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Être un homme
FESTIVAL P.38
Texte et interview : Julie Haméon
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Être un homme Alliances actives
© Axelle De Russé
Le festival explore les masculinités dans toutes leurs diversités, en mêlant arts, sciences et activisme. À travers un parcours de spectacles, lectures, conférences ou encore d’ateliers. « Célébrer la défaite du patriarcat », c’est l’invitation lancée par le Grand T et ses partenaires, aux hommes, aux femmes, cis (le genre assigné à sa naissance), trans, non-binaires, jeunes, fluides, vieux, homos, hétéros. N’ayons pas peur des mots, ils nous aident à comprendre la diversité, la pluralité des identités, des réalités. Car le combat pour l’égalité ne saurait se résumer à celui des femmes contre les hommes. À la source du problème, la domination. Des hommes veulent rejoindre la bataille, s’affranchir des injonctions au virilisme et à une masculinité stéréotypée. Il s’agit à présent de leur offrir un espace pour exprimer leur vécu, partager leurs désirs. Se rassembler pour, au-delà d’une prise de conscience et d’un soutien passif, construire des alliances actives et plurielles. Pour en parler, deux voix : celle d’un chercheur spécialiste du sujet, et celle d’une artiste.
SÉLECTION DE RENDEZ-VOUS
Du 31 janvier au 3 février, au TU : La Tendresse, huit jeunes hommes démontent les modèles dominants. Le 3 février, au Katorza : Les garçons sauvages célèbre la confusion des genres. Sam. 4 février, à l’ensa : Décorum, performance défilée dégenrée ; Abel et Sébastien, performance sur la paternité ; installation Colonisation, sexe et genre sous le prisme de l’histoire ; à Stereolux : concert-spectacle de D’de Kabal et soirée électro.
© DR
Sergio Coto-Rivel [Professeur en littérature et civilisation latino-américaines à Nantes Université, spécialiste des masculinités]
Le festival célèbre les masculinités plurielles, sont-elles nouvelles ?
Il est vrai que l’on entend souvent parler des « nouvelles masculinités » pour désigner d’autres formes qui s’éloignent de celle identifiée comme traditionnelle. Cependant, lorsqu’on prend une perspective historique, on identifie de nombreuses réalisations possibles de la masculinité à travers les époques et dans des cultures différentes. Il n’y a jamais eu une seule manière d’être homme, mais plutôt une forme privilégiée qui fait consensus à un moment donné. Dans cette perspective, nous pouvons même remettre en question l’idée de binarité de genre qui n’a pas toujours été aussi marquée ou aussi claire, la fluidité n’est pas non plus une nouveauté du XXe siècle. Tout cela vient contredire les discours réactionnaires basés sur un supposé ordre ancien qui aurait été transgressé récemment.
Quel rôle les hommes ont-ils dans la lutte contre le patriarcat ?
À mon sens, il est indispensable qu’il y ait une prise de conscience de la part des hommes non seulement sur la question des rôles assignés par genre et sur la lutte pour l’égalité dans le monde du travail, par exemple, mais surtout en ce qui concerne les rapports de pouvoir et de domination envers les femmes et de certaines formes de masculinité. La masculinité accorde une position socialement privilégiée, il faut que nous puissions, en tant qu’hommes, identifier ce fonctionnement, mais surtout accepter de perdre cette place et de se mettre en retrait à certains moments pour désamorcer les contraintes et obligations d’une masculinité traditionnelle et souvent violente.
© Maxime Devige
Marion Thomas
[Autrice et metteuse en scène]
Dans la lutte féministe, quel est l’adversaire ?
Le patriarcat ! Et la masculinité hégémonique. Les hommes ne peuvent, à mon sens, pas tous être mis dans le même panier. Si la domination masculine apporte à tous un avantage, ils n’en profitent pas de la même manière qu’ils soient pauvres ou riches, racisés ou blancs... De plus, la très grande majorité des hommes souffrent des injonctions patriarcales (souffrance qui ne minimise en rien les violences masculines). Dans son livre La volonté de changer, Bell Hooks dit que c’est en pointant cette souffrance qu’on arrivera à donner envie aux hommes de changer. C’est une idée perturbante pour une féministe comme moi, j’ai eu envie de la creuser.
Les artistes ont-ils vocation à proposer de nouveaux imaginaires sur cette question des dominations ?
Je ne peux pas répondre pour les autres, mais c’est une vocation qui me convient. Avec Meg Boury, l’artiste plasticienne avec laquelle je travaille sur ce projet, nous voulons proposer au public une expérience de pensée, un pas de côté. En tant qu’artistes, nous avons une chance que les chercheur·ses n’ont pas : on peut assumer notre subjectivité. On se sert donc de cela pour créer une fiction qui est à la fois ludique et personnelle mais aussi signifiante dans le sens où elle propose de se mettre dans la peau d’un homme aux prises avec le patriarcat. Je dis ludique car on proposera un escape game, un parcours à choix multiples, dans l’école d’architecture, qui permettra au public d’influencer le récit.
Parcours interactif À propos des hommes,
4 fév. à l’ENSA Nantes