TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE MONTPELLIER N° 1704106 ___________
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
SOCIÉTÉ LES CLES DU SUD ___________ M. Jean Antolini Juge des référés ___________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le juge des référés
Ordonnance du 25 septembre 2017 __________
Vu la procédure suivante : Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 août et 18 septembre 2017, la société les clés du sud, représentée par la SCP Melmoux - Prouzat Guers, demande au juge des référés : 1°) de prononcer, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de la décision du 21 juillet 2017, par laquelle le maire de la commune de Béziers a procédé au retrait du permis de construire tacite dont elle était titulaire depuis le 19 mars 2017 ; 2°) de mettre à la charge de la commune de Béziers la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la requête est recevable ; - la condition d’urgence est satisfaite dès lors que la décision en litige fait obstacle à la poursuite de la vente du terrain d’assiette de son opération immobilière et que l’échec de ce projet lui créerait un préjudice financier de nature à remettre en cause la pérennité de la société ; - sont propres à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision en litige les moyens tirés de ce que : * le permis tacite dont le maire a procédé au retrait devait en tout état de cause s’analyser non comme un simple modificatif mais comme un nouveau permis de construire dès lors que la demande portait sur l’intégralité du projet ; * l’insuffisance de motivation ; * l’erreur de fait dès lors que, contrairement à ce qu’à retenu le maire, le permis initial avait fait l’objet d’une demande de prorogation avant le 31 mai 2014 ; * le maire ne pouvait légalement se fonder sur la circonstance que la société n’était pas propriétaire du terrain d’assiette du projet dès lors qu’elle avait déclaré, conformément à l’article R. 423-1 du code de l'urbanisme, être habilitée à présenter la demande ; * la violation de l’article L. 424-5 du code de l'urbanisme dès lors que le retrait est intervenu le 21 juillet 2017 plus de 3 mois après l’intervention du permis tacite ;
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Par des mémoires en défense, enregistrés les 14 septembre et 18 septembre 2017, la commune de Béziers, représentée par la SCP Coulombie, Gras, Cretin, Becquevort, Rosier, Soland conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du requérant une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l’urgence à suspendre l’exécution de la décision en litige n’est pas démontrée dès lors que la société requérante est, d’une part, seule responsable du retard pris par son opération immobilière, qu’elle n’est, d’autre part, ni titrée sur le terrain ni titulaire d’une prorogation de son permis et ne peut en conséquence se prévaloir d’un quelconque préjudice financier, qui n’est pas au demeurant justifié, alors qu’elle a frauduleusement déclaré avoir commencé les travaux et obtenu une prolongation de son permis de construire et alors qu’une autre société est chargée de cette opération immobilière depuis le 4 août 2017 ; - les moyens invoqués par la société les clés du sud ne sont pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée dès lors que : - d’une part, contrairement à ce qui est soutenu, aucun permis tacite n’a pu naitre le 19 mars 2017, faute d’avoir produit l’accord de l’aménageur et de l’architecte ainsi que le formulaire ERP et certains plans avant le 9 décembre 2016 ; - d’autre part, le permis tacite étant né le 9 mai 2017, il pouvait légalement être retiré jusqu’au 9 août suivant ; - la demande de permis en cause ne saurait s’analyser comme un nouveau permis dès lors que le dossier de la demande ne comportait pas l’ensemble des pièces permettant de l’analyser comme un demande nouvelle ; - l’arrêté en litige est suffisamment motivé et n’est entaché d’aucune erreur de fait ou de droit dès lors qu’aucun travaux n’a été entrepris sur le terrain et que, contrairement à ce qui est soutenu, aucune demande de prorogation du permis initial n’est parvenue en mairie ; - la pétitionnaire n’était plus habilitée à présenter la demande de permis modificatif, dès lors que le projet est désormais assumé par une autre société. Vu : - la décision par laquelle le président du tribunal administratif de Montpellier a désigné M. Antolini, vice-président, pour statuer sur les demandes de référés ; - la requête, enregistrée le 25 août 2017 sous le n° 1704105, tendant à l’annulation de la décision susvisée ; - les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative ; Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique du 18 septembre 2017 à 15 heures : - le rapport de M. Antolini ; - les observations de Me Pons, représentant la société les clés du sud, et celles de Me Rosier, pour la commune de Béziers. La clôture de l’instruction a été prononcée, à l’issue de l’audience. Une note en délibérée présentée pour la SARL les clés du sud a été enregistrée le 18 septembre 2017.
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1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) » ; que l’article R. 522-1 dudit code prévoit que la requête visant au prononcé de mesures d’urgence doit justifier de l’urgence de l’affaire ; 2. Considérant, que l’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre ; qu’il appartient au juge des référés d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l’acte en litige sont de nature à caractériser une urgence qui doit être appréciée objectivement et compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce ; 3. Considérant que la demande de la société les clés du sud tend, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l’exécution de la décision du 21 juillet 2017, par laquelle le maire de la commune de Béziers a procédé au retrait du permis de construire tacite dont elle s’estime titulaire depuis le 19 mars 2017 ; que pour justifier de l’urgence à suspendre cette décision, la société requérante soutient que la condition d’urgence est satisfaite dès lors que la décision en litige fait obstacle à la poursuite de la vente du terrain d’assiette de son opération immobilière et que l’échec de ce projet lui créerait un préjudice financier de nature à remettre en cause la pérennité de la société ; 4. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la société les clés du sud a obtenu le 31 mai 2012 un permis de construire une résidence étudiante et un établissement hôtelier ; qu’elle n’a toutefois jamais mis en œuvre ce permis sans cependant l’abandonner puisqu’elle a sollicité des permis modificatifs en vue de réduire l’importance du complexe hôtelier ; que tant le compromis de vente du 27 février 2012 versé au dossier par cette société que le contrat de réservation du 25 octobre 2016 également produit font apparaître que la société les clés du sud ne tenait plus aucun droit de ces documents pour poursuivre son projet ; qu’il ressort en revanche des pièces versées en défense et dans le mémoire en réplique de la société requérante que la vente du terrain d’assiette du projet est désormais impossible et qu’elle doit se faire au profit d’une autre société ; que, dans ces conditions, la société les clés du sud ne peut utilement se prévaloir d’une quelconque urgence à suspendre la décision en litige pour maintenir à son profit le bénéfice de sa promesse de vente initiale, quand bien même une action portée devant le juge judiciaire pourrait éventuellement, à longue échéance, la rétablir dans ses droits ; que la société les clés du sud ne démontre pas, au surplus, par les seules attestations qu’elle verse au débat, l’impact qu’aurait la décision en litige sur son bilan financier et l’atteinte à sa santé économique qu’elle allègue ; que l’urgence à suspendre la décision en litige n’est, dès lors, pas constituée et il y a lieu, en conséquence, de rejeter les conclusions présentées par la société les clés du sud au titre de l’article L. 521-1 du code de justice administrative ; Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : 5. Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la
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partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. » ; que ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Béziers, qui n’est pas la partie perdante dans cette instance, verse une quelconque somme à la société les clés du sud au titre des frais non compris dans les dépens qu’elle a dû exposer dans cette instance ; que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de condamner la société les clés du sud à verser à la commune de Béziers la somme qu’elle demande sur le fondement de ces mêmes dispositions ; ORDONNE Article 1er : La requête de la société les clés du sud est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la commune de Béziers présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société les clés du sud et à la commune de Béziers. Fait à Montpellier, le 25 septembre 2017 Le juge des référés,
Le greffier,
J. Antolini
M. Chouart
La République mande et ordonne au préfet de l’Hérault en ce qui le concerne ou à tous huissiers à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Montpellier, le 25 septembre 2017, Le greffier,
M. Chouart