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Et si on se taillait?

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Il nous a dit!

Il nous a dit!

Dans son film Ailleurs si j’y suis, François Pirot pose la question du tout lâcher pour s’extirper de ce que la vie propose. Présenté dans le cadre de Playtime la quinzaine des cinémas associatifs de la Loire-Atlantique.

Rien ne présageait vraiment de grands bouleversements. Rien d’apparemment trop cabossé dans cette famille bien logée. Mais voilà, ça part en vrille, ça glisse. Ailleurs si j’y suis, le deuxième film de François Pirot se concentre sur la décision de Mathieu qui, sous la pression du boulot, décide de s’isoler et de tout quitter en se réfugiant dans un bois situé juste derrière son jardin. S’extraire de la société. C’est le prétexte du réalisateur et scénariste pour suivre des personnages qui entourent le fugitif, au plus près de leurs propres interrogations, de leurs propres hésitations à s’engager ; entre celui qui ne sait plus s’il veut être père, le père qui peine à finir sa vie seul, la conjointe qui pourrait tout plaquer pour l’Amazonie…

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La question se pose : faut-il revoir sa copie pour une retraite qui terminerait en débâcle ? Pour le meilleur ? Pour le pire ? Une comédie « mélancomique » qui explore en surface, mais finement, notre raison d’être ici ou ailleurs, nous renvoyant à ces grandes questions existentielles qui courent bien souvent dans nos petites têtes.

Dans le cadre du Festival Playtime (voir page 34) - Ailleurs si j’y suis - De François Pirot Avec Jérémy Rénier, Suzanne Clément, Jean-Luc Bideau, Samir Guesmi, Jackie Berroyer.

L’idée maîtresse du film ?

Une idée qui considère des personnages dans des phases de transition de vie, tous face à des changements à venir, que ce soit s’engager avec quelqu’un et avoir un enfant, de prendre sa retraite ou accepter de vivre sans son conjoint, mais aussi devoir réalimenter son couple ou son parcours professionnel. J’aime explorer ces gens qui ont du mal à traverser ces moments-là. C’est un film construit un peu comme une fugue en musique, avec ce thème général où chaque personnage tisse une ligne mélodique parallèle aux autres. J’avais cette envie scénaristique avec plusieurs personnages principaux. Et aussi avec un personnage central, joué ici par Jérémie Rénier, qui va se réfugier dans la forêt, une réaction instinctive qui impacte la vie de ceux qui l’entourent.

Avec ce rapport à la nature, comme ancrage.

C’était central. Un point de départ avec l’idée d’une vie dans les bois, la solution du pas de côté, pour s’extraire de ce que la société nous impose. L’effet guérisseur de la nature est simple et très basique, mais auquel je crois, même si dans le film, il n’est pas pérenne.

Avec un regard et de nombreuses interrogations sur l’existence.

Oui, sur le sens que l’on veut donner à sa vie, versus le sens que la société veut essayer de nous donner, versus ce qu’on peut faire, et pas forcément ce qu’on voudrait faire idéalement. Et ces personnages, comme nous tous, qui se débattent entre ces différentes injonctions, celles de la société, également leurs propres injonctions et capacités réelles à faire face en s’inventant des vies qui ne correspondent pas forcément à leurs propres natures. Ce combat entre l’idéal qu’on a de soi et celui de la réalité, et qui se trouve ici au cœur du film.

Vous avez traité une question sérieuse sur le ton d’une comédie légère ?

Un ami qui a travaillé sur le scénario avec moi utilisait le mot « mélancomique » que je trouve assez juste. Allier une forme de mélancolie et de comédie. Parce qu’il y a un fond de dépression et d’insatisfaction dans ces personnages issus d’un milieu social plutôt favorisé. Il me semblait important d’ajouter un peu de distance, d’ironie et un peu d’humour car je pense que c’est justement une des solutions, celle de rire plus de soi-même, que ces personnages devraient parfois à mon avis emprunter pour s’en sortir. Ce qu’arrive à faire le personnage de Catherine interprété par Suzanne Clément.

Ya-t-ilun sujet commun aux différentes situations et interrogations de vos personnages ?

Il y a cette friction et ce jeu entre ce qu’on voudrait être et ce que finalement l’existence nous donne comme vie. Une question plus philosophique qu’autre chose en fait. Et il y a dans tous les personnages la question de l’âge et du rapport au temps qui passe. Comment accepter le passage d’un âge à un autre, et les circonstances où les choses nous seront à jamais révolues. Comment accepter la perte. Une question pas simple.

Onparle de « la grande aventure », d’être « on the road  ». Pensez-vous qu’il faille partir pour être heureux ?

Oui je pense qu’il faut de temps en temps s’extraire de la routine, s’écarter, sans nécessairement aller loin pour y arriver. D’ailleurs, Mathieu dans le film trouve une sortie aventureuse juste derrière son jardin. Je crois au voyage même si dans le film il prend une allure de fuite, cette tentative de partir pour tenter d’y voir un peu plus clair, de crever l’abcès.

Alors, ce titre, Ailleurs si j’y suis ?

C’est aller voir ailleurs si on y est, c’est de croire qu’on se trouverait vraiment en dehors de soi et de ce qui compose notre propre vie. Chose qui est un fantasme auquel je ne crois que brièvement. Le film souligne que la seule chose de solide est cette relation que l’on entretient avec l’autre. C’est dire que c’est sûrement en alimentant ce qui existe qu’on peut se construire, plutôt qu’en fantasmant sur ce qui n’existe pas. Ce qui ne signifie pas que parfois il ne faut pas s’extraire.

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