Jean Panzani se transforma, sur le plan juridique, en Société d’exploitation des Etablissements Panzani.

Il produit un tonnage annuel de 3.000 tonnes. L’entreprise emploiera près de 300 personnes. Il saisie les opportunités et fusionne son entreprise avec d’autres sociétés : « Biscuits Brun - Pâtes La Lune » en 1960, puis avec une des plus grosses fabriques de pâtes alimentaires françaises « Regia-Scaramelli » en 1964, qui possède aussi la semoulerie de Saint-Just5. Cette nouvelle entité disposait de trois sites de production : Marseille, Chelles et Parthenay. L’usine locale possédait une situation géographique privilégiée à l’ouest de la France, permettant une distribution dans toute une région dépourvue de telles usines. De plus, l’unité de Parthenay bénéficiait de l’eau captée sur les phyllades d’Allonne favorisant la qualité des produits6. 1 2 3

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4 5 6

Les citations de Jean Panzani sont reprises de la publication anniversaire « 40 ans de passion. Panzani », Paris, 1990. Délib. CM 22-05-1946. Fabrique de Manuel Mouchaux. Fabrique de conserves de petits pois. La semoule constitue 60% du prix de revient des pâtes alimentaires. ROBIN, 1959, p. 61.


209 Buvard publicitaire. n° inv.2004.3.1

La semoule de blé dur1 qui alimentait l’usine de Parthenay provient d’Orange en Vaucluse, chez monsieur Brun, puis de la Beauce. Ensuite, elle sera importée d’Argentine, du Canada et d’Afrique du Nord par les ports de Nantes, Bordeaux et La Pallice et parvenait à Parthenay par wagons à raison de quatre à cinq par jour, soit 80 à 100 tonnes de semoule. Les locaux de l’usine de fabrication s’étendaient sur deux étages qui surplombaient le hall de réception de la matière première et des produits finis avant leur conditionnement. Le second étage abritait les différentes presses où étaient fabriquées les diverses pâtes (spaghetti, macaroni, coquillettes, pâtes à potage…) et le premier étage était réservé aux séchoirs. Après un conditionnement provisoire en sacs de volume important, les pâtes étaient acheminées vers la deuxième unité parthenaisienne située à 800 mètres de distance où elles étaient pesées et mises en sachets de cellophane. Certaines pâtes étaient conditionnées automatiquement par des machines alors que d’autres, les articles de luxe (pâtes aux œufs…) étaient empaquetées à la main. Les pâtes étaient commercialisées sous 34 marques, principalement Panzani, Régia, Scamarelli mais aussi les marques propres aux groupements de distribution (Codec, Egé, Les Coopérateurs…). En 1948, deux ans après son installation à Parthenay, l’usine assurait une production annuelle de 2.250 tonnes ; en 1966, cette production était de l’ordre de 25.000 tonnes soit une moyenne de 85 tonnes par jour. L’usine de fabrication fonctionnait nuit et jour, ne connaissant qu’un ralentissement le dimanche. Cette production connaissait des fluctuations saisonnières qui reflétaient en quelque sorte la consommation alimentaire des Français de l’époque. « Après la fermeture pour congés du mois d’août, la fabrication subissait une forte production au moment de l’automne avant la trêve des confiseurs de fin d’année, époque où les négociants préféraient investir dans les chocolats plutôt que dans les pâtes alimentaires dont la consommation était quelque peu ralentie au moment des fêtes de fin d’année. Les estomacs fatigués et les porte-monnaie aplatis amenaient, au début de l’année, une reprise de la consommation des pâtes et donc de leur fabrication et ceci jusqu’à l’apparition sur les marchés des primeurs »2. A la fin de l’année 1965, l’usine Panzani de Parthenay employait 250 personnes, dont une soixantaine -uniquement des hommes - à la fabrication, et 115 employés au conditionnement, très majoritairement une main d’œuvre féminine et particulièrement jeune ; c’est dire la place essentielle que jouait Panzani dans la vie économique de Parthenay.

1 2

210 2 buvards publicitaires d’Hervé Morvan. Coll. privée.

211 Bassine en plastique, avant 1956. Coll. Privée © Musée municipal de Parthenay

Le blé dur a un grain allongé, de section presque triangulaire de couleur jaune ambré, moins d’amidon et plus de gluten que le blé tendre. BERNIER Michel, L’industrie dans la vallée supérieure du Thouet, de Secondigny à Airvault, mémoire de maîtrise, Université de Poitiers, 1967, p. 183.

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En revanche, l’usine parthenaisienne souffrait d’un certain nombre de handicaps : l’éloignement des semouleries, presque toutes localisées dans la région méditerranéenne, grevait le coût de revient de la matière première ; la séparation, à Parthenay même, entre unité de fabrication et unité de conditionnement entraînait des frais de manutention indéniables ; enfin, la fabrication manquait de place notamment pour le stockage de la semoule mais la localisation et l’état des bâtiments ne permettaient pas une extension sur place. Vers 1960, il avait été envisagé la décentralisation de l’usine de la région parisienne et la construction d’une nouvelle usine à Parthenay. L’accord ne se fit pas entre la municipalité d’alors et la société sur les conditions de cession des terrains nécessaires et le projet fut abandonné. Ces choix de Jean Panzani vont amener de nouveaux actionnaires et le transfert du siège social à Lyon. Le siège social quitte la ville de Parthenay en 1967 alors qu’on fabrique 30.000 tonnes annuelles. Ainsi la fabrication de pâtes est transférée à Maison-Alfort (Val-deMarne) et Marseille dans les usines issues des fusions avec Les Pâtes « La Lune » et « Ferrand-Renaud ». Le dépôt de Parthenay, situé rue des Loges, est agrandi de façon conséquente en 1985, et devient l’entrepôt de stockage et distribution du grand Ouest, de Brest à Bayonne. Il possède une surface de 15.000 m2 et un tonnage annuel de 75.000 tonnes.

En 1971, Gervais Danone achète PANZANI et fusionne avec la société Milliat Frères, puis l’ensemble intègre le groupe BSN en 1973 (qui possède les marques «Lu», «Evian», «Kronenbourg»); ensuite, il est repris par Paribas Affaires Industrielles en 1997 (qui achète « Lustrucu » en 2002); enfin en 2005, Ebro Puleva a pris le contrôle financier de la marque PANZANI. Aujourd’hui cette marque présente un tonnage annuel de 100.000 tonnes et est leader des pâtes alimentaires en France avec 36% de part de marché1. Le dépôt de Parthenay fermera définitivement le 31 juillet 1998, avec 31 salariés. Jean Panzani restera à la tête de l’entreprise comme présidentdirecteur-général jusqu’en 1978. Il décède à Saint-Didier-du-Montd’Or le 18 octobre 2003 et est enterré à Parthenay. La marque PANZANI est numéro un en France pour les pâtes et les sauces. Elle est présente aujourd’hui dans une cinquantaine de pays dans le monde. Ce qui la différencie des autres entreprises nationales c’est une idée : la présentation des pâtes dans des paquets conditionnés sous cellophane, alors que toutes les autres sont en boites en carton.

212 Projets publicitaires. Coll. privée

213 Vue des entrepôts rue des Loges. Coll. archives municipales.

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1

Renseignements de MM. Pigeau et Fillon, ainsi que des articles de presse : Figaro 24-02-2005 ; La Tribune 24-02-2005.


Jean Panzani comprend l’apparition du libre-service et la réorganisation de la distribution et il dit « il était évident que je serais national ou rien ». Il devient Président du syndicat des fabricants de pâtes alimentaires et c’est sa politique commerciale dynamique qui est à l’origine de son développement exceptionnel. Au début de ses campagnes publicitaires il utilise les services de Maurice BENEZECH (1910-1990) peintre et directeur de l’Ecole municipal de dessin de Parthenay (publicité « Francine »). Puis il développe la réclame avec l’aide de l’affichiste Hervé MORVAN (1917-1980)1 et du slogan : « A l’italienne de luxe », édité par Filed Publicité à Parthenay (publicité « fourchettes »). Ses annonces apparaissent dans « Paris-Match » en juin 1953 et janvier 1955. Ses campagnes publicitaires sont de grande ampleur : autobus et métro à Paris, dégustations aux Galeries Lafayette, caravanes publicitaires du Tour de France et des 24 heures du Mans, la Kermesse aux étoiles dans les jardins des Tuileries… Les vendeurs étaient intéressés aux ventes, les produits sont livrés en camions aux couleurs « PANZANI ». Les campagnes de publicité télévisées se sont développées de 1975 à 1995 avec le personnage de « Don Patillo » et le thème : « des pâtes oui, mais de Panzani ». Il ne s’agit pas de sa seule activité : il créera aussi une société de distribution d’eaux minérales.

214 Publicité de 1961 et 1965.

215 Collection de pins « Panzani », et de porte-clés. Coll. Privée. © Musée municipal de Parthenay

1

De 1952 à 1956, Affichiste renommé, plusieurs fois primé : rétrospective à la Bibliothèque Nationale en 1978 et à la Bibliothèque Forney en 1997. Protégé par l’ADAGP.

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- Conserverie de petits pois PEPI Rue Petites Loges. Fabrique de conserves de petits pois, construite sur le terrain d’Arsène Miot (en face de l’entreprise

Guédon). Au printemps 1947, les Conserveries du Sud-Ouest, implantées près de Bordeaux et dirigées par M. Pépi créent une succursale à Parthenay : les Conserveries des Deux-Sèvres. Placée sous la responsabilité de son neveu Jacques, l’usine ouvre ses portes en 1947. Une trentaine d’employés se répartissait la tâche. La société Pépi s’approvisionnait dans la Vienne (Chiré-en-Montreuil et Neuville). L’acheminement

de la matière première (pieds entiers de petits pois avec les cosses) était réalisé par la société TDS à l’aide de tracteurs attelés à des remorques. Deux batteuses implantées dans le bâtiment séparaient les grains des cosses, grains qui étaient ensuite, à l’aide de vis sans fin, transportés sur des tamis afin de calibrer le produit. Ils étaient répartis en cinq catégories. Après calibrage, les grains étaient lavés dans de grands bacs puis « blanchis », c'est-à-dire légèrement cuits dans de grandes bassines en cuivre, et enfin mis en boîtes après un léger salage. Les boites étaient ensuite placées dans deux autoclaves pour cuire pendant 45 minutes où le produit était stérilisé1. A plein rendement, ce sont près de 6.000 boites de petits pois qui sortaient quotidiennement de l’usine parthenaisienne. En période creuse, elle s’occupe de cornichons (il a envisagé de se lancer dans la pulpe de fruits, la viande et le poisson, mais il n’en sera rien). Les déchets (pieds et cosses vides) étaient séchés pour faire de la litière à lapins. Les riverains se rappellent comment les trottoirs se remplissaient de cosses en train de sécher au soleil… L’entreprise ferme les portes en 19492. Les locaux seront repris par l’entreprise Panzani pour y installer les entrepôts.

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1 2

Informations fournies par Claude Pacaud et Pierre Miot. Délib. CM 26-08-1949.


La production de lin et de chanvre La production agricole concerne aussi les fibres. Ainsi, la Gâtine est un lieu où l’on cultive tout à la fois le lin et le chanvre, mais dans de faibles proportions, surtout pour le lin. En l’an XII, le préfet Dupin indique, par exemple, que sur la commune de Pompaire « le sol

est sablonneux et très-sec : le lin et le chanvre, que l’on y cultive, réussissent peu »1 . En 1814, le rapporteur de la statistique indique : « La culture du chanvre est plus considérable que celle du lin ; cette dernière plante est cultivée plus particulièrement dans le canton de Moncoutant, c’est-à-dire dans la huitième partie de l’arrondissement, tandis que le chanvre se voit dans tous les autres cantons2. La méthode de culture, utilisée sur l’ensemble des Deux-Sèvres, mérite d’être mentionnée : « Le chanvre exige une terre très substancielle, bien meuble et légèrement humide. On le cultive sur les levées et sur les bords des marais, des ruisseaux et des rivières dans les terres qui reçoivent les égouts des chemins. On emploie pour engrais du fumier de pigeon et de volailles, de cheval, et de brebis bien consommés. On le seme par plancher d’un metre et demi de large dans une terre qui a dabord été profondement labouré à la pelle. Pour mettre la graine dans cette terre ainsi préparée, on fait un rayon avec le pic. On répand de la graine dans ce rayon et on la recouvre avec la terre que le pic prend pour faire un autre rayon à côté du premier et aisni de suite. La graine ne doit être couverte que d’un pouce de terre environ ou semé autant que possible en pleine lune de mars, et on garde soigneusement la terre ensemencé pour en écarter les oiseaux jusqu’à ce que le germe soit hors de terre. Si la terre n’est pas fraiche au moment de la semaille ou s’il ne pleut peu de jour après, la semence se perd, le germe avorte. Les grains naissent longtems l’un après l’autre et les premiers nés qui deviennent trop forts pour donner du brin de belle qualité nuisent à l’accroissement des autres »3. Pour le lin il faut 2 hectolitres de graines par hectare, et cette superficie permet de produire 200 kg de brins. Un hectare de chanvre, ensemencé avec 7 hectolitres de graines produit 350 kg de brins4. En 1812, l’arrondissement de Parthenay a produit 33 600 kg de lin

et 63.700 kg de chanvre, mais le canton de Parthenay n’utilise que 10 hectares pour le chanvre et 8 pour le lin. Pour l’ensemble de l’arrondissement, les terres destinées à ces cultures sont respectivement de 182 et de 168 hectares5. Si les archives conservent le souvenir de la culture du chanvre, y compris sur la commune de Parthenay, notamment à Saint-Paul, il n’en demeure pas moins que cette production n’avait pour but que de fournir le marché local, voire la consommation personnelle. La filasse de chanvre était d’un usage courant et il est fréquent d’en trouver mention dans le grenier des maisons. Utilisé pour la confection de cordages, il pouvait être tissé pour confectionner des toiles fortes, des sacs… Le lin, quant à lui, servait principalement et accessoirement à la confection d’étoffes, car il ne faut pas oublier qu’en Gâtine, c’était la laine qui était majoritairement tissée.

216 Illustrations du lin et du chanvre extraites du Dictionnaire des Sciences Médicales. Flore médicale. (vol.4, p.220 et vol.2, p.110) Coll. CERDO/UPCP- Métive.

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DUPIN An XII, p. 51. La statistique agricole de 1814, op. cit., p. 525. AD 79 12 M 19/2, réponses au ministre [1811 ou 1812]. AD 79 12 M 23/1, statistique de 1811. AD 79 12 M 19/2 réponses au ministre [1811 ou 1812].

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Les tiges de lin ou de chanvre se composent « d’une sorte de tuyau en bois qu’on appelle communément chenevotte, de filamens qui entourent ce tuyau en le suivant dans sa longueur, et d’une écorce plus ou moins épaisse qui recouvre les filamens »1. Après la récolte, l’opération nommé rouissage consiste à faire se détacher les filaments de la chenevotte. Pour cela « on a mis tremper le chanvre et le lin, par bottes, dans l’eau pendant un certain temps ; ou on les a exposés sur le pré à l’action de l’humidité et de la chaleur, ou même à la gelée. » La réussite de cette opération se joue sur la durée. Si le rouissage est insuffisant, il est difficile de récupérer les fibres, s’il a été trop important, les filaments ont commencé à pourrir et à se dégrader ce qui a pour conséquence de donner une fibre de mauvaise qualité. Dans un courrier du 4 novembre 1806, le sous-préfet Charbonneau détaille précisément la culture du chanvre autour de Parthenay : « Il n’y a qu’une seule espèce de chanvre, qui se divise en chanvre mâle et chanvre femelle, cette dernière parce qu’elle porte la graine, elle a le brin beaucoup plus fort que le chanvre mâle, et la filasse qu’on en retire est beaucoup plus estimé etant plus douce et moins cassante ; l’un et l’autre s’elève à la hauteur moyenne de trois pieds, cette hauteur etant subordonnée à la qualité du terrain. Quand elle est parvenue à sa maturité on cueille dabord le chanvre mâle, et un mois après environ le chanvre femelle, sans doute pour donner à la graine le tems de murir, on laisse secher le brin pendant quelques jours. Après quoi, on le met rouir dans differentes mares ou eaux courantes. Le rouissage dans les eaux claires et courantes est prefere, parceque le chanvre y acquiert une meilleur qualité et n’est pas aussi sujet à le pourir »2. Dans des réponses au ministre en 1811, il est indiqué : « Après avoir arraché le chanvre et le lin on obtient la graine en pas-

sant la tête des plantes mises a poignées à travers des clous posés pointe en haut sur une solive ou un madrier. On les faits ensuite rouir dans les ruisseaux, les étangs, les rivières, dans des douves. Au bout de huit à dix jour on les retire de l’eau et

on les fait sécher au soleil. Pour obtenir la filasse on frappe la poignée avec des maillets. On acheve de détacher le bois de la filasse en les passant dans le couteau de bois, et on détache les pailletes qui restent en les passant dans le couteau de fer. Pour obtenir le brin, on passe la filasse dans le peigne des filassiers ». La broie, avec ses doubles mâchoires de bois et de fer, est un instrument qui remplace avantageusement les maillets mais elle ne semble pas connue en Gâtine pour la période étudiée ici3.(Fig. 217). En 1888, Henri Baudrillart note que la culture du chanvre est en déclin et qu’elle ne se rencontre plus que dans la vallée de la Sèvre Niortaise. Cela n’indique pas pour autant que dans certaines exploitations agricoles, un coin de terrain approprié ne serve pas encore à y faire pousser du chanvre. Certaines statistiques, notamment en 1811, mentionnent une filature de chanvre, une filature de lin, deux fabriques de toile de chanvre et deux fabriques de toile de lin à Parthenay4. D’autres n’en font pas état. Il semble en fait que cette activité a lieu de temps en temps sur commande et elle n’est pas suffisante pour mériter d’être prise en compte dans des statistiques. A.V.

217 Broie, N° inv. 2006.0-41 © Musée municipal de Parthenay

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CHRISTIAN M., Instruction pour les gens de la campagne sur la manière de préparer le lin et le chanvre sans rouissage, Paris, imprimerie de Madame Huzard, 1818, p. 4. AD 79 6 M 23/7. AD 79 12 M 19/2. Sur l’industrie du chanvre, Henri GELIN, op. cit.,tome 1, p. 150-159. AD 79 10 M 17/1b, statistique de 1811.


XVIII. La filature de coton - Filature de Parthenay – Compagnie européenne de Fils (CEF) Z.I. de la Chauvelière, rue Gustave Eiffel. La création de la société COMPAGNIE EUROPEENNE DE FILS a eu lieu en 1991. Les initiateurs du projet ont été Michel STARKMAN, M.

BROUWERENS, Paul ROMEIN et Mme Isabelle ROGUEZ. Ce projet industriel du début des années 1990, initialement prévu pour une installation à Dunkerque, a abouti à Parthenay sur la zone industrielle de la Chauvelière, facilité par le maire de l’époque. Il s’agissait d’un concept très automatisé de filature, type « Coton Peigné» , proposé par un consortium de constructeurs de machines textiles. Le choix en matière des machines des initiateurs fut alors celui des constructeurs allemands de renommée mondiale : TRUTZSCHLER : spécialiste des machines de nettoyage, d’ouverture et de cardage du coton ; ZINSER : spécialiste du filage du coton ; SCHLAFORST : spécialiste du bobinage. L‘année 1991 fut consacrée à l’étude, aux choix techniques du matériel et de son implantation dans un bâtiment adapté à recevoir une Filature de dernière technologie avec des continus à filer à grande vitesse (20 000 t/min) . L’année 1992 a vu naître le projet avec la construction du site industriel : - un hall de production de 8.000 m2. - un stockage destiné aux produits finis de 2.000 m2. - un bâtiment de stockage de la matière première de 2.000 m2. Les travaux de génie civil ont débuté en avril 1992, les premières machines sont arrivées fin septembre 1992. Dès le mois d’octobre 1992, l’installation des machines a commencé et le premier fil produit a été réalisé le 25 mars 1993. L’année 1993 fut l’année du recrutement, de la formation du personnel à la conduite des machines de production, de la mise en route progressive des lignes de production pour arriver dès le mois de septembre à la pleine production. Les 16 continus à filer, de 1.080 broches unitaire (Zinser type 330), sont linckés aux bobinoirs (Schlafhorst type 238). En fonction de la grosseur du fil (Nm moyen)1, 5.000 à 6.000 kg de fils peignés sont produits par jour. Ce sont des fils de grande qualité, livrés pour le tissage en utilisation chaîne ou trame, mais également destinés au tricotage, à la broderie et à la teinture. - 20% de la production de fils simples est transformée en retors pour les marchés administratifs de la chemise et de l’habillement haut de gamme. - 70 % des fils sont des fils de coton peigné répartis en deux classes : * le coton peigné de type « amérique supérieure » du Nm 50 au Nm 85. * Le coton peigné longues fibres type « pima et egypte » du Nm 68 au Nm 135. - Le reste de la production est réalisée en mélanges polyester / coton dont une partie est produite avec des microfibres.

218 Logo de l’entreprise

Les marchés sont essentiellement nationaux, cependant 25% des filés sont exportés en Espagne, Autriche, Suisse, Angleterre et Etats Unis. L’effectif est alors de 80 personnes, réparti en 5 équipes qui travaillent selon un cycle continu et alternant. L’horaire de production hebdomadaire est de 168 heures (soit 7 x 24 heures). La Filature produit alors 343 jours par an avec cette organisation. L’entreprise se trouve dès 1993 avec une organisation de travail proche des 35 heures hebdomadaires. Le personnel féminin représente 50% des opérateurs. La Filature a trouvé rapidement son niveau de production optimum et ses débouchés commerciaux grâce à l’équipe technique mise en place2. Cette unité ultra-moderne a produit des fils de grande qualité dans un atelier rationnel et souple. Il s’agit de la dernière implantation en France d’une filature de coton peigné. Les exigences imposées au parc de machines ainsi qu’aux systèmes et aux solutions de liaison étaient par conséquent élevées. L’intégration de système de transport, de contrôle qualité et d’information ont permis d’atteindre des standards de qualité et de productivité. Ainsi la Filature a été classée parmi les unités européennes les plus performantes. 1 2

Nm : unité définissant la grosseur d’un fil. Par exemple : Nm 68 : 68.000 mètres de fil pèse 1.000 g. Roland DAVID, ingénieur textile (ESITE), directeur technique, commercial et du personnel ; José DACOSTA technicien textile ; Joël FOURRIER technicien textile ; Mme Nelly DACOSTA opératrice de grande expérience qui a assumé le rôle de formatrice sur les postes de travail et assurer la mise en place des contrôles qualité ; Mme Marie Christine LEBEAU comptable.

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La Filature bénéficiait des machines textiles les plus modernes des années 1990 avec les dernières innovations techniques : * Liaison par un transport automatique de l’alimentation des bobines depuis les bancs à broches jusqu’aux continus à filer. * Retour après filage des tubes propres aux bancs à broches. * Transport des cops du continu à filer vers le bobinoir était résolu par une liaison directe. * Evacuation automatique des bobines croisées vers le poste d’emballage. * Gestion informatisée et centralisée des données de production et de qualité à chaque stade de production. L’année 1994 fut marquée par la disparition des investisseurs initiaux, la Compagnie Européenne de Fils avait atteint une notoriété nationale et européenne dans le monde du textile. Les fils produits étaient reconnus et appréciés. En partenariat avec plusieurs tisseurs français, la Filature produisait les fils destinés aux marchés administratifs tels que l’Armée de Terre, l’Armée de l’Air, la Marine, la Gendarmerie et la Police Nationale. Lors de son dépôt de bilan en octobre 1994, la Compagnie Européenne de Fils a attiré pour sa reprise, les entreprises textiles de renom : Caulliez frères, les tissages Frêmaux, la Filature de Cheniménil, les groupes UCO, Utexbel et Verbecke.

Le repreneur a été choisi en avril 1995 par le Tribunal de Commerce de BRESSUIRE : La Filature de CHENIMENIL S.A. une entreprise vosgienne familiale, fondée en 1909 et dirigée par M François Régis de SEZE. La Filature de Cheniménil était spécialisée dans la Filature Coton, (Open end et fil peigné conventionnel) et devenait la plus importante filature française. La Compagnie Européenne de Fils prenait alors l’appellation suivante : « Compagnie Européenne de Fils – Filature de Cheniménil ». La notoriété établie sur le marché du fil « Coton Peigné » depuis sa mise en route avait incité le nouveau dirigeant

à maintenir son identité. Le destin de cette entreprise semblait alors stabilisé et parfaitement intégré dans le monde industriel du textile. La Filature de Cheniménil réorganisait ses sites de production et poursuivait les investissements complémentaires nécessaires pour maintenir ses unités de production au meilleur niveau technique afin de donner à sa clientèle les meilleures garanties de services et qualité. A compter de 2003, la Filature de Cheniménil S.A. décide une restructuration de ses sites de production, en créant une holding1 et des sites de production indépendant. La « Compagnie Européenne de Fils – Filature de Cheniménil » devient alors Filature de PARTHENAY S.A.S.2

219 2 balances pour mesurer la grosseur du fil (titre du fil) : © Musée municipal de Parthenay 220 12 bobines de coton n° inv.. 2005.13.1-12 © Musée municipal de Parthenay

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Une Holding est une société ayant pour vocation de regrouper des actionnaires qui souhaitent acquérir une influence significative dans les diverses sociétés détenues. La création d’une Holding permet aux majoritaires d’accroître leur pouvoir dans les affaires gérées. Via des participations financières, la holding gère et contrôle des sociétés ayant des intérêts communs. Société s.a.s : société anonyme simplifiée.


Investissements complémentaires à Parthenay : - 1995 : * 3 machines d’étirage du constructeur suisse RIETER, pour permettre d’optimiser l’organisation et permettre le développement de la fabrication de nouvelles microfibres. * 1 peigneuse, dernier modèle du constructeur RIETER. - 1997 : * Extension du parc de retordage avec l’installation de 2 nouvelles machines de 144 broches. * Changement du système informatisé des données de productions et de qualité. * Remplacement des dispositifs d’épuration électronique des fils sur l’ensemble des têtes de bobinages (nb : 352) par la dernière évolution technique du constructeur LOEPFE (épuration des fibres étrangères polluant le coton). - 1999 : * Modification de la ligne d’ouverture et de nettoyage du Coton, matériel du constructeur allemand TRUTZSCHLER, afin d’adapter les nouvelles technologies à l’évolution agricole du coton. * Extension de la carderie, passage de 9 à 16 cardes. * Extension du peignage, passage de 9 à 11 machines. * Installation d’un détecteur de fibres étrangères sur la ligne de nettoyage du coton (Optiscan du constructeur Suisse ZELLWEGER).

- 2001 : * Installation de deux lignes complémentaires de filage, issues de la dernière innovation technique de filature et de bobinage apparue en 2000 : le conti-

nu à filer de type « compact ». Soit 2 continus à filer du constructeur allemand SUESSEN type Fiomax de 1.200 broches, accouplées à 2 bobinoirs du constructeur italien SAVIO type Orion dont les broches sont équipées du Twin splicer (noeur épisseur). La Filature possède alors 19.680 broches de filage (augmentation de 13.8 %). Sa production journalière dépasse les 400.000 km jour, soit environ 5.900 kg par jour pour un Nm 68. Ce nouvel investissement important a amélioré la productivité de l’unité, car il s’est effectué sans augmentation de personnel. Le résultat n’a pu être réalisé que grâce à l’optimisation des réglages, des choix de matière première et des précédents investissements. * Remplacement du détecteur de fibres étrangères de la ligne de nettoyage du coton par un disposition de nouvelle génération (type Sorter du constructeur suisse LOEPTEX).

221 Photographies de l’entreprise. Coll. Privée

- 2005 : * Installation complémentaire de la dernière technologie de détection de fibres étrangères sur la ligne de nettoyage du coton : matériel JOSSI (constructeur suisse). 121


Situation économique de l’industrie textile française. Les échanges internationaux de l'industrie du textile et de l'habillement ont été depuis longtemps soumis à un régime exceptionnel de limitations quantitatives réglementées par les accords multi-fibres. Les accords de Marrakech, signés en 1994, incluaient l'Accord sur le Textile et le Vêtement qui prévoyait la suppression du système des quotas en dix ans 3/4, c'est-à-dire en 2005. Cet événement, qui se combine avec l'entrée de la Chine dans l'OMC dès 2003, provoque une remise en cause profonde de l'industrie à l'échelle mondiale et notamment la suppression massive d'emplois dans les pays développés. Le recours par l'Administration américaine aux clauses de sauvegarde pour bloquer les exportations chinoises de trois produits porte atteinte, au moins partiellement, au processus de démantèlement des quotas et augure mal de la reprise des négociations multilatérales. Pour faire face, les industriels européens avaient le choix entre plusieurs options : - suivre la voie américaine de la protection, en prétextant le risque de report sur l'Europe des exportations chinoises ; - s'implanter dans les grands pays émergents pour accéder à leur marché ; - lutter pour le maintien d'une préférence régionale notamment au profit des pays de la zone euro-méditerranéenne ; - investir dans l'innovation et le maintien de savoir-faire uniques ; - jouer sur la différenciation des produits, notamment à travers les stratégies de marque ou celles d'intégration de la distribution. L’industrie textile Européenne est alors sacrifiée au profit de la vente des Airbus, et se trouve confrontée à l’augmentation des importations de produits finis à des prix totalement inacceptables. Le dumping chinois dérange, mais ne peut être sanctionné car la menace d’annulation de commandes des “Airbus plane”. Les politiques oublient rapidement les clauses possibles de sauvegarde et deviennent alors complices des centrales d’achats et de la grande distribution qui prônent sans vergogne les prix bas, chers à la défense du pouvoir d’achat des consommateurs. En contrepartie l’industrie textile européenne se démantèle, la France perd environ 2.000 emplois par mois. La Filature de Parthenay S.A.S. voit alors ses valeurs ajoutées s’effondrer progressivement pour atteindre moins 40 à moins 50% en début 2005. En ce début 2005, la Filature de Parthenay qui disposait toujours d’un outil performant, adapté à la production de fil Coton peigné de qualité, est conduite à cesser ses activités, car face à une concurrence déloyale rien ne peut être envisagé. En effet, à cette date, même avec des salariés bénévoles et sans payer la moindre charge, le coût de transformation était trop élevé pour pérenniser l’entreprise. La Filature de Parthenay S.A.S. s’arrête définitivement le 13 mai 2005. L’ensemble des machines de production a été vendu à une société indienne

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GOPINATH Spinning Pvt, qui construit un bâtiment neuf dans la région de Bombay afin d’y faire revivre cette Filature de coton peigné.

222 Photos de l’entreprise. Coll. Privée.


Annexes

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L’image de Parthenay dans le monde agroalimentaire

Les industries agroalimentaires parthenaisiennes n’ont pas oublié d’évoquer leur ville à travers leurs productions, jouant parfois même à faire rencontrer leur domaine de fabrication avec l’image médiévale de Parthenay ! Tout d’abord, qui d’entre vous n’a jamais vu une boîte de camembert illustrée d’un symbole évoquant le lieu

de sa production ? Ainsi l’exemple parthenaisien que constitue la laiterie Barribaud illustrait-il ses emballages de fromage et de beurre d’une représentation de la célèbre Porte Saint-Jacques. Cette utilisation de l’i-

mage de la ville s’affirme en quelque sorte comme une marque d’ « authenticité » du produit. En effet, elle rattache le produit à un terroir, et entraîne ainsi l’adhésion du consommateur de plus en plus avide de produits « traditionnels ».

Par ailleurs, les producteurs eux-mêmes ont su montrer leur attachement à leur « pays » en réalisant des représentations de Parthenay avec leurs propres produits. Eh oui, les monuments de la ville n’ont pas seulement intéressé les peintres, mais également les industries agroalimentaires ! Et lorsqu’il s’agit de représenter un symbole de la capitale de la Gâtine, c’est toujours le même : la Porte Saint-Jacques. C’est ainsi que l’entreprise Panzani réalisa dans les années 1950 une Porte Saint-Jacques en pâtes d’environ un mètre de hauteur ! Cette réalisation montre bien le lien capable d’unir une ville et ses entreprises.

223 Etiquette Fromage Barribaud avec Porte St-Jacques (Coll. Musée)

224 Photographie de la Porte Saint-Jacques en pâtes. © Courrier de l’Ouest.

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225 Photographie de la Porte Saint-Jacques en pâtisserie (Archives municipales, 18 Fi 165) (gâteau d’inauguration Carna Fiesta de 1994)

226 Etiquette de vin La Belle Fille de Parthenay Coll. privée.

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Des Parthenaisiens récompensés Des occasions de se faire connaître et reconnaître… Salons, expositions industrielles, Expositions universelles Au cours du XIXe siècle, les expositions de produits industriels et agricoles se développèrent, donnant aux producteurs l’occasion de se faire connaître et de vanter la qualité de leur(s) produit(s). Les plus importantes d’entre elles avaient naturellement lieu à Paris, où se tenaient notamment les Expositions des Produits de l’Industrie. Outre ces manifestations nationales, plusieurs Expositions Universelles se déroulèrent en France à partir du milieu du siècle; elles donnent, aujourd’hui encore, à chaque nation, l’occasion de montrer leurs productions industrielles les plus modernes. Néanmoins, si ces événements étaient particulièrement importants dans le monde industriel, ils n’étaient cependant pas les seuls. En effet, depuis le milieu du XIXe siècle avaient lieu de nombreuses expositions industrielles régionales ou locales. Ces dernières étaient très souvent accompagnées de concours, et donc de récompenses. Tous les producteurs ne souhaitaient pas forcément être présents, ces récompenses ne s’appuyaient donc que sur une concurrence réduite. Cependant, la connaissance des médailles reçues par les fabricants présente un intérêt puisqu’elle nous informe sur leur personnalité. En effet, leur choix de se déplacer aux quatre coins de la France affirme une volonté certaine de se montrer, et ainsi d’acquérir une plus grande notoriété. Nous pouvons ainsi évoquer la distillerie Rambeaud, attestée à Parthenay de la fin du XIXe siècle à 1917. En effet, cette entreprise fut récompensée quatre fois en deux ans, dans quatre villes différentes : tout d’abord en 1892, à Nice, où elle reçut la médaille d’Argent ; en 1893 à Royan (diplôme d’Honneur) et Monaco (médaille de Vermeil) ; enfin en 1894 à Bordeaux, où elle obtint à nouveau un diplôme d’Honneur. Ces données nous sont affirmées par une facture sur laquelle elles sont mentionnées, en signe d’une qualité reconnue. Citons également la biscuiterie Rambeaud, qui fabriquait des gâteaux à Parthenay dans la seconde moitié du XIXe siècle. Elle fut

récompensée lors de l’Exposition Universelle de 1889, pour laquelle elle créa des gâteaux aux amandes pouvant se conserver frais assez longtemps. D’autre part, la qualité de ses produits fut reconnue à l’occasion de concours régionaux, notamment à Nice, en 1892, et à Bordeaux, en 1894, où elle reçut un diplôme d’Honneur. Par ailleurs, en 1870 est créé le Concours Général Agricole (CGA), qui récompense ses participants émérites de médailles d’or, d’ar-

gent ou de bronze, selon la qualité du produit présenté. Nous savons que la laiterie parthenaisienne Barribaud reçut une médaille d’Or à Paris en 1923 et 1929 ; il est probable que ces deux récompenses aient été obtenues lors du Concours Général Agricole. Le producteur a ici choisi de les évoquer sur l’emballage de son produit : une plaquette de beurre. Ainsi, ces médailles et diplômes d’Honneur servaient de faire-valoir au produit, de le mettre davantage en avant en les mentionnant sur les emballages, ou encore sur les en-têtes de factures. Ces récompenses étaient en effet affichées comme la garantie d’un produit de qualité.

227 Détail de l’emballage de la plaquette de beurre Barribaud n° inv. 2006.16.1

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228 Publicité Rambeaud, publiée par L.Fleuret



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