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Le rock et l’ami raï
Rodolphe Burger met en partage ses mots et son jeu de guitare au sein du trio algéro-français Mademoiselle. Un idéal mix fin et festif entre électro, rock et raï. Avant son escale à Saint-Nazaire, rencontre.
Rodolphe Burger, leader entre 1986 et 2004 du groupe de rock indépendant alsacien Kat Onoma, mène désormais une carrière solo féconde aux projets multiples. Dernière formule : un trio nommé Mademoiselle. Deux complices l’accompagnent, le chanteur algérien et opérateur électro Sofiane Saïdi, considéré nouveau prince du Raï, et Mehdi Haddab, compositeur francoalgérien et virtuose d’un oud qu’il électrifie pour le meilleur. La formation algéro-française a bien des airs d’hommage au regretté Rachid Taha, ici magnifiquement illuminé, héros qu’il était d’un rock’n raï génial à la riche carrière souvent sous-estimée. Mademoiselle emboîte le pas de « l’Algérien d’origine francaise » comme aimait se présenter leur ami, en croisant les langues, les mélodies et les rythmes au profit d’une transe orientale accompagnée par le blues rock hypnotique de Rodolphe Burger. L’annonce de ce symbolique concert invite à un rassemblement qui mènera à une danse inévitable.
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Mademoiselle, un trio sur la route ?
Ce projet approfondit quelque chose qu’on avait entamé avec Rachid Taha dans la fin des années 80. Nous étions très proches. Dans les dernières années de sa vie, on avait concrétisé la blague du Couscous Clan lancée, un concept pour jouer ensemble joyeusement. Il nous a quittés 15 jours avant de lancer l’enregistrement de l’album. Mademoiselle est un trio avec Sofian Saïdi que Rachid m’avait présenté et qu’il considérait comme le plus grand chanteur de Raï de sa génération, et mon pote joueur de oud, Mehdi Haddab, avec qui j’avais déjà joué. Notre groupe était autant une évidence que la surprise d’une réunion miraculeuse. Le premier concert était tellement excellent qu’on a décidé de poursuivre avec une tournée et le projet d’un enregistrement studio.
Dialogue et complicité avec d’autres musiciens ?
Après Kat Onoma, qui était un groupe un peu solitaire dans le monde du rock français, à partir de mon premier album solo Cheval mouvement, j’étais plus à même d’aller à la rencontre d’autres musiciens et musiques à la faveur des propositions qui m’étaient faites. Et j’ai pris goût. C’est devenu une dimension passionnante et inattendue dans mon histoire musicale et j’ai découvert à quel point ça pouvait aller loin. Voyez, la semaine prochaine je joue au Louvre avec des musiciens ouzbeks. On ne parle pas la même langue, on ne joue pas la même musique, mais on se comprend. Si la réussite de ces projets peut être plus souvent une histoire de musiciens que de musique, parfois on ne communique que par la musique pour pourtant s’entendre parfaitement. Si chacun est ouvert à l’écoute de l’autre, avec une écoute constante, ça marche. J’avoue que je ne m’attendais vraiment pas à jouer avec un musicien breton comme Erik Marchand.
Avec des affinités pour certaines musiques ?
Avec les membres de Kat Onoma, même si on était branché rock, qu’on écoutait évidemment du Velvet Underground, certains d’entre nous étaient déjà dingues de musique répétitive ou de jazz, le plus souvent free et expérimental. On écoutait le Art Ensemble of Chicago, Ornette Coleman… mais aussi bien sûr de la musique africaine.
La musique africaine, justement ?
Celle d’Afrique, oui bien sûr, et depuis un moment. Un souvenir lointain de la révélation du blues malien d’Ali Farka Touré alors qu’un cuisinier l’écoutait dans son bouiboui dans le sud du Maroc. Et on pourrait en faire de l’histoire-géo musicale. Hier, j’étais avec le guitariste anglais Justin Adams qui bien qu’il soit entre autre le guitariste de Robert Plant est celui qui a découvert et travaille avec l’excellent groupe malien Tinariwen. Il me disait aussi que c’est en jouant au Nouveau Mexique, qu’il a compris les liaisons entre la musique du Maghreb avec celle de l’Asie Centrale et celle des Indiens d’Amérique. La fascinante histoire de la musique et sa circulation, les trajets et les migrations des sonorités et leurs cultures qui permettent de comprendre leurs connexions. Et naissent des projets cosmopolites avec tous ces microéléments musicaux qui les constituent.
Vos créations sous-tendent-elles des préoccupations politiques ?
S’il m’est arrivé une fois de m’engager ouvertement avec un morceau Egal Zéro, comme un tract contre le Front National, mon engagement se fait effectivement sans slogan, je pense qu’il parle de soi-même. Couscous Clan avec Rachid n’avait pas besoin de slogan, ça parlait tout seul. Comme de jouer avec lui un chant traditionnel alsacien sur de la musique d’Abdelkader. Et quand on s’aperçoit de la beauté de la langue arabe, de s’en approcher un minimum et de la partager me semble préférable que de se suffire du nombrilisme très français, de cette arrogance qui fait pas mal notre réputation à l’étranger.
Bj Rk Supernova
Björk fait partie de ces artistes tentaculaires, une sorte de magicienne islandaise, à la fois chanteuse, musicienne, compositrice, actrice, performeuse de haut vol. Devenue la grande prêtresse de l’électropop dans les années 90 qui l’a vite positionnée comme une étoile qui brille sur le monde, elle a poursuivi dans une création à part, en restant aussi la discrète petite fée devenue reine, unique et inaccessible, timide et chaleureuse. Inclassable parfois déconcertante, sa musique est à la fois aérienne, expérimentale, électro, psychédélique, hypnotique, marginale… mais chaque morceau de Björk, chaque concert, est un feu d’artifice, une explosion, visuelle et vocale !
