Hassan ZAKRITI
La gestion du patrimoine mondial au Maroc: Le cas du Ksar AĂŻt Ben Haddou (Province de Ouarzazate)
A mes parents, Tamimounte Asmi & Abdeslam A ma femme Samira Harfacha, A mes enfants, Mohieddine & Rofaida
Remerciements
J
e tiens à exprimer mes remerciements à toutes les personnes qui ont contribué, de près ou de loin, à la réalisation de cet ouvrage, et particulièrement : A Mr. Mohammed Boussalh, Directeur du CERKAS à Ouarzazate, pour m’avoir accueilli pendant trois mois, et mis tous les moyens nécessaires à ma recherche, et pour avoir veillé à ce que mon séjour professionnel se soit déroulé dans les meilleures conditions. A l’université internationale du développement africain (Université Senghor en Alexandrie - Egypte) pour le soutien financier qu’elle a fourni. A mon ami et collègue Mr. Moulay Driss Alaoui (ancien conservateur au CERKAS et chef d'unité d'enquête) qui m'a initié aux techniques d'inventaire informatisé, et n'a pas manqué de m'accompagner dans mon enquête malgré ses engagements professionnels. A tout le personnel du CERKAS pour son assistance et son aimable collaboration. A mes amis et collègues MM. Zouhaïr Daoudani (conservateur du Palais El Bahia à Marrakech), Abderrahim El Bertai (Délégué du Ministère de la Culture à Essaouira), Azzeddine Karra (Directeur régional du Ministère de la Culture dans la région Doukala-Abda) et Wahid Krarssi (conservateur au Centre du patrimoine maroco-lusitanien à El Jadida) dont l’aide me fut d’un grand apport.
Avant-propos e choix du thème du patrimoine mondial au Maroc est dû à mon séjour professionnel au sein du Centre de Sauvegarde et de Réhabilitation du Patrimoine Architectural des Zones Atlasiques et Subatlasiques (CERKAS). D’ailleurs, le choix de cette institution fut un concours de circonstances. Mon séjour à Ouarzazate durant l’été de 2004, fut pour moi l’occasion de découvrir de près un patrimoine architectural tant convoité : celui des vallées du sud marocain. Un patrimoine aussi rayonnant et célèbre au Maroc qu’à l’étranger ; l’occasion de découvrir surtout, un site du patrimoine universel : le Ksar Aït Ben Haddou. Ce fut l’occasion pour moi également de revoir des collègues et des camarades de longue date. Mais ce fut surtout une opportunité de côtoyer des spécialistes hors pairs dans le domaine du patrimoine, une équipe qui travaille sans relâche au sein d’une institution jeune, ambitieuse, unique et exemplaire dans le paysage institutionnel patrimonial du Maroc. Mon expérience au sein du CERKAS, aussi courte parait-elle, est chargée de souvenirs agréables, d’apport scientifique et technique, et de perspectives professionnelles en tant que conservateur des sites patrimoniaux et acteur de la gestion du patrimoine au Maroc. Il m’est impératif pour des raisons d’éthique professionnelle de signaler que ce travail date de 2005 ; j’ai essayé dans la mesure du possible d’actualiser les données les plus pertinentes.
L
TABLE DES MATIERES LISTE DES ACRONYMES LISTE DES ILLUSTRATIONS INTRODUCTION GENERALE PREMIERE PARTIE : LE PATRIMOINE MONDIAL AU MAROC Chapitre 1. Le cadre conceptuel 1.1. Le patrimoine mondial 1.2. L’authenticité 1.3. La Stratégie globale 1.4. La Liste indicative 1.5. Le patrimoine en péril Chapitre 2. La gestion du Patrimoine mondial 2.1. Le cadre normatif 2.1.1. Les normes internationales : a. la Convention de 1972 b. Les Orientations c. les Recommandations d. les Déclarations e. les Chartes 2.1.2. Les réglementations nationales 2.2. Le cadre institutionnel 2.2.1. Les collectivités nationales ou Etats parties 2.2.2. L’UNESCO : a. L'Assemblée générale b. Le Comité du patrimoine mondial c. Le Centre du patrimoine mondial à l'UNESCO 2.2.3. Les organes consultatifs : a. L'ICOMOS b. L'IUCN c. L'ICCROM 2.3. Le cadre méthodologique : 2.3.1. Planification : Plan de gestion 2.3.2. Mise en œuvre 2.3.3. Suivi et évaluation 2.4. Les capacités en ressources de financement 2.4.1. Les crédits publics : l’Etat, les collectivités locales 2.4.2. Le Fonds du patrimoine mondial 2.4.3. Les fonds privés 2.4.4. La coopération internationale : a. les programmes thématiques de l’ONU : le cas du PNUD b. la Banque Mondiale c. La coopération régionale : l’exemple du Programme Euromed Heritage d. la coopération technico-scientifique : L’ ICCROM
II
Chapitre 3. Le patrimoine mondial au Maroc : Etat des lieux 3.1. L’adhésion 3.2. La liste indicative 3.3. Les biens inscrits sur la Liste de l’UNESCO 3.4. Les effets de l’inscription sur la Liste DEUXIEME PARTIE : LE VILLAGE COMMUNAUTAIRE DES AÏT BEN HADDOU DIT KSAR AÏT BEN HADDOU Chapitre introductif : l’architecture en terre 1. les repères de l’espace et du temps - dans le monde - au Maroc 2. les éléments de l’architecture vernaculaire présaharienne au Maroc 2.1. Les techniques : 2.2. Les expressions architecturales 2.3. L’organisation socio-spatiale 2.4. La décadence 3. universalité du matériau : universalité des enjeux Chapitre 1. Présentation du site 1.1. Le contexte naturel : éléments de géographie du site 1.2. Eléments de l’histoire : 1.2.1. La fondation 1.2.2. La toponymie 1.3. Le site aujourd’hui : 1.3.1. Le paysage 1.3.2. Eléments du patrimoine architectural du ksar : Architecture, organisation spatiale 1.4. L’inscription sur la Liste du Patrimoine Mondial : un nouvel essor ? 1.4.1. Les fondements 1.4.2. Les justifications d’inscription Chapitre 2 : l’organisme en charge de la conservation : le CERKAS 2.1. La mission du CERKAS 2.2. La création 2.3. Le statut 2.4. Les principales actions a. Réhabilitation de la Kasbah de Taourirt b. Sauvegarde du Ksar Aït Ben Haddou c. Restauration du grenier collectif Ighrem n'Ougdal d. Réhabilitation du Ksar Tamnougalt e. Action en cours 2.5. Les programmes du CERKAS 2.6. Perspectives : a. Expertise b. Etudes c. Formation d. Analyse des matériaux e. Publications
II
Chapitre 3 : Eléments du diagnostic 3.1. Le contexte socio-économique 3.1.1. L’abandon du ksar 3.1.2. Une base économique précaire a. L’agriculture : secteur fragile b. une activité touristique peu organisée c. une activité cinématographique non réglementée d. prolifération des commerces sur le site e. l’artisanat : activité peu encadrée 3.2. Le déficit en infrastructures de base et en équipements collectifs 3.2.1. Le sous-équipement : a. éducation limitée au primaire b. une sous médicalisation aigue 3.2.2. Carence en infrastructures de base a. le problème d’accès à l’eau potable b. L’électrification du ksar c. Le pont d. Assainissement liquide et solide e. Les voiries de desserte 3.3. Le contexte institutionnel : 3.4. Un patrimoine mondial fortement menacé 3.4.1. L’état de conservation 3.4.2. La situation foncière 3.4.3. Les facteurs affectant le site TROISIÈME PARTIE : PRESPECTIVES DE SAUVEGARDE, DE RÉHABILITATION ET DE GESTION DU KSAR AÏT BEN HADDOU Chapitre 1. Dynamique de Sauvegarde 1.1. Reconsidération des valeurs du ksar a. Le site du ksar en tant que site proto-archéologique b. le site du ksar : paysage culturel 1.2. La démarche du CERKAS 1.3. L’inscription du Ksar sur la liste du patrimoine mondial en péril 1.4. Le renforcement des capacités des acteurs locaux 1.5. Les atouts du programme Réserve de Biosphère des Oasis du Sud Marocain (RBOSM) 1.6. L’approche participative : Les promesses de l’Agenda 21 local (le Pacte de sauvegarde) 1.7. Les perspectives du programme PACT de l’UNESCO 1.7. La mise en œuvre des mesures de protection : le classement Chapitre 2. La démarche de réhabilitation 2.1. La valorisation du site 2.1.1. Sensibilisation et promotion : 2.1.2. Les vecteurs in situ de communication a. écomusée ou musée communautaire ? b. les maisons thématiques c. le centre d’interprétation d. la dynamique scientifique
II
2.2. L’approche du CERKAS : la consultation de la population 2.3. Infrastructures et équipements collectifs de base 2.3.1. La protection des terres agricoles et des berges de l’Oued elmaleh 2.3.2. La gestion de l’eau et l’optimisation de son usage 2.3.3. La mise en place d’infrastructures et de service de base a. l’eau/l’assainissement b. l’électricité c. la liaison par le pont 2.2.4. L’installation d’équipements d’accueil et l’aménagement d’itinéraires 2.2.5. La réhabilitation de l’école 2.4. Développement des systèmes productifs locaux et des activités génératrices de revenus Chapitre 3. Les Modèles potentiels de gestion 3.1. Gestion planifiée : 3.1.1. La structure de gestion 3.1.2. Le groupe de travail 3.1.3. Le plan de gestion 3.2. Gestion intégrée: 3.2.1. Approche des paysages culturels 3.2.2. Gestion de proximité : l’antenne locale du CERKAS 3.2.3. Approche préventive : la gestion du risque 3.2.4. Approche cartographique de gestion : l’apport du SIG a. Le contexte international : le SIG appliqué au patrimoine mondial b. L’application du SIG au patrimoine architectural des vallées présahariennes : l’expérience du CERKAS (20002005) CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE ANNEXE RESUME
II
LISTE DES ACRONYMES CERKAS :(appellation usuelle du) Centre de Conservation et de Réhabilitation du Patrimoine Architectural des zones Atlasiques et Subatlasiques CCM : Centre Cinématographique Marocain ENA : Ecole Nationale d’Architecture (Maroc) FEC: Fonds d’Equipement communal FNAC: Fonds National d’action Culturelle ICORP (angl.) : Conseil International pour la Préparation aux Risques INAU : Institut National de l’Aménagement et de l’Urbanisme (Maroc) INSAP : Institut des Sciences de l’Archéologie et du Patrimoine (Maroc) ITUC (angl.): Conservation Territoriale et Urbaine Intégrée JIKA (angl.) : Agence Japonaise de coopération Internationale LPEE : Laboratoire Public d’Essais et d’Etudes ONE : Office National de l’Electricité ONEP : Office National de l’Eau Potable ORMVAO:Office Régional de Mise en Valeur Agricole d’Ouarzazate PAC : Plan d’Aménagement Communal PACT (angl.): Initiative de Partenariats pour la Conservation PAGER : Programme d’approvisionnement groupé en eau potable des populations rurales PAS : Plan d’Aménagement Spécifique PDAR : Plan de Développement des Agglomérations Rurales PDR : Plan Directeur de Reboisement PERG : Programme d’Electrification Rurale Générale RBOSM (Programme) : Réserve de Biosphère des Oasis du Sud Marocain SDAU : Schéma Directeur d’Aménagement Urbain SEGMA: Service Géré d’une Manière Autonome SIG : Système d’Information géographique
I
LISTE DES ILLUSTRATIONS Les figures : Fig.1 - Cycle des six ans pour la soumission de rapports périodiques Fig.2 – La liste indicative du Maroc Fig.3 - Sites du patrimoine culturel du Maroc inscrits sur la Liste du patrimoine mondial Fig.4 - Sites du patrimoine mondial au Maroc : Régime de protection et éléments de planification. Fig.5– Carte du Maroc Fig.6 – Situation du ksar dans la Région Sous-Massa-Draa Fig.7- Plan du Ksar des Aït Ben Haddou Fig.8 - Tableau récapitulatif des actions du CERKAS sur le Ksar Ben Haddou Fig.9 - état de conservation des structures Fig.10- mode et périodes d’acquisition Fig.11-: périodes d’acquisition Fig.12-: état d’occupation du ksar Fig.13 -Grille des valeurs associées au Ksar Aït Ben Haddou Fig.14.-identification de projets pour la sauvegarde et la mise en valeur du site d’Aït Ben Haddou Fig.14'.Zone de classement du Ksar Aït Ben Haddou Fig.15- Fonctions éventuelles des biens aux yeux des propriétaires Fig.16- Proposition de réhabilitation : partenariat Fig.17– Typologie des risques sur les sites du patrimoine mondial Fig.18 - Carte de la vallée du Draa Fig.19- Modèle d’une orthophoto (la Qasba de Taourirt) Fig.20.Digitalisation des différents niveaux de dessin à l’aide de MicroStation (la Qasba de Taourirt) Fig.21. Requête indiquant les bâtiments alimentés par le réseau public en eau potable à la Qasba de Taourirt Fig.22. Requête illustrant le schéma de voirie d’un ksar Les photographies : Photo. 1 - Vue sur le ksar des Aït Ben Haddou Photo. 2 -L’une des entrées du ksar Photo. 3 - Détail d’un décor sur une façade Photo. 4 - Vue du ksar sur le village issiwid Photo. 5- Vue sur les kasbahs restaurées par le CERKAS et en bas les gabions de protection des berges mis en place Photo. 6–Détail d’une kasbah restaurées par le CERKAS Photo. 7– l’un des aspects de la folklorisation du site à des fins touristiques Photo. 8– reliquat d’un décor de tournage laissé à l’entrée du ksar Photo. 9 – l’un des aspects de la prolifération anarchique des bazars dans le site Photo.10 - exemple d’aménagement privé à des fins touristiques altérant l’intégrité visuelle du ksar Photo.11 – les vestiges des remparts du ksar Photo. 12- l’un des rares panneaux d’indication du Ksar Aït Ben Haddou
II
INTRODUCTION
L
’idée de la création d'un mouvement international de protection des sites dans d'autres pays est née après la Première Guerre mondiale. Ce n’est qu’en 1972, lors de la Conférence générale de l’UNESCO à sa 17ème session tenue à Paris, que les Etats membres de l’organisation ont adopté une Convention concernant la protection du patrimoine culturel et naturel. Elle entra en vigueur lorsque 20 pays l’eurent ratifiée en 19751. La dite Convention était le résultat d’un long processus, et la fusion de deux courants distincts : le premier, centré sur les dangers menaçant les sites culturels, et le second, axé sur la préservation de la nature2 . Les nations ou Etats parties qui adhèrent à la Convention (177 pays signataires en mars 2004) constituent une communauté internationale, unie par une mission commune : celle d’identifier et de préserver pour les générations futures des témoignages de la nature et la culture ayant une valeur universelle exceptionnelle. Toute en respectant le principe de la souveraineté nationale et sans remettre en cause le droit de propriété institué par les législations nationales, les Etats partie à la convention reconnaissent que la responsabilité de la protection du patrimoine mondial incombe à la communauté internationale toute entière : le patrimoine mondial appartient à tous. Mais la question qui se pose est de savoir si : les populations qui détiennent ce patrimoine sont-elles consenties à partager leur patrimoine avec autrui ? Et dans l’affirmative, ce partage est-il réel ou symbolique ? Dans la réalité, les collectivités nationales (les Etats) se substituent aux collectivités locales pour revendiquer l’universalité de certains de leurs sites culturels ou naturels et sollicite de ce fait le concours de l’Unesco. Celle-ci a développé son action en faveur du patrimoine mondial, et qui consiste à : • encourager les pays à adhérer à la Convention de 1972 et à assurer la protection de leur patrimoine naturel et culturel ; • encourager les Etats parties à la Convention à proposer des sites sur leur territoire national pour inscription sur la Liste du patrimoine mondial ; • encourager les Etats parties à mettre en place des systèmes de suivi de l'état de conservation des sites du patrimoine mondial situés sur leurs territoires;
Cf. Léon Pressouyre, La Convention, vingt ans après, Editions UNESCO, 1993 (p.9) 2 Cf. Kit d’information du Patrimoine Mondial (Bref historique), Centre du Patrimoine Mondial-Unesco, 2000. 1
1
•
aider les Etats parties à sauvegarder les sites du patrimoine mondial en leur fournissant une assistance technique et une formation professionnelle ; • fournir une assistance d'urgence aux sites du patrimoine mondial en cas de danger immédiat ; • appuyer les activités menées par les Etats parties pour sensibiliser le public à la préservation du patrimoine mondial ; • encourager la participation des populations locales à la préservation de leur patrimoine culturel et naturel ; • encourager la coopération internationale dans le domaine de la conservation du patrimoine culturel et naturel1. Plus que jamais, les gouvernements, les organisations, les associations et les particuliers se sentent impliqués et deviennent engagés dans le processus de sauvegarde de l’ensemble des sites du monde. Le Maroc, à, l’instar de nombreux membres de l’UNESCO, fut l’un des premiers pays à ratifier la Convention, en 1975. Il affirme de ce fait, son attachement aux préoccupations de la communauté internationale bien avant, à travers la Convention de LaHaye de 1954 relative à la protection des biens culturels en cas de conflit armé ; et perpétuée peu après en ratifiant celle de Ramsar de 1980 relative aux zones humides. Au-delà de cet attachement et ce dévouement aux valeurs de la communauté internationale, assure –t-il une gestion de son patrimoine inscrit sur la Liste de l’Unesco, conformément aux normes internationales ? Comment traite –t-il son patrimoine avec toute la diversité qu’il présente, à l’image des ses villes historiques, ses sites archéologiques et ses ensembles architecturaux, ou ses espaces culturels ? Comment procède- t-il pour concilier les principes éthiques de sauvegarde avec les impératifs de développement et ce qui en résulte comme menace sur les biens inscrits : tourisme de masse, développement anarchique d’activités humaines préjudiciables aux biens culturels, urbanisation galopante, etc. Comment affronte-t-il le développement de certains phénomènes sociaux tels l’abandon des tissus anciens ou la gentrification de certaines de ses villes historiques à l’image de Marrakech et Essaouira ? Tant de questions et de problématiques auxquelles sont confrontés et le chercheur et le gestionnaire du patrimoine culturel, et que ce travail se propose de traiter à travers les biens situés en territoire marocain et inscrits sur la Liste du Patrimoine Mondial. Néanmoins, ce travail présente quelques restrictions : d’abord, l’étude est limitée au patrimoine culturel pour la simple raison que le patrimoine naturel échappe à notre champs de compétence, et que le Maroc ne dispose sur la Liste de l’Unesco que des biens culturels ; la seconde restriction relève de la contrainte de choisir un site classé patrimoine 1
Kit d’information du Patrimoine Mondial (Objectif de la mission).
2
mondial qui présente les problématiques majeures au sein du contexte dans lequel il est situé, sauvegardé et géré : à savoir la village communautaire des Aït Ben Haddou dit Ksar Aït Ben Haddou. Avant de se pencher sur la situation du village en question (Deuxième Partie) par rapport à son contexte physique, social et économique (chapitre 1) et établir un constat sur la situation en diagnostiquant les dysfonctionnements en matière de gestion du site (chapitre 3), il sera question d’abord de mettre la lumière sur le contexte international et national au niveau du Maroc, dans lequel ce patrimoine s‘inscrit (Première Partie), pour aboutir enfin (Troisième Partie) sur ce qui pourrait être comme solutions optimales en matière de sauvegarde (chapitre 1), de réhabilitation (chapitre 2) et de gestion du ksar (chapitre 3) qui vit une réalité particulière dont les facettes sont encore très problématiques.
3
PREMIERE PARTIE LE PATRIMOINE MONDIAL AU MAROC
A
vant de cerner la réalité du patrimoine mondial au Maroc (sect.3) et les cadres de référence dans lesquels leur gestion s’inscrit (sect.2), il convient d’abord d’appréhender certains concepts dans lesquels le patrimoine mondial tire toute sa signification (sect.1). Chapitre 1. Le cadre conceptuel 1.1. Le patrimoine mondial Il serait réducteur ou même idéal de considérer le patrimoine mondial comme étant un ensemble de biens culturels ou de sites naturels qui « appartiennent à tous les peuples du monde, sans tenir compte du territoire sur lequel ils sont situés »1 Comme il serait facile de considérer le patrimoine mondial selon les termes de la Convention de 1972, alors que le concept même du patrimoine est en cours de formation et en perpétuelle évolution. Souvent lié à l’identité, la notion du patrimoine est perçue en tant que « possession collective – matérielle ou symbolique – d’un groupe transmise depuis un passé proche ou lointain »2. La tendance actuelle est d’appréhender le patrimoine culturel dans son sens le plus large, c'est-à-dire avec tous les signes qui témoignent des activités et des réalisations des êtres humains au cours du temps3. La notion du patrimoine est le plus souvent réduite à l’héritage culturel, alors que dans son acceptation mondiale, elle concerne aussi bien le culturel que la naturel et parfois même les deux à la fois (biens mixtes). Quoiqu’il en soit, la définition du Patrimoine Mondial qui est retenue est celle de la Convention de l’Unesco en 1972 : D’abord, elle s’annonce dans le Préambule de la Convention pour désigner des biens du patrimoine culturel et naturel ayant « une valeur universelle ». Ensuite, elle se retrouve dans les articles 1 et 2 pour développer la signification du patrimoine culturel et du patrimoine naturel : Ainsi, aux fins de cette Convention, sont désignés par patrimoine culturel (art.1): les monuments : œuvres architecturales, de sculpture ou de peinture monumentales, éléments ou structures de caractère archéologique, inscriptions grottes et groupes d’éléments, qui ont une valeur universelle du point de vue de l’histoire, de l’art ou de la science,
Kit d’information sur le patrimoine mondial. Pierre De Maret (dir.), Plan de sauvegarde du patrimoine de l’Afrique francophone, ULB, 1997 (p.66). 3 Léon Pressouyre, la Convention du patrimoine mondial : vingt ans après, Ed. UNESCO, 1993 (p.11) 1 2
5
les ensembles : groupes de constructions isolées ou réunies, qui, en raison de leur architecture, de leur unité ou de leur intégration dans le paysage, ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de l’histoire, de l’art ou de la science, les sites : œuvres de l’homme ou œuvres conjuguées de l’homme et de la nature, ainsi que les zones y compris les sites archéologiques qui ont une valeur universelle exceptionnelle. Et considérés comme patrimoine naturel (art.2) : les monuments naturels constitués par des formations physiques et biologiques ou par des groupes de telles formations qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue esthétique ou scientifique, les formations géologiques et physiographiques et les zones strictement délimitées constituant l’habitat d’espèce animale et végétale menacées, qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de la science ou de la conservation, les sites naturels ou le zones naturelle strictement délimitées, qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de la science, de la conservation ou de la beauté naturelle. Selon les termes de la Convention, le Patrimoine Mondial est constitué de biens (culturels et naturels) ; terme à connotation juridique qui relève du Droit de propriété (Droits réels), mais lié surtout dans ce sens au patrimoine culturel. Il a été employé pour la première fois, dans la Convention de l’Unesco de LaHaye en 19541, puis dans la Convention sur le trafic illicite des biens culturels en 1970. On la retrouve également dans l’appellation officielle – en langue française- de l’ICCROM fondé en 1959, désignant le Centre International d’études pour la Conservation et la Restauration des biens culturels. Cependant, la Convention prévoit l’inscription d’une catégorie de biens qui sont des « œuvres conjuguées de l’homme et de la nature » et les classe parmi les sites culturels. Sur la Liste su patrimoine Mondial, il s’agit clairement des biens mixtes. Ces biens mixtes sont perçus comme une combinaison des valeurs naturelles et culturelles. Depuis 1992, des interactions significatives entre les peuples et leur environnement naturel sont reconnues en tant que paysages culturels2. L’inscription d’un bien sur la Liste du patrimoine Mondial est subordonnée à l’existence d’un certain nombre de critères : ceux-ci sont développés en détail dans un document spécial : les Orientations devant guider la mise en œuvre de la Convention du Patrimoine Mondial. Il s’agit, à côté du texte de la Convention de 1972, du principal
Cf. ICCROM Chroniques, n 29, juin 2003, éditorial (p.2) Cf. Kit d’information du Patrimoine Mondial (la Convention). La notion du paysage culturel est définie par les Orientations devant guide la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial ; elle sera développée plus loin dans la troisième partie de cet ouvrage. 1 2
6
document du Comité du Patrimoine Mondial et l’outil de base en matière de méthodologie de travail1. Ces critères sont régulièrement améliorés par le Comité pour s’adapter à l’évolution du concept même du patrimoine du Patrimoine Mondial2. Mais deux critères fondamentaux sont incontournables et demeurent toujours d’actualité : l’authenticité pour les biens culturels et l’intégrité pour les biens naturels. Seul le critère d’authenticité sera retenu ici. 1.2. L’authenticité Le critère d’authenticité des biens culturels semble avoir été défini au départ par référence à un concept européen, lui-même évolutif et extrêmement variable selon les pays qui le mettent en pratique3. Le plus souvent confondu avec l’originalité : car un bien est reconnu comme authentique s’il est matériellement original, ce concept paraissait trop rigide dans la mesure où de nombreux biens sont taxés d’inauthenticité à cause d’entretiens réguliers, des restaurations répétitives et des modifications morphologiques (extension, adjonction d’éléments nouveaux, etc.) qu’ils ont dû subir au cours de leur histoire4. Les contraintes du critère d’authenticité sont manifestement très pesantes dans plusieurs régions du monde5 où l’emploi des structures périssables comme le bois, ou précaires telle la terre ou l’adobe est largement répandu pour différentes raisons. La conservation de ces structures passe forcément par une restauration qui, de ce fait, « altère » le concept strict de l’authenticité du patrimoine dans ces régions6. Dans quelques cas précis, comme celui du Fort Bahla au Sultanat d’Oman inscrit en 1987, le Comité a considéré que l’authenticité était liée à un savoir-faire et non à pérennisation du
Sur ce document voir plus loin. ibid. 3 Léon Pressouyre, loc. cit. 4 le critère d’authenticité, au sens où l’entend la Charte de Venise de 1964, a été appliqué dans toute sa rigueur lors de l’examen de la cité de Carcassonne en France (bien ajourné en 1985), mais non dans le cas de la Ville médiévale de Rhodes, inscrite en 1988. Cf. Léon Pressouyre, op. cit. p12. 5 Au Japon, les temples les plus anciens sont périodiquement reconstitués à l’identique, l’authenticité s’attachant à la fonction essentiellement, à la forme accessoirement, mais nullement au matériau. Cf. Léon Pressouyre, loc. cit. 6 La question a été soulevée à propos des constructions en bois des pays scandinaves, sans que le remplacement, même massif, de pièces de charpenterie ait été considéré comme déterminant une perte d’authenticité. Cf. Léon Pressouyre, op. cit. p.14 1 2
7
matériau. Cette décision a profité à de nombreux sites et pourrait faire jurisprudence dans le cas d’un grand nombre de structures traditionnelles caractérisées par l’emploi de la terre, du bois ou d’autres matériaux d’origine végétale et dont l’inscription sur la Liste du patrimoine Mondial serait exclue par un respect strictement littéral du critère d’authenticité1. La question de l’authenticité commençait dès lors à occuper une place prépondérante dans le discours et la réflexion des professionnels du patrimoine, tant au niveau de la conservation qu’au niveau de l’inscription sur la liste du patrimoine mondial. La diversité du patrimoine et ce qui en découlent comme méthodes de traitement et de conservation a conduit à définir des normes variables pour une conservation authentique2. Le document de Nara sur l’authenticité (adopté en 1994 et fondé sur la Charte de Venise de 1964) s’est proposé d’étudier le sens et l’applicabilité du concept dans les différentes cultures, et s’est attaché à la diversité et à la spécificité des biens du patrimoine, ainsi qu’à la diversité des valeurs qui leur sont associées3. Depuis lors, le concept d’authenticité a évolué et la dernière version des Orientations considère l’authenticité sous quatre aspects : 1. l’authenticité des matériaux : décrite parfois comme « la fidélité de l’objet », cette notion met l’accent sur la nature de la substance physique du bien. 2. l’authenticité de l’exécution : elle correspond à la substance et les signes de la technologie utilisée lors de la construction et des techniques originelles de traitement des matériaux et structures; 3. l’authenticité de la conception : elle renvoie aux valeurs qui résident dans les intentions initiales de l’architecte, l’artiste, l’artisan ou de l’ingénieur ; 4. l’authenticité de l’environnement (la fidélité du contexte) : dans l’esprit de la Convention du patrimoine Mondial, l’authenticité de l’environnement souligne les relations entre le bien culturel et le contexte physique4.
Léon Pressouyre, loc. cit. Jean-louis Luxen, « la dimension immatérielle des monuments et des sites avec les références de la liste du patrimoine mondial », in Authenticité et intégrité dans le contexte africain, Réunion d’experts, Zimbabwe,2000 (p.20) 3 J. Jokilehto & J. King, « l’authenticité et l’intégrité», in Authenticité et intégrité dans le contexte africai , p. 31. 4 Dawson Munjeri, « les notions d’intégrité et d’authenticité : les modèles émergents en Afrique, in Authenticité et intégrité dans le contexte africain, pp.14-15 1 2
8
Pour être inscrit sur la Liste du patrimoine Mondial, le bien doit conserver son intégrité au regard de ces quatre facettes de l’authenticité1. 1.3. La Stratégie globale Pour établir une Liste représentative et équilibrée des biens du patrimoine mondial, une Stratégie Globale a été adoptée par le Comité du patrimoine mondial en 1994. Son objectif est d'assurer que la Liste reflète bien la diversité culturelle et naturelle des sites de valeur universelle exceptionnelle. Ce processus stratégique repose sur trois phases : l’identification des ressources du patrimoine ; l’évaluation des propositions d’inscription sur la Liste du Patrimoine Mondial ; la gestion de la conservation des sites du Patrimoine Mondial2. Dans le cadre de cette stratégie globale, des études, des conférences et des séminaires régionaux ont eu lieu en Afrique, dans la région du Pacifique, des pays arabes, dans la région des Andes, les Caraïbes, l'Asie Centrale et l'Asie du Sud-Est, dans le but de permettre aux professionnels de mieux cerner la notion de patrimoine , d’identifier ses caractéristiques et de stimuler les préparations des listes indicatives et de propositions d’inscription sur la Liste du Patrimoine Mondial.
1.4. La Liste indicative La convention stipule que "Chacun des Etats parties à la Convention du patrimoine mondial soumet, dans toute la mesure du possible, au Comité du patrimoine mondial un inventaire des biens du patrimoine culturel et naturel situés sur son territoire et susceptibles d'être inscrits sur la liste [du patrimoine mondial] (…). Cet inventaire, qui n'est pas considéré comme exhaustif, doit comporter une documentation sur le lieu des biens en question et sur l'intérêt qu'ils présentent" (Art. 11.1 de la Convention du patrimoine mondial). Cet "inventaire des biens", décrit dans la Convention et dénommé liste indicative, permet de prévoir les biens qu'un Etat partie peut soumettre pour inscription au cours des cinq à dix années à venir. Les listes indicatives peuvent être mises à jour à tout moment. Le Comité invite les Etats parties à soumettre des listes indicatives conformément aux Orientations devant guider la mise en œuvre de la
1 Bernard M.Feilden et Jukka Jukilehto, Guide de gestion des sites du patrimoine culturel mondial, iccrom, 1996 (p.17).
J. Jokilehto & J. King « l’Authenticité et l’intégrité», in Authenticité et intégrité dans le contexte africain (p.30). 2
9
Convention du patrimoine mondial, étant entendu qu'une assistance préparatoire est disponible sur demande. En 1988, le Comité du patrimoine mondial a décidé qu'il n'étudierait des propositions d'inscription culturelles sur la Liste du patrimoine mondial que si les biens concernés figuraient déjà sur la liste indicative de l'Etat partie. Cette condition ne s'applique pas aux sites naturels mais de nombreux Etats ont néanmoins fait figurer des sites naturels sur leur liste indicative, dans le cadre de l'effort pour parvenir à un meilleur équilibre entre les sites naturels et culturels sur la Liste du patrimoine mondial1. Les listes indicatives doivent être considérées comme de précieux outils de planification pour les Etats parties car elles servent d'inventaires des ressources culturelles et naturelles qui inspireront les propositions d'inscription, tout en gardant à l'esprit les exigences d'unicité, de représentativité et d'équilibre général2. Les listes indicatives fournissent également un mécanisme idéal de mise en œuvre de la Stratégie globale du Comité du patrimoine mondial pour une Liste du patrimoine mondial représentative. Le processus de soumission de listes indicatives est décrit dans les Orientations devant guider la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial (sections 7 et 8). 1.5. Le patrimoine en péril Divers dangers dus à des causes naturelles ou à l'intervention humaine menacent constamment des sites inscrits sur la Liste du patrimoine mondial : conflits armés et guerres, séismes et autres catastrophes naturelles, pollution, constructions non planifiées… ainsi 31 biens parmi les 890 sites du patrimoine mondial sont actuellement inscrits sur la Liste du patrimoine mondial en péril sur décision du Comité du patrimoine mondial (33 ème session du Comité, juin 2009) et bénéficient par conséquent d'une attention particulière et de mesures de conservation d'urgence. Pour reprendre les termes de la Convention du patrimoine mondial, "Le Comité [du patrimoine mondial] établit (…), sous le nom de « liste du patrimoine mondial en péril » une liste des biens figurant sur la Liste du patrimoine mondial pour la sauvegarde desquels de grands travaux sont nécessaires et pour lesquels une assistance a été demandée aux termes de la présente convention. (…) Le Comité peut, à tout moment, en cas d'urgence, procéder à une nouvelle inscription sur la Liste du patrimoine mondial en péril et donner à cette inscription une diffusion immédiate" (Article 11 §4). La Liste du patrimoine mondial en péril est conçue non seulement pour informer la communauté internationale sur les dangers
1
Cf. Kit d’information du Patrimoine Mondial (la liste indicative).
2
ibid.
10
subis par les biens du patrimoine mondial, mais également sur les conditions menaçant les caractéristiques qui ont permis l'inscription d'un site sur la Liste du patrimoine mondial et pour aider à prendre des mesures correctives de préservation1. Les dangers peuvent être "prouvés", en cas de menaces imminentes spécifiques, ou "potentiels" lorsqu'un bien est confronté à des menaces qui pourraient avoir des effets nuisibles sur ses valeurs de patrimoine mondial. L'inscription de tout site sur la Liste du patrimoine mondial en péril exige que le Comité établisse et adopte, en consultation avec l'Etat partie concerné, un programme de mesures correctives, et qu'il surveille ensuite l'état de conservation du site. Tous les efforts devront être faits pour restaurer les valeurs du site afin de permettre son retrait de la Liste du patrimoine mondial en péril dès que possible2. Si un site perd les caractéristiques qui avaient déterminé son inscription sur la Liste du patrimoine mondial, le Comité peut décider de retirer ce bien de la Liste du patrimoine mondial en péril comme de la Liste du patrimoine mondial. Cette disposition des Orientations devant guider la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial n'a toutefois pas été appliquée à ce jour. D'autre part, les particuliers, les organisations non gouvernementales ou d'autres groupes peuvent également attirer l'attention du Comité sur des menaces existantes. Si l'alerte est justifiée et le problème suffisamment sérieux, le Comité peut envisager d'inclure le site sur la Liste du patrimoine mondial en péril.
Le cas des Palais royaux d'Abomey au Bénin est révélateur. Ils ont été inscrits simultanément sur la Liste du patrimoine mondial et sur la Liste du patrimoine mondial en péril en 1985, à la demande du gouvernement béninois lui-même, après qu'une tornade ait frappé le site, y causant de graves dommages. Depuis, sa restauration s'est poursuivie dans le cadre d'un projet unissant des experts et des institutions de divers pays du monde. Et tout récemment juillet 2004 la cité iranienne de Bam et son paysage culturel, où 26000 personnes ont perdu la vie lors du tremblement de terre du 26 décembre 2003, a été inscrits sur la Liste du patrimoine mondial de l'UNESCO. 1
L'inscription sur la Liste du patrimoine mondial en péril n'est pas perçue de la même manière par toutes les parties concernées. Certains pays demandent l'inscription d'un site pour focaliser l'attention internationale sur ses problèmes et obtenir une assistance compétente pour les résoudre. D'autres, cependant, souhaitent éviter une inscription qu'ils perçoivent comme un déshonneur. 2
11
Chapitre 2. La gestion du Patrimoine mondial 2.1. Le cadre normatif Le cadre normatif fait référence à deux sources majeures : la première est internationale où se regroupent d’une part la Convention de 1972 et son corollaire (les Orientations), et d’autre part les Recommandations, les Déclarations et les Chartes qui en découlent ; la seconde est nationale, où on retrouve les réglementations qui régissent le patrimoine culturel. 2.1.1. Les normes internationales a. la Convention de 1972 Cet instrument international repose sur le postulat que certains sites sur la terre ont une valeur universelle exceptionnelle et mérite, en tant que tels, de faire partie du patrimoine commun de l’Humanité. Aperçu historique1 La Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel procède de la fusion de deux courants distincts : le premier, centré sur les dangers menaçant les sites culturels, et le second, axé sur la préservation de la nature. L'événement qui a suscité une prise de conscience internationale particulière a été la décision de construire le grand barrage d'Assouan en Egypte, ce qui aurait inondé la vallée ou se trouvaient les temples d'Abou Simbel, trésors de la civilisation de l'Egypte ancienne. En 1959, l'UNESCO a décidé de lancer une campagne internationale à la suite d'un appel des Gouvernements égyptien et soudanais. La recherche archéologique dans les zones qui allaient être inondées a été accélérée ; enfin, les temples d'Abou Simbel et de Philae ont été démontés, déplacés et réassemblés. La campagne a coûté environ 80 millions de dollars des EtatsUnis, la moitié provenant de dons d'une cinquantaine de pays, ce qui a démontré l'importance d'un partage de responsabilité des pays pour préserver les sites culturels exceptionnels. Ce succès a été suivi d'autres campagnes de sauvegarde, notamment en Italie (à Venise), au Pakistan (Mohenjo Daro) et en Indonésie (Borobudur), etc.. Par conséquent, l'UNESCO, avec l'aide du Conseil international des monuments et des sites (ICOMOS), a amorcé la
1
Kit d’information du patrimoine mondial (la Convention).
12
préparation d'un projet de convention sur la protection du patrimoine culturel. En 1968, l'Union mondiale pour la nature (UICN) a présenté des propositions analogues à ses membres. Ces propositions furent présentées à la Conférence des Nations Unies sur l'Environnement humain à Stockholm en 19721. Finalement, toutes les parties concernées se sont mises d'accord sur un texte unique. La Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel a été adoptée par la Conférence générale de l'UNESCO le 16 novembre 1972. En considérant le patrimoine sous ses aspects culturels aussi bien que naturels, la Convention nous rappelle l'interaction de l'être humain et de la nature et la nécessité fondamentale de préserver l'équilibre entre les deux. L’originalité de la Convention réside dans le fait de réunir dans un même document les notions de protection de la nature et de préservation des sites culturels. Nature et culture sont complémentaires et l'identité culturelle est profondément liée à l'environnement naturel dans lequel elle se développe. Le contenu de la Convention Le texte de la Convention de 1972 est constitué de 8 sections et 38 articles, et publiée en 5 langues : l’anglais, l’arabe, l’espagnol, le français, et le russe. La Convention définit le genre de sites naturels ou culturels dont on peut considérer l'inscription sur la Liste du patrimoine mondial (articles 1 et 2), et elle fixe les devoirs des Etats parties dans l'identification de sites potentiels (art.3), ainsi que leur rôle dans la protection et la préservation des sites (art.4). En signant la Convention, chaque pays s'engage non seulement à assurer la bonne conservation des sites se trouvant sur son territoire, mais aussi à protéger son patrimoine national. La Convention encourage l'Etat partie à intégrer la protection du patrimoine culturel et naturel dans les programmes de planification
L'idée de concilier la conservation des sites culturels avec ceux de la nature vient des Etats-Unis. Une conférence à la Maison Blanche à Washington D.C., en 1965 a demandé la création d'une "Fondation du patrimoine mondial" qui stimulerait la coopération internationale afin de protéger "les lieux et paysages les plus superbes du monde, ainsi que les sites historiques, pour le présent et l'avenir de toute l'humanité". Cf. Kit d’informations du patrimoine mondial (la Convention). 1
13
régionaux et à adopter des mesures attribuant une fonction à ce patrimoine dans la vie quotidienne (art.5, a). La Convention décrit également la fonction du Comité du patrimoine mondial, le mode d'élection de ses membres et leur mandat, et elle indique précisément les organismes consultatifs professionnels à qui il peut demander conseil pour la sélection des sites à inscrire sur la Liste (section III). La Convention explique l'utilisation et la gestion du Fonds du patrimoine mondial (section IV) et les conditions et modalités de l'assistance financière internationale (section V). Fonctionnement la Convention La proposition d'inscription d'un site sur la Liste du patrimoine mondial doit émaner du pays lui-même. L'UNESCO ne fait pas de recommandations pour l'inscription. La proposition doit inclure un plan exposant en détail la gestion et la protection. Le Comité du patrimoine mondial se réunit une fois par an et étudie les propositions d'inscription à partir d'évaluations techniques. Ces évaluations, indépendantes des sites culturels et naturels proposés, sont réalisées par deux organismes consultatifs, le Conseil international des monuments et des sites (ICOMOS) et l'Union mondiale pour la nature (UICN) respectivement. Le Centre international d'études pour la conservation et la restauration des biens culturels (ICCROM) est également sollicité pour fournir un avis. Une fois qu'un site a été sélectionné, son nom, son emplacement et la date de son inscription figurent sur la Liste du patrimoine mondial. Des informations concernant les biens inscrits figurent sur des documents annexes : coordonnées, critères d’inscription, description du bien, et les justifications d’inscription. La Liste du patrimoine mondial compte désormais 890 biens inscrits avec 689 biens culturels, 176 biens naturels, et 25 biens mixtes, situés dans 148 Etats parties. Cette Liste, classée par ordre alphabétique des pays ayant des sites inscrits, est actualisée et arrêtée à chaque session du Comité (la dernière Liste date de juillet 2004). b. Les Orientations Les Orientation devant guider la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial (ci-après dénommées les Orientations), est le principal instrument normatif qui découle de la Convention. Rédigé en 1977 et plusieurs fois révisé pour intégrer de nouveaux concepts (authenticité, paysages culturels entre autres), et de nouvelles orientations, il a été préparé pour informer les Etats parties à la Convention sur la procédure de préparation des dossiers d’inscription sur la Liste, et d’autre part sur les principes qui guident les travaux du Comité dans l’établissement de la Liste du Patrimoine Mondial et de la liste du patrimoine mondial en péril, ainsi que sur l’octroi d’une
14
assistance internationale au titre du Fonds du Patrimoine Mondial. Ce document peut être révisé à tout moment par le Comité. Les Orientations sont considérées comme un outil de travail ; elles ont dû être à maintes reprises révisées par le Comité du patrimoine Mondial pour être adaptées en fonction des besoins locaux, et être en conformité avec les politiques de la Convention définies par le Comité. La dernière version est celle de 20051. Le principal apport des Orientations se situe au niveau des critères sur lesquels est décidé l’inscription d’un bien sur la Liste du Patrimoine Mondial par le Comité du patrimoine Mondial. Ces critères sont au nombre de six pour les biens culturels, et quatre pour les biens naturels. Ainsi, les biens culturels doivent : i. soit représenter un chef-d’œuvre du génie créateur humain ; ii. soit témoigner d'un échange d'influences considérable pendant une période donnée ou dans une aire culturelle déterminée, sur le développement de l'architecture ou de la technologie, des arts monumentaux, de la planification des villes ou de la création de paysages ; iii. soit apporter un témoignage unique ou du moins exceptionnel sur une tradition culturelle ou une civilisation vivante ou disparue ; iv. soit offrir un exemple éminent d'un type de construction ou d'ensemble architectural ou de paysage illustrant une ou des période(s) significative(s) de l'histoire humaine ; v. soit constituer un exemple éminent d'établissement humain ou d'occupation du territoire qui soit traditionnel et représentatif d'une culture (ou de cultures), surtout quand il devient vulnérable sous l'effet de mutations irréversibles ; vi. soit être directement ou matériellement associé à des événements ou des traditions vivantes, des idées, des croyances ou des oeuvres artistiques et littéraires ayant une signification universelle exceptionnelle (critère utilisé uniquement dans des circonstances exceptionnelles ou appliqué concurremment avec d'autres critères).
Cette version des Orientation (WHC.05/2) vient d’être adoptée par le Comité du patrimoine mondial lors de la 7 ème session extraordinaire. Elle est entrée en vigueur depuis le 2 février 2005. Cette version a dû intégrer des éléments nouveaux ; elle a l’avantage d’être plus détaillé avec ses 10 chapitres et ses 290 paragraphes (plus 8 annexes, une bibliographie et un index). Malheureusement, ma découverte de ce document a été assez tardive et, vu le délai qui m’a été imparti, je n’ai pas pu l’exploiter à fond. Par conséquent mon examen s’est limité à la version de 1999 (désigné par la référence WHC.99/2) 1
15
c. les Recommandations : Les Recommandations émanent des Conférences générales de l’Unesco, pour inspirer les Etats en matière de protection et de sauvegarde de leur patrimoine. Elles n’ont pas la même force juridique que les Conventions qui engagent les Etats signataires, mais en constituent le prolongement et servent également d’outil de référence pour ces Etats afin de développer leur politique de gestion de leur patrimoine. Dans cette catégorie, une série de Recommandations méritent d’être citées : -Recommandation concernant la sauvegarde de la beauté et du caractère des paysages et des sites (11 décembre 1962) ; -Recommandation concernant la préservation des biens culturels mis en péril par les travaux publics ou privés (19 novembre 1968) ; -Recommandation concernant la protection sur le plan national du patrimoine culturel et naturel (16 novembre 1972) ; -Recommandation concernant la sauvegarde des ensembles historiques ou traditionnels et leur rôle dans la vie contemporaine (26 novembre 1976) ; -Recommandation sur la sauvegarde de la culture traditionnelle et populaire (15 novembre 1989). d. les Déclarations Les Déclarations s’inscrivent généralement dans le même registre que les Recommandations, dans le sens où elles émanent également des Conférences générales de l’Unesco et traduisent le consensualisme de la communauté internationale, mais à la différence des Recommandations, elles ont un caractère plus engageant du moins sur le plan moral. Deux Déclarations relatives au patrimoine mondial s’inscrivent dans cette nomenclature : -Déclaration universelle de l'UNESCO sur la diversité culturelle (2 novembre 2001) ; -Déclaration de l'UNESCO concernant la destruction intentionnelle du patrimoine culturel (17 octobre 2003). e. les Chartes Les Chartes émanent généralement des professionnels du patrimoine et constituent jusqu’à présent des éléments normatifs de référence en matière de sauvegarde pour les professionnels aussi bien nationaux qu’internationaux. Dans ce registre, dont le contenu est dominé largement par le patrimoine architectural et urbain, s’inscrivent deux chartes : -La Charte d'Athènes pour la Restauration des Monuments Historiques Adoptée lors du premier congrès international des architectes et techniciens des monuments historiques, Athènes 1931 ; -La Charte Internationale Sur la Conservation et la Restauration des Monuments et des Sites dite Charte de Venise (II ème Congrès
16
international des architectes et des techniciens des monuments historiques, Venise, 1964. Adoptée par l’ICOMOS en 1965). 2.1.2. Les réglementations nationales: La plupart des Etats parties à la Convention sont dotés de réglementation en matière de patrimoine culturel. Mais dans quelle mesure se sont-ils inspirés de la Convention ou du Droit international en la matière et l’ont-ils intégré dans leurs législations nationales ? Seule une étude approfondie sur le droit comparé du patrimoine culturel dans ces pays pourrait nous éclairer sur la question. Par ailleurs, une série de textes normatifs sont préparés pour renforcer l’appareil juridique en matière de protection du patrimoine culturel : les textes de classement des biens en tant que patrimoine national. Contrairement aux premiers qui ont une portée générale, ces textes n’ont d’effets que sur les biens pour lesquels ils sont conçus. Au niveau local, d’autres documents sont conçus pour consolider le dispositif normatif en matière de patrimoine culturel, notamment les documents urbains qui sont préparés par les autorités communales ou par les départements chargés de l’urbanisme, de l’environnement et de l’aménagement du territoire : Plans d’aménagement urbain (PAU), Plans de développement rural (PDR), Schémas Directeurs d’Aménagement Urbain (SDAU). 2.2. Le cadre institutionnel : 2.2.1. Les collectivités nationales ou Etats parties Ce sont les pays qui ont ratifié la Convention du patrimoine mondial. Ils acceptent ainsi d'identifier et de proposer des sites se trouvant sur leur territoire national et susceptibles d'être inscrits sur la Liste du patrimoine mondial. Quand un Etat partie propose un site pour inscription, il doit donner des détails sur la manière dont le site est protégé sur le plan juridique et fournir un plan de gestion concernant son entretien. Les Etats parties doivent protéger les valeurs pour lesquelles leurs sites ont été inscrits sur la Liste ; ils sont également encouragés à présenter à l'UNESCO des rapports sur l'état de conservation de ces sites (art.29 de la Convention). La gestion au niveau national est assurée en principe par des services qui relèvent de l’autorité gouvernementale chargée du patrimoine culturel. Cette autorité intervient localement par ses structures déconcentrées : inspections régionales, conservations de sites archéologiques, agences régionales etc. Dans les systèmes à forte teneur en capacités de décentralisation, les conseils élus contribuent également à la gestion des sites situés sur leur territoire. D’autres structures sont amenées le plus souvent à participer à la gestion directe des biens inscrits sur la Liste, soit parce qu’ils sont crées à cette fin (à l’image – au Maroc -de l’ADER à Fès et du CERKAS pour le Ksar des Aït Ben Haddou à Ouarzazate) soit qu’elles détiennent la propriété du bien (le cas des biens habous ou waqf dans les pays musulmans).
17
L’association des propriétaires à la gestion dans le cas des biens communautaires est encore à l’état embryonnaire. Dans le meilleur des cas, ces populations sont consultées en matière d’étude d’impact environnemental, lorsqu’un projet est envisagé. 2.2.2. L’UNESCO : L’Unesco n’agit pas directement sur la gestion des biens inscrits sur la Liste, mais constitue un cadre institutionnel dans lequel s’inscrit et évolue la gestion des ces biens. L’action de l’Unesco se fait par le biais de : a. L'Assemblée générale Elle comprend tous les Etats parties à la Convention et se réunit une fois tous les deux ans durant la session ordinaire de la Conférence générale de l'UNESCO pour élire le Comité du patrimoine mondial, examiner la situation budgétaire du Fonds du patrimoine mondial et décider des grandes questions de politique générale.
b. Le Comité du patrimoine mondial Il est responsable de la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial et c'est à lui de décider si un site est accepté pour inscription sur la Liste du patrimoine mondial. De même, il examine les rapports sur l'état de conservation des sites inscrits et demande aux Etats parties de prendre des mesures lorsque des sites ne sont pas correctement gérés. Le Comité est également responsable de l'octroi de subventions du Fonds du patrimoine mondial à des sites qui nécessitent des réparations ou une restauration, de l'assistance d'urgence en cas de danger immédiat, de la fourniture d'assistance et de formation, ainsi que des activités promotionnelles et éducatives. Le Comité du patrimoine mondial, qui se réunit une fois par an, comprend des représentants de 21 des Etats parties à la Convention. Les membres sont élus au cours de la Conférence générale de l'UNESCO pour un mandat de six ans. Sept membres du Comité font partie du Bureau du patrimoine mondial, organe exécutif chargé de la préparation du travail du Comite. c. Le Centre du patrimoine mondial à l'UNESCO Il a été créé en 1992 par le Directeur général pour assurer la gestion quotidienne relative à la Convention. Il organise les réunions annuelles du Bureau et du Comité du patrimoine mondial, conseille les Etats parties sur la préparation de leurs propositions d'inscription, organise sur demande l'assistance technique, et coordonne à la fois la soumission de rapports sur l'état des sites et les mesures d'urgence prises lorsqu'un site est menacé. Il est également responsable de l'administration du Fonds du patrimoine mondial. Les autres tâches du Centre consistent à organiser des séminaires et ateliers techniques, mettre à jour la Liste du patrimoine mondial et la base de données sur
18
ce sujet, concevoir des matériels pédagogiques pour sensibiliser l'opinion à la notion de patrimoine mondial, et tenir les médias informés des questions concernant le patrimoine mondial. Il coopère avec d'autres groupes travaillant sur des questions liées à la conservation, à la fois au sein de l'UNESCO - notamment avec la Division du patrimoine physique au Secteur de la culture, et la Division des sciences écologiques au Secteur des sciences1 -, et à l'extérieur, particulièrement avec trois organismes consultatifs, l'ICOMOS, l'UICN et l'ICCROM, ainsi qu'avec d'autres organisations internationales comme l'Organisation des villes du patrimoine mondial (OVPM) et le Conseil international des musées (ICOM)2. 2.2.3. Les organes consultatifs: L’Unesco, dans son action en faveur du patrimoine mondial, s’appuie sur des organismes qui sont souvent sollicités pour leur expertise : a. L'ICOMOS Le Conseil international des monuments et des sites fournit au Comité du patrimoine mondial des évaluations des sites culturels proposés pour inscription sur la Liste du patrimoine mondial. C'est une organisation internationale non gouvernementale fondée en 1965, dont le secrétariat international se trouve à Paris. L'ICOMOS est l'un des principaux participants au Réseau d'information sur le patrimoine mondial. b. L'IUCN L'Union Mondiale pour la Nature (UICN) est une organisation internationale non gouvernementale. Elle conseille le Comité du patrimoine mondial pour la sélection des sites naturels du patrimoine et, grâce à son réseau mondial de spécialistes, présente des rapports sur l'état de conservation des sites inscrits. L'UICN, qui compte actuellement plus de 650 membres, a été créée en 1948 et son siège est à Gland, en Suisse.
La Division du patrimoine physique à l'UNESCO, dépendant du Secteur de la culture et qui a la responsabilité principale de la gestion des campagnes internationales, dont certaines concernent des biens du patrimoine mondial. Elle exécute également des projets opérationnels en coopération avec le Centre du patrimoine mondial, l'ICCROM et l'ICOMOS. 1
D’autres organismes non gouvernementaux sont sollicités par l’Unesco à travers le Centre du patrimoine mondial, à savoir : L’ICOM (le Conseil international des musées), Le NWHO (Le Bureau nordique du patrimoine mondial à Oslo), L'OVPM (L’Organisation des villes du patrimoine mondial) et le WCMC (Le Centre mondial de surveillance continue de la conservation de la nature). 2
19
c. L'ICCROM Le Centre international d'études pour la conservation et la restauration des biens culturels est un organisme intergouvernemental qui fournit un avis sur la conservation des sites inscrits ainsi que sur la formation des spécialistes en matière de techniques de restauration. L'ICCROM a été créé en 1956 et son siège est à Rome. C'est un partenaire actif dans le Réseau d'information sur le patrimoine mondial. 2.3. Le cadre méthodologique : Il est demandé à tous les États parties à la Convention du patrimoine mondial de 1972 d’assurer la conservation dans le meilleur état possible des biens du patrimoine mondial situés sur leur territoire. Les sites du patrimoine mondial sont ainsi appelés à devenir des modèles de bonne pratique en matière de protection et de gestion du patrimoine. Une gestion efficace des sites du patrimoine mondial passe par un cycle programmé de mesures quotidiennes et visant à long terme à protéger les biens, à les conserver et à les mettre en valeur pour les générations présentes et futures. Toute stratégie de gestion doit comporter les phases suivantes : planification, mise en œuvre, suivi et évaluation1. 2.3.1. Planification : Plan de gestion La planification est une démarche de plus en plus réclamée par l’Unesco pour qu’un site proposé soit inscrit (paragraphes 6 (v), 21 et 24 (b/ii) des Orientations ; WHC.99/2). Elle est sollicitée également – à titre incitatif - dans la soumission des rapports périodiques sur l’état des sites inscrits sur la Liste du patrimoine mondial (voir tableau ci-après). La planification consiste à mettre au point un mécanisme de gestion durable propre à chaque site, en termes d’objectifs, d’actions de conservation, de budgétisation, de recherches et de documentation. Elle doit être une activité pluridisciplinaire menée par l’apport de spécialistes dans les matières relatives à la signification du site2. Elle passe par l’élaboration d’un Plan de gestion échelonné sur le court terme (annuel ; dit plan de travail), le moyen terme (moins de 5 ans) et le long terme (de 5 à 30 ans et plus)3. La préparation d’un plan de gestion d’un site implique l’examen de tous ses éléments (un élément constitue l’unité identifiable d’un site). Certains sites peuvent se composer d’un seul élément (site de gravures rupestres), alors que d’autres peuvent en associer plusieurs4.
Cf. « Suivi de la gestion des sites inscrits sur la liste du Patrimoine mondial », Portail de l’Unesco (diffusé sur internet). 2 B. M. Feilden et J. Jukilehto, op. cit. , p.23. 3 id. p. 2 4 id. p. 35 1
20
Force est de dire que le plus simple des plans de gestion est d’une complexité qui justifie : d’une part, le recours à des compétences diverses (architectes, archéologues, historiens, ingénieurs, urbanistes…) ; d’autre part, la recherche d’une acceptation locale par la consultation de la population1. Le plan de gestion doit tenir compte également des plans nationaux et locaux, des prévisions de l’évolution démographique (en hausse ou en baisse), des facteurs économiques, des projections relatives à l’urbanisation et l’implantation des zones industrielles. 2.3.2. Mise en œuvre Elle dépend de la capacité des collectivités nationales et/ou locales à assimiler les termes de la Convention et des Orientations, à moduler et mettre à jour leur système juridico-administratif et normatif, à impliquer et développer les compétences nationales et locales en matière de sauvegarde et de gestion, et mobiliser les fonds nécessaires (crédits publics, investissement privés, mécénat, coopération internationale..). A ce titre, les Orientations reste toujours un outil de référence pour la mise en marche des mécanismes de sauvegarde et de gestion des biens du patrimoine mondial, vu sa mise à jour permanente et sa capacité d’évoluer par rapport au contexte patrimonial international. 2.3.3. Suivi et évaluation : Il est demandé aux Etats parties à la Convention de 1972 d’établir une fois tous les six ans, des rapports périodiques sur l'application de la Convention du patrimoine mondial, ainsi que sur l’état de leurs biens inscrits sur la Liste (article 29). Mais cette disposition n’a été mise en œuvre qu’après que la Comité du patrimoine mondial, à sa vingt-deuxième session tenue en décembre 1998, ait adopté un certain nombre de décisions concernant la soumission de rapports périodiques. Le Comité a convenu de la périodicité de la présentation de rapports, et a opté pour une approche régionale de ces rapports (comme moyen de promouvoir une collaboration régionale et de pouvoir répondre aux caractéristiques spécifiques de chaque région). La fréquence de la soumission des rapports périodiques est rythmée de la manière suivante :
1
id. p.36
21
Année d'étude par le Comité du rapport régional sur l'état du patrimoine mondial
Région
Nombre d'Etats parties (en décembre 1998)
Soumission de rapports périodiques sur des biens du patrimoine mondial inscrits jusqu'à la fin de l'année ci-dessous Année Nombre
2000
Etats arabes
16
1992
46
2001
Afrique
31
1993
40
2003
Asie et Pacifique
39
1994
88
2004
Amérique Latine et Caraïbes
29
1995
62
Europe et Amérique du Nord
50
1998
297
2005 2008
Fig.1 - Cycle des six ans pour la soumission de rapports périodiques (Réf. Centre du Patrimoine Mondial) Le Comité a adopté un format standard (en deux sections : I et II) pour la soumission de rapports périodiques ainsi que des notes explicatives détaillées. Ils doivent fournir des données mises à jour sur la gestion des sites, les facteurs qui ont une incidence sur les biens et les dispositions prises pour assurer le suivi. Outre la soumission tous les six ans d’un rapport périodique, les États parties ont également pour obligation de communiquer au Comité du patrimoine mondial, par l’intermédiaire du Centre du patrimoine mondial de l’UNESCO, toute information nouvelle concernant l’état de conservation des biens du patrimoine mondial situés sur leur territoire, surtout lorsqu’ils envisagent entreprendre ou autoriser une activité ou un projet d’aménagement risquant d’avoir des conséquences néfastes sur un site du patrimoine mondial. La soumission périodique des rapports découle d’une action de suivi de l’état des sites inscrits sur la Liste. N’étant pas une fin en soi, il s’agit d’une étape essentielle de la gestion d’un site du patrimoine mondial et d’un outil important dans le processus de gestion et la planification de la conservation.
22
L’idée de suivi s’imposait depuis le début des années 1990. On s’inquiétait pour la première fois des conséquences des inscriptions sur la liste du patrimoine mondial et le Comité du patrimoine mondial a commencé à examiner l’état de conservation de sites déjà inscrits, grâce aux travaux de ses organes consultatifs1. Fondamentalement, le suivi est une activité de mesure et d’évaluation du changement. En matière de patrimoine, à l’instar d’autres domaines, on fait appel aux techniques du monitorage afin d’obtenir des renseignements qui permettent d’orienter les décisions des gestionnaires. Souvent, les actions de monitorage sont influencées par la fascination qu’exercent certains systèmes de surveillance à l’image du Système d’Information Géographique (SIG). D’où, l’importance de choisir des outils et des indicateurs qui, dans le cadre des ressources disponibles et des contraintes existantes, correspondent le mieux au but de l’activité de suivi tel qu’il a été défini. L’activité du monitorage devrait inciter les gestionnaires à accroître les mesures d’entretien et de prévention, allégeant ainsi le recours à des interventions curatives et de restauration qui ont un coût assez élevé. Le suivi réactif est la soumission par le Centre du patrimoine mondial, d'autres secteurs de l'UNESCO et les organismes consultatifs, au Bureau et au Comité, de rapports sur l'état de conservation de biens particuliers du patrimoine mondial qui sont menacés. A cet effet, les Etats parties soumettront au Comité, à travers le Centre du patrimoine mondial, des rapports spécifiques et des études d'impact chaque fois que des circonstances exceptionnelles se produisent ou que des travaux sont entrepris qui pourraient avoir un effet sur l'état de conservation du bien. Le suivi réactif est prévu dans la procédure relative à la radiation éventuelle de biens de la Liste du patrimoine mondial comme stipulé aux paragraphes 48-56. Il est aussi prévu concernant des biens inscrits, ou devant être inscrits, sur la liste du patrimoine mondial en péril comme stipulé aux paragraphes 86-93. 2.4. Les capacités en ressources de financement : 2.4.1. Les crédits publics : l’Etat, les collectivités locales Il revient aux Etats parties de gérer leurs biens inscrits sur la Liste de l’Unesco, et leur fournir les ressources nécessaires pour garantir leur durabilité. Les contributions nationales du Budget de l’Etat sont généralement assurées par l’intermédiaire des ministères chargées des Affaires culturelles ou du patrimoine culturel ; elles sont complétées par celles des autorités provinciales et des collectivités locales, en particulier
1
Cf. iccrom chronique, n° 28, septembre 2002 (p. 17).
23
pour les biens situés dans des zones à forte population et/ou à domination urbaine. 2.4.2. Le Fonds du patrimoine mondial Il a été créé en 1972 par la Convention et ses revenus proviennent essentiellement des contributions obligatoires des Etats Parties - qui s'élèvent à 1% de leurs contributions au budget de l'UNESCO -, ainsi que de contributions volontaires. Il est également alimenté par les fonds en dépôt alloués par les pays pour des besoins spécifiques et par les recettes de ventes de publications sur le patrimoine mondial. Il incombe au Comité du patrimoine mondial d'allouer des fonds suivant l'urgence des demandes, c'est pourquoi la priorité est accordée aux sites les plus menacés, y compris ceux qui sont classés comme patrimoine mondial en péril. Le Fonds du Patrimoine Mondial assiste les Etats parties dans l'identification et la préservation des sites du patrimoine mondial. Le travail de l'identification, de conservation et de préservation relatif au patrimoine mondial est très coûteux et le Fonds du patrimoine mondial ne peut satisfaire toutes les demandes d'assistance internationale. Le Comité du patrimoine mondial applique des conditions strictes et les demandes doivent rentrer dans des catégories précises : assistance préparatoire, coopération technique, assistance d'urgence, formation et assistance d'éducation et de promotion1. 2.4.3. Les fonds privés L’inscription sur la Liste du patrimoine mondial constitue une sorte de labellisation des biens culturels nationaux comme étant des sites exceptionnels, ayant des potentialités énormes, disposant d’atouts importants, offrant une rentabilité sociale et économique et constituent à priori de bons modèles de gestion. Néanmoins, le label Patrimoine Mondial mobilise peu de fonds privés, encore moins dans les pays en développement. Dans la plupart de ces pays, les biens ne portent même pas l’emblème du Patrimoine Mondial, alors qu’il s’agit d’un élément recommandé par l’Unesco et permet une certaine reconnaissance aux yeux de la collectivité et des visiteurs. L’initiative privée dans la dynamique de sauvegarde et de valorisation du patrimoine mondial reste jusqu’à maintenant marginale et les contributions attestées restent sporadiques et irrégulières. La participation financière privée à la protection et la conservation est primordiale parce que tout d’abord une grande partie du patrimoine appartient à des propriétaires privés surtout quand il
1 Sur ces catégories voir également le Kit d’information du Patrimoine Mondial, (financement et soutien).
24
s’agit de villes historique ou des ensembles architecturaux, et d’autre part parce que généralement l’Etat n’est pas en mesure de mobiliser des ressources adéquates aux enjeux que représente l’inscription sur la Liste du Patrimoine Mondial. La réalisation de cet objectif dépend du développement de systèmes appropriés d’information, de coordination et d’incitation. L’investissement privé dans la sauvegarde des structures patrimoniales dépend de l’investissement public dans la stimulation des économies et la modernisation de l’infrastructure des zones urbaines historiques et les ensembles architecturaux du milieu rural. 2.4.4. La coopération internationale : a. les programmes thématiques de l’ONU : le cas du PNUD La coopération internationale constitue une source importante de financement pour les programmes de sauvegarde des sites du patrimoine mondial. Le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) est à ce titre très significatif. Il intervient par le biais de différents programmes liés essentiellement à la lutte contre la pauvreté, au développement du secteur d’habitat (UN-Habitat), à l’assistance technique en matière de développement social, à la tenue d’ateliers régionaux et nationaux visant le développement des capacités locales et des mécanismes de la gestion participative (l’exemple de l’Agenda 21). b. la Banque Mondiale La Banque Mondiale, elle aussi, est devenue de plus en plus présente dans des programmes de revitalisation, de viabilisation et de promotion du Patrimoine Mondial situé dans les pays en développement. De 2001 à 2004, elle avait organisé trois réunions avec le Centre du Patrimoine Mondial pour discuter de la coopération en matière de culture et de développement et améliorer la conservation des sites du patrimoine mondial dans le cadre de ses programmes et projets. L’institution de Bretton-Woods s’est même dotée d’une structure compétente en la matière : le Groupe du patrimoine culturel de la Banque Mondiale1. c. La coopération régionale : l’exemple du Programme Euromed Heritage La Conférence euro-méditerranéenne des ministres des Affaires étrangères qui s’est tenue à Barcelone en novembre 1995, a marqué le début du partenariat entre les pays européens et méditerranéens (le Processus de Barcelone) et a donné naissance au Programme MEDA qui
1 Cf. « la Banque Mondiale et le patrimoine mondial », in La Lettre du patrimoine Mondial, N°44, mars-avril, 2004 ( p.3)
25
en est l’instrument financier. Le cadre s’est élargi depuis, pour englober le secteur de la culture et sa composante patrimoniale. Lors de la conférence ministérielle de Bologne (Italie) sur le patrimoine culturel euro-méditerranéen, les ministres ont déclaré que le patrimoine était un champ d’action hautement prioritaire, étant donné la richesse de ce domaine et les besoins existants, sa visibilité pour le grand public et son impact sur le tourisme culturel et sur la création d’emplois. Dans ce contexte, le programme Euromed Heritage a été lancé en 1997, afin de préserver et de promouvoir le patrimoine culturel euro-méditerranéen (phase I ; étalée sur 6 ans)1. La part des sites du patrimoine mondial dans ce programme n’est pas déterminée, car il s’agit d’une série de programmes thématiques à l’image des projets CORPUS, IPAMED et PISA (relatifs respectivement à la Conservation de l’architecture traditionnelle méditerranéenne, à la Cartographie informatique du patrimoine historique, et à la Programmation intégrée des sites archéologiques). Néanmoins, ces sites trouvent forcément leur lot dans ces programmes qui en sont à la phase IV (2007-2013)2. d. la coopération technico-scientifique : L’ICCROM L’action de l’ICCROM – organe scientifique et technique de l’Unesco – est menée en collaboration avec des institutions scientifiques du monde entier, par le biais de programmes thématiques mis à la disposition des pays signataires de la Convention. Les programmes ITUC (Conservation Urbaine et Territoriale Intégrée) et Terra (relatif à la conservation de l’architecture en terre) constituent des opportunités pour les pays concernés pour développer leurs capacités en matière de conservation, de gestion, et de suivi de leurs sites inscrits sur la Liste de l’Unesco.
Le partenariat Euro-méditerranéen et les activités régionales MEDA, Union Européenne, Délégation de la Commission Européenne au Royaume du Maroc, Notes d’information Euromed, Mai 2003 (p.50) 1
Les dites phases ne se succèdent pas mais s'entremêlent chronologiquement: Euromed Heritage I (1998-2004), Euromed Heritage II (2002-2007), Euromed Heritage III (2004-2008), Euromed Heritage IV (2008-2012)
2
26
Chapitre 3. Le patrimoine mondial au Maroc : Etat des lieux 3.1. L’adhésion Le Maroc a ratifié la convention le 28 octobre 1975. Il a été élu membre du comité du patrimoine mondial en 1995 et membre du Bureau du patrimoine mondial en 1996. Du 29 novembre au 4 décembre 1999, Marrakech (ville impériale du Maroc inscrite sur la Liste) a été élue siège au Comité du Patrimoine Mondial pour sa 23 ème session. Au bout de 35 années d’adhésion, Il a réussi à faire inscrire 8 biens sur la Liste du Patrimoine Mondial (voir section 3.3). 3.2. La liste indicative Pour être en phase avec la Stratégie Globale amorcée en 1994, le Maroc propose une liste indicative en insérant des sites naturels. Cette liste est loin d’être équilibrée en termes de nature des biens à inscrire sur la Liste du Patrimoine Mondial (v. tableau ci-dessous). Cinq sites seulement parmi les quatorze sites de la liste sont proposés en tant que biens naturels potentiels, alors que La notion des biens mixtes ou paysages culturels ne semble toujours pas intégrer cette liste. A dire que la liste a été préparée exclusivement par l’autorité chargée des affaires culturelles, alors qu'elle relève de la collectivité nationale (l'Etat marocain). Cette liste a été proposée pour la première fois en 1995, et sa dernière mise à jour date de 2006 où on a décidé de retirer le site naturel d’Aghbar au profit de la Qasba des Oudaïas. A noter que les biens naturels ont été introduits lors de la première mise à jour en 1998, et pourtant les sites qui ont eu, après cette date, la satisfaction du Comité sont tous des biens culturels : la médina d’Essaouira en 2001 et la cité portugaise de Mazagan (El-Jadida) en 2004.1 Néanmoins, il a introduit des monuments dans cette liste, à l’image de la Tour Hassan, la Grande mosquée de Taza, et la mosquée de Tinmel. Il convient de signaler dans ce sens que Rabat, la capitale du pays, se taille la grande part des sites avec quatre biens potentiels. Ils sont situés dans le périmètre urbain de la capitale, alors que pour les autres biens, ils sont répartis sur des zones plus étendues : Provinces ou Wilayas. Le cas de Taza et sa Grande mosquée se prête à confusion, car la mosquée fait partie intégrante de la ville ancienne, et toute distinction entre les deux entités serait factice.
1
Le parc de Toubkal (site naturel) a été soumis exceptionnellement (en 2005) pour examen à sa la 30e session du Comité du Patrimoine Mondial (Vilnius, 2006) qui n’a pas jugé la pertinence de son inscription pour insuffisance de critères d’éligibilité
27
Tandis que le cas de Moulay Idriss Zerhoun mérite une attention particulière. Situé dans le territoire de la Wilaya de Meknès (dont la ville historique est inscrite sur la Liste) et à quelques trois kilomètres du site antique de volubilis, lui-même classé patrimoine mondial, il est proposé d’être classé comme étant l’extension de la cité volubilitaine, et de faire de l’ensemble un site mixte ou un paysage culturel1.
Rapport de la 3ème session de formation sur la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial, Rabat, 2 décembre 2003, établit par Ahmed Skounti, encadrant de la session. 1
28
Désignation du bien Aire du dragonnier Ajgal El-Gour
Situation /localisation Province de Tafraout
Nature du bien
Régime de protection
Plan de gestion
N
--------
------
Wilaya de Meknès Province de Berkane Tarfaïa (Province de Tan Tan Wilaya de marrakech Wilaya de Meknès Province de Dakhla Province de Chefchaouen
N
--------
-------
C
Classement (1952) ------
néant
néant
N
Classement en (1924) Classement (1920) ------
N
-----
-----
Rabat
C
néant
Taza et la Grande mosquée
Médina de Taza
C
Tour Hassan
Rabat
Classement (1920 et 1932) Classement (1916) + sa zone de protection (1922) Classement (1917, 1922, 1936) Classement (1954) Classement (2001) Classement (1914 et 1944)
néant
Grotte de Taforalt Lagune de Khnifis Mosquée de Tinmel Moulay Driss Zerhoun Parc national de Dakhla Parc naturel de Talassemtane Site de Chellah
C C
C
Ville antique de Sala Ville antique de Lixus Qasba des Oudaïas (substitué au site Naturel d’Aghbar)
-----
N
Rabat C C
Province de Larache Rabat
C
néant -----
néant
néant
néant néant
Fig.2 – La liste indicative du Maroc et leurs caractéristiques (Source: Centre du patrimoine Mondial)
29
3.3. Les biens inscrits sur la Liste de l’UNESCO Tous les biens inscrits sur la Liste du Patrimoine Mondial sont des biens culturels. Les villes historiques – quelque soit leur désignation dans la Liste- dominent de loin le répertoire marocain avec 6 sites. Les autres catégories sont illustrées par un village communautaire (Ksar Aït Ben Haddou) et un site archéologique (Volubilis). Le tableau ci-dessous illustre les catégories de biens, leur chronologie de classement et les critères de leur inscription. Bien classé Médina de Fès
Catégorie
Date d’inscription 30/10/1981
N°
Critères
170
(ii) (v)
C
Médina de Marrakech
C
06/12/1985
311
(i) (ii) (iv) (v)
Ksar Aït Ben Haddou
C
11/12/1987
444
(iv) (v)
C
1996
693
(iv)
C
01/12/1997
863
(ii) (iii) (iv)
C
01/12/1997
837
(ii) (v)
C
Dec.2001
999
(i) (ii) (iv)
C
Juillet 2004
1058
(ii) (iv)
Ville historique de Meknès Site archéologique de Volubilis Médina de Tétouan Médina d’Essaouira (anc.Mogador) La cité portugaise de Mazagan (Eljadida)
Fig.3 - Sites du patrimoine culturel du Maroc inscrits sur la Liste du patrimoine mondial (Source: Ministère de la Culture)
30
3.4. Les effets de l’inscription sur la Liste : tendances positives, tendances négatives. A la différence du classement des biens au niveau national, ce qui leur confère une protection juridique (en vertu de la loi 22-80)1, les effets de l’inscription (sur la Liste de l’Unesco) ne sont pas les mêmes et varient selon les sites, leur typologie et leur chronologie de classement. Au-delà de la reconnaissance de l’universalité exceptionnelle de ces sites, les effets liés directement à leur inscription ne sont pas aussi claires, d’autant plus que le Droit marocain n’attribue aucune protection juridique particulière à ces biens sauf si – cela va de soi – ils sont classés au niveau national. Il est à noter à ce titre, que tous les sites inscrits sur la Liste du patrimoine mondial – à l’exception de la médina de Tétouan – sont classés patrimoine national, ce qui « occulte » l’effet de leur classement patrimoine mondial ou du moins fausse son appréciation. Néanmoins, l’un des effets notables – en termes de protectionde l’inscription est le classement du ksar des Aït Ben Haddou dans la Province de Ouarzazate. Il est vrai que le classement est assez récent (janvier 2004), mais la prise de conscience a été sentie et la volonté des autorités marocaines s’est manifestée juste après son inscription sur la Liste en 1987. C’est à cause de la lenteur de la procédure et la complexité du régime foncier du site que la démarche de classement a pris autant d’années (17 ans)2. En tout cas, les effets de l’inscription sur la Liste ne sont pas immédiats, et leur manifestation dépend largement de la capacité de l’Etat marocain et des collectivités locales où sont situés les biens, à leur accorder une attention particulière et leur attribuer une valeur certaine, en termes de sauvegarde, de réhabilitation et d’intégration dans le processus de développement, et non à la recherche simple d’une reconnaissance mondiale de leur valeur exceptionnelle. C’est dire que le Maroc cherche une notoriété internationale de ses sites remarquables plutôt que des mécanismes de bonne gestion offerts par les structures de l’Unesco. Par contre, la recherche d’une reconnaissance au sein de la population locale est quasiment absente : peu de gens – en dehors de l’élite - savent que les sites sur lesquels ils 1 Cf. Dahir n°1-80-341 du 17 safar 1401 (25 décembre 1980) portant promulgation de la loi n° 22-80 relative à la conservation des monuments historiques et des sites, des inscriptions, des objets d’art et d’antiquités.
Néanmoins, la vallée où est situé le ksar en question a fait l’objet d’un classement en 1953, mais n’avait aucun effet direct sur le ksar. Cf. Arrêté viziriel du 29 juin 1953 portant classement des vallées des oasis (territoire d’Ouarzazate, B.O. N° 2125 du 7 juillet 1953 – P .983) 2
31
vivent font partie du patrimoine de l’humanité. Ainsi, l’inscription du ksar des Aït Ben Haddou par exemple, n’a pas empêché ses habitants de l’abandonner. De même, la démarche de labellisation est assez défaillante : en dehors des brochures touristiques, l’emblème du patrimoine mondial fortement recommandé par le Centre - est absent de tous les sites. Il semblerait que l’inscription sur la Liste est considérée comme une contrainte entraînant des dépenses supplémentaires plus qu’une source de développement et de création d’emplois1. Néanmoins, le Maroc a su convaincre des bailleurs de fonds pour financer des opérations de sauvegarde de certains de ses sites illustres à l’image de Fès, Marrakech et le ksar des Aït Ben Haddou – les premiers sites inscrits - qui ont bénéficié de l’apport financier de la Banque Mondiale, de l’Unesco et du PNUD. L’un des effets favorables au patrimoine mondial au Maroc est la prise en compte de la valeur du patrimoine culturel comme élément identitaire et levier de développement dans l’élaboration des documents urbains selon qu’il s’agisse des SDAU, des PA ou des PDAR (voir tableau ci-dessous). Les concepteurs de ces documents se sont inspirés de la consultation des services chargés du patrimoine culturel (sollicités systématiquement) et des potentialités et enjeux des sites classés, pour développer une vision intégrée dans l’aménagement du territoire géographique. Toutefois, il existe des documents urbains dits Plans d’aménagement spécifiques (PAS) conçus pour les sites présentant des particularités ou des spécificités, mais ils ne sont pas encore à l’ordre du jour des travaux des aménagistes. Les sites du patrimoine mondial au Maroc gagneraient beaucoup – grâce à ces documents- à être approchés et gérés de la manière la plus appropriée2. En matière de planification, les gestionnaires des sites sont toujours à la quête d’un plan de gestion. Certains sont apparentés à des plans de sauvegarde (le cas de Fès), ou à des plans d’aménagement (le cas de Marrakech), alors que d’autres sites en sont dépourvus ou en cours d’élaboration (voir Tableau ci-dessous). Même ceux qui sont achevés ne sont pas encore opérationnels (le cas du Ksar d’Aït Ben Haddou) ou appelés à être actualisés (à l’image du site archéologique de Volubilis)3.
Cf. Rapport périodique du patrimoine mondial : Région arabe (2000-2003) L’appellation « site à vocation spécifique » concerne : les tissus historiques, les médinas, les casbahs, les zones d’intérêt touristique ou écologique particulier, les zones du littoral, les réserves stratégiques, les secteurs à vocation industrielle ou minière, les secteurs à fort potentiel de développement économique. 3 Rapport de mission (2-7avril 2005) « Site de Volubilis, Maroc » par Gionata Rizzi, Centre dePatrimoine Mondial, 2005 1 2
32
Les plans concernant Marrakech et Fès n’offrent pas la possibilité d’une telle révision puisqu’ils s’apparentent plus à des documents urbains (dont la mise en œuvre dure des années) qu’à un instrument de gestion planifiée. En matière de coopération, le Maroc est devenu un modèle dans l’espace arabo-musulman du fait de son apport en matière de restauration-conservation en faveur du Sultanat d’Oman. Depuis plusieurs années, une coopération fructueuse entre les deux pays a permis de restaurer plusieurs monuments omanais, dont le Fort de Bahla (classé patrimoine mondial depuis 1987). Une démarche de jumelage a été effectuée entre le site archéologique de Volubilis et le Parc du Cilento en Italie1. Sur le plan institutionnel, force est de constater que la Direction du Patrimoine Culturel ne dispose toujours pas d’une unité technique et/ou administrative chargée du patrimoine mondial pour assurer la coordination. Néanmoins, certains sites se sont vus développer des structures de sauvegarde et de gestion crées à cet effet grâce à l’appui de l’Unesco et le PNUD. Le cas de la Médina de Fès et celui du Ksar Aït Ben Haddou sont très éloquents. Fès – cité millénaire - s’est dotée en 1989 d’une institution modèle : l’Agence de Dédensification et de Réhabilitation de la médina de Fès (ADER-Fès), qui s’est substituée à la Délégation de Sauvegarde de la Ville de Fès (DSVF), et s’est renforcée par l’Agence Urbaine et de Sauvegarde de la médina de Fès (AUSF)2. Tandis que pour le ksar des Aït Ben Haddou, on a créé en 1989 une structure qui est à la fois technique et scientifique : le CERKAS3. Mais, l’effet majeur de l’inscription sur la Liste est de loin l’attraction touristique. Il est vrai que les sites du patrimoine mondial attirent de plus en plus de touristes de partout dans le monde, mais on manque d’indicateurs fiables quant à l’effet de l’inscription sur la fréquentation des touristes, d’autant plus que le Maroc a développé sa politique économique générale en tablant sur le tourisme, ce qui rend l’analyse du phénomène par rapport au patrimoine mondial plus complexe. En fait, c’est souvent les atouts touristiques de ces sites qui ont entraîné leur proposition pour inscription sur la Liste. Par contre, l’impact du tourisme sur ces sites est évident. A la lecture des rapports périodiques (Région Arabe), les gestionnaires des sites s’accordent à dire que le tourisme est plus un facteur de dégradation qu’une source de bénéfices pour ces sites. Et là encore, on
1 Cf. Exercice de suivi périodique sur l’application de la Convention du patrimoine mondial au Maroc, section I.
Alexandre ARBY, « Habitat et intégration patrimoniale dans la médina de Fès : quelles politiques, quels enjeux », Actes de l’université européenne d’été « Habiter le patrimoine », Saumur, 13-16 octobre 2003 (diffusé sur Internet). 3 Sur le CERKAS, voir deuxième partie de ce mémoire. 2
33
manque d’indicateurs pour évaluer l’impact de la fréquentation des touristes sur l’état de conservation des sites. Ces dernières années, on assiste à un phénomène nouveau qui suscite l’attention et des gestionnaires du patrimoine et des professionnels du tourisme : la « gentrification » de deux villes historiques : Marrakech et Essaouira. Des gens venus d’Europe surtout pour acquérir des anciennes demeures à titre de résidence secondaire ou pour investir dans des maisons d’hôtes. Le phénomène, bien qu’il présente la même ampleur dans les deux villes, n’a pas les mêmes origines. A Marrakech, la notoriété de la cité (ville impériale, site touristique, espace culturel, site du patrimoine mondial, etc.) a fait qu’elle attire plus de monde faisant d’elle la première attraction touristique du Maroc. Quant à Essaouira, le phénomène s’est enclenché avant son inscription sur la Liste (2001) grâce à la promotion de la ville par sa diaspora juive venue investir dans sa cité d’antan. Bien que le phénomène a entraîné la restauration de vieilles maisons et une revitalisation des métiers liés à l’architecture (menuiserie, marqueterie, ferronnerie..) créant ainsi une nouvelle dynamique socio-économique, il comporte le risque de perte des valeurs sociales qui avaient fait figurer ces cités sur la Liste de l’Unesco 1.
Un recensement au niveau de la médina de Marrakech avait dénombré en 2004 près de 1.000 demeures restaurées dont le tiers au moins est dédié à des maisons d’hôtes. Cf. « Italiens et Anglais se mettent aux riads », in l’économiste, édition électronique du 24 déc. 2004). 1
34
Bien classé PM
Date de classement Patrimoine National*
Médina de Fès
1914-1915-19161920-1922-19231924-1933-1954
Médina de Marrakech
1914-1916-19201921-1922-19231924-1931
Inspection provinciale à Marrakech
1953- 2004
CERKAS à Ouarzazate
1914-1920-19211922-1923-19301955
Ksar Aït Ben Haddou
Ville historique de Meknès Site archéologique de Volubilis
Médina de Tétouan Médina d’EssaouiraMogador
1921
N.C
1924
Structure de sauvegarde
Documents urbains**
Plan de gestion***
Inspection provinciale à S.D.A.U de Plan de Fès Fès (1995-2010) sauvegarde ADER-Fès + P.A (1997) Agence Urbaine et de Sauvegarde de Fès S.D.A.U de Marrakech (1995 – 2010) + P.A S.D.A.U du Grand Ouarzazate (2001-2020) + P.D.A.R (2001)
Plan d’aménage ment
Inspection provinciale à Meknès Conservation du site de Volubilis
S.D.A.U de Meknès (20012020) + P.A
inexistant
P.A de la commune My Driss Zerhoune
Existant
Inspection provinciale de Tétouan
S.D.A.U de Tétouan (19992020) + P.A
inexistant
Inspection provinciale à Essaouira
S.D.A.U d’Essaouira (2015) + P.A (1988)
Plan de sauvegarde
35
achevé
Ville portugaise de Mazagan (El Jadida)
1918-1919-19231924-1942-1952
Le Centre du patrimoine marocolusitanien Inspection provinciale à Safi
S.D.A.U d’El Jadida (2020) + P.A (1993)
inexistant
Fig.4 - Sites du patrimoine mondial au Maroc : Régime de protection et éléments de planification.
- N.C : site non classé * Les dates en caractère gras désignent un classement qui a une portée générale sur le site, alors que les autres dates désignent des classements de quelques monuments ou biens précis. Source : Ministère de la culture. ** SDAU : Schéma Directeur d’Aménagement Urbain ; PA : Plan d’Aménagement ; PDAR : Plan de Développement des Agglomérations Rurales. Les mots en gras désignent des documents urbains homologués, les autres sont en cours de visa. Les dates correspondent respectivement à la date d’homologation et à l’horizon des différents schémas. Source : Ministère délégué chargé de l’Habitat et de l’Urbanisme (Direction de l’Urbanisme). *** les plans de sauvegarde ou d’aménagement sont désignés comme tels par les auteurs du rapport périodique sur l’état de conservation des sites du patrimoine mondial au Maroc.
36
DEUXIEME PARTIE LE VILLAGE COMMUNAUTAIRE DES AÏT BEN HADDOU DIT KSAR AÏT BEN HADDOU
(Cliché : Luc Fougere)
Chapitre introductif : L’architecture en terre 1. Les repères de l’espace et du temps - dans le monde La construction en terre est l’une des plus anciennes du monde. Ses premières manifestations furent au Proche Orient1 à l’époque protohistorique (il y a environ 10 000 ans) : en Turquie, en Mésopotamie, en Egypte, au Yémen.. Elle s’est perpétuée et s’est développée durant des millénaires grâce au génie de l’Homme qui a su puiser dans les lois géophysiques de la nature et a excellé dans l’adaptation de cette matière plastique à des conditions écologiques, économiques et socioculturelles particulières. Etant le matériel le plus commode, le plus abondant, le plus économique et le plus proche de l’homme, il a toujours été l’un des matériaux le plus utilisé dans le monde et dans presque toutes les civilisations anciennes. Aujourd’hui encore, la terre est utilisé en architecture dans des aires géographiques assez étendues : de l’Asie centrale jusqu’en Amérique du Sud en passant par la péninsule arabique, l’Afrique du Nord, le Grand Sahara, le Sahel, et même en Europe où quelques constructions en terre; ce qui témoigne de son utilisation à grande échelle2. Cependant, l’usage de la terre crue dans l’architecture a fortement régressé durant ces dernières décennies, au profit de l’architecture en béton, considérée plus adaptée au temps présent : durabilité des matériaux modernes, recherche d’éléments de confort (électricité, eau courante, etc.) jugés moins adaptés aux structures en terre. - au Maroc Le Maroc est l’un des pays qui illustre ce phénomène tant au niveau de la tradition séculaire de l’usage de la terre crue qu’au niveau de son abandon accéléré3. Selon André Jodin, « le premier témoignage – archéologique parait-il- d’architecture de terre a été découvert dans l’île de Mogador
Francesca DeMicheli, Sauvegarde et réhabilitation du ksar Aït Ben Haddou au Maroc, mémoire de DEA de l’Université Paris I-Panthéon-Sorbonne, UFR d’histoire de l’art et d’archéologie, 2002 ( p.10). 2 id. p.11. 1
3 De l’Antiquité à l’époque moderne en passant par le Moyen Age, plusieurs auteurs font référence à l’architecture en terre crue au Maroc, notamment : Pline l’Ancien (Pline, Naturalis Historia, XXXV, 48), Ibn Hawqal (kitab almassalik wa l-mamalik), André Jodin, entre autres.
38
(l’actuelle Essaouira) » à l’époque mauritanienne (IV ème siècle av. J.C)1. De l’Antiquité jusqu’aux temps modernes, les constructions en terre ont été perpétuées dans les formes architecturales du Maroc aussi en milieu urbain qu’en milieu rural, autant dans les petites bourgades que dans les grandes métropoles (Marrakech, Fès, Meknès, Salé, etc.). Les dernières manifestations de ce mode architectural – où l’usage de la terre crue est presque exclusif - sont encore visibles en forte proportion surtout dans les zones présahariennes du Maroc (situées au sud). Il s’agit d’un vaste espace où les montagnes s’associent à des plaines, à des bas plateaux et à des vallées, et où émergent des oasis. Ces zones n’offrent pas de richesse en bois ou en pierre mais une forte abondance en terre argileuse. En outre, le recours au palmier dattier, aux tiges de roseaux et au laurier rose était une alternative que les populations présahariennes du Maroc ont su adopter et développer. Il est vrai que l’usage de la terre crue est connu également au Moyen Atlas et le Rif mais ce sont les vallées présahariennes qui se sont affirmées comme le terroir, par excellence, de l’architecture vernaculaire en terre du Maroc. Elle s’étend sur un territoire (en forme de croissant) allant du Sud-Ouest (le Souss) au Nord-Est (l’Oasis de Figuig), enclavé entre les chaînes montagneuses (Haut-Atlas et Anti-Atlas) et le vaste désert. Il s’agit des vallées du Draa, du Dadès, du Toudgha, et du Ziz et la plaine de Tafilalet. Elles relèvent de quatre provinces : Ouarzazate, Zagora, Errachidia, et Figuig (voir Carte du Maroc ; fig.5) 2. La concentration des constructions en terre dans ces zones s’explique par : - la nature géologique; l’environnement naturel du milieu et le climat sont des facteurs favorisant ce mode d’habitat vernaculaire3. - l’héritage historique dans le sens où ces régions ont reçu une longue tradition dans le domaine de la construction en terre ; - les facteurs socio-économiques ont favorisé ce mode d’habitat qui s’harmonise le mieux avec le genre de vie des habitants. Le choix de la terre crue comme matériau de construction est dictée par son coût peu onéreux et par des raisons d’adaptations avec l’environnement, l’organisation communautaire, etc. 4 L’architecture vernaculaire des vallées est restée pendant de longs siècles l’apanage des populations locales à majorité 1 A. Jodin cité par M. Boussalh, Patrimoine architectural en terre au maroc : proposition de création d’un équipement culturel intégré dans la kasba de Taourirt à ouarzazate, mémoire DEPA, Université Senghor, 1999 (p. 16)
Ouarzazate est la province où les édifices en terre sont le plus nombreux et les mieux conservés. Cf. F. DeMicheli, op. cit. p.24. 3 Les vallées subissent des influences sahariennes à cause de leur position continentale. Les chaînes de l’Atlas constituent une barrière devant les influences océaniques, d’où l’aridité du climat. Cf. M. Boussalh, op. cit. p.18 4 M. Boussalh, loc. cit. 2
39
amazighophones (berbérophones)1. Il aurait fallu qu’en 1938 paraisse l’ouvrage d’Henri Terrasse sur les Kasbas berbères de l’Atlas et des oasis pour que les grandes architectures du Sud marocain soient connues et aient livré leurs secrets2. Cet ouvrage, bien documenté et illustré, reste une source irremplaçable pour la connaissance de ces constructions. Cette architecture appartient à ce qu’on pourrait appeler une famille particulière de l’architecture présaharienne commune à tous les pays du Maghreb, et présente quelques similitudes frappantes avec l’architecture typique du Yémen3. 2. les éléments de l’architecture vernaculaire présaharienne au Maroc. 2.1. Les techniques L’architecture en terre crue repose sur une technique, le pisé banché, qui sert à la construction des murs extérieurs. La terre, légèrement humidifiée, est battue au pilon par assises successives à l’intérieur de la banche (coffrage en bois long de 2 mètres, larges de 50 à 60 cm et haut de 80 à 90 cm). Une seconde technique dite l’adobe fait intervenir la brique crue. Associées au pisé, les briques en terre crue mélangées à la paille, tassées dans des moules et séchées au soleil servent à l’édification des parties hautes des tours et à celle des cloisons intérieures, ainsi qu’à orner les façades par des dessins en relief. La maîtrise de ces techniques a donné naissance à d’imposants édifices où sont associées étendue et grandeur, et où la configuration des édifices épouse parfaitement la topographie du terrain. D’autre part, leur hauteur est frappante : les constructions sont généralement érigées en étages et le nombre de niveaux varient de 3 à 4 selon les cas. Les parties hautes sont ornées de motifs géométriques, réalisés par un appareillage de briques crues disposées en saillie ou en retrait. 2.2. Les expressions architecturales L’architecture en terre dans les vallées présahariennes incarnent un esprit communautaire, un savoir faire ancestral, et une recherche – le plus souvent réussie -d’équilibre entre le culturel et le naturel. Il s’agit d’une expression culturelle de tout un ensemble de populations hétérogènes qui partagent un espace commun, une destinée
Les autres groupes culturels (arabes, juifs notamment) se sont associés à cette culture et ont certainement amenés un apport à ces modèles architecturaux. 1
Henri Terrasse, Kasbas berbères de l’Atlas et des oasis – les grandes architectures du Sud marocain, Horizons de France, Paris 1938. 3 F. DiMicheli, op. cit., p.17 2
40
commune, des valeurs entrecroisées, des traditions locales et des apports étrangers1. Les paysages architecturaux qui en résultent sont d’un esthétisme remarquable. On ne peut qu’être captivé par l’harmonie des constructions et la qualité de leur intégration au paysage environnant. Les villages communautaires (ksar, ksour/ ighrem), les demeures seigneuriales (kasbas/ tighrem’t) et les greniers collectifs (ighrem ou agadir) représentent les traits originaux du paysage architectural des vallées présahariennes du Maroc2. C’est autour des ksour (sing. Ksar), que s’organisaient la vie communautaire et les activités économiques (production, échange..), que se créaient les enjeux politiques. Ces ighrems jalonnaient un espace de brassage et marquaient une aire d’échanges commerciaux où transitaient et les hommes et les biens, faisant office de relais entre les villes marocaines (Marrakech, Fès, Ceuta..) et les célèbres cités du Soudan : Gao, Tombouctou, Djenné.. Le ksar se présente toujours comme une place fortifié. Situé généralement sur un site imprenable, assurant le maximum de sécurité, entouré de remparts bastionnés et possédant ses propres greniers et ses puits protégés et ne disposant dans la plupart des cas, que d'une seule entrée fortifiée. Le ksar reflète l'insécurité dans laquelle vivaient les populations oasiennes avant la mise en place des autorités administratives modernes. 2.3. L’organisation socio-spatiale Amina Fadli, architecte et ancienne directrice du CERKAS, constate que « le ksar révèle une forte urbanité dont il se distingue par rapport aux autres modes d’habitat rural. De part sa morphologie spatiale et structurelle, il obéit à une trame géométrique à partir de laquelle l’ensemble de ses composantes se développent et s’articulent sur une grille quadrillée dans laquelle s’inscrivent toutes les formes d’espace. Le maillage s’explique par la portée de 2 à 3 mètres de la poutraison mise en réseau. Cette trame n’est pas uniquement bidimensionnelle, mais se poursuit dans l’espace où s’inscrivent tous les volumes dans un enchevêtrement complexe, et ce en raison de la hauteur identique des maisons et leur imbrication les unes aux autres par le système de « sabas » (passages couverts).
Mustapha Jlok, Habitat et patrimoine au Maroc présaharien: état des lieux, évolution et perspectives, mémoire de DEPA, Université Senghor, 2001 (p.11). 1
2
M. Boussalh, op. cit. p.21
41
La forme du village est généralement régulière, avec des angles droits, correspondant à un système planifié, calculé qui va jusqu’à même optimiser la taille de la communauté. »1 L'espace du ksar qui est divisé en une partie collective et une autre privée, répondant à la fois à une organisation politique d'autodéfense et à une organisation sociale respectant la segmentation sociale et ethnique. Le rôle de la communauté dite jmaa est primordial quant à l’organisation de la vie communautaire au sein des ksour. Les affaires du ksar étaient gérées par un conseil du village élu par les chefs de familles. Ce conseil veille au respect du droit coutumier, établit un calendrier pour l’irrigation des terrains agricoles. A l’intérieur des ksour, des puits étaient creusés et des réservoirs d’eau (khettara) sont gérés d’une manière collective. Ce mode de gestion était dicté par la rigueur du climat et l’instabilité des précipitations2. L’habitat traditionnel des ksour est l’œuvre collective d'une société harmonieuse mais assez segmentée. Il doit sa pérennité et sa survie dans un environnement aussi hostile, à la cohésion sociale et communautaire de ces occupants : les ksouriens3. Au XIX ème siècle, cette aire a connu l’émergence de nouvelles formes architecturales: les kasbas ou tighrem’t. Des grandes demeures qui avaient pour principale fonction de magnifier l’image des nouveaux seigneurs ou qaïds, au moment où le pouvoir central était en crise4. 2.4. La décadence Ces dernières décennies, les éléments de l’architecture vernaculaire présaharienne ont subi un éclatement à cause de multiples facteurs :
Amina Fadli, « Cultures constructives dans la Maroc présaharien. Quel avenir ? », in Patrimoine culturel marocain ; Publication de l’Université Senghor (sous la direction de Caroline Gaultier-Kurhan), Ed. Maisonneuve & Larose, Paris, 2003 (p.312). 2 Mohammed Boussalh, “L’habitat vernaculaire en terre des vallées présahariennes du Maroc : cas des vallée du Drâa » in Le patrimoine culturel africain, Publication de l’Université Senghor (sous la direction de Caroline Gaultier-Kurhan), Ed. Maisonneuve & Larose, Paris, 2001 (p.223). 1
3 Le mot ksourien néologisme désignant un habitant d’un ksar est de plus en plus employé dans la littérature relative à l’habitat traditionnel du Sud Marocain.
M. Boussalh, Patrimoine architectural en terre au maroc : proposition de création d’un équipement culturel intégré dans la kasba de Taourirt à Ouarzazate, mémoire DEPA, Université Senghor, 1999 (p. 17) 4
42
-
bouleversement des structures socio-économiques traditionnelles ; émergence d’un habitat moderne plus attrayant ; fluctuations climatiques : sécheresse; Exode et abandon. Les greniers collectifs se voient de plus en plus rares, les kasbas ont perdu leur fonction originelle et les villages sont devenus synonymes de pauvreté pour les ksouriens qui y résident encore. Le phénomène d’éclatement varie d’une zone à l’autre. Ainsi, dans la vallée du Draa, on observe un phénomène d’éclatement et d’abandon massif vers les nouveaux axes d’intérêt que sont devenus les routes et les centres urbains au détriment des vallées. Seuls les ksour les plus enclavés au milieu des palmeraies encore abondantes et productives ont échappé relativement à ce phénomène. Paradoxalement, les ksour du Tafilalet sont encore habités avec une densité plus ou moins importante1. Le patrimoine architectural en terre dans les vallées présahariennes parait donc comme un produit de l’histoire au même titre qu’il est un produit d’une culture, des pratiques individuelles et collectives2. 3. universalité du matériau : universalité des enjeux Les structures en terre vont de simples formes à des vastes ensembles architecturaux d’une extrême complexité. Nombreux sont les sites menacés dans le monde : mentionnons entre autre la cité historique de Tarim (Yémen), la Porte Canaanite de Tel Dan (Palestine) et Cuzco (Pérou). Les sites en terre représentent 10 % des sites inscrits sur la Liste du patrimoine mondial, mais 57 % de ceux du patrimoine en danger. 16 des 100 monuments figurant sur la Liste des sites du Patrimoine mondial les plus à risque sont faits en terre3. Les avancées respectives dans les domaines de la conservation et de la construction de structures en terre sont interdépendantes. Ainsi, les méthodes traditionnelles influencent la pratique de la conservation tandis que la préservation de cet héritage architectural façonne ses usages potentiels4. Et pourtant, la conservation de l’architecture en terre ne constitue toujours pas une discipline à part entière. En ce sens que, la recherche scientifique relative à l'architecture de terre et à sa conservation est assez limitée par rapport à celle de la pierre, la brique ou le bois. On ne dispose à ce sujet que d'un ensemble de connaissances assez fragmenté et lacunaire. Néanmoins, l’architecture occupe de plus en plus d’importance chez les professionnels du patrimoine (architectes, conservateurs,
A. Fadli, op. cit. , p.320 M. Jlok, op. cit. , p.13 3 Cf. iccrom chroniques, n° 27, 2001, p.13 4 ibid. 1 2
43
archéologues, etc.). L’iccrom s’est même investi à fond dans le domaine de l’architecture en terre en lançant le projet TERRA dans l’espoir de faire progresser l’étude et la conservation du patrimoine architectural en terre dans le monde entier par des activités dans les domaines de la recherche, de l’éducation, de la planification et mise en oeuvre, et de la diffusion. Et depuis, la prestigieuse institution scientifique de l’Unesco a trouvé dans l’institut CRATerre-EAG de Grenoble et le Getty Conservation Institute (GCI) des agents d’un partenariat fructueux et prometteur. Grâce à l’apport de l’iccrom, durant les années 90 déjà, de nombreuses initiatives locales et régionales ont permis à la « cause » de l’architecture en terre de progresser d’une façon marquée. A l’heure actuelle, le projet Terra sert de cadre institutionnel au Consortium Terra ainsi qu’à plusieurs activités de recherche en cours1. Toutefois, il y a du chemin à faire dans le domaine, mais malheureusement le devenir des structures en terre est incertain. Seul un engagement ferme de la part des professionnels nationaux en faveur de la conservation de leur patrimoine architectural en terre et la promotion de ses valeurs est un gage pour obtenir une reconnaissance universelle de ce domaine d’étude et de pratique professionnelle.
1
ibid.
44
Chapitre 1. Présentation du site 1.1. Le contexte naturel : éléments de géographie du site : Le village communautaire des Aït Ben Haddou est situé à 30 km au Nord-Ouest de la ville de Ouarzazate (coordonnées Lambert : X = 335 ; Y = 451), au pied du Haut-Atlas, sur l’ancienne route des caravanes qui reliait jadis, la vallée de Draa, la plaine de Tafilalet et Marrakech par le col de Telouet ( Tizi n’Télouet). le ksar des Aït Ben Haddou surplombe la vallée d’Ounila (1 260 m) qui est parcourue par l’Oued Maleh, sujet à des crues qui rendent le ksar inaccessible. La position du site sur le piémont du versant sud du Haut Atlas et son éloignement de la mer font que le climat y est très rigoureux avec un hiver glacial et un été très chaud, ensoleillé et sec (Voir Carte du Maroc). L’écran que forme la chaîne de l’Atlas ne laisse pénétrer vers cette zone sud que de rares précipitations. Les premiers névés coiffent les sommets des montagnes, à partir de novembre et ne fondent qu’à partir du mois de mai. Par contre, sur les piémonts, les rares pluies qui se manifestent tombent sous forme d’averses. La force des ces averses nuit beaucoup aux cultures et aggrave les problèmes d’érosion. De ce fait, la précarité des pratiques agricoles est devenue une constante. En hiver, les gelées sont redoutables, et en été l’intense évaporation entraîne un déficit en eau. Le ksar est situé sur le territoire de la commune rurale d’Aït Zineb, Cercle d’Amrezgane dans la Province de Ouarzazate (Région du Souss-Massa-Draa). La population de la petite agglomération est estimée à 3 000 habitants dont la majorité peuple le nouveau village (Issiwid) alors que dans le ksar il ne reste que quelques 50 personnes qui l’occupent1.
1 Rapport du suivi périodique sur l’état des sites du patrimoine mondial au Maroc (2000), p.14
45
Fig.5– Carte du Maroc
Fig.6 – Situation du ksar dans la Région Sous-Massa-Draa
46
1.2.ElÊments de l’histoire1 1.2.1. La fondation Selon la tradition orale, la première construction serait Ighrem n’iqqdarn ÊlevÊe au dessus de la colline. Une princesse juive aurait gouvernÊ les lieux avant l’avènement de l’Islam. A l’arrivÊe des musulmans, cette princesse s’est enfuie après avoir combattu et brÝlÊ les rÊcoltes. Certains trouvent dans cette lÊgende des similitudes avec le personnage de Kahena, reine chrÊtienne qui exerçait un pouvoir dans les Aurès (en AlgÊrie) et s’opposa à la progression de l’islam au Maghreb. D’autres sources attribuent la fondation à un homme venu du dÊsert, nommÊ Aïssa, d’oÚ le nom de ses habitants : les Aït Aïssa (les descendants de Aïssa), et pendant longtemps le village Êtait nommÊ Ksar Aït Aïssa ou Ighrem n’ Aït Aïssa. L’appellation actuelle – ksar Aït Ben Haddou- est relativement rÊcente. D’après les monographies faites sur le ksar des Aït Ben Haddou, sa fondation remonterait au dÊbut du XVIIIème siècle. Un document laissÊ par le notaire du village - hÊritÊ par son fils - nous rapporte que le premier noyau du ksar aurait ÊtÊ fondÊ par les Aït Aissa Ou H’mad au XIème siècle. En voici un extrait traduit de l’arabe 2: Louange à Dieu, L’ensemble des kasbahs du Ksar Aït Ben Haddou a ÊtÊ construit au XI ème siècle dit-on. Ses premiers habitants appartiennent à la fraction Aït Aïssa Ou H’mad à laquelle appartiennent les Aït Ben Haddou (...) Les armÊes de Youssouf Ibn Tachafine quand il passa par la rÊgion venant du Sahara vers Marrakech, Comme nous l’avons dit auparavant, nomma à cette occasion Ben Haddou Cheikh de cette tribu. Celui-ci prit comme rÊsidence ce village qui porta son nom.
Jamal Eddine Mohamed Ben Mohamed 3 L’apercu historique du site est tirÊ en grande partie de : Mohammed Aït Hamza, Projet de rÊhabilitation du Ksar Aït Ben Haddou (document inÊdit), PNUD, Rabat, 1992. 1
2 L’enquête a ÊtÊ faite par une Êquipe du CERKAS. J’ai dÝ rectifier quelques passages du texte traduit; je n’ai pas eu l’occasion d’examiner le texte authentique.
Voici le texte arabe tel que je l’ai trouvĂŠ dans le rapport de l’enquĂŞte : ‍ا ŘŻ  Ůˆ د‏ ‍أ ŘŞ Ůˆ ŘŞ Řą ŘŁ ŘŞ ن ŘŻŮˆ عن ا ŘŻŮŠ Řą ا ŘŻŮŠ ب Ů„ ŮˆŘ˘ ن‏ ‍ ŘŁ ŘŻ ا Ř° ن Ř§Ů‡ďť "Ů… ن ďť Ř§ ŘŞ ن ŘŻŮˆâ€Ź% ‍ آ " ا' ďť ŮˆŮ† هم ن &Řą ا ت‏ ‍ ن Řą "Ř° ا ء ŘŻ ن ا عاإ Ůˆ عاآش آ‏. / ‍( ŮˆŘ´ Ůˆ ٠ن‏...) 1 ‍د هذ ا Řą عا‏2/‍ هذ ا ďť ŮˆŘ§â€Ź%‍ ďť â€Ź2 ‍ ŘŤ ب "Ř° ا ن ŘŻŮˆâ€Ź. ‍ ذآع‏ (‍ ) Ů„ ا ŘŻ ن ŘŻ ن د‏.1 â€ŤŮˆ ďť ŘŞ ا‏
3
47
Certains auteurs y trouvent des affinités architecturales avec plusieurs forteresses érigées par les Almoravides (1062 – 1147) le long de la route des caravanes qui s’étend d’Est en Ouest en direction du Souss. Notamment les vestiges d’une citadelle similaire, située non loin du site, au dessus du village de Tadoula1. Vraisemblablement, le ksar des Aït Ben Haddou avait servi de relais sur cette route de commerce, ainsi que celles des caravanes venues du Tafilelt pour gagner Marrakech (le Haouz) par la vallée de l’Ounila et le col du Tichka2. En tous cas, la fondation du noyau de l’ensemble est intimement liée à la tribu Aït Aïssa Ou H’mad, une fraction de la grande tribu Aït Zineb issue de la confédération des Aït Ouaouzguite. A en croire la source dont on dispose, les Aït Aïssa furent « destitués » de leur pouvoir sur le contrôle du trafic, par le sultan Almoravide Youssouf Ibn Tachafine qui ordonna à l’Amghar Ben Haddou de s’y installer pour gouverner le lieu. Toutefois, le ksar est resté lié pendant longtemps aux Aït Aïssa, mais à une époque tardive, marquée par le pouvoir des Glaoua sur la région, il est devenu le fief des Aït Ben Haddou. La rareté de sources historiques – encore moins celles des indices archéologiques imprégnée de légendes, ainsi que les confusions au niveau de la toponymie rendent assez difficile, la tâche de dresser un historique du site. 1.2.2. La toponymie L’appellation actuelle du village – Ighrem n’Aït Ben Haddou en dialecte amazighe - est relativement récente par rapport à sa date fondation. En 1855, l’amghar Mohammed Ibibd du clan des Glaoua (sing. Glaoui) exerçant dans la vallée de l’Ounila le commerce du sel, devient chef suprême de la région. Il commençait à percevoir des impôts sur le commerce dans le Draa et au sud de Sirwa. Son fils El-Madani, très ambitieux, développa une politique d’extension vers le Sud par une habile politique d’alliance et de mariage. Il s’établit à Ouarzazate (la qasba de Taourirt). Le Sultan El-Hassan Ier, lors de son passage dans l’Atlas, en revenant de Tafilalet le nomma officiellement Khalifa (gouverneur) sur Todgha, Tafilalet et Feija. L’amghar Ali Ben Mohammed n’Aït Ben Haddou de Tamaddakht lui a opposé une résistance acharnée avant de se soumettre. Par la suite, les deux clans se rallient par mariage ; les frères Glaoui : Madani, T’hami et Hassi se marièrent
Jean- Louis Michon, « un ksar à flanc de colline dans l’Atlas », in Sciences&Vie, n° n°201, 1997 (p.50) 2 id., p. 51 1
48
avec trois filles Aït Ben Haddou et de ce fait le Sud était ouvert aux Glaouis1. Le clan des Aït Ben Haddou, se ralliant aux Glaouis et à l’administration du Protectorat, s’accapare des pouvoirs à nouveau. L’éponyme d’Aït Aïssa Ou H’mad devenu un simple symbole fut remplacé par celui d’Aït Ben Haddou. Néanmoins, le nom d’Aït Aïssa est encore vivant dans la mémoire collective des habitants. En 1936, le recensement général parle de la fraction des Aït Aïssa, et depuis plus de 10 ans (1989), une association portant ce nom a été fondée. Après l’indépendance, le dernier des cheikhs des Aït Ben Haddou (Amghar Brahim) a perdu ses fonctions. Le déclin du village est devenu prévisible à la suite du déclin des pouvoirs du clan, et ce qui en suit comme éclatement de structures sociales et communautaires. En 1987, le ksar eut une nouvelle destinée et commença à vivre un nouvel épisode de son histoire en devenant patrimoine de l’humanité, l’éponyme de Aït Ben Haddou est entré dans les annales de l’Unesco.
1.3. Le site aujourd’hui : 1.3.1. Le paysage : Dans son ouvrage publié en 1938, Henri Terrasse dresse une esquisse de typologie des villages fortifiés (ksour ; sing. Ksar) et décrit « le village des Aït Ben Haddou (qui) échelonne sur une pente de roches rouges, au bord d’un oued, une cascade de maisons et de tighremts »2. Mais avant lui en 1930, le célèbre peintre français Jacques Majorelle achève le tirage des « kasbahs de l’Atlas » et s’impose à la fois comme le Peintre de Marrakech et le Peintre du Sud. Grâce à ses œuvres, les ksour et kasbahs du Sud Marocain, commencent à se faire connaître. Le même paysage, à peu près s’offre au visiteur d’aujourd’hui. Ayant perdu sa fonction d’antan, il est devenu l’un des sites préférés des touristes et depuis les années 1960, lieu de tournage pour de grandes productions cinématographiques : Laurence d’Arabie (1961), Sodome et Gomorrhe (1962), l’homme qui voulait être roi (1975), le diamant du Nil (1986), mille et une nuit (1989) Jésus de Nazareth, Cléopâtre, et tout récemment Gladiator (2001)..
Paul Pascon, Le Haouz de Marrakech, T.1, p.313, cité par Mohammed Aït Hamza, op. cit., p.10 1
2
H. Terrasse, op. cit. (p.93) cité par J-L Michon, op. cit., p.48
49
1.3.2. Eléments du patrimoine architectural du ksar : Architecture, organisation spatiale. Le ksar des Aït Ben Haddou se présente comme un ensemble d’habitat compact et fermé, accolé au versant sud d’une colline (voir photo.1). Cet emplacement laisse supposer que les bâtisseurs du village ont essayé à la fois d’éviter les vents glacials de montagnes et de s’exposer au soleil. Le choix du site est vraisemblablement était gouverné par plusieurs facteurs : nécessité de surveiller les routes, avoir une emprise directe sur les points d’eau et les cultures, et se défendre contre des ennemis potentiels. Au sommet existent encore des vestiges d’un grenier collectif et les traces d’une fortification. A la périphérie du ksar se trouvent deux cimetières ; l’un était réservé aux juifs et l’autre pour les musulmans ainsi que les aires de battage.
Photo. 1 - Vue sur le ksar des Aït Ben Haddou (cliché : Didier Forray) Les murs extérieurs sont aveugles ou percés de petites ouvertures, et le ksar dispose de deux portes pour contrôler les entrées et les sorties.
50
Photo. 2 -L’une des entrées du ksar (cliché : D. Forray)
Photo. 3 - Détail d’un décor sur une façade (cliché: Mohammed BarjaliCerkas) L’organisation spatiale du ksar est fondée sur deux éléments majeurs : le collectif et le privé. Le premier est un espace public où l’on retrouve la place publique (destinée aux réunions de la jmaa et aux festivités) ainsi que la mosquée et l’école coranique. Les voiries – assez étroites et parfois couvertes - constituent le prolongement de cet espace. Le second espace est constitué d’un agrégat de maisons. Celles-ci sont de deux types :
51
-
Les premières – une cinquantaine à peu près - sont souvent à un seul niveau, sans décoration et épouse la topographie du terrain ; elles étaient l’habitat de la masse de la population, et ne présentent pas un grand esthétique au niveau architectural. Les secondes sont formées d’un ensemble de 6 kasbahs (tighremt = maisons de notables) flanquées de tours et richement décorées. Elles sont situées généralement au contrebas du village. Cette organisation donne au ksar une structure étagée et une allure particulière, et suscite des interrogations sur l’utilisation de l’espace par la population en fonction du statut sociopolitique : est-elle due au fait que les familles puissantes choisissaient le meilleur terrain en laissant la « plèbe » s’organiser comme elle pouvait avec le reste du terrain en pente? Ou bien est-elle due simplement au fait que les derniers installés étaient les nouveaux seigneurs : le clan des Aït Ben Haddou en l’occurrence ? Les techniques de construction sont parmi les plus courantes dans la région (voir chapitre précèdent). Les murs sont en pisé, technique qui consiste à damer de la terre humidifiée à l’intérieur d’un coffrage en bois. Quant aux parties supérieures, elles sont construites en adobe, brique de terre crue mélangée à la paille et séchée au soleil. Les planchers sont en bois de palmiers, ou de peuplier, le remplissage des entrevous en lits de roseaux ou de baguettes de laurier rose. Med Aït Hamza rapporte – selon des informations recueillies sur le site en 1991- que les constructeurs qualifiés ont fait toujours défaut au ksar. Les grands maâlems (maîtres maçons) étaient recherchés du côté de Tissint (Iflillisn) et de Tikert (Ben Alach), mais surtout du côté de Skoura et Maghrane. Le travail était exécuté par des corvées imposées par les amghars (chefs de clans). De même, la plupart des matériaux de toiture, à part les tamaris, étaient importés. Le roseau, le laurier rose est transporté par les hommes, à dos d’ânes et de mulets, à partir de Tghzout Aït Touaya (route de Taznakht) ou d’Assermou d’Id Boukhatri. Les poutres et poutrelles, elles aussi, étaient importées d’ailleurs. Seul le pisé était prélevé sur place après l’avoir imbibé d’eau1.
1 M. Aït Hamza, op. cit., p.13
52
Fig.7 - PLAN DU KSAR DES AïT BEN HADDOU (CERKAS) A l’autre rive de l’oued est construit un nouveau village dénommé Issiwid. Les premiers habitants ayant quitté le ksar se sont installés généralement dans le prolongement de leurs champs irrigués. L’espace irrigué est côtoyé par l’espace habité. Une seconde phase d’installation s’est manifestée à la suite de demandes de construction formulées par la population. Une nouvelle organisation socio-spatiale assez proche de l’ancienne allait s’opérer : les familles d’un même lignage s’organisaient autour d’une place. Les familles du même clan agençaient leurs maisons les unes à côté des autres. Les étrangers, derniers arrivés, et ceux qui avaient déménagés tardivement se sont installés à l’écart, parfois même de l’autre côté de la route. Le nouvel espace d’habitat, sous la double contrainte de la route et du lit de fleuve a pris depuis, une forme longitudinale (Voir photo. 4). Les habitations occupent des parcelles plus importantes que celles du ksar et se constituent généralement d’un seul niveau.
53
Photo. 4 - Vue du ksar sur le village issiwid (cliché : M.Barjali- Cerkas) De l’extérieur, toutes les constructions présentent à peu près le même aspect. Les façades sont assez sobres. Aucune décoration et aucune percée sur l’extérieur ne vient briser la monotonie des façades, sauf les maisons qui profitent d’un emplacement dominant. Quant aux matériaux de construction, le pisé reste l’élément de base, mais le ciment est utilisé surtout pour le soutènement des murs et pour fixer les grandes portes en métal forgé(e). Une forte pénétration du béton est enregistrée au niveau de certains établissements publics (école, dispensaire, mosquée) et privé (restaurants, auberges). 1.4. L’inscription sur la Liste du Patrimoine Mondial : un nouvel essor ? 1.4.1. Les fondements Le ksar des Aït Ben Haddou est situé dans une zone protégée, en vertu de l’Arrêté viziriel du 29 juin 1953 portant classement des Vallées des Oasis (B.O. N° 2125 du 7 juillet 1953 – P .983). Mais cette mesure de protection n’a jamais été appliquée. D’où la dégradation des structures du bâti dans la plupart des ksour de cette vallée, sans que les pouvoirs publics interviennent. Un phénomène qui est dû à plusieurs facteurs dont les plus marquants sont : l’éclatement des structures communautaires et l’abandon des villages par ses occupants à la recherche d’un nouveau mode de vie meilleur à leur sens. La situation de la population ne faisait qu’empirer. Face à cette situation alarmante, les autorités marocaines ont entrepris à partir des années 1970 des actions ponctuelles susceptibles
54
d’atténuer ce processus de dislocation. Parmi les actions menées dans ce cadre, il y a lieu de citer : -Le Programme d’Assistance aux populations pour la rénovation des « ksour» réalisé par le Ministère de l’Habitat et de l’Intérieur avec l’assistance du Programme Alimentaire Mondial (PAM) entre 1969 et 1974 ; -le Pré-inventaire des ksour et des kasbahs du Sud, réalisé par le Ministère des Affaires culturelles (Centre de l’inventaire) conjointement avec l’Unesco (1975)1; -Etablissement d’un Programme d’aménagement touristique concernant les régions d’Ouarzazate et d’Errachidia réalisé par le Ministère du Tourisme. En outre, Le ksar des Aït Ben Haddou fût à plusieurs reprises visité par des spécialistes et des experts de l’Unesco entre 1974 et 1977 : deux rapports sont devenus des références en la matière et font état du même constat : architecture remarquable dont l’existence est fortement menacée. Ces rapports, notamment celui d’André Stevens2 et de Jean Vérité3, ont attiré l’attention des autorités marocaines et de l’Unesco sur la nécessité d’agir en faveur du village. A. Stevens avait même mené – à titre d’incitation- en 1977 des interventions légères sur des biens collectifs : dallage des ruelles, reconstitution d’escaliers, réparation de fontaines et bassins d’eau, entretien de banquettes et abris publics4. C’est dans cette mouvance, associée à l’émergence d’un mouvement international en faveur du patrimoine culturel exceptionnel parrainé par l’Unesco, que le Maroc a proposé en 1986 le site ksourien des Aït Ben Haddou pour qu’il soit inscrit sur la liste du patrimoine mondial. Chose qui a été entérinée par l’Unesco le 11 décembre 1987. Mais paradoxalement, le site ne jouissait à cette date d’aucune mesure de protection juridique au niveau national, car il n’était pas classé en tant que patrimoine national pour différentes raisons : procédure de classement très longue, tutelle peu claire, statut foncier assez complexe. Néanmoins, un plan de développement des agglomérations rurales (PDAR) pour la commune de Aït Zineb fut adopté en 2001 et la procédure de classement a finalement abouti en janvier 2004.
Projet PNUD-Unesco MOR 74/005. 300 ksars sur un total de 1000 environ ont fait l’objet d’une première sélection. Cf. F. DeMicheli, op. cit., p.49. 2 André Stevens, Réhabilitation des kasbas du Sud, Paris, 1977. 3 Jean Vérité, Inventaire, protection et mis en valeur des architectures traditionnelles du Sud Marocain, Paris, 1977. 4 F. DeMicheli, op. cit., p.40 1
55
1.4.2. Les justifications d’inscription Les justifications qui ont amené le Comité du patrimoine mondial à approuver le classement sont multiples. On lit dans le rapport de suivi périodique fourni par le Maroc (2000) les justifications suivantes : « (…) Aït Ben Haddou, à 31 Km au nord de Ouarzazate, est le plus célèbre des Ksour de la vallée de l'Ounila, qui fait l'objet d'une protection globale depuis 1953, avec toutes les vallées des oasis. C'est un extraordinaire ensemble de bâtiments offrant un panorama complet des techniques de construction présahariennes (pisé appareillé en panneresses et boutisses, terre banchée ordinaire, brique crue, etc.) et un raccourci saisissant de la typologie architecturale du sud marocain. Un étonnant grenier forteresse domine la montagne à laquelle s'adosse le Ksar ; ces greniers appelés Agadir ou Ighrem ne sont pas rares au Maroc mais leur caractère défensif n'est pas toujours affirmé de manière aussi évidente par le choix d'un site de hauteur et le système de fortifications qui unit au village le grenier, conçu comme le dernier bastion de la résistance en cas de siège. » (p.2) Et dans le dossier de « Proposition d’inscription sur la Liste du patrimoine mondial soumise par le Maroc, que l’état de dégradation de l’ensemble était avancé : intempéries, ruissellement et infiltration des eaux, abandon.. Et plus loin : «..la conscience de l’originalité de cet établissement qui représente une construction humaine unique dans son genre et qui apporte des enseignements toujours actuels à tous ses visiteurs. » 1 Outre les rapports d’experts, l’examen de l’icomos a été à l’avantage du site : il a estimé que le Ksar Aït Ben Haddou comportant encore de nombreuses constructions en assez bon état, pourrait servir de banc d’essai à une politique de conservation fondée sur le retour aux techniques traditionnelles de travail de la terre et accessoirement du bois. L’icomos a suggéré que la protection - qui implique de sévères mesures non aedificandi aux abords du ksar Aït Ben Haddou – ne doit pas rester ponctuelle mais doit s’étendre à l’ensemble cohérent et limité de la vallée de l’Ounila. L’icomos, sous réserve d’un accord du gouvernement marocain à ces recommandations, donna son avis favorable à l’inscription d’Aït Ben Haddou sur la Liste du patrimoine mondial au titre des critères IV et V 2 : Critère IV: Aït Ben Haddou est un exemple éminent des ksars du sud marocain illustrant les principaux types de constructions que l’on observe dans les vallées du Draa, du Todgha, du Dadès et du Souss. F. DeMicheli, op. cit., p.50 Rapport du suivi périodique sur l’état des sites du patrimoine mondial au Maroc (2000), p.3 1 2
56
Critère V : cet habitat traditionnel, représentatif d’une culture, est devenu vulnérable sous l’effet de mutations irréversibles. Par rapport a l’authenticité du ksar et l’intégrité du site, le rapport de suivi susmentionné déclare qu’au moment de l’inscription : le ksar Aït Ben Haddou représente une meilleure synthèse de l’organisation de l’espace dans les vallées présahariennes. Cette organisation est illustrée par un type d’habitat rural vernaculaire adapté au climat et aux conditions de vie sociale et utilisant des matériaux fournis par l’environnement (pp.4-5). Et même après des années de l’inscription (2000) le document rapporte que : malgré l’abandon et le dépeuplement du ksar, les conditions d’authenticité et d’intégrité sont maintenues. Les espaces ont gardé leur morphologie ; néanmoins, certaines maisonnées ont été aménagées à des fins économiques (p.5). Quant aux traits qui confèrent au ksar une valeur exceptionnelle, le rapport résume ses valeurs ainsi : ◦ adaptation aux conditions climatiques ; ◦ fusion et intégration au paysage naturel ; ◦ simplicité et ancienneté des procédés architectoniques ; ◦ harmonie des proportions et des volumes ; ◦ sobriété et beauté de décors ; etc. (p.18)
57
Chapitre 2 : L’organisme en charge de la conservation : le CERKAS 1 Dans le souci de préserver le patrimoine bâti en terre en général et le ksar des Aït Ben Haddou en particulier, le Ministère chargé des affaires culturelles a procédé à la création du Centre de Conservation et de Réhabilitation du Patrimoine Architectural des zones atlasiques et subatlasiques, connu sous le nom usuel du CERKAS, en 1989 dans la partie Sud-est de la kasbah de Taourirt (à Ouarzazate) qui a été restaurée et aménagée à cette fin2. 2.1. La mission du CERKAS La mission du centre en question – selon son appellation officielle - consiste à la conservation et la réhabilitation du patrimoine architectural des zones atlasiques et subatlasiques, c'est-à-dire la zone s’étendant du Souss (Anti Atlas) jusqu’ à la Province de Figuig en passant par les grandes vallées présahariennes et le Tafilalet. A cet effet, ce centre est chargé de différents volets, à savoir : la réhabilitation et la mise en valeur du patrimoine architectural, la sauvegarde des éléments révélateurs de ce patrimoine, l'entreprise d'études tendant à développer la connaissance des architectures traditionnelles de la région, la publication et la diffusion d'informations, la collaboration à des études comparatives sur les architectures en terre, l'établissement et l'entretien de relations avec les institutions nationales et internationales qui s'intéressent au même thème. 2.2. La création La création et le développement du Centre ont pu s'effectuer en très grande partie grâce à une étroite collaboration avec des organismes internationaux dont l'apport financier a été substantiel notamment le PNUD et l’UNESCO3. Les accords conclus avec ces organismes sont arrivés à leur terme en 1996. Les inondations qui avaient envahi le site du Ksar Aït Ben Haddou en 1989 en causant d’importants dégâts au ksar ont accéléré le processus de création du Cerkas. Le centre occupe un vase espace dans la Qasba restaurée de Taourirt qui est une propriété de la municipalité de Ouarzazate. Il Le Cerkas m’a accueilli et hébergé pendant 3 mois (mai–juin-juillet) dans le cadre d’un stage de formation professionnelle assuré par l’Université Senghor. 2 Arrêté du ministre des Affaires culturelles du 3 janvier 1990 (B.O n° 4062 du 5 septembre 1990 p. 470) portant création du Centre. 3 Projet MOR/87/016 « Appui à la création du Centre de Conservation et de Réhabilitation des Kasbas du Sud » exécuté de 1987 à 1989. 1
58
regroupe actuellement 25 personnes dont dix agents journaliers ; le reste étant constitué de personnel à compétence administrative (une secrétaire et un régisseur économe) et technique : des conservateurs, une architecte, un topographe géodésiste, des adjoints techniques, un photographe, et un coopérant japonais (architecte) de la JICA. La structure est gérée par un conservateur (anthropologue). Elle dispose d’un budget de fonctionnement réduit, auquel s’ajoute une défaillance en moyen de transport. Le parc automobile existant (une Renault 4 et une Land-Rover, issues d’une dotation du PNUD) est assez vétuste en raison des missions effectuées depuis 1991. Sur le plan logistique, le Centre dispose d’une unité informatique importante, fourni dans le cadre d’une coopération avec les Suisses (voir plus loin) sur l’inventaire du patrimoine architectural dans la vallée de Draa. 2.3. Le statut Le CERKAS a un statut assez limité- en termes d’attributions et de compétences – par rapport à la mission qui lui a été assignée (article 3). Son fonctionnement est assimilé à celui d’une division de la Direction du Patrimoine Culturel ; ce qui le rattache directement aux services centraux. Le projet de création du CERKAS prévoyait de doter ce centre d’un effectif de 29 personnes. Le statut actuel qui, originellement avait été conçu, sur le modèle du Centre national de documentation (CND), comme établissement culturel et technique lui confère des missions importantes mais ne le dote pas d’une autonomie financière. Le centre dispose d’une autonomie de gestion interne et notamment une liberté de programmation, mais faute d’une autonomie financière, il reste tributaire des décisions de l’administration centrale, ce qui limite et freine considérablement son pouvoir d’intervention. En outre, il a l’obligation de soumettre son programme annuel devant un comité consultatif présidé par le ministre chargé des affaires culturelles (art. 6 du statut). Dans la perspective de développer ses capacités, le ministère des Affaires culturelles envisage depuis quelques années d’accorder au CERKAS une autonomie financière. Ainsi, deux solutions étaient envisageables : le doter d’un statut d’établissement public ou d’un statut de Service Géré d’une Manière Autonome (SEGMA). La formule qui a été retenue est celle du SEGMA, qui sans avoir la personnalité morale permettra au Centre de jouir d’une autonomie financière et d’échapper ainsi à la lourdeur administrative imposée par la structure d’établissement public. Or, il s’est avéré que même ce statut qui est d’apparence très simple et d’une procédure rapide exige certaines conditions ; il faut que le Centre génère suffisamment de recettes pour prouver sa capacité de devenir autonome. Cette procédure exige la signature de quatre textes : 1. un décret ministériel l’autorisant à percevoir des recettes ;
59
2.
un arrêté conjoint du Ministère des Finances et du Ministère de la Culture fixant les tarifs de ses prestations de service ; 3. un arrêté conjoint du Ministère des Finances et du Ministère de la Culture le désignant comme service géré de manière autonome ; 4. un arrêté du Ministère des Finances fixant l’organisation financière et comptable. A présent, seul le premier texte est signé. Le Centre est désormais autorisé à recevoir des recettes mais il ne sera habilité à le faire effectivement qu’après la signature du deuxième1. 2.4. Les principales actions a. Réhabilitation de la Kasbah de Taourirt En 1989, le Centre a ouvert ses portes dans la partie sud-est de la Kasbah. Les travaux de restauration ont concerné surtout : L’aménagement des locaux administratifs, l'aménagement d'une salle d'animation et d'exposition ; la restauration du pavillon sud et l'aménagement d'un musée et de locaux pour héberger des chercheurs ; l'aménagement d'un théâtre en plein air de 300 places ; l'aménagement d'un atelier de formation. Ces travaux se sont étalés entre 1989 et 1995 et ont engendré un coût total approximatif de 6.400.000 dh financé par le PNUD et le ministère des Affaires culturelles (10 dh équivalait en moyenne à 1 dollar US). b. Sauvegarde du Ksar Aït Ben Haddou Dès sa création et grâce au soutien des organisations internationales telles que le PNUD et L’UNESCO, le Centre s’est fixé comme priorité la sauvegarde du site de Aït Ben Haddou. En premier lieu, le Centre s’est chargé de l’élaboration des plans topographiques et les relevés architecturaux nécessaires. Par la suite, des experts et consultants nationaux et internationaux ont mené diverses études architecturales, photogrammétriques, sociologiques, juridiques…, et formulé des recommandations, quant à la nécessité d’effectuer des travaux de restauration d’urgence. Ceux-ci ont été exécutés et supervisés par l’équipe du CERKAS : - L’évacuation des éboulements ; - la restauration de la mosquée et ses dépendances; - le pavage des ruelles principales (450 mètres linéaires); - la restauration des passages couverts ; - la restauration des tours et des façades des cinq kasbahs principales ; - la construction d’un gabion pour la protection des berges et la préservation des terres arables.
1
Celui-ci est actuellement soumis au Ministère des Finances pour visa.
60
Il a entrepris également de nombreuses études en vue de la réhabilitation du Ksar en projetant d’aménager des espaces d’animation, et des structures socioculturelles, et de lier le village à l’autre rive par un pont ou une passerelle. Les travaux ont coûté un peu plus d'un million de dirhams financé par le PNUD et le ministère des Affaires culturelles (voir Tableau ci-dessus)
Intitulé du projet
Année de réalisation
Restauration de la mosquée et 1991-1992 ses dépendance s Pavage des ruelles et protection 1992-1993 des terrains agricoles Remise en état des façades et 1994-1995 tours de Cinq Kasbahs
Propriété
Maître D’ouvrage
Maître d’oeuvre
Source de financement
Bien collectif
CERKAS
Entreprise Amzil
Ministère de la Culture (228 000.00 dhs)
Bien collectif
CERKAS
Bien Privé
CERKAS
Entreprise Barjali
PNUD (337 314.60 Dhs)
Main d’œuvre locale
PNUD (105 375.72 dhs)
Fig.8 - Tableau récapitulatif des actions du CERKAS sur le Ksar Aït Ben Haddou (Source : CERKAS)
61
Photo. 5 - Vue sur les kasbahs restaurées par le CERKAS et en bas les gabions de protection des berges mis en place (cliché : M. Barjali- Cerkas)
Photo. 6 –Détail d’une kasbah restaurées par le CERKAS (cliché : M. Barjali- Cerkas) c. Restauration du grenier collectif Ighrem n'Ougdal : Les travaux de restauration du grenier avaient pour but la remise en état d'un édifice fonctionnel et l'encouragement du tourisme culturel. Ils ont été réalisés en deux étapes, l'une en 1995 et l'autre en 1999, et concernaient les ouvrages suivants :
62
Reconstruction de la façade ouest ; Reconstruction des tours- Enduit des façades extérieuresAménagement d'un accès ; Restauration de la menuiserie. Les travaux ont engendré un coût total de 80.000 dh pour la 1ère phase et 450.000 dh dans la 2ème phase financé totalement par le ministère des Affaires culturelles. d. Réhabilitation du Ksar Tamnougalt : Le projet de réhabilitation du Ksar s'inscrit dans l'objectif principal d'améliorer les conditions de vie de la population en y assurant une certaine salubrité par l'introduction d'équipements et d'infrastructures de base. L’objectif à long terme étant de renforcer les structures sociales du Ksar et affirmer son identité culturelle. Le projet est étalée sur deux phases dont la première est déjà réalisée en collaboration avec une ONG espagnole « architecture et compromis social » et qui consistait à : La restauration du marabout Sidi Abdellah Ben Ali ; La construction d'un hammam (bain public) ; La restauration de la mosquée ; L'aménagement de la place publique, « assarag » financé par la Junta Andalucia (Espagne). Cette première phase a été réalisée en douze mois et a nécessité un coût de travaux de 630.000 dh. e. Action en cours : Le CERKAS entreprend actuellement à la kasba de Taourirt (siège du centre) des travaux d’aménagement du pavillon Sud qui s'élèvent à 600.000 dh, financé par le ministère de la Culture et la municipalité de Ouarzazate. Ce pavillon abritera le futur musée de l'architecture en terre. 2.5. Les programmes du Cerkas Le Centre participe en tant que partenaire à un programme maroco-suisse (avec l’Ecole Polytechnique fédérale de Lausanne), étalé sur 6 ans (2000 – 2005) sur l’inventaire systématique du patrimoine architectural dans la vallée du Draa à l’aide d’un Système d’information géographique (SIG). En parallèle, l’équipe du Centre travaille conjointement avec une équipe scientifique belge sur un programme financé par la Région Wallonne pour la réhabilitation des greniers collectifs (agadir /ighrem) à l’échelle de la Province. Pour l'année en cours (2004), le Centre élabore des études architecturales concernant divers projets de restauration et de réhabilitation d'un montant global de 1.000.000 dh. Pour les cinq prochaines années, il est prévu que le CERKAS se charge de la réalisation d'un vaste programme de restauration des ksour et kasbas du sud d'un budget moyen de 3.000.000 dh par an.
63
2.6. Perspectives Une fois doté de l'autonomie financière, le CERKAS sera habilité à mener des opérations de restauration et de réhabilitation pour le compte de l'Etat, d'organismes publics ou privés, nationaux ou internationaux, des collectivités locales,... etc. L'essentiel de ses recettes proviendra de la rémunération de ses prestations de services que l'on peut résumer ainsi : Assistance technique au montage et à la réalisation de projets (de restauration ou de réhabilitation) de la manière suivante : Vérification des plans ou assistance à la conception architecturale ; Recommandations sur les techniques de construction ; Suivi et contrôle des travaux ; Conseil en montage de projets. D’autre part, le CERKAS a une vocation Régionale à l’échelle du Maghreb. Une démarche qui a été adoptée par les instances gouvernementales des pays concernés à Tunis le 8 juin 1993 lors de la réunion du Conseil des ministres de la Culture et de l’Information. Sur la base de cette résolution une réunion d’experts maghrébins a été prévue pour fixer un programme régional d’échange et de coopération pour la mise en place d’un réseau de spécialistes. La réunion a été reportée à plusieurs reprises pour des raisons dues à des défections imprévues de certaines délégations. a. Expertise Equipé d'un laboratoire et constitué d'une équipe pluridisciplinaire (architecte, conservateurs, archéologues, topographe, anthropologue, techniciens et coopérants étrangers) ayant par ailleurs une expérience dans le domaine de la conservation du patrimoine, le centre interviendra également dans le cas d'expertises diverses pour la stabilité des bâtiments, le renforcement des structures, l'étude des matériaux et ce, dans le but de la certification des ouvrages construits en matériaux locaux. b. Etudes Le centre aura pour mission l'élaboration d'études pour son propre compte ou pour le compte de différents organismes : Inventaire du patrimoine ; Études architecturales ; Etudes urbanistiques ; Etudes sociologiques et ethnologiques. c. Formation Le centre peut dispenser des cours de formation au profit d'étudiants, architectes, ingénieurs, techniciens, maâlems (maître maçons) et maçons..., sous forme de séminaire, d’ateliers ou de stage pratique. Dans ce cas, il établira éventuellement des conventions de partenariat avec les instituts de formation spécialisés en vue d'une
64
initiation des étudiants aux métiers de la conservation, ainsi qu'avec les différents organismes dans le cadre de la formation continue. d. Analyse des matériaux Une fois équipé, le centre peut offrir également des services en matière d'analyse et essais sur les matériaux : granulométrie, sédimentométrie, limites d'Atterberg, essai Proctor... e. Publications: Dans le cadre de la diffusion de la connaissance en matière de construction en terre et de conservation du patrimoine, le centre sera amené à procéder à la publication de ses travaux sous forme de guides, manuels, ouvrages spécialisés, revues. Au terme de ce tour d’horizon sur les actions du CERKAS, il s’est révélé que le centre en question a des champs d’intérêt assez diversifiés mais ses actions restent assez limitées, faute de moyens (logistique et compétences) et d’autonomie, au regard de l’étendue de son champ d’action en terme d’espace. Au niveau du Ksar Aït Ben Haddou, l’intervention du CERKAS a cessé depuis 1995. Sa mission se trouve réduite à l’accueil des experts et à l’établissement de constats des infractions transmis à l’autorité. Le projet de création d’une antenne du CERKAS sur le site du Ksar Aït Ben Haddou témoigne à priori, d’une volonté de proximité, mais il comporte le risque de disperser davantage les moyens réduits dont dispose le Centre. D’autre part, le programme d’inventaire du patrimoine architectural des vallées présahariennes au moyen du SIG (2000-2005) n’intègre pas le ksar, alors que ce procédé sera d’un apport considérable pour le site en termes de gestion future.
65
Chapitre 3 : Eléments de diagnostic 1 Aucune indication ne fait référence, pour le visiteur, au classement du site sur la Liste du patrimoine mondial alors que le logo a été conçu et fortement recommandé par l’Unesco. Mais les éléments du diagnostic dépassent cet aspect d’identification. Ils sont liés essentiellement au contexte socioéconomique, au déficit structurel, à l’état de conservation du ksar, à l’intégrité du site et à son statut foncier. 3.1. Le contexte socio-économique 3.1.1. L’abandon du ksar La population du site s’élève à 3000 habitants, essentiellement implantée dans le village situé dans l’autre rive du fleuve (Oued el Maleh) à proximité de la route. 7 ménages avec à peu près 50 personnes peuplent encore le ksar et seule une famille au complet occupe sa demeure ancestrale. Les inondations de 1989 ont précipité le départ de la population vers la rive droite de l’Oued el-maleh, qui compte une centaine de foyers contre 7 pour le ksar. Ce mouvement de la population d’une rive à l’autre – amorcée déjà depuis le début des années 1970 – a formé le nouveau village, à cause du déficit en équipements au niveau du ksar ; l’absence d’un pont par exemple constitue l’un des principaux handicaps, en période de crues surtout. Un sentiment d’isolement et de marginalisation régnait chez les ksouriens du site. Mais le phénomène d’abandon – attesté dans la plupart des ksour du sud marocain- s’inscrit dans un mouvement social d’urbanisation de la population marocaine stimulé par la recherche d’un mode de vie meilleur qu’on arrive plus à trouver dans les ksars : ceux-ci – avec leur fonction défensive d’antan - sont devenus obsolètes à leur sens. Chez les ksouriens d’Aït Ben Haddou, ce phénomène est plus accentué car il s’agit d’un abandon quasi total. 3.1.2. Une base économique précaire Les activités de base dans l’environnement immédiat du ksar sont dominées par l’agriculture, l’élevage et l’artisanat (tissage de tapis).
Les éléments du diagnostic sont établis à la suite des visites que j’ai effectuées au site, et de la lecture de 3 documents : le rapport de suivi périodique des sites marocains (Région arabe) soumis à l’Unesco (2000), le rapport sur le profil environnemental du ksar Aït Ben Haddou, établi par FathAllah Debbi (2003), et l’enquête sur la situation foncière du ksar Aït Ben Haddou (CERKAS, 2001). 1
66
Le tourisme et la production cinématographique actuellement les principaux pôles d’attraction de la région.
constituent
a. L’agriculture : un secteur d’activité fragile Elle constitue l’activité majeure de la population. Il s’agit d’une production locale de subsistance, pratiquée sur des petites parcelles irriguées le long du fleuve et à faible rendement. L’usage de la technologie moderne est assez faible. L’instabilité des précipitations rend la pratique agricole difficile et non pérenne ; s’ajoute à ceci le degré de salinité du fleuve Oued el maleh dont l’appellation évoque ce phénomène (le fleuve salé). L’espace cultivable est divisé en quatre quartiers d’irrigation alimentés chacun par une seguia. Chaque seguia possède un tour d’eau (tawala) celui-ci est graduée en tranches horaires (talguim’t) correspondant à 6 heures, et chaque lignage possède, dans chaque seguia un certain nombre de telguimin (sing. talguim’t)1. Les cultures sont dominées par les céréales (blé, orge en hiver et maïs en été) ; celles-ci occupent environ les 2/3 des terres cultivables. Les cultures fourragères n’en occupent que 23% environ (la luzerne est la plus représentée). Le reste du terrain est occupé par les légumineuse (fèves) ou les cultures maraîchères (oignons, navets, carottes). L’arboriculture occupait auparavant, une place importante dans la production du site, mais les vagues de sécheresse de la fin des années 1970 et début des années 1980 avaient précipité leur déclin. On assiste néanmoins une renaissance de cette activité au début des années 1990 : amandiers, oliviers, pommiers, et même des palmiers2. L’élevage, associé à l’agriculture, est une composante très importante du système agricole du site du ksar. Il s’agit d’un élément de sécurité contre les aléas climatiques. La possession du cheptel était un signe de prestige et un moyen d’accès aux parcours collectifs, d’où l’importance que lui accorde l’ensemble des habitants du ksar. Le système d’élevage était basé sur une transhumance entre les sommets des monts qui dominent Oued Ounila, Tizi n’Telouet en été, et la région de Tefernine et Tammassine en hiver. Cette transhumance est aujourd’hui en déclin3. En conséquence, l’agriculture sur le site du Ksar Aït Ben Haddou est handicapée par des éléments de son environnement physique, écologique et humain : les longues gelées d’hiver, les chaleurs torrides d’été, la longue saison sèche, la brutalité des averses et de crues, la salinité de l’eau et du sol et l’altération du couvert végétal sont autant d’éléments physiques qui agissent pour la décadence de cette activité. En outre, le sentiment de mépris et de dédain que l’ouverture a engendré chez les jeunes envers les travaux agricoles et l’intérêt accru
M. Aït Hamza, op. cit., p.27 id., p. 28 3 ibid. 1 2
67
pour le tourisme ont contribué largement au déclin de ce secteur d’activités. b. une activité touristique peu organisée L’infrastructure d’accueil du site, d’une capacité de 64 lits, comporte : 7 auberges restaurants, 4 maisons d’hôtes, 2 hôtels classés, 2 restaurants, 2 auberges en cours de construction. Ces équipements sont localisés dans le nouveau village, alors que le ksar est dépourvu de toute structure d’accueil. Le site est visité – selon des estimations - par 130.000 personnes par an soit la moitié des visiteurs de la région. Le rythme quotidien varie de 700 à 1200 visiteurs par jour. La haute saison s’étale sur les mois de mars, avril et mai, tandis que la basse saison caractérise les mois de novembre, décembre et janvier. La situation du ksar à 30km de la ville d’Ouarzazate et à une demi-heure de la Route Nationale route ne favorise pas les séjours sur place. D’ailleurs, la province enregistre un nombre de nuitée assez bas (1,7 nuitée en moyenne) du fait qu’elle constitue un lieu de passage entre Marrakech et Agadir. Le développement de ce secteur au niveau du site est entravé par : des difficultés d’organisation, d’accueil et de séjour ; le manque d’hygiène et d’aménagement approprié ; manque d’encadrement des guides. L’activité touristique sur le site génère des revenus mais sans effet de retour sur la sauvegarde du ksar qui constitue la véritable attraction des touristes.
Photo. 7– l’un des aspects de la folklorisation du site à des fins touristiques (Cliché: M. Barjali- Cerkas)
68
c. une activité cinématographique non réglementée Cette activité constitue, avec le tourisme, l’activité phare de la région, développée grâce à la beauté des paysages naturels et architectural qu’offrent les ksour à l’image de celui des Aït Ben Haddou. Plusieurs facteurs ont favorisé cette activité : intégrité du paysage ; luminosité assez importante ; diversité ethnique de la population pour les besoins de figuration ; une infrastructure de qualité (aéroport, hôtels, studio, moyens de transport et de communication divers) ; facilités administratives de la part des autorités provinciales et du Centre Cinématographique Marocain (CCM), assistances diverses voire même celle de l’armée (pour les grandes productions). La production cinématographique semble être un secteur générateur d’emplois. Il a également contribué au développement de certains métiers : décoration, travail du plâtre et du bois, et l’habillement. Cependant, il engendre des effets négatifs sur la communauté et place la population dans une position d’attente permanente de tournage. Un phénomène qui engendre à son tour des spéculations et des surenchères entre les propriétaires ce qui risque de décourager ou détourner les producteurs. En outre, cette pratique est préjudiciable à l’intégrité physique du site et les enjeux qui en résultent mettent le ksar en péril, à cause de son utilisation abusive, alors que le patrimoine est dans son ensemble assez fragile. Il a été même rapporté que des dégâts ont été faits sur les structures anciennes lors du tournage d’un film.
Photo. 8 – reliquat d’un décor de tournage laissé à l’entrée du ksar (Cliché : l’auteur) d. prolifération des commerces sur le site 59 vendeurs en bazar se sont installés sur le site, dont 24 dans le ksar. Beaucoup sont étrangers à la région (Taroudant). Au sein du
69
ksar, ils occupent la rue commerçante et s’installent dans les rues adjacentes.
Photo. 9 – l’un des aspects de la prolifération anarchique des bazars dans le site (cliché : M. Barjali - Cerkas) e. l’artisanat : activité peu encadrée L’artisanat dans l’environnement du ksar est essentiellement basé sur le tissage du tapis, pratiqué par les femmes. La commercialisation, liée à la production familiale, s’effectue au rythme du marché hebdomadaire par les hommes. Le secteur n’est pas organisé en coopérative, ce qui limite les possibilités d’accès aux services fournis par la délégation provinciale de l’Artisanat. 3.2. Le déficit en infrastructures de base et en équipements collectifs Il faut dire que le ksar, vue sa topographie et la nature des ses structures fragilisées par l’abandon, n’offre pas beaucoup d’opportunités en matière d’équipements et d’infrastructures. 3.2.1. Le sous-équipement Le site est confronté à un déficit en équipements collectifs qui freine tout processus de développement intégré. Les principaux équipements collectifs sont situés sur le nouveau village: a. éducation limitée au primaire Une seule école – située dans le nouveau village- est entrain d’assurer l’éducation, mais reste limitée au cycle primaire. Le ksar est doté d’une école coranique dépendante de la mosquée. Elle est non opérationnelle à l’heure actuelle. On ne dispose pas de chiffres quand au taux de scolarisation des enfants qui habitent encore le ksar. Ils sont confrontés au problème de crue du fleuve qui rompt tout contact avec l’autre rive où est située l’école.
70
Il est à noter également une absence d’équipements sociaux et sportifs, en particulier en faveur des femmes et des jeunes. b. une sous médicalisation aigüe Le site est équipé d’un dispensaire rural géré par un infirmier qui assure une fonction de soins très élémentaires. L’accès aux consultations médicales est à Timsline (10 km du village), doté d’un centre de santé encadré par un médecin, et équipé d’une structure pour l’accouchement et d’un service de planification familiale. Une unité mobile de soins dirigée par un médecin assure également un encadrement sanitaire trimestriel et la région est couverte depuis 1985 par le Programme National d’immunisation. Le dispensaire n’est pas en mesure d’assurer des actions médicales pour un site qui connaît une affluence de visiteurs. Des accidents sont fréquemment relevés surtout en été, en particulier chez les personnes âgées. 3.2.2. Carence en infrastructures de base Le déficit enregistré en matière d’infrastructures basiques représente un handicap majeur à l’amélioration des conditions de vie de la population et limite les effets de la sauvegarde du ksar. a. le problème d’accès à l’eau potable Le potentiel en ressources hydriques est faible et la nappe alluviale de l’Oued el-maleh enregistre un degré de salinité assez élevé. La seule nappe disponible est située dans la plaine de Tikirt, à 15 km, encore est-elle d’une capacité limitée et déjà très sollicitée par l’irrigation des terrains agricoles. La question de l’accès à l’eau potable est soulevée souvent par des revendications de la population depuis 6 ans. Un projet d’adduction en eau potable est en cours d’achèvement, mais ne concerne actuellement que le nouveau village Issiwid. En attendant, la population aussi bien du village issiwid que celle du ksar reste privée d’eau courante et s’approvisionne par des citernes à un coût relativement élevé (2,5 dh pour 30 litres). b. L’électrification du ksar Le ksar est privé d’électricité alors que le nouveau village est électrifié et même doté d’un éclairage public. Pourtant, l’électrification du ksar ne pose pas de réels problèmes techniques même par rapport à la nature des structures bâties. On a envisagé des options quant à l’électrification du ksar mais celles-ci restent subordonnées à la résolution du problème de franchissement de l’Oued el-maleh. c. Le pont Le site du ksar est isolé de la route par l’oued el-maleh ou Assif n’ marghane dont la traversée se fait a pied sur des sacs de sable, quand le débit d’eau est faible, ou à dos de mulets. Le ksar est complètement isolé et inaccessible en période de crue. Une étude de faisabilité d’une passerelle franchissant le fleuve a été réalisée, mais n’a pas encore abouti à cause du débat qui a été
71
soulevé quant à la longueur du pont et d’autre part à la nature des matériaux. d. Assainissement liquide et solide La question de l’assainissement devient cruciale dès lors que l’on envisage l’alimentation du site en eau potable. Mais l’urgence porte actuellement sur l’évacuation des eaux pluviales, dont le ruissellement menace en permanence les structures en terre et leurs fondations, faute d’entretien régulier à cause de l’abandon des maisons. e. Les voiries de desserte Le ksar est desservi par un réseau de ruelles et de passages couverts (saba) dont une partie (450 m) a été pavée par le Cerkas, ce qui a relativement facilité la desserte et la circulation, mais fait accélérer le ruissellement des eaux de pluies, ce qui menace les soubassements des constructions par les remontées capillaires de l’eau. 3.3. Le contexte institutionnel Le contexte institutionnel dans lequel s’inscrit le ksar – en termes de gestion- est marqué d’une part, par : - le déclin de l’organisation communautaire ; - la faible présence de la société civile, malgré la présence d’une association (Aït Aïssa, fondée en 1989) dont l’organisation est assez critiquée par apport à la gestion du ksar ; - la diversité des acteurs et le manque de coordination entre les services administratifs dont dépend le devenir du ksar : Equipements, Eaux et Forêts, Office régional de mise en valeur agricole (ORMVAO), Office national de l’électricité (ONE), Office national de l’eau potable (ONEP), Santé publique, Education et Jeunesse, Habitat, Urbanisme et Aménagement du territoire, Artisanat, Tourisme et la Culture. Celle ci représentée par une délégation provinciale et par le CERKAS exerce une tutelle symbolique. Le classement du ksar au niveau national (janvier 2004) et la diffusion du texte de classement lui conféreraient des attributions effectives en matière de sauvegarde et de gestion. - le faible engagement des collectivités territoriales : la Région de Sous-Massa-Draa (dont le siège est à Agadir), la province de Ouarzazate (celle-ci manifeste un intérêt pour le site et commence à mobiliser des ressources pour son électrification), et la commune rurale d’Aït Zineb (dotée de faibles moyens) - la faible mobilisation du secteur privé, malgré les potentialités du site. L’activité touristique est assez anarchique. D’où la création assez récente du Comite provincial du tourisme (2003) qui regroupe les professionnels du tourisme. Cette structure n’a pas porté encore ses fruits. Et d’autre part par: - l’absence d’une stratégie globale de sauvegarde qui est due davantage à une difficulté de conception quant à la mise en place d’outils opérationnels, qu’à une pénurie de moyens ou de ressources souvent invoqués. Le contexte institutionnel local relatif à la sauvegarde
72
du ksar, est marqué par l’émergence diachronique de comités créés à cette fin. Les gestionnaires du site se perdent entre le Comité local de sauvegarde, le Comité de gestion locale, et le Comité de contrôle du site. Ce dernier institué par le Gouverneur de la Province de Ouarzazate avait pour mission d’établir des constats des lieux régulièrement (une fois tous les 15 jours), mais il n’a pas empêché les infractions de se produire. Le Comité de gestion locale, quant à lui, mis en place également par l’autorité locale et regroupant plusieurs administrations, est un cadre trop large pour être efficace. Cette diversité de comités n’a fait que disperser les efforts et rendu la tâche de sauvegarde moins claire et trébuchante. En outre, le CERKAS, acteur principal de sauvegarde, s’est retiré des travaux de comité en raison du manque de concertation et d’autre part, il s’est retrouvé absorbé par des programmes dans lesquels il est engagé (voir chapitre précédent). - des processus de protection non aboutis: l’effectivité du Plan de développement et d’aménagement rural (PDAR) approuvé en 2000 est assez relative, faussée par des infractions en matière de constructions. Tandis que l’opérationnalité du classement annoncé récemment (publié en février 2004) est subordonnée à sa diffusion et à son acceptation locale. - des potentialités sous exploitées: à ce titre le Cerkas est assez révélateur. Lui même est confronté à une étendue géographique très importante, à des moyens assez limités et un statut bloqué. Au niveau de la coopération, le statut actuel offre peu d’opportunités de partenariat dont les manifestations se sont révélées porteuses d’espoir pour le site, mais restent à l’heure actuelle insuffisantes. 3.4. Un patrimoine mondial fortement menacé Il semble que l’inscription du ksar sur la Liste du patrimoine mondial est devenue une charge qui pèse sur le site vus les enjeux auxquels sont confrontés et la population et les décideurs, et qui donnent matière à spéculations et d’infractions urbanistiques nourries par la volonté du gain chez certains investisseurs. Le ksar illustre bien les problématiques auxquelles est confronté l’ensemble des établissements humains des vallées présahariennes : abandon du ksar; dégradation du bâti faute d’entretien et d’investissement; attraction exercée par la route qui a favorise l’implantation de nouveaux établissements relativement mieux dotés en équipements, mais moins adaptés – en termes de matériau- aux conditions climatiques. Le mode de construction en terre, plus adapté aux conditions bioclimatiques, n’est pas réglementé, de moins en moins maîtrisé et reste dans la plupart des cas onéreux : difficulté d’accès au crédit bancaire, difficulté d’établir des réglementations techniques en la matière, déperdition du savoir-faire, etc. Notre examen de la situation du ksar est axé sur deux volets : l’état de conservation et la situation foncière du ksar. Ces deux éléments
73
du diagnostic sont des handicaps récurrents à toute action visant la conservation globale, la réhabilitation et la revitalisation du ksar. 3.4.1. L’état de conservation Malgré les efforts déployés dans le sens de préserver l’essentiel du Ksar des Aït Ben Haddou, la situation est celle d’un site dans un état d’abandon quasi-total et fortement dégradé. L’ensemble des conditions et des moyens devant être mis à sa disposition pour sa mise en valeur en tant que patrimoine mondial est à ce jour insuffisant. Le diagnostic de l’état du ksar se résume ainsi : -
-
détérioration des soubassements (remontées capillaires de l’eau) détérioration des toitures (étanchéité défaillante) introduction de formes architecturales exogènes qui altèrent l’intégrité visuelle du ksar (voir photo. 10) reliquat de décors du cinéma sur l’une des entrées du ksar.
Actuellement, plusieurs maisons risquent d’être réduites à néant, alors que d’autres évoluent dans ce sens en raison de leur abandon. Quelques rares maisons sont encore préservées et sont situées surtout dans la partie basse du ksar. Le diagramme ci dessous (fig.9) illustre bien ce phénomène et nous renseigne sur les différents états de conservation. 60 ,00% 40 ,00% 20 ,00% 0 ,00% bon
moyen
en ruine
Fig.9 - Etat de conservation des structures (source : CERKAS, 2004)
74
Photo.10 - exemple d’aménagement privé à des fins touristiques altérant l’intégrité visuelle du ksar (cliché : M. Barjali - Cerkas) 3.4.2. La situation foncière Une enquête a été menée par le CERKAS en septembre 2001 pour faire un constat sur la situation foncière du ksar. Cette démarche s’avérait nécessaire afin d’éclaircir la situation et collecter les informations qui peuvent constituer une base de données sur laquelle peut se fonder toute étude ou action dans l’avenir. Il était également important de connaître l’avis des propriétaires car avant toute action de mise en valeur du ksar, leur opinion était essentielle. L’enquête en question s’est articulée autour de 4 volets : situation foncière, fonction du bien, état de conservation et propositions de réhabilitation. Différents constats on été dégagés de cette enquête, qui se résument ainsi : une situation foncière assez complexe qui entrave toute action de réhabilitation du ksar, néanmoins, les propriétaires sont prêts à participer à cette action si certaines conditions sont réunies (voir en détail dans le volet consacré à la dynamique de réhabilitation à la Troisième Partie de cet ouvrage). Le ksar des Aït Ben Haddou reflète à lui seul, à une échelle réduite, toute la complexité du régime foncier marocain, qui – faute d’interlocuteur unique – freine à la fois toute dynamique de sauvegarde et du coup toute initiative d’investissement (aussi bien publique que privé)1.
Cf. Lahcen Larbaoui, « La question foncière et l’investissement », in Urba, n°5 (bulletin électronique du Ministère chargé de l’urbanisme et de l’aménagement du Territoire). 1
75
Les abords du ksar sont caractérisés par le statut de propriété collective des terrains1. Au sein du ksar, les propriétés privées représentent la majorité absolue. A l’exception de l’enceint qui est un bien collectif et de la mosquée qui dépend des Habous tous les autres locaux appartiennent aux particuliers avec un pourcentage supérieur à 98%. L’héritage constitue le principal mode d’acquisition des biens au ksar avec 74,67%. Cependant ce mode avait posé beaucoup de difficultés surtout le surpeuplement dû aux multiples divisions entre les héritiers. On peut le considérer comme une des causes majeures de l’exode vers le nouveau village puisque les maisons ne peuvent plus abriter plusieurs familles (voir fig. 10). Il s’agit également d’un problème lors des actions de restauration et de réhabilitation car il est toujours difficile voire impossible d’avoir l’accord de tous les héritiers concernés. L’achat est le deuxième mode d’acquisition au ksar ; il représente 25,22%. On note que la majorité de ces transactions se font essentiellement entre les copropriétaires et que les acheteurs – à quelques rares exceptions près - sont originaires du ksar. Donc on peut déduire l’existence d’un système isolé et «protectionniste» puisqu’il est clair qu’on préfère ne pas vendre aux personnes étrangères au ksar.
mode et date d'acquisition 50% 40% 30% 20% 10% 0% avant 1960
entre1 960-70
entre1 980-90
après1 990
héritage achat
Fig.10 : mode et périodes d’acquisition (source : CERKAS, 2004) Pour les périodes d’acquisition, on a constaté que la plupart de ces acquisitions remontent aux années 1960 et 1970 (fig.11). Donc la majorité des transactions ont été réalisées avant les années 70 (plus de
Les terres collectives – à vocation agricole notamment- qui appartiennent aux collectivités ethniques (ou locales), sont placées sous la tutelle du Ministère de l’Intérieur. Elles sont inaliénables, insaisissables et imprescriptibles, en vertu de l’art.4 du Dahir du 27 avril 1919 organisant la tutelle administrative des collectivités ethniques et réglementant la gestion et l’aliénation des biens collectifs. Sur ce sujet voir Ahmed Daoudi, « le statut foncier des terres relevant de la réforme agraire et du collectif », in Urba, n°5 1
76
63%), et peu d’opérations ont eu lieu après cette décennie, ce qui est expliqué par l’exode surtout suite à la création du nouveau village issiwid. Par ailleurs, il ressort de l’enquête que les gens sont presque à l’unanimité contre la vente de leurs biens. Toutefois, ils se déclarent en majorité pour l’exploitation à des fins personnelles avec 87,71%. Mais, pour des raisons économiques, on constate qu’une tranche de 7, 01 % des habitants sont favorables à la location. Cependant, chez la plupart, on a noté une certaine réticence quant à un partenariat particulièrement avec les organismes privés et les associations.
entre1960-70 après1990 0,00%10,00%20,00%3 0,00%40,00%50,00%
Fig.11 : périodes d’acquisition (source : CERKAS, 2004) Quant a l’état d’occupation du ksar, l’enquête a révélé que 35% des locaux sont occupés d’une façon permanente, 3,50% le sont provisoirement alors que plus de 61% des biens sont abandonnés (fig.12). Ces chiffres reflètent parfaitement un problème aussi pesant sur le devenir du ksar qu’est l’abandon. En effet, les locaux sont vidés des habitants et le ksar risque de devenir totalement déserté ce qui engendre un autre problème : le mauvais état de conservation dû essentiellement à l’absence d’entretien réguliers et permanents. Force est de signaler que sur les locaux occupés, dix maisons seulement sont actuellement habitées, et le reste sert de locaux de commerce (bazars).
80% 60% 40% 20% 0% permanent
provisoire
néant
Fig.12 : état d’occupation du ksar (source : CERKAS, 2004)
77
3.4.2. Les facteurs affectant le site Les facteurs affectant le site est une formulation du Centre du Patrimoine Mondial qui emploie ces termes dans les rapports de suivi périodique sur l’état des sites du patrimoine mondial. Ils font référence aux facteurs ayant un impact négatif sur l’état des sites du patrimoine mondial. Dans le cas du ksar des Aït Ben Haddou, on ne dispose pas d’indicateurs-clés fiables. Mais d’après le dernier rapport établi par le Cerkas et soumis au Centre du Patrimoine Mondial (2000), il ressort que les facteurs affectant le ksar et son environnement immédiat sont de deux ordres: - naturel : sécheresse; chute de bloc de pierres de la falaise surplombant le ksar, glissement du terrain ; - humain (liés au développement) : développement du tourisme (à ce titre on ne dispose pas de chiffres à défaut d’indicateurs fiables sur le nombre de visiteurs puisque le site est non payant); Constructions anarchiques au nouveau village et au voisinage du ksar altérant son intégrité visuelle. En définitive, la détermination de ces facteurs reste assez sommaire et simpliste, et seule une expertise poussée avec l’emploi d’indicateurs sera porteuse d’informations explicites pour une bonne lisibilité du site.
78
TROISIÈME PARTIE : PRESPECTIVES DE SAUVEGARDE, DE RÉHABILITATION ET DE GESTION DU KSAR AÏT BEN HADDOU
79
F
ace à un devenir incertain du ksar des Aït Ben Haddou, à la précarité de ses structures (sociales, économiques, culturelles/architecturales..), à la fragilité de son contexte écologique et économique, les perspectives de durabilité du site s’inscrivent dans une dynamique de sauvegarde rationnelle et maîtrisée (chapitre 1), et dans une démarche de réhabilitation répondant aux attentes de la population (chapitre 2), assurées par des mécanismes de gestion planifiée et intégrée (chapitre 3) Chapitre 1. La dynamique de Sauvegarde La réflexion à la question de sauvegarde du Ksar Aït Ben Haddou nous amène à se poser la question suivante : Que doit-on protéger dans ce ksar ? A priori, l’objectif de la sauvegarde est de protéger le bien et d’en assurer l’intégrité pour les générations futures. Rappelons que la Recommandation de l’Unesco concernant la sauvegarde des ensembles architecturaux ou traditionnels et leur rôle dans la vie contemporaine (formulée à Naïrobi en 1976) précise que « chaque ensemble historique ou traditionnel et son environnement devraient être considérés dans leur globalité comme un tout cohérent dont l’équilibre et le caractère spécifique, dépendent de la synthèse des éléments qui le composent et qui comprennent les activités humaines autant que les bâtiments, la structure spatiale et les zones d’environnement. Ainsi, tous les éléments valables, y compris les activités humaines même les plus modestes par rapport à l’ensemble, une signification qu’il importe de respecter » (Principes généraux, II, 2). Ainsi, la sauvegarde doit se fonder sur une définition claire du bien patrimonial et de ses rapports avec son environnement. Elle tend de plus en plus à aller au-delà de la substance physique et s’attache à la qualité du bien (valeurs intrinsèques) et ses valeurs associées (extrinsèques). Celles-ci ont nombreuses et en général extrinsèques au bien1. Celles jugées importantes gouvernent sa protection et sa conservation. Elles peuvent être aussi bien à caractère historique qu’économique et même être de nature contradictoire dans le même bien, ce qui rend les décisions de sauvegarde et de gestion particulièrement délicates, d’autant plus que les jugements de valeur peuvent varier avec le temps2. De ce fait, les valeurs associées se retrouvent au cœur de la décision de sauvegarde. Dans le cas de Ksar Aït Ben Haddou, ces valeurs constituent de véritables enjeux ; c’est sur elles qu’il faut d’abord
1 Bernard M. Feilden & Jukka Jokilehto, Guide de gestion des sites du patrimoine mondial, icomos, 1996 (p.17) 2 ibid.
80
se pencher avant d’examiner les éléments qui animent la dynamique de sauvegarde. 1.1. Reconsidération des valeurs du ksar : Rappelons que les valeurs associées à un site ou un bien culturel du patrimoine mondial sont en perpétuelle évolution. D’où, il y a lieu d’accompagner cette évolution en reconsidérant les valeurs associées du Ksar Aït Ben Haddou. La démarche consiste à élaborer une nouvelle grille d’analyse, qui s’inscrirait dans le prolongement de la déclaration des valeurs émanant du Maroc et de l’icomos (voir la section 1.4.2. du chapitre Ier de la Deuxième Partie). Bernard M. Feilden et Jukka Jokilehto proposent une approche analytique pour les sites du patrimoine mondial qui examinent à la fois : les valeurs culturelles, leur nature, leur fondement, et leur impact1. Pour le ksar des Aït Ben Haddou, la trame d’analyse est illustrée par le tableau ci-dessous (fig.13): Deux nouvelles notions peuvent se dégager de l’analyse des valeurs associées au ksar des Aït Ben Haddou ; elles peuvent influencer le traitement et engendrer de nouveaux enjeux favorables au site. a. Le site du ksar en tant que site proto-archéologique Le ksar en question est situé au pied d’une colline, qui recèle des vestiges archéologiques (grenier collectif, remparts, nécropole) ; lesquels vestiges pourraient renseigner l’archéologie sur les anciens établissements humains dans les vallées présahariennes, d’autant plus qu’une approche archéologique sur le site n’a pas été menée jusqu’à présent. Par ailleurs, le ksar est en train de devenir un village déserté abandonnée par ses habitants, et perdre de ce fait sa fonction originelle : celle de l’habitat. Si le processus persiste, le ksar a de fortes chances de devenir un site proto-archéologique de l’habitat des vallées présahariennes. Le ksar gagnerait en notoriété certes, mais engendrerait de nouveaux enjeux qu’il serait difficile de maîtriser. Il ne s’agit pas ici d’une recherche d’une notoriété supplémentaire, mais plutôt d’une approche d’intégration dans un processus de recherche scientifique en matière d’archéologie, à laquelle les ksour échappent encore. D’autant plus que certains éléments obscurs demeurent sans réponse quant à la fondation de cet ensemble, sa chaîne chronologique, les systèmes de croyances et de production des ksouriens, et que seule une approche archéologique assez poussée pourrait apporter des éléments de réponse à de nombreuses problématiques. 1
id., pp. 16-21.
81
Valeurs associées au ksar des Aït Ben Haddou
Composantes
Valeurs politiques Valeurs d’identité
Valeurs culturelles
Valeurs artistiques/ techniques
Valeurs de rareté Valeurs économiques
Valeurs socioéconomiques contemporaines
Fondements Histoire politique basée sur la recherche (historiographie, archéologie) La reconnaissance
La recherche
Approche comparative : Représentabilité, rareté, etc. Etablissement humain ; interaction avec l’espace ; Potentiel touristique et
Nature Nomination de l’amghar Ben Liens émotionnels Haddou chef du : Sentiment village (XIème s.)d’appartenance alliance des Aïtau Ben Haddou site, avec d’appropriation le clan des de l’espace (en Glaouis(fin XIX régression) ème s.) Valeur architecturale ; adaptation à la topographie du Architecture vernaculaire typique des vallées présahariennes ; Caractère Commerce, agriculture, élevage, tourisme, artisanat, production cinématographique
Valeurs fonctionnelles
Occupation de l’espace
Habitat (en déclin)
Valeurs éducatives
Potentialités en écotourisme et tourisme culturel
Potentiel touristique ; signification culturelle et historique
Valeurs sociales
Vie en communauté
Valeurs communautaires : solidarité, cohésion, gestion communautaire
Impact Faible impact sur la sauvegarde du ksar Abandon quasi-total (histoire mineure aux (installation yeux des pouvoirs sur un site très politiques) proche)
Inscription sur la liste du patrimoine mondial (1987) ; Classement au niveau Préoccupation avancée de la part des autorités de l’Unesco ; inscription sur la liste du patrimoine mondial. Impact négatif sur le ksar dû à la domination du tourisme, à la spéculation, au commerce anarchique, Abandon du ksar ; dégradation des structures du bâti Dégradation du tissu original et perte de témoignages archéologiques dues à la prévalence d’un tourisme mal géré. Régression accélérée de la sauvegarde du ksar
Fig.13 -Grille des valeurs associées au Ksar Aït Ben Haddou (inspirée du modèle de B.M. Feilden & J.Jokilehto, Guide de gestion des sites du patrimoine mondial, 1996)
82
Photo.11 – les vestiges des remparts du ksar (cliché : M. Barjali - Cerkas) b. le site du ksar : paysage culturel Le ksar des Aït Ben Haddou obéit à la fois à deux notions définies par l’article 1 de la Convention de 1972, celle des ensembles et celle des sites (voir section 1.1. du chapitre Ier de la Première Partie) : Les sites, selon les termes de la Convention, correspondent à ce qu’on appelle les Paysages culturels. Ceux-ci se situent au cœur d’une réflexion aussi bien des experts de l’Unesco, des professionnels du patrimoine que des gestionnaires du patrimoine mondial. La notion de paysage culturel n’est pas récente. Le géographe américain Carl Sauer en proposa une définition en 1929 : « le paysage culturel est façonné à partir du paysage naturel par un groupe culturel. La culture est l’agent, la nature le moyen, et le paysage culturel est le résultat »1. Ce qui est récent néanmoins, c’est la reconnaissance des paysages culturels comme entités patrimoniales ayant des mécanismes qui requièrent protection, conservation et gestion. Le concept de paysage s’éloigne donc de l’instrument de géographe visant à mieux apprécier la mécanique de transformation de l’environnement ; il est perçu comme pouvant offrir un ensemble d’instruments opérationnels pour améliorer la définition et la protection du patrimoine2.
1 2
Cf. Iccrom chronique, n°29, juin 2003, édition française (p.12) ibid.
83
On ne sauvegarde pas les paysages culturels avec les instruments conventionnels de la conservation, mais par la reconnaissance des forces qui gouvernent la dynamique des changements. La Convention de 1972 désigne cette catégorie par « des œuvres conjuguées de l’homme et la nature ». La perception des auteurs de cette convention englobaient les paysages de tous les genres : urbain, rural, industriel, etc. toutefois, dans la pratique, la définition a surtout été appliquée aux paysages ruraux1. Les paysages culturels procurent un sentiment d’identité : ils donnent aux groupes sociaux et aux individus le sentiment d’appartenir à un lieu. Ils fournissent des exemples classiques d’utilisation durable des terres. Par les cultures pratiquées et l’élevage dans le cadre des systèmes traditionnels d’utilisation du sol, beaucoup de paysages culturels recèlent en outre d’importants réservoirs de biodiversité. Pris ensemble, ces paysages offrent Une grande diversité culturelle, tandis que chacun d’eux peut apporter la preuve des interactions avec l’environnement naturel dans un lieu particulier2. Dans les Orientations (§36-§42), « le terme Paysage culturel recouvre une grande variété de manifestations interactives entre l’homme et son environnement naturel. (…) ils reflètent souvent des techniques spécifiques d’utilisation viables des terres, prenant en considération les caractéristiques et les limites de l’environnement naturel dans lequel ils sont établis ainsi qu’une relation spirituelle spécifique avec la nature. La protection des paysages culturels peut contribuer aux techniques modernes d’utilisation viable et de développement des terres tout en conservant ou en améliorant les valeurs naturelles du paysages ». Il est clair que le village communautaire des Aït Ben Haddou présente tous les aspects d’un paysage culturel : structures en terre extraite de l’environnement immédiat, et modelée à partir de modèles géométriques d’une sobriété remarquable ; intégration de l’ensemble dans son paysage naturel (colline, terrains agricoles irrigués, fleuve..) . Rappelons que Henri Terrasse avait décrit le ksar au début des années 1930 en termes d’éléments paysagers : « (il) échelonne sur une pente de roches rouges, au bord d’un oued, une cascade de maisons et de tighremts ». Il reste à savoir à quelle catégorie de paysage culturel appartiendrait le ksar en question. Les Orientations proposent une classification des paysages culturels en 3 catégories (§39) : le ksar des Aït Ben Haddou balance entre les deux dernières catégories ; à savoir : les paysages essentiellement évolutifs/ paysages vivants (§39. ii/b) et les paysages associatifs (§39. iii). ibid. Cf. Paysages culturels : les défis de la conservation (en anglais), actes d’ateliers tenus à Ferrara (Italie) les 11-12 novembre 2002 (Conclusion et recommandations publiés en français), p.173 1 2
84
Quoiqu’il en soit, le Ksar Aït Ben Haddou est la manifestation d’un long processus d’interaction équilibrée entre les ksouriens du site et leur milieu naturel, et la conséquence d’une parfaite adaptation entre l’élément humain et les conditions de son espace vital. La dynamique de sauvegarde consisterait à mener ce processus sans rupture tout en cherchant à assurer l’équilibre de l’interaction entre l’élément humain/culturel et naturel. Ce qui fait la force qui anime le souci de sauvegarde des paysages culturels. Toutefois, il est difficile d’atteindre ce stade de traitement tant que les structures de sauvegarde (le Cerkas en l’occurrence) réfute toute idée de reconsidérer les valeurs du ksar (intrinsèques) et les valeurs qui lui sont associées (extrinsèques) à la lecture du dernier rapport de suivi périodique (2000 ; p.4). 1.2. La démarche du CERKAS L’action du CERKAS en faveur du ksar s’est manifestée depuis la création de cette structure en 1989, et s’est concrétisée à partir de 1991 par les travaux de restauration et d’aménagement qui ont cessé en 1995, faute de soutien financier permanent (la coopération avec le PNUD et l’Unesco avait atteint son terme). Cette intervention a touché principalement les équipements collectifs (la mosquée et ses dépendances) et les espaces collectifs (voiries, place, abords des terrains agricoles) et accessoirement certains biens privés (les façades des cinq qasbas), témoignant d’une concertation et d’un esprit de coopération qui venait de renaître. Néanmoins, l’action du Centre en faveur du ksar n’a pas cessé depuis 1995. Elle consiste à développer les axes porteurs d’éléments de protection, de conservation et de réhabilitation. Ces axes portent essentiellement sur : - la sensibilisation : auprès de la population, des autorités locales et des institutions, à l’importance culturelle et socio-économique du ksar1. - la mise en place de mécanismes de gestion et de sauvegarde du ksar, notamment la création d’une commission de gestion du site (à partir de 2001), qui aurait pour mission la conservation et la gestion du site ; elle ferait office de « gardienne du site ». Cette structure devrait disposer d’un règlement intérieur et d’un budget régulier. - la planification de la gestion grâce à un plan de gestion conformément aux recommandations du Comité du Patrimoine Mondial qui insiste de plus en plus sur ce volet. Le plan de gestion du Ksar Aït Ben Haddou est en cours Dans le but de faciliter une meilleure organisation de l’action de sensibilisation, une étude intitulée « Marketing et Communication » a été réalisée par un bureau d’études spécialisé dans le domaine de communication. Elle avait pour but contribuer à faire ressortir les paramètres et les axes essentiels qui permettraient au Cerkas de mieux conceptualiser et orienter sa communication et son marketing. 1
85
d’élaboration par un groupe de travail, mais il n’est pas prêt d’être finalisé à cause de l’irrégularité des travaux du groupe en question et des difficultés liées à la budgétisation du plan. - la recherche, l’étude et l’expertise grâce à l’accueil systématique des experts, et l’hébergement (souvent) des chercheurs dont les travaux profitent largement au site en termes de techniques de sauvegarde, de moyens de réhabilitation et de gestion. Le CERKAS, lui-même, a développé seul ou en partenariat des recherches dont la plus récente est celle qui porte sur la situation foncière du ksar, et qui demeure l’un des volets épineux de toute démarche de sauvegarde et de réhabilitation. - le développement du statut du CERKAS et le renforcement de ses capacités en le dotant d’un statut légal approprié à sa fonction, c'est-à-dire le statut de SEGMA (voir section 2.3. du chapitre 2 de la Deuxième Partie). - la mise en œuvre des mesures de protection à l’image du Plan de Développement et d’Aménagement Rural de la commune rurale d’Aït Zineb (PDAR) et du texte de classement du site dont la procédure avait été entamée en 1994 et relancée en 2001 par le CERKAS et qui a abouti en 2004. La synthèse de la démarche future à entreprendre vis-à-vis du ksar est illustrée par un tableau synthétique ci-après (fig. 14), préparé par le CERKAS. Tout compte fait, le CERKAS semble en phase avec les nouvelles recommandations du Comité du patrimoine mondial formulées à la suite d’une mission d’expertise menée par Jean-Louis Michon en juillet 2000, sauf sur un point auquel le Maroc n’est pas favorable : l’inscription du Ksar Aït Ben Haddou sur la Liste du Patrimoine Mondial en péril.
86
Fig.14
Fig.14
87
1.3. L’inscription du Ksar sur la liste du patrimoine mondial en péril La mission d’expertise effectuée par Jean-Louis Michon (du 17 au 30 juillet) fut d’un apport considérable, étant donné que celle-ci a été menée par un expert qui connaît bien la région (compte tenu des ses missions antérieures) et parfaitement le site (il lui revient le mérite d’inscrire le ksar sur la liste du patrimoine mondial)1. Il a mené une opération similaire sur le Fort Bahla au Sultanat d’Oman (inscrit sur la Liste en 1987 et sur la liste du patrimoine en péril en 1988 et retiré de cette liste en 2004). La 24ème session du Comité du Patrimoine Mondial tenue à Cairns en Australie (29 novembre-2 décembre 2000) avait tenu compte des recommandations de l’expert et formulé son souhait que le ksar soit inscrit sur la liste du patrimoine en péril. Et depuis, le Comité ne cesse de réitérer cette recommandation lors des sessions ultérieures, et envisage l’inscription d’office sur la liste en question si le Maroc n’assure pas la sauvegarde de ce site dans les délais impartis. La position du Maroc est défavorable à cette initiative, malgré les bénéfices qui pourraient être tirés de cette mesure, grâce à la mobilisation internationale des fonds nécessaires et l’assistance technique fournie par l’UNESCO, conformément aux Orientations (WHC.99/2 ; Chapitre III/ §§. 80-93). Depuis 2000, le Maroc maintient sa position alors que la dégradation du ksar continue et s’accentue, et aucune mesure sérieuse ou concrète n’a été entreprise. Il semble que le Maroc craint soit la perte de la notoriété du ksar et les potentialités touristiques qu’il détient, soit la remise en cause de son système de gestion de son patrimoine culturel et notamment les sites proposés pour inscription sur la Liste du patrimoine mondial (liste indicative). En fait, cette mesure ne comporte aucun préjudice moral au Maroc quant à sa gestion de la chose patrimoniale ; au contraire, elle semble porteuse d’espoir pour le ksar des Aït Ben Haddou. Au-delà du soutien financier et l’assistance fournie par l’Unesco, qui découlent de l’inscription sur la liste du patrimoine en péril, le ksar attirerait l’attention de la communauté internationale, et une
Architecte, titulaire d’un Doctorat en Etudes islamiques, ancien conseiller technique principal des projets : « Préservation des Arts traditionnels » (MOR/71/009) et « Inventorisation du patrimoine culturel » (MOR 74/005) réalisées de 1972 à 1977 dans le cadre d’une coopération PNUD/UNESCO /Ministère des Affaires Culturelles du Maroc. Consultant du PNUD/Unesco en déc. 1986 pour la création du CERKAS à Ouarzazate, puis en déc. 1989 et mars 1990 pour le lancement de premières opérations de sauvegarde des kasbas du Sud, dont le ksar des Aït Ben Haddou. 1
88
sensibilisation de grande envergure serait enclenchée auprès de la population et les pouvoirs publics. Les annales de l’Unesco témoignent d’une série d’expériences réussies où, grâce à l’inscription sur la liste du patrimoine mondial en péril, des sites ont été sauvés et préservés à l’image de la vieille Ville de Dubrovnik en Croatie (la perle de l’Adriatique) et les Mines de sel de Wieliszka en Pologne entre autres1. Plusieurs sites sont systématiquement retirés de cette liste après que les facteurs de dégradation soient neutralisés, et les gestionnaires aient fait preuve de bonne gestion2. Le Maroc est entrain de manquer l’occasion de préserver le site du Ksar Aït Ben Haddou qui risque, faute d’une telle mobilisation et d’une politique sérieuse, de perdre les valeurs pour lesquelles il a été classé patrimoine mondial, et de se faire retirer de la Liste de l’Unesco.
1.4. Le renforcement des capacités des acteurs locaux Une approche intégrée de sauvegarde du ksar des Aït Ben Haddou fait appel nécessairement à un renforcement des capacités des acteurs locaux dont dépend la gestion et le devenir du ksar. Cette démarche consisterait à développer plusieurs axes d’intervention, au regard du déficit constaté et des besoins de la population : - le travail de proximité à travers des formations qualifiantes en faveur des associations locales ; - une mise à niveau des cadres techniques des services concernés ; - des formations cycliques appliquées à l’attention des élus locaux pour une meilleure gestion de leur territoire communal ; - un encadrement et un accompagnement techniques dans la formation, la mise en œuvre et le suivi des actions de sauvegarde. Le CERKAS, compte tenu de ses missions, est appelé à jouer un rôle actif dans cette dynamique, en matière d’encadrement et d’accompagnement, si les moyens, les ressources humaines et les capacités de financement et de coopération requis étaient engagés. Il se trouve que le CERKAS est confronté lui-même à cette situation, en ce sens qu’il est appelé également à développer ses propres capacités en matière de : - Recrutement du personnel en termes d’effectifs et de qualité ; Parfois, la simple perspective de classement d'un site s'avère souvent efficace et peut inciter à des mesures de conservation rapides. L’exemple des îles Galápagos en Equateur est devenu un modèle à suivre. 2 Curieusement, certains sites figurent toujours sur la liste du patrimoine mondial en péril et ce, depuis les années 1980, à l’image de la ville Sainte de Jérusalem (1982) , la zone archéologique de Chan Chan au Pérou (1986) et les Palais Royaux d’Abomey au Bénin (1985). 1
89
- Formation des ses cadres sur les techniques de conservation intégrée et de gestion des sites du patrimoine mondial. Elle est assurée par l’UNESCO (Centre du Patrimoine Mondial), l’ICCROM (programme ITUC) et l’institut CRATerre-EAG de Grenoble ; - coopération avec les organismes gouvernementaux (UNESCO, PNUD, UE) et les ONG (ICOMOS) ; ainsi que les organismes nationaux tels que le LPEE (Laboratoire public d’essai et d’études), l’INSAP (Institut national des sciences de l’archéologie et du patrimoine) et l’Institut terre de Marrakech. - intégration aux programmes mondiaux (MAB, PACT de l’UNESCO) et/ou régionaux (MEDA/ Euromed Héritage, NAMEC, ITUC). 1.5. Les atouts du programmes Réserve de Biosphère des Oasis du Sud Marocain (RBOSM) En 1995, l’Unesco avait lancé un programme scientifique sur l’Homme et la Biosphère (Man and Biosphere/ MAB-UNESCO) tel que libellé par la Stratégie de Séville. Le Maroc a intégré cette stratégie en développant son propre programme : la Réserve de Biosphère des Oasis du Sud Marocain (RBOSM). Celui-ci jugé en phase avec les principes du MAB a été agréé par l’UNESCO en novembre 2000. L’octroi du label de l’UNESCO aux oasis du sud marocain est une reconnaissance non seulement des valeurs de biodiversité et géodiversité qu’elles recèlent, mais également des valeurs d’une « une civilisation millénaire de l'aride qui possède encore un savoir-faire parfaitement en phase avec les normes (dites aujourd'hui), de développement durable »1. Les systèmes de production oasiens ont permis aux populations locales de se maintenir, voire de s'épanouir, dans des milieux naturels extrêmement fragiles2. Les systèmes de gestion traditionnelle des ressources vont de pair avec les structures sociales et culturelles fondées sur une solidarité communautaire qui a su développer une exploitation rationnelle des ressources notamment en eau (Khettaras). C’est dans cet esprit que le programme RBOSM vise – outre le maintien de l’équilibre entre la population et leur cadre de vie – à assister les populations à se prendre en charge, à veiller à ce que les décisions soient consensuelles et les responsabilités de gestion impliquent la participation de tous les acteurs concernés et à tous les niveaux3.
S.M. « La Réserve de Biosphère des Oasis du Sud Marocain : un label de sérieux », in Maroc Hebdo International, N°481- du 12 au 18 octobre 2001 (p.24) 2 ibid. 3 ibid. 1
90
Le Programme RBOSM s’étend sur une aire géographique qui englobe 3 provinces : Errachidia, Zagora et Ouarzazate. Celle-ci est amenée à tirer profit de ce programme qui présente également des préoccupations convergeant avec celles de la sauvegarde du patrimoine bâti. Malheureusement, ces préoccupations n’intègrent pas, pour le moment, le site du Ksar Aït Ben Haddou. Ce ksar ainsi que son environnement (la vallée de l’Ounila) gagnerait énormément à être intégré et approché par le programme RBOSM dont les perspectives et les atouts se révèlent très prometteuses. 1.6. L’approche participative : Les promesses de l’Agenda 21 local (le Pacte de sauvegarde) L'approche Agenda 21 local est issue du document «Agenda 21», un plan d'action adopté lors de la conférence des Nations unies sur l'Environnement et le Développement (Sommet de la terre de Rio, 1992). Il s’agit d’un programme d'actions, définissant les objectifs et les moyens de mise en œuvre du développement durable du territoire. Il est élaboré par la mise en cohérence des objectifs de la collectivité, en concertation avec l'ensemble des acteurs socio-économiques. C'est un processus basé sur un diagnostic, qui va permettre d'établir un programme, évalué périodiquement et réorienté en fonction de l'évolution du contexte1. Au Maroc, les agendas 21 ont été lancés en 2001, avec le soutien financier du Département chargé de l’aménagement du Territoire, de l’Eau et de l’Environnement et le PNUD, à travers trois expériences pilotes dans les villes d’Agadir, de Marrakech, et de Meknès. Il s’agissait dans une première phase d’évaluer les impacts pour ensuite les généraliser. La mise en place de ces agendas 21 pilotes est née de la volonté de l’administration marocaine de développer de nouveaux outils de développement fondés sur une démarche transversale et sur une concertation des acteurs sociaux, économiques et politiques : administrations, universités, opérateurs économiques, élus et société civile, etc. Des ateliers Agenda 21 locaux ont été tenus avec les principales parties prenantes. Ces ateliers ont permis un étalage public des problèmes que doivent affronter les villes d’Agadir, Marrakech et Meknès et ont permis d’identifier des axes de développement prioritaires. Le cas de Marrakech fut particulièrement éloquent. Cité millénaire, inscrite sur la liste du patrimoine mondial (au même titre que Meknès), à forte attraction touristique (la première à l’échelle marocaine), elle a donné naissance – dans la dynamique de son agenda 21- à un Pacte urbain. Celui-ci a permis d’établir un plan d’action concerté et
1 Hassan Alaoui, « Agenda 21 : Maroc aux villes propres ou le pari du futur », in Le Matin du Sahara (édition électronique du 14 janvier 2003).
91
coordonné avec les parties prenantes qui porte sur 3 axes prioritaires : la gestion durable des ressources en eau, la sauvegarde du patrimoine et la promotion du tourisme, et l’accès aux services urbains et d’intégration sociale. Des programmes de formation des élus et des corps techniques des municipalités ont été lancés au niveau de Meknès et Marrakech. Ils se focalisent en outre sur les particularités des approches partenariales et sur les caractéristiques du montage et de la gestion de projets. Le succès des trois premières expériences a inspiré d’autres administrations régionales et locales dont la Région de Tensift-Haouz, la ville d’Essaouira (inscrite sur la liste du patrimoine mondial également) et plus particulièrement le site du Ksar Aït Ben Haddou. C’est sous l’égide du PNUD, l’UNESCO, le Ministère de la Culture, du Ministère de l’Aménagement du Territoire et l’autorité provinciale de Ouarzazate que se sont tenus les 29 et 30 novembre 2003 (à Ouarzazate) les ateliers de consultations locales pour la sauvegarde et la réhabilitation du Ksar Aït Ben Haddou. Le but de ces ateliers était d’inscrire le ksar dans une dynamique économique et sociale locale qui soit gouvernée par la nécessité de mener une nouvelle démarche de sauvegarde et de réhabilitation fondée sur la consultation et la concertation des acteurs locaux (aussi bien effectifs que potentiels). Ces consultations étaient fondées sur un diagnostic établi par un Bureau d’études1, qui a servi de document de base aux différents ateliers consacrés à « La promotion du tourisme au service de la sauvegarde du patrimoine » et à « L’accès aux services de base et intégration sociale ». Le but recherché est de dégager les tendances prioritaires de développement local rapportées au patrimoine, tout en clarifiant le lien entre culture et développement durable. L’objectif visé est de déboucher sur un cadre d’intervention consensuel responsabilisant l’ensemble des acteurs locaux. L’organisation des débats était conduite de manière interactive, dans l’esprit du brainstorming. Plusieurs thématiques se sont dégagées de ces consultations et devaient aboutir à des actions fructueuses : notamment en matière de sauvegarde (Pacte de sauvegarde) de gestion planifiée (Plan de gestion), de classement du site sur le plan national, et d’intégration aux Programmes en cours (le RBOSM notamment), etc. 1.7. Les perspectives du programme PACT de l’UNESCO Le programme PACT (Partnership for Conservation Initiative) ou Initiative de partenariats pour la conservation lancé par l’UNESCO à la fin de 2002 (la Déclaration de Budapest) est une approche fondée sur 1 Profil environnemental du ksar Aït ben Haddou, Rapport inédit établi par Fath Allah
Debbi, Rabat (2003)
92
l’identification de solutions de conservation d’une façon durable. Il a été conçu spécialement pour les sites du patrimoine mondial. Il consiste à constituer et animer un réseau d’entreprises, de fondations, d’institutions de recherche et de conservation, et de structures médiatiques, ayant la volonté de contribuer à la mise en œuvre de la Convention de l’Unesco de 1972. Il revient au Comité du Patrimoine Mondial d’identifier les sites prioritaires qui devraient bénéficier de ce programme. Le PACT a un double objectif : développer la sensibilité des populations au patrimoine mondial et mieux faire connaître les sites; mobiliser les ressources durables pour une conservation du patrimoine mondial à long terme, en accord avec les besoins et les problématiques identifiés par le Comité du patrimoine mondial. Reconnaissant que les partenariats sont des instruments qui doivent être créés entre des membres à la poursuite d’objectifs communs. Le PACT du patrimoine mondial s’articule autour de principes clé : Objectifs communs et partagés ; la transparence ; Le traitement équitable de chaque partenaire ; des avantages pour tous et un respect réciproque ; la responsabilité des parties; une représentation équilibrée des partenaires issus des pays développés, en développement, et dont l’économie est en transition; maintien de l’indépendance et de la neutralité des systèmes des Nations Unies. La Déclaration de Budapest relative au PACT du patrimoine mondial (2002) a mis en place un cadre stratégique pour le développement des partenaires, et a invité tous les partenaires pouvant contribuer à préserver le patrimoine mondial et promouvoir les objectifs suivants : a. renforcer la crédibilité de la Liste du patrimoine mondial ; b. assurer la conservation efficace des biens du patrimoine mondial ; c. promouvoir la mise en place des mesures assurant le développement des capacités, pour favoriser la compréhension et la mise en œuvre de la Convention de 1972 et les instruments associés ; d. accroître la sensibilité et développer la communication avec le public et encourager son engagement en faveur du patrimoine mondial.
93
Les champs d’action du PACT sont divers. Outre la priorité accordée aux sites déjà inscrits sur la liste du patrimoine en péril, une série d’initiatives thématiques et régionales a été développée pour mettre en œuvre les actions prioritaires. Celles-ci portent sur : le tourisme durable, les forêts, les villes, l’architecture en terre, et les sites marins. En parallèle, l’UNESCO a procédé grâce à une diffusion –via Internet- par présenter le programme PACT à travers 6 cas pratiques jugés réussis :
1. Parc marin du récif de Tubbataha (Philippines ; 1993) 2. Littoral du Dorset et de l'est du Devon (Royaume Uni ; 2001) 3. Parc national de Tongariro (Nouvelle Zélande ; 1990-1993) 4. Sian Ka'an (Mexique ; 1987) 5. Les îles Galápagos (Equateur ; 1978-2001) 6. Le Park National de Ujung Kulon (Indonésie ; 1991)1
Ces cas sont présentés selon un schéma standard (en 5 volets) et ne concernent que des sites naturels. Néanmoins ces modèles pourraient servir d’outils méthodologiques, pour les sites culturels. Il revient aux gestionnaires d’adapter ces démarches à leur contexte et aux spécificités de leurs sites, à l’image du Ksar Aït Ben Haddou qui est l’un des sites les plus menacés et les plus fragiles du patrimoine mondial. Il semble qu’il est temps pour les gestionnaires du ksar de s’inspirer de ces modèles et d’intégrer le site dans le programme en question, du fait que le ksar est concerné directement par les objectifs stratégiques du PACT et par l’une de ses thématiques majeures (l’architecture en terre). Le partenariat est devenu un outil incontournable, pour la sauvegarde du village communautaire des Aït Ben Haddou, d’autant plus que cet axe s’inscrit dans le prolongement des valeurs communautaires fondées sur la solidarité ; une valeur consacrée depuis de longs siècles. 1.7. La mise en œuvre des mesures de protection : le classement La protection juridique du site du Ksar Aït Ben Haddou est une composante de première importance pour la sauvegarde du village. Le texte de classement est venu enfin en 2004 de se greffer au système de protection du patrimoine national (loi n°22-80) et au processus de sauvegarde du site enclenché depuis 1953 en vertu de l’arrêté viziriel portant classement des vallées des Oasis (B.O. n°2125 du 7 juillet 1953- p. 983). Cependant, ce texte de classement n’a 1 La diffusion de ces modèles de PACT est en langue anglaise, ce qui limite sa portée d’information.
94
pratiquement jamais été appliqué en faveur du ksar, et tendait à tomber en désuétude, d’autant plus qu’il avait une portée géographique assez importante. En 2001, deux documents urbains ont été approuvés et homologués par l’autorité chargée de l’urbanisme et l’aménagement du Territoire : le Schéma Directeur du Grand Ouarzazate (SDAU) et le Plan de développement et d’aménagement de la Commune rurale d’Aït Zineb (PDAR). Bien que ces deux documents tiennent compte respectivement du patrimoine architectural à l’échelle de la Province, et du ksar des Aït Ben Haddou à l’échelle de la commune, ils se sont révélés sans effet réel sur la sauvegarde du site, étant donné que le premier a une portée générale et le second a une portée limitée. Il est vrai qu’il s’agit d’instruments de planification en matière d’aménagement et de l’occupation du sol, mais qui sont dépourvus d’éléments contraignants. Plusieurs infractions au PDAR ont été constatées, et l’intégrité du site risquait d’être altérée irréversiblement. La procédure de classement avait été entamée en 1994, mais n’a pu aboutir à cause de la lenteur de la procédure et de la complexité du statut foncier du ksar. Conformément à la réglementation en vigueur, la demande de classement doit émaner du propriétaire du bien, de l’autorité de tutelle, ou d’une association reconnue d’utilité publique. Le classement du ksar était confronté à la diversité des propriétaires donc à une variété de régimes de propriété. La procédure fut relancée en 2001 grâce à l’effort du CERKAS et la volonté sérieuse des collectivités locales et l’autorité de tutelle (Ministère de l’Intérieur). En conséquence, le Ministère de la Culture est de droit engagé dans l’action de protection du site du ksar (avant, le ministère était en situation de fait). Tout aménagement, modification, construction nouvelle ou installation est en vertu du texte de classement, subordonné à l’avis favorable de l’inspection régionale des sites et monuments (Marrakech), et éventuellement du CERKAS. Et toute infraction à l’arrêté de classement sera passible de sanction prévue par la loi n°22-80 relative à la conservation du patrimoine mobilier et immobilier (Titre VIII, sections 1 et 2), et la loi 12-90 relative à l’urbanisme. Le texte de classement prévoit non seulement la protection du ksar mais également ses abords et fixe une zone tampon, ainsi que des servitudes (non aedificandi et non altius tolendi). Celles-ci ont été déjà fixées dans le PDAR (document graphique), et les auteurs du texte de classement ont dû les maintenir pour leur pertinence et leur adéquation avec le contexte (voir plan ci-dessous) Cependant, le classement n’offre pas beaucoup de garanties en faveur du ksar. Il s’agit d’un instrument de protection juridique dont le détenteur (ministère de la culture en l’occurrence) n’exerce aucun pouvoir de police sur les sites classés. Il s’agit à la limite d’un instrument normatif auquel les autorités et la population sont censées s’y référer le cas échéant.
95
Par ailleurs, ce classement risque de figer la dynamique économique du ksar, dont les propriétaires vont se retrouver devant la contrainte de respecter les normes de construction (modèles et matériaux) et en face d’un instrument juridique contraignant dont les effets échappent à leur perception. Même les mesures incitatives d’ordre fiscal (exonération de la TVA en l’occurrence)1 pour entreprendre des travaux d’amélioration du cadre bâti, sont ignorées par la population locale voire quasiment inconnues du grand public. On ignore également que l’administration de tutelle détient même le droit d’exécuter d’office des travaux qu’elle juge utiles à la sauvegarde des bâtisses (loi n°22-80 ; art. 25)2. D’autre part, associé à la réglementation en vigueur (loi n°2280 ; art.26), le classement du ksar en question consacre la règle du Dahir du 27 avril 1919 organisant la tutelle administrative des collectivités ethniques et réglementant la gestion et l’aliénation des biens collectifs qui dispose que les biens collectifs sont inaliénables et imprescriptibles. Il est évident que le texte ne classement ne garantit pas pleinement le respect de la réglementation en vigueur. Il y a un effort énorme à fournir auprès de la population et les acteurs locaux dont dépend l’avenir du ksar. A ce titre, le CERKAS est surtout appelé à mener une action de diffusion de ce texte à tous les niveaux en soulignant les enjeux de sa mise en œuvre et en gardant le sens de l’écoute auprès de la population. Sans cette approche, toute action de sauvegarde et surtout de réhabilitation serait vaine et inconséquente.
1
Décret n° 2-94-725 du 31 déc. 1994 complétant le décret 2-86-99 du 14 mars 1986 pris
pour l’application de la loi n°30-85 relative à la taxe sur la valeur ajoutée; art. 3 ter 2 On assiste à un phénomène d'asymétrie d'information où l'administration (ou l'autorité compétente) ne partage pas l'information avec le public. Cette question sera traitée dans le cadre d'une publication sur la protection juridique des biens patrimoniaux.
96
Fig.14'
97
Fig.14'
98
Chapitre 2. La démarche de réhabilitation La réhabilitation du ksar des Aït Ben Haddou consiste à repérer les pistes et la mise en oeuvre des mécanismes de sa mise en valeur, et à inscrire l’ensemble dans une perspective de rentabilité sociale et économique en essayant de concilier d’une part les valeurs internationales (Convention de 1972, Charte de Venise, etc.) avec les attentes de la population locale, et d’autre part l’éthique de sauvegarde avec les impératifs de développement local. La réhabilitation du Ksar Aït Ben Haddou se veut d’abord une vocation sociale, et passe forcément par l’élément de reconnaissance en tant que patrimoine mondial. La reconnaissance du patrimoine s’effectue à deux niveau : d’une part au sein des détenteurs du bien patrimonial et des gens qui en exerce le droit de jouissance (population, usagers, touristes, etc.) ; d’autre part, au sein des autorités et des organisations. Il est évident que les propriétaires légitimes du ksar se reconnaissent dans leur village (sentiment d’appartenance, d’appropriation et d’héritage). Mais il n’est pas certain qu’ils sachent tous que leurs biens font partie d’un patrimoine universel. Car même le logo du patrimoine mondial ne figure pas sur le site. Ce qui rend la reconnaissance du bien en tant que patrimoine mondial moins évidente également par les visiteurs. La réhabilitation du ksar des Aït Ben Haddou est une démarche assez compliquée, dans la mesure où il y a d’abord une approche à adopter auprès de la population (qui a abandonné son village), avant de procéder à la mise en valeur du ksar par l’amélioration des conditions de vie, et la création d’une nouvelle dynamique au sein de l’ensemble.
99
2.1. La valorisation du site 2.1.1. Sensibilisation et promotion La valorisation – élément de transition à la réhabilitation – s’inscrit dans la continuité du thème de la conservation. Lorsque les gens accordent un intérêt à un élément patrimoine, ils développent généralement des comportements respectant son existence1. D’où, la nécessité de mener une politique de vulgarisation à tous les niveaux dans le cas du Ksar Aït Ben Haddou afin que toute action dans le site soit soutenue et permanente et moins onéreuse. La valorisation dans notre cas doit s’adresser à deux publics : Le premier est la population locale. Partant du fait que l’intérêt est porté par les gens à leur patrimoine local plutôt qu’à un patrimoine lointain ou qu’ils ne connaissent pas. La population du site du Ksar Ben Haddou s’identifie par rapport à leur village ancien : il constitue non seulement leur héritage, mais également leur identité. Ce sentiment est très remarqué chez les adultes ; c’est donc au niveau du jeune public qu’il faut mener l’action de valorisation. Sensibiliser les personnes en âge de scolarité est une action prioritaire car il s’agit de la meilleure manière d’assurer la préservation du ksar à long terme et renforcer l’intérêt des générations futures pour sa gestion au niveau local. Malheureusement, il y a une seule école sur le site (situé dans le village issiwid) ; elle sera amenée à devenir une interface entre les jeunes écoliers et leur patrimoine, qui risque d’échapper à leur appréhension du fait que la jeune génération n’a pas vécu dans le ksar. Les locaux de l’école sont susceptibles d’être des supports pédagogiques : il convient ici d’enrichir ces locaux par des photographies et des peintures sur mur, pour illustrer le capital culturel du ksar et de son environnement. Les acteurs culturels sont amenés à jouer le rôle d’animateur ou de médiateur au sein de l’école. En parallèle, il y a un travail similaire à fournir au niveau des établissements scolaires (collèges, collèges) dans lesquels les enfants du village poursuivent leur scolarité. Les acteurs culturels (l’administration chargée des affaires culturelles notamment) sont invités à travailler dans ce sens conjointement avec l’administration provinciale chargée de l’éducation et la jeunesse. Quant au second public, il s’agit des gens étrangers au site : qu’ils soient des nationaux de proximité, originaires d’autres localités ou de visiteurs étrangers au pays ; et d’autre part, des acteurs institutionnels (à l’échelle provinciale, régionale ou nationale). Il y a tout un effort à fournir en matière de valorisation et de promotion à ce
1
Pierre De Maret (dir.), Plan de sauvegarde du patrimoine de l’Afrique
francophone, ULB, 1997, (p.96)
100
niveau. Il est paradoxal que le site du ksar soit valorisé par les instances internationales (à l’image de l’Unesco et du PNUD) et ne le soit pas au niveau national. Il est à rappeler que l’inscription sur la liste du patrimoine mondial engage l’Etat marocain et non seulement un département ministériel (le ministère de la Culture en l’occurrence). Le label Patrimoine Mondial et son logo doivent tout au moins figurer sur le site (par exemple par le biais d’une bannière ou d’une enseigne appropriée ; un concours entre artistes devrait être lancé à ce titre), ainsi que sur les panneaux de signalisation ou de balisage qui indiquent le chemin du ksar pour assurer une meilleure lisibilité et visibilité du site. Des slogans peuvent également figurer sur le site et sur tous les supports pédagogiques ou d’informations et de promotion concernant le site. Le message doit avoir une forte teneur en sensibilisation à un patrimoine fragile. Un slogan du genre : Héritage partagé, responsabilité commune revient souvent dans la littérature de l’Unesco1. Par ailleurs, il y a plusieurs pistes potentielles à exploiter, notamment les médias (les chaînes de télévision, les stations de radiodiffusion, la presse écrite, etc.) l’administration postale (émission de timbres poste), les télécommunications (émission de cartes téléphonique illustrant les potentialités culturelles, architecturales et paysagères du site)2.
1 Ce slogan fut, à l’occasion de la célébration du 30 ème anniversaire de la Convention
de 1972, l’intitulé du Congrès international organisé par le Centre du Patrimoine Mondial et le Bureau régional pour la Science en Europe (Venise, du14 au 16 novembre 2002). 2 La chaîne marocaine 2M – émise sur satellite- lance souvent un spot de promotion d’un paysage architectural d’une vallée verdoyante et d’un ensemble architectural en terre filmé en plongée très réussie. L’opérateur marocain des télécommunications Maroc Telecom avait émis une carte téléphonique illustrant la ville d’Essaouira, Marrakech, et un paysage ksourien de la vallée du Draa, il convient également que le ksar des Aït ben Haddou soit représenté dans une carte similaire à un prix abordable ou étendre l’émission à toute la gamme tarifaire pour assurer une large diffusion. L’administration postale marocaine Barid Al-maghrib émet souvent des timbres en série limitée des monuments connus du Maroc et de certains paysages, il est peut-être temps qu’elle s’intéresse au paysage ksourien des vallées à l’image du Ksar Aït Ben Haddou et procéder à de larges émissions de timbre.
101
Photo.10- l’un des rares panneaux d’indication du Ksar Aït Ben Haddou (cliché: Luc Fougere) 2.1.2. Les vecteurs in situ de médiation La promotion des potentialités du site du Ksar Aït Ben Haddou est susceptible de drainer davantage de visiteurs pour lesquels il faut non seulement assurer l’accueil dans de bonnes conditions, mais également une bonne communication des valeurs du site. a. écomusée ou musée communautaire ? Certains y voient la pertinence de créer un écomusée au niveau du ksar1. A ce titre, la structure muséale parait la formule la plus sollicitée, pour créer une dynamique de communication, car elle revient souvent dans la littérature relative à la valorisation des sites culturels. Entre musée classique (archéologique, muséographique, thématique, etc.) et musée de reconstitution, l’écomusée est le modèle qui a plus de notoriété, car le plus théorisé et le plus adapté à des contextes socioculturels, géographiques, et écologiques extrêmement variés2. Inspirés des musées communautaires, ou une simple dérivée de ceux-ci, l’écomusée a acquit ses titres de noblesse grâce à l’apport de Georges-Henri Rivière (premier directeur de l’ICOM en 1946), et à la dimension sociale qu’il se veut porteur pour la communauté détentrice des valeurs patrimoniales, à travers les expériences menées dans différentes régions du monde.
F. DeMicheli, op. cit., p. André Desvallées, “Novelle muséologie”, in Encyclopaedia Universalis, ed. 1998 (p.922) 1 2
102
L’écomusée, selon les termes de G-H. Rivière, est « un instrument qu’un pouvoir et une population conçoivent, fabriquent et exploitent ensemble. Ce pouvoir, avec les experts, les facilités, les ressources qu’il fournit. Cette population, selon ses aspirations, ses savoirs, ses facultés d’approche. Un miroir où cette population se regarde, pour s’y reconnaître, où elle recherche l’explication du territoire auquel elle est attachée, jointe à celle des populations qui l’ont précédée, dans la discontinuité ou la continuité des générations. Un miroir que cette population tend à ses hôtes, pour s’en faire mieux comprendre, dans le respect de son travail, de ses comportements, de son intimité »1. Il serait à la fois une interprétation de l’espace, un laboratoire de recherches pluridisciplinaires, un conservatoire, et une école2. Ce type de « musée » devrait être dirigé par un conseil d’administration comprenant des représentants de trois collèges : celui des usagers, celui des scientifique et celui des gestionnaires. Il revient à cette structure d’établir un statut adapté au contexte du site et à ses occupants, soulignant son mode de fonctionnement. Dans une telle démarche, il ne s’agit pas de « délivrer un message universel à un public indéterminé, mais de mettre la population en contact avec ses propres valeurs »3. Il faut reconnaître que cette démarche n’est pas du tout facile, vu les enjeux importants qui pèsent sur l’environnement du ksar des Aït Ben Haddou sur le plan social, culturel et économique. En outre, l’expérience des écomusées ou des musées communautaires au Maroc est assez récente, et n’a pas encore révélé ses éléments de réussite ou d’échec. Les premiers sont liés surtout à des sites naturels ou à des aires protégées et se prêtent à confusion avec les musées de plein air. Quant aux seconds, les musées communautaires, on ne dispose à l’heure actuelle qu’une seule expérience : celle du village des Aït Iktel dans le Haut-Atlas menée par l’anthropologue marocain: Ali Amahan4.
1 2
« Images de l’écomusée », in Muséum, n°148, 1985, cité par J-P Laurent. ibid
Marc Alain Maure (1976), cité par A. Desvallées, op. cit., p. 922 Mr. Amahan est vice-président de l’ICOM-Maroc et inspecteur au Ministère de la Culture ; son expérience est décrite dans : Ali Amahan, « Développement : un modèle de musée communautaire dans un village du Haut-Atlas », in Les musées : construire les communautés, Acte de la Journée internationale des musées (18 avril 2001) et également A. Amahan, La face humaine de la pauvreté, Document présenté dans le Mediterranean Development Forum, 3-6 Sept. 1998. (les deux documents sont diffusés sur Internet). 3 4
103
b. les maisons thématiques Dans cette dynamique, la population est appelée à créer en concertation, des structures révélatrices des valeurs (intrinsèques et extrinsèques) du site en rappelant la fonction majeure et originelle du ksar : l’habitat. Ainsi, des structures d’animation devraient se décliner en plusieurs formes de désignations selon qu’il s’agisse d’habitat (Maison des Aït Ben Haddou, des Aït Aïssa, des Aït Bahaddou, des Aït Lahçaïne, des Aït Ou Gourram, des Aït Ali Ou H’mad, des Aït Saïd, entre autres), d’ateliers de tissage (Maison de tissage), ou de salle d’exposition filmographique du site (Maison de Cinéma), etc. c. le centre d’interprétation Il s’agit d’une structure destinée à « fournir au public l’information qu’il désire sur le site qu’il visite, à lui donner des points de repère et des clés de lecture lui permettant de restituer par la pensée les fonctions disparues »1. Les centres d’interprétation sont nés en Amérique du Nord, dans le but de pallier le manque d’objets originaux ou d’animer des parcours de parc naturels. Par la suite, ces centres se sont retrouvés liés directement aux sites archéologiques notamment en France, et assimilés souvent à des musées de site (en Espagne où ceux-ci s’intitulent eux même des « Centres d’interprétation ») où des ensembles archéologiques et monumentaux qui se rapprochent de la définition des parc archéologiques (dans les pays scandinaves). Une panoplie d’outils pédagogiques et d’information est mise à la disposition des visiteurs : panneaux, photographies, maquettes, audiovisuels, etc. Le vocable désignant le centre d’interprétation –terme générique parait-il- peut se décliner en plusieurs formes, selon le contexte où l’on se situe, et selon la finalité de l’action. Dans le cas du village communautaire des Aït Ben Haddou, une telle structure semble pertinente dans la mesure où elle fait défaut et le visiteur se retrouve dans le site sans aucune information, devant une population en phase de rupture latente avec son passé, avec ses traditions et avec ses valeurs. Le choix de l’emplacement de cette entité dépend du circuit de visite à aménager sur le site. Sa désignation varierait selon qu’elle va se situer dans la rive opposée au ksar (Centre d’information) ou dans le ksar lui-même (Maison d’information). Il convient au CERKAS d’assurer cette tâche par le biais de l’antenne qu’il envisage installer dans le site, vue l’expérience qu’il a cumulée dans ce domaine (le cas de la Qasba de Taourirt à Ouarzazate).
1 Michel Colardelle, « les musées de site : Recherche, reconstitution, préservation du patrimoine, aménagement du territoire », Acte de la Rencontre ICMAH, Thessalonique, 1997 (p.176).
104
d. la dynamique scientifique Dans un chapitre précédent (chapitre 1/ 1.1.a) il était question de reconsidérer les valeurs du ksar et d’accompagner l’évolution de ses valeurs. Il en est ressorti que le ksar, avec les vestiges révélés à proximité, l’abandon quasi-total de la fonction d’habitat, la phase de rupture avec le passé, est dans un stade assez proche d’un site archéologique de l’habitat présaharien. D’où, le choix de l’appellation : Site proto-archéologique. Les autorités de tutelle sur la recherche archéologique (Direction du Patrimoine culturel et l’INSAP) sont en mesure d’établir un programme de recherche étalé sur dix années à raison d’une mission d’un mois ou plus par année, ou de deux missions le cas échéant (en Septembre et/ou en Mai). Les étudiants de l’INSAP devraient être intégrés à ce programme étant donné que chaque année, une mission de fouille est programmée pour eux (pendant le mois de mai de chaque année)1. Ces missions pourraient être cofinancées par des organismes universitaires nationaux ou étrangers à l’instar des missions qui sont menées dans différentes régions du Royaume. Les PROTARSCE financés intégralement par le Département chargé de la recherche scientifique, offre une opportunité de financement pour de tels programmes. Ces missions seront susceptibles d’animer le site et d’engendrer une dynamique sociale et économique tout autour (restauration, des centaines de journées de travail, etc.), à l’image de nombreux villages où des missions similaires sont menées systématiquement. La population du site est amenée à découvrir une nouvelle facette des valeurs de leur site, et qui échappent encore à leur conscience. 2.2. L’approche du CERKAS : la consultation de la population Le CERKAS, en effectuant son enquête sur la situation foncière du ksar en 2001, a procédé également par la consultation des propriétaires du ksar pour sonder leur conception et leur position quant à la réhabilitation de leur village. Il est ressorti de cette enquête que 64,9 % d’habitants souhaitent retourner à leur ksar si les conditions de vie étaient améliorées, alors que les projets à caractère économique occupent pour eux la deuxième place. La conversion des maisons en équipements socioculturels ou en lieux d’hébergement et d’accueil pour les touristes ne les motive pas tellement (fig. 15). Les étudiants de l’ENA (Ecole nationale d’architecture) et ceux de l’INAU (Institut National d’aménagement et de l’urbanisme) peuvent être éventuellement associés à cette dynamique scientifique. 1
105
proposition de réhabilitation 100,00% 50,00% 0,00% habitat
équip.socioculturel
équipement touristique
Fig. 15- Fonctions éventuelles des biens aux yeux des propriétaires (Source : CERKAS,) La vente des biens immobiliers à une catégorie ethnique étrangère aux lignages originaires du ksar est considérée, selon leur tradition, comme un péché. L’importance de la terre comme élément de base dans l’organisation socio-économique est très manifeste. Il ressort de l’enquête que les gens sont presque à l’unanimité contre la vente de leurs biens, et seulement 1,55% y sont favorables. Néanmoins, ils se déclarent en majorité pour l’exploitation à des fins personnels (87,71%). Mais, pour des raisons économiques, on a constaté qu’une tranche de 7, 01 % des habitants sont favorables à la location. Cependant, chez la plupart des personnes consultées, on a noté une certaine réticence quant à un partenariat particulièrement avec les organismes privés et les associations (respectivement 7,88% et 18,42%). En revanche, l’enquête a montré aussi que 31,57% des propriétaires ne sont pas tout à fait fermés au partenariat avec l’Etat (fig.16).
Fig. 16- Proposition de réhabilitation : partenariat (Source : CERKAS) Toutefois, il convient de signaler qu’une enquête similaire a été menée en 1991 par Mohamed Aït Hamza (dans le cadre d’une étude du PNUD - Projet Mor/90/003 2ème phase)1 ; la position de la population – à
1
M. Aït Hamza, op. cit.
106
quelques exceptions près - est resté presque la même : on est contre la vente, et pour l’exploitation directe de son bien. Par contre, on note une légère évolution par rapport à la location des locaux : on était largement contre, au moment de la première enquête. Quant aux projets d’activités, les gens étaient favorables à un commerce lié au tourisme, à des activités artisanales. En outre, on était favorable à l’intervention de l’Etat en matière de réhabilitation, à la participation des propriétaires ainsi que l’association locale (Association Aït Aïssa) dans cette action. Par ailleurs, on était contre l’intervention des étrangers sauf en qualité d’associés. Cependant, force est de signaler également que chez les propriétaires consultés en 1991, les activités liées au tourisme (commerce, artisanat, restauration, auberges, loisirs) étaient de loin les plus dominantes (64,2%). Les équipements collectifs (four, hammam, école, dispensaire, club) n’étaient évoqués que par 13,2% des personnes interviewées (il s’agissait surtout de jeunes hommes instruits et de femmes), et curieusement la fonction d’habitat n’a été évoquée que par 10,5%. L’auteur de l’enquête – précisant d’abord que la population favorable à cette fonction est constituée de ménages dépassant 12 personnes – avance que le ksar serait un habitat annexe pour ces ménages qui vivaient dans des maisons en manque d’espace d’extension. Tout compte fait, les ksouriens légitimes envisagent leur retour au ksar à condition que les problèmes de l’eau, de l’électricité, du pont soient résolus, et que les conditions de vie soient améliorées par la promotion des activités viables. 2.3. Infrastructures et équipements collectifs de base : L’amélioration des conditions de vie des habitants constitue un axe prioritaire dans la stratégie de sauvegarde et de réhabilitation du site. Elle repose sur une démarche transversale et multisectorielle qui doit placer la réhabilitation du ksar dans son environnement le plus large. Parmi les actions majeures à mener il convient de citer : 2.3.1. La protection des terres agricoles et des berges de l’Oued el-maleh Le Cerkas avait mené une action exemplaire mais qui n’a pas eu de suite. L’administration des Eaux et Forêts est maintenant disposée à contribuer au reboisement des abords du ksar (une centaine d’hectares) si la commune rurale d’Aït Zineb s’engage à mobiliser les terrains collectifs nécessaires. Cette action s’inscrit dans le Plan directeur de reboisement (PDR) dont l’objectif porte sur 6 000 ha en 10 ans. Dans ce sens, il y a également lieu de traiter les bassins versants autour du site : travaux anti-érosion et traitement des ravins ; le concours de la population est envisagé en compensation d’insuffisance de fonds.
107
2.3.2. La gestion de l’eau et l’optimisation de son usage Cette action s’opère à deux niveaux : l’irrigation et l’eau potable. La population est en mesure de participer largement à la gestion de leur ressource hydrique. En attendant l’alimentation en eau des ménages par l’ONEP, la population est disposée à s’organiser pour la gestion de l’eau potable et celle de l’irrigation en s’inspirant des modèles de gestion communautaires. Cette démarche est d’autant plus bénéfique qu’il convient d’encourager pour maîtriser la consommation et la gestion dans le souci d’optimiser le rapport coût-consommation dans un environnement où l’eau n’est pas abondante.
2.3.3. La mise en place d’infrastructures et de service de base Elle constitue la démarche la plus problématique en raison de la diversité des acteurs et l’interdépendance de certains éléments d’action. Elle s’articule autour de trois thèmes majeurs : l’eau/l’assainissement, l’électricité, et le pont sur fleuve. a. l’eau/l’assainissement Dans le cadre du Programme d’approvisionnement groupé en eau potable des populations rurales (PAGER), L’O.N.E.P s’est engagé à élaborer une étude technique pour l’adduction d’eau potable. Cette étude porte sur l’installation de trois ou quatre bornes fontaines dans le ksar comme première phase. Les bornes fontaines sont disposées le long de la rue principale. Celle-ci présente l’avantage d’une plus grande concentration des utilisateurs potentiels et correspond aux points les plus bas du ksar. Inspirée d’un puits traditionnel, chaque fontaine prend une forme déterminée en fonction de son emplacement et s’intègre dans son environnement immédiat. A long terme et en fonction du développement futur du site, l’équipement pourra être généralisé à l’ensemble des propriétés. Vue la sensibilité des constructions en terre aux problèmes de l’eau, la conception des détails techniques et l’étude d’un système d’assainissement adapté au site doivent être élaborées par des spécialistes. Le financement sera assuré par le conseil communal dans le cadre du projet d’adduction d’eau potable au nouveau village déjà en cours. L’assainissement liquide est intimement lié à l’adduction en eau potable. Cependant, la pertinence de ce procédé est assez problématique étant donné le risque que cela comporte pour les structures fragiles en terre. D’autre part, la réalisation du réseau d’assainissement relève de la compétence de la commune, or celle-ci n’est pas équipée pour réaliser ce projet et assurer la maintenance du réseau. Dans l’attente de l’élaboration d’une étude spécifique au site, la réalisation de fosses sceptiques collectives sera la solution adoptée.
108
Les études techniques relatives à cette opération ainsi qu’à celle de l’évacuation des eaux de pluies seront établies par l’O.N.E.P. Celles-ci nécessitent des levés topographiques et l’analyse des débits. b. l’électricité L’électrification du ksar ne pose pas de réels problèmes techniques même par rapport à la nature des structures bâties. Le recours au réseau enterré s’est avéré onéreux et peut être remplacé par un réseau de câbles protégés et fixés en façades, une solution largement utilisée dans la restauration des structures anciennes. Toutefois, cette solution reste cependant subordonnée au problème du franchissement de l’Oued el-Maleh. On avait envisagé le recours à l’énergie solaire par l’installation d’une centrale solaire ou des plaques solaires vu la durée de solarisation dont profite le site. Cette solution a été écartée en raison du coût d’investissement (matériel onéreux) et d’autre part, les panneaux allaient créer un paysage inadéquat. Il fallait donc intégrer le site dans le Programme d’électrification rurale généralisé (PERG). En attendant, Il a été décidé dans un premier temps qu’un câble électrique aérien relie les deux rives en amont de l’oued el-Maleh à environ deux cent mètre du site. Le financement des travaux sera assuré par le conseil provincial. Des modèles ont été conçus pour la mise en place de coffrets, de niches pour l’éclairage des ruelles, de luminaires pour l’éclairage des sabas (passages couverts), de niches pour projeteurs creusées dans le sol (pour l’éclairage du ksar d’en bas), ainsi qu’un plan de répartition des points lumineux. Le réseau électrique – une fois établi – servira de support auquel va se greffer le réseau de câbles téléphoniques, pour que le ksar soit en liaison avec le reste du pays en terme de communication. Ainsi, grâce au branchement aux deux réseaux, des outils du multimédia peuvent trouver place dans l’ancien village si des structures d’animations seront éventuellement mises en place. c. la liaison par le pont Il s’agit de la pierre angulaire du projet de réhabilitation et le thème le plus débattu de tous. Ainsi, la dimension de l’ouvrage, ses matériaux, son emplacement, et sa morphologie sont autant d’éléments d’une extrême importance, auxquels il faut accorder une grande réflexion et une consultation à tous les niveaux. Jusqu’à maintenant, une étude de faisabilité d’une passerelle franchissant le fleuve a déjà été réalisée, mais n’a pas encore abouti à cause du débat. La dimension du pont dépendra du choix de l’accessibilité ou non au site par les véhicules. Si on envisage installer des structures à caractère socioéconomique (auberges, restaurants, ateliers..) et y stimuler une dynamique socioéconomique, la réalisation d’un pont carrossable s’impose d’elle-même. Mais ceci comporte le risque de dénaturer le site, étant donné qu’on aura certainement besoin d’une aire de stationnement à proximité du ksar.
109
La longueur du pont pose également problème dans la mesure où on ne s’est pas encore fixé sur l’emplacement de l’ouvrage, et par ailleurs, cela dépend de la nature de l’aménagement du site du ksar. Sur ce volet, deux options se sont présentées: - un pont de 150 m de long, qui déboucherait sur une des entrées du ksar, dans le prolongement de la rue commerçante des vendeurs en bazars du nouveau village; - une passerelle située vers l’amont, de 70m de long qui déboucherait à l’arrière du ksar (moins fréquenté). L’accès au pont est facilité par une rue verticale à la grande route. On a tendance à retenir cette dernière option, en raison de son coût inférieur à la première. Quant à la nature du pont en termes de conception et de matériaux, deux options ont opposé deux experts internationaux : André Stevens (PNUD) et Jean-Louis Michon (UNESCO) : le premier avait préconisé (1993) une passerelle en matériaux légers qui « relèverait d’une création originale en milieu historique, et renforcerait le caractère permanent des lieux, en associant légèreté et technologie du XXIème siècle1. Le second a proposé que « soit construit un pont en maçonnerie traditionnelle, inspiré des ouvrages construits autour de Marrakech par les Almohades, dont le pont sur le Tensift toujours utilisé dans le circuit de la palmeraie »2 C’est la proposition de Jean-Louis Michon qui a été retenue, et le pont sera conçu uniquement pour piétons, montures, et éventuellement pour charrettes tirées. La réalisation ultérieure d’un pont à plusieurs kilomètres du site (probablement à Tameddakht) assurera malgré tout, une liaison commode pour des engins plus lourds. La conception de l’ouvrage selon les termes retenus a été confiée à un bureau d’études spécialisé. Suite à cette décision, deux variantes ont été dégagées de cette étude : la première – élaborée sur la base de la proposition de l’expert de l’UNESCO- pour une simplicité d’exécution, propose une ossature qui sera réalisée en béton armé avec un habillage en pierre. La seconde suggère que les éléments porteurs seront constitués de murs parallèles placés en retrait par rapport à la dalle pour ne laisser apparaître que le plan horizontal reliant les deux rives. Les éléments horizontaux recevront un revêtement en bois, les éléments verticaux un parement en pierre. Les dalles seront munies des réservations nécessaires au passage des câbles électriques et de téléphone ainsi que les conduites d’eau.
1
Rapport FMR/CLT/CH/93/202 (PNUD) Michon, Rapport de mission, 2000 (p.8)
2Jean-louis
110
Le PDAR de la commune d’Aït Zineb (dont fait partie le site) prévoit l’aménagement d’un radier situé à l’est du village au débouché de « l’allée des bazars » par laquelle les visiteurs arrivant de Ouarzazate descendent vers l’oued pour effectuer « la traversée ». La présence d’un radier à l’emplacement indiqué a été fortement déconseillée, car il risque d’amener des véhicules sur la berge opposée de l’oued, où ils stationneraient dans un espace qu’on envisage protéger pour l’intégrité visuelle du ksar. La question du pont est d’autant plus cruciale qu’il faut la traiter dans une vision d’ensemble du site où il y a lieu d’intégrer dans la réhabilitation non seulement le ksar mais également le nouveau village. A long terme, c’est le pont de Tameddakht qu’il faut réaliser. 2.3.4. L’installation d’équipements d’accueil et l’aménagement d’itinéraires Vu l’attrait touristique dont bénéficie la région de Ouarzazate et le ksar des Aït Ben Haddou en particulier, il serait judicieux d’équiper le site en structures d’accueil : Bureau d’information pour les visiteurs, une structure assurant les services sanitaires adéquats (infirmerie, toilettes publiques), unité mobile de soins, publiphones, maisons d’hôtes, gîtes, aires de repos, etc. Le Département chargé du Tourisme a exprimé son engagement dans cette dynamique ; il prendra en charge la réalisation des panneaux signalétiques ainsi que le balisage des circuits. 2.3.5. La réhabilitation de l’école L’Education nationale a engagé un programme en partenariat avec le Fonds d’équipement communal (FEC) qui vise la réhabilitation des locaux des écoles de la localité, dans le cadre du Programme de lutte contre la sécheresse. L’Unicef est également partenaire du Département de l’Education Nationale dans 34 établissements scolaires de la Province dans les domaines de l’amélioration des activités pédagogique et des équipements des écoles. Le site du Ksar Aït Ben Haddou pourrait bénéficier d’actions similaires, dans le cadre des partenariats déjà engagés. Les transformations à venir en matière d’infrastructures et d’équipements, bien qu’elles soient porteuses d’une qualité de vie meilleure, comporte néanmoins le risque d’une accélération des mutations communautaires et architecturales, et pourraient menacer l’équilibre précaire de la sauvegarde du site. 2.4. Développement des systèmes productifs locaux et des activités génératrices de revenus Il est de toute évidence que la réhabilitation des tissus traditionnels est porteuse non seulement d’éléments d’amélioration des structures patrimoniales et du cadre de vie (restauration, aménagement,
111
équipement, etc.), mais également d’éléments d’épanouissement de la population à travers le développement des systèmes productifs locaux en crise ou en déclin, et d’activités génératrices de revenus ayant un effet de retour sur la sauvegarde des entités patrimoniales. Les premiers secteurs d’activité à réhabiliter sont bien entendu : l’agriculture et l’artisanat. Par rapport au premier secteur, il y a plusieurs actions à entreprendre dont on cite entre autres : - la protection des terres cultivables qui occupent les terrasses fluviales par la mise en place de gabions longeant de part et d’autre les berges. Celle-ci est une mesure à entreprendre d’urgence ; - la réhabilitation des seguias, et la redynamisation des systèmes de gestion communautaire des canaux d’irrigation ; - l’amélioration de la productivité par l’introduction de techniques appropriées ; - l’organisation des groupements de producteurs et leur encadrement technique ; - le développement de l’arboriculture et l’apiculture. Il faudrait procéder à l’introduction d’espèces (arbres fruitiers et autres) pouvant s’acclimater au milieu, et/ou susceptibles de freiner la désertification. Il serait également judicieux d’entreprendre des recherches agronomiques dans le but de mettre au point des cultures adaptées à la salinité et la sécheresse. En matière d’élevage, il serait opportun d’intégrer le programme RBOSM en vue de renforcer la biodiversité par l’introduction d’espèces adaptées au milieu (la chèvre laitière notamment). Il y aurait lieu également de : améliorer les parcours pastoraux ; procéder à la reconstitution du cheptel ; le développement de la production laitière. Il faut souligner à ce titre qu’il y a un avantage à tirer du soutien du L’ORMVAO (Office régional de mise en valeur agricole de Ouarzazate) et des mesures incitatives dans le domaine, surtout en matière d’exonération fiscale dont bénéficient jusqu’à maintenant les agriculteurs marocains. Quant à l’artisanat, les ksouriens du site n’ont visiblement pas préservé un savoir-faire varié. C’est surtout le tissage des tapis qui revient dans les monographies effectuées sur le site. Il est urgent que les organismes en charge du secteur (Délégation du ministère de l’Artisanat et de l’Economie Sociale et la Chambre de l’Artisanat de Ouarzazate) prennent en charge le développement de cette activité avec les artisans qui sont presque exclusivement des femmes. Des mesures d’incitation sont à entreprendre pour améliorer la production, relancer la promotion, et développer les structures de corporation. Le développement de ce secteur d’activité est tributaire du contrôle de plusieurs facteurs qui entravent son épanouissement : absence de corporation, absence d’une promotion du produit de la part des organismes de tutelle, et surtout le non accès aux services bancaires
112
selon qu’il s’agisse de banques commerciales ou d’organismes de microcrédit. L’organisation des artisans en coopératives dans l’environnement du ksar est une condition pour bénéficier de l’assistance prévue dans le secteur : formation, mise en place d’ateliers collectifs de production, financement à la production, identification des points de vente. Les artisanes du village pourront toutefois s’inspirer du modèle de production du tapis de Taznakht (situé non loin du site), qui a bénéficié de cette assistance et ce tapis est commercialisé à l’étranger sous un label « qualité ». Le label Ksar Aït Ben Haddou - Patrimoine Mondial, associé à un label « qualité » attribué par les autorités de labellisation marocaines serait une valeur ajoutée d’un apport précieux et considérable. D’autre part, une analyse économique des secteurs d’activités pourrait faire ressortir celles qui engendreraient des revenus pour la population qui en est dépourvue ou qui n’en a pas assez pour assurer son quotidien. L’initiative sera laissée à la population de s’investir dans les activités qu’elle juge compatible avec ses aspirations. Il revient aux autorités territoriales et aux acteurs sociaux d’orienter les choix des habitants vers une dynamique de durabilité socioéconomique et non vers des secteurs porteurs à court terme. Il est fort probable qu’on va assister à un engouement vers les métiers liés essentiellement au tourisme – et accessoirement au cinémadonc au secteur tertiaire. Ceci risque d’engendrer des effets défavorables au site et particulièrement au ksar, de développer chez la population un comportement « mercantilisé » occasionné par les effets pervers du tourisme, et de mettre cette population dans une situation d’attente surtout que le secteur du tourisme est volatile et connaît parfois des fluctuations liées à plusieurs facteurs : climat, sécurité, infrastructures défaillantes, réputation altérée, situation géopolitique défavorable, etc. Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que le tourisme a un coût financier (en terme d’investissement public en infrastructures) et environnemental du à la consommation dommageable irréversiblement à l’environnement et le patrimoine. D’autre part, il faut prévoir que le site pourrait subir le phénomène du Cycle d’épuisement (d’un site), engendré par la fréquentation excessive des visiteurs (ceux-ci auraient tendance à chercher d’autres sites touristiques). D’autant plus que le tourisme (source de création d’emploi et d’entrées de devises) ne profite pas uniformément à toute la population, et contribue parfois à creuser les écarts sociaux1. Toutefois, l’initiative prise par de jeunes habitants pour réaliser, à l’intérieur du ksar, un projet de maison d’hôtes (le premier du genre) et un atelier de peinture traduit une prise de conscience
Cf. Partenariat pour les villes du patrimoine mondial : la culture comme vecteur de développement urbain durable, in Cahiers du patrimoine mondial n°9, Ateliers 11-12 novembre 2002 tenus à Pesaro (Italie), Centre du Patrimoine Mondial-Unesco (p.91). 1
113
perceptible chez la jeune génération, ainsi qu’une dynamique d’ancrage qu’il faudra encadrer pour mieux en maîtriser les effets. Il y aura tout un travail à mener en amant et en aval de ce processus, en matière de stimulation, d’incitation, d’accompagnement, de suivi et d’intégration sociale et économique au niveau de la Province (Ouarzazate) et la Région (Souss-Massa-Draa). Les acteurs locaux sont amenés à contribuer à une refonte de l’assiette foncière qui – en raison de sa complexité – bloque toute initiative sérieuse d’investissement ; l’incitation à l’immatriculation des biens fonciers aura certainement un grand apport. Il faudrait par ailleurs que la population soit impliquée dans ce processus. Plus ses apports en capitaux seront importants, plus elle se sentira impliquée et plus performante serait sa contribution. La population sera amenée à développer un esprit entrepreneurial – et non celui de personnes assistées - qui s’inscrirait dans le prolongement de l’esprit communautaire. Il ne faut surtout pas perdre de vue que le développement de cette bourgade doit être synonyme de sauvegarde des valeurs grâce auxquelles le site a gagné sa notoriété. La réhabilitation du site, bien qu’elle soit porteuse d’une nouvelle dynamique sociale, économique, culturelle et scientifique, elle risque par ailleurs – si elle est mal contrôlée - de déboucher sur une structure bipolaire du site : un village dortoir (issiwid) et un village actif (le ksar). Néanmoins, elle aura l’avantage de réanimer l’ancienne structure, sans pour autant dévitaliser le nouveau noyau qui est apte à accueillir de nouvelles structures plus adaptées à son environnement (terrain plat, bordure sur la route, extensibilité). Les initiatives de développement doivent être destinées non seulement aux familles qui s’approprient le ksar mais à l’ensemble de la localité. En conséquence, quelque soient les démarches entamées, il faut que cela aient un effet d’incitation, car les autorités locales ne peuvent se substituer à la population. Celle-ci est en mesure de mener ses projets, et de gérer ses affaires. Il revient aux acteurs institutionnels de structurer les activités porteuses (à moyen et à long terme), d’en amplifier les effets sur le développement local, et de faciliter les actions de la population pour le bon devenir du site.
114
Chapitre 3. Les mécanismes potentiels de gestion Il est de toute évidence que les potentialités du ksar des Aït Ben Haddou, ses impératifs de sauvegarde et de réhabilitation appellent à être gérés de la manière la plus adéquate. La durabilité de sauvegarde et de réhabilitation doit être assurée par les mécanismes de gestion des plus appropriées. En fait, la gestion d’un site du patrimoine mondial tel que le ksar des Aït Ben Haddou se fonde sur une analyse détaillée de son intérêt, tel qu’il a été identifié au cours de la procédure d’inscription. D’après B.M. Feilden et J. Jokilehto, la gestion des sites du patrimoine mondial comprend les éléments suivants : - faire comprendre à tout le personnel du site les valeurs culturelles à préserver sur ce site ; - élaborer des directives spécifiques en fonction de la définition de l’intérêt du site ; - établir un inventaire complet de toutes les ressources culturelles du site ; - organiser des inspections régulières conduites par des professionnels qualifiés et expérimentés, qui rédigeront un rapport officiel ; - élaborer un plan stratégique de maintenance débouchant sur la formulation de projets sur divers éléments qui s’inscrivent dans un programme annuel de travail en fonction de leur priorité ; et - respecter, dans toute intervention, les principes éthiques de la conservation, les recommandations de l’Unesco et les directives contenues dans la charte de Venise1. La gestion au niveau du site en question est la capacité d’assemblage de ces éléments. De ceux-ci se dégagent deux tendances qui se recoupent à plusieurs niveaux : il s’agit de la gestion planifiée et la gestion intégrée. 3.1. La gestion planifiée La gestion planifiée d’un site du patrimoine mondial fait référence à un outil fondamental : le plan de gestion. Il s’agit d’un instrument de gestion destiné à organiser la conservation et à appuyer les actions de développement par rapport à l’environnement du site2. Depuis 2000, le Comité du Patrimoine Mondial ne cesse de réitérer sa recommandation d’élaborer un plan de gestion pour le Ksar des Aït Ben Haddou sous peine d’être inscrit sur la liste du patrimoine
1
Bernard M. feilden et Jukka Jokilehto, Guide de gestion, p.1-2
2
ibid.
115
mondial en péril. En 2001, les acteurs locaux se sont réunis à maintes reprises pour élaborer un plan conforme aux normes de l’Unesco pour qu’il soit finalisé en 2002. Mais cette action n’a pas abouti jusqu’à présent. Ainsi, le Maroc s’est retrouvé confronté à une dernière échéance formulée par le Comité du Patrimoine Mondial (la session de 2004). En dépit de cette sommation, le Maroc a réussi encore à repousser l’échéance1. Dans cette démarche de planification, trois composantes sont à mettre en place : une structure de gestion du Ksar Aït Ben Haddou, un groupe de travail pour l’élaboration du Plan de gestion, et enfin le Plan de gestion proprement dit. 3.1.1. La structure de gestion C’est la structure qui sera chargée de la gestion du site. La commission de gestion du site aura pour rôle de gérer le site, d’assurer son entretien et sa mise en valeur et de conserver les valeurs pour lesquelles il a été inscrit au patrimoine mondial. Elle veillera ainsi à l’application de la Convention du patrimoine mondial. Cette entité potentielle ne comportera au début que les membres désignés à participer au groupe de travail qui sera chargé d’établir le plan de gestion du site; Après il sera constitué une structure plus large qui veillera à l’exécution et au suivi du programme de conservation et de mise en valeur du site conformément au plan de gestion. Indépendamment de la commission qui existait déjà au niveau local et qui avait pour mission d’exercer une surveillance En fait, la planification de la gestion du site remonte à 1990 où une Commission du plan-cadre pour la réhabilitation du ksar des Aït Ben Haddou instituée à l’échelle de la Province pour examiner un document de travail élaboré par le consultant de l’Unesco Jean-Louis Michon en concertation avec le CERKAS. Ce document, qui dressait une première liste des divers éléments devant entrer dans le Plan-cadre de réhabilitation du ksar, comportait 3 grands volets portant sur : - l’aménagement du site et ses accès (pont, voiries..) ; - les infrastructures et les équipements de base (eau potable, électricité, télécommunication..) ; - la réhabilitation architecturale. Jean-Louis Michon rapporte qu’ un consensus semblait atteint sur la démarche à suivre pour permettre à chaque intervenant de préciser la tâche qui lui reviendrait dans l’ action commune, d’ établir des prévisions de dépenses et un calendrier d’opérations, le tout devant être intégré dans un plan global lorsque, pour des « raisons inconnues », le Directeur du CERKAS a cessé de participer au travail de ladite commission, mettant un terme à l’élaboration du Plan-cadre. Cf. Sauvegarde et réhabilitation du ksar Aït Ben Haddou, rapport de mission établi par J-L. Michon pour le Centre du Patrimoine Mondial, Août 2000. 1
116
régulière sur le site1, il a été recommandé de créer une structure désignée par Commission de gestion ou Commission du site du ksar de Aït Ben Haddou composé d’administrateurs et de spécialistes en divers domaines : architecture, patrimoine, droit, géographie, agronomie, urbanisme, économie, etc. Ces compétences techniques et scientifiques émaneront des départements concernés, des collectivités locales, des structures scientifiques et de la société civile. La tâche première de cette commission sera de conserver et de gérer le site. Son rôle consistera notamment à orienter les décisions concernant des points qui peuvent influer sur l’authenticité et la valeur culturelle du site et à déterminer les formes d’entretien, d’action et d’utilisation les mieux adaptés à la nature du site et les plus acceptables pour la population locale. La commission devra se conformer aux chartes et conventions internationales et les appliquer tout en tenant compte des règlements et usages locaux et elle se tiendra en contact avec le Centre et le Comité du patrimoine mondial duquel, en cas de besoin, elle pourra obtenir aide et conseil. La commission de gestion doit être régie par une réglementation appropriée (le cas échéant complété par un règlement intérieur) et d’un budget régulier financé par l’Etat et/ou les collectivités locales (Conseil de la Région, Conseil Provincial, la Commune), et éventuellement par des recettes des droits d’entrée. Les ressources financières reposent sur la capacité des collectivités concernées à fournir le cadre favorable qui garantirait la pérennité de la gestion en termes de crédits de fonctionnement. Une structure autonome vis-à-vis de ces collectivités nécessite un cadre légal et un statut juridique particuliers tel celui d’un établissement public, ou d’une association reconnue d’utilité publique (telle qu’elle a été proposée par le Gouverneur). Dans les deux cas, la procédure de la mise en place est assez compliquée. Néanmoins, les autorités locales sont favorables à ce que le rôle de la commission de gestion du site telle qu’il est proposé par l’expert de l’Unesco soit assumé par deux organes distincts. La formule proposée était la suivante: - un Comité technique provincial ou Conseil de gestion chargé d’élaborer les directives et les orientations de base pour la sauvegarde et la mise en valeur du site. Ce comité aura également le pouvoir de statuer
Durant mon séjour professionnel de trois mois au CERKAS, aucune commission de surveillance régulière, n’a été sur place, ce qui explique un relâchement au niveau de cette action qui, de toute façon, manquait d’efficience et de moyens assurant sa continuité. Cette entité ne pourrait s’occuper de la gestion proprement dite vu qu’elle ne dispose pas d’un statut légal lui permettant de bénéficier de ressources financières. 1
117
sur toutes les décisions concernant l’avenir du site. Ce sera l’organe consultatif. - une association chargée de la mise en application de ces orientations. Elle jouera également un rôle important au niveau de la sensibilisation et de communication. Suite à ces décisions, une commission technique provinciale a été mise en place pour la préparation du dossier de création de cette association qui aspire accéder au statut d’utilité publique. Certains ont proposé que la gestion du site soit confiée au conseil communal. D’autres ont suggéré que l’association existante Aït Aïssa assume cette responsabilité. Il a été soulevé que celle-ci ne représente qu’une fraction ethnique et qu’elle vit des problèmes avec le reste de la population. Le Gouverneur de la Province a proposé alors la création d’une association reconnue d’utilité publique qui s’occuperait de la sauvegarde et la sa mise en valeur du site du ksar Aït Ben Haddou en particulier et de l’ensemble du patrimoine architectural de la province, en impliquant des personnalités influentes. La proposition était ambitieuse mais n’a pas fait l’unanimité de la population. Aux yeux de certains habitants, l’hypothèse d’une telle association animée par des personnes influentes mais étrangères au site (voire même à la région) risque de modifier la nature des préoccupations de la population locale, essentiellement exprimée en termes d’amélioration de conditions de vie et de leur environnement immédiat. Il conviendrait de laisser la gestion proprement dite du site a la commune d’Aït Zineb toute en gardant la première structure qui fera office d’organe consultatif et d’orientation, et doter cette commune de ressources nécessaires à la mise en oeuvre des orientations de la première entité (en termes de financements et de compétences techniques). L’action de la population se situera à deux niveaux : au niveau de la commune par le biais de leurs élus, et au niveau du comité provincial, du fait que les représentants des familles du site soient de droit représentés au sein de cette structure. Dans tous les cas, il faut que la structure de gestion proprement dite du site soit doté de ressources permanentes (budget, personnel, etc.) et conforme à un cadre juridique et institutionnel qui assure sa pérennité et qui favorise pleinement l’association de la population locale à cette gestion. Les autorités locales sont amenées à trouver la formule qui répond à ces deux impératifs. 3.2.2. Le groupe de travail Le groupe de travail est crée au sein de la commission de gestion du site et sera chargé spécialement de l’élaboration du plan de gestion, instrument indispensable pour la conservation des valeurs du site et de sa mise en valeur. Il sera composé d’un bureau et de membres associés. Il serait préférable qu’il soit dirige par un architecte ou aménagiste urbaniste familiarisé avec les problèmes de conservation, de
118
réhabilitation et de gestion des biens patrimoniaux et, si possible, de l’architecture en terre. Une fois le groupe désigné, Une première réunion sera organisée pour informer l’ensemble des membres les objectifs de ce plan et la stratégie adoptée pour son accomplissement. Les différents intervenants seront invités à proposer des projets pour la mise en valeur du site avec estimations des dépenses et de la durée d’exécution. Les rédacteurs se chargeront, avec consultation des autres membres du groupe, d’esquisser une première version du plan de gestion qui sera soumise à la Commission de gestion et éventuellement au Centre du Patrimoine Mondial. Il est envisagé que la préparation du plan de gestion soit confiée à un expert ou un bureau d’études spécialisé, mais cette démarche est en mesure de mobiliser des crédits et engendrer des dépenses (lancement d’un marché) et risque de ne pas impliquer les acteurs pertinents (population locale, élus, universitaires, compétences techniques locales..). 3.2.3. Le plan de gestion Le plan de gestion vise à organiser les activités sur le site et à maintenir l’équilibre des fonctions. Il s’agit d’un document par lequel les collectivités locales (régionales, provinciales, et communales) et les autorités déconcentrées (administratives, techniques et scientifiques), s’engagent à mettre en œuvre des projets identifiés ; ce qui suppose un diagnostic précis, une identification des actions, des financements garantis et des responsabilités bien déterminées, ainsi que l’existence d’un mécanisme de sauvegarde approprié. Dans le cadre de la préparation de ce document, le CERKAS a procédé à l’inventaire de toute la documentation relative au site, en prospectant les documents et les archives disponibles. Il était question d’entamer les étapes suivantes : -Relevé du site (topographique, architectural, photogrammétrique) ; -Description du site et définition de ses limites ; -Identification et estimation des valeurs du site (historiques, architecturales, communautaires, économique, culturelles, etc.) ; - évaluation de la dynamique démographique et économique; - description des modes de production et de gestion des terres ; - description des régimes fonciers ; - identification des facteurs affectant le site ; Les étapes majeures d’élaboration du plan de gestion proprement dit se présentent selon un calendrier tel qu’il a été proposé en 2000 par le consultant de l’Unesco J-L.Michon: - le groupe de travail, en examinant les plans d’actions sectorielles, procèdera aux ajustements nécessaires pour réunir dans un Avantprojet de plan de gestion. - L’avant-projet est adressé au président de la Commission de gestion et au Centre du Patrimoine Mondial pour observations et suggestions éventuelles.
119
- les dernières rectifications sont effectuées, à la lumière des observations formulées, pour la rédaction finale du Plan de gestion. - la version finale est achevée sous forme de maquette, assortie des illustrations nécessaires. Elle doit être imprimée et diffusée à travers les canaux de communication. Les exigences de forme du Plan de gestion feront référence à: - la formulation d’objectifs et évaluations des contraintes ; - la définition de projets ; - la désignation des sources sûres de financements ; - la désignation des maîtres d’ouvrages ; - l’établissement du plan annuel (plan de travail : gestion, entretien régulier, etc.); - le programme d’action à moyen terme (dans 5 ans) - le programme d’action à long terme (le cas échéant de 5 ans à 30 ans) - les modalités d’exécution des travaux ; - l’évaluation des besoins en compétences et de personnel ; - les modalités d’établissement de rapport, d’examen de résultats et d’évaluation de l’impact des projets réalisés; - les modalités de révision des plans (annuels, à moyen terme et à long terme) - la description du procédé de stockage des informations et des données ; - le mode de gestion des visiteurs; - l’identification des interventions minimes; - la désignation de la structure de gestion; - la programmation de la recherche sur le site; - le mode de promotion et de valorisation culturelle du site ; - la révision de la description du site et réévaluation ; - la modalité de participation de la population locale dans la gestion. Elles doivent être classées en section thématiques et le cas échéant en sous-sections. Quant à celles du fond, elles doivent mettre en évidence: la méthodologie adoptée dans l’élaboration du Plan; le niveau de faisabilité par rapport au contexte social, économique, juridique et institutionnel; l’adaptabilité et la conformité avec les plans urbains, notamment: le SDAU du Grand Ouarzazate, le PDAR de la Commune d’Aït Zineb, ainsi que le Plan d’Aménagement de la Commune Rurale d’Aït Zineb (en cours de préparation par les services de l’Agence Urbaine d’Agadir). Il s’agit en fin de compte d’un document où tous ses éléments sont réunis. D’un autre côté, le plan de gestion devra permettre de faire ressortir une méthode de travail qui consiste à programmer les actions à entreprendre annuellement ; à moyen et à long terme : respectivement dans 5 ans, et jusqu’à 2020 ; date qui correspond à l’horizon du SDAU du Grand Ouarzazate. En outre, il prendra en considération les documents urbains en vigueur et se conformera aux chartes et aux conventions internationales en matière de conservation de patrimoine.
120
Par ailleurs, et au vu de l’évolution des différents paramètres, le plan de gestion doit être périodiquement réactualisé et réévalué. Malheureusement, au stade où nous en sommes, le plan de gestion est encore en gestation et affronte de nombreuses difficultés. Il est loin d’être prêt avant la prochaine session (2005), voire même pas avant celle de la session d’après (2006). Néanmoins, la planification de la gestion du site du Ksar Aït Ben Haddou - en termes de sauvegarde, protection et réhabilitationsoulèvent des questions récurrentes relatives notamment : au financement de la gestion, au rôle du CERKAS, à la participation de la population du site. Vu la fréquentation du site par un nombre important de visiteurs, le ksar est amené à engendrer des recettes de visite à l’instar de nombreux biens patrimoniaux dont l’accès est payant à l’image – non loin du site – de la Qasba de Taourirt située dans la ville de Ouarzazate. Il est vrai que ce bien est la propriété de la municipalité de la ville, mais cela n’empêche pas le ksar – avec les statuts fonciers qui le régissent- de bénéficier de recettes de visites. Il reste à trouver un consensus au niveau des propriétaires fonciers, sur la formule de collecte qui convient, sur la structure qui sera chargée de la collecte (la Commune ou le Fond national de l’action culturelle/FNAC) et sur le régime de distribution adéquat de cette ressource. A ce titre, Le prix du billet de rentrée doit être étudié et abordable aussi bien pour les visiteurs nationaux qu’étrangers. D’autre part, le plan doit faire mention des interventions régulières que la structure de gestion doit envisager. Il s’agit de repérer d’abord les points-clés (une tâche qui revient à la structure de sauvegarde) sur lesquels il faudra des interventions légères et régulières, sans avoir à recourir à des opérations de restauration qui engendrerait des dépenses importantes (voir section sur l’approche préventive de la gestion). Il est, par ailleurs, essentiel de veiller à ce que le site soit documenté systématiquement avant, pendant et après toute intervention. Une fois qu’une intervention a eu lieu, ce qui a été modifié est perdu pour toujours si la documentation n’a pas été convenablement réalisée. La documentation est une activité permanente pendant tout le processus de la gestion du site. 3.2. La gestion intégrée La gestion intégrée des sites patrimoniaux fait souvent référence à la conservation intégrée ; une notion qui revient souvent dans la littérature relative aux méthodes contemporaines de conservation des biens patrimoniaux situés dans des contextes aussi bien urbains que ruraux. Les biens ne sont plus considérés individuellement ou indépendamment du contexte où ils se situent et évoluent. Tous les éléments de du contexte (physique, naturel, économique, social, etc.) sont pris en compte dans les actions rapportées aux biens patrimoniaux.
121
Dans le cas du Ksar Aït Ben Haddou, la gestion intégrée aura tendance à privilégier cette approche, celle de la conservation intégrée : 3.2.1. Approche des paysages culturels Cette approche a tendance à être privilégiée dans la gestion des sites patrimoniaux. Elle favorise une conception du patrimoine comme système intégré où la relation entre les parties a plus d’importance que les parties elles-mêmes. L’approche conventionnelle du patrimoine s’attache à l’état de conservation de caractéristiques et d’éléments particuliers des biens. Une approche du paysage culturel privilégie les processus essentiels qui ont modelé – et continuent de modeler – le caractère du paysage. Nombreux sont les paysages culturels qui continuent à évoluer : la difficulté, pour les gestionnaires, est alors de guider le processus de telle sorte que les qualités essentielles du lieu perdurent1. Dans un chapitre précédent, il a été question de reconsidérer les valeurs du ksar des Aït Ben Haddou s’il est perçu dans sa double dimension : matérielle et immatérielle. Le paysage culturel parait à ce titre le qualificatif adéquat. L’approche des paysages culturels soulève une question majeure par rapport à la gestion des sites patrimoniaux : quel est l’intérêt de cette approche dans la gestion d’un site tel que le Ksar Aït Ben Haddou ? La gestion des paysages culturels met en valeur les techniques traditionnelles de gestion en matière de ressources naturelles et d’utilisation des terres. Des mécanismes qui ont su préserver l’équilibre écologique des sites, ainsi que l’interaction entre l’homme et son environnement. La qualification des sites patrimoniaux de paysages culturels offre de nouvelles opportunités devant les gestionnaires de réhabiliter ces modes de gestion et de restaurer l’équilibre qui a tendance à s’effondre. La gestion d’un paysage culturel passe forcément par la participation de la population qui est concernée en premier lieu. C’est ce qui a marqué justement l’histoire du ksar et le processus de sa survie dans un environnement aussi fragile. Les processus de conservation et de gestion des paysages culturels réunissent des individus soucieux de leur identité et de leur patrimoine collectif, créant dans un contexte communautaire une vision partagée
Cf. Paysages culturels : les défis de la conservation (en anglais seulement), Centre du Patrimoine Mondial, 2003 (p.173). Sur le sujet, voir également Gérard CHOUQUER, Patrimoine et paysages culturels. Actes du colloque international de Saint-émilion (30 mai-1er juin 2001). Coll. Renaissance des cités d'Europe Éditions Confluences, octobre 2001 (synthèse des interventions diffusée sur Internet). 1
122
de responsabilité, de solidarité et de gestion commune. C’est le cas, entre autres, des communautés issues du Ksar Aït Ben Haddou. L’approche des paysages culturels dans la gestion du site en question profite largement au ksar et son environnement, dans la mesure où la population locale aura un regain de confiance de la part des pouvoirs locaux. Elle doit par conséquent s’impliquer dans tous les aspects de l’identification, de la planification et de la gestion de ce lieu. D’autre part, La formation et le renforcement des capacités sont des éléments-clés pour une gestion et un suivi efficaces de ce site. De nouvelles approches de la formation à la gestion du territoire et des paysages, comme celles de l’ICCROM, sont recommandées pour les gestionnaires du site du Ksar Aït Ben Haddou. L’ICCROM met à la disposition des gestionnaires un programme de formation intitulé ITUC (Conservation territoriale et urbaine intégrée), lancé en 1995. L’ITUC est précisément centré sur l’intégration du patrimoine culturel dans la gestion durable des établissements urbains et ruraux. Le volet territorial du programme aborde une large série de sujets, dont des stratégies pour le développement des paysages vivants, et la gestion des sites dans les paysages conçus intentionnellement et les paysages reliques. L’accent est mis sur la gestion durable des valeurs patrimoniales des paysages dans le contexte de la diversité des cultures et des pratiques traditionnelles existantes dans le monde. En novembre 2002, l’ICCROM a commencé un cours de formation d’un mois destiné à 18 experts internationaux en la matière, première activité de formation de l’ICCROM exclusivement consacrée aux paysages culturels. L’ICCROM espère pouvoir mettre à la disposition de toutes les institutions et agences de formation les leçons d’aménagement du programme apprises durant le cours, après expérimentation et finalisation1. Le Maroc aura intérêt à intégrer le programme en question pour en assurer une large diffusion au niveau national, au sein des gestionnaires des sites ayant des similitudes avec les paysages culturels conventionnels. A défaut, il faut envisager le recours aux services du Centre international pour les paysages culturels qui propose un programme de formation pour les gestionnaires de sites de la région arabe, mis en place au Parc national du Cilento (jumelé au site archéologique de Volubilis)2.
id., p.177. 2 id., p.180. 1
123
3.2.2. Gestion de proximité : l’antenne locale du CERKAS La création d’une antenne du CERKAS sur le site de Aït Ben Haddou a pour objectifs : - la participation à la réhabilitation du ksar ; - la mise en valeur culturelle du site ; - la mise en application des recommandations du Centre du Patrimoine Mondial ; - le contrôle de proximité du site ; - assistance de la population locale à la restauration des constructions en terre ; - la sensibilisation du public à l’intérêt patrimonial du site ; - une meilleure information des visiteurs. Cette idée a été évoquée par un certain nombre d’experts auparavant. Mais le statut foncier des propriétés a bloqué toute possibilité d’intervention dans les bâtiments en vue de leur réutilisation. Il est à rappeler que les dernières enquêtes réalisées sur le site et les différents contacts avec la population locale montrent que la plupart des propriétaires refusent toute sorte de transaction ou même de partenariat. En 2001, un des habitants s’est montré favorable à la vente de sa propriété et a proposé une offre de prix. Un dossier détaillé a déjà été transmis au Ministère pour étude (plans, reportage photographique et acte de propriété). A noter qu’une seule maison a été déjà été vendue jusqu’ici dans le vieux ksar et concerne un projet de création d’une coopérative de tissage. Le projet de création d’une antenne du CERKAS sur le site du Ksar Aït Ben Haddou présente à priori, une volonté de proximité, mais il comporte le risque de disperser davantage les moyens réduits dont dispose le Centre, à moins que le personnel du centre soit renforcé par le ministère ( ce qui lui permet une disponibilité sur le site), ou bien dans une perspective d’autonomie du CERKAS, il soit en mesure de recruter du personnel ayant le profil adéquat et l’affecter sur place, ou du moins accueillir des agents de la commune ou de la société civile désireux de travailler au service de cette structure. 3.2.3. Approche préventive : la gestion du risque L’approche préventive de la gestion du patrimoine consiste à effectuer des actions de prévention, régulières et ponctuelles sur des points précis (dits points clés). Ces interventions sont assez minimes, mais sont susceptibles d’assurer durablement la conservation de biens fragiles. Ces interventions sont pertinentes dans la mesure où elles ont fait preuve de succès dans de nombreux cas ; elles sont peu coûteuses comparées aux opérations de restaurations de grande envergure (où
124
l’intervention est curative), car elles sont échelonnées dans le temps, donc supportables en termes de dépenses. Le CERKAS, vu l’expérience qu’il a pu cumuler depuis sa création, est en mesure d’intégrer cette composante dans sa démarche de sauvegarde du ksar en repérant les points clés (jugés extrêmement vulnérables et/ou potentiellement porteurs d’élément de consolidation) afin de mener des opérations d’entretien régulier avec le concours de la population et l’autorité locale. D’autre part, cette approche fait référence à la notion du risque sur les biens patrimoniaux. La gestion du risque – expression empruntée du langage des affaires - est devenue de plus en plus sollicitée dans la gestion des sites du patrimoine mondial en raison d’une part, de leur complexité (les centres urbains), la vulnérabilité de leurs composantes (structures en terre ou en bois) et la fragilité de leur équilibre (les paysages culturels) ; et d’autre part, en raison de leurs enjeux pour l’humanité. Les sites du patrimoine, de ce fait sont jugés – à des nuances près – des zones à risque. Dans le cas du Ksar Aït Ben Haddou, le risque relève de deux facteurs majeurs : naturel et humains (voir la sous section : 3.4.2. Les facteurs affectant le site, à la Deuxième Partie). Le risque est classiquement défini comme l’événement aléatoire pouvant entraîner des dommages ; sa réalisation est ainsi génératrice de pertes pour les organisations et les collectivités1. Il est défini également comme étant un évènement prévisible ou imprévisible à fréquence plus ou moins faible mais de grande gravité2. Le risque est dit majeur lorsqu’il s’agit d’un événement déstabilisant pour une collectivité donnée3. La notion du risque est fondée sur trois composantes essentielles : 1. l’aléa : la probabilité d’un événement qui peut affecter les collectivités et les systèmes qui les régissent ; 2. les enjeux : il s’agit des personnes, des biens, et l’environnement menacés par le risque majeur, susceptibles de subir des dommages ou des préjudices. Ils sont donc de quatre ordres : humains, sociaux, économiques et écologiques ; 3. la vulnérabilité : c’est la mesure des conséquences dommageables de l’événement, sur les enjeux en présence4.
C. Marmuse & X. Montaigne, Management du risque, coll. Vuibert Entreprise, Paris, 1989 (p.45) 2 Le risque majeur, coll. Le livre général, Secrétariat d’Etat chargé de l’Environnement et de la Prévention des Risques technologique et naturels majeurs, s.d. (p.7) 3 id. p.8 4 id., p. 24 1
125
L’aléa associé à la vulnérabilité des enjeux (personnes, biens ou autres) est un risque, et la probabilité de se réaliser suppose une prédisposition à réagir et en détermine la nature. La connaissance du risque suppose à priori la connaissance des phénomènes dont découle l’aléa, et d’autre part, la connaissance des enjeux pour évaluer l’impact du risque et établir des priorités d’intervention. Quel que soit le domaine dans lequel elle se réalise, la gestion du risque comporte fondamentalement deux dimensions complémentaires. La première concerne ce que l’on pourrait qualifier de gravité ou de conséquence préjudiciable associée au risque (quantifiée socialement, économiquement et financièrement). La seconde est relative à la décision prise face au risque et le coût associé à cette décision. En matière de patrimoine mondial, cette approche devient de plus en plus sollicitée. A ce titre, l’ICORP (Conseil International pour la Préparation aux Risques) offre un cadre institutionnel de réflexion et d’intervention dont les professionnels du patrimoine (national ou mondial) doivent s’inspirer. L’ICCROM – de son côté- propose des programmes de formation périodique en matière de gestion du risque dans le cadre de son programme ITUC. Dans le contexte marocain, la gestion du risque est liée le plus souvent à la gestion des entreprises. En matière d’urbanisme et d’aménagement de l’espace, elle commence à intégrer la conception des urbanistes et des aménagistes, alors que chez les conservateurs du patrimoine, elle n’est pas encore à l’ordre du jour de leur démarche bien que le risque fait partie de leur quotidien. A titre d’exemple, le Département gouvernemental chargé de l’Urbanisme et de l’Aménagement du Territoire – doté d’une Direction de la Surveillance et de la Prévoyance des Risques – emploie désormais le terme des zones sensibles au lieu des zones à risque pour désigner l’ensemble des espaces soumis à des aléas naturels et/ou technologiques, à fort enjeux humains et économiques, et aussi les secteurs qui méritent d’être individualisés et valorisés de part leurs intérêts économique, patrimonial et environnemental, et leur sensibilité face à l’action humaine1. Cette définition évoque les sites à vocation spécifique (voir la section 3.4. de la Première Partie) dont le site du Ksar Aït Ben Haddou fait partie. La gestion du risque au niveau du Ksar Aït Ben Haddou repose essentiellement sur l’identification des facteurs de risque et sa localisation, la détermination de leur impact une fois le risque réalisé, la probabilité de sa réalisation, et la démarche à suivre au cas où il devient réel. L’identification des points vulnérables au risque est une étape
Aïcha Benkirane et Abdelghani Tayyibi,« Stratégie du département de l’urbanisme en matière de gestion de risques », intervention aux Ateliers nationaux sur les risques majeurs organisé à Rabat les 26 et 27 février2003 (diffusée sur Internet). 1
126
fondamentale dans la gestion du risque. Ces éléments peuvent s’apparenter souvent aux points clé (signalés plus haut) qui peuvent servir d’indicateurs clés sur l’état de conservation du ksar. Les indicateurs clés sont des témoins (généralement en matière plastique tel le plâtre) utilisés pour mesurer l’évolution des fissures sur les structures, ou bien fondées sur des observations visuelles directes des fissures, des glissements de terrain, des affaissements de rochers, de la salinité des sols et de l’érosion1. Il faut tenir compte également des risques comportementaux émanant des visiteurs ou dus à des mutations sociales dont l’abandon constitue un risque majeur. Il ne faut surtout pas perdre de vue que, si la fréquentation des visiteurs présente une opportunité pour l'économie de la localité, il n’en demeure pas moins un facteur de risque pour le ksar, et qu’il faut savoir prendre en compte. À ce titre, l’institution des droits de visite du ksar (billetterie) serait en mesure de quantifier la fréquentation et d’en évaluer le risque. Mais il faut avant tout, établir une grille d’analyse des risques (inspirée des facteurs affectant le bien) qui sera la référence en matière de détermination des coûts de gestion, de la capacité d’intervenir, et des actions prioritaires. Le tableau ci-dessous illustre les facteurs affectant les sites du patrimoine mondial, et sur lequel peut se fonder la grille d’analyse des risques relative au Ksar Aït Ben Haddou (fig.17). Globalement, la gestion des deux typologies de risques (naturel et humain) doit être conçue sous deux angles : celui du risque majeur, et celui lié à la fréquentation des visiteurs. Les gestionnaires du site auront un intérêt à intégrer dans un premier temps cette composante, et la développer par la suite. Ceci développera certes la sensibilité par rapport au devenir du ksar, ce qui va minimiser les pertes et du coup, réduire les coûts de gestion (en termes d’intervention).
Rapports périodiques et programmes régional : Etats arabes 2000-2003, Centre du Patrimoine Mondial-Unesco, 2004 (p.47). 1
127
Origine des facteurs de risque
Pressions du développement
Contraintes d’environnement
Catastrophes naturelles
Pressions visiteurs ou tourisme : - Fréquentation -Accessibilité dans le site -Pressions par le tourisme -Equipements touristiques
Nature des risques Intégrité visuelle -Pressions urbaines et constructions illicites -Déforestation -Terrains en friche devenant décharges -Régression des jardins (à l’intérieur et/ou autour du site Intégrité structurelle -Infrastructure mal intégrée - Incendies -Déplacement de populations ou refus d’intégration Intégrité fonctionnelle -Activités industrielles polluantes -Soukisation (envahissement des activités artisanales, commerciales et autres..) -Abandon des cultures sèches -Pâturage dans le site - Pollution de l’air -effets éoliens -Vents de sable -Avancée de dunes -Tarissement des sources -Perte d’espèces animales - Séismes - Pluies violents et inondations* - Erosion et corrosion par eau de mer - Vagues intempestives sur falaise - Glissement de terrain* - Sécheresse* - Chutes de pierre de la falaise.* - Piétinement des vestiges -Déchets et ordures -Vandalisme, pillage, vols -Augmentation de l’insécurité -Manque d’infrastructures touristiques*
Fig. 17– Typologie des risques sur les sites du patrimoine mondial (Inspirée des facteurs affectant les sites du patrimoine mondial, in Rapports périodiques et programmes régional : Etats arabes 2000-2003, Centre du Patrimoine Mondial-Unesco, 2004.
128
3.2.4. Approche cartographique de gestion : l’apport du SIG Les nouvelles technologies de l’information sont devenues très sollicitées par les gestionnaires du patrimoine. Le recours à ces outils de gestion est impératif dans la mesure où il permet un meilleur stockage de l’information, sa diffusion à une grande échelle, l’accès à l’information de n’importe quel endroit, et le travail en réseau (basé sur l’échange des informations). L’exploitation de ces outils de travail dépend de la capacité des gestionnaires (décideurs et acteurs directs en matière de gestion) à investir dans les outils informatiques et à en tirer le meilleur profit. L’une des dernières avancées dans le domaine du patrimoine est l’application de systèmes informatiques liés à l’espace. Ils sont désignés par le terme de Système d’Information Géographique ou SIG. Le SIG consiste à associer des données informatisées (de tout genre) à des données cartographiques ou spatiales. Les systèmes d’information géographique peuvent être constitués pour répondre à des demandes spécifiques et assez variées ; à titre d’exemple, l’étude des phénomènes statiques ou dynamiques dans une aire spatiale donnée. Le SIG est le plus souvent appliqué à l’urbanisme et à l’aménagement du territoire. La mise en œuvre du SIG fait appel à trois niveaux d’information. Dont le premier est toujours de nature cartographique, les autres niveaux dépendent de la nature des données à gérer. Comme le système standard n’existe pas, il faut les adapter selon les objectifs fixés. Ainsi, l’application du SIG dans le patrimoine peut s’adapter à des domaines variés selon qu’il s’agisse de la gestion de centres historiques, de la gestion du patrimoine architectural spécifique dans une aire géographique étendue, de la gestion des musées à l’échelle nationale, de la gestion des bibliothèques ou des fonds d’archives à une échelle régionale donnée, etc. Toutefois, les systèmes du SIG ont en commun des fonctionnalités que l’on retrouve dans chaque système ; elles sont regroupées en 5 familles sous le terme des « 5A », à savoir : Abstraction, Acquisition, Archivage, Affichage et Analyse1. a. Le contexte international : le SIG appliqué au patrimoine mondial On assiste aujourd’hui à la diffusion des outils informatiques gérant l’information géographique pour l’analyse et la gestion des territoires et des sites patrimoniaux. L’utilisation de ces outils est en plein essor aussi bien dans les collectivités territoriales, que dans les organismes qui s’intéressent à des problématiques de gestion du territoire et sa composante patrimoniale (patrimoine architectural,
Patrick Marmonier, L’information géographique, document de l’Ecole Nationale des Sciences Géographiques, ENSG (France), 2002 (diffusé sur Internet). 1
129
urbain, paysager, et archéologique). Le recours au SIG est en vogue actuellement. En 2002, la Convention pour la protection du patrimoine mondial, fêtait son trentième anniversaire. C’était l’occasion de dresser un bilan en matière de conservation et de gestion. Un cycle de conférences virtuelles a été organisé par l’Unesco dans sept villes différentes qui ont formé un Congrès virtuel sur le thème « Le patrimoine mondial à l'ère numérique ». Entre la mi-octobre et la mi-novembre 2003, à Alexandrie, Beijing, Dakar, Mexico, Paris, Strasbourg et Tours, des centaines de participants venus d'univers géographiques et professionnels différents tenteront de définir ensemble comment tirer le meilleur parti des nouvelles technologies de l'information et de la communication pour mieux gérer les sites du patrimoine mondial. Deux conférences ont porté sur le thème du SIG : Alexandrie (« Cartographie de la gestion du patrimoine : système d'information géographique (SIG) et multimédia »), et Mexico (« La gestion du patrimoine des centres historiques : planification pour l'usage mixte et l'équité sociale »). Elles s’articulaient autour de l’application du SIG à la gestion des sites, et les moyens de pouvoir en tirer le meilleur parti, en matière d’aménagement des espaces géographiques, de gestion des facteurs dynamiques affectant les sites (immigration, urbanisation, croissance démographique, risques, etc.). Au niveau de la Région des pays arabes, un atelier s’est tenu en Egypte (Le Caire, 18 février-4 mars). Il s’inscrivait dans le cadre du projet de « Développement des capacités de gestion de l’information sur les sites du patrimoine mondial dans la région des Etats arabes » conçus en collaboration avec les autorités flamandes et le Fonds en dépôt UnescoFlandres de soutien aux activités de l’Unesco. Il était organisé avec le Centre de documentation du patrimoine culturel et naturel (CULTNAT) et le Conseil Suprême des Antiquités. 13 participants – dont le Maroc, représenté par un conservateur issu du CERKAS – ont été formés à l’utilisation des technologies de l’information (SIG, GPS, photogrammétrie, stations totales..) pour recueillir des données et des informations, produire des modèles et des cartes en 3D et mettre en place des systèmes de surveillance dans le but d’améliorer la préservation et la gestion des sites du patrimoine mondial dans la Région des Etats arabes1. b. L’application du SIG au patrimoine architectural des vallées présahariennes : l’expérience du CERKAS (20002005) Depuis 2000, le CERKAS mène un programme intitulé : « Inventaire par photographie aériennes du patrimoine culturel de la Vallée
Cf. Rapports périodiques et programmes régional : Etats arabes 2000-2003, Centre du Patrimoine Mondial-Unesco, 2004 (p.54) 1
130
du Draa » en collaboration avec l’institut de Photogrammétrie de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (Suisse) et le Bureau d’Architecture et d’Urbanisme Hans Hostettler de Berne (Suisse). Il est financé par le Ministère marocain de la Culture et la Direction du développement et de coopération du Département Fédéral des Affaires Etrangères de la Confédération Helvétique. C’est un programme unique en son genre à l’échelle nationale au niveau des services du Ministère de la Culture. Il s’agit d’un programme scientifique fondé sur un système d’information géographique (SIG). Le programme a été défini en termes de champs d’intervention (vallée du Draa), de durée et de calendrier d’exécution (2000-2005)1.
Le descriptif du système d’information géographique (SIG) appliqué à l’inventaire du patrimoine culturel de la vallée du Dràa, est publié par : Mohamed Boussalh, « Conception d’un système d’information géographique pour l’inventaire du patrimoine culturel de la vallée du Dràa », in Patrimoine culturel marocain, Publication de l’Université Senghor sous la direction de Caroline Gaultier-Kurhan, Ed. Maisonneuve & Larose, Paris, 2003 (pp.411-429). Pour des raisons d’éthique professionnelle, les détails de ce programme ne seront pas développés dans ce volet. 1
131
Fig. 18 - Carte de la vallée du Draa (Extrait de la Carte Michelin, 1:1.000.000) Il est à signaler qu’un projet pilote a déjà été réalisé dans le courant des années 1999 et 2000 et a permis d’inventorier 58 villages communautaires (Ksour) répartis entre Ouarzazate, Agdz et Zagora sur la base des photographies aériennes. L’objectif général du programme est non seulement la saisie systématique des monuments historiques de la vallée du Draa mais également une contribution à la conservation et à la réhabilitation d’un certain nombre de ces monuments. Cet inventaire devrait aussi servir comme modèle pour un inventaire global du patrimoine architecturel du sud marocain. Cette démarche s’inscrit dans une perspective globale qui permettra l’accès à l’information dans le but de faciliter la prise de la décision, en matière d’aménagement géographique, de développement du tourisme, de développement des activités économiques porteuses, d’identification des ensembles en péril nécessitant des interventions d’urgence, et d’identification des facteurs de risque. En outre, cet inventaire permettra au CERKAS de disposer d’une banque de données qui favorisera la recherche scientifique et historique.
132
La méthodologie adoptée est la collecte sur le terrain des données historiques, sociales, ethnographiques ; ce travail de terrain est complété par des relevés architecturaux (plans croquis, etc.) et photographiques. Ensuite, on procède par la digitalisation des données recueillies sur le terrain à l’aide de MicroStation (logiciel de dessin assisté par ordinateur/DAO). Les données graphiques sont transposées sur une photographie aérienne du site restituée et numérisée (Orthophoto) à l’aide du MGE (Modular GIS Environnement). Il convient de signaler que les photographies aériennes sur lesquelles est fondée la numérisation des données graphiques datent de 1977, ce qui rend évident les missions de terrain pour constater les altérations des tissus et des structures et les modifications de l’occupation de l’espace réalisées depuis cette date. Les autres types de données sont organisés sous forme de bases de données constituées de tables (à base d’un catalogue de critère approprié).
Fig.19- Modèle d’une orthophoto (la Qasba de Taourirt/ CERKAS)
133
Digitalisation du périmètre Fig.20 : Digitalisation des différents niveaux de dessin à l’aide de MicroStation (la Qasba de Taourirt/CERKAS ) Le lien entre les donnés graphiques (cartographiques et architecturales) et la base de donnée est assuré par l’outil Engineering Links qui permet de stocker une quantité importante d’informations (texte, plans, photos, etc.) et les visualiser en mode HTML. La recherche de l’information est formulée sous forme de requête (fig. 21 et 22).
Fig.21 - Requête indiquant les bâtiments alimentés par le réseau public en eau potable à la Qasba de Taourirt (CERKAS)
134
Fig.22 - Requête illustrant le schéma de voirie d’un ksar (CERKAS) Le choix du logiciel MGE parait judicieux dans ce sens, qu’il répond aux exigences de modélisation notamment en 2D et 3D. Néanmoins, il présente un aspect relativement complexe. Il est vrai qu’il offre beaucoup de possibilité et une grande flexibilité dans l’introduction et la gestion de l’information1, mais il soulève le problème d’harmonisation avec les logiciels appliqués dans les SIG au Maroc : notamment l’ArcView qui est fortement recommandé par les utilisateurs. Ce logiciel est même utilisé dans le SDAU du Grand Ouarzazate faisant de cet outil de planification l’un des rares documents urbains où est utilisé le SIG à l’échelle nationale. Etant donné que le programme en question n’intervient actuellement que sur la vallée du Draa, le Ksar Aït Ben Haddou n’est pas concerné par cet inventaire. Il appartient à l’équipe du CERKAS dans un futur proche d’intégrer le ksar en question dans sa démarche même s’il ne fait pas partie du programme, ni du champ spatial où s’inscrit ce programme. Le site du Ksar Aït Ben Haddou gagnerait énormément à être approché grâce à l’application du SIG dans la démarche transversale et intégrée de sauvegarde, de réhabilitation et de gestion. Ayant acquis un savoir-faire en la matière, le CERKAS est en mesure de mener une approche si pertinente pour le site, afin de servir d’outil de planification et de gestion en matière de prise de décision et de monitorage par rapport au ksar et son environnement, et de servir
1 Cf. Mohamed Boussalh, « Conception d’un système d’information géographique pour l’inventaire du patrimoine culturel de la vallée du Dràa », in Patrimoine culturel marocain, Publication de l’Université Senghor sous la direction de Caroline Gaultier-Kurhan, Ed. Maisonneuve & Larose, Paris, 2003 (p.419)
135
Êventuellement de modèle pour les gestionnaires des 7 autres sites du patrimoine mondial existant au Maroc.
136
CONCLUSION
Jacques Majorelle (1930)
D
epuis son adoption en 1972 par la Conférence générale de l’UNESCO, la Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel exerce toujours une influence prépondérante dans la préservation du patrimoine culturel et naturel de notre planète, et ce dans toute sa diversité. Dans cette dynamique internationale, il ne s’agit pas simplement de préserver les témoins du passé, mais plutôt de faire en sorte que la protection du patrimoine s’accompagne d’un développement qui respecte, au lieu d’anéantir, les ressources de l’humanité et de la nature. Néanmoins, la Convention qui est le fondement du patrimoine mondial est toujours à la quête de nouveaux adhérents (Les iles Cook sont les derniers en date à avoir ratifié la Convention en janvier 2009) et cherche encore à être bien assimilée par de nombreux pays. L’Unesco cherche également à rendre la Liste plus crédible car celle-ci dénote de loin une répartition non équilibré au profit des pays du Nord (l’Europe notamment). La Convention présente toutefois, des limites majeures qui se constatent à deux niveaux : Au niveau du concept même du patrimoine mondial dont la qualification sur un bien n’est effective que si celui-ci figure sur la Liste. C’est dire que le patrimoine mondial est un concept plus réducteur et moins fédérateur, qui reste subordonné à l’inscription. Laquelle inscription émane à priori des Etats signataires plutôt que des détenteurs réels du patrimoine en question, qui se retrouvent le plus souvent en position de «copropriétaires» sans le savoir. L’appropriation (élément de définition du patrimoine souvent évoqué) d’un site ou d’un bien à une échelle universelle est de ce fait artificielle. Au niveau de biens ayant un caractère exceptionnel mais ne figurant pas sur la Liste car l’action de la Convention est confrontée à la souveraineté des Etats. L’inscription sur la Liste demeure foncièrement tributaire du bon vouloir des collectivités nationales. Elle se heurte d’autre part, à la résistance de certains pays à vouloir inscrire des biens sur la Liste : le cas de la Syrie ici – par rapport au Crac des Chevaliersest assez éloquent. Néanmoins, elle a fait preuve d’une grande souplesse quant à l'inscription de Jérusalem, alors que la souveraineté sur le lieu est un objet de conflit historique. Force est de dire que l’Unesco ne cesse d'encourager les pays à proposer des biens en vue de les classer dans le patrimoine mondial. Jusqu’à présent, la Convention profite aux pays qui ont su en faire bon usage. Cependant, par rapport aux contraintes qui entravent l’action de l’Unesco, les avancées de la Convention depuis 1972 sont plus importantes. Elle a d’abord anticipé d’au moins deux décennies des réflexions actuelles qui s’articulent autour des thèmes tels l’authenticité (Document de Nara en 1994), et les liens indissociables entre le culturel et le naturel, entre l’humain et l’environnemental ; ce qui a révélé les prémisses de deux concepts d’actualité qui ont marqué la paysage patrimonial de cette dernière décennie ; à savoir le concept des paysages
138
culturels (les Orientations) et celui du patrimoine immatériel (Convention de 2003 sur le patrimoine immatériel). Ces Avancées ne pouvaient être réalisées sans un instrument normatif qui a su accompagner l’évolution de ces concepts. La Convention de 1972 a trouvé dans les Orientations la solution qui répond aux aspirations de ses auteurs. Lesquels auteurs ont su consacrer des valeurs d’universalité sans pour autant s’apparenter à la mondialisation. Les valeurs du patrimoine mondial sont devenues le refuge des sociétés moins avancées mais riches sur le plan culturel : la solidarité des nations au lieu de la concurrence, l’entraide à la place de la défense d’intérêts, la diversité au lieu du modèle unique. La Convention de 1972 – au même titre que les Recommandations et les Chartes qui découlent de l’Unesco – n’est pas une fin en soi, mais un modèle de bonne gestion des sites qui appartiennent aux collectivités nationales, qu’elles soient signataires ou pas de la Convention. Elle encourage non seulement l’adhésion à ses principes, mais également le développement de deux domaines inhérents à la bonne gestion : la formation et la législation. La gestion des sites du patrimoine mondial est devenue une affaire de tous les acteurs : sociaux, politiques, et économiques. Le Maroc est l’un des pays qui a tendance à s’investir dans cette synergie (le cas de Fès, de Marrakech, de Meknès, et d’Essaouira), mais malheureusement certains de ses biens inscrits sur la Liste du patrimoine mondial sont loin d’être inscrits dans cette dynamique, à l’image surtout du Ksar Aït Ben Haddou. Le Ksar des Aït Ben Haddou – à la différence des autres sites tire sa révérence de son inscription sur la Liste, alors qu’il ne s’agit pas du modèle type de l’architecture vernaculaire des vallées présahariennes du Maroc. Il est sorti de l’anonymat – même au niveau national – grâce justement à cette inscription. Néanmoins, Ce bien est confronté à une réalité à la fois désolante et paradoxale. Entre l’éclatement et les dégradations dues à l’abandon du site par ses occupants légitimes, le ksar est entrain de perdre à jamais sa fonction originelle : celle de l’habitat ; mais il engendre de nouveaux enjeux socioéconomiques liés à son classement dans le patrimoine mondial. En tant que village communautaire authentique, il ne vit que dans la mémoire des générations qui y avaient vécu, et dans les rapports de mission des experts sollicités par l’Unesco ou le PNUD, et qui font tous office d’un constat alarmant. Alors que le ksar est sujet à un processus de dégradation avancé et irréversible, les missions et les recommandations se multiplient en vain. Une dynamique communautaire commence à ressurgir sur le site mais elle demeure limitée devant le manque de confiance de la part des pouvoirs locaux. Donc, il y a lieu renforcer à la fois l’action communautaire et associative, de façon à ce que l’une nourrit l’autre sans que l’une n’exclut l’autre. L’approche associative et/ou communale dans la gestion des
139
affaires du site ne doit pas se substituer brutalement à la gestion communautaire, mais elle devrait s’inscrire dans son prolongement. Entre des ateliers de consultation tenus fin 2003 (agenda 21 local) et peu prometteurs, et un Plan de gestion qui n’arrive pas à voir le jour d’une part, et la résistance de l’autorité marocaine chargé de la Culture à l’inscription du bien sur la liste du patrimoine en péril (sachant par définition que la perte d’un patrimoine est un sacrifice, mais sa sauvegarde suppose également un sacrifice) d’autre part, le prestigieux ksar continue à se dégrader. En outre, les programmes à vocation internationale et/ou régionale qui s’articulent autour du thème du développement (PNUD, ONU-Habitat, RBOSM, Euromed, PACT, ITUC, etc.) semblent être ignorés ou du moins négligés par les gestionnaires du site. Il est vrai qu’on risquerait de se « perdre » dans la multitude des programmes, mais il suffit juste d’opter pour les plus favorables au site et sa population, et ceux qui présentent plus de convergences et plus d’atouts pour le site sans pour autant engendrer des conflits de compétences. Et s’il y a vraiment des axes à développer en faveur du site et sa population, ce sera bien la sensibilisation de la population et des usagers, l’éducation de la jeune génération, et la formation des gestionnaires. Une démarche qui doit être menée en amont, et devrait être accompagnée d’une délégation de certains aspects de la gestion à la population, pour un regain de sa confiance. La recherche d’un consensus au niveau des partenaires sociaux est capitale afin que toute intervention ait une légitimité et une acceptation locale. Un autre axe est amené à être développé, au niveau de la gestion de la sauvegarde proprement dite du ksar. Il s’agit de la recherche de la meilleure manière de mettre en œuvre le texte de classement du site et les documents urbains en vigueur. C’est au niveau de la diffusion et la sensibilisation chez la population que cela devrait être possible. Et l’idéal serait la recherche d’optimisation du classement, en ce sens qu’il soit en mesure de préserver le ksar et son environnement sans que la dynamique sociale et économique ne soit figée. Au-delà de l’inscription sur la liste du patrimoine mondial en péril - tant recommandé par le Comité du patrimoine mondial et porteuse d’espoir pour le ksar - le Maroc est appelé à développer d’autres créneaux : Renforcement des capacités du Cerkas (Statut, formation continue, etc.), la gestion de proximité (création d’une antenne sur le site) et les partenariats. En matière de réhabilitation, les autorités locales hésitent à investir sur le site et paraissent plus soucieux de la recherche d’une rentabilité sociale de leur investissement. La population – quant à elle se déclare prête à occuper le ksar si les investissements publics sont réalisés à court terme. Ce climat dénote une crise de confiance entre ces deux acteurs. Les promesses de la population reflètent plus un attachement à leur patrimoine immobilier qu’à une volonté sérieuse de
140
loger à nouveau dans leur village ancestral. Par contre, leur volonté de s’investir dans une dynamique touristique prend le dessus. L’idéal serait de développer les activités économiques porteuses et génératrices de revenus et qui seraient en permanence rapportées au patrimoine culturel du site et ayant un effet de retour sur le ksar, ou du moins sans effet négatif sur son intégrité ; chose qui n’est pas du tout facile, faut-il le reconnaître. Dans cette dynamique, il convient de développer l’agriculture, qui doit rester l’activité majeure du site, ainsi que l’artisanat, et d’autre part, il est impératif de développer les valeurs éthiques du tourisme (équité, engagement, transparence, partenariat..) afin de préserver l’intégrité culturelle de la communauté et celle du ksar, et de prévenir contre le risque des effets pervers du tourisme dont la distorsion de l’image culturelle et communautaire du site en serait l’émanation. Ce cycle économique devrait déboucher sur l’amélioration des conditions de vie de la population qui sera en mesure d’entretenir ellemême son village ancestral dans un esprit communautaire qui est appelé à être restauré. Les avancées conceptuelles des instruments normatifs de l’Unesco surtout en matière de Paysages culturels ouvrent des nouvelles perspectives dans la reconsidération des valeurs du patrimoine mondial ainsi que leur gestion. Le ksar des Aït Ben Haddou est le plus apte parmi les huit sites du patrimoine mondial au Maroc à adopter cette tendance et à en tirer le meilleur parti. Par ailleurs, les gestionnaires du site – le CERKAS en particulier- sont appelés à travailler en réseau avec ceux des sites du patrimoine mondial situés en territoire marocain, et éventuellement avec des sites similaires situés ailleurs. Il est aberrant que des réseaux thématiques se tissent au sein des professionnels à l’échelle internationale, alors qu’aucune structure de coordination n’existe à l’heure actuelle au niveau national. A ce titre, le recours aux nouvelles technologies d’information en matière de gestion d’éléments de sauvegarde et de facteurs de réhabilitation devient incontournable, et fournit aux gestionnaires des capacités sérieuses en la matière. Le SIG se distingue dans cette tendance en tant qu’outil de gestion approprié que les gestionnaires devraient exploiter ensemble et à tous les niveaux de la gestion. La gestion durable des ressources patrimoniales dans l’environnement du ksar est amenée – si les conditions d’épanouissement sont réunies- à devenir un modèle pour la gestion et le développement des villages communautaires qui balisent formidablement le paysage patrimonial des vallées présahariennes du Maroc.
141
BIBLIOGRAPHIE 1. Ouvrages De Maret, Pierre (dir.) Plan de sauvegarde du patrimoine de l’Afrique francophone, ULB, 1997 Feilden, Bernard M. & Jukilehto, Jukka. Guide de gestion des sites du patrimoine culturel mondial, iccrom, 1996. Frier, Pierre-Laurent, Droit du patrimoine, coll. Droit fondamental, PUF, 1997. Gaultier-Kurhan, Caroline (dir.) Le patrimoine culturel africain, (ouvrage collectif) Publication de l’Université Senghor, Ed. Maisonneuve & Larose, Paris, 2001. Gaultier-Kurhan, Caroline (dir.) Patrimoine culturel marocain, (ouvrage collectif) Publication de l’Université Senghor, Ed. Maisonneuve & Larose, Paris, 2003. Marmuse, C. & Montaigne, X. Management du risque, coll. Vuibert Entreprise, Paris, 1989. Pressouyre, Léon. La Convention du patrimoine mondial : vingt ans après, Ed. UNESCO, 1993. Terrasse, Henri. Kasbas berbères de l’Atlas et des oasis, Ed. Horizons de France, Paris 1938. Le partenariat Euro-mediterranéen et les activités régionales MEDA, Union Européenne, Délégation de la Commission Européenne au Royaume du Maroc, Notes d’information Euromed, Mai 2003. Le risque majeur ; coll. Le livre général, Secrétariat d’Etat chargé de l’Environnement et de la Prévention des Risques technologique et naturels majeurs (s.d.) 2. Articles Alaoui, Hassan. « Agenda 21 : Maroc aux villes propres ou le pari du futur », in Le Matin du Sahara (édition électronique du 14 janvier 2003) Amahan, Ali. « Développement : un modèle de musée communautaire dans un village du Haut-Atlas », in Les musées : construire les communautés, Acte de la Journée internationale des musées (18 avril 2001) Amahan, Ali. « La face humaine de la pauvreté », Document présenté dans le Mediterranean Development Forum, 3-6 Sept. 1998 (diffusé sur Internet). Arby, Alexandre. « Habitat et intégration patrimoniale dans la médina de Fès : quelles politiques, quels enjeux », Actes de l’université européenne d’été « Habiter le patrimoine », Saumur, 13-16 octobre 2003 (diffusé sur Internet). Benkirane, Aïcha. & Tayyibi, Abdelghani « Stratégie du département de l’urbanisme en matière de gestion de risques », intervention aux
142
Ateliers nationaux sur les risques majeurs organisé à Rabat les 26 et 27 février2003 (diffusée sur Internet) Boussalh, Mohammed “L’habitat vernaculaire en terre des vallées présahariennes du Maroc : cas des vallées du Drâa » in Le patrimoine culturel africain, Publication de l’Université Senghor, Ed. Maisonneuve&Larose, Paris, 2001 (pp.213-225). Boussalh, Mohamed « Conception d’un système d’information géographique pour l’inventaire du patrimoine culturel de la vallée du Dràa », in Patrimoine culturel marocain, Publication de l’Université Senghor sous la direction de Caroline Gaultier-Kurhan, Ed. Maisonneuve & Larose, Paris, 2003 (pp.411-429) CHOUQUER, Gérard. « Patrimoine et paysages culturels », Synthèse de l’Acte du Colloque international de Saint-Émilion sur les paysages culturels en Europe (30 mai-1er juin 2001) ; Coll. Renaissance des cités d'Europe, Éditions Confluences, octobre 2001. Colardelle, Michel. « Les musées de site : Recherche, reconstitution, préservation du patrimoine, aménagement du territoire », Acte de la Rencontre ICMAH, Thessalonique, 1997 (pp.169-183) Daoulatli, AbdelAziz. « La conservation du patrimoine mondial : de la philosophie à la pratique : la Convention du patrimoine mondial en tant que référence mondiale des biens culturels » (diffusé sur Internet). Desvallées, André. “Nouvelle muséologie”, in Encyclopaedia Universalis, ed. 1998 (pp.921-924) Fadli, Amina « Cultures constructives dans la Maroc présaharien. Quel avenir ? », in Patrimoine culturel marocain; Publication de l’Université Senghor (sous la direction de Caroline Gaultier-Kurhan, ed. Maisonneuve & Larose, Paris, 2003 (pp. 309-342) Jokilehto, J. & King, J., « l’authenticité et l’intégrité », in Authenticité et intégrité dans le contexte africain, Réunion d’experts en Zimbabwe, (pp.30-32). Luxen, Jean-louis. « La dimension immatérielle des monuments et des sites avec les références à la liste du patrimoine mondial de l’Unesco in Authenticité et intégrité dans le contexte africain, Réunion d’experts en Zimbabwe, (pp.20-24). Marmonier, Patrick « L’information géographique », document de l’Ecole Nationale des Sciences Géographiques, ENSG (France), 2002 (diffusé sur Internet) Michon, Jean- Louis "Un ksar à flanc de colline dans l'Atlas", in Science & Vie, n°201, 1997 (pp.46-51) Munjeri, Dawson. « Les notions d’intégrité et d’authenticité : les modèles émergents en Afrique, in Authenticité et intégrité dans le contexte africain, Réunion d’experts en Zimbabwe, (pp.14-16). S.M, « La Réserve de Biosphère des Oasis du Sud Marocain : un label de sérieux », in Maroc Hebdo International, N°481- du 12 au 18 octobre 2001 (p.24) Terrasse, H. « Habitat rural traditionnel des oasis présahariennes: Le qsar- Problèmes de rénovation » in B.E.S.M, n°114.1969 (pp.83-107).
143
« Italiens et Anglais se mettent aux riads », in L’économiste (édition électronique du 24 déc. 2004). « Suivi de la gestion des sites inscrits sur la liste du Patrimoine mondial », in Portail de l’Unesco (diffusé sur Internet). « La Banque Mondiale et le patrimoine mondial », in La Lettre du patrimoine mondial, N°44, mars-avril, 2004, p.3 (diffusé sur Internet). 3. Rapports & documents inédits Aït Hamza, Mohammed. Projet de réhabilitation du Ksar Aït Ben Haddou; Document inédit, PNUD (Mor/90/003), Rabat, 1992. CERKAS, Pour la sauvegarde du site de Aït Ben Haddou (inédit), nov. 2001. CERKAS, Enquête sur la situation foncière du Ksar Aït Ben Haddou (inédit), sept. 2001. CERKAS, l’architecture de terre dans le sud marocain, octobre 2000. Debbi, FathAllah. Profil environnemental du Ksar Aït Ben Haddou (document inédit), Unesco-PNUD, novembre 2003. Dkhissi, Driss. Réhabilitation des kasbas du Sud : résultats et recommandations du projet; rapport final du projet PNUD/MOR/90/003, Unesco, 1997. El-Assal,Kh.&El-Basri,J.&Malti,H. Etude architecturale des qasbas et qsour de Ouarzazate, Document de synthèse du rapport d’analyse et de diagnostic et du programme d’action, Ministère de l’Aménagement du Territoire de l’Environnement, de l’Urbanisme et de l’Habitat, Direction de l’Architecture, 2002. Ghorafi, Jamal-Eddine. Sauvegarde de la kasba de Taourirt et du Ksar Aït Ben Haddou, Rapport technique PNUD/MOR90/003, 1993. Gomez, Alain. Etude Marketing et Communication, Rapport d’évaluation et préconisation (inédit), CERKAS, 1994. Michon, Jean-louis. Sauvegarde et réhabilitation du ksar Aït Ben Haddou, rapport de mission établi pour le Centre du Patrimoine Mondial (inédit), Août 2000. Skounti, Ahmed. Rapport de la 3ème session de formation sur la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial (inédit), Rabat, 2 décembre 2003. Stevens, André. Aménagement de la kasbah de Taourirt et sauvegarde de Ksar Aït Ben Haddou : évaluation et recommandation et projet de l’inventaire d’urgence du patrimoine atlasique et subatlasique, PNUDUnesco, Paris, 1992. Terrasse, H. Rénovation de l’habitat traditionnel des vallées présahariennes. Rapport P.A.M. Marrakech 1968. Vérité, Jean. Maroc : inventaire, protection et mise en valeur de l’habitat rural traditionnel ; octobre-décembre 1975- mars-avril 1976 (inédit). --------------------------------Rapport périodique du patrimoine mondial : Région arabe (2000-2003) Exercice de suivi périodique sur l’application de la Convention du patrimoine mondial au Maroc, section I.
144
Exercice de suivi périodique sur l’application de la Convention du patrimoine mondial en Région Arabe. Banque Mondiale, Mettre les ressources du patrimoine culturel au service du développement national (Document de politique générale), Rapport de la Banque Mondiale (Région Moyen-Orient et Afrique du Nord- Dpt Infrastructures, Finances et Secteur privé), mai 2003. Projet MOR/87/016 : Appui à la création du Centre de Conservation et de Réhabilitation des Kasbas du Sud. Rapport du suivi périodique sur l’état des sites du patrimoine mondial au Maroc (2000) Rapports périodiques et programmes régional : Etats arabes 2000-2003, Centre du Patrimoine Mondial-Unesco, 2004. 4. Actes de colloques et d'ateliers Paysages culturels : les défis de la conservation (en anglais) ; Actes d’ateliers tenus à Ferrara (Italie) les 11-12 novembre 2002 (Conclusion et recommandations publiées en français), Centre du Patrimoine Mondial, 2003. Partenariat pour les villes du patrimoine mondial : la culture comme vecteur de développement urbain durable, in Cahiers du patrimoine mondial n°9, Actes d’Ateliers 11-12 novembre 2002 tenus à Pesaro (Italie), Centre du Patrimoine Mondial-Unesco. Authenticité et intégrité dans le contexte africain; Réunion d’experts à Zimbabwe, 26-29 mai 2000, Unesco. La Convention du patrimoine mondial et les paysages culturels en Afrique, Réunion d’experts, Tiwi- Kenya (9-14 mars 1999), Unesco, 2000. Habiter le patrimoine, Actes de l’université européenne d’été, Saumur, 1316 octobre 2003 (diffusé sur Internet). Les musées : construire les communautés, Acte de la Journée internationale des musées, 18 avril 2001. Actes du Colloque international de Saint-Émilion sur les paysages culturels en Europe (30 mai-1er juin 2001) ; Coll. Renaissance des cités d'Europe, Éditions Confluences, octobre 2001. Actes d’Ateliers nationaux sur les risques majeurs organisés à Rabat les 26 et 27 février2003 (diffusée sur Internet) 5. Thèses & Mémoires Boussalh, Mohammed. Patrimoine architectural en terre au Maroc : proposition de création d’un équipement culturel intégré dans la kasba de Taourirt à Ouarzazate, mémoire de DEPA, Université Senghor, Alexandrie, 1999. Charki, S. Architecture en évolution: cas du village Aït Ben Haddou, E.N.A, Rabat, 1990. DeMicheli, Francesca. Sauvegarde et réhabilitation du ksar Aït Ben Haddou au Maroc, mémoire de DEA, Université Paris I-PanthéonSorbonne, UFR d’histoire de l’art et d’archéologie, 2002.
145
Jlok, Mustapha. Habitat et patrimoine au Maroc présaharien: état des lieux, évolution et perspectives; mémoire de DEPA, Université Senghor, Alexandrie, 2001 (diffusé sur Internet). Ouahidi, AbdelHaq. Ecole des métiers du patrimoine en développement : Réutilisation de la kasba de Taourirt à Ouarzazate, Mémoire de fin d’études, Ecole d’architecture de Paris, La Villette UP6, 2004. 6. Périodiques & Revues ICCROM Chroniques (édition française), nos 28, 29 (septembre 2002/ juin 2003) Le Courrier de l’UNESCO (juin 1993) Cahiers du patrimoine mondial (n°9) La lettre du patrimoine mondial
7. Outils d'information Kit d’information sur le patrimoine mondial, Centre du Patrimoine Mondial-Unesco, 2000 (diffusé sur Internet). Brèves descriptions des biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial, Centre du patrimoine Mondial-Unesco, 2003 (diffusé sur Internet).
146
ANNEXE Annexe 1- Les textes normatifs internationaux liés au patrimoine. Annexe 2 - Les sites du patrimoine mondial au Maroc. Annexe3 -Répertoire de textes régissant le patrimoine culturel au Maroc, le patrimoine de la Province de Ouarzazate, le CERKAS, et le Ksar Aït Ben Haddou. Annexe4 --Arrêté du Ministre des Affaires Culturelles Portant création et organisation du CERKAS.
147
Annexe 1
Textes normatifs internationaux liés au patrimoine Charte d'Athènes pour la Restauration des Monuments Historiques (1931). Recommandation concernant la sauvegarde de la beauté et du caractère des paysages et des sites (11 décembre 1962). Charte Internationale Sur la Conservation et la Restauration des Monuments et des Sites dite Charte de Venise (1964). Recommandation concernant la préservation des biens culturels mis en péril par les travaux publics ou privés (19 novembre 1968). Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel (16 novembre 1972). Recommandation concernant la protection sur le plan national du patrimoine culturel et naturel (16 novembre 1972). Recommandation concernant la sauvegarde des ensembles historiques ou traditionnels et leur rôle dans la vie contemporaine (26 novembre 1976). Recommandation sur la sauvegarde de la culture traditionnelle et populaire (15 novembre 1989). Déclaration universelle de l'UNESCO sur la diversité culturelle (2 novembre 2001). Déclaration de l'UNESCO concernant la destruction intentionnelle du patrimoine culturel (17 octobre 2003). Orientations devant guider la mise œuvre de la convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel (2 février 2005).
148
Annexe 2 - les sites du patrimoine mondial au Maroc.
MEDINA DE FES N345 W50 REF: 170
Date d'inscription: 1981 Critère: C (ii) (v)
Description Fondée au IXe siècle et abritant la plus vieille université du monde, Fès a connu sa période faste aux XIIIe et XIVe siècles, sous la dynastie mérinide, quand elle supplanta Marrakech comme capitale du royaume. Le tissu urbain et les monuments essentiels de la médina remontent à cette période : médersa, fondouks, palais et demeures, mosquées, fontaines, etc. En dépit du transfert du siège de la capitale à Rabat, en 1912, elle garde son statut de capitale culturelle et spirituelle du pays.
Annexe 2 - les sites du patrimoine mondial au Maroc.
MEDINA DE MARRAKECH N31 49 W80 réf: 331
Date d'inscription: 1985 Critère: C (i) (ii) (iv) (v)
Description Fondée en 1070-1072 par les Almoravides (1056-1147), Marrakech fut longtemps un centre politique, économique et culturel majeur de l'Occident musulman, régnant sur l'Afrique du Nord et l'Andalousie. Des monuments grandioses remontent à cette période : la mosquée de la Koutoubiya, la Casbah, les remparts, les portes monumentales, les jardins, etc. Plus tard, la ville accueillera d'autres merveilles, tels le palais Badiâ, la medersa Ben Youssef, les tombeaux saâdiens, de grandes demeures, etc. La place Jamaâ El Fna, véritable théâtre en plein air, émerveille toujours les visiteurs. Justification d’inscription a : La ville ancienne de Marrakech a été fondée en 1070 par les Almoravides. Elle connut successivement le règne des dynasties almoravide (1062-1147), almohade (1147-1269), mérinide (1269-1525), saâdienne (1525-1659) et alaouite (1666 à nos jours) qui contribuèrent à son épanouissement culturel, spirituel et architectural. Sur le plan architectural et urbanistique, la médina de Marrakech abrite de très belles demeures, des marchés animés où les artisans continuent encore de nos jours à exceller dans l'exécution des arts et des techniques traditionnels, en plus des prestigieux et imposants monuments qui s'articulent d'une façon harmonieuse dans l'ensemble de la cité. e: Nouvelle déclaration de valeur: La médina de Marrakech a été fondée par les Almoravides en 1070 J.-C. pour y établir la capitale du premier empire de l'Occident musulman. Leur génie créateur et celui des dynasties qui leur ont succédé ont doté la cité d'une enceinte percée de plusieurs portes monumentales, de quartiers résidentiels et de commerce, de monuments civils et religieux, de jardins et d'un système ingénieux d'approvisionnement en eau (Khettaras).. La médina s'est
Annexe 2 - les sites du patrimoine mondial au Maroc.
développée tout au long de huit siècles. Elle vit et éclore et se perfectionner divers styles et courants architecturaux et urbains qui ont eu une influence sur l'urbanisme médiéval. Quelques-uns de ces monuments ont eu une influence considérable sur d'autres en Occident musulman: ainsi la Koutoubiya avec son minaret haut de 77 m a directement influencé la Giralda de Séville. Elle a été construite sous le règne du Sultan almohade Abdel Moumen Ben Ali et son lanternon à probablement été élevé par son fils et successeur Yaâcoub el-Mansour (1184-1199). Marrakech est également riche par sa palmeraie qui remonte à l'époque de sa fondation ainsi que plusieurs jardins dont les plus importants sont le jardin de l'Agdal, celui de la Menara et le jardin de Majorelle. La médina possède aussi un artisanat encore vivace de nos jours et d'une extraordinaire créativité. Aussi, est-elle l'une des premières destinations du tourisme international au Maroc. Elle abrite, enfin, la célèbre Place Jamaâ el Fna, foyer séculaire d'un patrimoine oral qui reflète une multitude d'influences. La place a d'ailleurs donné naissance depuis quelques années à une réflexion sur l'établissement d'une liste du patrimoine oral de l'humanité à laquelle l'UNESCO participe activement.
Annexe 2 - les sites du patrimoine mondial au Maroc.
KSAR D'AÏT-BEN-HADDOU PROVINCE DE OUARZAZATE N30 57 W6 50 REF: 444
Date d'inscription: 1987 Critère: C (iv) (v)
Brève description Ensemble de bâtiments de terre entourés de murailles, le ksar est un type d'habitat traditionnel présaharien. Les maisons se regroupent à l'intérieur de ses murs défensifs renforcés par des tours d'angle. Aït-Ben-Haddou, situé dans la province de Ouarzazate, est un exemple frappant de l'architecture du Sud marocain
Annexe 2 - les sites du patrimoine mondial au Maroc.
VILLE HISTORIQUE DE MEKNES Région centre sud, Wilaya de Meknès N33 50 W5 30 réf: 793
Date d'inscription: 1996 Critère: C (iv)
Description Fondée au XIe siècle par les Almoravides en tant qu'établissement militaire, Meknès devint capitale sous le règne de Moulay Ismaïl (l6721727), fondateur de la dynastie alaouite. Il en fit une impressionnante cité de style hispano-mauresque ceinte de hautes murailles percées de portes monumentales qui montre aujourd'hui l'alliance harmonieuse des styles islamique et européen dans le Maghreb du XVIIe siècle. Justification d'inscription Le Comité a décidé d'inscrire le bien proposé au titre du critère culturel (iv) en tant que bien représentant de façon remarquablement complète et satisfaisante, la structure urbaine et architecturale d'une capitale du Maghreb du 17e siècle alliant de façon harmonieuse des éléments de conception et de planification islamique et européenne.
Annexe 2 - les sites du patrimoine mondial au Maroc.
SITE ARCHEOLOGIQUE DE VOLUBILIS Wilaya de Meknès - Province Meknès El Menzeh- Moulay-Idriss Zerhoun N34 5 26 W5 33 17 réf: 836
Date d'inscription: 1997 Critère: C (ii) (iii) (iv) (vi)
Description La capitale de la Maurétanie, fondée au IIIe siècle av. J.-C., fut un avantposte important de l'Empire romain et a été ornée de nombreux beaux monuments. Il en subsiste d'importants vestiges dans le site archéologique, situé dans une région agricole fertile. La ville devait devenir plus tard, pendant une brève période, la capitale d'Idriss Ier, fondateur de la dynastie des Idrissides, enterré non loin de là, à Moulay Idriss. Justification d'inscription Le Comité a décidé d'inscrire le site archéologique de Volubilis sur la base des critères (ii), (iii), (iv) et (vi), considérant que ce site constitue un exemple exceptionnellement bien préservé d'une grande ville coloniale romaine, située à la limite de l'Empire.
Annexe 2 - les sites du patrimoine mondial au Maroc.
Date d'inscription: 1997 Critère: C (ii) (iv) (v)
MEDINA DE TETOUAN (ANCIENNE TITAWIN) Région Nord-Ouest, Wilaya de Tétouan, Province of Tétouan, Médina de Tétouan N35 35 W5 23 réf: 837 Description Tétouan a eu une importance particulière durant la période islamique, à partir du VIIIe siècle, comme principal point de jonction entre le Maroc et l'Andalousie. Après la Reconquête, la ville a été reconstruite par des réfugiés revenus dans cette région après avoir été chassés par les Espagnols. Cela est visible dans l'architecture et l'art qui témoignent de fortes influences andalouses. C'est l'une des plus petites médinas marocaines, mais sans aucun doute la plus complète, dont, ultérieurement, la majorité des bâtiments sont restés à l'écart des influences extérieures. Justification d'inscription Le Comité a décidé d'inscrire la Médina de Tétouan (ancienne Titawin) sur la base des critères (ii), (iv) et (v), considérant qu'elle est un exemple complet et exceptionnellement bien préservé de ce type de cité historique, présentant toutes les caractéristiques de la haute culture andalouse.
Annexe 2 - les sites du patrimoine mondial au Maroc.
MEDINA D’ESSAOUIRA (ANCIENNE MOGADOR) Province d’Essaouira, Région de Tensift N31 30 0 W9 48 0 réf: 753rev
Date d'inscription: 2001 Critère: C (ii) (iv)
Brève description Essaouira est un exemple exceptionnel de ville fortifiée de la fin du XVIIIe siècle, construite en Afrique du Nord selon les principes de l'architecture militaire européenne de l'époque. Depuis sa fondation, elle est restée un port de commerce international de premier plan reliant le Maroc et l'arrière-pays saharien à l'Europe et au reste du monde. Justification d'inscription Critère ii Essaouira est un exemple remarquable et bien préservé de ville portuaire fortifiée européenne de la fin du XVIIIe siècle transposée dans un contexte nord-africain. Critère iv Avec l’ouverture du Maroc sur le reste du monde à la fin du XVIIe siècle, Essaouira a été conçue par un architecte français profondément influencé par le travail de Vauban à Saint-Malo. Elle a très largement conservé son aspect européen.
Annexe 2 - les sites du patrimoine mondial au Maroc.
VILLE PORTUGAISE DE MAZAGAN (EL JADIDA) Région de Doukkala-Abda, Province d’El Jadida N33 15 W8 30 réf: 1058rev
Date d'inscription: 2004 Critère: C (ii) (iv)
Brève description Les fortifications portugaises de Mazagan, qui font aujourd’hui partie de la ville d’El Jadida, à 90 km au sud-ouest de Casablanca, furent édifiées comme colonie fortifiée sur la côte atlantique au début du XVIe siècle. La colonie fut reprise par les Marocains en 1769. Les fortifications, avec leurs bastions et remparts, constituent un exemple précoce de l’architecture militaire de la Renaissance. Les édifices portugais encore visibles sont la citerne et l’église de l’Assomption, construite dans le style manuélin (gothique tardif). La ville portugaise de Mazagan, l’un des premiers établissements en Afrique occidentale des explorateurs portugais qui faisaient route vers l’Inde, offre un témoignage exceptionnel des influences croisées entre les cultures européenne et marocaine, qui apparaissent clairement dans l’architecture, la technologie et l’urbanisme. Justification d'inscription Critère (ii) : La ville portugaise de Mazagan est un exemple exceptionnel de l’échange d’influences entre les cultures européennes et la culture marocaine, et l’un des tout premiers peuplements des explorateurs portugais en Afrique de l’Ouest, sur la route de l’Inde. Ces influences se reflètent clairement dans l’architecture, la technologie et l’urbanisme de la ville. Critère (iv) : La ville fortifiée portugaise de Mazagan est un exemple exceptionnel et l’un des premiers de la réalisation des idéaux de la Renaissance, intégrés aux techniques de construction portugaises. Parmi les constructions les plus remarquables de la période portugaise
Annexe 2 - les sites du patrimoine mondial au Maroc.
figurent la citerne et l’église de l’Assomption, bâtie dans le style manuélin du début du XVIe siècle.
Annexe 3
Les textes normatifs régissant : Le patrimoine culturel au Maroc Dahir n° 1-80-341 du 17 Safar 1401 (25 décembre 1980) portant promulgation de la loi n° 22-80 relative à la conservation des monuments historiques et des sites, des inscriptions, des objets d'art et d'antiquités. Le patrimoine architectural de la Province de Ouarzazate Arrêté visiriel Du 29 juin 1953 (17 Choual 1372) portant classement des Vallées des Oasis (Territoire de Ouarzazate); B.O.N° 2125 du 7 juillet 1953 – P .983 Arrêté visiriel du 17 Février 1954 (13 Joumada II 1373) portant classement des sites et des Kasbahs de Taourirt et de Tifoultoute (Territoire de Ouarzazate); B.O.N° 2159 du 12 Mars 1954 – P .379). Dahir du 27 février 1943 portant classement des Gorges de Dades; B.O. N° 1588 du 2 Avril 1943 – P .282) Dahir du 1er Mars 1943 portant classement du Massif du Bou-Gafer; B.O. N° 1588 du 2 Avril 1943 – P .283). Dahir du 1er Mars 1943 portant classement Vallée de l’Oued M’Goun; B.O. N° 1588 du 2 Avril 1943 – P .283). Dahir du 3 Mars 1943 portant classement Vallée de l’Oued Todra; B.O. N° 1588 du 2 avril 1943 – P .283.) Le CERKAS Arrêté du Ministre des Affaires Culturelles N°861-90 du 5 Joumada II 1410 (3 Janvie1990) portant création et organisation du Centre de Restauration et de Réhabilitation du Patrimoine Architectural des Zones Atlasiques et Subatlasiques. Décret N° 2.99.1248 Du 1er Safar 1421 (5 Mai 2000) fixant Les Prestations de services par le Centre de Conservation et de Réhabilitation du Patrimoine Architectural des Zones atlasiques et subatlasiques. Le ksar des Aït Ben Haddou Arrêté n° 2.04.10 du 14 janvier 2004 portant classement du site du Ksar Aït Ben Haddou à Ouarzazate; B.O. n° 5187 - 16 fev.2004.
Annexe 4
Royaume du Maroc Ministère des Affaires Culturelles Service juridique ARRETE DU MINISTERE DES AFFARES CULTURELLES N°861-90 DU 5 JOUMADA II 1401 (03 JANVIER 1990) PORTANT CREATION ET ORGANISATION DU CENTRE DE RESTAURATION ET DE REHABILITATION DU PATRIMOINE ARCHITETCURAL DES ZONES ATLASIQUES ET SUBATLASIQUES LE MINISTRE DES AFFAIRES CULTURELLES,
Vu le décret n° 2-75-443 du 17 Chaabane 1395 (25 août 1975) fixant les attributions et l’organisation du ministre chargé des affaires culturelles, tel qu’il a été modifié et complété, ARRETE : ARTICLE PREMIER : Il est créé sous la dénomination de « Centre de restauration et de réhabilitation du patrimoine architectural des zones atlasiques et subatlasiques », un établissement culturel et technique relevant de l’autorité gouvernementale chargée des affaires culturelles dont le siège est à Ouarzazate. Il peut être créé, selon les besoins, des annexes opérationnelles dans d’autres localités. ARTICLE 2 : Au sens du présent arrêté, le patrimoine architectural des zones atlasiques et subatlasiques désigne l’ensemble des architectures traditionnelles de l’Atlas et de la zone subsaharienne et saharienne, qu’il s’agisse de bâtiments en pierre et ou en terre, comportant ou non des éléments défensifs, qu’il s’agisse de bâtiments isolés tels que kasbas de commandement, châtelets ou tighremt, greniers collectifs ou Agadirs, édifices religieux, militaires ou civils, ouvrages d’art ou groupés en communautés tels que villages ou ksour ARTICLE 3 : Le centre a pour mission la protection, la restauration et la réhabilitation du patrimoine architectural des zones atlasiques et subatlasiques. A cet effet, il est chargé de : - réhabiliter et mettre en valeur le patrimoine architectural des zones atlasiques et subatlasiques à des fins socioculturelles en collaboration avec les organismes et autorités concernées ; -établir des programmes de sauvegarde des édifices et ensembles architecturaux considérés comme des biens culturels du pays ; -procéder à des études techniques, sociologiques, ethnologiques ou autres susceptibles de faire progresser la connaissance des architectures traditionnelles des zones atlasiques et présahariennes ;
Annexe 4
- publier et diffuser des informations sur le patrimoine architectural sud marocain sous forme de documents imprimés ou audiovisuels ; -collaborer à des études comparative sur les architecture en terre, notamment dans les régions atlasiques et présahariennes ; -établir et entretenir des relations avec des institutions nationales ou internationales ayant une vocation similaire en collaboration avec les autorités compétentes. ARTICLE 4 : Le Centre de restauration et de réhabilitation du patrimoine architectural des zones atlasiques et subatlasiques est administré par un directeur nommé par un arrêté de l’autorité gouvernementale chargée des affaires culturelles, parmi les titulaires du diplôme de Doctorat d’Etat dans le domaine des sciences du patrimoine ou d’un diplôme équivalent, ou à défaut, parmi les titulaires du diplôme d’études supérieures dans le domaine des sciences du patrimoine ou un diplôme équivalent. Le directeur assure la gestion du centre conformément aux décisions de l’autorité gouvernementale chargée des affaires culturelles. Il veille au fonctionnement de l’ensemble des services du centre. Il établit, à la fin de chaque année, un rapport sur les activités du centre de l’année écoulée. ARTICLE 5 le directeur du centre a rang de chef de division de l’administration centrale. ARTICLE 6 : Le comité consultatif comprend : le ministre des affaires culturelles ou son représentant, président ; les gouverneurs des provinces de la région du sud ; le gouverneur de la province d’Er-Rachidia ; le directeur des musées, des sites, de l’archéologie et des monuments historiques ; les délégués du ministère des affaires culturelles dans les provinces du sud et la province d’Er-rachidia ; les délégués du ministère de l’habitat dans les provinces du sud et la province d’er-Rachidia ; les délégués du ministère du tourisme dans les provinces du sud et la province d’er-Rachidia ; les délégués du ministère de l’agriculture et de la réforme agraire dans les provinces du sud et la province d’erRachidia ; les délégués du ministère de l’artisanat et des affaires sociales dans les provinces du sud et la province d’erRachidia ; les délégués de l’autorité gouvernementale chargée des travaux publics dans les provinces du sud et la province d’er-Rachidia ; le délégué régional du Plan
Annexe 4
Le ministre des affaires culturelles peut inviter à participer aux réunions du comité consultatif toute personne qualifiée, susceptible d’éclairer le débat. Le comité consultatif étudie et émet son avis sur le programme d’activité annuel proposé par le centre. Il se réunit une fois par an, sur convocation de son président et aussi souvent que les besoins du centre l’exigent. ARTICLE 8 : le centre comprend les services administratifs et techniques suivants : le service des études et recherches ; le service de restauration et réhabilitation ; le service de gestion et de documentation. ARTICLE 9 : les attributions et l’organisation internes des services du centre sont fixées par arrêté du ministre chargé des affaires culturelles. ARTICLE 10 : le ministre des affaires culturelles est chargé de l’exécution du présent arrêté qui prend effet à compter de sa date de publication au Bulletin Officiel. Rabat, le 5 joumada II 1410 (3 janvier 1990) Le ministre des affaires culturelles, Mohamed Benaissa. B.O. N° 4062 – 14 Safar 1411 (05 sept.1990) p. 470
Annexe 4 Résumé L’histoire du Maroc avec le patrimoine mondial a commencé depuis 1975, date à laquelle il a adhéré à la Convention concernant la protection du patrimoine mondial naturel et culturel de 1972. Mais, le premier site marocain à être classé remonte à 1981 (la médina de Fès), et depuis, le pays a enchaîné sa démarche de proposition d'inscription pour d'autres sites. Ainsi, à ce jour huit sites sont inscrits sur la Liste. Le Ksar Aït Ben Haddou, situé à 30 Km d'Ouarzazate est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco depuis 1987. A cause de multiples dommages subis ces quinze dernières années, le Ksar se trouve exposé à un processus de dégradation accélérée : manque d'entretien à cause de l’abandon du village par ses habitants, tourisme mal organisé, absence d'organisation d'accueil et de droits d'accès, problèmes d'encadrement des activités de tournage cinématographique, et manque de vision concertée de sauvegarde chez les acteurs locaux. Le ministère de la Culture à travers le Centre de Conservation du Patrimoine Architectural des zones Atlasiques et subatlasiques (CERKAS) avait entrepris depuis l’année 1991 jusqu’à 1995, des travaux de restauration grâce au soutien financier du PNUD, et depuis, le ksar est livré à lui-même. Dans la dynamique de réhabilitation de ce site qui risque le déclassement (à cause de la perte continuelle des valeurs pour lesquelles il a été inscrit sur al Liste de l’UNESCO), une nouvelle approche en matière de gestion du site s’annonce nécessaire. Elle sera axée sur les démarches suivantes : - Installation des infrastructures de base qui répond aux attentes de la population sans endommager les structures bâties et sans pour autant accélérer le processus d'acculturation; - Veiller au respect des dispositions de l’arrêté de classement du site patrimoine national (récemment prononcé) ; - Développement des systèmes productifs locaux et les activités génératrices de revenus; - Renforcement des capacités locales et des compétences du CERKAS ; - Institution d’une gestion de proximité par la création d’une antenne locale du CERKAS ; - Instaurer une dynamique de gestion participative par l’application des termes de l’Agenda 21 local ; - Inscription du site sur la Liste du patrimoine en péril pour bénéficier du soutien financier du Fonds du Patrimoine Mondial ; - Emploi d’un Système d’information Géographique (SIG) adéquat dans la gestion du site en termes de monitorage (suivi) et de gestion du risque. Mots-clés: Patrimoine mondial, la Convention de 1972, les Orientations, Gestion, Paysage culturel, Patrimoine mondial en péril, Ksar Aït Ben Haddou, Réhabilitation, Agenda 21 local, partenariat, risques, SIG.