Innover pour reconstruire la profession Comment concilier les attentes budgétaires de l’Assurance Maladie et la nécessité pour les transporteurs sanitaires de continuer à vivre de leur travail ? Comment tenir compte de l’explosion des maladies chroniques et du vieillissement de la population qui supposent une augmentation du nombre des transports sanitaires ? Plusieurs intervenants ont échangé sur ce contexte particulier qui impose de repenser les métiers en inventant de nouveaux modèles plus pertinents et qualitatifs.
Hugo Gilardi : « Nous privilégions la recherche de solutions allant vers la pertinence des transports ». Pour le sous-directeur adjoint au financement du système de soins à la Direction de la Sécurité sociale, Hugo Gilardi, l’objectif est clair : « il faut préserver le haut niveau de prise en charge des patients » dans un contexte « où la progression des dépenses liées au transport est de 4,5% entre 2016 et 2017 ». Selon lui, « nous n’avons pas une logique comptable mais nous privilégions la recherche de solutions allant vers la pertinence des transports ». Dans cet esprit, la Sécurité sociale chapeaute plusieurs chantiers. Le premier concerne le projet de confier le financement du transport interétablissements des patients aux établissements eux-mêmes (article 80 du projet de loi de finance de la sécurité sociale 2017). Pour le second, il s’agit de la poursuite des expérimentations relatives aux urgences pré-hospitalières (article 66). Avec un enjeu affiché par le sous-directeur adjoint au financement du système de soins à la Direction de la Sécurité sociale : « avoir la capacité à faire réussir les expérimentations et à les généraliser ».
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A n n e l o r e C o u r y : « L e s expérimentations sont un vecteur d’évolution » « Votre secteur répond à des demandes de transports fortes et structurelles ». En une phrase, Annelore Coury directrice déléguée à la gestion et à l’organisation des soins à la Cnamts (caisse nationale de l’Assurance Maladie des travailleurs salariés) pose l’enjeu d’une profession en évolution. « Vous êtes au cœur de la question de l’organisation au sein des établissements et de la pertinence de la prescription, considère Annelore Coury. Contractualiser la pertinence des soins avec les établissements fait partie des axes développés par l’Assurance maladie. Et dans ce cadre, un volet va nécessairement concerner les transports ». La directrice déléguée à la gestion et à l’organisation des soins évoque ainsi le transport partagé comme une piste pour la gestion des sorties hospitalières. « Il est clair que les expérimentations sont un vecteur d’évolution pour tester des modèles à généraliser s’ils ont un intérêt pour le patient, la tenabilité financière et la santé du secteur » estime Annelore Coury.
Michel Ballereau : « On ne peut pas concevoir l’avenir sans revoir l’organisation du travail » Lorsqu’on l’interroge sur sa vision du futur en matière de transport, Michel Ballereau, délégué général de la Fédération de l’hospitalisation privée, est convaincu qu’il faut « transmettre quelque chose de viable et de durable ». Le contexte étant à l’augmentation des besoins de transport --de part le vieillissement de la population et le développement de l’ambulatoire-- la profession est forcément en mouvement. Par conséquent, selon Michel Ballereau « on ne peut pas concevoir l’avenir sans revoir l’organisation du travail ». Avec un impératif : celui de « veiller, avec les expérimentations, à construire des choses simples et reproductibles ». Un seul mot d’ordre à respecter pour le délégué général de la Fédération de l’hospitalisation privée : « maintenir la qualité de la prise en charge ». 22
Djamel Mahcer : « La mutation du métier est entre vos mains » De l’avis du chargé de mission au pôle transport de l’Anap (agence nationale d’aide à la performance), le secteur va à 100 à l’heure. Pour preuve « le premier taxi sans chauffeur a été mis au point en août 2016 et un projet est en cours pour la création d’un taxi sans chauffeur à fin 2019 pour la ville de Paris », note Djamel Mahcer. Des signaux clairs qui indiquent que « le métier va évoluer et qu’il faut anticiper le changement. Et cette mutation du métier est entre vos mains ! ». Parmi les pistes, celle du transport partagé, qui n’est cependant pas sans poser des problèmes au sein des établissements, « parce qu’il faut plusieurs patients disponibles au même moment pour un transport ».
« La gestion des flux et le sujet du transport partagé sont de vraies questions pour l’avenir ». Jean-Claude Maksymiuk, Président de la FNAA.
Thierry Schifano : « Apporter des réponses communes » Pour le président de la FNTS (fédération nationale du Transport sanitaire), les solutions se trouvent si l’on joue collectif, « car si on tire le fil du parcours patient, on s’aperçoit que tous les maillons sont concernés par des besoins d’amélioration » explique Thierry Schifano. Et du côté des transporteurs, les expérimentations menées ont déjà prouvé qu’à enveloppe budgétaire égale, des augmentations significatives d’activité avaient été constatées. « Prenons le temps des expérimentations qui peuvent apporter une réponse commune à plusieurs acteurs, estime-t-il. Les éléments clés de notre reconstruction sont l’innovation et l’expérimentation. Notre défi est là ». 23