Mémoire - Architecture incrémentale - Hamza Zine El Aabidine

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UNE SOLUTION NOVATRICE POUR L’HABITAT AU MAROC ? L’ARCHITECTURE INCRÉMENTALE MARRAKECH Réalisé par : Hamza ZINE EL AABIDINE Année universitaire : 2019-2020Encadré par : Mohamed BENNANI - Jury composé de : Giovanni SANTI - Rim AFA -Abdeslam KHAMAL

TPFE : 2019-2020

L’Architecture incrémentale une solution novatrice pour l’habitat au Maroc ?

Hamza ZINE EL AABIDINE

Travail dirigé par : Mohamed BENNANI

Jury composé de : Giovanni SANTI - Rim AFA - Abdeslam KHAMAL Soutenance prévue pour Décembre 2020 à L’ENA Marrakech

3 ECOLE NATIONALE D’ARCHITECTURE DE MARRAKECH

REMERCIEMENTS

Je tiens à exprimer ma gratitude envers toute personne ayant contribué à l’élaboration et au développement de ce mémoire. Je remercie l’administration de mon école, plus particulière ment Rim AFA pour sa patience et ses conseils judicieux, ainsi que le corps professoral représenté par Giovanni SANTI, Abde slam KHAMAL, Massimiliano MARTINO, qui ont accompagné mon avancement et m’ont assisté avec enthousiasme et in térêt. Je remercie spécialement mon encadrant, Mohamed BENNANI pour sa rigueur, son suivi et la qualité de ses remarques tout au long de cette année de travail.

« L’incrémentalisme ne veut décider de chaque étape qu’au moment où il l’aborde et pendant son cours : à chaque étape, il regarde en arrière. Il refuse de décider trop tôt les étapes suiv antes ni surtout la totalité de l’opération sans la soumettre aux événements de chaque phase. Ainsi, la fin n’est pas définie dès le début. L’incrémentalisme est la façon la plus écologique de décider : Par la participation continue de toutes les infor mations et de tous les informateurs qui surgissent au cours de l’opération. Cette méthode signifie : ‘On apprend à marcher en marchant’1 » Lucien Kroll.

1 Lucien Kroll, Pour une éco-alphabétisation, in Alter architectures, Manifesto, Thierry Paquot, Yvette Masson-Zanussi, Marco Stathopoulos, Eterotopia, 2012, p.213

5

Compte tenu de la situation critique de l’habitat au Maroc et des choix limités qui s’offrent à toute famille n’ayant pas assez de moyens pour construire une maison convenable, j’ai vu en l’incrémentalisme une solution intéressante à cette probléma tique. Totalement à l’opposé de l’approche de production en masse d’apparte ments standardisés, cette méthode de conception rendu populaire grâce au tra vail d’Alejandro Aravena, lauréat du prix Pritzker 2018 a été largement louée par les spécialistes de l’architecture à travers le monde entier, pour sa flexibilité et ses qualités sociales. L’objectif de ce mémoire est d’étudier l’incrémentalisme plus en profondeur, déterminer ses points forts ainsi que ses points faibles, travailler sur une réinterprétation du logement au Maroc en établissant des principes, sur lesquels nous pourrons nous baser, pour ensuite travailler et développer une architecture à faible coût, adaptée à nos mœurs et à nos modes de vie, réactive et respective de l’environnement et de la culture locale.

Given the current situation of housing here in Morocco, and given the limited avail able choices for any family that does not have enough resources to build a suitable house, I thought that incrementalism might be an interesting solution to this problem. Unlike mass production, this approach, that was made popular thanks to the work of Alejandra Aravena, winner of the 2018 Pritzker prize, has been widely praised by architecture specialists all over the world for its flexibility and social benefits. The ob jective of this thesis is to study incrementalism, determine its advantages and weak nesses, in order to work on a reinterpretation of the housing models that are com monly used in our cities, and then establishing principles, that will helps us later in developing a low-cost architecture that is eco-friendly, respects our local culture and is adapted to our lifestyle.

RESUME
ABSTRACT

صخلم

ةرسأ يلأ ةحاتملا ةدودحملا تارايتخلااو برغملا يف جرحلا ينكسلا عضولا ىلإ رظنلا دعب ريثم لح يجيردتلا ءانبلا نأ تيأر دقف ، بسانم لزنم ءانبل ةيفاكلا ةيداملا لئاسولا كلمت لا هذه تحبصأ ، لزانملاو ققشلل يعانصلا جاتنلإا جهن سكع ىلع ،لكاشملا هذهل مامتهلال ةسدنهلا ءاملع داشأ دقو ، 2018 ماعل زكزتيرب‘ ةزئاجب زئافلا لامعأ لضفب ةلوادتم دج ةقيرطلا فدهلا .ةددعتملا ةيعامتجلاا هلاصخو هتنورمل كلذ و ،عساو قاطن ىلع أدبملا ادهب ةيرامعملا طاقنو هتوق طاقن ديدحتو ، قمعلا نم ديزمب يجيردتلا ءانبلا ةسارد وه ةحورطلأا هذه نم عيطتسن ئدابم عضو للاخ نم برغملا يف ينكسلا عاطقلا مييقت ةداعإ ىلع لمعلاو ، هفعض انتاداع عم فيكتت ، ةفلكتلا ةضفخنم ةيرامعم ةسدنه ىلإ لوصولل اهريوطت ىلع لمعلا ةيلحملا ةفاقثلاو ةئيبلا عم قفاوتتو بيجتست ، انتايح طامنأو

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Ayant vécu toute ma vie à Marrakech, et mes premiers jours à la médina, je trouve que cette ville a beaucoup à offrir. Néanmoins, malgré sa richesse culturelle, son histoire et ses traditions, son architecture ne suit pas toujours. En effet, l’extension qui se fait d’une manière non contrôlée ne rend pas justice à cette cité millénaire, le modèle de logement économique, choisi uniquement pour sa rentabilité et sa fa cilité de mise en œuvre est en train d’envahir la ville. Des quartiers en entier faits en béton, sans espaces verts ni beauté architecturale, tellement ennuyeux et n’offrant aucune qualité de vie pour les gens qui y vivent, m’ont poussé à me questionner sur le futur de l’architecture sociale aujourd’hui dans notre pays. Après en lisant Hassan Fathy, j’ai pris conscience de l’importance de l’approche participative, et les nom breux bienfaits qu’elle peut avoir quand elle est bien encadrée, son travail, bien qu’il soit principalement dans des milieux ruraux a apporté plusieurs solutions pour la réduction du coût des maisons et proposer une qualité architecturale meilleure et diversifiée, à l’opposé de ce qu’a amené le mouvement moderne et l’industrialisa tion du logement.

Je me suis intéressé par la suite à l’improvisation des habitants en termes de con struction, et les résultats intéressants qu’elle peut avoir, d’ailleurs certains bidonvilles illustrent de la plus belle des manières de quoi est capable le génie humain, leurs complexité et leur diversité, ainsi que les liens sociaux entre leurs habitants sont ex actement ce qui manque aujourd’hui à la ville moderne. Ces deux points ont attiré mon attention vers le travail du groupe ELEMENTAL, chapeauté par Alejandro Ara vena, architecte, qui a rendu populaire la démarche incrémentale, une démarche qui permet d’allier les points positifs de la construction formelle à la créativité et la diversité de l’informel.

9 PREAMBULE

CHAPITRE 1 : L’INCRÉMENTALISME

CONCEPt : ORIGINES HISTORIQUES

Concept et origines historiques.

L’INCREMENTALISME EN INFORMATIQUE

L’INCRÉMENTALISME DANS LE DOMAINE DE L’ARCHITECTURE

La complexité et la diversité de l’architecture

ECOLOGIE

. . . . . . .

. . .

. . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Architectes incrémentalistes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

NICOLAS HABRAKEN

YONA FRIEDMAN

LUCIEN KROLL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

ALEJANDRO ARAVENA

FORME ET CONCEPTION

DESIGN : . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . .

ANALYSE DES AVANTAGES ET DES INCONVÉNIENTS DE L’INCRÉMMENTAL

10 TABLE DES MATIERES INTRODUCTION 16 1. Méthodologie : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 2. Problématique : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 3. Hypothèses : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
21 1.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 1.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . 26 1
28 2.
.
31 1.
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32 1
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.
. 32 2.
33 1
33 2
34 3
38 4
39 1
.
43 2
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44 3 BIDDING 45 4 CONSTRUCTION 45 5 DONNER L’EXEMPLE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46 3. Le bidonville, un exemple d’architecture évolutive . . . . . . . 46 3.
ISME . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51 1. Avantages et inconvénients de l’incrémentalisme : . . . . . . . 52 1 VOLET ENVIRONNEMENTAL 53 2 VISIONS CONTRAIRES 56 3 ESTHETIQUE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57 4 VERTICALITE 57 5 CHANGEMENT DU ROLE DE L’ARCHITECTE 58 6 QUALITE ET SECURITE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58 7 L’EXTENSION EST UN CHOIX 59 CHAPITRE 2 :LE CONTEXTE MAROCAIN 61 4. ETUDE DE LA PROBLÉMATIQUE DU LOGEMENT AU MAROC Collectif et individuel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63

Habiter, selon différentes visions

L’APPROCHE HUMAINE DE HASSAN FATHY

L’APPROCHE DE LE CORBUSIER

VISION DE HEIDEGGER

APPROPRIATION DE L’ESPACE

LA FAMILLE AU MAROC

L’APRES CORONA

Inventaire des interventions

qui ont été faites depuis le protectorat

. .

LA PERIODE COLONIALE

. . . . . 70

PERIODE POST-COLONIALE : 74

Vue critique sur le logement social au Maroc . . . . . . . . . . 76

LE RAPPORT QUALITÉ / PRIX 77

LA RÉACTION DES HABITANTS

. . . .

IMPORTANCE DE L’APPROCHE PARTICIPATIVE.

78

. . . . . . . . . . . 81

Importance de l’approche participative et de l’incrémentalisme 82

SURÉLEVATION DES MAISONS À PATIO SUR TRAME 8 X 8 . . . . . . . 82

SURÉLEVATION DES MAISONS À PATIO SUR TRAME 8 X 8 83

LES IMMEUBLES DES CARRIÈRES CENTRALES 84

6. REINTERPRETATION DES MODELES DE LOGEMENT COLLECTIF ET INDIVIDUEL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89

1. Réinterprétation du modèle de logement individuel

. . . . . 90

L’INDIVIDUALITÉ 90

LE COÛT

LA PARTIE À CONSTRUIRE

LA THERMIQUE

LES VALEURS VEHICULÉES

Réinterprétation du modèle

COLLECTIF

COÛT

PARTIE

. . .

logement

DE

QUINTA

11 1. Présentation générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64 2.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . 65 1
65 2
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66 3
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66 4
66 5
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67 6
67 3.
principales
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. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70 1
. . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2
4.
1
2
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1.
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1
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91 4
91 5
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
91 2.
de
collectif . . . . . . . . 93 1 LE
94 2 LE
94 3 L’ECOLOGIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94 4 LA
A CONSTRUIRE 94 CHAPITRE 3 : BENCHMARKING 99 7. PROJET PREVI . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100 1 ANALYSE DES TYPOLOGIES 103 2 ANALYSE DES EXTENSIONS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107 3 COMPOSITION DE LA PARTIE DE BASE . . . . . . . . . . . . . . . . 110 8. PROJET
LA
MONROY . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114 1 ANALYSE DES TYPOLOGIES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117 2 ANALYSE DES EXTENSIONS 121 3 COMPOSITION DE LA PARTIE DE BASE 124

CADRE

CADRE

L’ARCHITECTE

MATERIAUX

CONCEPTION

. . . .

. . .

. . . . . . .

.

DENSITE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

CHAPITRE 5 : PROJET 152

1. ANALYSE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153

1. INTRODUCTION AU PROJET ET CHOIX DU SITE . . . . . . . . . . . 154

2. ANALYSE URBAINE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 156

2. LE PROJET . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 155

1. L’IDEE DU PROJET . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 180

2. MONTAGE FINANCIER . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181

3. SCHEMAS EXPLICATIFS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 188

4. PLANS ET AXONOMETRIES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 206

5. COUPES ET FACADES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 250

6. IMAGES DE SYNTHESES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 262

12 9. ETUDES DES SYSTEMES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 127 1. Systèmes structurels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128 1 LE SYSTÈME OUVERT 128 2 LE SYSÈME COUVERT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129 3 LE SYSÈME CLOS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129 4 LE SYSTÈME FERMÉ 130 2. La gestion des espaces libres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130 10. POD VENDING MACHINE SKYSCRAPER . . . . . . . . . . . . . . . . 136 CHAPITRE 4 : Synthèse 141 11. ADAPTATION DU PROCESSUS AU CAS MAROCAIN . . . . . . . . . . 143 1. LE
SOCIAL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145 2. LE
ECONOMIQUE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146 3.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146 4.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147 5.
. .
. . . . . . .
.
. . .
. 148 6.
149
BIBLIOGRAPHIE 276 TABLE DES FIGURES 280
14
15 INTRODUCTION

Aujourd’hui, il est de fait que l’architecture résidentiel en général s’inscrit de plus en plus dans une vision productiviste et consommatrice, délaissant toute sorte de flexibilité, de complexité et de capacité à s’adapter au contexte culturel et au mode de vie des habitants. Ce type d’architecture est destructeur de la culture et de l’environnement.

Le mouvement moderne avait pour but la rationalisation de la conception du mi lieu habité et de sa fabrication et une démocratisation brutale du logement1.Aujo urd’hui, il est temps de prendre en compte les erreurs du passé pour produire une architecture durable, respectueuse de l’environnement et de la vie, malgré que ce terme a souvent été utilisé pour des fins de marketing, nous retiendrons ici la défini tion de Harlem Brundtland, premier ministre norvégien (1987) « Un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs besoins »2 .

La transformation est le maitre mot de cette nouvelle ère architecturale, il est impor tant de réactualiser les manières de construire ainsi que notre vision de l’habitat, il est nécessaire de trouver des solutions pragmatiques avec les différents intervenants du domaine et surtout avec ses mécènes, sans oublier, que cette nouvelle perspec tive doit faire marcher l’économie de construction, et créer des emplois.

Aussi, ne faut-il pas changer les mentalités, notre manière de voir l’architecture ? nos avis sur les matériaux et les techniques de construction les plus simples vu les nom breux avantages que ces derniers offrent. En outre, l’architecture incrémentale est une architecture fléxible, durable, capable de s’adapter à chacun de ces éléments et pouvant évoluer et être mise à jour.

Comme a dit Lucien Kroll :« L’incrémentalisme ne veut décider de chaque étape qu’au moment où il l’aborde et pendant son cours : il refuse de décider trop tôt ni les étapes suivantes ni la totalité de l’opération sans la soumettre aux évènements successifs de chaque phase. Ainsi, la fin n’est pas définie dès le début ».3 Ce mode de pensée vient s’opposer à toute une époque régie par la production en masse et par un stéréotypage qui a effacé toutes les spécificités locales, nos logements identiques, ne présentent aucune sensibilité et ne sont pas adaptés aux personnes qui y vivent.

1 Kroll, Lucien, personne interviewée et RESSELLER, Yvonne interviewer, Regards impressionistes sur les pay sages habités, Tendem, ‘’Conversation avec, no 69’’, 2011 p43

2 Inseewww.insee.fr › metadonnees › definition

3 KROLL Lucien, personne interviewée et RESSELER, Yvonne, interviewer. Regards impressionnistes sur les pay sages habités, Tendem, ‘’Conversation avec, no 69’’, 2011 p4

16 INTRODUCTION

Nos villes, deviennent de plus en plus défigurées, et cela à cause de la propagation de prototypes de logements dans le cadre d’une large production en masse, une démarche bâtie uniquement sur le profit et qui est en même temps dévastatrice de toute culture.

Le logement social au Maroc et comment le traiter constitue un réel challenge devant le développement du pays, et l’architecture incrémentale à mon avis, mal gré qu’elle soit majoritairement populaire que dans les pays d’Amérique latine, peut constituer une solution à la crise de logement qu’on est en train de vivre, et cela parce que c’est une méthode de conception flexible qui permet aux habit ants d’adapter leurs logements et de les façonner afin de répondre de la meilleure manière aux problèmes dont ils souffrent quotidiennement. c’est une vision de la construction flexible, participative, modulaire et surtout réactive. L’approche incrémentale en architecture serait-elle une voie humaniste favorable à une évolution durable et écologique de l’architecture sociale au Maroc ?

Méthodologie :

Afin de mener au mieux cette étude, il est nécessaire d’étudier le concept de l’in crémentalisme à partir de ses origines. Ce concept ayant été utilisé dès les années 40, est devenu populaire grâce au travail de l’architecte Alejandro ARAVENA, ce dernier a dévoilé tout son processus et ses intentions dans un manuel qui a pour but répandre la pratique incrémentale. De ce fait, il est obligatoire, après avoir étudier l’incrémentalisme et les architectes précepteurs qui l’ont introduit dans notre do maine, de vivement s’intéresser à l’apport de l’architecte chilien.

A partir de toute la documentation que j’ai pu réunir, et qui est faite de livres, de recherches et de thèses d’architectes, je vais présenter dans mon mémoire les bas es de la pensée incrémentale et les bienfaits que cette dernière peut avoir sur le monde de l’architecture et surtout sur le monde du logement. Après, il est obliga toire d’aller faire un état des lieux de l’habitat social au Maroc. Effectivement, cette prospection locale aura pour but de connaître les différentes règles qui régissent le secteur en plus de reconnaître les multiples problèmes dont souffre le logement au Maroc aujourd’hui. Ensuite, une des étapes les plus importantes est celle du Bench marking, l’étude de projets est une tache essentielle qui me permettra de voir des exemples concrets d’architectures incrémentales, chose qui me permettra de faire des analyses plus précises et ressortir et les forces et les faiblesses de cette vision. Finalement, grâce à toutes données récoltées, un processus de synthèse s’impose afin de déterminer des principes et des règles adaptées au cas marocain, que j’ap pliquerai dans la conception de mon projet.

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Problématique :

Aujourd’hui le Maroc, en ayant recours à la production en masse pour répondre aux besoins pressants en matière de logement a fini par créer d’autres problèmes. En ef fet, cette approche, ayant pour but la démocratisation du logement et la rentabilité économique, est destructrice de la ville, de l’humain et de la culture. Les pouvoirs publics se sont retrouvés partagés entre produire des logements de qualité et offrir des logements à des prix abordables. Pour répondre à ces soucis, l’incrémentalisme, qui est une nouvelle vision modulable, adaptable et évolutive de l’architecture, constitue une solution qui pourrait non seulement permettre d’avoir des logements fonctionnels mais aussi résoudre ce problème de standardisation et de manque de créativité qu’on voit dans les R+1/R+2 et qui sont en train d’envahir nos villes. Comment est ce que l’incrémentalisme pourrait être utilisé dans notre contexte ma rocain et constitué une alternative pour le logement d’aujourd’hui?

Hypothèses :

L’architecte Alejandro Aravena, lauréat du prix Pritzker en 2016, se démarque des autres ‘archi-stars’ par son approche sociale de l’architecture, ses travaux visent l’amélioration des conditions de vie des personnes à revenu faible. Sa stratégie, qu’il a développée avec l’aide de son groupe ELEMENTAL pour un contexte chilien et qui a donné lieu à des résultats impressionnants, les habitants avec leurs interventions ponctuelles ont créé une architecture finale pleine de vie, d’humanisme et de spon tanéité.

En tant que jeune étudiant de l’architecture, j’ai trouvé cette démarche de produire un cadre comportant les éléments de base de la maison, et de laisser une marge pour le développement futur de celle-ci, très intéressante, j’estime que c’est une méthodologie qui pourrait être étudiée et adaptée pour répondre aux exigences culturelles et économiques du marché marocain, et ainsi pourquoi pas, remplacer les maison en R+1 / R+2 qui ruinent nos villes.

Alors quelle est l’origine et la définition pratique de l’incrémentalisme ? Quelle est la situation du logement au Maroc et comment pourrait-on l’améliorer ? Un retour à la diversité et à l’approche participative serait-il la solution ? Quels sont les exemples qui ont été réalisés dans le monde et qui illustrent les bienfaits et les limites de cette approche ?

18
19
CHAPITRE L’INCRÉMENTALISME1
22
23 CONCEPT ORIGINES HISTORIQUES

Incrémenter : XXe siècle. Dérivé d’incrément, au sens ancien de « accroissement, développement », lui-même emprunté du latin incrementum, de même sens. INFORM. Augmenter d’un incrément donné. In crémenter une variable. Incrémenter un index.1

« L’incrémentalisme est une méthode de travail consistant en l’ajout à un projet de plusieurs petits changements souvent non planifiés à la place de quelques grand sauts planifiés. »2

« Incrément : En informatique, quantité constante ajoutée à la valeur d’une variable à chaque exécu tion d’une instruction, généralement répétitive d’un programme »3

« L’adjectif incrémental est généralement utilisé par les informaticiens pour décrire un ajout par palier, petit à petit, afin d’être certain que chaque valeur ajoutée apporte une amélioration sans créer e dys fonctionnement. »4

1 www.cnrtl.fr/definition/academie9/incr%C3%A9menter - Visité le 08/01/20

2 fr.wikipedia.org/wiki/Incr%C3%A9mentalisme#:~:text=L’incre mentalisme%20est%20une%20m%C3%A9thode,petit%2C%20par%20 des%20ajouts%20continuels - Visité le 08/01/20

3 www.larousse.fr/dictionnaires/francais/incr%C3%A 9ment/42412 - Visité le 08/01/20

4 www.larousse.fr/incrémental - Visité le 08/01/20

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« Incrémental : Qui travaille par incréments ou par comptage d’impulsions » - Dictionnaire Larousse

« L ’incrémentalisme est une méthode d’action soc²iale dans laquelle le planificateur prend la réal ité du moment comme base de la détermination des objectifs de la planification. Il se réfère constamment à cette situation pour évaluer les choix introduits len tement et progressivement dans le système pour le modifier. De cette façon, il peut expérimenter les avantages et les désavantages de chacun des choix par rapport à une situation de départ connue. »1

« L’incrémentalisme suggère finalement qu’une suc cession de petites décisions, chacune limitée dans sa portée, permet de réduire significativement les incertitudes liées à chaque décision publique. Les décisions marginales sont en effet moins susceptibles de produire des échecs lourds d’une action publique que les décisions majeures, introduisant des change ments substantiels d’un seul mouvement »2

1 Robert SOUBRIER, (2000), Planification, Aménagement et Loisir, (p40), Google e-book

2 Alexandra JONSSON, (2010), incrémentalisme, In Laurle Boussa guet et al., Dictionnaire des politiques publiques, Presses de sciences Po (P.F.N.S.P)

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Concept et origines historiques

La notion d’incrémentalisme a été avancée la première fois dans le domaine de la politique, par Charles Lindblom, un professeur d’Economie de l’université de Yale, son article « The science of muddling through », la science débrouillardise. Il avait pour but de trouver une réponse convenable aux lacunes dont souffrait la notion de GPS qui régnait à cette époque. – Lindlblom professeur des sciences politiques à l’université de Yale, ancien président de l’American political Science Association ainsi que d’autres établissements. Le General Problem Solving est une méthode de prise de décisions, qui fixe dès le départ toutes les étapes nécessaires à la résolution du problème, c’est un système figé qui peut avoir de très graves conséquences pu isque toutes les décisions sont prises en amont. C’est un système qui ne fonctionne pas pour le traitement de données qui peuvent varier, d’où le recours à une nouvel le notion, une notion de ‘fur et à mesure’, celle de l’incrémentalisme.

Lindlblom « illustre ainsi un avancement à tâtons, conduisant à une stabilité cer taine et à une gestion sûre de données nombreuses et complexes. »1. Cette nouvelle manière de voir les choses a intégré la dimension temporelle au processus de prise de décisions, tout en prenant compte de l’erreur, elle donne la possibilité de la revoir et de la corriger dans le futur.

Fig.1 schéma résumant du principe de la science débrouillardise à partir du texte de Jacques Rajot ©

C’est une méthode flexible et réactive, offrant la capacité de réagir par rapport à des données réelles, plutôt qu’à des prédictions de ce qui pourrait éventuellement se passer.

1 Marion GOUGES, (2014). L’habitat incrémental, une stratégie de construction progressive du logement. (p18), Mémoire

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Lindlblom répartit cette approche en 3 points :

• Concentrer le travail du décideur uniquement sur les données connues

• Diminuer le nombre de politiques à analyser

• Simplifier le nombre de facteurs à analyser

Pour défendre ses théories, il présente plusieurs arguments en faveur de l’incrémen talisme dont on peut citer :

Le fait que personne ne peut prévoir, en étant sûr le sens et l’importance des change ments que l’on souhaite introduire pour modifier la situation actuelle

Cette démarche repose sur l’expérience afin de décider ce que préfère la société

La situation reste toujours réversible.

L’adaptation continue et progressive d’une organisation lui permet souvent de ga rantir sa survie.

Le travail du décideur devient plus simple, parce qu’il délègue une bonne partie de ses taches.

Cette méthode est pratiquée dans toutes les démocraties1

L’incrémentalisme, plus intuitif, holistique et ‘darwinien ’se préoccupe de l’informa tion vivante du contexte et ne veut décider de chaque étape qu’au moment ou il l’aborde et seulement durant son cours: à chaque étape, il regarde derrière lui et évolue2

« Charles Lindblom l’a nommé “Disjointed incrementalism : the science of mud dling through”. Traduit approximativement : l’ajout d’un élément après l’autre, sans cohérence - la science de la débrouillardise, pour aboutir à l’unité provisoire d’une action, d’un processus, d’une démarche. Bizarrement, cela reste très inconnu : en sciences économiques, c’est pourtant le deuxième système de décision. Il refuse de décider trop tôt les étapes suivantes ni surtout de la totalité de l’opération sans la so umettre aux évènements de chaque phase, au “fur et à mesure” (c’est la définition la plus courte de l’incrémentalisme) .»3 L’incrémentalisme devient la façon écologique de décider, par la participation continue de toutes les informations et de tous les informateurs qui surgissent inopiné ment, ainsi la fin n’est jamais connue dès le début de la démarche, bien au con traire, on travaille sur des projets flexibles et adaptables, capables d’évoluer dans

1 SOUBRIER.R (2000), Planification, Aménagement et Loisir, (p40), google e-book

2 Lucien Kroll-http://www.lafabriquedelhospitalite.org/processus/1405/incrementalisme

3 Lucien Kroll, Pour une éco-alphabétisation, in Alter architectures, Manifesto, Thierry Paquot, Yvette Mas son-Zanussi, Marco Stathopoulos, Eterotopia, 2012, p.213

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différents sens, aussi différents soient-ils. Tout se fait par rapport au contexte ; et en architecture, le premier contexte et celui le plus important de tous, c’est bel et bien l’habitant.

Soucieux de ce contexte, le moyen le plus évident de le connaître est de lui propos er de participer au projet4.

L’INCREMENTALISME EN INFORMATIQUE

La démarche incrémentale tient des origines aussi dans les domaines de l’informa tique et des mathématiques, le développement de logiciel, même après leur com mercialisation se fait grâce à des mise à jour, ces actualisations les rendent plus per formants et règlent les différents problèmes qui ont été rencontrés par les utilisateurs, les usagers jouent un rôle très important dans le processus parce que c’est grâce à leurs retours que le produit évolue.

« L’incrémentalisme est une méthode d’action sociale dans laquelle le planificateur prend la réalité du moment comme base de la détermination des objectifs de la planification. Il se réfère constamment à cette situation pour évaluer les choix intro duits lentement et progressivement dans le système pour le modifier. De cette façon, il peut expérimenter les avantages et les désavantages de chacun des choix par rapport à une situation de départ connue5. » Dans d’autres termes, l’incrémentalisme peut être vue comme une démarche prenant départ de la réalité du terrain, une démarche dite ‘Bottom-up’.

Nous avons vu dans ce chapitre des définitions de l’incrémentalisme, comme étant une méthode d’action et de prise de décision qui se fait progressivement, par étapes, C’est une approche flexible et réactive, qui permet à la personne de traiter des données en temps réel, plutôt que des scénarios éventuels, chose qui permet de se concentrer sur des choses concrètes et de proposer des solutions aux problèmes qu’on rencontre, au fur et à mesure. C’est une simplification qui réduit le nombre de facteurs à analyser et qui donne au processus de décision une flexibilité et une capacité d’adaptation.

L’incrémentalisme, qui a été appliqué d’abord en politique et en informatique, a aussi été introduit à l’architecture, qui est le sujet du chapitre suivant.

4 Lucien Kroll, Pour une éco-alphabétisation, in Alter architectures, Manifesto, Thierry Paquot, Yvette Mas son-Zanussi, Marco Stathopoulos, Eterotopia, 2012, p.213

5 SOUBRIER,R. (2000), Planification, Aménagement et Loisir, (p40), Google e-book.

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30

L’INCRÉMENTALISME

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DANS LE DOMAINE DE L’ARCHITECTURE

La complexité et la diversité de l’architecture

L’humain, est de nature un être complexe, en changement permanent. Effective ment notre mode de vie évolue différemment chaque année, quelle que soit notre culture ou notre origine, aujourd’hui, comparé à il y a 10 ans, on s’habille , on con somme et surtout on habite différemment. De ce fait, l’architecture, qui est le foyer de l’humain doit impérativement s’inscrire dans cette dynamie. En effet, le logement pour répondre, le plus adéquatement possible aux besoins de ses propriétaires, doit pouvoir s’adapter à leurs change ments et évoluer en concordance avec l’homme et la société. Outre cela, chaque personne est différente de l’autre et donc, chaque individu a besoin d’une demeure qui est faite pour lui et qui lui convient parfaitement comme l’explique Lucien Kroll dans ses écrits. Et donc, l’architecture, tout comme l’humain devrait être complexe et diversifiée, et l’incrémentalisme est une solution novatrice pour d’atteindre cette complexité. Chercher à effacer cette diversité est une idée destructrice de la nature et de l’hu main, bien qu’elle soit économiquement très rentable.

ECOLOGIE

L’incrémentalisme, par l’utilisation de compromis, et par son concept d’au fur et à mesure, permet de produire une architecture durable et écologique. Ernst Haeckel, qui est le créateur du terme, définit l’écologie comme étant la science des relations.1 C’est donc exactement dans cette logique que s’inscrit l’incrémentalisme, chaque ajout est en relation avec le précédent, chaque modification vient en complément er une autre et harmoniser l’ensemble de la construction, tout cela, dans le but de créer une conception .

Dans la même optique, la conception incrémentale accorde beaucoup d’im portance à la relation avec l’environnement , qu’il soit social, géographique ou économique.

Un logement bien conçu, est un logement bien intégré à chacun de ces niveaux, et c’est en partant de cette science des relations qu’on peut mesurer l’impact de l’architecture sur l’humain et la société .

« l’incrémentalisme c’est donc reprendre sans cesse l’ouvrage sur le métier. Accept er de dire qu’on ne construit jamais à partir de rien et que tout ce qu’on construit

1 Biologiste, philosophe et libre penseur allemand, il a fait connaitres les théories de charles Darwin en Alle magne.

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sera transformé pour être emporté dans le temps » Résumé de l’incrémentalisme par thierry Paquot dans un récent ouvrage monographique consacré à Lucien Kroll et à sa femme Simone

Dans cette manière de voir l’architecture, on la considère vivante et capable d’évoluer et de s’adapter. L’incrémentalisme s’avère être une réponse intéressante à cette nécessité, il reste d’étudier comment est ce qu’on pourrait exactement l’ap pliquer dans notre domaine.

Architectes incrémentalistes

Dans ce chapitre, le but serait d’étudier l’architecture et d’assimiler a quels niveaux pourrait on appliquer cette notion de l’incrémentalisme, l’étude se fera sur la base de pensées d’architectes précepteurs et de conceptions réalisées et d’autres utopiques .

La première problématique posée par l’incrémentalisme est que l’architecte, en appliquant cette méthode doit concevoir un projet dont il ignore la forme finale.

NICOLAS HABRAKEN

Dans ses études, Lucien Kroll, fait très souvent référence à Nicolas Habraken, ce dernier, même si il n’a jamais utilisé le mot incrémentalisme en parlant de ses travaux, ceux-ci sont illustrent très bien le concept2.

Habraken est architecte chercheur hollandais qui s’oppose totalement à l’idéolo gie moderne et les méthodes de production en masse de logements qui ont dével oppés ces dernières décennies, dans son livre « Supports : an alternative to Mass Housing ».

En s’objectant à cette standardisation, il propose son concept d’Open Building qui invite à démocratiser la prise de décision dans le domaine du logement en donnant aux futurs habitants la possibilité et le pouvoir de participer à l’organisation de leur demeure.

« Le support »

La solution proposée par Habraken a été de travailler les projets de logements en ayant deux parties distinctes en tête, le support et le remplissage.

2 BOUCHAIN Patrick « Simone et Lucien Kroll, une architecture habitée », préface de Thierry Paquot (2013) p.111

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Habraken, dans sa théorie, dit que l’architecte devrait se limiter à proposer une structure de base, la plus simple possible, répondant aux besoins fondamentaux des futurs occupants, tout en leur laissant la capacité de faire évoluer leur logement dans le futur en lui donnant la forme et la superficie qui leur convient.

Il est important de noter, que Habraken, contrairement aux architectes qui lui sont contemporains, ne s’est pas laissé entrainé par la vision du mouvement moderne en recherchant une solution architecturale ultime et totale et a toujours privilégié la diversité et l’adaptabilité.

« Bien que certaines formes de « supports » puissent s’envisager presque automa tiquement, on ne eut évidemment pas, à ce stade, en venir à une quelconque conclusion sur leur forme exact. Pour le moment, nous devrions nous inquiéter des forces qui se rencontrent dans la création de la ville et les moyens par lesquels elles se rencontrent »3

Clairement pour Habraken, la forme est un résultat, elle s’obtient automatiquement après avoir répondu aux différentes exigences fonctionnelles et environnementales. Cette description du support, peut rappeler le domino proposé par Le Corbusier en 1915, or, Habraken critique ce dernier et le voir comme étant la structure et le sque lette d’un bâtiment fixe.

YONA FRIEDMAN

Un autre exemple de comment l’architecte devrait se positionner vis-à-vis des in connus futurs a été proposé par Yona Friedman a développé plusieurs théories et travaux, qui malgré qu’ils soient utopiques, ont des bases et des principes réellement applicables et intéressants .

Yona Friedman, partisant de la diversité et de la complexité de la vie et de l’archi tecture avait dès 1956 attiré l’attention vers le danger que constitue « une ville qui ne serait pas en perpétuel changement »4

A son époque, Yona Friedman s’est mis à questionner le rôle que doit jouer l’archi tecte et la contribution qu’il devrait avoir dans le développement des villes et c’est dans ce cadre là qu’il avait publié le manifeste « L’architecture Mobile », afin d’in scrire son avis sur les différentes permutations sociales et économiques que connais sait notre monde.

34
3 HABRAKEN Nicolaas John, « Supports : An alternative to mass housing » Proeger Publishers – traduction anglaise 1972 4 LEBESQUE Sabine : « Structure serving the unpredictable » NAI Publishers (1999), p 20

La mobilité n’est pas celle du bâtiment mais celle de l’usager auquel une liberté nouvelle est donnée. L’architecture mobile est donc ‘l’habitat décidé par l’habit ant’ à travers des ‘infrastructures non déterminées et non déterminantes »5 . Dans sa vision, la contribution de l’architecte est beaucoup moins importante qu’à son accoutumée, il prendra alors le rôle d’un conseiller qui vient offrir son expertise à l’acquéreur.

Friedman, dans une autre vision beaucoup plus extrême, et qui est à mon sens très loin de la réalité, invite à une éducation et une sensibilisation des citoyens à l’archi tecture dans le but de leur donner la capacité de faire leurs maisons eux-mêmes sans avoir recours à un architecte.

Dans son manifeste il dit que la ville ne doit pas être modelée par l’urbaniste et que les structures qui al forment, doivent être des squelettes à remplir autant que le souhaitent les usagers, les additions faites au squelette dépendent de l’initiative de chaque habitant – Ibid,p. Ainsi, dans la ville spatiale Friedman parle de formes libres qui auront le rôle de « squelette »

Ce qui est intéressant avec Friedman c’est qu’il avait même en cette époque fait en sorte d’accompagner ses études et les principes qu’il avait établi par des illustra tions et des croquis de projets, ces structures monumentales qui reprennent les points dont il avait parlé dans son manifeste avaient pour but de montrer que l’architec ture pourrait être vue d’une nouvelle manière.

Dans son livre l’architecture mobile il dit : « L’habitat de l’avenir proche doit être un habitat variable. La variation appropriée pourra être choisie par chaque habitant lui-même, pour lui-même : par exemple, à partir des éléments de construction standardisée en trois grandeurs différentes, il est possible de construire plus de deux millions de types d’habitations de trois pièces, totalement différentes. Ce qui revient à dire que, dans une ville de six millions d’hab itants, il n’y aurait pas deux appartements semblables ( pas plus qu’il n’existe deux individus semblables)6.

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5 LesTurbulences, FRAC CENTRE [en ligne ] « http://www.frac-centre.fr/collection-art-architecture/freid man-yona-58html?authID=72 » 6 FRIEDMAN Yona « L’architecture mobile », Casterman 1970 Fig.2 Illustration de la ville spatiale,François Lauginie ©
36 Fig.3 Illustration de
la ville spatiale, François Lauginie
©

YONA FRIEDMAN

«

Je ne vois pas un bâtiment comme quelque chose de lié à l’éternité mais au changement, comme en Inde ou en Chine où j’ai voyagé et où les gens ajoutent des loggias à leurs balcons. » « Car à 20, 40, 60 ou 93 ans, un individu n’est pas la même personne. Il faut des murs qui puissent facilement changer d’emplacement comme le mobilier. Il n’y a rien d’utopique, ce sont des techniques qui exist ent. C’est dans ce sens que je parle d’architecture mobile ou spatiale : changer l’organisation de l’es pace.»1

37
1 FRIEDMAN Yona « L’architecture mobile », Casterman 1970

LUCIEN KROLL

Lucien Kroll est un architecte belge, c’est une des personne qui ont le plus travaillé sur l’architecture incrémentale, ses nombreux écrits sont dédiés à ce sujet là, l’ap prochant de différents angles et à partir de points de vue très diversifiés, de ce fait, il est très intéressant d’étudier ses ouvrages . Dans sa vision, on voit dès le départ que Lucien Kroll essaye de se détacher de l’as pect formel de l’architecture, son but n’étant pas de créer un projet finit, il veut que les habitants soit tout aussi impliqués que le concepteur dans la création de leurs logements.

Dans son projet le plus remarquable, ‘ la Maison Médicale de l’Université de Louvain’ aussi appelée la « Mémé », cet architecte a réussi d’établir un va et vient entre les étudiants, l’université et lui-même pour se mettre d’accord sur le programme et la distribution fonctionnelle et ainsi arriver à un résultat qui satisfait toutes les parties.

« J’ai confié à chaque membre de l’équipe –architecte ou étudiants- un rôle de simulation créatif : l’administration, le restaurant, les différents logements, puis en hauteur, pour éviter les spécialisations et les homogénéités. Ils ont construit avec des ciseaux et de la peinture une grande maquette en mousse de plastique qui a situé très clairement les répulsions et les amitiés ».1

Quelques année près cette tentative, Lucien Kroll a remarqué le travail qui a été fait, pouvait facilement être entrepris suivant une méthodologie différente, de manière à optimiser le temps et l’effort de conception vu que le travail sur la « Mémé » s’est

38
1 BOUCHAIN Patrick « Simone et Lucien Kroll, une architecture habitée », préface de Thierry Paquot (2013) p80 Fig.4

étalé sur plus de 50 séances de travail entre étudiants et architecte.

En plus, fonctionnellement parlant, le projet a souffert après sa réalisation, notam ment les commerces situés au rez de chaussée ont du fermé à cause du flux très réduit qu’ils recevait, ce qui était du à la complexité des parcours et des chemine ments.

Donc selon Kroll, pour qu’un tél projet soit réussi, il est absolument nécessaire non seulement de faire participer les habitants, mais aussi de superviser leurs interven tions et leurs choix, qui à cause d’un manque de conscience par rapport à la com plexité du projet, peuvent s’avérer erronés.

Fig.5 La « Mémé », croquis, Lucien Kroll © Fig.6 Photo extérieur de la maison médicale, Lucien Kroll ©

Outre cela, la « Mémé » a été un timide exemple d’architecture incrémentale, parce que, suite à chaque problème rencontré, une solution a été proposée et réalisée.

A titre d’exemple, on a l’ajout d’escaliers qui lient les étages de l’extérieur et l’ajout d’ouvertures et de trémies pour améliorer l’éclairage et la ventilation de certains espaces2.

ALEJANDRO ARAVENA

Sans doutes, l’architecte incrémentaliste le plus populaire aujourd’hui, titulaire du prix prizker 2018 grâce à son travail sur l’habitat social en Chilé, il a su attirer l’atten tion du monde vers sa conception du logement et l’importance de l’incrémental isme comme méthode de résolution de problème et comme voie vers l’adaptabilité et la diversité de l’architecture.

Aravena dans son projet le plus fameux : Quinta Monroy, a été confronté au man que de moyens financiers offerts par la ville pour la construction du complexe.

et Lucien Kroll,

architecture habitée », préface de Thierry Paquot (2013)

39
2 BOUCHAIN Patrick « Simone
une
p80

Et donc, pour répondre à cette problématique, Aravena et son groupe d’architect es ELEMENTAL ont eu l’idée ingénieuse d’au lieu de construire de petites demeures, mal finies et non adaptées aux besoins des usagers, il serait meilleur de bâtir des moitiés de maison assez grandes et confortables, ayant le potentiel de répondre aux exigences fondamentales, la réalisation des secondes moitiés de ces maisons ser ont confiées aux occupants, qui les construiront quand ils auront plus de ressources financières3

Fig.7 Schéma illustrant le concept de la “demi-maison” d’Alejandro Aravena, Elemental ©

Dans ce cas là, le rôle de l’architecte sera de garantir aux usagers une structure por teuse assez solide pour accueillir les extensions et les changements éventuels, ainsi que tout ce qui est nécessaire tel que les pièces de vie basiques, les arrivées d’eau et d’électricité et une solution d’assainissement convenable.

« Quand il n’y a pas assez d’argent, une alternative à la réduction ( de la taille et de la qualité) peut être de cerner le problème par le logement incrémental. A travers cette démarche, l’auto-construction peut ne plus être perçue comme problème et serait plutôt envisagée comme une solution. Les favelas, les « slums », les squats, etc. sont habituellement vus comme étant un symptôme de l’incapacité d’accès d’une population à l’habitat formel; mais il peuvent également llustrer l’énorme capacité des gens à créer un habitat malgré le manque d’outils dans le cadre des mécan ismes imposés par la construction légale . »4

Donc pour pallier au manque de ressources financières nécessaires à la réalisation de ses projets, Aravena a fait usage d’une autre ressource qui est habituellement négligée par les architectes.

Selon ELEMENTAL, l’optimum pour un complexe de logements sociaux serait d’avoir une conception qui permet d’avoir une densité forte mais à faible hauteur et cela parce que, les couloirs, les escaliers ainsi que le reste des cheminements semi-pub liques partagés par les usagers seront facilement délaissés, ne recevront pas l’entre tien nécessaire et deviendront par la suite des sources de conflits5 .

3

ARAVENA Alejandro, « ELEMENTAL ; manual de vivienda incremental y diseno participativo = incremental housing and participatory design manual » Hatje Cantz (2012)

4 ARAVENA Alejandro, « ELEMENTAL ; manual de vivienda incremental y diseno participativo = incremental housing and participatory design manual » Hatje Cantz (2012) p.17

5 ARAVENA Alejandro, « ELEMENTAL ; manual de vivienda incremental y diseno participativo = incremental

40

Fig.8 Schéma montrant les enjeux

densité

Ensuite, la question qui se pose naturellement est la suivante: Quelle partie faut il construire en premier ?

Pour que la démarche incrémentale et participative fonctionne, il est de fait que l’architecte, va devoir construire la partie la plus importante de la maison, celle qui constituera un socle pour les changements et rajouts futurs et donc celle que les usagers ne pourront pas construire seuls.

Plus concrètement, en plus des pièces de vie les plus importantes tel que la cuisine, la salle de bain, il faut fournir des plateformes, des escaliers et un toit avec une struc ture solide.

En ce qui concerne les matériaux, vu que ces derniers sont capables soit d’aug menter, soit de réduire considérablement le cout de la construction, ils doivent être solides mais pas très onéreux.

On utilise le béton pour la structure, dans le cadre d’une préfabrication massive et le remplissage se fait en parpaings, il est important de dissocier la structure du rem plissage pour que l’habitant sache quelle partie il peut détruire et quelle partie il doit absolument garder intacte6.

Ensuite, pour la deuxième partie de la construction, l’usager est presque totalement libre de faire d’elle ce qu’il désire et donc on se retrouve avec des maisons très différentes l’une de l’autre et cela tout simplement parce que même si la structure de base est la même, les rajouts dépendent des besoins de chaque famille et donc sont très diversifiés. Les matériaux utilisés pour cette parties ne sont eux aussi pas déterminés, selon ELEMENTAL, si on fixe les matériaux à utiliser, il est vrai, le projet final sera plus harmonieux mais cette limitation rendra la tâche beaucoup plus difficile

41
6 ARAVENA Alejandro, « ELEMENTAL ; manual de vivienda incremental y diseno participativo = incremental housing and participatory design manual » Hatje Cantz (2012) p.22 Faible hauteur et forte densité
Possibilité d’évoluer
Eviter la surpopulation
d’une
à
faible hauteur,
Elemental ©

pour les propriétaires qui sont généralement très pauvres.

Sans aucune obligation, chacun est libre d’utiliser les matériaux qu’il peut facile ment récupérer ou même recycler à partir d’éléments dont il dispose déjà7.

En architecture, la structure est une des composantes les plus importantes, tout d’abord, financièrement parlant, elle coûte presque le 1/3 du prix du logement nor mal, et dans un logement social elle peut atteindre 80% de son prix, de ce fait on doit lui importer une attention particulière. Dans la pratique incrémentale, cette structure joue un rôle encore plus essentiel, elle doit être conçue de manière à recevoir la première, ainsi que la deuxième partie de la construction, sachant que cette dernière est méconnue de l’architecte qui doit donner à l’usager la liberté de choisir quelle genre d’extension construire. Même avec l’encadrement de l’architecte, on ignore toujours la consistance des interventions éventuelles de chaque famille. Ces rajouts auront différents objectifs et en conséquence, différents programmes fonctionnels et différents matériaux, et surtout différentes charges. Donc la structure et les calculs doivent être assez larges pour accueillir l’extension la plus lourde possible, le pire scénario8.

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7 ARAVENA Alejandro, « ELEMENTAL ; manual de vivienda incremental y diseno participativo = incremental housing and participatory design manual » Hatje Cantz (2012) 8 Alejandro ARAVENA, (2016), ELEMENTAL.(s.d). (p467) Fig.9 Quintoy Monroy Housing, Elemental ©

FORME ET CONCEPTION

Pour ELEMENTAL, tout doit être fait en concertation avec les futurs usagers, ainsi, l’or ganisation des espaces et la forme finale du bâti ont été décidé à travers un va et vient entre les habitants et le groupe d’architectes.

L’esthétique visée est une esthétique de répétition, chose qui révèle que dans leur approche, on a quand même une standardisation et une production en masse à travers la préfabrication, qui est totalement assumée par le groupe, puisque ce sont des procédés qui réduisent considérablement le cout, mais aussi parce que la deuxième moitié de chaque logement viendra casser cette monotonie et apporter de la complexité et de la diversité à la construction.

Généralement dans les projets d’Aravena, les maisons sont rassemblées en bande, l’une à coté de l’autre, pour que chacune serve de support pour l’extension éven tuelle sa voisine.

Approche participative

« Ma philosophie architecturale ? Engager la communauté dans le processus »9. Il est clair que la participation des citoyens constituent une des idées majeures dans la vision du groupe ELEMENTAL, Aravena, dans chacun de ses projets accorde beau coup d’importance à l’usager, il le met au centre du processus et établit un réelle dialogue avec lui, même dans le cadre de complexe résidentiel où les interlocuteurs sont très nombreux.

43
9 Alejandro ARAVENA (s.d). Transcript of « Ma philosophie architecturale ? Engager la communauté dans le processus ». TEDGlobal 2014 Fig.10 Monterrey Housing, Monterrey, Mexico, Elemental ©

Premièrement, un travail d’instruction s’impose, il est important de former les futurs propriétaires et les sensibiliser aux multiples contraintes du projet. La connaissance de ces contraintes techniques, des normes constructives et des règles de l’urban isme permet de rationaliser leur vision et de la rapprocher de la vérité du terrain. C’est après ce travail de sensibilisation que la réelle participation débute, il faut im pliquer les usagers dans le processus de conception parce que, dans le logement social « concevoir, c’est préférer », si on choisit une option, il faut savoir qu’on le fait au dépend d’une autre, il est presque impossible dans une habitation de ce type, de satisfaire toutes ses envies. C’est précisément pour cette raison que la participation des familles a la concep tion devient primordiale, en ayant leurs avis et en connaissant leurs préférences, l’architecte peut réaliser un projet à la hauteur de leurs attentes.

Dans son livre décrivant avec détails le processus incrémental, Aravena parle de 4 parties fondamentales qui sont :

• DESIGN

BIDDING

CONSTRUCTION

DONNER L’EXEMPLE10

DESIGN :

Le design est la partie du processus qui doit recevoir le plus d’attention, et cela parce que la construction, en plus d’être incrémentale, capable d’accueillir des changements dans le futur, doit également être hautement fonctionnelle.

Elle peut être répartie selon 3 parties majeures qui sont :

La communication des contraintes

Le développement de l’esquisse

La finalisation du projet

La première partie consiste à une répartition des tâches selon les spécialités de chaque intervenants, ensuite à grâce à plusieurs séances de travail chapeauté par l’architecte, les familles doivent établir une liste contenant les exigences et les envies qu’elles ont par rapport à leurs futures demeures.

Ce procédé permet aux concepteurs d’avoir une idée sur les contraintes qu’elle doivent satisfaire, sans doute, ca rend leur tâche beaucoup plus dur mais ca donne

44
10 – Alejandro ARAVENA, (2016), ELEMENTAL.(s.d). (p452)

au projet une réelle valeur ajoutée.

Cette première phase contient les intentions de conception, après que les différents intervenants assimilent les multiples contraintes relatives au fonctionnement, au site, au climat et à la construction, une concertation d’opinions se fait pour définir la ty pologie convenable.

La deuxième partie qui est une partie de travail et de développement qui est beau coup plus technique que la première, durant celle la on discute de choses con crètes en relevant les différents choix possibles et les avantages et inconvénients de chacun de ces derniers, on détermine aussi les surfaces pour chaque logement et le nombre de pièces à construire et à prévoir11 Après vient la dernière partie, qui est une phase de représentation et de finalisation, après l’établissement d’un dessin tenant compte des remarques et des discussions qui ont été faites précédemment, les architectes invitent les futurs usagers à donner leurs avis concernant le travail qui a été fait et font en sorte de mettre à jour leur conception pour satisfaire les deux parties12

BIDDING

Cette partie; nécessaire dans le cas de projets de relogement, où le gouvernement offre à chaque famille une somme d’argent donnée pour quitter leur bidonville, comme dans celui de Monterrey, par Aravena; consiste à déterminer quelles par ties des habitations seront subventionnées par l’état et lesquelles seront à la charge de l’usager lui-même. Les informations surfaciques sont transmises à l’entreprise de construction qui élabore un devis détaillé avec les niveaux de finition de chaque espace. C’est une phase où il est impératif de préciser et de chiffrer le projet.

CONSTRUCTION

En parallèle à la phase des travaux, il est obligatoire d’organiser des workshops et des formations pour les familles afin de les initier aux buts de la conception incré mentale et leur faire comprendre comment ils peuvent faire évoluer leur logement dans le futur.

Les propriétaires durant cette période bénéficient de cours, de visites de chantier, et préférablement de l’étude d’une maison témoin pour illustrer comment les exten sions éventuelles pourraient se faire.

11

– Alejandro ARAVENA, (2016), ELEMENTAL.(s.d). (p452)

12 Alejandro ARAVENA, (2016), ELEMENTAL.(s.d). (p453)

45

Aravena avait même eu l’idée, d’offrir avec chaque maison un guide dont le but serait justement d’assister chaque famille dans la construction des rajouts qu’elle jugent indispensables13.

DONNER L’EXEMPLE

A cause du manque de ressources, il est parfois impossible de présenter aux familles une maison témoin, donc pour résoudre ce problème, après la fin des travaux de construction, les architectes essaient de trouver une personne qui a assez de moy ens pour faire son extension dans un futur proche. Cette personne capable d’étendre sa maison sous la supervision des architectes, doit permettre au reste de voir comment les travaux se réalisent, et ainsi, ces derniers auront une idée sur les différentes possibilités dont ils disposent. C’est étape est une des plus importantes car, à part la première, toutes les autres extensions ne seront pas suivies par les architectes, les familles devront réussir leurs interventions sans aucune supervision mais grâce à un travail en amont qui est con sidérable.

Ces étapes, dans certains cas ne sont pas aussi bien ordonnées, il est parfois néces saire de faire des va et vient entre les différentes actions citées dans le but d’arriver à un résultat cohérent et recevable14.

Le bidonville, un exemple d’architecture évolutive

« Il faut éclater nos certitudes fermées du modernisme datant du siècle dernier pour mieux comprendre les nouveaux enjeux. Un exercice salutaire est celui des bidon villes. Ils ont la forme intemporelle de l’urbanisme participatif. Essayons d’oublier un moment leur pauvreté pour observer comment ils sont condamnés à l’intelligence communautaire et comment les espaces se forment et se transforment. Quel ex emple pour nous qui possédons les sciences humaines, la psychologie des groupes, l’analyse institutionnelle, les techniques de gestion de la complexité construire, etc…

La densification des villes réclamée par l’écologie ne peut se conduire qu’avec des attitudes de coopération, parallèles à celle des bidonvilles. Oserait-on aujourd’hui en proposer le modèle comme source d’inspiration ? Les moyens contemporains de compréhension et d’action ont dû devenir complexes pour saisir et traiter des paysages également complexes et mobiles, ils n’ont rien à voir avec les manières carrés et simplistes des architectes modernistes qui visaient toujours des « solutions

Alejandro ARAVENA, (2016),

Alejandro ARAVENA, (2016), ELEMENTAL.(s.d).

46
13
ELEMENTAL.(s.d). (p457) 14
(p458)

Aujourd’hui, dans les pays en développement on voit beaucoup de gens quitter leurs villages pour aller s’installer dans des métropoles urbaines en plein essor, dans l’espoir de trouver un emploi et ainsi accéder à un niveau de vie meilleur. En ef fet, l’exode rurale, amène un nombre flux considérable de personnes pauvres aux villes, des personnes qui finissent par constituer des agglomérations aux alentours des métropoles, rejetés par le coût cher du mode de vie urbain.

« Un bidonville est une agglomération de logements précaires faits de matériaux de récupération et accueillant les populations défavorisées à la périphérie des grandes zones urbaines.»16

Ces agglomérations prennent la forme de bidonvilles, qui sont des regroupements d’habitats informelles souffrant d’un manque redoutable en matière de ressources, des ressources qu’on peut répartir selon deux catégories.

Hard ressources : Tout ce qui concerne la construction et la nourriture Soft ressources : Les différents services (éducation, sécurité, administrations, santé…) ainsi que les branchements aux réseaux d’eau, d’électricité et d’assainissement17.

En arrivant sur un terrain vierge, choisi pour être le moins écarté que possible de la ville, ces familles construisent des maisons qui répondent le plus adéquatement à leurs besoins, en utilisant les matériaux de bord qui sont souvent des matériaux de récupération comme le plastique, les tôles métalliques, les planches de bois …

« L’informalité est souvent associée au chaos, au désordre, à l’illégalité, à l’insécu rité et à l’inefficacité… Sauf que […] Les colonies informelles ne sont pas néces sairement chaotiques, l’informalité et l’illégalité ne vont pas forcément en paire. La représentation péjorative de colonies informelles,[…] a été largement utilisé pour justifier et légitimiser les évictions, ségrégations, persécutions et autres formes d’injus tices sociales » traduit de l’anglais par moi-même18.

En effet, les bidonvilles sont une belle expression de la capacité créative de l’être humain. Certes, sans encadrement ces lieux non maitrisables sont générateurs de malheurs, mais en prenant du recul, on peut voir que ces espaces problématiques proposent un début de solution par leur caractère évolutif illustrant parfaitement qu’avec un peu de supervision ces mêmes familles pourraient réaliser des choses extraordinaires, d’où l’importance de l’approche participative, dans le logement

15 Lucien KROLL, (2006), L’invité Lucien KROLL, Revue Urbanisme, mars – avril 2006, Thierry Pacquot

16 https://www.linternaute.fr/dictionnaire/fr/definition/bidonville/

17 Lizarralde,G (2014), The invisible Houses ; Rethinking and designing low-cost housing in developing countries (1 edition). New York Routledge.

18 Lizarralde,G (2014), The invisible Houses ; Rethinking and designing low-cost housing in developing countries (1 edition). New York Routledge.

47 définies »15 … »

social, les architectes doivent utiliser toutes les ressources auxquelles ils ont accès, et parmi elles, les ressources humaines.

Dans les pages précédentes, nous nous sommes intéressés aux architectes précep teurs, ceux qui ont introduit l’incrémentalisme dans le monde de l’architecture et par leurs différentes initiatives ont démontré que cette approche pourrait recadrer la vision du monde et l’orienter beaucoup plus vers une architecture écologique, diversifiée, complexe et adaptative, chose qui ne pourrait se faire qu’en intégrant l’usager au processus de design, on a vu que différents outils rendent cette partici pation possible et plus simple, à l’exemple de la maquette. Outre cela, ayant aussi vu sur quoi se base la conception incrémentale, il est clair qu’à côtés de tout les avantages qu’elle apporte, elle comporte aussi des complications et des incon vénients, c’est ce qu’on va voir par la suite, en analysant comment cette méthode s’inscrit dans le schémas du développement durable et comment il interagit avec ses différents éléments.

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50

Analyse

Des avantages et des inconvénients de l’incrémmentalisme

51

Comme citée précédemment, la durabilité est aujourd’hui au centre de tout do maine, et chaque vision architecturale d’actualité se doit de s’inscrire dans cette conception écologique et tenir compte des facteurs maîtres qui sont le social, l’en vironnemental et l’économique1

Il est de fait que le rôle de l’architecte aujourd’hui consiste à entretenir un lien très étroit avec chacun de ces paramètres, afin de réaliser des projets qui sont viables et fonctionnels sur le court et sur le long terme.

Fig.11 Schéma du développement durable, à la confluence de trois préoccupations, dites « les trois piliers du développement durable », A. Villain ©

Ce schéma a été présenté et diffusé par A. Villain (Géologue), en 1993, lors d’une réunion sur le développement durable à la communauté urbaine de Lille2.

Avantages et inconvénients de l’incrémentalisme :

Dans les pages suivantes, nous allons dresser une analyse de comment l’incrémen talisme agit avec chacun de ces éléments.

« Pour préserver à la fois la substance et notre humanité, nous avons besoin d’envis ager le progrès, non pas comme le fait d’avoir plus, mais comme une manière de faire grandir notre âme en créant du lien communautaire, de l’auto-sufisance et des relations de coopération mutuelles. »3

1 Taglioni, F, (2013), « Insularité et développement durable, IRD Editions.

2 Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9veloppement_durable

3 Grace Boggs – The Next American Revolution: Sustainable Activism for the Twenty-First Century

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L’incrémentalisme, comme on le verra par la suite, est une démarche ouverte, ca pable de tenir compte des différentes problématiques d’actualité, ayant plusieurs bienfaits écologiques, sociaux, et économiques, elle convient parfaitement aux 17 objectifs de développement durable déterminés par l’O.N.U

53 VOLET ENVIRONNEMENTAL
. Fig.12 Schéma illustrant les 17 objectis du développement durable, O.N.U ©

D’un point de vue urbanistique, la densité permet de bénéficier de plusieurs bien faits. Prenons l’exemple des maisons de la Quinta Monroy, projet réalisé par Arave na.

Par la typologie choisie et par la juxtaposition des maisons, cet architecte a pu créer un complexe résidentiel à haute densité et à faible hauteur, chose qui offre de nom breux avantages tel que la réduction du besoin de déplacement, tous les services dont dispose le quartier seront donc à une distance relativement courte de chaque maison, les familles, dans leur vie quotidienne, ne seront pas obligés d’avoir un moy en de locomotion pour leurs déplacements les plus simples.

Autre que les moyens de transport, la densité réduit nettement le besoin en matière d’éclairage, de chauffage et de climatisation, et les différents branchements aux réseaux de la ville se font très facilement4.

D’autre part, vu que les architectes ne construisent que la première partie de la mai son et laissent aux habitants le soin de faire leurs extensions, ces derniers ayant eu les conseils de spécialistes peuvent la construire en utilisant les matériaux de leur choix et surtout les matériaux dont ils disposent. L’incrémentalisme, encourage l’initiative individuelle, surtout quand celle-là est bien faisante, bien évidemment, le réemploi de matériaux est un des meilleurs procédés écologiques en architecture, par exemple dans le cas d’un relogement, les hab itants, en utilisant les matériaux récupérés dans leurs anciennes demeures, auront réduit significativement le prix de leurs rajouts, en plus de diminuer également les déchets que l’anéantissement de leurs vieilles habitations aurait pu créer.

« La durabilité requiert de tirer le plus de bénéfice possible de l’utilisation de chaque ressource »5.

La pensée incrémentale, telle qu’elle a été introduite par le groupe ELEMENTAL, est utilisé dans le cadre du logement social, elle a pour but de permettre l’accès des familles les plus pauvres à des habitations offrant un minimum de qualité de vie.

La question économique est donc au cœur de la démarche, et il est tout à fait pos sible, tout en réduisant les coûts de produire des logements qui sont décents comme on l’a vu avec Aravena.

Pour arriver à garantir la qualité désirée, on offre un socle et les pièces de vie fonda mentales et on relègue le reste des tâche aux habitants, qui, comme on l’a vu dans le projet de Monterroy, font rapidement évoluer leurs maisons.

Ce coté incrémental permet aux propriétaires de valoriser leurs habitations et de

4 Alejandro ARAVENA, (2016), ELEMENTAL.(s.d). (p24)

5 Dr.Raymond J.Cole, Ecole d’archtiecture de Vancouver

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s’enrichir en les revendant à un des prix qui dépassent largement ce qui a été dépensé pour les construire.6

VOLET SOCIAL

C’est ce volet là qui est le plus grand point fort de l’incrémentalisme, d’ailleurs Ara vena a reçu son prix pritzker précisément pour l’impact social de ses travaux.

Tom Pritzker, le président du jury, avait parlé de son lauréat de l’année 2016 en disant de lui « il avait incarné la renaissance d’un architecte plus socialement engagé ».

« Le jury a selectionné un architecte qui approfondit notre compréhension de ce qui est vraiment un très beau design. Alejandro Aravena a été le pionnier d’une pra tique collaborative qui produit des œuvres d’architecture puissante et traite aussi des défis majeures de ce 21ème siècle ».

« Innovant et inspirant, il montre comment l’architecture, dans ce qu’elle a de meil leure, peut améliorer la vie des gens »7.

Comment il est clairement souligné dans le discours, l’architecture incrémentale a pour but principal améliorer les conditions des gens, elle est faite principalement pour eux, et ces derniers contribuent à son développement et à sa réussite.

Cette démarche collaborative ainsi que le fait d’organiser des réunions dans lesquelles tous les habitants participent permet non seulement de faire avancer et de mieux déterminer les besoins du projet, mais aussi de donner aux voisins un es pace où ils peuvent faire connaissance et tisser les premiers liens de leurs relations. Ces rencontres ne s’arrêtent jamais là puisque l’extension des maisons n’est pas une chose facile à faire, l’entraide est souvent nécessaire pour les constructions qui ne sont pas supervisées par les architectes.

L’entraide crée une solidarité et une remarque cohésion sociale qui effacent tous les conflits qui peuvent naître entre des voisins qui ne sont pas passés par ses étapes là. De cette manière, l’architecture incrémentale est créatrice de complicité et d’union sociale.

Dans le même sujet, Lucien Kroll introduit la notion de la vicinitude qu’il définit comme étant un lien de proximité de voisinage optimale qu’on peut créer par une concep tion bien pensée, cette proximité a pour but d’éviter d’avoir une architecture froide, à l’exemple des bâtiments de l’après guerre qui n’ont socialement rien apporté, bien à l’opposé, ce type de milieu est désunissant et créateur de conflits

6 MP, Natalie, (2018), Les « demi-maisons » d’Aravena ou le social autrement, https://leblog-denathaliemp. com/2018/04/21/les-demi-maisons-daravena-ou-le-social-autrement//

7 Discours du président du prix Pritzker lors de la remiisde du prix en 2016

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«

D’abord, celle-ci [la vicinitude] permet d’éviter de mourir de soif, de faim ou de solitude dans l’anonymat urbain et ensuite elle encourage à échafauder plus facile ment des coopérations ou des partages »8.

Au-delà de cela, l’incrémentalisme, par toute son approche est fait pour avoir des logements qui sont personnalisables, chaque famille reçoit une maison qui répond à ses critères, de plus, le fait de pouvoir ajouter sa propre touche à son logement génère un sentiment d’appropriation chez les usagers, ces derniers font de leurs mai sons des projets et les adaptent selon leurs inclinaisons et sensibilités individuelles9

VISIONS CONTRAIRES

Bien que la démarche incrémentale est apparu vers les années 50, une réelle médi atisation des projets n’est commencé à se faire qu’avec Aravena et ELEMENTAL, dont le projet le plus ancien date de 2004, et donc on n’as pas encore assez de recul pour affirmer le bon fonctionnement de ses projets. Malgré que cette méthode d’approcher le logement social a reçu beaucoup de louanges de la part des journalistes et des architectes dans le monde, nombreux sont les gens doutent de sa faisabilité et des résultats qu’elle peut apporter.

En effet, Aravena a reçu beaucoup de critiques concernant les coulisses qui lui ont permis de construire ses projets, ayant une orientation politique néo-libéral qui va à l’opposé des principes sociaux qu’ils met en œuvre dans son architecture, vu que cette doctrine creuse encore plus l’écart existant entre les différentes classes social es.

Le néo-libéralisme lui a permis de tisser des liens avec l’élite de son pays, des per sonnes de hauts rangs politiques qui lui ont facilité la réalisation de ses projets.

Olivier NAMIAS qui est un journaliste spécialisé en architecture a même cité le nom d’un groupe pétrolier, qui selon lui est venu à l’aide du groupe ELEMENTAL.

« se trouvant dans l’impossibilité de réunir les financements publics nécessaires à la réalisation du projet, Aravena s’est tourné vers cette entreprise, qui a accepté de participer à l’opération. Dans la foulée, le groupe est entré dans le capital d’ELE MENTAL à hauteur de 40% des parts, participation qui s’est traduite par le versement à l’agence de 1 million de dollars sur trois ans10 »

Donc on voit qu’Aravena, pour réaliser ses projets sociaux et faciliter l’accès des familles pauvres à des logements de qualité, s’est appuyé sur l’aide de grandes so ciétés, qui sont en quelque sorte à l’origine de des inégalités dont souffre son pays.

BOUCHAIN Patrick, (2013), « Simone et Lucien Kroll, une architecture habitée», Actes Sud

Alejandro ARAVENA, (2016), ELEMENTAL.(s.d). (p452)

NAMIAS, O (s.d.) Qui est vraiment Alejandro Aravena, lauréat

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2016 du Pritzker Prize ? – d’architectures

Bien que je ne devrais pas m’intéresser à la politique, j’ai trouvé ces informations im portantes pour contextualiser l’architecture d’Aravena, mais il est vital de dissocier le concept incrémental des actions entreprises par l’architecte lauréat du prix pritzker.

ESTHETIQUE

A mon avis, c’est une des plus grande faiblesse de l’architecture incrémentale. L’ar chitecte n’assistant que la construction d’une première partie de la maison, n’aura aucun contrôle sur le résultat final de la construction.

La liberté offert eaux habitants est à double tranchant, elle peut, il est vrai, apporter une touche de spontanéité qui viendra animer le projet et le rendre plus complexe, plus diversifié et plus attrayant et intéressant, mais elle peut aussi, sous le poids de plusieurs interventions hasardeuses et non adaptées créer un tout hétérogène, ni harmonie ni grâce.

C’est un point très important, sur lequel tout architecte doit bien veiller, Aravena quand à lui, avait proposer la solution d’offrir des manuels pour assister et aiguiller ces rajouts.

VERTICALITE

C’est une des problématique les plus présentes dans l’architecture incrémentale.

Il est de fait que, au moment de la conception, on ignore la consistance de l’ex tension que l’usager pourrait construire dans le futur, de ce fait la structure doit être assez performante pour accueillir le plus lourd rajout possible.

Comme Aravena l’avait expliqué, il est très difficile de prévoir une extension en hauteur des maisons, cette dernière aura besoin d’une structure ultra performante, chose qui va augmenter considérablement les coûts de construction et qui peut au final ne pas être utilisée du tout11 .

Or, il est clair que la verticalité est le meilleur outil de densification, on ne parle de tours comportant des centaines d’étages, parce que ca aussi crée de nombreux soucis, mais des maisons ayant moyennement, 3 étages serait optimales puisque ca permettre d’avoir un densité considérable avec un minimum d’espaces communs à entretenir.

L’application qu’a fait Aravena de cette méthode est loin d’être la seule option possible, chaque architecte, en étudiant le principe et ce qu’il permet pourrait, se l’approprier faire preuve de créativité pour produire des typologies nouvelles. Cette méthode, en l’adaptant au contexte dans lequel on compte s’inscrire qui est le Maroc offre plusieurs alternatives très intéressantes à ce qu’on construit aujo

57
11 ARAVENA Alejandro, (2016), ELEMENTAL.(s.d).

urd’hui dans le secteur résidentiel12.

CHANGEMENT DU ROLE DE L’ARCHITECTE

Les architectes aujourd’hui sont accoutumés à dessiner des projets complets et finis, de les assister pendant toutes les étapes de leur réalisation pour ensuite les livrer au maître d’ouvrage ayant leur forme finale. L’incrémentalisme, qui est une approche très différente de celle que les architectes ont l’habitude de suivre, demande une différente vision de la part de ceux-ci, vu qu’elle modifie en quelque sorte leur ap port dans le projet.

Le rôle de l’architecte devient ainsi, beaucoup moins imposant, il n’assure pas la globalité des travaux mais entreprend d’autres tâches qui sont tout aussi impor tante, il devient ainsi, formateur et coordinateur, responsable de tenir des réunions entre les habitants et les nombreux intervenants, il doit savoir communiquer et diriger la discussion pour en sortir le maximum de matière tout en évitant les conflits et les problèmes qui peuvent être générés.

Son travail ne se limitant plus à un travail de conception au bureau et un suivi des travaux au chantier, devient beaucoup plus consommateur de temps, d’efforts et d’énergie.

De plus, un suivi, léger bien évidemment, s’impose pour pouvoir garder un œil sur les évolutions et les modifications qui ont été faite par les propriétaires13 .

QUALITE ET SECURITE

Un côté qui attire généreusement des critiques dans l’architecture incrémentale est justement cette liberté de construire qui est donnée à l’habitant.

Généralement c’est l’architecte qui est responsable de superviser la construction, sauf que après la fin des travaux officiels, il n’est plus responsable des rajouts éventu els qui ne seront faits que par les familles seules sans aucun encadrement ni protec tion , donc on ne sera jamais sur de la qualité de ce qui va se faire. Autre chose, la sécurité lors de ces réalisations pose aussi problème, ces construc tions auront un caractère informel qui ne sera pas régi par les règlements ni super visés par les spécialistes14.

« Cette démarche est très critiquée aujourd’hui : de nombreux opposants dénon cent la déresponsabilisation des pouvoirs publics qui ne jouent plus que le rôle fi nancier. Selon une telle approche, si les habitants ne parviennent pas à sortir des conditions précaires qu’ils pouvaient occuper, l’Etat ne sera pas le responsable car

TARDIVET Clément, (2019), L’architecture incrémentale, Mémoire

TARDIVET Clément, (2019), L’architecture incrémentale, Mémoire

Lizarralde,G (2014), The invisible Houses ; Rethinking

New York Routledge.

low-cost housing in developing countries

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12
13
14
and designing
(1 edition).

il aura ‘tout mis en œuvre pour qu’ils s’en sortent »15.

Ces éléments là demandent une réelle implication de l’architecte, ce dernier pour rait, en plus de former les habitants, leur offrir son assistance pour s’assurer de la qualité des matériaux qu’ils comptent employer. C’est une approche qui nécessite un vrai travail en amont afin d’agrandit les probabilités de réussite du projet sur le long terme.

L’EXTENSION EST UN CHOIX

Au final, un point capable de poser problème est que malgré le fait qu’un logement incrémental est fait pour s’adapter et évoluer dans le futur, dans certains cas, les familles n’ont pas l’argent pour étendre leurs logements. Donc il est important de garder en tête que l’architecte employant l’incrémentalisme, ne se cache derrière le caractère évolutif de son logement pour proposer des maisons précaires.

Les usagers ne doivent pas attendre une extension qui peut ne jamais se faire, un logement incrémental, doit garantir dès sa remise, un confort optimal en plus de, bien évidemment offrir des opportunités de développement16

D’après ce que nous avons vu, il est indéniable que l’incrémentalisme en étant économique, écologique et favorisant les relations sociales, est une méthode qui peut apporter beaucoup de bienfaits aux usagers, à l’architecture, et à nos villes.

Or, sa réalisation n’est pas toujours facile, de nombreuses complications s’opposent aux architectes incrémentalistes, ils se retrouvent en train de gérer des paramètres qui leur sont totalement nouveaux, ils doivent coordonner des réunions entre les dif férents usagers, ils n’ont plus la main sur le résultat final et donc sur l’esthétique com plète de leur projet, et dans certains cas, ils sont en train de préparer des extensions qui ne se réalisent pas toujours dans le futur.

Après voir parlé de l’incrémentalisme à travers l’histoire, et dans le monde, il est nécessaire de parler du contexte marocain et de l’habitat qui se prolifère dans le pays aujourd’hui.

A.BELOT, (2017), Alejandro Araena, un architecte anti-star, de la recherche d’un habitat social alternatif à la notoriété actuelle. Mémoire

Alejandro, (2016), ELEMENTAL.(s.d).

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15
16 ARAVENA
CHAPITRE LE CONTEXTE MAROCAIN2
62

ETUDE DE LAPROBLÉMATIQUE DU

AU

63
LOGEMENT
MAROC Collectif et individuel

Présentation générale

Fig.13 La hierarchie des besoins, pyramide de Maslow, A.Maslow ©

Etant parmi les besoins fondamentaux de l’humain, comme c’est démontré dans la pyramide de Maslow, l’habitat est, et a toujours été un grand challenge pour la société marocaine.

Répondre à la demande pressente en matière d’habitat, est loin d’être une tache facile, par le fait, des stratégies très différentes ont été développées dans le but d’offrir, surtout aux classes désavantagées un logement digne, garantissant un min imum de confort.

Après le protectorat, un grand contraste a été révélé dans l’identité des citoyens marocains, la société était faite de deux grandes parties distinctes, la première est faite de personnes ayant une vision très moderne et un mode de vie proche de celui des européens, la bourgeoisie marocaine, pendant que la deuxième, principale ment faite de familles modestes est restée très attachée aux mœurs et à la tradition marocaine, ainsi qu’à toutes les valeurs qu’elles véhiculent.

Le logement social, vu qu’il est fait principalement pour cette deuxième catégorie, devrait normalement être modelé pour répondre à leurs besoins et à leur mode de vie. Cette classe, n’ayant pas de revenu constant, ne serait pas en mesure de louer leurs maisons et donc, la solution des HLM qui a été mise en œuvre dans d’autres pays comme le Canada n’est pas une option viable au Maroc.

De plus, une des plus grandes volontés des gens de la population pauvre, est la pro priété, la personne marocaine désire, par tous les moyens possibles être propriétaire d’un bien immobilier, quelque soit son type, sa valeur ou sa taille, c’est pour elle un élément majeur de stabilité1.

BADAOUI, (2019),

logement social

Maroc

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1 Karim
« Le
au
», Mastère

Habiter, selon différentes visions

Fig.14 Schéma résumant l’habitat et ses composantes, Sara Abdelilah ©

« L’habitat, pourrait-on dire, est au logement ce que le territoire est à l’espace : l’habitat, c’est le logement qui a aurait été prolongé et enrichi.»2

Ce terme, très ancien, a beaucoup évolué à travers le temps, il désigne l’environ nement proche de l’humain, et peut en son sens large aller jusqu’à englober les espaces publics, l’accessibilité des lieux ainsi que les différents services de proximité. Entre la vision fonctionnelle de l’habitat de Walter Gropius, la machine à habiter de Le Corbusier, l’approche humaine de Heidegger, on voit qu’il existe de nombreuses et différentes conceptions, toutes ayant pour but d’améliorer les conditions de vie et l’accessibilité au droit de l’habitat.

L’APPROCHE HUMAINE DE HASSAN FATHY

Dans son livre, « Construire avec le peuple », l’architecte égyptien, a développé une philosophie de de l’habitat reposant sur la réutilisation de matériaux et de tech niques vernaculaires, il accorde beaucoup d’importance à l’identité et au patri

Trouillard Emmanuel, (2004), « Logement et habitation ; de l’espace géométrique au ’home sweet home’ »

65
2

moine historique de chaque région dans laquelle il construit. Hassan fathy, affirme à plusieurs reprises que les projets les plus réussis ne débutent jamais par une page blanche, bien au contraire, il faut se baser sur l’héritage architectural local pour es pérer réaliser une construction adaptée, répondant aux différents besoins, et évitant les erreurs du passé. Cette manière de voir, permet au concepteur de profiter de la maitrise ancienne et de la réadapter à une vision contemporaine, et c’est précisé ment ce qu’il a fait dans son village de Gourna. Habiter pour cet architecte, intègre la dimension humaine, en tenant compte de la culture, de l’environnement et du mode de vie des futurs habitants, ses projets se retrouvent donc bien contextualisés, adaptés aux mœurs et au climat3.

L’APPROCHE DE LE CORBUSIER

Etant un des précurseurs du mouvement moderne, il est célèbre pour avoir utilisé l’expression ‘Une maison est une machine à habiter ’, Le Corbusier, dans une vision industrialisée, visant à démocratiser l’habitat et le rendre accessible à toute per sonne, voit ce dernier comme étant le résultat d’un processus purement fonctionnel. Ce sont des choses qu’on voit dans les unités d’habitation qu’il a proposés, à l’instar de ‘la cité radieuse’ de Marseille, qui pour cet architecte est une ville verticale, comportant habitations, services, espaces publics4 …

VISION DE HEIDEGGER

Pour Heidegger « l’homme habite en poète », en effet, le philosophe allemand es time l’habitat devrait être une représentation de l’être, une composante qui con tribue au bonheur qui interpelle les sens et s’adapte au mode de vie. L’habitat est pour lui l’espace vécu de l’être, il dépasse l’étroitesse des murs pour atteindre tout espace permettant à la personne de s’identifier, c’est une vision très différente de celle purement fonctionnelle que défend Le Corbusier5.

APPROPRIATION DE L’ESPACE

La principale séparation entre l’espace domestique et l’espace publique est ce qui constitue sa clôture, c’est une caractéristique importante, qui la distinction entre un intérieur intime et un extérieur inconnu.

L’appropriation est un terme lié à celui de propriété, dans le domaine du foncier, c’est un processus nécessaire pour que l’humain sent psychologiquement bien dans

3 Hassan FATHY,(1999), « Construire avec le peuple »

4 Le Corbusier (1923),« Vers une architecture»

5 Heidegger, (1958), « Bâtir habiter penser » et « ...L’homme habite en poète... », in Essais et Conférences, éd.

Gallimard,

66
coll. Tel

sa demeure. Pour garantir cette appropriation, on encourage souvent les usagers à personnaliser leurs intérieurs, or, il ne faut pas nier l’importance du droit de propriété et tous les rapports sociaux et économiques qu’il englobe6.

L’IMPORTANCE DE L’INTIMITE

Il est primordial aussi de parler de la notion d’intimité, l’évolution de l’architecture a fait que la fonctionnalité des pièces des logements se précise, pour créer plusieurs distinctions à l’exemple d’espaces de passages, d’autres qui sont habitables, l’envie de s’isoler elle aussi a été matérialisée par une structuration de la maison d’espaces pouvant accueillir du public jusqu’au espaces les plus privés et réservés. Cette structuration d’espaces, de ceux capables de recevoir des visiteurs et ceux intimes met en évidence que l’habitation n’est généralement pas un isolement total du monde, c’est beaucoup plus une architecture qui permet de filtrer et de gestion ner les interactions sociales et familiales. Cette même logique s’étend au bâtiment dans le cas d’immeuble collectif, et au quartier, avec ses différents équipements, ces espaces publics et ses lieux de détente7.

LA FAMILLE AU MAROC

Aujourd’hui comme on le voit si bien dans nos villes, les familles malgré qu’elles se rétrécissent de plus en plus, sont toujours très nombreuses. C’est un élément qui est souvent négligé, surtout dans le cas de relogement de personnes qui habitaient des maisons dans des douars, on leur propose des appartements, suivant un modèle de conception européen, fait pour la famille nucléaire. Ces gens se retrouvent donc, dans des logements qui ne leur sont pas adaptés et qui ne leur offrent ni qualité de vie ni intimité. C’est justement pour ces raisons que la majorité des individus qui bénéficient de ces relogements, vendent leurs nouveaux appartements et repartent construire dans d’autres douars.

Une conception, faite dans le contexte marocain, devrait naturellement tenir compte de la grandeur et de la complexité de la famille, dans notre pays, le sys tème de l’héritage par exemple, fait qu’à la mort du père, tous ses enfants et parfois ses oncles se retrouvent propriétaires de la même maison, et vivant sous le même toit.

Il est du devoir de tout architecte, d’étudier la famille ou la tranche sociale à laquelle le projet est destiné, c’est en connaissant son interlocuteur qu’on arrive à créer des habitations répondant aux besoins et aux attentes de ce dernier.

6 Trouillard Emmanuel, (2004), « Logement et habitation ; de l’espace géométrique au ’home sweet home’ »

7 Eleb M., 1998, « L’habitation entre vie privée et vie publique », in Segaud et al., 1998, ibid (cf. infra), pp.68-

67
74.

Ainsi, pour connaître l’usager auquel est destiné le projet, il est primordial d’étudier, ses préférences et son mode de vie, d’ailleurs, il faut noter que la culture marocaine, malgrè qu’elle est le résultat de multiples influences, reste tout de même un produit d’origine arabo-musulmane.

Le Maroc est un pays qui regroupe une multitude de cultures et de traditions ber bères, arabes et africaines, et dès le 20ème siècle, cette mosaique culturelle a recu une touche de modernité occidentale, qui devient de plus en plus importante jour après jour.

Vu qu’aujourd’hui au Maroc, la classé aisée peut facilement construire une villa ou acheter un penthouse, et vu que la classe modeste dispose des offres de 140.000DH et 250.000DH de logement social, il serait peut-être intéressant de dédier notre projet à la classe moyenne qui ne dispose d’aucune proposition qui convient leur budget.

La détermination de cette classe sociale a été faite en posant des questions aux différents ménages, leur demandant à quelle classe sociale estiment-ils qu’ils ap partiennent, ceci a aidé le HCP à déterminé la marge salariale correspondante à chaque classe1

Cette tranche est beaucoup plus présente dans les milieux urbains que ruraux et elle contribue, par rapport à l’ensemble des ménages à :

• 66% des revenus

• 65.5% des dépenses de consommation

• 72% de l’épargne2

On voit donc que la classe moyenne, dont les salaires sont représentés sur le schéma suivant, constitue la plus grande partie de la population marocaine.

68
1 Données du haut commissariat au plan, conférence du 6 mai 2009 2 Ibid Fig.15 Schéma illustrant le pourcentage des différentes classes sociales, haut commissariat au plan ©

En outre, l’architecture proposée pour cette partie de la population, qui tient beau coup aux moeurs et aux valeurs traditionnelles devrait respecter plusieurs points :

• Garantir l’intimité par rapport à l’extérieur;

• Isoler l’espace privé de l’espace de réception,

• Séparer les espaces nobles de ceux dits sales.

• Offrir des espaces convenables aux pratiques religieuses et culturelles.

• Tenir compte de l’unité de voisinage qui est essentielle pour le developpe ment des relations sociales entres les habitants du quartier.

L’APRES CORONA

Durant ces temps de pandémie, la propagation de ce virus, qui ravage les pays du monde entier, nous oblige à revoir notre vision du logement et à y intégrer des princ ipes de distanciation et d’hygiène indispensables dans cette lutte.

En effet, de nombreux spécialistes jugent que les logements pour assurer plus de pro tection à leurs utilisateurs devraient s’ouvrir au maximum vers l’extérieur, avoir plus de balcon et de terrasses, pour permettre une meilleure aération, en plus de réduire au maximum les espaces communs et d’utiliser les différents procédés de filtration et de contrôle de la qualité et de la température de l’air intérieur.

D’autre part, vu que la pandémie a obligé une grande partie des gens à travailler à partir de leur demeure, avoir un bureau à la maison est devenu primordial, et cette dernière continuera sans doute à constituer le lieu de travail de plusieurs personnes même après la disparition de ce virus3.

https://www.dezeen.com/2020/03/25/life-after-coronavirus-impact-homes-design-architecture/ consulté

69 Fig.16
3
le 15/06/20

Inventaire des interventions principales qui ont été faites depuis le protectorat

L’état marocain, pour garantir à tous les citoyens le droit d’accès à un logement devait fournir une offre d’habitations à un prix très bas mais avec une superficie ca pable de répondre aux besoins et au poids de chaque famille tout en garantissant un certain niveau de qualité et de mise en œuvre.

LA PERIODE COLONIALE

C’est en effet durant cette période que le logement au Maroc a connu le plus de changements, pendant les années 50 une pléthore de quartiers informels ont été crées aux pourtours des villes.

Ces quartiers, à cause de l’exode rurale, se développèrent très rapidement et devin rent, tout d’un coup un problème de taille pour l’état , ce dernier pour résoudre ce problème et mettre fin à l’extension que connaissaient ces zones, s’est inspiré des cités ouvrières françaises en premier abord, pour ensuite travailler sur le modèle d’urbanisme défini par la charte d’Athènes. Ces essais concernaient la ville de Cas ablanca, la plus grande agglomération urbaine marocaine, celle qui a souffert le plus à cause de l’exode rurale et des bidonvilles qui l’entourent et bloquent son développement.

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Fig.17 Bâtiment de André Studer & Jean Hentsch à Casablanca, 1955, Marc Lacroix ©

Sans doute, la plus grande expérience qui a été réalisée durant cette période est celle de Michel Ecochard, qui a été un disciple de Le Corbusier et dont tous les travaux sont marqués par l’empreinte du mouvement moderne. Cet architecte, a fait preuve d’une grande créativité pour offrir aux citoyens marocains des habita tions adaptées à leurs traditions et à leur manière de vivre. Le travail d’Ecochard, malgré le fait qu’il s’inscrive dans une logique de production en masse a été basé sur la maison à patio, et sur les principes de la médina. Son approche pourrait être organisé selon deux partie:

La première partie du travail s’est faite à grande échelle, elle avait pour but de développer un plan urbain, organisant les différentes zones nécessaires à l’implan tation des bâtiments, tout en tenant compte du voisinage et de la proximité néces saire au développement des liens sociaux entre les habitants.

La deuxième partie du travail était purement technique, son but était d’intégrer toutes les composantes fonctionnelle du programme dans une trame de 8x8 qu’on allait reproduire pour toutes les maisons1

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1 Sara Abdelilah, (2018) « Du logement social à l’habitat social », mémoire Fig.18 Fondation maison du Maroc, bâtie en 1953 par Albert Laprade, Jean Vernon et Bruno Philippe, Fondation Maison du maroc ©

En travaillant, à l’échelle urbaine, sur l’organisation du quartier, Ecochard a beau coup tiré de l’organisation de la médina, dans la conception de son projet, il avait donné beaucoup d’importance à la circulation piétonnière et à la proximité des équipements et des services.

Chaque quartier contenait approximativement 9000 personnes, réparties en 5 unités de voisinage de 1800 personnes chacune, et disposait de plusieurs équipements tel que des terrains de sport, des marchés, des écoles, hammam, des infirmeries, des mosquées8...

La fameuse trame de 8x8, souvent aussi appelée ‘Trame sanitaire’ avait permis d’at teindre des densités remarquables, approchant les 350 personnes / hectare, tout en assurant à toutes les habitations une orientation est/sud et un patio sur lequel s’ouvre deux pièces de la maison. L’efficacité de la production en masse a permis en cette époque de réaliser deux logements par jour, un chiffre remarquable, atteint par grâce à l’utilisation de techniques industrielles nouvelles.

M. Écochard, (1955), « Casablanca., le roman d’une ville», Paris, Éd de Paris.

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Fig.19
Trame d’Ecochard, « Casablanca, le roman d’une ville. », M.Ecochard
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Fig.20 Schéma illustrant l’organisation d’un quartier d’habitat, M.Ecochard

Fig.21 Schéma de fonctionnement des quartier, M. Écochard

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PERIODE POST-COLONIALE :

Après le protectorat, le Maroc a connu deux phases différentes en termes de pro duction de logement social, la première a débuté à partir des années 70 et a duré 20 ans jusqu’à 1990, et la deuxième, toujours en cours aujourd’hui, avait commencé dès l’année 2000. La principale différence entre ces deux périodes est la manière avec laquelle l’état est impliqué dans la production.

La première phase avait été déclenchée par la création du ministère de l’habitat et de l’urbanisme, ce dernier pour résoudre la crise croissante en terme de loge ment a mis en place deux stratégies d’intervention, toutes les deux s’attaquant aux problèmes de deux angles différents, mais en ayant un objectif commun.

La réalisation de lotissements rassemblant plusieurs classes, chose très bénéfique so cialement et qui a été réalisée à travers une répartition équilibrée de logements pour classe moyenne et de logements sociaux dans la même zone, ces opérations ont été menés dans un grand nombre villes

La deuxième stratégie a été faite pour les agglomérations dont le site ne pose pas de problème par rapport au développement de la ville, cette démarche consiste à restructurer les quartiers informels en leur offrant les services fondamentaux et les infrastructures essentielles.

Ce sont ces deux méthodes, une directe et l’autre indirecte qui ont été appliqué jusqu’aux années 1990, ensuite à partir de 2000, le Maroc a connu l’émergence de la promotion immobilière, les acteurs privés sont devenus les premiers producteurs de logements, l’état à cause du manque de moyens financiers a fini par délaisser le domaine de la construction de logements sociaux pour aller vers la revalorisation des espaces urbains et la mise à niveau des zones ayant des problèmes d’infrastruc ture, tout en encourageant la production d’habitat social à travers les subventions et les exonérations fiscales offertes aux promoteurs.

En outre, la loi des finances de 1999 a été cette qui avait introduite les subventions aux projets de logement social, ces subventions ont énormément encouragé les in vestisseurs et donc ont enclenché plusieurs opérations de taille.

Programme des 200 000 logements (1995): C’est une des première opérations qui ont lancées, ce fut un grand pas pour le Ma

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roc, vu l’importance et la taille de ce programme. 200 000 logements réalisés nor malement selon les règles de l’art avec des superficies de 70m² minimum commer cialisés à des prix ne dépassant pas 200.000dhs. Ce fut une opération pilote, lancée par le ministère de l’habitat dans afin de répondre au besoin incessant en termes de logements à faible cout, mais aussi pour faire revivre l’économie et relancer le marché de construction.

Concernant la répartition de ce nombre d’habitation, le ministère a voulu donné l’initiative aux villes souffrant le plus par les problèmes locatifs, notamment Casa blanca, Rabat, Meknès et Fès en leur offrant les 20 000 premiers logements. A part cela, le ministère, naturellement, a voulu facilité l’accès des populations pau vres à ces logements, chose qui a été faite en leur donnant la possibilité de payer leur logement sur une durée qui peut aller jusqu’à 25 ans avec des loyers variants entre 700 et 900dhs, selon le prix du terrain qui varie d’une région à une autre1.

Programme de logements a 140 000dhs (2008) : C’est un appel d’offre, qui au départ, n’avait pas réussi à séduire les promoteurs et les attirer, ceux-ci ont jugés que construire des immeubles répondant aux exigences qualitatives requises par l’état pour ensuite les revendre au prix de 140 000dhs l’ap partement était peu rentable pour eux. Ayant pris conscience de problème, Al Omrane, qui était en charge de ce pro gramme a utilisé la solution de la péréquation pour rendre son appel d’offre attrac tif. Cette option, même si de la part du groupe on préfère parler de mixité sociale, a permis aux promoteurs d’utiliser le modèle du « un tiers/un tiers/un tiers » sur leur terrains achetés à très faibles coûts. Cette possibilité a rendu le projet énormément plus attrayant, les promoteurs dans ce cas là, proposeront un tier en logement à faible coût, un tiers au logement social de 200 000dhs et le tier restant au logement destiné à la classe moyenne. «Dans ces conditions, le projet devient plus attrayant et l’opérateur pourra équilibrer ses comptes», estime Youssef Ibn Mansour, président de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI)2. Utilisé entre 2008 et 2012, il a été principalement destiné aux habitants de bidonvilles relocalisés.

Programme de logements a 250 000dhs (2010) :

Son objectif, atteindre les 300 000 logements avant 2020, le programme de loge ment social a 250 000dhs est une des plus grandes opérations entreprises au Maroc, Ces appartements sont faits pour les personnes à faible revenu et n’ayant pas d’au tre propriété, et afin de s’assurer que les appartements ne seront pas achetés pour

1 https://www.leconomiste.com/article/les-200000-logements-sociaux-lancement-de-la-premiere-tranchede-20000-unites

2 https://leconomiste.com/article/logement-140000-dhbr67-promoteurs-interesses

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être revendus, l’état a imposé aux acquéreurs d’exploiter leur appartement pour une durée minimale de 4 ans si ils veulent bénéficier de l’exonération fiscale. Leurs superficies varie entre 50 et 100m².

La production de logement social aujourd’hui

Le secteur privé au Maroc domine largement la production de logements sociaux, annuellement , il atteint 78.1% de la production totale alors que le groupe Al Om rane, qui a été crée à partir de la fusion des établissement régionaux d’aménage ment et de construction publics en société anonyme, n’en produit que 19.6%, le reste, qui est de 2.4% est de la part du secteur public. Le nombre de logements sociaux en 2015 a atteint 183.234 unités, et 80% de ce chif fre a été commercialisé a 250.000 dhs. L’objectif du ministère, est de produire 800.000 habitations avant 2021, dans le but de réduire le déficit en logement de 50% - Ministère de l’habitat, de l’urbanisme et de la politique de la ville, Direction de la promotion immobilière « Tableau de bord du secteur de l’immobilier 2011 »

Vue critique sur le logement social au Maroc Après avoir eu une vision, malgré qu’elle soit brève sur le travail qui a été fait au Ma roc et les différentes interventions qui ont été réalisés, il est impératif de voir l’abou tissement de toutes ces actions, les bienfaits qu’elles ont eu sur la société et les er reurs qui ont été commises et qu’il faut dans les futures opérations éviter à tout prix. Nul ne peut nier que les différentes initiatives qui ont été faites ont énormément con tribué à réduire la propagation de l’habitat insalubre qui retenait le développement de plusieurs grandes villes. Le programme « Villes sans bidonvilles » a permis d’offrir un logement à près de 760 000 habitants depuis qu’il a été lancé en 2004, des statis tiques avancées dans l’Enquête Nationale d’Evaluation d’Impacts des Programmes de Lutte contre l’Habitat Insalubre sur les Conditions de Vie des Ménages effectués par le Ministère de l’Habitat en 2013 et donc ce programme a permis de répondre aux besoins d’à peu près 84% des ménages résidant dans des bidonvilles ou dans des logements précaires en leur assurant une proximité aux services de b ase et à des espaces de jeux pour les enfants, le branchement aux réseaux publics en plus d’un cadre de vie digne et valorisé.

A l’opposition de ces avantages, les logements sociaux proposés contiennent aussi beaucoup d’inconvénients. En effet, nombreux sont les projets qui n’ont pas été faits selon les règles de l’art, pour finir avec des espaces mal réalisés, qui n’ont aucune ment les qualités de vie nécessaires au confort de l’habitant. De plus, surtout pour

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les programmes ne profitant pas de ce qu’apporte la mixité sociale, on se retrouve avec des quartiers résidentiels à densité très haute, ne disposant pas d’équipements de base ni d’espaces extérieurs aménagés, ce qui crée encore plus de ségrégation sociale, un fléau dont souffre déjà beaucoup notre société marocaine.

De plus, souvent situés très loin des villes, à leur entrée / sortie, vu que le prix du fon cier dans les zones proches intéressante est très haut, ces familles deviennent isolées toutes activité urbaine et la zone dans laquelle ils habitent finit par être oubliée et marginalisé par les différents pouvoirs.

Aussi, ces immeubles résidentiels posent souvent des problèmes pour leur entretien, vu leur très grande densité et le nombre d’habitants qui partagent les mêmes es paces semi-publiques, ces lieux, par l’indifférence des usagers amassent les saletés et les ordures et réduisent la qualité de vie à l’intérieur des bâtiments. Cela nous pousse à nous demander si la typologie de l’immeuble est celle qui est le plus convenable aux logements sociaux marocains, disposant d’assez de terrains vierges, une autre disposition, assez dense mais minimisant les espaces collectifs ainsi que le nombre de personnes qui les utilisent pourrait donner de bons résultats.

D’autre part, on sait que le cahier des charges indique aux promoteurs qu’il est obligatoire de planter un nombre d’arbres ayant une hauteur bien déterminée, égale au nombre de logements contenus dans chaque immeuble, sauf que, mal heureusement, toutes ces instruction qui contrôlent la qualité des constructions et des environnements qui les entourent sont négligées par les investisseurs, d’ailleurs, le non-respect du cahier des charges est une des plus grandes causes des problèmes que connaissent le logement social au Maroc. Ajoutons à cela, dans la grande majorité des cas, des principes importants de con ception sont ignorés, les espaces de vie sont mal conçus et mal orientés puisque la seule règle citée par le règlement est la suivant : « Chaque pièce d’habitation ou cuisine doit être éclairée par une ou plusieurs fenêtres dont l’ensemble devra présenter une surface au moins égale au 10e de la superficie de la pièce

LE RAPPORT QUALITÉ / PRIX

Normalement, dans le cas du logement social, le promoteur vend ses appartements au prix avec lequel il les a construit, tout son bénéfice réside dans les 40000dhs de TVA qu’il récupère au préalable. Le promoteur gagne alors à un pourcentage de 20 à 30%, ce qui est très large. « Construire un immeuble, combien ça coute, combien

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»3
3 Cahier des charges des prescriptions minimales urbanistiques, architecturales et techniques relatives au logement.

ça rapporte »4, Janvier 2007

La répartition de l’investissement est faite de la manière suivante

Entre 7 et 9% des frais est reçue par les différents intervenants qui sont l’architecte, les ingénieurs et autres …

Entre 49 et 53% est utilisé pour la construction,le prix au m² brut est compris entre 2200 et 2500 dhs.

4% des frais est misée dans tout ce qui est commercialisation De 10 à 25% est destinée au foncier qui varie généralement entre 800 et 1500dhs, ce qui extrêmement bas comparé au prix du foncier d’un immeuble moyen standing dans la ville de Casablanca par exemple, et qui est de 8000dhs le m², d’où mal heureusement les très mauvaises localisations de ces projets d’habitat social.

LA RÉACTION DES HABITANTS

Nombreuses sont les familles qui, même après que le programme « villes sans bi donvilles » leur a offert des appartements gratuitement dans le but de relocaliser le bidonville dans lequel ils habitaient, ont totalement refusé, en restant dans leurs demeures originales, pour les raisons que nous avons cité plus tôt, une situation n’of frant aucun avantage et des modèles non adaptés au mode de vie marocain, prin cipalement. D’autres familles ont acceptés les appartements et y ont résidés les 4 ans exigés par la loi, seulement pour les revendre après et se relocaliser dans un autre bidonville, un peu plus que celui dans lequel ils habitaient avant, en se procurant des biens beau coup plus grands que l’appartement offert à eux par l’ état.

Dans ce chapitre, nous avons étudié la problématique du logement au Maroc, en établissant un inventaire des plus importantes interventions qui ont été faites, et cela après traiter les de définitions de base, et analyser la complexité et la composition de la famille marocaine. On a vu que la production en termes d’habitation a été largement dominé par le logement social, dans tous ces différents programmes, ainsi que l’autoproduction des maisons en R+1qui au départ étaient des copies de la trame de 8x8 proposée par Ecochard mais qui ont par la suite évoluer d’une manière assez hasardeuse. On a aussi vu que les familles sont réticentes et très rare ment convaincues par l’offre qui leur est proposée, et cela parce que cette dernière est chère sans proposer aucune qualité de vie, ne respectant ni le mœurs ni la façon d’habiter des marocains.

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4 http://lavieeco.com/news/argent/construire-un-immeuble-combien-ca-coute-combien-ca-rap porte-6104.html

L’usager est le seul pouvant parler précisément de ses attentes et de ses besoins, de ce fait, l’intégrer au pro cessus du design semble impératif, l’approche participative serait-elle l’ingrédient fondamental à la réus site des projets résidentiels ?

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81 IMPORTANCE DE L’APPROCHE PARTICIPATIVE

Importance de l’approche participative et de l’incrémentalisme

Nous avons démontré dans la partie précédente l’importance de l’approche par ticipative étant la seule méthode de prévoir plus ou moins à quoi s’attend le pro priétaire et de quoi a –t-il besoin dans son logement. Au Maroc, puisque les logements sociaux sont faits dans une démarche favorisant la rentabilité économique surtout, et à cause de la production en masse et de la réadaptation du même modèle, qui dans son essence ne respecte pas les mœurs et les traditions marocaines, les familles sont contraints à vivre dans des logements qui ne leur conviennent pas, chose qui se reflète souvent sur les bâtiments. Dans les cas ou c’est possible, et vu que la maison ne répond pas entièrement aux besoins de ses habitants, ces derniers choisissent de l’étendre de manière informel le, pour l’adapter du mieux qu’ils peuvent. Ces interventions, interdites par la loi se font dans l’illégalité totale, sans aucune supervision technique, ce qui donne des résultats aussi désastreux que dangereux. Nous allons dans ce chapitre illustrer ces propos par des exemples concrets de pro jets réalisés, que l’habitant a du remodeler et étendre au-delà de ce qui a été prévu par le concepteur.

SURÉLEVATION DES MAISONS À PATIO SUR TRAME 8 X 8

Sur la photo, on observe une évolution qui a commencé au niveau de rez de chaussée. Les maisons à patio proposées par Ecochard ont été transformées par les habitants pour ressembler beaucoup plus à un immeuble qu’à une maison tradition nelle de la médina.

Le fait de tendre vers l’immeuble marque la fin de la domination de la maison à patio qui est certes symbole de la tradition et l’architecture marocaine. De ce point de vue, la stratégie du général Lyautey qui consistait à respecter la culture et la

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Fig.22 Photo d’une maison de 8x8 qui a été surélevée, J.L Cohen ©

tradition marocaines, malgré qu’elle a été d’une grande importance au début du colonialisme n’était plus nécessaire à ce moment là.

SURÉLEVATION DES MAISONS À PATIO SUR TRAME 8 X 8

Le fait de tendre vers l’immeuble marque la fin de la domination de la maison à patio qui est certes symbole de la tradition et l’architecture marocaine. De ce point de vue, la stratégie du général Lyautey qui consistait à respecter la culture et la tradition marocaines, malgré qu’elle a été d’une grande importance au début du colonialisme n’était plus nécessaire à ce moment là.

Cela est surtout valable pour les villes comme Casablanca, qui ne reprenant pas ce tte manière traditionnelle d’organiser l’espace, mettant en scène un type différent de rapports hommes / femmes, accueille des paysans, qui dès leur arrivée, décou vre la ville et ces nouvelles valeurs modernes, sans les mêler aux colonialisme, ce qui les rend plus facilement digérables.

Le logement européen a été pour une grande catégorie de marocains comme étant un accès à la modernité, il faut noter que dans le cadre du respect de la culture du pays colonisé, le protectorat n’a jamais cherché à imposer le modèle européen aux gens, ce dernier n’a été proposé que parcimonieusement, lorsque d’autres alternatives étaient disponibles. Ce qui a été le plus attirant dans ce nou veau type de logement c’est qu’il est un signe d’appartenance à la modernité. Une enquêtrice a marocaine a dit des familles rurales fraîchement installées dans ces habitations nouvelles « Ils oscillent entre le kânoun et le Butagaz, ils ne se plaignent pas, mais sont tout brouillés » - propos rapporté par Colette Pétonnet, « Espace, dis tance, dimension dans une société musulmane ».

Comme ca a été souligné par les spécialistes de l’époque, une des raisons majeures de l’échec de plusieurs projets de relogement réside dans le fait de ne pas faire par ticiper l’usager, et donc ignorer ce dont il a envie et vers quel type d’architecture il tend.

Le banquier Louis Renaudin dit en 1954 que « Les conceptions officielles ont mani festé une tendance marquée à cristalliser l’habitat indigène dans sa forme archai que, alors qu’il faudra nécessairement lui faire franchir les étapes qui le rapprocher ont des formules plus modernes »1.

1 Louis Renaudin,(1954), « L’Habitat en Afrique du Nord ».

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Un membre de la commission du logement de la direction de l’intérieur avance un point intéressant : « il ne faut pas que l’administration veuille respecter les traditions plus que les intéressés eux-mêmes »2

D’autres marocains prirent même ce respect de la tradition locale, et la reproduc tion de la structure de la maison individuelle à patio comme un empêchement de leur évolution de la part des français. Or, c’est un sujet très complexe, que nous pourrons pas résumer en quelques lignes, puisque les opinions restent très diverse. En tout cas, toutes ces choses montrent à quel point il est important de prendre l’avis des personnes concernées et de les faire participer à la conception de leurs maisons.

LES IMMEUBLES DES CARRIÈRES CENTRALES

De nombreux projets expérimentaux ont été réalisés au Maroc durant les années 50, le travail qui a été fait par l’équipe ATBAT-Afrique constitue un des plus grands chan tiers résidentiels de l’époque. ATBAT-Afrique est une filiale du bureau d’étude créé par l’ingénieur Vladimir Bodiansky pour réaliser l’Unité d’habitation de Le Corbusier à Marseille3.

George Candilis, dirigeant de cette filiale au Maroc, a passé aux côtés de Shad rach Woods et de Vladimir Bodiansky, deux ans sur le chantier pour construire les trois immeubles des carrières centrales. Pour ce faire, Ecochard, ayant déjà travaillé au Maroc, et connaissant les traditions constructives et culturelles du pays et de ses habitants lui propose de travailler sur une superposition de la trame verticale des 8 x 8. Les trois architectes ont conçus une tour, qui c’est vrai n’a rien de remarqua ble, mais aussi deux bâtiments introduisant des concepts nouveaux que nous allons étudier dans ce qui va suivre.

Candilis avait dit que « 70% environ de la population des bidonvilles viennent du sud de l’Atlas, [et que] son habitat d’origine est déjà un habitat collectif (voir kasbahs et villages accrochés au flanc de la montagne) », ainsi il présenta son travail comme étant une solution « en accord avec le milieu naturel, social, économique et éthique du pays ». Il estime que par leur expérience de vie dans les kasbahs, villages, ksours, greniers citadelles, ces familles ont développé la capacité de vivre les uns aux côtés des autres et de gérer les intérêts et les espaces collectifs, jusqu’à une certaine lim

2 Si Hadj El Ayadi membre de la Commission du logement de la direction de l’intérieur, réunion du 19 juillet 1949, dossier Maroc, CDRG 138, MAE, Nantes

3 Jean-Louis Cohen et Monique Eleb, (1998), « Casablanca: mythes et figures d’une aventure urbaine »

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ite4.

Dans les deux bâtiments qui nous intéressent, le patio reste un élément clé, il permet tra d’amener le soleil pour éclairer les intérieurs en plus de permettre la ventilation des différents espaces.

Semiramis, dans son immeuble , a du composer avec un terrain très contraignant, la pende de celui-ci l’a obligé à faire son projet en deux blocs, en l’ouvrant à l’est et à l’ouest. La circulation intérieure se fait grâce à des coursives qui mènent aux patios, chaque les deux niveaux.

Fig.23 Immeuble « Nid d’abeille » de Candilis, Marc Lacroix

Les différences entre l’immeuble de Semiramis et celui de Candilis qu’on verra par la suite sont dues aux différences entre les populations pour lesquelles ils sont destinés. Pour Candilis, l’immeuble de son collègue, avec ses patios à double hauteur et ses coursives est mieux convenables pour des personnes qui sont restées plus attachées à l’éthique musulmane

Fig.24 Immeuble de Sémiramas, Marc Lacroix

Dans le nid d’abeille, qui a été réalisé par Candilis, et qui est très orthogonal, les

Jean-Louis Cohen et Monique Eleb, (1998), « Casablanca: mythes et figures d’une aventure urbaine

L’architecture d’aujourd’hui n60, (1955), « Recherche pour des logements économiques par ATBAT-Afri

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coursives ont été mises sur la façade nord, la façade sud quand à elle est animée par un jeu d’ouvertures, crée par les murs des patios, ce qui a donné à la fois un vol ume épuré et un éclairage affiné .

La volumétrie des deux bâtiments et le vocabulaire architecture employé montre que ces architectes se sont réellement inspirées de notre tradition marocaine, dont la sobriété, l’orthogonalité et l’aspect épuré et austère, sont parmi les meilleures qualités. D’ailleurs Ecochard avait critiqué l’étroitesse des escaliers réalisés par Can dilis, qui les avait justifiés en faisant l’analogie avec ce qui se faisait dans la concep tion des kasbahs et dans les maisons à patio, où l’escalier est mis dans le coin sombre de la demeure, contrairement, à l’architecture européenne, dans laquelle c’est un élément central6

On voit que ces projets, malgré tout le travail d’analyse et d’étude qui a été fait en amont, n’ont malheureusement pas pu répondre aux besoins des habitants. Candilis et Semiramis, deux architectes ayant beaucoup étudié le Maroc et les différentes réalisations qui leur étaient contemporaines ont fait de leur mieux pour répondre aux attentes des futurs usagers, en prévoyant ce dont ils auraient besoin et en leur offrant un habitat qui respecte leurs mœurs, leur mode de vie, et leurs visions. Or, même pour les meilleurs des concepteurs, le futur demeure inconnu, on peut prévoir les changements éventuels et les mutations possibles dans les modes de vie des gens, mais on ne peut jamais être sûr de l’évolution que ces derniers peuvent connaître, à ce sujet, Ecochard, conscient de cet exact problème avait souligné que sans la surveillance très stricte des autorités, les patios et le jeux de volumes proposés par Candilis se transformeront facilement à une extension des espaces intérieurs de la maison. C’est justement ce qui est arrivé, malheureusement pour ces projets malgré la grande qualité de vie qu’ils offraient7.

6 Un article du quotidien Maroc-Presse,(1954) favorable aux libéraux de « Conscience française ».

7 Jean-Louis Cohen et Monique Eleb, (1998), « Casablanca: mythes et figures d’une aventure urbaine »

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Fig.25 Photo de l’immeuble « Nid d’abeille » après le changement apporté par les habitants en 2013, J.L Cohen ©

De ces faits, il est clair que l’incrémentalisme est un concept essentiel à la réussite des projets résidentiels aujourd’hui. On ne peut pas prévoir les besoins futurs des usagers ni l’évolution de leur famille et de leur mode de vivre, et donc on ne peut pas proposer une solution de logement rigide, qui fonctionne aujourd’hui et prévoir que dans 10 ans, elle sera toujours convenable pour satisfaire les exigences des per sonnes concernées, et cela a été clairement démontré par les projets cités dans ce chapitre, des projets qui ont été à l’heure de leur création des chef d’œuvre d’ar chitecture et de fonctionnalité. Aujourd’hui, on a besoin de repenser le logement collectif et individuel, en lui intégrant plusieurs paramètres essentiels, qu’on aura l’occasion de détailler par la suite.

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89 REINTERPRETATION DES MODELES DE LOGEMENT COLLECTIF ET INDIVIDUEL

Dans cette recherche, le but n’est pas celui d’aboutir à un modèle architectural in crémental, applicable dans toute situation, mais plutôt de soustraire des principes, à partir des différentes recherches et analyses, applicables dans notre cas marocain. Bien que, le travail de l’architecte chilien Aravena semble assez adapté à notre contexte, vu les nombreuses similarités entre le Maroc et le Chili, il nécessaire de travailler bien plus en profondeur sur une adaptation des règles et des principes à employer, pour s’assurer de l’adéquation de l’approche et son application à notre culture. Dans ce qui va suivre, nous travaillerons sur la réinterprétation des princi pes les plus importants de la démarche incrémentale en commençant par ceux du logement individuel et ensuite ceux de celui collectif.

Réinterprétation du modèle de logement individuel

L’INDIVIDUALITÉ

Le caractère spécifique du logement individuel est sans doute, son trait le plus im portant, c’est un élément qui offre au concepteur la possibilité de répondre, de la meilleure manière possible aux exigences du maître d’ouvrage. Il ne faut pas tomb er dans l’erreur de penser que l’architecture incrémentale, ne peut se faire que suivant les modèles développés par Aravena, ces derniers sont faits pour convenir à un contexte bien déterminé. La forme du logement ne devrait normalement être définie que par la synthèse d’un ensemble de problématiques appliquées par le site, l’époque, les ressources et par les usagers futurs du projet.

LE COÛT

S’offrir sa propre maison est investissement de vie, l’architecte, doit, du mieux qu’il peut faciliter la tâche des acquéreurs. Selon le site ‘Consortium immobilier », le maî tre d’œuvre peut réduire le coût global du projet de 30 à 60% en faisant participants les habitants dans la construction1

Cette approche, bien qu’elle soit économiquement très viable comporte énormé ment de risques, mais avec l’encadrement convenable, c’est une méthode effi cace comme ca a été démontré par Hassan Fathy dans la construction du village de Gourna, cet architecte, ayant consacré toute sa carrière dans le but d’offrir aux paysans pauvres des logements dignes, a établi des un système qui pourrait être transposé et réutiliser au Maroc vu les similarités entre nos villages et ceux de l’Egypte2

De plus, même dans le contexte urbain, cette approche va de paire avec l’incré

1 https://www.consortium-immobilier.fr/guide/achat-vente/4/21/67/ » Le recours minimum aux intervenants professionnels tels que le constructeur de maisons individuelles, permet d’économiser de 30 à 60 % de son budget »

2 Hassan FATHY, « Construire avec le peuple ».

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mentalisme, qui par la partie construite sous la supervision de spécialistes limite les risques de l’opération.

LA PARTIE À CONSTRUIRE

C’est une question à laquelle la réponse est loin d’être évidente, déterminer la par tie à construire est une des tâches les plus difficiles devant les architectes incré mentalistes, heureusement, ils sont assistés dans durant cette quête par différents paramètres. Le choix de la partie à construire devrait tout d’abord se faire par un dialogue entre l’architecte et la famille, elle devrait aussi tenir compte des limités de la méthode de l’auto-construction, les parties à rajouter doivent être les plus simples possibles et n’avoir aucun impact négatif sur le fonctionnement de la moitié constru ite de la maison. D’autre part, l’architecte doit être sur de la qualité de réalisation des éléments les plus durables et les plus complexes tel que les composantes de bas es de la cuisine et de la salle de bain, les escaliers, les différentes plateformes . Aussi, il est tout aussi nécessaire de prévoir comment les différents systèmes de climatisa tion vont fonctionner entre la partie originale de la maison et la partie rajoutée.

LA THERMIQUE

Depuis toujours, l’homme a fait de son mieux pour s’adapter aux conditions clima tiques des zones dans lesquelles il vit, et cela par des moyens ingénieux et économi ques. En architecture, la solution de s’adapter au climat en utilisant des systèmes de chauffage et de refroidissement intérieure, sans travailler sur l’enveloppe extérieure du bâti est une solution qui n’est pas viable vu son impact énergétique conséquent. Dans une ville comme Marrakech par exemple, la thermique du bâtiment joue un rôle très important. En effet, il est impératif, au moment de la conception de prévoir comment est ce que la maison serait agréable pendant les hautes températures de l’été. Dans un climat aride et sec, l’inertie des matériaux est une option à faible coût qui permet d’obtenir des résultats intéressants, grâce au déphasage, la chaleur re tenue par les murs pendant la journée est dispensée dans la maison le soir, où l’ex térieur est plus frais et où il est plus facile de l’évacuer. C’est une solution parmi beaucoup d’autres, l’essentiel est que l’architecte

LES VALEURS VEHICULÉES

Il est de fait que l’architecture est intimement liée à la culture, elle en est le produit et l’expression. Au Maroc, notre société, depuis plusieurs décennies, a su entretenir des relations sociales très développés et cela grâce à un certain nombre de valeurs qui régissent la vie de tous les jours tout en encadrant et en protégeant les gens.

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Ces principes là, doivent être reflétés dans l’architecture, en étudiant l’exemple des médinas anciennes par exemple, il est facile de voir que les maisons ont été faites dans un respect stricte de l’intimité et du voisinage. Généralement on ouvre sur l’in térieur, les maisons par leur allure extérieur austère et fermée ne révèlent pas la gran deur des intérieurs, de cette manière, les gens ne s’amusent à exhiber leurs richesses. Bien que l’exemple de la Médina est un exemple parlant, ayant de nombreuses qualités, il faut avouer que ce n’est plus aujourd’hui un modèle qui fonctionne.

L’architecture incrémentale et le modèle proposée pour Aravena semble correcte, et avec un minimum d’adaptation, serait parfaitement applicable dans le contexte du Maroc. Economiquement parlant, comme le souligne clairement Gonzalo LIZ ARRALDE dans son ouvrage, c’est sans doute le seul processus qui s’adapte aux ressources financières des usagers. Vu les faibles revenus de la classe pauvre maro caine, cette démarche pourrait en effet, leur faciliter considérablement l’accès au logement, et au lieu de souffrir sous le poids d’une grosse dette, l’incrémentalisme leur offre la possibilité de commencer leur maison avec une petite somme, et de l’agrandir dans le futur, quand les moyens seront disponibles, étape par étape, selon ce dont ils sont capables3

Dans notre cas, à mon sens, le plus difficile serait de réinterpréter le rôle de l’archi tecte et l’impliquer complètement dans la démarche incrémentale, ce n’est pas évident, parce que ce serait de lui demander d’assurer des missions, très contraig nantes, qu’il n’a pas l’habitude d’assurer. Ajoutons à cela, que la formation tech nique ainsi que l’organisation de workshops et de réunions entre un nombre impor tant de participants demandent des qualités organisationnelles et de gestion dont les architectes ne disposent pas forcément. Ce sont des problématiques qu’il est impératif de résoudre pour la réussite de la démarche incrémentale, l’auto-con struction de la deuxième partie de la maison, nécessite un soin minutieux, surtout pour le cas de la maison individuelle, qui sans l’entraide entre familles et la supervi sion des personnes les plus expérimentées parmi eux, pourraient facilement donner des résultats désastreux.

L’incrémentalisme a un côté social non négligeable, or, des fois, certaines familles n’ont tout simplement pas envie d’habiter dans une maison pour ensuite s’engager dans d’autres opérations de construction dans le futur. C’est une démarche qui ne peut être généralisée malgré toutes les possibilités et les facilités qu’elle apporte.

3 Lizarralde,G (2014), The invisible Houses ; Rethinking and designing low-cost housing in developing coun tries (1 edition). New York Routledge.

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Réinterprétation du modèle de logement collectif

Aujourd’hui, l’un des plus grand témoins de l’improvisation des gens est le balcon, c’est un exercice que toute personne peut faire, à partir du trottoir et en parcourant les rues, il suffit de jeter un coup d’œil sur les façades des immeubles pour avoir une idée sur la fréquence des interventions illégales que les habitants entreprennent pour adapter leur logement. Souvent, les immeubles qu’on a au Maroc offre des balcons très étroits et donc difficilement aménageables et pas très fonctionnels, du coup, les usagers, pour ces raisons là, mais aussi pour des raison d’intimité, préfèrent ne pas les utiliser. Dans de nombreux cas, ces balcons non utilisés, deviennent, par l’initiative des familles une extension totalement fermée des espaces intérieurs de la maison, ce qui pose un très grand nombre de problèmes liés à la sécurité de l’immeuble, vu que la structure n’a pas été conçue pour recevoir une telle charge à ce niveau là, et l’esthétique de l’immeuble, par ces rajouts non contrôlés et mal exécutés, l’esprit que l’architecte a voulu donner à sa façade se perd.

Cette photo que j’ai prise à Tétouan illustre que ces extensions non prévues peuvent prendre des formes encore plus dangereuses, ce balcon improvisé n’a de support que l’auvent métallique du café en dessous Suivant la même démarche, nous feront pour le logement collectif qui est un peu plus complexe, ce que nous avons fait pour le logement individuel, sans pour autant rementionner les éléments qui sont valables pour les deux modèles comme la ther mique ou les valeurs culturelles par exemple.

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Fig.26 Photo de balcon à Tétouan

LE COLLECTIF

Le logement collectif, plus complexe et plus contraignant que le logement individu el, n’offre pas beaucoup de liberté au concepteur, ce dernier se voit entrainé par les différentes réglementations et par les innombrables contraintes appliquées par le site et la grande masse d’usagers, qui sont dans la démarche incrémentale des interlocuteurs. L’intervention de l’architecte se fera à une échelle urbaine, qui aura beaucoup d’impact sur la ville et sur le paysage urbain, chose qui rend la démarche incrémentale avec son côté libre et son esthétique incertaine, pleine de risques. Heureusement, ce caractère collectif, facilite certaines tâches, comme l’économie, et le social, en renforçant les liens entre les futurs voisins, on s’assure qu’on aura un projet plein de vie, un projet qui aura un effet positif sur la vie des personnes qui y habitent.

LE COÛT

Comme cité dans le paragraphe précédant, la démarche collective permet de réduire au maximum le prix de certaines opérations, la solution de la préfabrication et de la production en masse, vu que la structure d’un bâtiment coûte environ 30% du prix total de sa construction, permettrai d’effectuer de réelles économies, et ainsi investir l’argent gagnées pour acquérir des terrains ayant plus de valeur et se situant dans des zones intéressantes de la ville.

L’ECOLOGIE

Aujourd’hui, l’écologie prend de plus en plus d’importance dans la construction et dans l’architecture, la mode des écoquartiers mixtes et adaptés aux enjeux mod ernes bat son plein, et l’incrémentalisme, peut être appliqué pour répondre à ces exigences. Un complexe résidentiel, peut ne pas être fait d’un seul modèle répéti tif, mais de différentes conceptions, chacune destinée à une clientèle précise, de manière a créer un quartier hétérogène socialement, dans lequel toutes les class es cohabitent. En outre, en intégrant les matériaux locaux dans les procédés de construction, c’est-à-dire en utilisant des matériaux non polluants, et disponibles sur place, on peut aussi réduire considérablement l’énergie grise consommée par le projet.

LA PARTIE A CONSTRUIRE

C’est une question à laquelle il est beaucoup plus de répondre dans ce cas là, parce que pour la maison individuelle, on peut facilement déterminer la partie à construire en discutant avec la famille concernée, sauf que dans ce cas là, quand nous avons

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une centaine d’interlocuteurs avec lesquels on doit converser pour définir la con sistance et le contenu de cette partie, la mission de l’architecte devient très dure. Comme cité auparavant, de longues séances de travail s’imposent, et à la fin du processus il va falloir arriver à trouver une base répétitive, cette base devra répon dre aux besoins fondamentaux des habitants mais elle doit aussi leur laisser assez de liberté afin qu’ils puissent après, chacun personnaliser sa maison à sa manière et se l’approprier.

« La participation des habitants dans la conception et l’aménagement de leur loge ment permet de créer un réseau collaboratif d’échanges de matériaux et de servic es entre voisins, afin de construire une économie solidaire et humaniste ».

A part le travail fait par Aravena, d’autres exemples sont très intéressants, à titre d’exemple, les œuvre de l’agence Stavy, qui ont pu, en utilisant l’incrémentalisme proposer un modèle de bâtiment qui accueille différentes classes sociales. C’est une solution qui augmente la valeur de la construction, et en vendant leurs logements à différentes valeurs, certaines très hautes, ils ont la possibilité d’acquérir des ter rains situés dans des lieux inaccessibles normalement aux familles pauvres. Dans ce même projet, les habitants n’ayant pas beaucoup de moyens suivent la démarche incrémentale en construisant leurs demeures selon un processus graduel, pendant que les familles aisées, peuvent choisir de se procurer un logement complet, fini, dès le départ.

« Comment proposer des logements moins coûteux, plus personnalisés et plus évo lutifs ?

Notre proposition est une alternative qualitative au logement «prêt à habiter» stand ardisé, conçu pour tout le monde (c’est à dire pour personne, car personne n’est comme tout le monde). Le “plateau libre” est une coquille vide en simple ou double hauteur. Pour transformer en logement ce volume brut de béton, les futurs habitants bénéficient des services de l’architecte de l’opération, afin de concevoir un LOGE MENT SUR MESURE adapté à ses contraintes, ses goûts, et son mode de vie. L’archi tecte veille aussi au respect des règles de l’art lors de la conception et la réalisation des travaux. »4

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4 Agence d’architecture Stavy : https//www.stavy-architectes.com/fr/habitat.html

La mise en place d’un phasage de l’aménagement permet en outre d’anticiper des besoins futurs et de créer un LOGEMENT EVOLUTIF, voué à se transformer au gré des évènements de la vie des habitants. Ainsi, les plateaux en double hauteur pourront être densifiés progressivement grâce à la création d’un étage en ossature bois, léger et facile à mettre en œuvre, ou au contraire profiter d’un volume double hauteur plus généreux. L’économie des aménagements intérieurs sur le montant global du chantier (environ 30%) permet de REDUIRE LES PRIX DE VENTE et favoriser l’accession à la propriété. Un même plateau pourra ainsi être acheté par une famille modeste (qui aménagera l’espace à bas cout en auto construction), ou au contraire un foyer aisé qui engag era des travaux couteux pour accéder au confort auquel il est habitué. Ce dispositif génère de la MIXITE SOCIALE ET CULTURELLE5.

La réinterprétation des modèles de logements, collectif et individuel est une étape nécessaire pour l’amélioration de la qualité de l’offre qu’on a aujourd’hui dans nos villes. Dans les pages précédentes, nous avons plusieurs paramètres, qui une fois intégrés dans le processus de conception, pourraient hausser la qualité de l’habitat et lui réattribuer la complexité et la flexibilité qui ont été perdues au profit du gain économique et de la facilité d’exécution et de la production en masse. L’incrémen

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5 Voir : https//www.stavy-architectes.com/fr/habitat.html
Fig.27
Schéma réalisé par l’agence STAVY montrant la mixité des classes au sein du même immeuble, Stavy ©

talisme, combiné à l’approche participative et au respect de l’environnement et des multiples exigences, pourrait, comme il a été démontré, être un de ces com posantes de base pouvant améliorer la production architecturale. Après une ana lyse du genre, il est nécessaire d’aller étudier des exemples concrets d’habitations qui ont utilisé l’incrémentalisme, et cela dans le but d’avoir des exemples réels, illus trant clairement, les avantages et les risques apportés par cette approche.

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CHAPITRE BENCHMARKING3

PROJET PREVI

Un des meilleurs exemples de recherche sur l’incrémentalisme appliqué à grande échelle a été réalisé au Pérou en 1968, ‘ Proyecto Experimental de Vivienda’ ou PREVI, est une opération de logements sociaux qui a regroupé un très grand nombre d’architectes réputés venant de différents continents se mettent à travailler dessus. La vision adoptée était celle d’une grande densité à faible hauteur, très différente de ce se qui faisait à cette époque d’après guerre. Les architectes réfléchissent à des maisons incrémentales regroupées sous forme de ‘Cluster’ qui est un !!!!!!!!!

Le programme comptant 1500 logements, n’a pu aboutir complètement à cause du renversement du gouvernement en 1968 par un coup d’état militaire, et seuls 467 habitations ont été réalisées au final1 .

Ce projet là avait pour objectif de proposer une alternative innovante au problème des bidonvilles tout en s’en inspirant. Les solutions présentées devaient être hybrides, intégrant la construction formelle comme base des nouveaux habitats et laissant le côté informel et l’improvisation de l’humain s’exprimer, c’était selon John Turner, c’est la seule manière d’offrir aux gens des logements à bas prix mais personnels et adaptés, d’ailleurs, c’est sur les bases des écrits de cet architecte britannique qu’a été fait le règlement du PREVI. Outre cela, Peter Land avait précisé quelques paramètres essentiels définissant le cadre de penser et la vision que ses camarades devaient garder en réfléchissant au projet.

100
1 LAND Peter. « The Experimental Housing
Project
(PREVI), Lima :
antecedents
and ideas ». In
GARCIA HUIDO
BRO Fernando,
TORRES TORRITI
Diego
et TUGAS Nicolas. Fig.28 Photo satellite du prévi 1978 - insitituto de investigacion y normalizacion de la Vivienda, DigitalGlobe 2016 ©

Le quartier ne doit pas être construit en hauteur, vu touts les exigences et les diffi cultés de cette composition amène, mais devrait quand même être très dense.

L’incrémentalisme doit être au cœur de la pensée architecturale.

Le regroupement en ‘clusters’ est vital pour avoir un espace urbain subdivisé et ainsi permettre le développement des relations sociales et l’appropriation des quartiers. Tout devrait être fait à l’échelle humaine, avec des rues piétonnières.

Les bâtiments doivent être assez solides pour accueillir les extensions probables et résister aux efforts sismiques.

Il est impératif d’introduire un plan paysager pour offrir aux habitants les espaces verts dont ils ont besoin.

Le PREVI est un projet qui a connu beaucoup de réussite et cela est du au soin qui lui a été accordé. Il s’inscrit dans un environnement urbain de qualité, entourés de voir ies, le quartier a pu être conçue comme étant entièrement piétonnier, il a bénéficié aussi d’un traitement paysager de qualité ainsi que de beaucoup d’équipements de proximité. Une pré-sélection d’architectes a été faite dans le but d’obtenir des résultats, les plus diversifiés et différents possibles. Treize équipes étrangères et treize équipes péruvi ennes, ces dernières ont été choisies après concours, travaillèrent sur le projet. Après une période de travail durant laquelle, les intervenants ont analysés le mode de vie des citoyens pour ensuite développer des maisons adéquates, on a commencé par construire des échantillons pour mieux visualiser les projets au lieu de confier la tâche à une seule équipe et se lancer dans la production de l’opération dans sa totalité2

Concrètement parlant, l’incrémentalisme dans ce projet réside dans le fait que chaque maison est conçue pour être agrandie par la suite, elle pourra augmenter d’un ou même de deux étages dans certains cas, ce développement a été pris en compte dans le calcul de la structure par les ingénieurs et les architectes à qui on avait demandé d’établir des modèles d’extension que les usagers pourront suivre.

Le terrain dans lequel le projet a été construit en 1970 était originellement assez éloigné du centre, or avec le développement de la ville, le projet été entouré de toute part, il est devenu indissociable du reste, les extensions qui ont été faites tien nent et la structure de base a pu les supporter.

Dans les pages qui suivent, et en m’appuyant sur le travail de Marion GOUGES qui a fait l’inventaire de ce qui a été réalisé dans le cadre de ce projet et des extensions qui on été faites, nous verrons les prototypes principaux qui ont été construits.

Le choix de ces exacts prototypes est justifié par le besoin d’offrir aux lecteur la plus

101
2 LAND Peter. « The Experimental Housing Project (PREVI), Lima : antecedents and ideas ». In GARCIA HUIDO BRO Fernando, TORRES TORRITI Diego et TUGAS Nicolas.

large vision possible du PREVI dans la mesure du possible puisqu’il n’existe qu’un seul ouvrage contenant des analyses architecturales de ce projet, et dans ce même ouvrage seul 14 des 26 échantillons construits, sont bien décrits3.

Gustavo

outcome.

Barcelona.

Lima

102
3
Gili
(2008) « Time builds! : The Experimental Housing Project (PREVI),
: genesis and
»
Photo aerienne du prévi 1978 - insitituto de investigacion y normalizacion de la Vivienda, Ministeria de la Vivienda del Peru Insituto de Investigacion y Normalizacion de la Vivienda ©

DES TYPOLOGIES

ANALYSE
LE P.R.E.V.I
104
Photos
©
: Instituto de investigacion y normalizacion de la Vivienda, Ministeria de la Vivienda del Peru Insituto de Investigacion y Normalizacion de la Vivienda
Illustrations © :
Marion Gouges
105
Photos
©
: Instituto de investigacion y normalizacion de la Vivienda, Ministeria de la Vivienda del Peru Insituto de Investigacion y Normalizacion de la Vivienda
Illustrations ©
: Marion Gouges

Fig.29

réalisés

le cadre du P.R.E.V.I

normalizacion de la Vivienda, Ministeria de la Vivienda del Peru Insituto de Investigacion

Instituto de investigacion

Normalizacion de la Vivienda

Marion Gouges

106
Projets
dans
Photos © :
y
y
Illustrations © :

DES EXTENSIONS

ANALYSE
LE P.R.E.V.I
108 Fig.30
Schémas représentant les projets originaux du PREVI, Marion Gouges
©
109 Fig.31
Schémas représentant les projets du PREVI après incrémentation, Marion Gouges
©

Malheureusement, une des étapes les plus importantes n’a pas pu aboutir, la phase qui suit la construction consistait à analyser les extensions réalisées par les familles, vu que c’est avant tout un projet de recherche, un ‘quartier laboratoire’, il avait aussi pour but de démontrer les failles de la méthode incrémentale pour pouvoir, dans les prochaines interventions l’encadrer d’une meilleur manière et avoir des résultats supérieurs.

Le PREVI a eu un grand impact sur le logement social au Pérou, après sa réalisation, sa démarche a été réutilisée par de nombreux architectes et de nombreux quartier à faible hauteur et à haute densité virent le jour, Néanmoins, à cette époque là, ce projet n’a pas eu le retour médiatique nécessaire pour atteindre le reste du monde et influencer la démarche globale de penser l’architecture sociale.

COMPOSITION DE LA PARTIE DE BASE

Une des tâches les plus complexes devant l’architecte est la définition de la struc ture et des éléments de base qu’il devra proposer aux habitants. Dans le PREVI les architectes ont été généralement très généreux, leurs logements comportent une salle de bain, une cuisine, un salon / séjour et deux chambres, avec une surface d’environ 80m². Ayant un budget assez large, les architectes de ce projet ont pu dépasser l’unité minimum définie par le professeur chilien Edwin Haramoto et qui consiste en une bande sanitaire comportant salle de bain et cuisine en plus d’une seule pièce à usage multiple, d’ailleurs c’est la composition choisie par Aravena pour la Quinta Monroy1.

En se basant sur un relevé qui a été fait trente ans après, présent dans l’ouvrage ‘El Tiempo Construye’ on va analyser la structure de base en la comparant au résultat final, après les travaux d’extension .

On voit que l’espace étant déjà généreux à la base, est devenu très riche après l’extension, on n’est presque plus dans du logement économique, vu que cette maison comporte plusieurs pièces qui sont superflues aux yeux de beaucoup de familles pauvres telle que la salle de jeux. Cependant, on voit que les usagers ont crée un escalier partant du patio central pour leur permettre d’accéder à l’étage supérieur, bien que ça leur a ouvert plusieurs possibilités, mais si l’exécution n’a pas été faite d’une manière correcte, cet élément pourrais poser de nombreux risques et problèmes dans le futur.

110
1 HARAMOTO Edwin, (1994), « Vivienda Social : un desafio para la sustentabilidad del desarrollo »
111
Fig.32 Schémas représentant les projets du PREVI après incrémentation, F. Garcia-Huidobro ©

PROJET PREVI

Fig.33 Dia gramme illustrant les pièces con struite par les ar chitectes et celles ajoutées par les habitants.

Fig.34 Schéma illustrant la composition des projets initiaux et leurs extentions, Marion Gouges ©

Nbd’usagers

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Avant extension : 7 Après extension : 8 Avant extension : 8 Avant extension : 4 Après extension : 7 Avant extension : 7 Après extension : 11 Avant extension : 4 Après extension 12 Avant extension : 6 Après extension : 8 Avant extension : 7 Après extension : 10 Avant extension : 6 Après extension : 9 Avant extension : 4 Après extension : 4

PROJET DE LA QUINTA MONROY

Pour parler un peu du contexte dans lequel l’agence ELEMENTAL a eu le projet, une zone assez importante du centre ville d’Iquique était occupée par un groupe ment de familles depuis plus de 30 ans, créant un bidonville qui a été réalisé en uti lisant des matériaux de récupération. Ces personnes là ont reçu une aide de la part de l’état pour leur permettre de déménager (environ 7500$ par famille), étant très maigre, cette somme d’argent ne leur permet que de s’installer dans des terrains moins chers, très éloignés du centre et de construire des demeures à peine accept ables. Aravena et ses collègues, conscients de ces contraintes, ont pour objectifs d’améliorer 3 points qui sont ) leurs yeux primordiaux et qui sont :

• Donner plus d’importance aux populations pauvres.

• Hausser la qualité des constructions et leur mise en œuvre.

• Résoudre le problème du foncier liée à ce genre d’opération1

Spécifiquement pour répondre à ce 3ème point et permettre aux familles de rester sur le même terrain ou d’accéder à un terrain de la même qualité, les architectes trouvèrent en l’incrémentalisme une solution convenable, qui peut considérable ment réduire le coût des unités.

114
1 Alejandro ARAVENA, (2016), ELEMENTAL.(s.d) Fig.35 Projet : Quinta Monroy, Fer Neyra ©

Les logements proposés par le groupe ELEMENTAL sont composés de deux types d’unité, la maison et le duplex, chacun des deux capables d’évoluer et d’accueillir des mises à jour éventuelles. Ces deux unités sont séparées par un mur mitoyen hori zontal, et la structure est faite en béton armé, grâce à des éléments préfabriqués pour l’économie et pour la facilité de mise en œuvre. Aravena a eu l’idée de mettre les cloisons et tous les éléments de remplissage avec une couleur différente de celle de la structure pour aider les habitants à distinguer les parties qu’ils peuvent décon struire de celle qu’ils doivent absolument préserver.

La plus grande qualité de ce projet vient de la participation très forte des familles à ses différentes phases, son caractère expérimental à pousser ELEMENTAL à organiser énormément de rencontres avec les habitants afin de mieux comprendre leurs be soins et vers quoi ils tendent.

La maison simple est bâtie sur une parcelle de 9x9m, l’habitation qui a été proposée par les architecte s’inscrit dans un carré de 6x6m et a 2.5m de hauteur, elle com porte une salle de bain, une cuisine, puisque ce sont deux pièces fondamentales de la maison, en plus d’une pièce multifonctionnelle. Les architectes dans ce cas ont prévu deux phases d’extension, pour réaliser la première, il suffit de remplir des murs latéraux et construire un plancher pendant que la deuxième consiste à construire dans l’arrière jardin, chose qui n’est pas facile à faire et qui peut même interférer avec le fonctionnement de la maison et son ensoleillement2

Superficie initiale 36m²

Superficie finale 70m²

Fig.36 La maison avec les possibilités d’extension en rouge, Marion Gouges ©

ARAVENA,

ELEMENTAL.(s.d)

115
2 Alejandro
(2016),

Le projet, bien qu’il a été livré en 2004, vit toujours aujourd’hui un processus d’évo lution graduelle par les extensions qui se font au fur et à mesure, et l’espace urbain collectif, vu qu’il a été réparti par les différents groupements de maison a facilement été approprié par les usagers qui l’entretiennent et le nettoient régulièrement.

Le duplex, qui est placé au-dessus de la maison s’inscrit dans un carré de 6x6m, avec une hauteur de 5m, les architectes à la fin de leur chantier ne livrent que la première partie qui est un volume de 3x6x5, cette structure verticale leur permet de fournir dès le départ les éléments les plus importants, comme les salles de bain, l’accès aux étages par des escaliers. L’extension, dans un premier lieu peut se faire en agrandissant le plancher du deuxième niveau, après, si d’autres espaces sont nécessaires, les familles peuvent s’étaler et remplir le vide contenu par deux duplex voisins comme il est visible sur le schéma.

superficie initiale 36m²

Superficie finale 70m²

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Fig.37 La maison duplex avec les possibilités d’extension en rouge, Marion Gouges ©

ANALYSE DES TYPOLOGIES

LA QUINTA MONROY
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Photos
© : Elemental Illustrations © : Marion Gouges
119
Photos
© : Elemental Illustrations © :
Marion Gouges
120 Fig.38 Projets réalisés par l’agence ELEMENTAL Illustrations © : Marion Gouges

DES EXTENSIONS

ANALYSE
LA QUINTA MONROY
122 Fig.39 Schémas représentant les projets originaux de l’agence ELEMENTAL, Marion Gouges ©
123 Fig.40 Schémas représentant les projets de l’agence ELEMENTAL après les rajouts, Marion Gouges ©

COMPOSITION DE LA PARTIE DE BASE

Comme ce qu’on a fait pour le cas précédent, une étude de la composition de base proposée par les architectes est essentielle à la compréhension du projet, EL EMENTAL avait réduit ses logements au strict minimum comparé à ceux proposés dans le PREVI, avec des surfaces d’environ 40m² seulement. Les pièces proposées par ELEMENTAL sont:

• Une salle de bain

• Une cuisine

• Une pièce multifonctionnelle

Pour établir ces choix, les architectes du groupe ne pouvant pas laisser les habitants choisir sans cadre, leur ont proposé plusieurs dispositifs durant les atelier participat ifs vu que le budget alloué par l’état ne permet pas de tout s’offrir, une démarche pragmatique se basant sur la notion de priorité devait être appliquée. Cette situation avait poussé Aravena à être autoritaire en répondant à certaines de mandes des familles pour leur faire comprendre la situations dans laquelle elles sont, à l ’exemple de « chauffe-eau ou terrain ? », réponde d’Alejandro à une personne insistant sur l’importance d’intégrer des chauffe eaux dans le budget de base alloué par l’état1.

124
1 ARAVENA Alejandro, (2012), « Incremental housing and participatory design manual », Hatje Cantz Fig.41 Rez de chaussée de la maison, Archdaily ©

Fig.42 Premier étage du duplex, Archdaily ©

Ces plans ainsi que les schémas suivants montrent les possibilités d’extension de ces noyaux élémentaires, contenant le minimum possible, un diagramme établi par Marion GOUGES illustrent les pièces ajoutées par les habitants par rapport à celles proposées par Aravena au départ.

D’autre part, les perspectives d’extension facilitent aux familles d’accepter de vivre dans des logements aussi modestes que ceux-ci, vu que c’est pour eux une situation temporaire, à laquelle on peut remédier dans le futur.

Donc comme nous avons vu, dans cette partie de base proposée par les architect es, il est nécessaire de voir les stratégies choisies pour le raccordements aux réseaux d’eaux et d’assainissement. Deux options principales existent, pour la première, il faut connaître l’emplacement exact de ces pièces techniques, ainsi en prévoyant l’ex tension, on connait déjà comment se connecter aux réseaux existants. La deuxième option consiste à avoir dans la conception première une bande comportant tous les éléments techniques, ensuite l’extension viendra se greffer sur cette bande même. Un exemple représentatif de cette deuxième option est la E-House du groupe ELE MENTAL, ce dernier pour ce projet ne construit que la bande technique. Une autre vision, plus extrême a été appliquée pour la ‘Casa Acueducto, l’architecte dans ce cas a relègué la construction toute entière à l’habitant, pour n’intervenir que pour mettre en place les infrastructures globales, dans une démarche radicale.

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PROJET DE LA QUINTA MONROY

Diagramme illustrant les pièces construite par les architectes et celles ajoutées par les habit ants.

Fig.43 Schéma illustrant la composition des projets initiaux et leurs extensions, Marion Gouges ©

Nbd’usagers

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Avant extension : 7 Après extension : 8 Avant extension : 2 Après extension : 4 Avant extension : 2 Après extension : 7 Avant extension : 4 Après extension : 7 Avant extension : 2 Après extension 6 Avant extension : 4 Après extension : 6 Avant extension : 4 Avant extension : 0 Après extension : 1 Avant extension : 1 Après extension : 6

ETUDES DES SYSTEMES

Systèmes structurels

Dans ces deux cas étudiés, nous avons vu deux approches différentes. Le groupe EL EMENTAL par exemple offre une maison qui est incomplète, une « demi-maison », la construction qu’ils proposent n’est pas correspondante aux attentes des familles, de ce fait, ces dernières se retrouvent obligées de terminer leurs logements. Les maison du PREVI, à l’opposé de ceux là forment dès leur livraison des logements complets, les habitants désirant étendre leurs logements doivent alors le faire à clos ouvert, l’extension dans ce cas est une possibilité et une éventualité, non pas une nécessité. Pour avoir une vision globale, il faut savoir qu’il y a principalement 4 systèmes struc turels qui ont été utilisé dans l’architecture incrémentale : Le système ouvert, le sys tème clos, le système couvert et le système fermé1

LE SYSTÈME OUVERT

Fig.44 Schéma illustrant le système ouvert, sous forme d’une superstructre, Marion Gouges ©

Dans une pensée radicale, le système ouvert est un système qui n’offre que la struc ture du bâtiment, cette dernière s’apprête à accueillir toutes les interprétations pos sibles. L’architecte livre une superstructure de portiques dans laquelle les familles viennent insérer des éléments préfabriqués de la manière qu’ils voient convenable, rappelant la maison Dom-Ino de Le Corbusier, cette proposition, bien que fonction nelle théoriquement, demeure très difficilement réalisable puisqu’elle offre un sque lette inhabitable et qui ne fonctionne pas à l’habitant.

1 GOUGES Marion, (2014). L’habitat incrémental une stratégie de construction progressive du logement, Mémoire

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LE SYSÈME COUVERT

Fig.45 Schéma illustrant le système couvert, Marion Gouges ©

Les configurations dans lesquelles l’architecte offre dès la livraison du projet, la struc ture de base en plus une toiture sont dites closes, cet élément étant des plus com plexes à réaliser, la supervision des spécialistes est conseillé pour sa construction ainsi que pour la construction des escaliers pour permettre l’accès aux différents étages, comme ce qui a été fait dans la Villa Verde du groupe ELEMENTAL. L’auto-construc tion dans une telle situation se retrouve assez bien encadrée par la partie livrée par l’architecte.

LE SYSÈME CLOS

Fig.46 Schéma illustrant le système clos, Marion Gouges ©

Ce système à l’exemple du projet de Charles Correa donne beaucoup d’impor tance à la construction des murs latéraux, offrant la base pour une extension verti cale, pratiquement assez dur vu la grande contrainte du plafond, qui est souvent mal réalisé par les habitants.

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C’est le système qui offre la solution d’extension la plus sûre, tout se fait à l’intérieur de l’enveloppe crée par l’architecte, comme par exemple la première partie de l’extension du duplex proposé par Aravena dans la Quinta Monroy. C’est l’option la plus sûre mais aussi la plus limitée, le tout étant contenu dans une enveloppe fer mée, il est impossible d’agrandir considérablement la surface du logement.

La gestion des espaces libres

Le vide est un élément important dans la démarche incrémentale, tout comme la structure et le plein, cet élément, si il est bien étudié par l’architecte, permettra d’avoir une extension fonctionnelle et adaptée à la maison. Il est au cœur de l’in crémentalisme, ce qui fait les architectes ont proposé différentes manières de le gérer, ces manières sont en complément aux quatre schémas structurels que nous avons vu. Le vide découle du bâti, qui est pensé par les incrémentalistes comme étant le résultat d’un processus graduel, de ce fait le vide, lui aussi doit faire partie de ce processus et doit être traité dans une vision dépassant l’unité pour inclure les alentours et le contexte urbain

130 LE SYSTÈME FERMÉ ²
1 GOUGES Marion, (2014). L’habitat incrémental une stratégie de construction progressive du logement, Mémoire Fig.47 Schéma illustrant le système fermé, Marion Gouges © Fig.48 Schéma illustant différentes possibilités d’extension, Marion Gouges ©
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Fig.49 Schéma montrant différents types d’extension, Marion Gouges
©

Ces schémas illustrent 5 possibilités d’extension différentes, inspirées de qu’avait fait le professeur Edwin Haramoto lors de son travail sur l’habitat progressif.

Ces extensions différentes sont presque imposées par le type de structure choisie par l’architecte, par exemple dans un clos couvert, l’extension va se faire horizontale ment à l’intérieur de la construction, où à l’extérieur, sur la même parcelle, ici on se confronte à un autre problème qui est celui du foncier qui ne permet pas toujours ce genre d’interventions. Une extension horizontale pose beaucoup de problèmes de conception liés à la circulation, à la ventilation, à l’ensoleillement et la relation avec la partie qui est déjà existante, ce qui rend la tâche assez complexe pour des personnes inexpérimentées.1

D’autre part, malgré que l’extension verticale permet d’éviter tous ces problèmes là, elle en pose d’autres ayant un caractère constructif et architectural. Etendre son logement verticalement impose la construction d’une nouvelle toiture et d’un esca lier. De ce fait la structure initiale doit prévoir tous les scénarios possibles, ce qui est économiquement parlant assez couteux. Le recours à ce choix est généralement imposé par l’occupation totale de la parcelle, donc la seule solution pour agrandir le logement est d’ajouter un ou deux étages supplémentaires. Cette stratégie pose aussi de nombreux problèmes au niveau urbain, les relations entre les maisons du quartier va se perdre, chose qui pourrait modifier le paysage, en plus de poser des problèmes de proximité et d’ensoleillement. Une autre possibilité serait de combler des vides intérieures au périmètre de la mai son, ces vides sous forme de patios doivent être en amont prévus comme des exten sions pour ne pas causer des problèmes de fonctionnement.

Il est aussi possible de prévoir l’extension totalement à l’intérieur du clos en augment ant la surface des planchers ou en rajoutant d’autres. Cette approche garantie au concepteur de connaître l’aspect extérieur final de son projet et donc d’avoir une

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1 1 HARAMOTO Edwin, (1994), « Vivienda Social : un desafio para la sustentabilidad del desarrollo » Fig.50 Schémas des différentes stratégies d’extension proposées par E.Haramoto ©

cohérence architecturale au niveau urbain. La solution qui a été la plus utilisée par le groupe ELEMENTAL est une extension qui se fait latéralement en remplissant un vide vertical offrant la possibilité d’augment er la surface de chaque niveau. C’est une technique qui pour sa réussite, doit être préparée en amont par la mise en œuvre d’éléments complexes tel que les escali ers et le toit. Elle permet d’avoir une extension contrôlée et donc l’architecte garde quand même une maitrise sur ce que sera le résultat final de son projet.

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Fig.51 Schéma illustrant l’apport de l’architecte et celui de l’habitant dans le processus de conception, Marion Gouges ©

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POD VENDING MACHINE SKYSCRAPER

Pod Vending Machine Skyscraper est une démonstration de comment l’incrémen talisme pourrait prendre des formes futuristes et s’adapter à tout type de besoin. L’architecte Haseef Rafiei, ayant reçu la mention honorable du concours Evolo en 2017 propose une tour incrémentale, en utilisant des technologies nouvelles, son concept, très simple, consiste en une structure métallique très solide, sous forme de grille, capable recevoir des modules de différentes tailles, c’est modules peuvent être soit préfabriqués, soit crées par une imprimante 3D situé au haut de la tour, et ensuite placés à l’aide d’une grue qui se déplace sur l’axe vertical de la structure. Cette idée permet d’avoir une architecture évolutive avec des options spatiales in finies, une famille vivant dans une superficie qu’elle trouve insuffisante, peut rajouter des modules pour agrandir son logement et peut même déplacer ce dernier vers un autre étage si elle le désire1

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1 Voir http://www.evolo.us/pod-vending-machine-skyscraper/ Consulté le 01/03/20 Fig.52 L’incrémentalisme appliqué à un gratte-ciel, Evolo ©
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Fig.53 Evolo
©

Ayant vu des exemples réels de l’incrémentalisme utilisé dans l’architecture, de dif férentes façons et dans différents contextes, il est nécessaire pour conclure ce travail de recherche, d’établir une synthèse, sur la base de toutes les données collectées, afin d’en ressortir des règles et des directives applicables dans la partie qui va suivre et qui est celle du projet.

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CHAPITRE SYNTHÈSE4
142
143 ADAPTATION DU PROCESSUS Au cas marocain

ADAPTATION DU PROCESSUS

Maintenant, après avoir vu d’une manière assez détaillée l’incrémentalisme, ses principes et comment il a été appliqué à l’architecture en analysant des projets dans le Maroc et en dehors de celui-ci, une synthèse s’impose, pour préparer à la réalisation du projet, qui est la finalité de ce travail de recherche. Toutes ces études et ces informations accumulées, bien que très précieuses doivent être adaptées au contexte qui nous intéresse et qui est le Maroc, et c’est ce nous allons faire dans les pages suivantes, en parlant des paramètres de base qui caractérisent notre pays et ses citoyens.

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Fig.54 Photo satellite du Maroc, Digitalgl ©

Au Maroc, nous disposons d’un cadre social particulier et offrant de nombreuses possibilité à l’architecture. Les cités anciennes, telle que la Médina de Marrakech par exemple, moi-même, y ayant passé un peu plus de 10 années, j’ai pu découvrir à travers l’expérience et l’observation, la force des liens sociaux et de l’organisation des derbs dans ces cités anciennes. En effet, la médina, puisqu’elle est formée par des arborescences c’est-à-dire un réseau de voies principales et un autre composé de voies secondaires fermées, a pu créer un cadre propice à la cohésion et à la solidarité sociale. Les derbs, sous forme d’impasse ne sont parcourus que par les per sonnes qui y habitent, et donc sont des lieux sûrs dans lesquels les jeunes, comme les grands n’ont rien à craindre.

Un autre point très important est que l’organisation des maisons des derbs n’est pas anodine, plus on avance vers la fin de celui-ci plus les maisons, même si elles gardent un aspect austère et fermé de l’extérieure, deviennent plus grandes et plus belles de l’intérieur. L’idée derrière cette organisation est que la personne riche, habitant au fond du derb, en sortant chaque matin devra parcourir tout le quartier, parler aux gens qui sont un peu moins aisés et ainsi pouvoir leur venir en aide.

On voit à partir de ces petits éléments que la composante sociale a toujours été présente dans l’architecture vernaculaire marocaine, et a été perdu dans la con ception des nouvelles villes, comme les nouveaux quartier de Marrakech par ex emple. Pour cette recherche, il est nécessaire de travailler sur un lien de proximité optimale permettant à chaque personne de garder son intimité et sa vie privée à l’écart, tout en tissant des liens forts avec les membres de son quartier.

La notion de voisinage qui a été développée elle aussi au sein de la médina a pour but de préserver cette intimité. Plusieurs règles régissant l’architecture ont été appliquées dans ce cadre, tout d’abord la majorité des ouvertures de la maison sont dirigées vers le patio, ce qui fait que les pièces les plus privées sont totalement protégées de l’environnement extérieur tout en bénéficiant de l’éclairage et de la ventilation dont ils ont besoin. Aussi, pour les pièces qui doivent absolument être ouvertes sur l’extérieur, les fenêtres sont généralement assez hautes, de manière à empêcher les passants d’avoir une vue sur l’intérieur, en plus, il interdit, selon les règles du voisinage d’avoir des fenêtres qui donnent sur celles de notre voisin, par respect à son intimité.

145 LE CADRE SOCIAL

ECONOMIQUE

Etant une, si ce n’est la plus importantes des composantes principales d’une archi tecture destinée à la classe pauvre, le volet économique, dans le contexte maro cain oblige les architectes à réadapter leurs démarches et leurs visions de l’incré mentalisme à ce que leur dicte le marché de la construction, les capacités des futurs habitants et aux ressources dont dispose la région. Comme nous avons vu précédemment, le choix des matériaux de construction con tribuent grandement à hausser ou à diminuer le prix de chaque habitation, au Ma roc, l’incrémentalisme pourrait facilement être marié à des techniques de construc tion peu couteuses et à plusieurs bienfaits, grâce à l’utilisation de matériaux locaux. Cependant, puisque l’essence de la démarche consiste à construire des structures de base, capable de recevoir des extensions éventuelles, et puisqu’il faut répondre au ‘pire scénario possible’, il est nécessaire d’opter pour une structure en béton armé, étant la solution la plus sûre et la plus adéquate à la démarche. De plus, une structure faite de murs porteurs dépassant les 60cm chacun, consomme énormé ment de surface, chose qu’on ne peut se permettre d’avoir dans des habitations où chaque centimètre compte.

Ce contexte marocain, en appliquant des contraintes qui lui sont particulières et en offrant aux concepteurs plusieurs atouts, oblige ces derniers à revoir et à réadapter leurs processus de création. Par conséquent, la démarche incrémentale, malgré les grandes similarités entre pays et les habitants de l’Amérique latine et ceux de l’Afri que du nord , ne peut être réutilisée exactement comme elle a été présentée par Aravena, une adaptation s’impose, et c’est ce que nous allons faire dans ce qui va suivre en parlant des différents changements que cela va entrainer dans le monde de l’architecture résidentielle marocaine.

L’ARCHITECTE

Le changement du rôle de l’architecte constitue un des plus grands challenges devant l’incrémentalisme, ce dernier ayant depuis de longues années eu l’habitude d’avoir la main sur la totalité de ses projets, en coordonnant avec un seul maître d’ouvrage, va devoir, dans cette nouvelle optique, collaborer avec des centaines de personnes. La nature du travail elle-même va changer, l’architecture ne sera

146 LE CADRE

plus le concepteur mais celui d’un responsable de communication, organisant des séances de discussion et enseignant la construction et ses règles de bases aux futurs usagers.

Le problème c’est que pour mener à bien la méthode, il faut lui accorder un temps ainsi que des efforts considérables, chose qui pourrait difficilement se faire sans une rémunération à la hauteur. L’incrémentalisme nécessite un travail en amont énorme et un suivi du projet presque éternel, chose que malheureusement la majorité d’ar chitectes refuseront de faire. Pour la minorité qui pourrait accepter de réaliser et d’assister l’évolution de ce genre de projet, ne serait-ce que pour le mérite social que dont dispose cette mission, il va falloir qu’eux-mêmes se préparent à encadrer les habitants, à négocier avec eux, et à jongler avec leurs demandes et avec les exigences du projet.

MATERIAUX

Depuis la nuit des temps, Marrakech a connu l’utilisation de la terre comme matér iau de construction principal, et cela pour plusieurs raisons, les plus importantes étant sa disponibilité et son coût. Deux caractéristiques très intéressantes pour l’approche sociale que nous comptons entreprendre, proposer des logements à des prix abor dables nécessite une réduction maximale du prix de la construction tout en s’as surant de la qualité de la production architecturale. La structure comme expliqué précédemment devra se faire en béton armé, pour la polyvalence de ce dernier et l’économie en termes de surface. De plus aujourd’hui, beaucoup de constructions tiennent debout grâce à des structures en béton préfabriquées. Cette méthode, utilisée dans le cadre d’une production en masse devient beaucoup moins chère, du coup je pense qu’une combination de techniques modernes et ancestrales se rait une réponse adéquate à notre problématique. Une structure en béton armé, permettant un maximum de flexibilité pour l’extension qui va venir combinée à un remplissage en BTC par exemple pour l’inertie thermique qu’il offre seraient parfait ement envisageable dans notre contexte marocain, plus particulièrement à Mar rakech, pour son climat aride et sec. Aujourd’hui, au Maroc, les bâtiments qu’on voit se développer partout dans le pays sont énergivores, et en plus de ça, incapables d’offrir le confort nécessaire aux us agers, et les majorités de ces derniers s’accordent en affirmant que les constructions traditionnelles, bien que d’un temps révolu, garantissaient de meilleurs conditions de vie.

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De ce fait, la décision de puiser dans le patrimoine marocain, et d’associer ce dern ier aux techniques de construction modernes, n’est pas anodine. La combination des deux peut permettre de créer une architecture responsable écologiquement, contemporaine, économique et hautement fonctionnelle.

CONCEPTION

Il est de fait que la conception architecturale, afin de garantir la réussite de la démarche incrémentale, devient beaucoup plus complexe. Tout d’abord, il est ob ligatoire pour l’architecte de définir son noyau de base, qui constituera la forme et la contenance de son projet lors de sa livraison. Ce noyau de base, devrait dans l’idéal, être assez confortable, en plus de répondre à tous les besoins de l’habitant puisque l’extension n’est que éventuelle et qu’une partie des usagers pourrait choisir ne pas la construire.

Ayant réalisé un sondage dans le but de déterminer ce noyau de base, la majorité des personnes se sont accordés en disant que ce dernier va devoir contenir, dans l’idéal, les pièces suivantes.

• Une cuisine

• Une salle de bain

• Un salon

• Une pièce multifonctionnelle

Donc on remarque que cette composition est exactement celle d’un appartement F2, généralement d’une surface de 45 m². Par manque de moyens, et vu que les maisons seront capables d’évoluer, ce noyau peut se réduire d’une pièce et deve nir équivalent d’un appartement F, qui fait en moyenne 35 m².

Pour une facilité de construction, ce noyau devra comporter toutes les plateformes, ainsi que tous les escaliers, l’incrémentation des habitations, qui dans notre cas se fera par les usagers et sans supervision étroite de l’architecte, devra se faire de la plus simple manière possible.

Un autre problème est celui des pièces techniques, nécessitant d’être connectés aux différents réseaux, on se retrouve alors devant deux choix, le premier serait de connaître exactement le positionnement de ces espaces afin de prévoir des stratégies de raccordement à l’eau et à l’assainissement. Le deuxième, plus simple

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mais plus couteuse, consiste à les intégrer à notre noyau de base, sous forme d’une bande technique.

DENSITE

Arrondissement

Superficies

Population

Ménages

Habitants/ha

Habitat insalubre

Totale (ha)

Total

Nb moyen de pers / ménage

Douars

Fig.55 Tableau des densités

de Marrakech

15 025

124 935 801 033

776 165

En étudiant ce tableau représentant les densités des différents arrondissements de la ville de Marrakech, on note que la médina, malgré sa petite superficie abrite un très grand nombre de personnes, c’est une qualité qui manque à la ville nouvelle, qui à cause de sa limitation en R+5 et ses voiries, est en train de s’étaler de plus en plus. Le modèle qui nous intéresse, devrait réintégrer l’échelle humaine et montrer, tout comme l’a fait la médina de Marrakech qu’on peut être dense et compact même à des hauteurs relativement faibles.

Dans son livre, et d’après ses études, Aravena présente des bâtiments à 3 niveaux maximum, ce qui est un bon compromis, qui permet d’avoir une densité considéra ble, tout en réduisant les espaces communs qui nécessitent un entretien continu. il trouve que c’est un optimum, qui renforce les liens sociaux entre les voisins, et réduit au maximum les risques de conflits qui peuvent naître à cause de la mal gérance des espaces collectifs.

Dans le cadre de notre projet, le but serait d’atteindre une densité qui varie entre 100 et 150 logements à l’hectare1, ce qui réprésente la norme le collectif intermédiaire discontinu.

Données du ministère de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire https://autetouan.ma/web/uploads/dossier/5c750ee7afec0.pdf - visité le 15/06/20

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1
Annakhil Guéliz Médina Ménara SYBA Ensemble
7 478 227 570 6 060 690
54 111 173 101 167 223 281 663
10 968 37 030 35 929 57 403 23
106
4,9 4,7 4,7 4,9 5,3 4,9
7 763 293 46 181 53
46 20 6 32 20 124 Ménages 2 955 1 291 1 698 3 946 1 921 11 811
à partir du site officiel de la commune

Avec l’évolution de la famille, l’incrémentalisme demeure la seule méthode offrant aux usagers la garantie d’une qualité de vie et d’une maison flexible et adaptée à leurs besoins futurs.

« Value appreciation is the most direct way to measure the quality of housing ; value apprecia tion is in fact a redefinition of the notion of quality, conventionally associated with size and material solidity1 ».

Alejandro Aravena

1 Alejandro ARAVENA, (2016), ELEMENTAL.(s.d). (p475)

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L’ANALYSE

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5

INTRODUCTION AU PROJET

D’après toutes ces études préalables,on voit que la situation du logement au Maroc pourrait réellement bénéficier des multiples avantages de l’incrémen talisme.

Ensuite, compte tenu de l’importance démographique de la classe moyenne et de la rareté des offres immobilières qui sont faites pour cette catégorie, nous avons décidé qu’il serait judicieux de travailler sur un nouveau modèle d’habitat évolutif et adaptable, pour cette couche-là.

L’objectif serait de proposer des appartements finis respectant totalement le cahier des charges du logement destiné à la classe moyenne, tout en offrant aux usagers une structure de base solide et capable d’accueillir une éventu elle extension. L’espace destiné à cette dernière, peut toujours fonctionner en tant que grande terrasse privée, dans le cas où la famille décide de ne faire évoluer leur espace.

Pour s’assurer du réalisme de notre projet, et du fait que ça soit un projet fac ilement réalisable aujourd’hui, comme on va le voir par la suite, beaucoup d’études sont nécessaires.

CHOIX DU SITE

Le choix de Marrakech est basé sur le fait que c’est une ville représentative des plus grandes métropoles du Maroc et des multiples disfonctionnements que ces dernières présentent.

A cela s’ajoutent la limitation en hauteur et les prix élevés du foncier, deux paramètres qui poussent les promoteurs à choisir des terrains sans valeur pour leurs projets résidentiels, plaçcant ainsi les personnes qui y habitent très loin du centre urbain et de toute activité économique.

Outre cela, la ville ocre se distingue par son architecture sobre et élégante, tout en étant un point de rencontre de plusieurs fonctions, touristiques, com merciales, sociales...

Comme cité auparavant et comme nous avons pu voir après plusieurs anal yses de données et sur terrain, ainsi que dans nos villes, la classe moyenne

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ne dispose presque pas d’offres qui lui convi ennent, les promoteurs se dirigent beaucoup plus soit vers le logement social pour béné ficier des éxonérations de l’état, soit vers le haut standing, qui présente une marge de bénéfice bien plus élevée.

De ce fait, et pour relever pleinement le défi, nous avons choisi de travailler sur un terrain très prisé, qui se situe exactement au centre de la ville de Marrakech, en face de l’hôtel ‘Four Seasons’ et à côté de la Ménara, dans la zone B3, qui est considérée comme étant une des zones les plus contraignantes pour des projets du genre.

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PROJET

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5
CONCEPT ET MONTAGE FINANCIER

CONCEPT ET MONTAGE FINANCIER

IDEE DU PROJET

Comme cité précédemment, notre projet sera principalement un projet d’im meubles résidentiels, cependant par sa situation particulière, en face de l’hô tel Fours Seasons et du nouveau quartier M avenue qui est considéré comme le nouveau cœur de la ville de Marrakech, nous avons jugé qu’il serait intéressant d’intégrer une composante tertiaire à notre programme de base afin de pou voir ainsi profiter de la valeur du terrain.

Notre parcelle de 3 hectares dispose d’une façade urbaine de plus de 400m, et d’un grand espace vert projeté par le PA sur son côté ouest, en plus d’être à quelques pas de la Ménara.

L’incrémentalisme qui est le principe de notre projet, se fera en coopérant avec les habitants du projet, vu l’idée principale est de proposer aux acquéreurs des logements répondants à leurs besoins, adaptables et évolutifs, en utilisant des principes très simples pour faciliter le plus possible la réalisation des extensions, au sein d’un noyau de base disposant déjà des éléments les plus difficiles à construire, l’objectif étant de permettre aux acheteurs, après quelques réun ions avec l’architecte de construire la partie restante de leur logement sans avoir recours aux experts du bâtiments.

Tout cela, se fera bien évidemment en produisant une architecture fonction nelle, durable, aux lignes modernes, et qui s’intégre parfaitement dans son environnement urbain.

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PLAN DE MASSE
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COMME POUR LE RESTE DE LA ZONE, LA MIXITE FONCTIONNELLE COMPOSÉE LE LOGEMENTS AVEC UNE BASE RDC CE SYSTEME REVISITÉ GRÂCE A L’INCRÉMENTALISME, PERMETTRA DE DONNER AUX COMMERCES DE NOUVELLLES

VENIR AUX EXIGENCES DES HABITANTS DU QUARTIER. COMME MONTRÉ SUR LE SCHÉMA, L’EMPLACEMENT DES BOUTIQUES PERMET DE CRÉER DES ZONES D’ACTIVITÉS

LA PAISIBILITÉ DES ILOTS RÉSIDENTIELS CENTRAUX

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195 RDC COMMERCIALE RÉPOND PARFAITEMENT AUX BESOINS DE LA POPULATION LOCALE. NOUVELLLES POSSIBILITÉS DE DÉVELOPPEMENT FUTUR, ET AINSI POUVOIR S’ADAPTER ET MIEUX CON D’ACTIVITÉS QUI ANIMENT L’AXE PRINCIPAL AINSI QUE LA FACADE SUR PARC, TOUT EN PRÉSERVANT
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PLANS ET AXONOMÉTRIES

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COUPES

ET FACADES

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DE SYNTHÈSE

IMAGES

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EVOLUTION
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INSERTION DANS LE SITE

DOCUMENTATION RELATIVE A L’INCREMENTALISME :

ARAVENA Alejandro, (2012), « Incremental housing and participatory design manual », Hatje Cantz

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EVOLO, http://www.evolo.us/pod-vending-machine-skyscraper/

CNTRL, https://www.cnrtl.fr/definition/academie9/incr%C3%A9menter

LAROUSSE, https://www.larousse.fr/incrémental

LAROUSSE, https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/incr%C3%A9ment/42412

WIKIPEDIA ,fr.wikipedia.org/wiki/Incr%C3%A9mentalisme#:~:text=L’increment al isme%20est%20une%20m%C3%A9thode,petit%2C%20par%20des%20ajouts%20conti nuels

LUCIEN KROLL, https://www.lafabriquedelhospitalite.org/processus/1405/incremen talisme

DEZEEN ,https://www.dezeen.com/2020/03/25/life-after-coronavirus-im pact-homes-design-architecture/

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TABLE DES FIGURES

Figure 1 schéma résumant du principe de la science débrouillardise à partir du texte de Jacques Rajot © 26

Figure 2 Illustration de la ville spatiale,François Lauginie © 35

Figure 3 Illustration de la ville spatiale, François Lauginie © 36

Figure 4 La « Mémé », la maquette utilisée comme dispositif d’arrangement, Luc ien Kroll © 38

Figure 5 La « Mémé », croquis, Lucien Kroll © 39

Figure 6 Photo extérieur de la maison médicale, Lucien Kroll © 39

Figure 7 Schéma illustrant le concept de la “demi-maison” d’Alejandro Aravena, Elemental © 40

Figure 8 Schéma montrant les enjeux d’une densité à faible hauteur, Elemental © 41

Figure 9 Quintoy Monroy Housing, Elemental © 42

Figure 10 Monterrey Housing, Monterrey, Mexico, Elemental © 43

Figure 11 Schéma du développement durable, à la confluence de trois préoccu pations, dites « les trois piliers du développement durable », A. Villain © 52

Figure 12 Schéma illustrant les 17 objectis du développement durable, O.N.U © 53

Figure 13 La hierarchie des besoins, pyramide de Maslow, A.Maslow © 64

Figure 14 Schéma résumant l’habitat et ses composantes, Sara Abdelilah © 65

Figure 15 Schéma illustrant le pourcentage des différentes classes sociales, haut commissariat au plan © 68

Figure 16 Schéma illustrant le pourcentage des différentes classes sociales, haut commissariat au plan © 69

Figure 17 Bâtiment de André Studer & Jean Hentsch à Casablanca, 1955, Marc La croix © 70

Figure 18 Fondation maison du Maroc, bâtie en 1953 par Albert Laprade, Jean Ver non et Bruno Philippe, Fondation Maison du maroc © 71

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Figure 19 Trame d’Ecochard, « Casablanca, le roman d’une ville. », M.Ecochard © 72

Figure 20 Schéma illustrant l’organisation d’un quartier d’habitat, M.Ecochard © 73

Figure 21 Schéma de fonctionnement des quartier, M. Écochard © 73

Figure 22 Photo d’une maison de 8x8 qui a été surélevée, J.L Cohen © 82

Figure 23 Immeuble « Nid d’abeille » de Candilis, Marc Lacroix © 85

Figure 24 Immeuble de Sémiramas, Marc Lacroix © 85

Figure 25 Photo de l’immeuble « Nid d’abeille » après le changement apporté par les habitants en 2013, J.L Cohen © 86

Figure 26 Photo de balcon à Tétouan 93

Figure 27 Schéma réalisé par l’agence STAVY montrant la mixité des classes au sein du même immeuble, Stavy © 96

Figure 28 Photo satellite du prévi 1978 - insitituto de investigacion y normalizacion de la Vivienda, DigitalGlobe 2016 © 100

Figure 29 Projets réalisés dans le cadre du P.R.E.V.I 106

Figure 30 Schémas représentant les projets originaux du PREVI, Marion Gouges © 108

Figure 31 Schémas représentant les projets du PREVI après incrémentation, Marion Gouges © 109

Figure 32 Schémas représentant les projets du PREVI après incrémentation, F. Gar cia-Huidobro © 111

Figure 33 Schéma illustrant la composition des projets initiaux et leurs extentions, Marion Gouges © 112

Figure 34 Diagramme illustrant les pièces construite par les architectes et celles ajoutées par les habitants. 112

Figure 35 Projet : Quinta Monroy, Fer Neyra © 114

Figure 36 La maison avec les possibilités d’extension en rouge, Marion Gouges © 115

Figure 37 La maison duplex avec les possibilités d’extension en rouge, Marion Goug es © 116

Figure 38 Projets réalisés par l’agence ELEMENTAL 120

Figure 39 Schémas représentant les projets originaux de l’agence ELEMENTAL, Mar ion Gouges © 122

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Figure 40 Schémas représentant les projets de l’agence ELEMENTAL après les ra jouts, Marion Gouges © 123

Figure 41 Rez de chaussée de la maison, Archdaily © 124

Figure 42 Premier étage du duplex, Archdaily © 125

Figure 43 Schéma illustrant la composition des projets initiaux et leurs extensions, Marion Gouges © 126

Figure 44 Schéma illustrant le système ouvert, sous forme d’une superstructre, Mari on Gouges © 128

Figure 45 Schéma illustrant le système couvert, Marion Gouges © 129

Figure 46 Schéma illustrant le système clos, Marion Gouges © 129

Figure 47 Schéma illustrant le système fermé, Marion Gouges © 130

Figure 48 Schéma illustant différentes possibilités d’extension, Marion Gouges © 130

Figure 49 Schéma montrant différents types d’extension, Marion Gouges © 131

Figure 50 Schémas des différentes stratégies d’extension proposées par E.Haramo to © 132

Figure 51 Schéma illustrant l’apport de l’architecte et celui de l’habitant dans le processus de conception, Marion Gouges © 134

Figure 52 L’incrémentalisme appliqué à un gratte-ciel, Evolo © 136

Figure 53 Evolo © 137

Figure 54 Photo satellite du Maroc, Digitalgl © 144

Figure 55 Tableau des densités à partir du site officiel de la commune de Marrake ch 149

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Mémoire

Compte tenu de la situation critique de l’habitat au Maroc et des choix limités qui s’offrent à toute famille n’ayant pas assez de moyens pour construire une maison convenable, j’ai vu en l’incrémentalisme une solution intéressante à cette problématique. Totalement à l’opposé de l’approche de production en masse d’appartements standardisés, cette méthode de conception rendu populaire grâce au travail d’Alejandro Arave na, lauréat du prix Pritzker 2018 a été largement louée par les spécialistes de l’architecture à travers le monde entier pour sa flexibilité et ses qualités sociales. L’objectif de ce mémoire est d’étudier l’incrémentalisme plus en profondeur, déterminer ses points forts ainsi que ses points faibles, travailler sur une réinter prétation du logement au Maroc en établissant des principes, sur lesquels nous pourrons nous baser pour ensuite travailler développer une architecture à faible coût, adaptées à nos mœurs et à nos modes de vie, réactive et respective de l’envi ronnement et de la culture locale.

Given the current situation of housing here in Morocco, and given the limited available choices for any family that does not have enough resources to build a suitable house, I thought that incrementalism might be an interesting solution to this problem.

Unlike mass production, this approach, that was made popular thanks to the work of Alejandra Aravena, winner of the 2018 Pritzker prize, has been widely praised by architecture specialists all over the world for its flexibility and social benefits. The objective of this thesis is to study incrementalism, determine its advantages and weaknesses, in order to work on a reinterpretation of the housing models that are commonly used in our cities, and then establishing principles, that will helps us later in developing a low-cost architecture that is eco-friendly, re spects our local culture and is adapted to our lifestyle.

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