Hémisphères N°22 – Un monde en images et représentations

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G R A N D

E N T R E T I E N

Pour Laurent Gervereau, l’étude de l’image doit embrasser l’échelle planétaire et l’histoire humaine, tout en s’ancrant dans un regard hyperlocal. Pour nous sauver de la noyade visuelle, il en appelle à l’éducation, à la création de « plateformes-relais » et à notre vocation de « terristes ».

Vivre avec toutes les images du monde TEXTE

| Nic Ulmi

IMAGE

Lorsqu’on s’intéresse à l’histoire des images dans le temps long, on navigue entre l’impression que tout a déjà existé dans le passé (« guerre des images » lors de la colonisation du Mexique au XVIe siècle, manipulations photographiques pendant la guerre de Sécession américaine ou la Commune de Paris…) et l’impression opposée que le « monde d’images » actuel est une réalité inédite. Vivons-nous une rupture radicale, ou plutôt une continuité avec un changement d’échelle ? La puissance des images, les systèmes d’influences qui leur sont rattachés sont très anciens. Dès ce qu’on appelle la Préhistoire, leur circulation est intense. Car les humains esthétisent l’utile, dans leurs outils, leurs corps ou leurs habitats. Ils font image, et cela crée du sens dans leur conception du monde. Nous vivons depuis toujours en images matérielles,

| Laurent Gervereau

que nous produisons et en images mentales. La rupture s’opère au milieu du XIXe siècle, avec ce que j’ai appelé la multiplication industrielle des images en commençant par la presse, les estampes, les timbres-poste, les cartes postales, le packaging, les affiches commerciales… Viennent ensuite l’ère du cinéma puis de la télévision, sans que le papier disparaisse : ses supports s’adaptent. Aujourd’hui, c’est le temps du cumul avec internet. Les individus, émetteurs-récepteurs, y sont engagés dans une production exponentielle et dans une ubiquité incessante, où la vision indirecte – ce qui est perçu à distance – compte davantage que la vision directe des réalités qui nous entourent. Notre croyance dans les images pose question. D’une part, l’image paraît investie de la même valeur que la présence réelle des gens et des choses. D’autre part, nous


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