French No. 21 HEAR THE WORLD

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FRANCE 6 EURO ISSN 2190-0639 74099

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HEAR THE WORLD LE MAGAZINE DE LA CULTURE DE L’AUDITION

NUMÉRO VINGT ET UN

KT TUNSTALL A ÉTÉ PHOTOGRAPHIÉE PAR BRYAN ADAMS

NUMÉRO VINGT ET UN

L‘audition est aussi importante que la vue. Testez votre audition sans tarder: www.hear-the-world.com

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WWW.HEAR-THE-WORLD.COM

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HEAR THE WORLD

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Peinture et musique – «Sonic Sculptures» de Martin Klimas Ces sons qui symbolisent la paix – lorsque l’audition scelle la paix Feist – la force du silence Une mise en image captivante ! Irving Penn et Issey Miyake La voix de João Gilberto


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HEAR THE WORLD NUMÉRO VINGT ET UN

Editorial

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Hear the World Initiative Hear the World Sound Academy L’exposition CHANCES* à Hambourg

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COME AGAIN News Le silence est d’or

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Frequently Asked Questions

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What’s that sound ? Les patins brisant la glace

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Produits

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HEAR THE WORLD Votre attention s’il vous plaît ! – Dynamic SoundField ou comment faire prêter une oreille plus attentive aux écoliers en difficulté Bip-bip pour une fonctionnalité sans concession – des sonneries de réveil ou un hommage musical à Dieter Rams

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SAFE AND SOUND Le shopping plus serein – design, son et consommation au Tokyo Midtown Center

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Ces sons qui symbolisent la paix – lorsque l’audition scelle la paix

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EASY LISTENING On ne joue pas avec la nourriture?

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ENTENDRE, C’EST VIVRE Une étude pour Hear the World

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KT Tunstall ou l’exhumation archéologique de l’ego

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Feist – la force du silence

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Une mise en image captivante ! Irving Penn et Issey Miyake

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La House of Hearing à São Paulo – une oasis de calme et tout ce qu’on peut y entendre

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La voix de João Gilberto

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Peinture et musique – «Sonic Sculptures» de Martin Klimas

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MENTIONS LÉGALES

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EDITORIAL

Chère lectrice, Cher lecteur, «Malheureusement, ce n’est souvent que lorsqu’on est soimême confronté au problème que l’on prend vraiment conscience du fait que l’audition est ô combien précieuse», ainsi résume la musicienne KT Tunstall, notre nouvelle ambassadrice Hear the World, ses expériences personnelles. Cette artiste de renommée mondiale entend légèrement moins bien d’une oreille – une bonne raison de plus pour elle de s’engager en faveur de notre initiative. Sa principale ambition est de lancer un message à ses jeunes collègues musiciens : préservez votre sens le plus précieux, ne prenez pas de risques inconsidérés avec les sons et les bruits excessifs ! Et réagissez à temps dès que vous constatez que vous avez un problème d’audition. Il existe aujourd’hui des aides fabuleuses pour y remédier. – Bienvenue, KT, chez Hear the World ! Restons dans l’univers musical : le plus ancien instrument de musique du monde était probablement un instrument à percussion – peut-être une citrouille évidée ou un autre fruit séché qui produisait des sons rythmiques de tambour ou de hochet. Le Vegetable Orchestra vient de redécouvrir le potentiel musical des fruits et légumes – et transforme des aubergines, concombres et autres carottes en instruments de musique. Pour faire un pied de nez au vieil adage «On ne joue pas avec la nourriture !», ces drôles de musiciens ont récemment sorti leur troisième CD intitulé «Onionoise», après le succès de leur deux premiers opus. Bon appétit ! Existe-t-il des sons et des sonorités aux vertus pacificatrices ? Les symboles acoustiques sont-ils eux aussi appropriés pour nous rappeler la supériorité de la paix en tant que concept et pour nous aider à la préserver et à l’organiser activement ? Visiblement oui – lorsque nous entendons certains bruits, comme le vent qui fait frémir les herbes hautes ou le roucoulement d’un pigeon, nous sommes immédiatement renvoyés à des symboles de paix. Lisez l’essai de Max Ackermann dans ce numéro et partez avec lui à la recherche de la «paix entendue !»

L’univers de l’audition est inépuisable – faire l’expérience du monde des sons, des/de la langue(s) et de la musique et pouvoir les apprécier de façon aussi optimale que possible – tel est le fil rouge de ce numéro. Nous vous présentons notamment un événement de l’histoire de la musique, comme à notre habitude, ainsi qu’un récit sur les émotions de la vie et les cultures de l’audition : Ulrich Rüdenauer vous fait partir à la découverte d’une façon particulière de faire de la musique, une Nouvelle Vague, en nous relatant l’histoire de la bossa nova et de son inventeur, João Gilberto. Ce talentueux chanteur brésilien a consacré sa vie à la poursuite d’un l’idéal : la «musique parfaite» – et créé une variante du cool jazz qui célèbre la symbiose entre nostalgie, raffinement musical et originalité. Pour conclure, je souhaiterais attirer votre attention sur notre étude exhaustive intitulée «Entendre, c’est vivre». Quelle est l’importance de l’audition dans les différents aspects de la vie ? Quelle est son importance dans nos relations avec nos conjoints, nos amis, notre famille ou nos collègues de travail ? Quelle est l’influence de l’audition sur l’organisation de nos loisirs ou encore notre santé et notre bien-être ? Des questions sur lesquelles nous nous sommes penchés dans cette étude. Que ce numéro de HEAR THE WORLD puisse vous entraîner à faire des découvertes auditives plus intenses et passionnantes les unes que les autres ! Je vous souhaite beaucoup de plaisir à la lecture et à la réécoute de ce nouveau numéro. Cordialement vôtre,

Alexander Zschokke

PHOTO DE COUVERTURE KT Tunstall a été photographiée par Bryan Adams. Les deux artistes apportent leur soutien à l’initiative Hear the World.

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HEAR THE WORLD INITIATIVE

Hear the World Sound Academy L’univers sonore du Grand Canyon Essayez un peu d’imaginer la situation suivante : vous vous réveillez un matin, et surprise, vous n’entendez plus rien. Ce qui peut paraître comme le paradis sur terre à un citadin accablé par le bruit – des voitures, des klaxons ou des sonnettes de vélo – n’a rien de réjouissant pour quelqu’un qui vit au beau milieu de la nature. Ce déficit auditif concerne de nombreux participants à la Hear the World Sound Academy dans leur quotidien. Le gazouillis des oiseaux le matin, le clapotis d’une rivière, le cricri des grillons – bref toute la palette de bruits qui participe à la perception d’un endroit, tous ces sons, du plus ronflant au plus sourd, déclinés sur tous les tons, façonnent en nous une image du monde qui nous entoure; les bruits de notre environnement avec toutes les associations qui en découlent viennent compléter l’impression que nous nous faisons du lieu où nous nous trouvons. Le Grand Canyon est une merveille de la nature et à vrai dire, l’un des plus beaux endroits de la terre pour faire l’expérience de l’univers sonore du monde et découvrir son importance. C’est la raison pour laquelle en août 2011 une équipe de 17 jeunes normo-entendants et malentendants ont choisi cette destination afin de passer une semaine ensemble – dans le cadre de la Hear the World Sound Academy – encadrés par des scientifiques et collaborateurs du parc national. Ensemble, ils ont rassemblé des données acoustiques pour créer un podcast que le National Park Service a bien l’intention de diffuser. Au beau milieu de cette nature imposante, entourés de parois rocheuses monumentales s’élevant à la verticale et avec le bleu du ciel pour plafond. Et pour seul accompagnement le silence, ne rien entendre à part le ruissellement de la rivière et le croassement isolé des oiseaux – une image sobre mais impressionnante, illustrant la grandeur et la force de la nature et ramenant l’homme à la portion congrue de son existence. Tous les jeunes qui ont exploré ces «paysages sonores», comme on les appelle, sont revenus absolument enthousiasmés.

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Pourtant la merveille naturelle du Grand Canyon est en train de perdre son imposant univers sonore et, par là même, son caractère unique. Certains jours résonnent les rotors des hélicoptères qui font le tour de la vallée avec les touristes à leur bord, masquant le ruissellement de l’eau et le chant des oiseaux – la pollution sonore de l’activité touristique s’accroît à une vitesse effrénée en modifiant totalement la perception acoustique des gens qui visitent le canyon. Les endroits où règne le calme se raréfient. Malgré bon nombre de moments de calme, la Sound Academy avait aussi pour objectif de favoriser la communauté et la communication entre les jeunes, en plus des recherches scientifiques menées. Les échanges avec d’autres adolescents de mêmes horizons sur le quotidien scolaire et les petits soucis de tous les jours ont permis à la bonne humeur et à la désinvolture de s’instaurer sur ce site grandiose. Hanna, une lycéenne de 16 ans venue du Colorado, est rentrée enthousiasmée de son voyage en tout cas : «Jamais dans ma vie, je ne me suis sentie aussi libre et aussi heureuse parce que j’avais en permanence le sentiment que les autres me comprenaient vraiment. Pour la première fois, j’ai pu me comporter telle que je suis – sans aucune crainte des préjugés.» Dans la nature comme dans les échanges – écouter attentivement est primordial quel que soit l’endroit du monde où on se trouve ! Pour en lire plus sur ce séjour dans le Grand Canyon, rendez-vous sur: http://www.hear-the-world.com/soundacademy


L’exposition CHANCES* à Hambourg 19 visages – 19 chances Hambourg /Allemagne, novembre 2011 : en entrant dans la galerie de Flo Peters, on est accueilli par 19 portraits géants – plus d'un mètre carré chacun – en noir et blanc.

Sur les murs, les visages de garçons et filles africains photographiés par l’artiste allemand Philipp Rathmer qui, en mai 2011, a accompagné Patrick Nuo, ambassadeur de Hear the World, à Nairobi / Kenya pour un projet de la Hear the World Foundation (que nous avions décrit dans les numéros 19 et 20). L’exposition photos s’intitule CHANCES* et lors de son vernissage le 16 novembre 2011, a enthousiasmé plus de 400 invités. Une grimace mutine, des sourcils obstinément froncés ou encore un sourire timide – le regard de chacun des 19 paires de grands yeux noirs révèle une personnalité unique et raconte une émouvante histoire : tous ces enfants sont atteints de perte d’audition et ont absolument besoin d’aide pour pouvoir mener une vie un tant soit peu normale. Tous fréquentent l’école Joymereen, un établissement accueillant des enfants malentendants à Nairobi, capitale du Kenya. Songeurs, parfois tristes, souvent aussi malicieux, éveillés et espérant enfin une vraie chance, ils attachent leur regard à l’auteur de ces portraits. Le photographe Philipp Rathmer, qui a déjà signé de superbes portraits de mannequins tels qu’Eva Padberg, de sportifs comme Wladimir Klitschko et de musiciens parmi lesquels Lady Gaga, est ici parvenu à capturer aussi sobrement que simplement l’aura expressive de ces 19 enfants âgés de 3 à 17 ans. En vendant ces photographies, cette exposition a permis de rassembler 28’000 Francs Suisses qui seront réinvestis à 100 pour cent dans les soins aux enfants atteints de déficience auditive de Nairobi. La Hear the World Foundation est présente à Nairobi depuis 2008. Elle a déjà créé un centre auditif en étroite collaboration avec Cargo Human Care. L’ORL allemande Dr. Michaela Fuchs y offre bénévolement des consultations régulières et procède à des tests d’audition. «On a peine à

le croire, mais sans nous, ces enfants n’ont pour la plupart aucune chance dans la vie, souvent ils sont mis sur la touche par leurs parents, qui n'ont aucun moyen de les aider, et ne fréquenteront jamais une école», rapporte Dr. Fuchs. C’est la raison pour laquelle la Hear the World Foundation s’efforce de repérer sur place ces enfants défavorisés pour leur fournir des appareils auditifs fabriqués par la société suisse Phonak – tandis que les piles nécessaires aux aides auditives sont offertes par VARTA Microbattery. Ainsi les élèves de l’école Joymereen pour malentendants tout comme les enfants de la Mathare Valley, le deuxième bidonville de Nairobi, bénéficient-ils d’appareils gratuits qui, au Kenya, seraient sinon inabordables pour la majorité des gens. Afin d’assurer le suivi médical et audiologique de ces enfants sur le long terme, la Hear the World Foundation a mis en place une équipe d'encadrement composée de partenaires locaux et internationaux. Les plus de 400 visiteurs du vernissage le 16 novembre 2011, parmi eux bien sûr l’ambassadeur de Hear the World et parrain du projet Patrick Nuo, ainsi que le photographe luimême Philipp Rathmer, mais aussi nombre de personnalités telles que Tim Mälzer, Mimi Müller-Westernhagen et Jorge Gonzales, se sont déclarées impressionnées par l’exposition. «Lorsqu’on a soi-même mis les pieds dans un bidonville, on s’aperçoit que c’est bien différent de toutes les images qu’on peut connaître de la télévision, on en a froid dans le dos», ainsi Patrick Nuo commentant son voyage en Afrique. Outre les portraits en noir et blanc, Rathmer a également présenté des clichés en couleurs dans le style reportage du quotidien dans la capitale kenyane laquelle – malgré toute la misère – reste un lieu haut en couleurs de l’effervescence africaine, bon enfant et désordonnée. Pour plus d’informations: www.hear-the-world.com/chances Vous aussi pouvez aider et faire un don pour la Hear the World Foundation: Un appareil auditif performant peut transformer la vie d’un enfant, lui permettre de s’ouvrir au monde et améliorer considérablement sa scolarité et ses chances de formation ! La Hear the World Foundation est exonérée d’impôts dans toute la Suisse. Coordonnées bancaires pour vos dons: UBS AG Zürich, Compte : Hear the World Foundation SWIFT : UBSWCHZH80A, IBAN : CH12 0023 0230 4773 8401 U Merci infiniment de votre générosité! HEAR THE WORLD 7


COM AGA 8 HEAR THE WORLD


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NEWS

Le silence est d’or Thème de prédilection de moult proverbes et chansons, la quête du silence est aujourd’hui plus que jamais d’actualité, à une époque où notre quotidien mouvementé et tumultueux nous pousse à fréquenter les centres de méditation et autres cours de yoga dans le seul but de trouver un peu de répit. Etrange, certes, que nous ayons besoin d’une occasion, d’une journée spécialement consacrée, pour trouver un peu de calme et nous soustraire à cet abreuvement sonore perpétuel, mais pourquoi pas? Les personnes soucieuses de leur alimentation jeûnent de temps en temps ou ne mangent pas de viande pendant une journée pour retrouver leur équilibre. Suivons leur exemple et observons chaque année cette quête du silence, en hommage à Sainte Cécile – la patronne de la musique – le 21 novembre, veille de sa fête. Sandra Spannaus www.nomusicday.com

Illustration: Malin Rosenqvist

Connu pour son excentricité, l’ex-musicien pop britannique Bill Drummond n’a pas tardé à s'en rendre compte et a lancé il a y plusieurs années déjà la journée sans musique (No Music Day). Cet événement vise à redonner aux gens le goût du silence, l’espace d’une journée au moins. Et à permettre de méditer sur la musique et l’effet qu’elle a sur nous, sur son importance dans notre vie de tous les jours. De cette façon, nous réapprenons peut-être à mieux l’apprécier et à remettre en question nos exigences musicales. Développée à l’origine en 2005 comme un «plan quinquennal», cette idée imaginée par l’artiste bouillonnant aurait dû prendre fin en 2009, pourtant elle perdure aux quatre coins du monde, continuant à «faire le buzz» dans le cadre de nombreuses actions publiques. Entreprises et particuliers sont nombreux à participer à cette journée sans musique, s’abstenant volontairement le temps d’une journée d’écouter de la musique et de faire du bruit – point d’ipod à l’oreille, de radios braillant à pleins tubes et même les platines et la salle de répétition du groupe de rock restent en sourdine. Quelques stations de radio ont même adhéré au mouvement et diffusent pendant 24 heures un programme sans musique.

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FREQUENTLY ASKED QUESTIONS

Comment se fait-il que certaines personnes entendent bien jusqu’à un âge très avancé et d’autres non. J’ai lu que le bruit conduit à une perte de l’audition. Mais cela ne s’applique pas à tous ceux qui ne peuvent plus entendre correctement. Et certaines personnes qui n’ont pas protégé leurs oreilles entendent bien malgré tout. Par conséquent, peut-on faire quelque chose pour entendre bien pendant longtemps ou est-ce une question de bonne ou de mauvaise fortune ? La surdité peut avoir des causes très différentes. L’une d’elle est la dégénérescence normale liée à l’âge, ce qu’on appelle presbyacousie. La prédisposition héréditaire de chacun détermine si cette dégénérescence due au vieillissement se produit, et avec quelle gravité elle nous touche. C’est pourquoi il est tout à fait possible d’avoir une audition normale jusqu’à un âge très avancé ou alors de perdre graduellement ses facultés auditives à un âge beaucoup plus jeune. La surdité peut avoir d’autres origines, notamment le bruit, les infections, les traumatismes crâniens, l’exposition à des produits toxiques ou aussi l’apparition de tumeurs. Il est malheureusement impossible de se protéger contre une dégénérescence liée à l’âge. Toutefois, il est recommandé de protéger son ouïe du bruit afin d'éviter toute aggravation de la perte auditive. Dr. Michaela Fuchs, ORL, praticienne diplômée en médecine du voyage et du tourisme

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La surdité est-elle héréditaire ? Oui, il existe des formes de surdité héréditaires qui se manifestent de façon isolée ou dans le cadre d’un syndrome (syndrome d’Usher, syndrome d’Alport, syndrome de Pendred, syndrome de Waardenburg). On connaît aujourd’hui au total plus d’une centaine de syndromes concomitants des troubles de l’audition. Dr. Michaela Fuchs, ORL, praticienne diplômée en médecine du voyage et du tourisme

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WHAT’S THAT SOUND?

Photo: Image Source/F1online

Les patins brisant la glace

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PRODUITS

Aesop: 105 minutes La ligne de soins du fabricant de cosmétique australien Aesop a fait ses preuves sur le marché par la qualité de ses ingrédients végétaux et leur excellente tolérance pour la peau. Depuis des décennies, les produits Aeaop contribuent ainsi à l’équilibre et à la santé du corps, des cheveux et de la peau – de la même façon que la musique favorise notre bien-être et remonte le moral.

Aesop fait partager cette musique au monde à travers ses magasins et cet exemple devrait faire des émules. Cette sélection parfaite pour toutes les occasions nous accompagne musicalement à tous nos endroits préférés. «105 minutes» de pure joie de vivre est disponible dans les boutiques Aesop et en ligne. www.aesop.com

Aesop a réuni dans le CD «105 minutes» toute la musique qui touche, libère des émotions, fait revivre le passé, donne envie de danser ou va simplement droit au cœur. Des titres qui nous transportent au bout du monde – des sonorités orientales de Mercan Dede et Hüsnü Senlendirici aux accents mélancoliques de tango et de valse du Serbe Boris Kovac en passant par les rythmes dansants échevelés de l’ensemble roumain Fanfare Ciocarlia – sont rassemblés dans cette compilation internationale qui respire la bonne humeur et où souffle comme un parfum de vacances.

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PRODUITS

Nendo – Jingle bells, jingle bells … jingle all the way ! Au Japon, l’utilisation de clochettes est plus répandue que dans nos latitudes. Cette pratique fait partie intégrante d’une tradition ancestrale. Par delà son usage comme jouet, la clochette a depuis des siècles un rôle de signal sonore aussi bien à table que dans la méditation. Tout le monde s’accorde, ici comme là-bas, pour reconnaître que les produits en bois sont naturels et sans danger. Le compositeur, parolier et activiste du mouvement écologique japonais Ryuichi Sakamoto s’engage en ce sens à travers son initiative More Trees pour la protection des arbres comme absorbeurs de CO2. Il parraine la collection bellorgel de l’entreprise de design japonaise Nendo pour les grands magasins Isetan.

Les clochettes de la collection Nendo sont fabriquées en cyprès japonais. Elles invitent à une découverte sensorielle par le toucher et, naturellement, émettent aussi leur tintement caractéristique. Déclinées par Nendo en trois modèles: à poser, à accrocher, à prendre dans la main, les clochettes ont été décorées de façons diverses et variées par 57 designers ou groupes de design différents. Cette approche ludique et créatrice a fait naître des exemplaires uniques – tour à tour extravagants, discrets, excentriques, sobres, colorés, monochromes, métamorphosés en animal ou en tête. Les clochettes en bois façonnées avec la plus grande minutie sont un véritable régal pour les yeux et peuvent être utilisées de multiples façons. www.sitesakamoto.com www.more-trees.org

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PRODUITS

L’exubérance du son, la sobriété du design Derrière son minimalisme et son design épuré, la chaîne «Air Speaker» de Loewe cache bien son jeu : véritable concentré de raffinements techniques et de fonctionnalités plus conviviales les unes que les autres. Du bout des doigts, l’utilisateur transfère la musique de son iPhone, iPod, iPad ou via iTunes vers l’Air Speaker – la transmission s’effectue par WLAN, LAN ou Powerline. En principe, le transfert est également possible par câble, toutefois une telle connexion serait totalement malvenue et en parfaite contradiction avec l’esthétisme. Cette chaîne à haut-parleur intégré, basée sur la technologie AirPlay, est l’une des toutes premières en son genre lancée par Loewe sur le marché. Elle intègre deux sub-woofers et deux tweeters et toute une série d’innovations sous un format pratique, à la fois fonctionnel et décoratif.

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L’utilisateur peut laisser libre cours à ses préférences esthétiques – Loewe propose toute une palette de couleurs pour la finition de la face supérieure, personnalisable en combinaison avec le boîtier alu noir ou alu argent. Mariage de la discrétion et de l’élégance, «l’Air Speaker» sonorise notre habitat sans se faire remarquer, dans le coin d’une console ou d’une étagère. La chaîne compacte qui a tout pour devenir un classique sera disponible dans le commerce à partir de novembre. www.loewe.de


PRODUITS

Phonak nano – indécelable et esthétique Entendez-vous bien les personnes qui vous entourent ? Etes-vous capable de suivre des conversations dans les environnements bruyants, par exemple dans les réunions avec de nombreux participants ou dans les soirées lorsque la musique de fond est assourdissante ? Pour les personnes confrontées à une perte auditive, les situations de ce genre sont particulièrement difficiles à vivre. Elles ont toutes les peines du monde à suivre les échanges entre les interlocuteurs et à participer à la conversation. Et malgré tout, un grand nombre hésite à sauter le pas et à porter une aide auditive – souvent pour des raisons esthétiques.

L’aide auditive miniature combine une esthétique irréprochable et une qualité sonore hors pair. En effet, elle intègre le processeur acoustique le plus performant qui existe à l’heure actuelle dans secteur technologique des aides auditives. Ce produit de qualité «made in Switzerland» combine des performances auditives maximales et une taille minimale – l’alliance parfaite de la qualité sonore et de l’esthétisme. Pour plus d’informations : www.phonak.com

Phonak nano est la solution idéale pour toutes ces personnes. Il s’agit de la plus petite aide auditive intra-auriculaire sur mesure de Phonak qui reste pratiquement invisible pour l’entourage. Elle s’adapte parfaitement dans le conduit auditif, utilisant un système de design assisté par ordinateur et des matériaux modernes de dernière génération. Très confortable à porter, facile à installer, elle s’oublie dans l’oreille.

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22 HEAR THE WORLD Illustration: Stefan Kugel


SAVOIR

Votre attention s’il vous plaît! – Dynamic SoundField ou comment faire prêter une oreille plus attentive aux écoliers en difficulté Environ 5 à 10 % des enfants scolarisés sont aujourd’hui concernés par des déficits auditifs de l’attention (TDA). Lorsqu’ils s’accompagnent d’hyperactivité, on parle de TDAH. Cette forme mixte est la plus fréquente. La panoplie de symptômes difficiles à cerner représente un obstacle majeur et compromet la réussite de la scolarité. En 1844, le médecin allemand Dr. Heinrich Hoffmann, à ses heures auteur de livres pour enfants, publie un livre de comptines aujourd’hui célèbre : «Pierre l’Ebouriffé». Ce recueil pédagogique relate des exemples de comportements d’enfants turbulents en guise de leçon de morale à l’adresse des enfants comme de leurs parents. A l’époque où ce livre paraît, on ne parle pas encore «d’hyperactivité» ni de «troubles de la perception et du traitement central», pourtant l’une des comptines relatant «l’histoire de Philippe le gigoteur» met en plein dans le mille et décrit exactement les symptômes des TDA/TDAH. Les causes de ces déficits originaires du système nerveux central (SNC) restent encore grandement méconnues. Une chose est sûre toutefois : ils ne proviennent pas d’une déficience congénitale ou d’une perte d’audition pathologique. Certains scientifiques présument que près de 50 % des cas ont une origine génétique. D’autres mettent en cause des troubles du développement neurobiologique. A l’origine de troubles auditifs entravant la compréhension du langage, il peut par exemple y avoir une lésion de l’aire de Wernicke dans le cerveau, une partie du cortex responsable du traitement du langage. Mais les preuves manquent pour étayer cette théorie. Il est frappant que l’augmentation récente des TDA et TDAH aille main dans la main avec l’accroissement du matraquage sensoriel auquel sont exposés les enfants dont le cerveau se trouve encore en pleine phase de développement. Et le neuroscientifique allemand Gerhard Roth de constater : «Le cerveau court au naufrage lorsqu’on le matraque. Si on le stimule trop ou pas assez, le processus de maturation naturel s’en trouve perturbé.». Le Professeur Gerd Lehmkuhl, pédopsychiatre à la clinique universitaire de Cologne, a déclaré dans une interview : «Le risque de développer des TDAH est amplifié par les influences extérieures, par exemple lorsque l’enfant est exposé à une sollicitation sensorielle excessive ou à de fortes contraintes d’ajustement.» Par conséquent, lorsqu’on recherche les causes des troubles auditifs centraux, il faut partir du principe que la consommation excessive de médias électroniques et numériques et la pression exagérée sur les enfants par des parents trop ambitieux et avides de performances jouent un rôle considérable et se traduit alors par des dérapages du système neuronal.

Préserver le cerveau des enfants face aux agressions de l’ère numérique Pionnier de la création du World Wide Web, l’informaticien américain David Gelernter est un homme dont le nom est étroitement lié à l’avènement de l’ère numérique. Il a également mené de nombreuses études afin d’évaluer dans quelle mesure les moyens de communication numériques et jeux vidéo ont un impact sur le développement du cerveau et le comportement des enfants. Sa revendication : «Le cerveau des enfants a besoin de calme. Ne donnez pas un téléphone portable à votre enfant avant l’âge de quatorze ans. Veillez à ne pas mettre entre les mains des enfants des «iJouets» sous peine de les envoyer au purgatoire électronique.» Au sujet des conséquences d’Internet, dont il essaya en vain d’empêcher l’utilisation dans les écoles primaires américaines, Gelernter précise: «J’ai l’impression que par sa simple structure – un clic sur un hyperlien et on a le cybermonde à ses pieds – Internet raccourcit la période d’attention des enfants. Les enfants n’apprennent plus à persévérer lorsqu’ils sont confrontés à un thème difficile. Aujourd’hui, les SMS et la manie de téléphoner en permanence sont encore plus susceptibles de transformer l’enfant électronique en un protagoniste de comédie burlesque où des gags viennent sans cesse interrompre le déroulement de l’action». Si l’on adhère à cette théorie, les troubles de l’attention et de la perception – accompagnés ou non d’hyperactivité - devraient logiquement poser de plus en plus de problèmes aux enseignants dans les pays occidentaux industrialisés. Notre mode de vie électronique pourrait ainsi «préprogrammer» – au vrai sens du terme ce type de troubles de l’apprentissage. ›

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L’Académie américaine de pédiatrie (AAP) a réagi en formulant des lignes de conduite : les enfants de moins de deux ans n’ont rien à faire devant un écran, en d’autres termes les téléviseurs, DVD, ordinateurs et autres jeux vidéo doivent être tabou pour cette tranche d’âge. Les enfants de deux ans et plus sont autorisés à regarder au maximum deux heures par jour la télévision, à condition qu’il s’agisse de programmes conçus pour eux. Et déjà on propose aux parents de s’inscrire à des ateliers intitulés «Avons-nous besoin d’une école TDAH ?» Mais est-il vraiment opportun de rassembler une flopée d’enfants hyperactifs dans une même classe, la question se pose. Sans compter que les déficits auditifs de l’attention et du traitement dont souffrent les élèves affectent non seulement leur propre faculté d’apprentissage et leurs résultats scolaires, mais distraient également leurs petits camarades. Ils perturbent le cours en réduisant le temps consacré à l’enseignement proprement dit, obligeant l’enseignant à solliciter à outrance ses cordes vocales, mais aussi sa patience et ses nerfs. Si l’on part du principe qu’il est statistiquement possible de rencontrer un enfant affecté de TDA/TDAH dans chaque classe de 25 à 30 élèves, on imagine facilement ce que cela peut vouloir dire pour les enseignants et pour les autres élèves. Si tous ces enfants ne sautent pas tous sur les tables et sur les chaises, la plupart sont cependant incapables de contrôler leurs impulsions. Ils prennent la parole sans y être invités, ne sont pas attentifs ou font du remue-ménage et constituent ainsi une source d’agitation permanente qui perturbe énormément la capacité de concentration de leurs camarades de classe.

voix de l’enseignant jusqu’à 20 dB. De plus, le rapport signal-bruit du système – c’est-à-dire le rapport entre le signal vocal et les bruits de fond indésirables – est supérieur à celui de tous les autres systèmes de sonorisation conventionnels. En d’autres termes : Les enfants affectés de TDA et de TDAH ont eux aussi la chance de pouvoir se concentrer pleinement sur la voix de l’enseignant et de suivre le cours. A l’école, les bénéfices de Dynamic SoundField sont par conséquent une reconnaissance optimale des séquences de mots et des phrases, une attention accrue, une meilleure participation des élèves et, au final, un apprentissage plus rapide des bases élémentaires pour la suite du parcours scolaire: lecture, écriture et calcul. Les enseignants tirent profit de Dynamic SoundField parce que lorsque les élèves sont attentifs, le cours est plus fluide et les perturbations moins nombreuses. Ils peuvent ménager leurs cordes vocales et tombent moins fréquemment en arrêt-maladie en raison d’une extinction de voix. Globalement, le corps enseignant est ainsi en mesure d’exercer son métier avec nettement moins de stress, ce qui a réciproquement des retombées positives pour les élèves. En supplément, Dynamic SoundField contribue grandement à permettre désormais aux élèves de mieux se concentrer sur le cours et d’apprendre plus facilement, même en présence de camarades jusqu’à présent inattentifs et frustrés en raison de leurs déficits, perturbant tout le temps les autres en gigotant.

Dynamic Soundfield – un nouveau système de sonorisation qui fait prêter l’oreille

Dans son équipement de base, le système Dynamic SoundField se compose de l’émetteur inspiro, une invention récompensée par plusieurs prix, avec un mini micro de tête – ou bien un micro-cravate – et une enceinte par salle de classe. Il transmet la voix de l’enseignant à l’auditoire directement et sans échos, réverbération ni larsen susceptibles de perturber l’écoute. Le signal vocal et le volume sont adaptés exactement aux bruits ambiants dans la salle de classe. Pour obtenir un résultat acoustique optimal, l’enceinte-colonne doit être installée soit sur un support mural soit sur un pied à positionner sur le devant de la classe. Comme l’émetteur inspiro est compatible avec les récepteurs FM qui sont connectés aux aides auditives Phonak, les élèves malentendants peuvent également profiter de l’acoustique Dynamic SoundField. En particulier les élèves dont la perte auditive est unilatérale sont en mesure de suivre le cours sans difficulté.

S’il est somme toute légitime de débattre de la nécessité d’ouvrir des écoles TDAH, des établissements de ce type présenteraient un inconvénient majeur : les enfants présentant des troubles du traitement auditif y seraient marginalisés et relégués dans la catégorie handicapés. Sur la base de la méthode pédagogique de «la directivité naturelle», Phonak a mis au point pour tous les élèves un système de sonorisation des salles de classe qui permet de mieux intégrer dans le quotidien scolaire normal les enfants concernés par les TDAH et en particulier ceux affectés par un trouble de l’audition centrale. Le principal problème de ces enfants est de ne pas parvenir à suivre le cours lorsque la classe est agitée et que les élèves font du bruit. En effet, ils ont peine, voire ne parviennent pas du tout, à filtrer la voix du professeur à partir du brouhaha ambiant et de différencier la voix de l’enseignant des autres voix. Le système Dynamic SoundField et sa transmission sans fil du son par modulation de fréquence résout ce problème de façon inédite en amplifiant automatiquement la voix de l’enseignant en fonction des fluctuations du niveau de bruit dans la salle de classe. De cette façon, tous les élèves bénéficient de la même qualité de compréhension – même lorsque le bruit ambiant dépasse un niveau normal. En effet, Dynamic SoundField est en mesure d’amplifier la 24 HEAR THE WORLD

Une installation et une utilisation simples – une acoustique parfaite

Anno Bachem www.isense.phonak.com www.dynamicsoundfield.com


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Photo: Braun

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LE SON DES CHOSES

Bip-bip pour une fonctionnalité sans concession – des sonneries de réveil ou un hommage musical à Dieter Rams Moderne – nombreux sont ceux qui, dans les domaines de l’architecture et du design, imaginent de sobres projets, austères et sans âme. On aurait peine à associer une rétrospective sur le Bauhaus ou l’Ecole supérieure de design d’Ulm à d’opulentes valses viennoises. Un reportage sur l’art moderne s’accompagne irrémédiablement de jazz pesant ou d’une agaçante musique dodécaphonique, comme pour en souligner l’aspect expérimental et rappeler que, pour la plupart des gens, tout concept progressif qui se respecte se doit de cultiver sa différence et son originalité – les choses n’ont guère changé aujourd’hui. Si, dans les années cinquante et soixante, de nombreux appareils à vocation musicale sont passés à la postérité du design, tel par exemple le «cercueil de Blanche-Neige» en 1956, fameux poste radio/tourne-disque SK4 de la marque Braun, les créations fonctionnelles et à tendance minimaliste du design moderne sont rarement réputées pour leur légèreté et leur allégresse musicale auprès du grand public. Pourtant, cette sévérité formelle et cette simplicité des formes chères à Rams, designer en chef de la société Braun, a déjà été à plusieurs reprises source d’inspiration pour les musiciens : en 1996, l’artiste allemand Johannes Wohnseifer publie un disque de musique électronique «Braunmusic», pour lequel il demande à des amis DJ de lui fournir des samples de sonneries de réveil extraits de la collection Braun. Plus récemment, le musicien et compositeur britannique Jon Brooks a développé une série de courts morceaux musicaux basés sur les bruitages inimitables des réveils Braun qu’il publie sous le titre «Music for Dieter Rams». Les compositions, qui constituent un hommage à l’un des designers les plus influents du 20ème siècle, ainsi qu’à ses principes, traduisent également un regain d’intérêt pour le moderne : longtemps, les créations aux lignes épurées du fonctionnalisme allemand, et plus particulièrement les conceptions de Dieter Rams, sont passées pour des produits dénués d’émotion, d’une sobriété sans concession et réduits à leur fonction utilitaire. Mais ces créations ont été revisitées ces vingt dernières années : ainsi, de nombreux articles développés par Rams pour Braun ont largement influencé, voire servi de modèle aux produits Apple. Durant les dernières années, de vastes expositions ont salué dans le monde entier le talent de Rams comme l’un des designers les plus importants de notre époque. Ses créations ont désormais valeur de modèle et sont gage de design pérenne. Des décennies après leur mise sur le marché, elles racontent une histoire presque oubliée: celle de la recherche de la durabilité, du «moins mais mieux» ayant à l’époque donné naissance à une véritable discipline. Ils transmettent quelque chose de la foi dans un produit honnête qui, à une époque où les concepts d’économie et de marketing règnent en maître, passerait presque pour surannée. Et nourrissent occasionnellement l’inspiration des compositeurs.

Jon Brooks, qui qualifie son mini-album d’étude des ressources limitées («a study in limited ressources»), a d’abord enregistré au moyen de microphones de contact les sons des réveils Braun qu’il a ensuite synthétisés, puis développés. Le résultat : neuf petits morceaux de musique. Il les a intitulés d’après des phrases allemandes découvertes dans des ouvrages sur Rams et le design Braun qui lui ont semblé très pertinentes telles que «l’avenir comme concept» ou bien «retour à la pureté et à la simplicité». Il les a baptisés «Mise en scène», «Intensité de champ», «Marche – Veille» ou encore «Circuits électriques», éveillant ainsi consciemment des associations avec la musique électronique et des groupes allemands tels que Kraftwerk. Si tout l’album est composé de bruitages de réveil, les morceaux électroniques, pour la plupart minimalistes et incitant à la méditation, ne révèlent pas leur origine. On retiendra bien davantage les propos de Brooks commentant la création des morceaux qui lui ont été inspirés. Et on s’arrêtera particulièrement aux clichés sur l’Allemagne qu’annoncent d’ailleurs les titres des morceaux : la langue allemande est gutturale, le design allemand est austère, rationnel, pragmatique et rectiligne et toutes les conceptions Braun sont bien entendu de Dieter Rams ! Mais en réalité, le réveil AB 30 dont les bruitages sont à la base de l’hommage de Brooks, est une œuvre de Dietrich Lubs, designer chez Braun, et créée en 1982 sous l’égide de Rams, alors chef du département. Aujourd’hui, ce sobre réveil est indissociable de l’histoire du design et, malgré sa forme dépouillée, illustre par sa surface de projection tous les clichés et les passions. C’est de cette petite sonnerie insistante, que nous sommes nombreux à connaître et dont nous nous passerions si souvent, qu’est né un hommage plausible – même si la musique ne sera sans doute pas tout à fait au goût de Dieter Rams. La composition de Brooks pour Rams n’est ni une parodie, ni un commentaire ironique sur l’art moderne. Les neuf pièces sont bien plutôt un clin d’œil musical aux férus de design surfant sur la nouvelle vague du moderne. Et comme l’exige tout bon cliché relatif à la fonctionnalité, elles restent consciemment anguleuses et rationnelles. Arrêt – Marche. Bip-bip. Markus Frenzl http://jonbrooks.bandcamp.com/album/ music-for-dieter-rams

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ARCHITECTURE

La House of Hearing à São Paulo – une oasis de calme et tout ce qu’on peut y entendre São Paulo, une métropole qui semble en ébullition permanente. Plus de 10 millions de personnes y vivent et y travaillent. Sans compter les grands et petits banlieusards. Le brouhaha urbain que, par romantisme, l’homme moderne aime à associer aux grandes villes dégénère rapidement, laissant la place au bruit. Pour la House of Hearing de Phonak (Espaço Phonak – Tecnologia em Audição), l’endroit ne pourrait être mieux choisi. En effet, ce projet s’est fixé pour objectif de créer un espace unique. Un lieu où les utilisateurs professionnels tout comme le public intéressé peuvent s’informer sur tous les thèmes ayant trait à l’audition et aux aides auditives. De la théorie à la pratique, de la technologie au design. Bref : La House of Hearing propose une expérience auditive et informative intégrale, bien au-delà de la simple boutique promotionnelle. Pour faire bonne mesure, le magasin et ses élégantes vitrines bordent l’Avenida Rebouças – l’une des artères principales de la ville. Chaque jour, des milliers de véhicules passent par là, le terme «passer» étant probablement assez mal choisi en l’occurrence puisque le flot de véhicules avance péniblement dans un bruit insupportable de crissement de freins et de sifflement d’accélérateur. Directement devant l’entrée de la House of Hearing, le bruit ambiant s’affiche en décibels et en lettres géantes sur une colonne lumineuse qui ne passe pas inaperçue. En jetant un œil à l’intérieur à travers la façade vitrée, on devine que les deux étages de cet espace sont dévolus au calme : une oasis de tranquillité. A peine franchies les portes du vestibule, le bassin d’agrément augure déjà de la clarté et de l’ouverture qui règne dans toutes les pièces de l’établissement. Un salon aménagé avec goût et agrémenté d’un téléviseur et d’une cheminée vient souligner que l’espace Phonak n’est pas une boutique acoustique comme les autres, mais un lieu conçu pour informer et pour montrer que la qualité de l’audition est inhérente à la qualité de la vie. Selon une démarche identique à celle de l’initiative Hear the World, dont les célèbres ambassadeurs photographiés par Bryan Adams ornent la galerie de la réception. Un comptoir accueille les visiteurs en leur proposant des informations consultables sur huit iPads. Le public peut tout apprendre sur les toutes dernières technologies et produits ainsi que les services liés au thème de l’audition et des aides auditives. Et, bien entendu, différents modules de démonstration permettent d’expérimenter directement avec l’audition. Sans être distrait par le bruit de la métropole et en profitant d’une vue sur un paisible jardin intérieur. Une attraction exclusive est proposée au stand Digital Production: une démonstration d’une technique de fabrication de modèles intra-auriculaires par images en 3D numérisées de l’empreinte de l’oreille des personnes.

Les visiteurs, qu’ils soient utilisateurs, journalistes, étudiants, mères accompagnées de leur progéniture ou personnes âgées, peuvent consulter s’ils le souhaitent des audiologistes professionnels pour leur poser toutes les questions qui les préoccupent. En effet, en plus d’être une source d’information, la House of Hearing est aussi une plate-forme d’échange mutuel d’idées et d’expériences. Au premier étage se trouve l’auditorium également appelé Sound Experience Room. Des exposés et des manifestations sur des questions techniques, mais aussi générales en rapport avec le thème de l’audition, y sont régulièrement organisés. Certains événements s’adressent spécialement à un groupe de personnes définies afin de pouvoir aborder en toute sérénité des questions spécifiques. Toutes les manifestations et informations complémentaires sur la House of Hearing sont consultables sur le site Internet de l’établissement. Par ailleurs, la House of Hearing possède des salles de réunions, espaces réservés aux présentations de produits et une cuisine tout équipée. Bien entendu, toutes les salles sont facilement accessibles aux handicapés. Le bâtiment jouxte une aile extérieure dans laquelle deux audiologistes conseillent les clients et ajustent les aides auditives. Il manque encore quelque chose ? Naturellement, notre bar se tient à votre disposition si d’aventure vous avez envie d’un rafraîchissement lors de votre prochaine visite à la House of Hearing. Et – vous vous en doutez certainement – nous avons même pensé à engager un pianiste pour parfaire l’ambiance musicale. Bref : la House of Hearing est un véritable havre de paix dans lequel le bruit n’a pas sa place. Frank Hatami-Fardi www.espacophonak.com.br

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ART

Peinture et musique – «Sonic Sculptures» de Martin Klimas C’est au plus tard au début du 20ème siècle que la photographie est devenue un moyen d’expression artistique à part entière. Dès lors, il a bien fallu se rendre à l’évidence : la représentation du mouvement revêt une nouvelle dimension. La démarche photographique de l’artiste allemand Martin Klimas s’inscrit dans ce contexte.

L’art de Martin Klimas est un art de l’instant. Le photographe capture toujours et encore un moment perdu à tout jamais. Un peu de la même façon qu’Eadweard Muybridge dans ses études sur la décomposition des mouvements des chevaux, la dynamique joue un rôle essentiel dans ses photographies. Rendu célèbre par ses vases qui «éclatent en mille morceaux, ses arrangements floraux raffinés dans leurs écrins décoratifs en cristal, Klimas est passé maître dans la représentation du mouvement figé. Sa technique consiste à envoyer un projectile à grande vitesse sur des vases cassables tandis que le flash est déclenché par la détonation de l’arme à feu. De cette façon, il obtient un instantané du vase au moment précis de sa destruction. Cet instant photographique est célébré avec une minutie particulière comme une nature morte prise dans l’action. Avec une technique maîtrisée à la perfection, Klimas crée dans l’environnement contrôlé de son studio une copie d’une réalité fragmentée, incarnant à la fois destruction et création, beauté, violence et chaos. En faisant systématiquement appel à la même mise en scène expérimentale, il trouve des moyens d’expressivité à chaque fois réinventés : dans sa série sur les sculptures temporaires, il présente des objets en chute libre, notamment des figurines de porcelaine. Photographié au flash stroboscopique, l’objet en train de tomber se mue en image à mi-chemin entre l’intégrité originale encore perceptible des statuettes, leur passé, le moment de leur destruction dans le présent et leur réalité éclatée d’un avenir qui se dessine déjà. Les figurines – représentant qui des lutteurs asiatiques de kung-fu, qui des cocottes rococo en porcelaine biscuit – se figent sur la pellicule comme suspendues dans l’air, hésitant entre plusieurs états existentiels possibles.

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Mais Martin Klimas ne se contente pas de perpétuer à l’infini ce principe d’apparence banal. Il invente en permanence de nouvelles représentations de l’instant fugace, du moment éphémère. Dans sa nouvelle série intitulée «Sonic Sculptures», l’artiste qui vit et travaille à Düsseldorf présente des images réinventées de couleurs chorégraphiées. Klimas dépose les couleurs sur une membrane de hautparleur pour transposer sur film des musiques de genres différents avec un résultat singulier à l’appui. Les ondes sonores des morceaux empruntés à des musiciens et compositeurs aussi divers que Paul Hindemith, Carl Orff, Karlheinz Stockhausen, Mouse on Mars ou Kraftwerk donnent vie à la matière colorée par leur vibration. Les taches de couleurs ainsi créées se caractérisent par un langage formel qui se réinvente sans cesse, plein de vie, débordant d’activité et de fantaisie. A travers l’œuvre du plasticien Klimas, elles permettent de rendre visibles les créations de grands artistes de la musique. Ma nièce de 9 ans a immédiatement été emballée par cette forme de peinture tridimensionnelle véhiculée par la musique : «Regarde là, de la musique» s’exclame-t-elle en donnant la preuve par son regard d’enfant qu’entendre et regarder ne sont pas antagonistes et qu’il est tout à fait permis de se familiariser de cette façon avec l’art contemporain. Marcel Krenz www.martin-klimas.de

Photos: Martin Klimas, www.martin-klimas.de

Il capture le dynamisme de l’instant en cherchant des formes de représentation inédites. Ses recherches l’ont amené récemment à se tourner vers la musique. HEAR THE WORLD a mandaté Marcel Krenz pour nous familiariser avec Sonic Sculptures, une œuvre qui a suscité son admiration parce qu’elle fait converger le son et l’image.


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Photos: Antonia Henschel


VOYAGE

Le shopping plus serein – design, son et consommation au Tokyo Midtown Center Il y a un siècle encore, se procurer dans les magasins toutes les choses essentielles à la vie faisait partie des tâches que l’on confiait volontiers au personnel.

Mais avec l’entrée dans le 20ème siècle et l’avènement de la publicité et du marketing, le shopping est devenu un acte de plus en plus important, voire même prometteur de félicité, une activité d’ordre social, un facteur culturel d’identité : lorsque la journée s’est mal passée, que le conjoint nous tape sur les nerfs ou que le chef n’apprécie pas nos qualités à leur juste valeur, on se console en s’offrant quelque chose. L’action d’acheter est synonyme de luxe, petit ou grand, que l’on s’autorise, à la fois consolation et récompense, sentiment d’avoir accès à une vie meilleure et conviction qu’en achetant la bonne marque on n’aura plus rien à envier aux riches et aux célébrités. Le shopping – comme l’a si bien résumé l’artiste conceptuelle américaine Barbara Kruger dans la formule «I shop therefore I am» (j’achète, donc je suis) – est devenu depuis longtemps pour beaucoup une raison de vivre et un but dans l’existence. Il a revêtu dans notre culture une signification religieuse comme une promesse de salut et la perspective d’une vie meilleure. Depuis le milieu du 20ème siècle, son culte est célébré dans une cathédrale : le centre commercial. Devenus les symboles d’une société fixée sur la consommation, ces centres commerciaux géants sont nés de l’idée vieille de plusieurs siècles de construire toitures, arcades, halles de marché et autres passages pour que les courses ne soient plus tributaires de la météo et encourager le chaland à acheter encore plus. Le supermarché a pris la «troisième place» – après le foyer et le lieu de travail, le troisième lieu le plus important pour l’homme contemporain. Le centre commercial s’est mué en expression des mondes artificiels et souvent mensongers de la publicité et des marques. Il constitue un univers parallèle entièrement climatisé dans lequel tout est plus élaboré, plus parfait, plus propre, plus beau que la réalité : le mix des boutiques, le déroulement des achats, les allées et les façades. Ici les lois ordinaires n’ont plus cours, remplacées par les règles présumées meilleures de la gestion commerciale qui n’hésite pas à revendiquer son droit de jouissance en cas de besoin. Dans le film de 1991 «Scenes from a Mall» (en français «Scènes de ménage dans un centre commercial») qui se déroule entièrement dans un centre commercial, le temple de la consommation endosse même des fonctions cathartiques : un couple joué par Bette Midler et Woody Allen se dispute, faisant resurgir des conflits latents. Les aveux d’infidélité fusent sur les escalators, les époux se chamaillent, se séparent pour mieux se rabibocher autour de plusieurs verres de Margarita, acheter une robe hors de prix et finalement quitter l’endroit affranchis de leurs problèmes pour reprendre le cours normal de leur existence.

Naturellement ce monde artificiel des centres commerciaux, dépourvu de toute iniquité, s’assortit d’un monde sonore à part entière qui essaie de créer une atmosphère sereine et joyeuse. Mais en réalité, les sons diffusés ne sont généralement qu’un abreuvement continu de musique d’ascenseur sirupeuse, mélangée à des rythmes pop, se réverbérant d’une boutique à l’autre et entrecoupé de messages publicitaires en provenance de téléviseurs ou d’annonces adressées aux parents à la recherche de leur progéniture égarée. Aussi ne faut-il pas s’étonner que les concepts contemporains de centres commerciaux aient la volonté de sortir des sentiers battus, non seulement dans leur approche architecturale, mais également sur le plan acoustique et sonore. Pour Tokyo Midtown, un complexe de bâtiments inauguré en 2007 dans le quartier tokyoïte de Roppongi, l’accent a été mis sur un système de sonorisation qui s’intègre esthétiquement dans l’architecture tout en offrant un son aussi fidèle que possible. Trois années entières ont été nécessaires rien que pour mettre au point des systèmes répondant au cahier des charges pour la sonorisation du complexe. Il a notamment fallu trouver une solution acoustique optimale pour obtenir une sonorité naturelle dans le Main Conference Hall, un espace compartimentable servant simultanément d’auditorium dans sa forme décloisonnée et de salles d’exposition et de réunion après l’installation de murs de séparation. Tokyo Midtown est considéré par les spécialistes comme l’un des complexes urbains géants les plus réussis de ces dernières années, parmi ceux ayant une utilisation mixte. Au début du nouveau millénaire, le déménagement de l’administration japonaise de la défense a libéré un terrain de 69 000 m² en plein milieu du centre-ville. Un consortium de six sociétés a investi trois milliards de dollars américains sur ce site pour construire un nouveau centre urbain. De nombreux cabinets d’architecture, dont SOM, Nikken Sekkei ou Tadao Ando, ont participé au développement de cette «mesure de revitalisation urbaine». Elle a donné naissance à une ville dans la ville offrant une utilisation modulaire et des espaces de travail, de résidence, de détente et naturellement de commerce. Dans son ensemble, le complexe comporte six bâtiments et un parc aux dimensions surprenantes pour une nouvelle construction urbaine. La partie la plus emblématique du complexe est une tour de 248 mètres de haut, la Midtown Tower, qui héberge dans ses 53 étages non seulement des magasins, bureaux et restaurants, mais aussi le Ritz-Carlton – l’un des hôtels les plus chers de la ville. ›

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Le design et l’art jouent un rôle important à Tokyo Midtown, on peut même dire qu’ils font quasiment figure de thème directeur de l’ensemble. Le musée d’art Suntory consacré à l’art et à l’artisanat japonais est un véritable musée intégré dans l’espace dévolu au shopping. Quelques étages plus haut, le «Design Hub» accueille plusieurs organismes japonais de design. C’est là que sont exposées chaque année les œuvres récompensées par le «Good Design Award». En marge des immenses espaces verts qui font le lien au sein du complexe de bâtiments se trouve également un musée consacré au design et dessiné par Tadao Ando : le «21_21 Design Sight». Ses trois directeurs Issey Miyake, Taku Satoh et Naoto Fukasawa, tous eux-mêmes des grands noms dans différents domaines de la scène du design japonaise, conçoivent des expositions illustrant la culture du design japonaise et son influence sur le monde du design occidental tout en ouvrant une perspective sur l’avenir de la branche.

Dans un pays où la culture du produit joue un tout autre rôle que dans la société occidentale, où les choses aussi petites soient-elles bénéficient de la plus grande attention et où les gadgets Hello Kitty côtoient sans problème des objets artisanaux hors de prix, la proximité entre le design, l’art et le commerce ne semble pas susciter de froncements de sourcil. Malgré le voisinage du shopping, l’art et le design ne sont jamais dégradés au rang d’attractions dans le complexe Tokyo Midtown. Même si le monde créé ici est naturellement lui aussi artificiel et irréel, les exploitants et concepteurs ont réussi à éviter des travers superficiels, de servir de fairevaloir pour un temple de la consommation. Et le fond sonore qui accompagne le visiteur par une journée de shopping normale à Tokyo Midtown a lui aussi de quoi surprendre l’oreille occidentale matraquée par les délires publicitaires. Quiconque prête une oreille attentive en flânant d’une boutique de luxe à l’autre aura vite fait de constater une différence par rapport aux autres centres commerciaux : l’absence de bruit. Markus Frenzl www.tokyo-midtown.com

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LE MONDE DES SENS

Ces sons qui symbolisent la paix – lorsque l’audition scelle la paix En pleine Guerre froide, lorsque le téléphone rouge reliant la Maison Blanche au Kremlin sonnait, il fallait l'interpréter comme un gage de paix et y voir le recul du spectre de la guerre. Même si, bien entendu, il ne pouvait être question de paix au sens où on aurait aimé l'entendre. Quelqu’un enterre plus ou moins démonstrativement la hache de guerre; un pigeon roucoule et, dans notre esprit, se superpose l’image d’une colombe de la paix; un agneau qui paît apparaît dans une église; des rameaux de palmier, d’olivier ou de laurier bruissent doucement au gré du vent; ce sont là à n’en pas douter des symboles acoustiques de la paix, qu’ils soient manifestes ou non, qu’ils relèvent du concret ou de l’abstrait. Pourtant, qui songe à la paix en entendant frémir les herbes hautes ? Même si, par le passé, l’échange rituel de touffes d’herbe mettait officiellement fin à une vendetta, dont certaines perduraient depuis des décennies, rares sont ceux aujourd’hui qui, dans tous ces minuscules bruits, – tressage de couronnes de végétaux, frottement de rubans et d’herbes diverses … – reconnaissent l’incarnation de la paix. D’autant moins que pendant des siècles, la couronne a tour à tour symbolisé la paix, mais aussi la victoire: peut-être parce que la paix était alors interprétée comme la non-guerre, sorte d’état provisoire entre la victoire et la prochaine occasion de partir au combat. Des sons de la paix aux origines de notre culture Cependant, si l’on plonge dans les catacombes de notre culture, il est possible d’entendre bien plus encore, … dans la mesure où l’on prête une oreille suffisamment attentive. Depuis l’Antiquité résonnent les voix d’Eiréné et de Pax, les divinités personnifiant la paix et la sérénité. Quelqu’un martèle le sol de son caducée, un bâton sur lequel s’enroulent deux serpents, le sceptre du dieu grec Hermès ou celui de l’Egyptien, le symbole du négociateur. Et lorsque rugissent les lions, les théologiens – en particulier les rabbins et certains témoins de Jéhovah – ayant fait de ces thèmes leur fer de lance, invoquent le prophète Daniel qui fut jeté dans une fosse aux lions à Babylone et dont la seule foi aurait suffi à rassasier les animaux affamés. Ecouter pour instaurer la paix Le concept de la paix est ancien et renvoie entre autres à certaines religions au nom desquelles, paradoxalement, on appelait aux armes. Ce n’est qu’entre le 18ème et le 19ème siècle que l’idée d’organiser la paix commença à faire son chemin. Il fallut ensuite attendre le début du 20ème siècle pour que la Société des Nations, puis l’ONU, se donne officiellement pour mission d’assurer la cohabitation paisible et durable de ses membres. Le «Guardian» britannique a récemment salué l’optimisme du psychologue Steven Pinker et aurait tout aussi bien pu souligner que ce dernier est actuellement l’un des scientifiques les plus controversés. Pourquoi ? Parce que cet éminent professeur à Harvard 42 HEAR THE WORLD

affirme dans son livre «The Better Angels of Our Nature» que la violence à l’échelle historique a reculé. Ainsi selon lui, une mort violente est aujourd’hui statistiquement moins probable que par le passé. C’est surtout le cas en Europe depuis le siècle des Lumières et cela, même après avoir pris en considération les très meurtrières guerres mondiales du 20ème siècle dans cette équation quelque peu bancale. Quoi qu’il en soit, Pinker explique la victoire de la paix par «les bouleversements de notre milieu culturel et matériel». Il serait cependant vain de partir d’un constat indéniablement erroné pour faire l’amalgame des faits et de l’histoire et conclure que l’écoute a des vertus pacificatrices; on peut tout aussi bien affirmer qu’elle permet de définir, puis d’inciter à respecter les droits de l’Homme et – pour rester dans ce registre présomptueux – de bâtir un monde meilleur. Mais avant de se pincer comme au sortir d’un rêve pour se défaire de cet enchaînement d’idées, on hésite un instant. Car … il existe quand même bien des principes politiques, des phénomènes et des initiatives isolés, pas forcément en rapport avec un travail médiatique et loin de la petite musique d’une certaine époque, qui fait que cette association mérite malgré tout une certaine attention. Les oreilles bourdonnent du chant de la guerre La violence a ses adeptes et la guerre ses fanfares qui donnent du cor pour mieux souligner les slogans du type «A l’attaque !», sonnant l’hallalli des adversaires. Tout un genre musical est ainsi né du thème de la guerre, qu’on pense par exemple au tableau musical la «Battaglia», véritable référence dès le début des temps modernes et jusqu’au milieu du 19ème siècle. A l’époque, les artistes délaissèrent consciemment la forme musicale aristocratique au profit d’une culture festive en partie bourgeoise et ce, d’autant plus rapidement, que de plus en plus de classes sociales étaient non seulement enrôlées, mais finançaient également les guerres. Aucune musique particulière n’a été choisie pour l’opération «Tempête du désert» en 1991. Au final, les troupes n’ont eu droit qu’à de la musique pop datant de la guerre du Vietnam qui fut diffusée dans les hélicoptères. C’est en tout cas ce que raconte Anthony Swofford dans l’ouvrage basé sur ses mémoires d’ancien marines «Jarhead. La fin de l’innocence», notant au passage que néanmoins, l’effet fut bien celui qui était désiré. On sait que des guerres éclatent à toutes les époques, on sait peut-être moins que leur naissance et leur déroulement obéissent à des schémas tels les diktats d’une sinistre mode; au fil des décennies, leurs souvenirs s’estompent jusqu’à appartenir à l’histoire – pire encore : jusqu’à laisser oublier tous ceux qui en ont souffert ou qui en souffrent encore. ›


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Illustration: Daniel Lachenmeier


Aujourd’hui, notre compréhension de la guerre semble tirer argument de nombreux faits. En vrac et pour en citer quelques-uns : les conflits sont légion dans le monde entier; on compte davantage de guerres que de conflits ainsi nommés ou autorisés à s’appeler ainsi; le nombre de mercenaires est en constante augmentation et les enfants-soldats sont bien loin de disparaître; il est de plus en plus manifeste que les guerres découlent de raisons économiques et sont liées à un cruel manque de ressources; dans le même registre, on parle de plus en plus souvent de guerres «nécessaires» et «justes», de conflits pour des raisons humanitaires, au nom de la démocratie, des droits et de la protection de la population civile, voire même au nom de la paix elle-même. La guerre, déjà à son stade précurseur, a toujours été et est toujours audible. Ainsi par exemple, le franchissement du mur du son pendant la Guerre froide était assimilé au «son de la liberté». En témoignent par exemple les roulements de tambours et autres cris annonçant que la guerre, «sainte» ou non, a éclaté. Le bruit, d’une manière générale, est un élément bien connu de la guerre psychologique. La guerre au son des cornemuses, des tyroliennes, entonnée dans des chants et marches militaires, et même relayée par le design sonore et le «Sonic Warfare» (usage du son comme arme), depuis les coques de navires et la torture jusqu’aux armes acoustiques et techniques de communication, les systèmes d’écoute sur terre et sur mer sans oublier les médias plus classiques tels que téléphone, signaux radio et radiophonie. Les médias sont en mesure de justifier les guerres, de défendre ardemment leur raison d’être et d’y réagir à grands coups d’«éditions spéciales», voire de propagande. La guerre moderne est une guerre du visuel et les reportages eux-mêmes semblent voués à l’image. Au cinéma, les films d’action attirent régulièrement les foules, qu’ils évoquent une propagande pour la guerre ou entrent dans la catégorie anti militariste. La radio joue également un rôle prépondérant dans les conflits car c’est un média relativement facile d’utilisation avec une immense portée. Si personne ne conteste le mérite des grands émetteurs mondiaux, il faut également rendre hommage à de nombreux petits projets. En 2008, par exemple, l’ONU a attiré l’attention de la communauté internationale sur le travail de Radio Okapi au Congo en diffusant le film documentaire «Radio Okapi, radio de la vie». Et au SudSoudan, Radio Bakhita tente de résoudre les conflits sociaux. Dans tous les cas, il est toujours très utile de diffuser une musique appropriée. Musique pour la paix Dieter Senghaas, réputé pour ses recherches sur les conflits, s’est penché sur le rôle de la musique. Et a découvert dans les œuvres de Bach, Alban Berg, Jean-Philippe Rameau et Olivier Messiaen des «idéologies de la paix», dans celles de Mozart, Bruckner et György Ligeti des «fantasmes de paix», et dans celles de Guillaume Dufay, Arnold Schönberg et Kurt Weill l’idée de la «paix comme projet politique». Que ce soit 44 HEAR THE WORLD

dans l’opéra «Simplicius Simplicissimus», dans le «War Requiem» de Benjamin Britten ou encore dans la composition «A Voice from Guernica», la musique a toujours aidé à exprimer son deuil ou son opposition en temps de guerre. Citons, parmi les stratégies les plus répandues, la reprise de la musique de l’adversaire ou celle des victimes ou bien encore le fait d’introduire sur le champ de bataille la musique comme quelque chose d’universel. En 1995, à l’occasion du 50ème anniversaire de la fondation des Nations Unies, a été créé un «World Orchestra for Peace» qui se produit, le plus souvent, dans les régions victimes de conflits. Durant le siège de Sarajevo, plusieurs lance-roquettes sont tombés un après-midi à 4 heures sur un groupe de gens faisant la queue dans la rue Vase Miskina pour acheter du pain. On a dénombré plus de 60 blessés et 22 morts. C’était le mercredi 27 mai 1992. Pendant les 22 jours qui ont suivi, le violoncelliste Vedran Smailovic s’est rendu sur les lieux du carnage pour y jouer l’adagio en sol mineur d’Albinoni en hommage aux victimes. En mars 2008, des dizaines de milliers de personnes ont assisté à un concert pour la paix en Colombie. En accord avec des officiels nord-coréens, le directeur musical du Seoul Philharmonic Orchestra, Myung-whun Chung, a convenu de la fondation d’un orchestre composé pour moitié de Nord-Coréens et pour moitié de Sud-Coréens. A l’automne 2011, les activistes pour la paix de l’organisation britannique International-Alert ont publié une vidéo avec la musique de Massive Attack et le titre «Peace Talks». Le but étant de distiller le message que ce sont les paroles qui doivent permettre de résoudre les conflits. La paix signifie également savoir écouter Astrid Lindgren, auteur suédoise bien connue de livres pour enfants, a écrit : Parler de la paix, c’est parler de quelque chose qui n’existe pas. L’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI) a chiffré à 1600 milliards de dollars américains les dépenses militaires dans le monde; il est bien plus difficile de quantifier celles liées à une recherche pacifique des conflits. «Qui peut rallier les peuples autour de la paix dans le monde ? Qui peut forcer ce monde à l’écouter ? Pour que tous les peuples s’en réjouissent.», ainsi Dietrich Bonhoeffer dans sa prédication pour la paix pendant la conférence œcuménique de la jeunesse à Fanø, une île de la mer du Nord. A peine dix ans plus tard, le théologien décédait dans le camp de concentration de Flossenbürg où il avait été interné pour ses activités de résistant contre le national-socialisme. Si rien ne vaut le concret et si le seul fait d’écouter parvient rarement à restaurer la paix, il reste cependant qu’écouter n’a jamais nui à la cause; les résultats de la communication interculturelle et des travaux globaux sur la paix attestent même que l’écoute est un passage obligé vers la paix. «Point besoin d’accords pour pérenniser la paix, il suffit de s’entendre», disent les Arabes. On en est d’autant plus convaincu que le verbe «s’entendre» est bel et bien à double sens. A bon entendeur salut ! Max Ackermann


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CLASSIQUE

On ne joue pas avec la nourriture ? Face à cette mise en garde, les membres du Vegetable Orchestra font la sourde oreille. Pour eux en effet, la nourriture est un jeu musical !

C’est au marché que le consommateur averti achète ses légumes frais chaque semaine. Les musiciens du Vegetable Orchestra aussi ! Mais tandis que les gens normaux découpent carottes, poivrons multicolores, concombres juteux, radis et autres branches croquantes de céleri, le tout agrémenté de persil, pour concocter un plateau de crudités bourré de vitamines, l’ensemble autrichien fait sensation en créant un spectacle d’un tout autre genre. Comme son nom le laisse deviner, cet orchestre transforme les légumes en instruments qu’il utilise pour faire de la musique. Carottes perforées, aubergines pelées, citrouilles épépinées et concombres évidés font naître des centaines d’instruments plus étranges les uns que les autres: flûtes, percussions, cornes, crécelles, bongos etc. Combinés entre eux, ces instruments imitent même le son des marimbas, des guitares et de différents cors. Du pur délire, est-on tenté de penser, pourtant le fait est que les musiciens parviennent effectivement à arracher des sons inattendus de ces végétaux. Et le résultat n’a rien à envier à bon nombre de pièces de musique moderne jouées sur des instruments conventionnels. Certes, les bruits produits par le frottement des feuilles de salade et le battement des courgettes sont plutôt étranges, tour à tour sinistres, perçants, voire même funky. Pourtant, ils finissent toujours par sonner justes lorsqu’ils se mêlent.

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Le Vegetable Orchestra fait sensation, collectionne les succès et en est à son troisième album, baptisé fort à propos «Onionoise». Les amis des légumes sont des habitués des festivals du monde entier. Le background artistique des membres de l’orchestre est aussi bigarré que leurs outils de travail: musiciens professionnels, mais aussi architectes, designers et auteurs viennent alimenter les créations. Et leur enthousiasme fait naître une musique qui respire la joie de vivre et le naturel – et comme, par nature, les instruments ont une durée de vie limitée, les têtes de choux, poireaux et branches de persil encore en bon état atterrissent tous dans une marmite à la fin du concert et les musiciens partagent une soupe avec le public ! Une façon pour le moins gustative de clôturer une soirée très particulière … Sandra Spannaus www.vegetableorchestra.org


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Illustration: CĂŠline Meyrat


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Photo: Bryan Adams


MODERNITÉ

KT Tunstall ou l’exhumation archéologique de l’ego KT Tunstall est une jeune musicienne dont les racines s’entremêlent en Ecosse, Irlande et Chine. Son jeune frère souffre de surdité congénitale, elle-même d’acouphènes et d’une légère perte d’audition à une oreille. Dans une interview avec HEAR THE WORLD, elle avoue: «Malheureusement, ce n’est que lorsqu’on a un problème qu’on s’aperçoit combien l’audition est précieuse.» Sa perception des sens la guide dans tout ce qu’elle fait. En tant qu’ambassadrice de la Hear the World Initiative, Tunstall souhaite faire part de ses expériences de musicienne live durant les quinze dernières années et contribuer à sensibiliser le public, non pas en montrant du doigt, mais en donnant aux musiciens qui débutent de judicieux conseils. «Le son fait partie intégrante de ma vie, c’est quelque chose qui me ferait cruellement défaut si je devais en être privée pour m’être montrée stupide et irresponsable.» Kate Victoria Tunstall a été adoptée par une famille d’érudits n’entendant rien à la musique et a grandi dans la paisible ville universitaire de St. Andrew. A l’âge de six ans, elle commence à prendre des cours de flûte et de piano, puis apprend seule à jouer de la guitare à l’adolescence. Grâce à une bourse, elle passe sa dernière année de lycée aux EtatsUnis où elle rencontre nombre de musiciens de toutes les tendances. De retour en Angleterre, Tunstall entame des études de musique au très réputé Royal Holloway College et trouve bientôt sa place dans la scène musicale active de sa ville natale écossaise, Fife. Elle est entre autres rapidement intégrée au groupe Fence, un collectif alors très en vogue, et vit un temps avec Gordon Anderson de Beta Band, baignée par les accents éclectiques «Folktronica» de ce dernier. Autre étape importante de sa carrière : Oi Va Voi, un groupe de tradition klezmer. Bien qu’elle ne fasse pas officiellement partie de leur line-up, Tunstall apparaît comme chanteuse et co-auteur dans «Laughter Through Tears», leur premier album, très remarqué par la critique. A cette époque, on rapproche déjà KT Tunstall de Nelly Furtado, mais aussi de Sheryl Crow. Le talent de la jeune musicienne se répand comme une traînée de poudre et elle concrétise gaillardement ses ambitions solo. Son premier album «Eye to the Telescope» sort fin 2004 et atterrit tout d’abord au numéro 73 du hit-parade, un succès d’estime plutôt encourageant. Mais la chance semble au rendez-vous pour KT. Elle est embauchée quasi au pied levé en «remplacement» du rappeur Nas qui s’est décommandé au dernier moment, dans l’émission culte de la BBC «Later … with Jools Holland». Avec sa chanson aux accents blues «Black Horse and the Cherry Tree», la reine du néofolk offre une prestation qui n’a rien à envier à ses collègues les plus renommés. KT accompagne elle-même son chant de tambourin et riffs de guitare qu’elle enregistre live avec un sampler digital et déroule en loops. En trois minutes et demie de télévision, elle impose un arc dramaturgique qui laisse le public pantelant et surtout, curieux d’en entendre davantage. Peu après ce triomphe télévisé, «Eye to the Telescope» est republié et

grimpe cette fois à la troisième place des charts britanniques. Le titre cartonne de la même manière aux EtatsUnis, en partie à la suite du show américan «American Idol». La candidate (qui terminera seconde), Katherine McPhee, chante «Black Horse and the Cherry Tree» en finale, catapultant littéralement la chanson et son auteur à la place 23 du Billboard Hot Hundred, autrement dit lui faisant gagner 55 places d’un coup ! Le deuxième album permet souvent d’augurer de la carrière d’un artiste. Mais KT n’a aucun mal à relever le défi avec la remarquable production «Drastic Fantastic» : une troisième place dans les charts britanniques et une neuvième aux Etats-Unis confirment le succès commercial. Autant de raisons de voir la vie en rose pour cette auteurcompositrice folk pop qui joue désormais dans la cour des grands. Pourtant, rétrospectivement, KT Tunstall ne semble pas entièrement satisfaite de «Drastic»; aujourd’hui, c’est plutôt son troisième album qu’elle décrit comme un processus de maturation, une sorte de sortie d’une route toute tracée. Sur le plan musical «Tiger Suit» constitue une rupture claire et consciente avec le style folk de l’auteur-compositeur à l’origine de son succès. Pourtant, le son très nettement teinté de dancefloor qu’elle qualifie elle-même de «techno nature» n’est pas vraiment nouveau pour elle; à ses dires, il s’apparente plutôt à «une exhumation archéologique de son ego». Car KT Tunstall a vécu ses années les plus marquantes baignée de sons électriques qu’elle aime agrémenter de musique dansante, comme en composent les groupes Phoenix et LCD Soundsystem. Si «Tiger Suit» se révèle plus inspiré et plus sophistiqué que l’album précédent, ce pourrait être aussi parce qu’il a été enregistré dans les célèbres studios Hansa de Berlin. C’est là aussi que David Bowie avait enregistré à la fin des années 1970 sa légendaire trilogie berlinoise avec les albums «Low», «Heroes» et «Lodger». C’est également dans les mythiques locaux équipés de la technique la plus moderne qu’en 1983, Depeche Mode mixe son album le plus intelligent à ce jour : «Construction Time Again». Et le grand U2 lui-même joue en octobre 1990 «Achtung Baby» dans la grande salle des studios Hansa. Après Bowie, U2 et Depeche Mode qui ont profité de leur escapade dans les studios berlinois pour se redéfinir, c’est aujourd’hui au tour de KT Tunstall de sauter le pas. Et depuis les sessions d’enregistrement en Allemagne de «Tiger Suit», KT Tunstall n’est plus la même. Avec des chansons elle n’a certes pas réinventé la roue, mais on écoute avec ravissement le résultat de ses travaux à la fois «archéologiques» et très innovateurs sur le son. Christian Arndt (Sources: Allmusic.com, Rollingstone.com, BBC.CO.UK) Citations des interviews: ArtisanNewsService, 20 juillet 2010)

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MODERNITÉ

Interview de KT Tunstall Quelle impression vous a fait Bryan Adams pendant le shooting photo ? Bryan a toujours été omniprésent dans mon univers sonore. Et le shooting a vraiment été une super expérience, carrément génial. Pourquoi avez-vous décidé de devenir ambassadrice pour la Hear the World initiative ? Parce que c’est une cause qui en vaut la peine. Je suis ravie de faire partie d’une campagne qui non seulement aide les gens à trouver des solutions pouvant améliorer leur qualité de vie, mais s’efforce également de convaincre le grand public de l’importance de préserver son audition. Mon jeune frère est atteint de surdité profonde depuis sa naissance; j’ai donc toujours eu conscience de ce que signifie l’absence d’audition dans un monde où bruits et sons sont tout naturels pour la grande majorité des gens. A chaque fois que mon frère venait à mes concerts, je tentais d’imaginer ce qu’il pouvait ressentir et de comprendre ses expériences. C’est vraiment quelque chose de très intéressant. Avez-vous déjà souffert de troubles de l’audition ? Je souffre d’acouphènes et j’entends légèrement moins bien d’une oreille. Malheureusement, ce n’est souvent que lorsqu’on est soi-même confronté au problème que l’on prend vraiment conscience du fait que l’audition est ô combien précieuse, un constat qu’on n’aurait jamais émis avant. Le son fait partie intégrante de ma vie, c’est quelque chose qui me ferait cruellement défaut si je devais en être privée pour m’être montrée stupide et irresponsable. Je sais maintenant ce que j’aurais dû faire pendant mon enfance et mon adolescence et comment je peux aujourd’hui préserver mon audition. Vous pensez que vos problèmes d’audition sont liés à votre carrière musicale ? C’est évident, surtout quand vous avez une oreille collée aux enceintes pratiquement en permanence. Je n’utilise pas de protection auditive. Je suis une inconditionnelle des enceintes (moniteur de scène) parce que j’ai besoin de sentir le volume. Mais on doit vraiment faire attention. Pensez-vous que le fait d’être musicienne affûte votre faculté d’écoute ? Absolument! Il y a eu un moment où mes acouphènes étaient graves – heureusement, ça s’est entre temps stabilisé – mais on se sent d’autant plus impuissant quand on souffre d’acouphènes qu’on sait très bien qu’on ne peut pas y faire grand-chose. C’est ainsi que j’avais même du mal à accorder ma guitare, tellement c’était grave … Le côté pervers de la chose est que mes acouphènes étaient en do, comme ça au moins, je pouvais toujours accorder ma guitare en do. (rire)

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Si vous pouviez remonter le temps, choisiriez-vous d’être proactive et, d’une manière générale, plus vigilante dans votre attitude afin de prévenir les problèmes d’audition ? Oui, je pense que je serais vraiment plus attentive. Si j’étais sur scène et que c’était douloureux. Je ferais vraiment quelque chose. Alors, vous en êtes vraiment consciente maintenant ? Complètement ! Est-ce que vous interviendriez si vous voyiez un jeune musicien sur scène en train de jouer à un volume potentiellement dangereux pour l’audition ? Je serais toute prête à partager mon expérience avec d’autres et à donner quelques conseils. Il n’y a guère que l’expérience et le tâtonnement qui m’ont personnellement permis de trouver un juste niveau. Et personne ne peut trouver ce niveau à votre place. L’ingénieur du son n’est pas directement là, vous lui demandez ce que vous voulez et il fait ce que vous lui proposez. Mais c’est vous qui développez votre propre conscience et définissez vos propres limites. Quels sons aimez-vous particulièrement ? Le chant des oiseaux anglais est celui que je préfère depuis toujours. Il y a eu un véritable afflux de perruches à Londres et je dois dire que je ne les supporte plus. Elles sont tellement bruyantes et pénibles, c’est comme une espèce de grincement. J’ai tout le temps envie de dire «La ferme !» Les oiseaux locaux émettent, eux, un bruit tout différent. J’adore le bruit des corneilles et, d’une manière générale, ces oiseaux noirs sont vraiment incroyables. Lorsque mon jeune frère s’est fait poser un implant cochléaire il y a quelques années, il a pu entendre tout d’un coup tous les bruits qui nous entourent; c’était extraordinaire parce que, comme il était né sourd, il ne reconnaissait pas les nouveaux sons autour de lui. Il entend de mieux en mieux, mais c’était du genre “c’est quoi ça ?!” Il n’y avait pas toujours quelqu’un pour lui dire – ça, c’est le bruit d’une tondeuse à gazon, ça c’est une machine à laver. Il est entraîneur de tennis et, une fois, il m’a ramenée en voiture à la maison après le boulot. Il a garé sa voiture et puis n’a cessé de demander “Mais c’est quoi ce boucan ?! A chaque fois que je rentre à la maison et que je l’entends, je me demande ce que c’est que ce bruit. Je ne sais pas ce que c’est.” Il s’est révélé que tout ce boucan, c’était les corneilles perchées dans les arbres là où il se garait. Des tas de corneilles en train de croasser. Krra krra krra … Pour lui, c’était un tout nouveau son et comme il ne regardait pas en l’air, il n’avait aucune idée de ce que c’était (rire) et il était bien content de l’apprendre. Quels sons détestez-vous ? J’ai horreur du feedback électronique. Pour moi, c’est le pire. Et je ne supporte pas les gens qui raclent leurs mucosités au plus profond de la gorge. Ces bruits de raclements, berk !


«J’ADORE LE BRUIT DES CORNEILLES ET, D’UNE MANIÈRE GÉNÉRALE, CES OISEAUX NOIRS SONT VRAIMENT INCROYABLES.»

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Photo: Mary Rozzi

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MODERNITÉ

Feist – la force du silence L’un des plus beaux compliments que l’on puisse faire à une œuvre musicale est de vouloir l’écouter «pur». Sans simultanément vaquer à d’autres tâches, sans laisser ses pensées s’évader vers d’autres choses qui attendent d’être réglées et surtout pas en fond sonore dans un lieu public. C’est ce compliment, ce sentiment qui s’instaure en écoutant les chansons de «Metals» (Polydor), l’album actuel de Leslie Feist. Ainsi la chanteuse réussit-elle à notre propre insu à transmettre ce merveilleux silence qui lui a inspiré sa musique. A cela s’ajoute l’impression d’écouter une véritable star parmi les anti-superstars. D’une manière générale, Leslie Feist, Canadienne de 35 ans, n’affiche guère le comportement auquel nous ont entre temps habitués les grosses pointures de la pop. Les réseaux sociaux et autres communiqués via Twitter ? Très peu pour elle qui, a contrario, a recommencé à écrire des lettres et privilégie les longues conversations en tête à tête. Peut-être est-ce l’une des raisons pour lesquelles ses chansons semblent s’adresser individuellement à chacun de ses auditeurs. «Il faut entrer en soi-même, écouter son moi profond pour pouvoir créer quelque chose», commente-t-elle. Après sept longues années durant lesquelles elle a passé d’innombrables heures en avion et d’innombrables autres sur scène, où on l’a vue dans des émissions télévisées – y compris enfantines grâce à son superhit «1, 2, 3, 4» – Feist a décidé de poser ses valises. Et de mettre un terme à cette vie «on the road» qu’elle avait auparavant adoptée. Tout cela aurait pu durer longtemps encore, les albums «Let It Die», «Open Season» et «The Reminder» (tous: Polydor) continuent aujourd’hui de connaître un énorme succès, les concerts avec son groupe sont un véritable enchantement. Mais Leslie Feist ne souhaite pas se répéter, elle n’a aucune envie de toujours rejouer les mêmes chansons, même si les salles ne désemplissent pas. Elle a donc coupé le contact, repris le chemin de Toronto, dans le garage qu’elle a spécialement aménagé pour composer en solitaire dans le jardin de sa maison. «Quand on est en tournée, on donne tellement », explique la chanteuse, «après, j’étais comme une éponge – j’ai essayé d’absorber autant que j’ai produit et donné pendant toutes ces années. Je me suis forcée à ne pas bouger, j’ai essayé d’apprendre à rester simplement immobile et à me convaincre que le silence n’était pas forcément quelque chose de négatif. Lorsqu’on a été auparavant submergé par le bruit et le mouvement, ce silence et cette immobilité peuvent dans un premier temps être source d’angoisse.» Cette retraite et cette solitude voulue ont engendré des chansons très douces, souvent à fleur de peau. La légèreté qui habitait les chansons de l’album «The Reminder» a pour ce nouvel opus cédé la place à une puissance qui, loin d’écraser, atteste d’une nouvelle maturité. «Metals» a été enregistré dans des sessions live avec les compagnons de route et très bons amis de Feist, Mocky et Chilly Gonzales; accompagné de cordes et d’un chœur, il a été produit par Valgeir Sigurðsson qui a aussi travaillé avec Björk, l’une

des anciennes inspirations de Feist. Mentionnons également la présence au synthétiseur de Brian LeBarton du groupe Beck qui ne se contente pas de jouer, mais a également validé les arrangements. Pour les enregistrements, Leslie Feist avait choisi une ferme très isolée dans le parc national de Big Sur, en Californie. La Canadienne y a séjourné avec ses musiciens quatre semaines très intensives en février 2011; elle avoue d’ailleurs adorer cet exil commun, le fait de se lever, de discuter et de manger au même rythme – une sorte de communauté conspiratrice, vivant et travaillant à l’unisson. Ajoutons à cela la magie de l’environnement : «Les enregistrements peuvent se faire dans la légèreté et l’insouciance, loin du quotidien. C’est pourquoi je recherche toujours des lieux favorisant ce type d’ambiance, où le cadre lui-même incite justement à faire autre chose que ce que l’on fait d’habitude. Big Sur est comme une ligne de démarcation entre terre et mer; on sait bien que ce n’est pas à nouveau l’Europe de l’autre côté comme avec l’Atlantique, on marche plutôt au «c’est comme ça que ça se passe ici, dans cette région que je ne connais pas», et c’est extrêmement inspirant», ainsi Feist justifie-t-elle le choix de ce site. «Il faut dire aussi que c’est un lieu qui donne l’impression d’être encore vierge, alors qu’il est cité dans plusieurs livres. Steinbeck y a pour ainsi dire enregistré quelque 1000 albums, Henry Miller et Anais Nin y ont probablement contemplé cette ligne de séparation entre terre et mer. Comble de chance, nous y avons trouvé le local idéal pour aménager un studio – tout en haut de la falaise. Une pièce magnifique qui était entièrement vide.» Lorsqu’on écoute «Caught A Long Wind», l’un des meilleurs titres de l’album, on se surprend effectivement à imaginer ce paysage, l’horizon, où il y a tant de place pour le silence et les non-dits. Et qui dispense une douce chaleur. Les chansons de Feist nous touchent et nous émeuvent dans notre for intérieur, là où seuls de très bons amis ont accès : elles se fraient un chemin au plus profond de notre âme. C’est un effet rare que bien peu de musiciens parviennent à produire, qui est en tout cas réservé à ceux dont la sincérité est incontestable. Et ce sont ces titres que l’on écoute religieusement, sans se laisser distraire. Sortes de messages personnels possédant l’étonnant potentiel de cheminer sur une crête étroite, à mi-chemin entre style indépendant et courant dominant, pour mieux être reçu et reconnu. Leslie Feist vient d’écrire le chapitre suivant de son histoire de la musique pop. Manuscrit, il nous est personnellement adressé. Michael Rütten Pour plus d’impressions des enregistrements et du cadre à Big Sur : www.listentofeist.com HEAR THE WORLD 57


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Une mise en image captivante ! Irving Penn et Issey Miyake Irving Penn, l’un des plus grands photographes contemporains, est décédé à New York en 2009. Issey Miyake est l’un des créateurs de mode les plus exceptionnels et plus renommés à ce jour. Ni les photographies de Penn, ni les créations de mode de Miyake ne font dans la retenue. Chacune à leur façon, elles reflètent jusque dans le moindre détail l’originalité et l’individualisme de leur créateur. Aussi n’est-il pas étonnant que les deux artistes se soient rencontrés il y a de nombreuses années dans le cadre d’une séance-photo de mode et que cette rencontre ait marqué le coup d’envoi de plusieurs coopérations. A partir de 1987, Penn a photographié les collections de Miyake pendant une période qui allait finalement durer 13 ans. Par sa façon de capturer les images, il a ouvert de nouvelles perspectives au maître des étoffes. Miyake a laissé à Penn une totale liberté artistique et lui a accordé une confiance presque aveugle. Pourtant Penn n’a jamais assisté en personne aux défilés de Miyake. Les deux artistes s’inspiraient mutuellement et entretenaient une relation professionnelle hors du commun qui se passait de grands discours. Pendant toutes ces années, ils ont cultivé un «dialogue visuel» des plus intenses.

L’exposition Irving Penn et Issey Miyake : Visual Dialogue qui a ouvert ses portes en septembre et se poursuivra jusqu’en avril 2012 au Musée 21_21 Design Sight de Tokyo présente des impressions et des instantanés ainsi que des témoignages naturels de l’immense talent des deux artistes. Tour à tour par des couleurs pour le moins criardes et par des tonalités sombres plus sobres, 69 photos d’une grande expressivité nous plongent dans l’univers de la mode de Miyake et l’intuition photographique de Penn. L’exposition s’accompagne d’un programme très varié d’installations, de films et de débats avec des artistes contemporains et propose également des ateliers pour les enfants. Sandra Spannaus “Irving Penn and Issey Miyake: Visual Dialogue” du 16 septembre 2011 au 8 avril 2012 21_21 Design Sight 9-7-6 Akasaka, Minato-ku, Tokyo, JAPAN

ISSEY MIYAKE Collection Poster, 1987. Photograph by Irving Penn. Poster design and typography by Ikko Tanaka. Photograph copyright by The Irving Penn Foundation

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ISSEY MIYAKE Collection Poster, 1989. Photograph by Irving Penn. Poster design and typography by Ikko Tanaka. Photograph copyright by The Irving Penn Foundation

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ISSEY MIYAKE Collection Poster, 1994. Photograph by Irving Penn. Poster design and typography by Ikko Tanaka. Photograph copyright by The Irving Penn Foundation

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ISSEY MIYAKE Collection Poster, 1995. Photograph by Irving Penn. Poster design and typography by Ikko Tanaka. Photograph copyright by The Irving Penn Foundation

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ISSEY MIYAKE Collection Poster, 1998. Photograph by Irving Penn. Poster design and typography by Ikko Tanaka. Photograph copyright by The Irving Penn Foundation

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MODERNITÉ

La voix de João Gilberto Rares sont les voix à flirter à ce point avec le silence. Celle de João Gilberto paraît vouloir opposer sa douceur intemporelle aux bruits environnants; dénuée du moindre soupçon de virilité, de la moindre trace de puissance. Sa légéreté, comme en suspens, constitue en même temps sa force.

Cette voix est née en 1958 dans une salle de bains. En proie à une crise personnelle et musicale, Gilberto, alors âgé de 27 ans, se réfugie auprès de parents dans une petite localité du nom de Diamantina dans l’état brésilien de Minas Gerais. Il s’enferme pendant des mois dans la minuscule salle de bains de ses hôtes pour travailler son chant et son jeu de guitare. Et ô miracle, c’est là, que João Gilberto se métamorphose en un solide musicien doublé d’un créateur. Dans cet isolement, à des lieues de l’effervescence de Rio de Janeiro, il invente la bossa nova. Par la suite, il creusera encore ses idées en collaboration avec le compositeur Antônio Carlos Jobim jusqu’à ce que la bossa nova devienne une véritable musique d’exportation, variante brésilienne du cool jazz. Mais c’est dans cette salle de bains qu’il invente «la formule», comme l’écrit l’auteur Marc Fischer dans son livre «Hobalala», une magnifique déclaration d’amour à la musique de Gilberto. «Un condensé de chant et de guitare, de souffle et d’accords avec lequel Gilberto fait de chaque chanson une bossa nova.» Effectivement: Tout aussi important que sa voix s’avère la nouvelle technique percussionniste qui transmet les rythmes de samba à la guitare. Aucun autre musicien n’est parvenu à fondre si harmonieusement le chant et la guitare l’un dans l’autre. La voix est vibrante de douce nostalgie, sorte d’indicible langueur. Peut-être cette langueur est-elle le seul sentiment qui mérite de rester en vie, le seul qui permette de la supporter. Celui pour qui les choses se réalisent est plus proche de l’Enfer que du Paradis. La langueur, c’est aussi être exalté, montrer des émotions, vivre en suspens, avancer, s’abandonner à ses passions, se laisser parfois rattraper par le passé. Le rêveur nostalgique est en quête de quelque chose dont il sait vraisemblablement qu’il ne l’obtiendra jamais. Et parfois, il cherche quelque chose pour finalement trouver tout autre chose. C’est cette langueur que reproduit le rythme de la bossa nova dont Gilberto se fait l’interprète magique. A l’époque, il enregistre coup sur coup trois disques légendaires avec Antônio Carlos Jobim; il va à New York, il est là aussi à la soirée mythique nova bossa au Carnegie Hall en 1965, épouse Astrud Gilberto, 64 HEAR THE WORLD

divorce, prend ses distances vis-à-vis du genre lorsqu’il se popularise pour devenir une musique d’ambiance aux accents mielleux et produit des albums toujours plus intimistes à des intervalles toujours plus espacés. Ainsi le chanteur devient-il au cours des décennies un personnage entouré de mystère, presque fabuleux. Plus il se fait rare et s’éloigne de la banalité et plus les anecdotes et les bruits sur son compte se multiplient. João Gilberto a aujourd’hui 80 ans, vit – essentiellement la nuit – à Rio de Janeiro, soi-disant ne quitte jamais son appartement, ne donne pas d’interviews et ne s’occupe pas le moins du monde de ce qui se passe autour de lui. La seule chose que l’on sache, est qu’il est depuis longtemps en pourparlers avec la maison de disques pour la qualité des enregistrements sur CD de ses premiers albums. Il jouerait de la guitare des nuits entières, dix, douze d’heures d’affilée, animé par un désir de perfection. Il aurait eu une relation amoureuse avec une journaliste qui voulait tourner un documentaire sur lui il y a quelques années dont serait né un enfant, mais le film n’a apparemment jamais vu le jour. Il n’existe que peu de gens pouvant se vanter de l’avoir vu récemment. Même sa fille Bebel, aujourd’hui également chanteuse renommée, ne parviendrait pas à le rencontrer régulièrement. Gilberto est un fantôme. Ses disques, particulièrement celui paru en 1973, sont cependant un bon moyen de faire la connaissance de ce fantôme. Nommé «L’album blanc», c’est sans doute celui qui se rapproche le plus de l’idéal de perfection musicale de João Gilberto: un aparté entre le chanteur et sa guitare, dans lequel un Gilberto des plus émouvants se met à nu. Marc Fischer a découvert dans le chant de João Gilberto la «langueur à l’état pur». Ou l’illustration chantée de ce sentiment à son paroxysme. Ulrich Rüdenauer

Photo: ullstein bild

Elle semble se concentrer exclusivement sur une proximité immédiate: de plus en plus caressante, elle part à la rencontre de son auditeur, comme si la bouche du chanteur n’était plus qu’à quelques centimètres de l’oreille de l’auditeur. Là où d’autres voix assènent leur force fanfaronne, celle de João Gilberto se fait humble. Là où d’autres soupirent langoureusement, s’opère chez lui la magie de sentiments sincères.


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HEAR THE WORLD MENTIONS LÉGALES

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Trademark Publishing, Westendstr. 87, 60325 Frankfurt am Main, Deutschland Direction de la publication Armin J. Noll Editeur Alexander Zschokke Rédaction Maarten Barmentlo, Heiko Ernst, Markus Frenzl, Christian Gärtner, Antonia Henschel (V.i.S.d.P.G.), Karl W. Henschel, Christine Ringhoff, Elena Torresani Photo de couverture Bryan Adams Ont collaboré à ce numéro Bryan Adams, Max Ackermann, Christian Arndt, Anno Bachem, Markus Frenzl, Maud Garrel, Frank Hatami-Fardi, Hennie Haworth, Marcel Krenz, Stefan Kugel, Daniel Lachenmeier, Céline Meyrat, Malin Rosenqvist, Ulrich Rüdenauer, Michael Rütten, Sandra Spannaus, Daniela Tewes Direction artistique Antonia Henschel Production Oliver Selzer Traduction Valérie Dupré Florence Papillon

Régie publicitaire Publicitas GmbH, Falkensteiner Str. 77, 60322 Frankfurt am Main, Allemagne, tél. : +49 (0)69 719 149 29, fax : +49 (0)69 719 149 30, courriel: sven.kietz@publicitas.com, www.publicitas.com/germany Le magazine HEAR THE WORLD paraît quatre fois par an. Prix du numéro pour l’édition 6 EUR (Autriche 6,90 EUR), 9 CHF, 8 USD, 6 EUR Distributeur auprès des commerces de détail SI special-interest MD & M Pressevertrieb GmbH & Co. KG Nordendstr. 2, 64546 Mörfelden-Walldorf, Allemagne Tél. : +49 (0)6105 975 060 Abonnement Abonnez-vous à HEAR THE WORLD – le magazine de la culture de l’audition – sur le site www.hear-the-world.com. Le prix de l’abonnement annuel est de 29 EUR, 47 CHF ou 39 USD, port inclus. Le magazine HEAR THE WORLD paraît 4 fois par an. Chaque abonnement sert une bonne cause. Les bénéfices des ventes sont versés à la fondation Hear the World qui soutient des projets consacrés aux personnes souffrant de perte auditive. Pour en savoir plus sur les activités de la fondation Hear the World, rendezvous sur le site www.hear-the-world.com. Le magazine est disponible dans certains kiosques à journaux. Les articles publiés dans le magazine HEAR THE WORLD sont protégés par le droit d’auteur. Toute reproduction – même partielle – implique l’autorisation écrite de l’éditeur. L’éditeur, la rédaction et la maison d’édition déclinent toute responsabilité pour les textes et photos non sollicités. La rédaction se réserve le droit de publier – même partiellement – tout courrier qui lui a été adressé. L’éditeur n’est en aucun cas responsable des annonces et encarts publicitaires.

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Les bruits de la nuit

Nathalie Miebach

Un audiologiste, qu’est-ce que c’est?

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