6 2
S O C I A L
Le travail social hors murs se base sur une culture orale. Face à des situations de plus en plus complexes sur le terrain, la posture de ces spécialistes de la proximité doit être formalisée, selon Emmanuel Fridez, professeur à la Haute école de travail social Fribourg – HETS-FR – HES-SO et auteur d’une thèse sur la modélisation de l’action liée au travail de rue.
Les nouveaux défis des travailleurs sociaux de rue TEXTE
1
« Travailleur social hors mur » est la nomenclature qui fait référence au niveau romand pour cette profession. Mais des particularités régionales existent dans l’usage courant. Dans le canton de Vaud, l’expression la plus souvent utilisée est « travailleur social de proximité ». À Fribourg, on parle de « travailleur social de rue », dénomination qui fait également référence au niveau international.
| Geneviève Ruiz
Quand on dit « travailleur de rue », on pense souvent à des héros comme l’abbé Pierre ou, plus localement, à Mère Sofia ou à Jan de Haas… Des personnes qui ont œuvré en faveur des plus défavorisés dans une abnégation totale. Cela ressemble à cela, le métier de travailleur social de rue ? Oui, cela peut y ressembler, avec quelques nuances bien sûr. Aller à la rencontre de populations marginalisées demande un engagement fort et permanent, qui comporte son lot d’incertitudes, voire de risques. La posture de la travailleuse sociale et du travailleur social hors murs (TSHM) 1 est non jugeante, non coercitive, non normative, et n’oblige pas l’adhésion des personnes qu’il contacte. Elle mobilise l’idée d’un accompagnement émancipateur et responsabilisant vers l’autonomie, par la construction d’un lien de confiance sur le long terme. Le travailleur peut aiguiller
vers des institutions. Il peut aussi informer le politique de certaines situations, dans le but de répondre à de nouveaux besoins. L’image de l’escargot permet de se rendre compte de cette posture spécifique : le TSHM porte en permanence le cadre institutionnel de son action in situ, il le fait vivre à travers sa présence. Quelle est l’histoire des interventions de rue en Suisse romande ? Des démarches vers les populations en situation de vulnérabilité ont émergé à Genève à la fin des années 1960. Elles se concentraient d’abord sur la toxicomanie et les scènes ouvertes de la drogue. Petit à petit, on a pu constater un développement de ce type d’intervention de l’ouest vers l’est de la Suisse, chaque canton développant ses propres modèles. Mais, dans le fond, la posture consistant à aller vers les plus démunies