Moulay Hicham Baudoin Bectarte Pilliet Citation Ouverte

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CITATION OUVERTE La plaidoirie qui n’aura pas lieu

Préface

Afin de répondre aux graves accusations lancées dans le livre intitulé « Moulay Hicham : itinéraire d’une ambition démesurée », j’ai initié une citation directe devant le Tribunal correctionnel de Paris à l’encontre de son auteur et de son éditeur. Il s’agissait d’une question de principe, les accusations proférées dans cet ouvrage étant d’une particulièrement gravité, allant jusqu’à celle de crime de guerre et dépassant ainsi les attaques des campagnes médiatiques soutenues dont je fais régulièrement l’objet dans mon pays. En outre, si les accusations de ce livre me visent personnellement, l’auteur vise également mes proches, allant jusqu’à attribuer post mortem des propos et des attitudes à feu mon oncle, le Roi Hassan II ou encore feu le Roi Hussein de Jordanie, procédé inadmissible. En raison d’un incident de procédure opportunément soulevée par M. AMAR, lui permettant d’échapper au débat de fond par cette dérobade, cette citation ne sera pas suivie d’effet, indépendamment de ma volonté. La Vérité existe cependant en dehors des tribunaux et il serait incohérent, au regard de la démarche entreprise, que je ne puisse aller au bout de ma logique en rétablissant les faits dans leur objectivité et leur véracité. Le débat contradictoire ne pouvant avoir lieu en audience publique devant un Tribunal, je fais le choix de produire la plaidoirie de mes avocats qui ne sera jamais prononcée pour la soumettre au grand public.

Hicham Alaoui * *

*


« La vérité, comme la lumière, rend aveugle. »

Que passe la vérité ! Dans son livre dont le titre trahit l’animosité de l’auteur à l’encontre du Prince Moulay HICHAM, M. AMAR porte continuellement des accusations infondées qui révèlent non seulement le peu de sérieux de son enquête, mais aussi, quoiqu’il s’en défende, son manque de bonne foi. Ainsi, de nombreux propos qui y sont tenus constituent des imputations de faits portant atteinte à l’honneur et à la considération du Prince MOULAY HICHAM, lequel, dans un souci de dignité, a décidé de limiter la sphère de la présente citation en écartant la référence à divers passages diffamatoires touchant sa vie privée et familiale. En effet, M. AMAR dénonce tour à tour : -

Un Moulay Hicham prétendument affabulateur sur son rôle lors de la mission onusienne au KOSOVO à la fin des années 90 Un Moulay Hicham prétendument trafiquant d’armes Un Moulay Hicham affairiste Un Moulay Hicham qui userait de sa position pour abuser une personne âgée, Un Moulay Hicham qui se livrerait à un chantage envers un membre de sa propre famille

Autant de fausses accusations et de propos diffamatoires qui ont pu abuser les lecteurs de ce que l’auteur a d’abord qualifié de livre avant de le rétrograder en « pamphlet ». Encore que le pamphlet, qui doit obéir à un minimum de rigueur, tient du fait que son auteur brandit « sa seule vérité ». Car le Prince Moulay Hicham, s’il est un homme, un citoyen, avec ses qualités et ses défauts, un père de famille, un mari, un universitaire ou encore un homme d’affaires soucieux des enjeux actuels de la planète puisqu’il a été un pionnier dans les énergies renouvelables, il n’est rien de l’homme que décrit M. AMAR avec un acharnement, suspect et « inspiré ».


Un acharnement le conduisant à porter des accusations sans en fournir les preuves, l’auteur s’appuyant systématiquement sur ce qu’il aurait entendu, ce qu’on lui aurait rapporté sans jamais citer le moindre nom de ses sources : tantôt il s’agirait d’un diplomate, tantôt d’un membre du cabinet du Roi et parfois juste une rumeur, de prétendus bruits de couloirs qui laissent à penser que l’imagination de l’auteur en est la véritable source. Mais le proverbe arabe nous rappelle « La vérité ne peut être contenue dans un seul rêve » et le rêve de M. AMAR contient sans aucun doute bien peu de vérités. Car la Vérité, la voici, étayée par des documents incontestables.

A titre liminaire

Il sera démontré que les écrits querellés ne sont pas le fruit d’une enquête sérieuse et objective, ni « minutieuse » comme annonce l’auteur sur la 4ème de couverture de son opus, mais une compilation d’accusations regorgeant d’erreurs qui auraient pu faire l’objet de vérifications par le biais de simples recherches sur internet, dans les bases accessibles au grand public.

A titre d’exemple, l’auteur aurait pu vérifier ses informations quant aux performances des ventes du livre du Prince « Journal d’un Prince banni» et de l’intérêt des médias au lieu d’indiquer que l’ouvrage a été « boudé par la presse qui compte » (Annexe 1: Extraits relatifs à la sortie du livre « Journal d’un Prince banni »).

Connaissant l’histoire du Maroc et notamment son histoire récente, il aurait encore pu se documenter sur la raison des tensions entre le Prince et son oncle, le Roi Hassan II, au lieu de se tromper à la fois d’évènement et de période comme nous le verrons plus tard.

De même, l’auteur se trompe quand il évoque le refus de l’Université d’Oxford opposé au Prince MOULAY HICHAM pour la réalisation de son doctorat de manière pernicieuse par une simple note de bas de page :


« Sa tentative de s’inscrire en Phd au St Antony’s College de l’université d’Oxford grâce à l’entregent de l’islamologue Tarik Ramadan s’est récemment heurté à un refus ». Rien de cela n’est vrai puisque Moulay Hicham est bien inscrit au St Antony’s College (Annexe 2 : Site de l’Université d’Oxford).

Photo : Moulay Hicham à l’Université d’Oxford, 19 octobre 2014

Ce livre est riche en erreurs mais se trouve en revanche extrêmement pauvre sur le terrain probatoire : l’auteur fait constamment appel à des témoignages invérifiables, taisant les noms et les origines de citations probablement imaginaires, reprenant des « on-dit » traités en affirmation, attribuant des propos post mortem, notamment au Roi Hassan II et va jusqu’à finalement reprendre les racontars portés par un journal proche du Palais, le « 360 », lequel dresse pourtant un portrait peu flatteur de lui.


Mais ces erreurs, dont nous ne pouvons lister la totalité ici, sont en réalité volontaires et ont pour seul but d’atteindre le Prince Moulay Hicham dans son honneur et sa dignité, comme nous le démonterons dans nos développements.

1. Sur les accusations d’un prétendu commerce d’armes Dans de nombreux passages de son livre, l’auteur entretient l’ambiguïté sur un prétendu rôle du prince dans des affaires de vente d’armes, voyant en celui-ci un « marchand d’armes » construisant sa fortune à l’encontre de l’éthique qu’il prône. C’est ainsi qu’il accuse le Prince de duplicité pour son rôle d’intermédiaire dans la conclusion d’un contrat d’armement entre les Emirats Arabes Unis et la firme française THOMSON CSF, aujourd’hui THALES : « En clair, il affirme que c’était une entreprise morale : des offsets destinés à encourager les firmes d’armement à réinvestir une partie des fonds engrangés par les ventes de matériel militaire dans des activités civiles. Or, rien n’est plus faux, car cela désigne en réalité des prises de commissions sur des ventes d’armes. Et d’ajouter à la page suivante : « En réalité, ce que ne dit pas Moulay Hicham dans son livre, c’est qu’il s’est livré des années durant à des activités de lobbying dans le domaine de l’armement. Des opérations qui ont fait sa fortune loin de l’éthique qu’il prétend défendre. ». Pour qui connaît le principe du contrat Offset, rien n’est plus faux que d’accuser le Prince MOULAY HICHAM de construire sa fortune sur la vente d’engins de mort. Pour votre compréhension, les « offsets » sont des contrats non standards exigeant qu’une forme d’activité économique soit transférée du vendeur au gouvernement de l’acheteur comme condition pour la vente de biens et/ou services sur les marchés publics. Les opérations d’offsets dans les marchés publics sont des mesures utilisées pour encourager le développement local. Dans le cadre du contrat entre les Emirats Arabes Unis et Thomson CSF, le rôle du Prince MOULAY HICHAM était précisément de négocier ces compensations : des investissements locaux ou des


transferts de technologie pouvant bénéficier et surtout contribuer à diversifier l’économie des Emirats Arabes Unis traditionnellement basée sur les hydrocarbures. Il en a été de même du contrat avec Dassault pour lequel la compensation négociée portait sur le projet « ASMAK », une société de pisciculture industrielle, qui a donné lieu à une grande souscription publique à laquelle tout un chacun pouvait participer, ainsi que le Prince Moulay Hicham en tête de liste (Annexe 3 : Article de Al Sharq Al Awsat du 27/11/1998). Autrement dit, la mission du Prince consistait à obtenir du vendeur une compensation par la fourniture de biens ou de technologies devant bénéficier d’une manière ou d’une autre à l’économie et donc, à la population des Emirats Arabes Unis. Il ne vendait donc pas des armes et n’était nullement impliqué dans une quelconque vente d’armes, ne touchait pas de commission occulte pour lesdites ventes, mais a été rémunéré de manière totalement officielle pour trouver une compensation économique pour les nationaux de ce pays.

Photo : Avec Serge Dassault au Salon international de l’aéronautique du Bourget en 1998 Pour fonder cette accusation, l’auteur a par ailleurs relié la question des contrats Offset à l’exclusion du Prince de la maison royale :


« C’est d’ailleurs à cause de ces affaires qu’il n’avait plus accès à la Maison royale depuis 1993, et ce jusqu’aux funérailles de Hassan II en 1999 ». Autrement dit, pour l’auteur, indiquer que le contrat Offset est à l’origine des tensions entre le neveu et son oncle est un moyen de prouver que ce contrat portait sur autre chose, bien plus grave que de simples compensations. Or, l’erreur est voulue, aussi flagrante que significative ! Car l’erreur de date est patente, et une simple photo du Roi Hassan II avec ses fils et son neveu lors des vœux de la Fête du Trône en 1994 suffit à le prouver sans autre commentaire (Annexe 4 : Journal Le Matin du Sahara et du Maghreb, éditions des 4 et 5 mars 1994, page 1). C’est d’ailleurs dans son livre paru en 2014 que le Prince expose sans détour l’évènement plus tardif qui va envenimer ses relations avec son Oncle. Il vient alors, en mai 1994, de créer un institut de recherches au sein de l’Université Princeton et avertit son oncle : « Je prends soin de prévenir Hassan II de la création de mon institut en lui envoyant deux fiches explicatives. Il ne répond pas. Je poursuis, donc, sans son accord explicite. L’opposition du roi ne devient frontale que lorsque je veux donner à mon institut le nom de son père, Mohammed V, et non pas le sien. Le 12 mai 1994, un communiqué du Palais, qui ne me cite pas, rend publique l’objection du roi par rapport à cette appellation ». (Annexe 5: Moulay Hicham, « Journal d’un prince banni », Editions Grasset, Paris, 2014, p. 181/182).


Photo: Avec Benazir Bhutto et Abdallah Hammoudi pour la Conférence inaugurale du Transregional Study of the Contemporary Middle East, North Africa and Central Asia de Princeton. Une manipulation de date qui permet à Ali AMAR de fonder artificiellement son accusation d’intermédiaire en vente d’armes mais permet surtout de douter du sérieux de l’enquête dont il se prévaut dès les premières pages de son livre.

2. Sur la mission onusienne du Prince au Kosovo On a déjà pu observer au sujet des contrats Offset qu’Ali AMAR pense pouvoir décrire le Prince MOULAY HICHAM tel un marchand d’armes construisant sa fortune sur le commerce d’engins de mort à l’encontre d’une éthique qu’il prône. Mais dans les pages suivantes de son livre (p.105 et s.), l’auteur pamphlétaire accentue le trait de sa critique, une nouvelle fois infondée, puisque le Prince ne serait désormais, non plus simple intermédiaire, mais trafiquant d’armes. Et la gravité des propos ne s’arrête pas là puisque qu’il affirme que ce trafic aurait été réalisé à destination des combattants musulmans en ex-Yougoslavie alors que le Prince étant nommé par l’ONU dans la mission « MINUK » initiée par l’Organisation internationale en 1999 au Kosovo. On rappellera que la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK) a été créée par la résolution 1244 du Conseil de Sécurité de l’ONU


le 10 juin 1999. Elle avait notamment pour mission, dans le contexte de la guerre qui a déchiré l’ex-Yougoslavie dans les années 90 et occasionné, entre janvier 1998 et décembre 2000, près de 140000 victimes civiles, de faciliter l'instauration au Kosovo d'une autonomie et d'une auto-administration substantielles, de faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire et des secours aux sinistrés, de défendre et promouvoir les droits de l'homme et de veiller à ce que tous les réfugiés et personnes déplacées puissent rentrer chez eux en toute sécurité et sans entrave au Kosovo. Le Prince MOULAY HICHAM a été nommé dans le cadre de cette mission pour assister l’homme politique et humanitaire français Bernard KOUCHNER dans les efforts de la communauté internationale afin de maintenir la paix dans cette république d’ex-Yougoslavie, et plus particulièrement de parvenir à y organiser des élections municipales libres et crédibles, premier pas de l’autonomisation du Kosovo. Or, selon Ali AMAR, cette mission n’était finalement qu’une couverture qui permettait au Prince, parallèlement, d’acheminer des armes à destination des combattants musulmans de la région : « Dans son récit imaginaire de sa mission au Kosovo à la fin des années 1990 aux côtés de Bernard Kouchner – avec qui les relations étaient très fluctuantes – , il a encore une fois oublié de mentionner qu’il a joué les intermédiaires entre les fabricants d’armes, certains pays du Golfe, et les milices bosniaques pour livrer du matériel militaire et des munitions aux combattants musulmans, une affaire qui a ruiné sa réputation à l’ONU alors qu’il avait frappé à la porte de son secrétaire général pour participer en tant que missionnaire pour la paix ! Cette affaire, tenue jusqu’ici secrète lui avait valu bien des soucis. ‘La guerre des Balkans n’était pas encore éteinte entre les différentes nations de l’ex-Yougoslavie et le Prince censé épauler Bernard Kouchner dans sa mission de paix opérait en secret pour faire acheminer des armes depuis le Moyen-Orient’, confirme un de ces anciens amis. » (Page 105 du livre d’Ali Amar). Or, la réalité est toute autre. Ainsi, de nombreux documents officiels des Nations unies, tels que les comptes rendus des délibérations du Conseil de sécurité de l’ONU sur la MINUK dirigée par Bernard KOUCHNER saluent la mission de paix comme un succès. Au cours d’une réunion qui s’est tenue le 16 novembre 2000 au Conseil de sécurité de l’ONU, soit peu de temps après la mission à laquelle le Prince Moulay HICHAM a participé, l’ensemble des acteurs présents, représentants des Etats membres de l’instance ayant mandaté la MINUK, ont salué le succès de la mission. L’ambassadeur des Etats Unis a qualifié la mission de « succès remarquable ». De même, l’ambassadeur du Bangladesh s’est exprimé en ces termes :


« Nous tenons à féliciter M. Kouchner et son équipe de la Mission intérimaire des Nations Unies au Kosovo de leurs préparatifs approfondis et laborieux de ces élections » (Annexe 6 : 4225ème séance du Conseil de sécurité des Nations unies, 16 novembre 2000)

Photo : De gauche à droite, le Général Ortuño, Commandeur des forces de l’Otan ; Bernard Kouchner, Haut-représentant du Secrétariat général des Nations Unies au Kosovo ; Hashim Thaçi, premier Premier Ministre du Kosovo, actuel Vice premier ministre et Ministre des affaires étrangères ; Moulay Hicham. Plus encore, le Prince lui-même a été cité à plusieurs reprises, que ce soit dans la presse, ou encore dans un ouvrage de Bernard KOUCHNER, pour le rôle essentiel qu’il a joué dans la réussite de cette mission : « C’est à son jugement et à son autorité que nous devons le succès inespéré de cette manœuvre. Seul ce Marocain, descendant du Prophète, prince héritier en second de la monarchie chérifienne, volontaire et bénévole pour un engagement d’un an au Kosovo au salaire d’un dollar par mois, possédait un sens démocratique et politique assez aigu pour comprendre et diriger cette opération » (Annexe 7 : B. Kouchner « Les guerriers de la paix », Grasset, Paris, 2004). Loin d’être imaginaire, le rôle du Prince a été salué par la plupart des personnes qui s’y sont trouvées impliquées et par certains observateurs parmi lesquels… Ali AMAR lui-même !


Un admirateur qui critique désormais en rapportant le prétendu état d’esprit du contingent Marocain dans les Balkans à l’époque des faits dès la page 55 de son livre : « En 2001, Moulay Hicham revient au Maroc : il rentre d’une mission des Nations unies au Kosovo, aux côtés de Bernard KOUCHNER. Quoique le contingent marocain lui ait amèrement reproché, à Pristina, sa compromission dans des commerces d’armes avec des belligérants du conflit …etc ». Comment l’auteur peut-il expliquer son revirement sur cette question puisqu’il exposait à la page 854 (Edition Kindle) de son livre "Mohamed VI, le grand malentendu" paru en avril 2009 : « Celui qu’on surnomme déjà le Prince rouge va multiplier les prises de position politiques après son retour d’une mission pour les Nations Unies au Kosovo aux côtés de Bernard Kouchner, où le contingent marocain lui a rendu des honneurs appuyés à Pristina » :

Photo: Moulay Hicham et le contingent marocain au Kosovo

Mais plus que la véracité du rôle du prince dans cette mission de paix, l’accusation porte sur un prétendu trafic d’armes parallèlement à son rôle onusien.


On observe néanmoins qu’il ne s’appuie sur aucun document probant et, utilisant un procédé qui ponctue la quasi-totalité de ses accusations, cite un mystérieux, et probablement imaginaire ancien ami du Prince. Ali AMAR ne s’arrête pas là : « Il se dit que l’affaire a été éventée par un inspecteur de l’ONU qui en fit un rapport accablant au secrétaire général à New York ». Or, un tel rapport n’a jamais existé. De même, l’affirmation selon laquelle la réputation du Prince Moulay HICHAM aurait été « ruinée » au sein de l’ONU est parfaitement erronée, puisque le Prince était notamment, en 2006, invité à modérer une table ronde lors d’un débat en marge de la 56ème session de l’Assemblée générale de l’ONU (Annexe 8: Compte rendu de la 59ème Conférence annuelle DPI/NGO des Nations unies – 6-8 septembre 2006). De surcroît, et comme l’atteste une brève parue dans Le Journal Hebdomadaire dans son édition de décembre 2001-janvier 2002, le Prince Moulay Hicham était l’invité, de retour du Kosovo en 2001 du Secrétaire Général de l’ONU, afin de préparer, avec d’autres experts, le deuxième mandat de Kofi ANNAN, celui-là même qui, selon l’auteur, aurait reçu ce rapport accablant. Pour une personnalité présentée comme un trafiquant d’armes à la réputation ruinée, il s’agit là d’une bien curieuse façon de témoigner de son discrédit. (Annexes 9 : Extrait du Journal Hebdomadaire n°46 du 29 décembre 2001 au 4 janvier 2002, et Annexe 9bis : Copie du badge temporaire du 11 au 12 janvier 2002 délivré par le Bureau exécutif du Secrétaire général des Nations unies) On remarque d’ailleurs une nouvelle fois l’utilisation du ouï-dire comme fondement de fausses affirmations : « il se dit que… ». Et l’auteur ajoute encore, sous couvert d’une citation dont il se garde bien, une fois de plus, de dévoiler la source : « Je crois pouvoir dire que dans cette grave affaire, le Prince a gagné beaucoup d’argent sale, mais pas seulement, chaque dollar qu’il a empoché est tâché du sang des victimes de ce conflit’, assène un diplomate. » Alors, si nous résumons, Ali AMAR affirme que le Prince Moulay Hicham aurait été mêlé, voire aurait été l’instigateur d’un trafic d’armes en pleine mission de paix, ce en fondant ses affirmations d’une part sur un rapport inexistant et d’autre part sur le soidisant témoignage d’un ancien ami mystérieux, un bruit de couloir et la citation d’un diplomate dont bien entendu l’auteur taira le nom en invoquant probablement, en lieu et place de son imagination, le sacro-saint secret des sources.


Ces accusations, d’une gravité extrême puisqu’elles présentent le Prince Moulay HICHAM comme un complice de crimes de guerre et un profiteur des actes accomplis par les bourreaux, ne sont ainsi appuyées par aucun début d’élément de preuve et, au contraire, n’apparaissent de manière évidente, à l’épreuve des faits décrits ci-dessus, que comme des actes de pure calomnie destinés à gravement entacher l’image du Prince.

Photo : Les membres du Tribunal pénal international pour les crimes de l’exYougoslavie enquêtent sur le site d’un charnier de masse (Moulay Hicham de dos à droite)

Le Prince, en qualité d’ancien fonctionnaire de l’ONU a prévenu les instances de cette organisation ainsi que l’ambassadeur du Maroc de la nécessité de se défendre quand à ces affirmations purement diffamatoires (Annexe 10 : Lettre du 14 septembre 2015).

3. Sur les accusations relatives aux affaires du Prince a. Sur la conformité des déclarations fiscales et sociales Non content de faire passer le Prince MOULAY HICHAM pour un trafiquant d’armes, l’auteur l’accuse également de commettre des « petits larcins » et de profiter de sa


position pour ne pas se conformer à ses obligations fiscales et sociales sur son domaine agricole de Taroudant ou son entreprise MAHA Développement. Or, là encore, M. AMAR distille des accusations infondées et plus encore, de véritables contre-vérités. Comment peut-on accuser le Prince de ne pas se conformer à ses obligations sociales et exposer qu’il se livrerait à du travail dissimulé quand le domaine de Taroudant est au contraire un exemple dans ce secteur ? En effet, page 96 de son ouvrage, l’auteur indique que le prince n’aurait pas réglé les charges sociales, notamment pour son domaine de Taroudant avant d’indiquer en note de bas de page : « A ce titre, les sociétés Maha Développement et Domaines agricoles de Taroudant sont réputées avoir employé du personnel non déclaré ». Or, non seulement le Prince est en règle vis-à-vis des caisses sociales pour son Domaine agricole mais plus encore, jamais du personnel non déclaré n’y a travaillé. Nous en voulons pour preuve le fait que le Domaine de Taroudant bénéficie d’une reconnaissance au niveau international dans le domaine social puisqu’il est une des rares entreprises en Afrique à s’être vue décerner le certificat international SA 8000, récompensant les entreprises exemplaires dans la gestion sociale, ce certificat étant une norme de responsabilité sociétale délivré par une Organisation Non Gouvernementale et fondé sur la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (Annexe 11 : Certificat SA 8000 remis au Domaine de Taroudant en juin 2014). Si l’enquête s’était avérée sérieuse, l’auteur aurait eu connaissance de cette information et aurait assurément évité d’écrire ces passages purement diffamatoires. A moins que la mauvaise foi ait été trop forte dans un ouvrage réalisé sous l’angle de l’animosité personnelle. Quant à la société MAHA développement, elle subit les affres inhérentes à toute entreprise commerciale confrontée à la crise persistante. Elle n’échappe pas à la règle du manque de trésorerie qui l’a obligée à négocier un échelonnement de sa dette vis-àvis des organismes sociaux. Un accord a d’ailleurs été conclu avec la Caisse Nationale de Sécurité Sociale le 15 août 2013 permettant de régler la dette sociale de MAHA développement en 48 mensualités. Dès lors, il est inacceptable d’en conclure à l’incurie du Prince quant à ses obligations sociales qui sont celles d’une société qui connait une situation difficile comme tant d’autres et qui a justement trouvé un moyen d’apurer sa dette vis-à-vis des organismes sociaux.


Ali AMAR se trompe, volontairement, de cible.

b. Sur une prétendue surfacturation Au second paragraphe de la page 99 du livre querellé, l’auteur fait état d’une enquête journalistique lors de laquelle il aurait découvert la soi-disant mise en place d’un système de surfacturations lors de la construction d’un complexe touristique à l’initiative du Prince : « Lors d’une enquête que j’ai réalisée pour Le Journal Hebdomadaire sur la banque CIH, nous avons découvert que Moulay Hicham avait fait bâtir son complexe touristique Ksar Al Rimal sur la base de surfacturations pour s’assurer d’importants crédits auprès du CIH. Certains fournisseurs fictifs de ce projet immobilier avaient opportunément établi leurs sociétés-écrans à Gibraltar, ce qui permettait ainsi de faire fuir des capitaux en devises à l’étranger ». Il est toujours difficile d’apporter la preuve de ce qui n’a jamais existé. Pourtant, en l’espèce, il suffit d’observer que ce système de prétendues surfacturations est incohérent avec le fonctionnement de l’emprunt souscrit auprès du CIH puisque ce dernier débloque les fonds en fonction de l’avancement des travaux et non en fonction des factures. Cette banque ne contrôle ni ne demande à voir les factures correspondant à l’investissement, lesquelles sont soigneusement vérifiées dans une recherche de diminution des coûts de construction. De surcroit, alors que l’auteur présente le Prince comme « l’initiateur » de ce projet immobilier nommé Ksar el-Rimal, ce dernier n’était pourtant en rien impliqué dans sa réalisation puisque, en tant que Maître d’ouvrage, il a désigné un maître d’ouvrage délégué, la C.C.C. (Consolidated Contractors Company), 1ère entreprise de B.T.P. dans le monde arabe (Annexe 12 : Délégation de pouvoirs). Le financement externe a d’ailleurs été assuré pour prêt de 80% par la consortium composé de la C.C.C. et de l’Arab Bank, le reliquat par le CIH, informations figurant d’ailleurs dans l’ouvrage du Prince sans jamais avoir été démenties (Moulay Hicham El Alaoui, « Journal d’un prince banni », Editions Grasset, Paris, 2014, p. 146). Plus encore, pour les mêmes raisons, à aucun moment le Prince MOULAY HICHAM, que ce soit directement ou par l’intermédiaire d’une de ses sociétés, n’a contracté avec une société établie à Gibraltar.


Sur ces deux derniers points, l’auteur ne fonde d’ailleurs ces deux accusations sur aucun élément probant alors qu’il l’annonce comme le résultat d’une enquête journalistique pour le Journal hebdomadaire. Comment expliquer l’absence totale de preuve d’accusations supposément fondées sur une enquête journalistique ? M. AMAR essayerait-il de nous faire croire que sa rigueur professionnelle et surtout celle de l’équipe du Journal Hebdomadaire, ne l’aurait pas poussé à publier un tel scandale s’il existait vraiment ? Autant d’éléments qui ne plaident pas en la faveur de la thèse retenue par l’auteur. Thèse qui ne s’appuie, en outre, sur aucune preuve.

c. Sur le rapatriement des produits de vente de l’exploitation de Taroudant A la fin du premier paragraphe de la page 98 de son livre, l’auteur évoque l’exploitation agricole que possède le Prince MOULAY HICHAM à Taroudant au Maroc, comme suit : « Il faut pourtant rappeler qu’au Maroc, le Prince est l’un des plus importants propriétaires terriens du pays, notamment à Taroudant où son entreprise agro-industrielle exporte des produits maraîchers en Europe. Mais les bénéfices de ces ventes demeurent en grande partie sur des comptes étrangers, comme le prouvent les relevés officiels de l’Office des changes. » A travers ces propos, l’auteur sous-entend que l’intention du Prince MOULAY HICHAM serait de mettre en place un système d’évasion fiscale et de fuite des devises au détriment du Royaume du Maroc, qui sont très lourdement sanctionnés par la législation fiscale et par la règlementation des changes. Le plus déroutant est qu’il dit s’appuyer sur une preuve matérielle, une fois n’est pas coutume, puisqu’il aurait en sa possession « les relevés officiels de l’Office des changes ». Or, cette institution n’émet aucun « relevé officiel » sur les entreprises ou les tiers particuliers concernés par les flux de devises et ne peut, a fortiori, avoir communiqué un tel document à propos du rapatriement des produits de vente de l’exploitation de Taroudant.


Pour une fois que M. AMAR ne se contente pas de rapporter des propos imaginaires ou de simples ouï-dire pour appuyer ses accusations mensongères, il s’appuie ici une supposée preuve matérielle… inexistante.

4. Sur l’absence d’abus de faiblesse quant à l’achat d’une villa Après les accusations de trafic d’armes et d’escroquerie aux organismes fiscaux et sociaux, l’auteur fait valoir un prétendu abus de faiblesse dans une affaire de vente d’une villa à RABAT puisque le Prince aurait, selon lui, profité de la détérioration de l’état physique et mental de M. Moulay ABDALLAH ALAOUI BEN LARBI, autre personnage évoqué post mortem. Mais, avant de porter cette nouvelle accusation, M. AMAR at-il, une fois encore, vérifié ses sources et recherché les documents relatifs à cette affaire et les protagonistes de cette vente ? La réponse est négative sur tous ces points. En premier lieu, des recherches de base auraient sans doute amené l’auteur à découvrir que le Prince MOULAY HICHAM n’a pas contracté directement avec le défunt mais avec sa fille qui avait reçu procuration « adoulaire » de son père depuis le 13 décembre 2011, enregistrée sous le numéro 219 E17B/8209, soit un document tout ce qu’il y a de plus officiel (Annexe 13 : Procuration n°219 E17B/8209 du 13 décembre 2011). De même, l’acte notarié de vente dressé le 26 septembre 2012 est bien signé de la main de Madame Lalla Halima EL ALAOUI. De fait, il est invraisemblable d’accuser le Prince MOULAY HICHAM d’abus de faiblesse sur un homme avec lequel il n’a jamais contracté directement. Peut-être l’auteur a t’il perçu dans le litige né entre certains des héritiers de Moulay ABDALLAH ALAOUI BEN LARBI le terreau favorable à son accusation sans fondement d’abus de faiblesse ? Or, il était pourtant facile pour M. AMAR de retrouver les différentes décisions de justice relative à cette affaire de succession, qui, rappelons-le, sont publiques. A deux reprises en 2013, le 6 mai et le 25 novembre, le Tribunal de première instance de Rabat a constaté le désistement des héritiers demandeurs à l’encontre de leur sœur signataire de la vente et a rejeté leurs prétentions à l’encontre du Prince. Lesquels héritiers ont par la suite accepté le paiement de leur quote-part dans l’actif successoral en signant, le 17 février 2014, six décharges avec quittance libératoire à l’égard du Prince (Annexe 14 : Décharges avec quittance libératoire du 11 février 2014).


L’auteur se voudrait donc meilleur pourvoyeur de vérité que la justice elle-même et que la propre volonté des parties à ce litige résolu bien avant la parution de son livre pamphlétaire ! La faute journalistique est d’autant plus grave que ces assertions ne se veulent pas une opinion sur une affaire judiciaire, mais bien l’affirmation pure et simple d’une pseudo-vérité qui fait fi d’éléments aussi importants que des décisions de justice.

5. Sur le prétendu chantage à l’encontre du Roi S’ajoute aux accusations précédentes celle de chantage puisqu’à compter de la page 109 de son livre, l’auteur accuse le Prince de s’être livré à un chantage odieux à l’égard du Roi Mohammed VI, son cousin : « Moulay Hicham approche discrètement un membre de la Cour via son secrétariat particulier, et parvient à lui exposer sa volonté de ne pas sortir le livre, à condition qu’ « on le laisse mener ses affaires au Maroc de manière sereine » et qu’il puisse « financer son rêve de cité écologique ». Le message adressé à son cousin est limpide : financezmoi le projet BabZaërs, et le livre s’évapore… » ». Et poursuit à la page suivante : « Nul ne le sait mais l’enjeu du livre, moyen de chantage, est ainsi clair ». Comme chacun sait, le Prince a écrit et fait publier un livre intitulé « Journal d’un Prince banni » en avril 2014 dans lequel il expose ses actions, ses idées sur la politique de demain au Maroc et ses critiques à l’encontre de l’institution multi séculaire du « Makhzen ». Selon Ali AMAR, le Prince aurait donc proposé au Roi de retirer ce livre à condition que le Royaume lui apporte son soutien financier dans le projet « BabZaërs », une nouvelle cité écologique en banlieue de Rabat dont le point central devait être un pôle universitaire international (Annexe 15 : Protocole d’accord du 27 septembre 2007). Or, l’auteur pamphlétaire, comme à plusieurs reprises dans son livre, ne fait que rapporter une histoire sans citer la moindre source probante, se contentant de la pure reprise d’un ouï-dire sans fondement. Et probablement plus inventé de toute pièce que reprise d’un ouï-dire. Surtout, l’invraisemblance de cette nouvelle accusation ne résiste pas à une simple incohérence temporelle : le livre du Prince n’est paru qu’en 2014 alors qu’il a été contraint de renoncer au projet universitaire dès 2007 qui devait porter le nom de son


père, le Prince Moulay Abdallah, en raison du déplacement géographique du projet la même année, et alors que celui-ci était viable. En effet, en vertu de la loi 01.00 portant organisation de l’enseignement supérieur, l’Etat marocain a finalement décidé d’implanter ce pôle universitaire dans une autre partie de la ville. Il s’agit aujourd’hui de l’Université Internationale de Rabat fondée en 2010. En outre, le Prince Moulay Hicham ne s’est jamais départi de ses convictions à propos du système politique marocain qui lui ont valu ce fameux surnom de « Prince rouge » bien des années avant la sortie du livre dont il est question ici et de son plaidoyer pour une monarchie parlementaire, qu’il développait haut et fort et de façon transparente depuis 25 ans, et encore un an avant la parution dans un article du journal « Pouvoirs ». Dans cet article, Le Prince évoquait d’ailleurs le projet de BabZaërs et des extraits de la missive qu’il avait envoyée au Roi à ce sujet (Annexe 16 : Pouvoirs n°145, 2013).

Le livre est paru, avec un succès en librairie à la clé, et n’a donc jamais pu faire l’objet du moindre chantage de la part du Prince à l’égard de son royal cousin.


Photo : Avec le roi Mohamed VI, prince Moulay Rachid et le prince héritier Moulay Hassan en 2009 lors du mariage du prince Moulay Ismaïl

6. La prétendue éviction du Prince de la Cour de Jordanie Dans le chapitre 2 de son ouvrage, page 49, l’auteur évoque le passage du Prince MOULAY HICHAM au cabinet du Prince Hassan de Jordanie, frère du Roi Hussein, de 1989 à 1991 dans le cadre de son apprentissage. Il rapporte le comportement du Prince MOULAY HICHAM durant cette période tel que :

« Cette fois encore, le roi [HASSANII du Maroc] fait confiance à son neveu, mais il aura bien des raisons de le regretter : alors que le futur roi s’applique sans vagues à sa tâche […], Moulay Hicham, lui, intriguera à la Cour des Hachémites à Amman, gâchant un apprentissage qui devait lui être fructueux en tentant de s’immiscer dans


des dossiers sensibles qu’il n’était pas en mesure ni en droit de traiter, au grand dam du roi Hussein. Au bout de deux ans, après moult réprimandes, il sera discrètement poussé à la porte ».

Non seulement l’auteur affirme que le Prince MOULAY HICHAM se serait impliqué dans des dossiers qu’il n’aurait pas eu le droit de traiter mais plus encore, il prétend que le Prince aurait été congédié par son hôte, le Roi de Jordanie. Affirmation erronée, le Prince ayant terminé sa mission auprès de la Cour Hachémite en juillet 1991 avec les égards du Roi Hussein et du Prince Hassan, le Roi lui a toujours maintenu son affection, notamment dans une lettre du 20 novembre 1994 signée « Ton Oncle qui t’aime » et témoignant de leur forte relation affective (Annexe 17 : Lettre du 20 novembre 1994).

Outre l’affirmation purement diffamatoire, il est intéressant de constater que le même auteur dépeignait une scène radicalement différente de la même période dans son livre paru en 2009 consacré à Mohammed VI :


Une contradiction qui démontre les motivations très personnelles de l’auteur pamphlétaire à nuire au Prince dans son dernier opus.

* *

*

Alors que l’ensemble des propos tenus dans le livre de Ali AMAR sont purement infondés et partant de là, diffamatoires, le Prince avait souhaité ne présenter au Tribunal Correctionnel de Paris que certains morceaux choisis reflétant le manque de sérieux de l’enquête de l’auteur et, de par le caractère purement infondé, son animosité personnelle à l’encontre du Prince MOULAY HICHAM. Ce sont ces morceaux choisis qui auraient dû faire l’objet d’un débat judicaire, débat qu’Ali AMAR a voulu éluder en profitant d’un incident de procédure. La question qui se pose finalement est : Pourquoi ce livre ? Quelles sont les motivations d’un tel acharnement ? Une question que se sont posés plusieurs journalistes auquel M. AMAR fait constamment référence et notamment le journal Demain Online qui s’étonne de l’abandon par l’auteur d’un nouvel ouvrage sur Mohammed VI pour se consacrer au livre sur le Prince Moulay Hicham (Annexe 18: Demain On Line : « Pourquoi Ali Amar a abandonné son livre sur Mohammed VI pour écrire un autre sur Moulay Hicham »). Un livre qui intéresse certains « milieux » et qui intervient précisément au moment du retour inexpliqué de son auteur au Maroc après un exil de plusieurs années en France et en Belgique au moment où d’autres journalistes, réputés, sont toujours en exil ; d’autres journalistes demeurent interrogatifs sur la concomitance du retrait de son projet de livre et de la publication de son autre livre sur Moulay Hicham. Un livre dans lequel, au-delà de l’aspect purement diffamatoire, son auteur se contredit, volontairement, lui-même à quelques années d’intervalle, que ce soit à propos du changement au Maroc :



A propos de de l’Institut créé par le Prince :

Photo : Avec le président de l’Indonésie, Susilo Bambang Yudhoyono, durant un voyage de recherche avec l’Freeman Spogli de Stanford (2010)


Et d’autres contradictions relatives au passage du Prince au Kosovo ou à la Cour de Jordanie déjà évoquées dans nos développements précédents de la part d’un auteur notamment dénoncé par le site Slate Afrique évoquant diverses affaires de plagiat (« auto-plagiat ») commis par Ali AMAR. Pourquoi Ali AMAR a-t-il pris le soin de commettre un tel ouvrage ? Un retour en grâce et au pays ? Quelle que soit la réponse à cette question, on se contentera de constater que le procédé n’honore pas son auteur. ET CE SERAIT JUSTICE !

Antoine DELABRIERE Avocat au Barreau de Paris Alexandre PILLIET Avocat au Barreau de Paris

Patrick BAUDOUIN Avocat au Barreau de Paris Clémence BECTARTE Avocat au Barreau de Paris

LISTE DES ANNEXES 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9.

10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18.

Extraits d’articles sur le livre de Moulay Hicham « Journal d’un Prince banni » Inscription au St Antony College d’Oxford Extrait du Journal panarabe « Al Sharq Al Awsat », 27 novembre 1998 Journal Le Matin du Sahara et du Maghreb, éditions des 4 et 5 mars 1994, page 1 Moulay Hicham, « Journal d’un prince banni », Editions Grasset, Paris, 2014, p. 181/182 4225ème séance du Conseil de sécurité des Nations unies, 16 novembre 2000 B. Kouchner « Les guerriers de la paix », Grasset, Paris, 2004 Compte rendu de la 59ème Conférence annuelle DPI/NGO des Nations unies – 6-8 septembre 2006 Extrait du Journal Hebdomadaire n°46 du 29 décembre 2001 au 4 janvier 2002, Copie du badge temporaire du 11 au 12 janvier 2002 délivré par le Bureau exécutif du Secrétaire général des Nations unies Lettre du 14 septembre 2015 Certificat SA8000 du Domaine El Boura de Taroudant Délégation MAHA – CCC Procuration adoulaire n°219 E17B/8209 du 13 décembre 2011 Décharges avec quittance libératoire du 11 février 2014 Protocole d’Accord du 26 septembre 2007 Pouvoirs n°145, 2013 Lettre du 20 novembre 1994 Demain On Line : « Pourquoi Ali Amar a abandonné son livre sur Mohammed VI pour écrire un autre sur Moulay Hicham »






































































L’autre Maroc Texte de Hicham Ben Abdallah El Alaoui paru dans le dernier numéro de la revue Pouvoirs (n°145, 2013).

Résumé Le Maroc dans cinq ans, au lendemain de la « Révolution du cumin » : par le moyen de cette projection, sans recours à la politique-fiction, le bilan des blocages actuels est ici dressé a posteriori, à partir des solutions trouvées. Ce renversement de perspective permet de poser de vieilles questions, restées sans réponse, sous une forme nouvelle. La monarchie, l'islam politique, l'économie et l'émigration, le mal-vivre quotidien, la tension entre générations, entre modernité et tradition – tout est revisité à partir d'un avenir proche. Le « nouveau Maroc » se révèle ainsi une chimère, l'enfermement du pays dans une salle d'attente succédant à l'attentisme actuel, celle de l'utopie. Or, l'autre Maroc, celui où il ferait mieux vivre, est à portée de main.

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Je sais que cette date restera gravée dans ma mémoire : nous sommes le jeudi 8 février 2018. Pour la première fois depuis le « changement », l'euphémisme français pour ce que mes compatriotes arabophones appellent plus justement thawra, « révolution », je suis de retour au Maroc. Cela frôle le miracle, le pays est toujours un royaume. « Royaume du Maroc » – je le vois écrit partout autour de moi, à mon arrivée à l'aéroport Mohammed V de Rabat. Rien n'a été débaptisé et repeint aux couleurs du nouveau régime. D'ailleurs, je viens de descendre d'un avion de la ram, la compagnie nationale toujours aussi « royale » que la gendarmerie, dont j'aperçois le commissariat en face, par-delà le contrôle des passeports. En même temps, plus rien n'est comme avant. J'avance dans la file d'attente comme tout le monde, un citoyen parmi d'autres. « Quel est l'objet de votre séjour ? » L'agent de la police de l'air et des frontières ne se prive pas d'un sourire. Ma venue a été annoncée et amplement commentée dans la presse locale. « Je viens dans le cadre du projet "ville verte" à Oum Azza, dont je suis le promoteur principal. » Le regard franc de l'agent, dépourvu de rancune ou de suspicion, est le premier message du « nouveau Maroc » qui me va droit au coeur. « Bienvenue au pays ! » Après mon déménagement aux États-Unis, en 2002, je n'avais cessé de réfléchir à ce que j'ai voulu assumer comme un échec collectif, c'est-à-dire comme l'échec à la fois du roi, de l'élite, du peuple et de moi-même : à savoir notre incapacité collective à transformer « l'ouverture » à la fin du règne de Hassan II en vraie percée démocratique. Loin de toute intrigue de palais, du fameux « ôte-toi de là que je m'y mette » manigancé en catimini, j'avais dit mon fait sur la place publique, sans jamais oublier la famille à laquelle j'appartenais et la monarchie comme clé de voûte de notre unité nationale. Mais je savais en même temps que la monarchie portait une ombre, le makhzen, son sosie prédateur, son double infâme. En tête à tête, j'avais prévenu Mohammed VI dès la mort de Hassan II, mon oncle et son père. Ce fut l'origine de notre « brouille » tant commentée. J'estimais qu'il fallait que les fleuves remontent à leur source, sinon la monarchie allait se perdre dans la mer. Cela valait pour la souveraineté – forcément populaire – autant que pour les richesses du pays, pour notre patrimoine national qui ne pouvait rester un « magasin » royal. Nous y voilà. Face à une vague de contestation dévalant des douars de montagne et submergeant les villes du littoral, confondant militaires et civils, Arabes et Berbères, laïcs et islamistes, le roi s'est mis à l'écart in extremis – en demandant également à tous les membres de sa famille de se tenir à l'écart. J'ai obtempéré bien que je fusse le seul membre de la dynastie susceptible de me joindre au mouvement plutôt que de me mettre en travers de la volonté populaire. Mais j'ai aussi obéi à ma conviction intime que la monarchie n'avait pas encore épuisé sa productivité historique au Maroc. À certaines conditions, elle pouvait encore servir. C'est ainsi que j'ai suivi de loin la convocation d'une Assemblée constituante – l'aboutissement de mon idée, en 2011, d'une « conférence nationale ». Pour la première fois, dans notre pays qui s'était vu imposer tant de constitutions sans jamais en avoir une capable de le protéger de l'arbitraire, des personnes de qualité – Mohamed Bensaïd Aït Idder, Nabila Mounib, Me Abderrahim Berrada, Abdellatif Laâbi, Karim Tazi, Rkia El Mossadek, Aboubakr Jamaï et tant d'autres, dont beaucoup m'étaient inconnus – ont édicté les règles d'un jeu institutionnel sans double fond. Ces sages, qui connaissent les caroubes de leur pays, ont tout changé sans tout détruire. Au terme d'un débat sans fard, le Maroc est devenu une 2/9


monarchie constitutionnelle, une démocratie couronnée d'un symbole. Le roi incarne l'unité nationale et la volonté de vivre ensemble. La gestion de la cité relève des citoyens et de leurs élus. Une nouvelle cité En route pour Oum Azza ! Dès 2007, j'ai voulu créer ici, au sud-est de Rabat, la « première ville écologique d'Afrique ». Entouré des meilleurs experts, j'ai étudié les conditions dans lesquelles, en récupérant les biogaz du centre d'enfouissement technique, pour fournir l'énergie naturelle à bon prix, je pouvais favoriser l'éclosion d'un nouvel habitat péri-urbain ; ni bidonville ni ville-dortoir. J'ai offert le terrain et mis à disposition les fonds nécessaires, y compris pour une université portant le nom de mon père. Peine perdue. Le même makhzen, qui soufflait à ses plumitifs que j'investissais seulement à l'étranger « sans rien donner au pays », n'a eu de cesse de me mettre des bâtons dans les roues. Le 14 août 2011, à bout de patience après le limogeage de trois hauts fonctionnaires qui avaient eu le tort de n'obéir qu'à leur conscience, j'ai adressé une lettre à Mohammed VI. « Je crois que, s'il m'est difficile de réaliser un projet au Maroc », écrivais-je, « c'est que vos instructions ont toujours été interprétées à la lumière de vos sentiments à mon égard, réels ou supposés. Soucieux de vous plaire en flattant votre rejet présumé de ma personne, les moindres signes de votre colère ou de votre agacement sont immédiatement traduits comme instructions nouvelles de durcir les exigences, de faire traîner les autorisations ou de ne rien faire en attendant de reconfirmer, encore et encore, les instructions initiales. » Pour toute réponse, le groupe immobilier Addoha, lié au palais, a mis les bouchées doubles pour son projet visant à construire 40 000 nouveaux logements à Oum Azza, une ville de 30 000 habitants... Enfin, le 9 novembre 2012, Mohammed VI est allé en personne planter le premier arbre d'une future « coulée verte » à Ben Guerir, censé devenir la « première ville verte d'Afrique » dotée d'une université élitiste – Mohammed VI Polytechnique – par la grâce du roi et de lourds investissements publics. Cependant, qu'importaient les coûts exorbitants du moment où, à mi-chemin entre Casablanca et Marrakech, le souverain pouvait réaffirmer son privilège exclusif de donner ou de prendre selon son bon plaisir pour « assujettir » même les membres de sa famille ? Il faut être plus que candide pour croire à la fable du bon prince et des mauvais courtisans, au « roi des pauvres » entouré d'affairistes à l'insu de ses bonnes intentions. Pour ma part, je connais le makhzen de l'intérieur. Pour autant, sous prétexte qu'elle serait inséparable de ce frère siamois rapace, je n'ai pas passé la monarchie par pertes et profits. L'été 2011, ma lettre au roi s'est achevée par cette phrase : « Même si je peux me réaliser pleinement à l'étranger, j'ai le devoir de vous servir, par fidélité à notre enfance commune, à notre famille et à l'institution que vous incarnez. » Nous arrivons à Oum Azza. Comme prévu, des membres du Conseil municipal sont au rendez-vous. Point de protocole encombrant, pas de tambours ni de pétales de roses, mais l'ambiance est bonne. Mes interlocuteurs, concentrés sur ce qui nous réunit, à savoir l'essor de leur commune, ne perdent pas leur temps en supputations. Ils me prennent au mot. Si je mets la main à la poche, pourquoi douteraient-ils de mes intentions ? De leur côté, grâce à la nouvelle loi sur la décentralisation, ils ont dorénavant le pouvoir d'arrêter des décisions sans plus dépendre du gymkhana des « validations » en amont. Nous poussons la porte d'une école primaire. Depuis la réforme votée par le nouveau Parlement, la langue d'enseignement à ce niveau est le darija, l'arabe marocain. « Les enfants entrent de plain-pied à l'école, dans la 3/9


continuité de la langue parlée à la maison. Par la suite, ils s'ouvrent d'autant mieux à l'arabe classique, au français, à l'anglais ou à l'espagnol », m'explique l'instituteur. Derrière lui, sur le mur, une inscription résume le nouvel état d'esprit : « s'accepter tel qu'on est pour se dépasser ». Ce n'est pas qu'un slogan. « L'échec de mes élèves serait aussi le mien », précise l'instituteur. « S'ils n'atteignent pas la moyenne dans les examens nationaux, le conseil des parents peut mettre fin à mon contrat, qui inclut une obligation de résultat. » C'est dit sans acrimonie. À l'évidence, le « mammouth » est mort et enterré. Je visite également l'hôpital, un parc de panneaux solaires, des projets d'agriculture urbaine et une multiplicité de « centres denses » mêlant habitats, services et commerces pour minimiser les déplacements, surtout en voiture. Franchement, je suis enchanté. Bien sûr, tous les problèmes de l'urbanisme moderne n'ont pas été résolus. Bien entendu, il y a toujours des chômeurs, des drogués, des délinquants, des malheureux... Cependant, le cercle vicieux du mépris de soi, partant du ressentiment envers l'autre et de l'impuissance collective a été brisé dans la confrontation avec le souverain absolutiste, jusque-là l'ultime pater familias. Ce n'est pas pour rien que les bouleversements au Maroc, venant bien après le Printemps arabe et le Mouvement du 20 février, ont été surnommés « Révolution du cumin » : comme l'aromate dans leurs tajines, les Marocains donnent seulement le meilleur d'eux quand on les frotte fortement... Du temps de la monarchie de droit divin, du makhzen tentaculaire et de la « ONG-isation » du pouvoir en apparence, la population était – merci Bziz (1) de nous l'avoir dit – comme abonnée à la salle d'attente de l'histoire. Tsanna ya jann taytib l'ham (« On se regarde dans le blanc des yeux, et on attend »). Maintenant, tous semblent s'être réveillés à l'idée que notre « histoire multiséculaire », dont nous sommes légitimement fiers, n'est pas seulement la vie morte à laquelle nous tournons le dos mais, aussi et surtout, la matière première devant nous qu'il faut travailler. Le Maroc fossilisé au Sahara Je repars d'Oum Azza, à la nuit tombante, en songeant au coût d'opportunité de l'immobilité antérieure – j'entends le coût de toutes les opportunités manquées. Mais je pense aussi à la remarque très juste de l'économiste britannique John Maynard Keynes qui, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, fit remarquer qu'il « ne suffit pas que l'état des choses que nous cherchons à promouvoir soit meilleur que l'état des choses existant parce qu'il doit être tellement supérieur qu'il compense aussi pour les maux de la transition (2) ». C'est peut-être cela qui, pendant longtemps, a empêché mes compatriotes de sauter le pas. Rétrospectivement, il me semble que tout s'est noué dans la première moitié des années 1970, dans le sillage des deux coups d'État auxquels Hassan II a survécu, avant de « désamorcer (3) » la politique marocaine grâce à un pacte faustien au sujet du Sahara occidental : en échange de ses provinces du Sud, la Nation a vendu son âme à une monarchie prétendument éternelle, trompeusement forever young. L'avènement au trône, en 1999, d'un « jeune roi » devait donner un second souffle à cette illusion paralysante. Le Sahara occidental est le désert dans lequel la politique marocaine s'est fossilisée. Certes, déjà la Constitution de 1970 a codifié, dans son article 24, la « sacralité » de la personne du roi. Mais c'est seulement la baya de Laâyoune qui, en 1979, a fait du monarque « l'ombre de Dieu sur terre et son bras séculier dans le monde ». L'allégeance devenait soumission. Elle perdait sa nature contractuelle, c'est-à-dire négociée et, donc, contestable et réversible. Dès lors est-il étonnant que le Maroc, longtemps malade du « dossier » du Sahara occidental, ait 4/9


aussi commencé sa guérison par le Sud ? Quand les troubles au royaume ont secoué les colonnes du temple, les Algériens et les Sahraouis se sont rendus, eux aussi, à l'aveuglante évidence que les confins disputés n'étaient une promesse de grandeur pour personne mais un déni de démocratie et du développement pour tous. L'Union du Maghreb arabe (UMA) s'est alors réalisée en un rien de temps « par le bas ». Cela a été une sortie par le haut pour toute la région, qui est désormais bien partie pour prendre sa place parmi les grands ensembles du monde en intégration. Un ordre politique ne prend vie que par le truchement de symboles. À ce titre, la renaissance du Maroc me semble de bon aloi. Dans le droit-fil de « l'option révolutionnaire » en fait si peu sulfureuse prônée dès 1962 par Mehdi Ben Barka (« une monarchie constitutionnelle dans laquelle le roi est le symbole de la continuité institutionnelle et dans laquelle le gouvernement dépend du peuple, qui exerce le pouvoir »), nos palais n'ont pas été rasés, les Forces armées royales existent toujours et, tous les ans, l'allégeance est prêtée à la Nation incarnée par le roi. Seulement, les palais ont été transformés en musées et, dans certains cas, en université ou hôpital ; les far sont désormais placées sous la responsabilité d'un ministre de la Défense, un civil, et les soldats, au nombre sensiblement réduit, se conçoivent comme des « citoyens en uniforme », leur titre de gloire quand ils ont rallié le peuple pour faire triompher la Révolution ; enfin, la baya a cédé sa place à la wala'a, une cérémonie rendant hommage à l'unité nationale autour du roi qui, bien entendu, n'est plus seul à cheval et dont la liste civile est fixée et votée chaque année par le Parlement. Le protocole qui, à la cour, avait codifié la soumission a été revu de fond en comble pour servir le prestige de l'État, lui-même au service de la citoyenneté. Autant dire que le baiser de main recto verso subsiste seulement comme une relique du ridicule tuant, dans des émissions satiriques ou des jeux d'enfants. L'ânerie de Jha Ma nuit a été courte. Malgré le décalage horaire et l'épuisement lié à l'émotion du retour, je n'ai pas pu détacher mes yeux du petit écran, naguère le plus puissant somnifère. Or, à présent, les médias publics sont régis par un conseil d'administration rassemblant, pour employer une vieille formule, les « forces vives de la Nation », des partis politiques aux syndicats en passant par des oulémas, un archevêque, le grand rabbin du Maroc et des représentants de la société civile. Il n'y a plus de ministère de l'Information. Du coup, les crécelles bruyantes ou les broyeuses de noir que furent les médias sous contrôle sont devenues des creusets où l'espoir se forge. Ce n'est pas seulement une question de pluralisme d'opinion et de liberté d'expression. Dans la soirée, la retransmission d'un concert de Touria Hadraoui m'a tenu en éveil. Bercé par la voix sublime de la première femme à chanter le melhoun, d'une Marocaine si souveraine qu'elle peut se mêler sans se perdre à tout apport extérieur – qu'il s'agisse du pianiste Simon Nabatov ou du groupe guinéen Boté Percussion –, j'ai fini par me demander si cette artiste n'avait pas tracé le chemin du changement bien avant qu'il n'advînt. Autrement dit : nous autres, n'avons-nous pas ressemblé au Jha de notre conte populaire, qui cherche l'âne sur le dos duquel il est juché ? Nous espérions et attendions l'avènement d'un « nouveau Maroc », sans voir l'autre Maroc, qui perçait déjà en nous et tout autour. Je passe la matinée à me promener dans Agdal, mon quartier à Rabat, avant de me rendre à la mosquée Badr pour la grande prière du vendredi.

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À contempler la foule des jeunes et des moins jeunes, hommes et femmes, adeptes de l'orthodoxie malékite et partisans d'un islam plus politisé, je peine à réprimer un sentiment doux-amer. Était-il vraiment si difficile de concevoir l'islam comme notre civilisation commune, notre foi partagée dans la diversité de ses interprétations et le pluralisme de nos cultures ? Après m'avoir travesti en « prince rouge », fallait-il absolument me caricaturer comme le « prince vert » prêt à faire le lit des islamistes ? Avec le bénéfice du recul, ces épithètes paraissent creuses, dérisoires par rapport à la masse des croyants pour qui l'islam, avant d'être le vecteur de quoi que ce soit, est tout bonnement leur religion et la matrice de leur quotidien. Chez nous, simple constat de fait, l'unité nationale est ce qui croît et croit ensemble. Avec un ami de longue date, l'anthropologue Abdellah Hammoudi, nous avons souvent parlé de « formes de vie en partage ». Une partie de notre élite, ironiquement celle qui n'avait que « le peuple » à la bouche, ne partageait en vérité que peu de choses avec le plus grand nombre. Sans surprise, ces leaders hors communauté, aussi estimables soient-ils en tant qu'individus, n'ont pas été portés au pouvoir par les « événements ». Pour autant, il serait faux de dire que « les islamistes » ont été plébiscités. D'abord parce que les islamistes du Parti Justice et Développement (pjd) ont été laminés, à l'instar des socialistes de l'usfp, pour avoir corrompu l'idée d'une « alternance » au pouvoir dans une cohabitation naïve et complaisante avec le makhzen, dont tout enfant sait pourtant qu'il « ne dort jamais ». Ensuite, parce que, transformé en parti à l'instar des salafistes, al-'Adl wa al-ihsân n'a pas nécessairement fait le plein des voix pour des raisons religieuses mais plutôt pour son courage et sa persévérance dans la résistance à une monarchie abusive. Au moment de l'épreuve de force ultime, qui se souvenait qu'Abdessalam Yassine avait appelé Hassan II, dès 1974, à redonner « au peuple marocain la richesse amassée en pillant les ressources du pays », une demande renouvelée après l'accession au trône de Mohammed VI ? Un jour viendra où l'on parlera des « islamistes-démocrates » dans le monde arabe avec autant de flegme que des chrétiens-démocrates en Europe, par exemple en Italie ou en Allemagne. Mais ce n'est pas pour tout de suite. Dans l'immédiat, le parti de nos salafistes – manar, « le fanal » ou « le signe lumineux » – fait trop peur en Occident (4). La « renaissance » – sahwah – des uns est l'obscurantisme des autres. Cela se comprend aisément, non pas comme « clash de civilisations » mais au regard de l'histoire de chacun. Ainsi, chez nous, laïcité et sécularité ont-elles été convoyées par le colonialisme comme des armes de siège contre notre identité musulmane. De ce fait, pour nous approprier aujourd'hui leur contenu positif, nous nous sentons obligés de ruser avec les mots, de parler par exemple de dawla madmaniyah pour désigner l'état civil non religieux ou de ilmaniyah pour établir une vérité scientifique. Autant dire qu'il faudra de la sagesse et de la patience des deux côtés pour que le temps puisse faire son oeuvre. Comme l'enseignait Usman dan Fodio, ce savant « commandeur des croyants » dans le nord du Nigeria au début du XIXe siècle : « La conscience est une plaie ouverte. Seule la vérité peut la refermer (5). » Les évadés de la parabole J'avais indiqué aux autorités que, pour ce premier retour au pays, j'allais me limiter à trois jours. Je compte tenir parole, d'autant que je suis résolu à revenir bientôt, mais alors en 6/9


famille et pour de bon. Maintenant que le pays émerge, que les contours de l'avenir se dessinent partout, il faut en être. Comment vais-je l'expliquer aux miens, à mon épouse et nos filles, qui m'attendent aux États-Unis ? Je ne suis pas encore sûr de mes mots exacts mais ils n'auront rien de rêveur ou d'utopique. Le Maroc ne s'est pas transformé en royaume sur terre, loin de là et tant mieux. Mais il s'est mis en route. Alors que je colle ma face contre la vitre froide du tu (train ultrarapide) entre Rabat et Casablanca, d'où je compte repartir, je vois le meilleur et le pire passer en flashs sous mes yeux : un lopin de terre en labour, un bidonville. Comment mesurer le progrès ? Par exemple, au tgv vers le Nord de l'ancien régime, qui est maintenant raillé comme le « train grand vestige », s'est ajouté le tu, ce lien vital entre la capitale et la mégapole, plus un projet de métro à Casablanca en début de réalisation. Las des visionnaires, je me sens étonnamment à l'aise dans un pays qui ne pense qu'au prochain pas, puis à celui d'après, sans lever la tête sur ce qui brille à l'horizon. Je m'y étais préparé mais la redécouverte est frappante : qui veut savoir où va le Maroc doit prendre le pouls de Casablanca. Ni le fellah des campagnes ni le fonctionnaire de Rabat ne saurait être un aiguillon à l'instar du citadin-vibrion de notre plus grande ville. Casablanca est la synthèse. En quelques heures, il me semble y déceler un nouveau dynamisme, différent du darwinisme social – la survie du mieux adapté – d'antan. Sur la place des Nations unies est exposé le prototype de la « première voiture marocaine » qu'un groupe industriel local veut produire en masse grâce à une joint venture avec un constructeur brésilien. Et même au souk, on trouve désormais des puces électroniques made in Morocco. Sur le front de mer, aux côtés des fast-foods américains, le restaurant originel de la nouvelle chaîne marocaine de tajines vapeur affiche sa mondialisation réussie sous forme de martingale : « Madrid, Paris, New York, Pékin. » En observant les jeunes alentour, je me demande s'ils sont toujours tentés de franchir le détroit de Gibraltar coûte que coûte. Je n'ose pas leur poser la question ex abrupto. Mais il me semble que les accrocs des paraboles satellitaires n'ont plus leur tête grise d'évadés de l'esprit. Serait-ce la fin de notre schizophrénie nationale, qui nous faisait exalter notre pays comme le « plus beau du monde » alors que, dans les faits, nous cherchions à le fuir par tous les moyens ? Je songe à une remarque de Hannah Arendt : « Le combat d'aujourd'hui, dans le monde, ne porte pas sur les systèmes économiques mais sur la liberté et l'autoritarisme (6). » Je ne sais pas si elle a raison contre Marx mais je constate que, dans cette ruche qu'est Casablanca, tout a pris un air différent alors que la fameuse « propriété des moyens de production » n'a pas changé, pas plus que les effets de la mondialisation. Le Maroc reste un pays ouvert aux vents extérieurs même si le nouveau gouvernement a sanctuarisé certains secteurs clés de l'économie nationale, à rebours de la politique qui avait privatisé des biens publics au profit des happy few proches du palais, les actionnaires principaux de l'entreprise Maroc. Par ailleurs, la réforme agraire en cours pour redresser « cinquante ans de vol des terres » et la nouvelle « opération mains propres », cette fois-ci entre les mains propres d'une justice indépendante, changent quand même la donne.

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Le dilemme du roi Déjà en route pour l'aéroport, l'esprit d'escalier me rattrape : au fait, plus personne ne m'a parlé de sa « dignité », fatalement blessée. Attention, je m'en voudrais d'ironiser sur les accidentés de la vie. Mais n'est-il pas vrai que, dans l'ancien Maroc, tous ceux – hélas nombreux – ayant baissé les bras dans la lutte pour la substance de leur émancipation, qui aurait requis une redistribution des richesses, avaient tendance à s'irriter d'autant plus des symboles de leur soumission ? Du fait de leur impuissance à modifier l'ordre économique et, en particulier, de leur impuissance à arracher aux forces anonymes de leur malheur le masque des « lois du marché » ou de la « mondialisation », ils opéraient un transfert de leur colère vers les signes extérieurs de leur infériorité – et sur les personnes physiques, riches et puissantes, dans leur champ de vision. Ne pouvant réellement changer leur condition, ces pauvres se révoltaient contre les apparences du pouvoir. À ce titre, la monarchie absolutiste leur prêtait largement le flanc. Mais en ignorant le vrai front de lutte, ils dévaluaient leur vie une seconde fois. Le roi et, surtout, les membres de son entourage devenaient un chiffon rouge sur lequel ils s'acharnaient sans rien changer à leur lente mise à mort économique. Dans la salle d'embarquement, je pense pour la première fois au roi. Non pas à Mohammed VI, mon cousin et ami d'enfance, mais au monarque en tant qu'institution dans le nouvel ordre politique, qui réconcilie enfin légitimité historique et populaire. Je pense « perte de centralité », mort du makhzen qui, selon la célèbre définition de John Waterbury, était « un système stable de violence organisée », ou encore « dilemme du roi », l'intuition de Samuel Huntington selon laquelle un monarque absolutiste reste velléitaire dans la réforme de l'autoritarisme traditionnel parce qu'il doit moderniser pour faire partie de l'avenir mais, ce faisant, il sape le fondement de son pouvoir. On l'avait bien vu dans le contexte du Printemps arabe, quand le roi s'était escrimé à diluer le Mouvement du 20 février au lieu de le faire aboutir et de renouveler le contrat social entre le peuple et le trône. Faut-il en conclure : échec au roi quelle que soit la partie ? Dans l'émoi du départ, la question, ainsi que les concepts glissent sur moi sans prise aucune. En revanche, une métaphore reste gravée dans mon esprit. L'été 2001, sous le titre prémonitoire « En attendant Mohammed VI », une analyse dans Le Monde avait reproché aux Marocains d'être « habitués à se définir par rapport au roi tel un champ de tournesols qui s'orientent par rapport au soleil ». À présent, ce roi-soleil est devenu roi-citoyen. Les êtres héliotropes ont perdu leur orientation. Au lieu de tourner la tête, ils apprennent à s'en servir. Depuis l'avion, embrassant du regard mon pays baigné dans la chaude lumière de la chute du jour, je me réjouis de cette fin telle qu'elle est advenue. Il me plaît de penser que « le peuple » soit le protagoniste du changement, que la servitude se soit achevée faute de volontaires, que la rupture n'ait pas été sanglante même si la violence a joué son rôle d'accoucheuse de l'Histoire. Élevé au palais sous la férule de Hassan II, j'ai désappris à un jeune âge des états d'âme au sujet des dynasties appelées à se succéder les unes les autres sinon à périr face à un adversaire d'une autre nature, des Républiques aux juntes militaires. « Notre pouvoir ne se transmet pas, il se reconquiert chaque fois, aimait-il à répéter. Quand la monarchie s'arrête de chevaucher, elle glisse de la selle et tombe. » Enfoncé dans mon fauteuil, soudain détendu comme après un effort majeur, ma dernière pensée avant de trouver le sommeil me traverse comme une sonde plongeant au fond de la mer. Je n'ai jamais ressenti ni rancoeur ni envie à l'égard de qui que ce soit, seulement une vraie passion pour le métier de prince. À la place qui est la mienne, cela veut dire « fournir

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une lecture » en disant et répétant à qui veut l'entendre, et aussi et surtout à celui qui ne veut pas l'entendre, ce que le Maroc m'a appris. Voilà c'est fait, une fois de plus.

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