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AFRIQUE
MONÉTIQUE
Dossier Réalisé par Cheikh Mbacké SENE
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REMPLACEMENT DU FCFA PAR L’ECO LES OUEST-AFRICAINS ENTRE SENTIMENT DE SOUVERAINETÉ ET SCEPTICISME
LES PAYS DE L’UNION ÉCONOMIQUE ET MONÉTAIRE OUEST-AFRICAINE ( UEMOA ) ONT PRIS LA DÉCISION DE SE PASSER DU FRANC CFA POUR UNE NOUVELLE MONNAIE APPELÉE ECO À PARTIR DE JUILLET 2020. L’ANNONCE DE CE CHANGEMENT HISTORIQUE A ÉTÉ FAITE LE 22 DÉCEMBRE 2019 CONJOINTEMENT PAR LE PRÉSIDENT IVOIRIEN ALASSANE OUATARA ET LE PRÉSIDENT FRANÇAIS EMMANUEL MACRON. LES PAYS DE L’UNION ÉCONOMIQUE ET MONÉTAIRE OUEST-AFRICAINE ( UEMOA ) ONT PRIS LA DÉCISION DE SE PASSER DU FRANC CFA POUR UNE NOUVELLE MONNAIE APPELÉE ECO À PARTIR DE JUILLET 2020. L’ANNONCE DE CE CHANGEMENT HISTORIQUE A ÉTÉ FAITE LE 22 DÉCEMBRE 2019 CONJOINTEMENT PAR LE PRÉSIDENT IVOIRIEN ALASSANE OUATARA ET LE PRÉSIDENT FRANÇAIS EMMANUEL MACRON. LES PAYS DE L’UNION ÉCONOMIQUE ET MONÉTAIRE OUEST-AFRICAINE ( UEMOA ) ONT PRIS LA DÉCISION DE SE PASSER DU FRANC CFA POUR UNE NOUVELLE MONNAIE APPELÉE ECO À PARTIR DE JUILLET 2020. L’ANNONCE DE CE CHANGEMENT HISTORIQUE A ÉTÉ FAITE LE 22 DÉCEMBRE 2019 CONJOINTEMENT PAR LE PRÉSIDENT IVOIRIEN ALASSANE OUATARA ET LE PRÉSIDENT FRANÇAIS EMMANUEL MACRON. LES PAYS DE L’UNION ÉCONOMIQUE ET MONÉTAIRE OUEST-AFRICAINE ( UEMOA ) ONT PRIS LA DÉCISION DE SE PASSER DU FRANC CFA POUR UNE NOUVELLE MONNAIE APPELÉE ECO À PARTIR DE JUILLET 2020. L’ANNONCE DE CE CHANGEMENT HISTORIQUE A ÉTÉ FAITE LE 22 DÉCEMBRE 2019 CONJOINTEMENT PAR LE PRÉSIDENT IVOIRIEN ALASSANE OUATARA ET LE PRÉSIDENT FRANÇAIS EMMANUEL MACRON.
Atravers cette nouvelle donne, qui se traduira par une décentralisation des 50% des réserves africaines du Trésor français vers d’autres réceptacles plus autonomes et par le retrait des représentants français des organes de gestion de la monnaie, les pays de l’UEMOA se voient déjà dans une souveraineté économique. Toutefois, à la considération de l’importance de la zone Franc dans l’économie française, du flou entourant plusieurs aspects de ce projet de nouveau monétaire, dont le régime («parité fixe» ou «parité flottante»), les Ouest-africains restent partagés entre le sentiment d’une souveraineté acquise et
un double scepticisme. Le franc CFA, officiellement franc de la Communauté financière africaine, est le nom de deux monnaies communes héritées de la colonisation française et utilisées par 14 pays d’Afrique constituant en partie la zone franc. Pour la plupart des Africains, le FCFA avait été l’astuce trouvée par la France pour proroger sa domination et sa mainmise sur les ressources, les systèmes financiers et économiques de ses anciennes colonies. Jusqu’ici, les 14 États africains (Afrique de l’Ouest et Afrique Centrale) qui utilisent le franc CFA doivent déposer 50% de leurs réserves en France, obtenant en contrepartie une convertibilité illimitée avec l’euro. Cela leur confère une certaine facilité pour le commerce international, car si un État de la zone franc ne peut pas assurer le paiement en devises de ses importations, la France «garantit» le versement des sommes correspondantes en euros. Le système garantit aux pays africains concernés la possibilité de convertir le franc dans n’importe quelle autre devise ainsi que la stabilité de la monnaie.
La France lève un pied et garde l’autre Avec l’arrivée de l’ECO, la France a décidé de renoncer 50% des réserves de devises africaines qui servaient de garantie, mais aussi de retirer ses représentants autour
des tables des organes de gestion de la monnaie de l’Uemoa. Toutefois, l’Elysée gardera son rôle de «garant» en cas de défaut de l’un des États membres de l’Uemoa. La France, qui s’est ainsi engagée pour un retrait, plaide toujours en faveur du maintien de l’arrimage sur les politiques monétaires européennes. Pour l’Elysée, pas question a priori de revenir sur la «parité fixe» de la devise avec l’Euro (1 Euro = 655,96 francs CFA qui devra donner donc si l’on suit la «logique élyséenne» 1 Euro = 655,96 Eco). La fixité des parités réduirait selon le Président français Emmanuel Macron le risque de change pour des investisseurs ou pour des exportateurs et risques d’inflation. Les «Africains» qui comptent saisir cette opportunité pour repartir sur de bonnes bases avec une monnaie revalorisée en appellent à la prudence et à la vigilance. Pour les défenseurs de la monnaie africaine, l’on ne pourrait parler de changement dans l’autonomisation monétaire et économique que le rapport monétaire aura changé, dans le sens d’un rééquilibrage. Entendre par rééquilibrage une revalorisation donner une bonne valeur de départ audessus de la correspondance actuelle entre le Fifa mourant et la monnaie de référence, l’Euro. Ils restent convaincus que le remplacement du FCFA par l’Eco ne change rien tant que la parité entre l’Eco et l’Euro reste fixe et indécemment à l’avantage de la France pour ne pas dire des économies européennes. Et même si elle était variable, cela ne protègerait pas pour autant plus leurs économiques sans les préalables et l’attitude requise de la part de leurs Etats. Y aura-t-il changement véritable avec l’éco ? Après l’entrée en vigueur de l’éco, les pays africains concernés disposeront euxmêmes de 100% de leurs réserves. Une nouvelle donne qui, au lieu de rassurer, inquiète aussi autant. Une nouvelle donne qui n’est pas dénudée de risques de mauvaise gestion si l’on considère l’opacité dans laquelle végètent les ressources naturelles et économies de la plupart de pays africains. L’autre danger réside dans l’éventualité qu’un État de la zone «Eco» ne puisse pas assurer le paiement en devises de ses importations. Soit il s’endette soit il expose ses populations à la pénurie des produits à importer. Les prédispositions pour une mise en vigueur effective et efficiente font encore défaut, et à plusieurs niveaux souvent indexés au sein de la CEDEAO. Même avec la pression sur le FCFA qu’ils cherchent à évacuer, les pays de l’UEMOA doivent se rendre à l’évidence de leur inconvenable impréparation comme en atteste encore aujourd’hui les écarts dans le suivi des critères de convergence maîtrise de l’inflation, des déficits, de la dette, des fluctuations de change et des réserves extérieures – entre les pays de la zone UEMOA. Qui les respecte dans l’ensemble ? Aucun ! La France qui s’est engagée pour un retrait, plaide toujours en faveur du maintien de l’arrimage sur les politiques monétaires européennes. Pour l’Elysée, pas question pour l’heure et a priori de revenir sur la «parité fixe» de la devise avec l’Euro (1 Euro = 655,96 francs CFA qui devra donner donc si l’on suit la «logique élyséenne» 1 Euro = 655,96 Eco). La fixité des parités réduirait selon le Président français Emmanuel Macron le risque de change pour des investisseurs ou pour des exportateurs et risques d’inflation. Alors que cette parité fixe est l’un des premiers facteurs bloquants de la compétitivité des entreprises africaines. Et cela va au-delà, puisqu’il faut considérer ces «engrenages handicapants» jusque dans la compétitivité économique, laquelle peut être scindée en compétitivitéprix et en compétitivité structurelle. La compétitivité-prix relève de la capacité à produire des biens et des services à des prix inférieurs à ceux des concurrents pour une qualité équivalente, alors que la compétitivité structurelle relie la compétitivité aux effets de structure. Il est question de la capacité à vendre ses produits ou services indépendamment de leur prix mais en faisant valoir d’autres arguments (qualité, innovation, services après-vente, image de la marque, délais de livraison, capacité de s’adapter à une demande diversifiée…). Et ce, même si la compétitivité peut être déterminée par plusieurs facteurs en dehors du prix ou taux de change nominal (cours de la monnaie). Autre chose qu’il faut savoir, c’est que ce changement annoncé peut ne pas changer au fond rien si la nouvelle monnaie est maintenue au même niveau et dans les mêmes conditions que le défunt FCFA. La situation du FCFA à laquelle l’on tente de mettre fin a été inédite par ses conditions et sa durée. L’enjeu réel de ce changement réside dans la compétitivité économique de la sous-région. Un nouvel arrimage plus
«raisonnable», une «parité» variable, et dont les fluctuations se feront en tenant que compte des aléas et autres chocs exogènes sont fondamentaux pour marquer la rupture. Les agissements monétaires doivent se faire sur fond d’intégration de la notion de compétitivité économique pérenne. Car d’une part se limiter aux indicateurs du taux de change nominal ou du taux de change réel ne permet pas de prendre en compte les nombreux facteurs déterminants de la compétitivité économique. D’autre part, il urge que l’Afrique se donne les moyens de faire face aux enjeux actuels et futurs, sachant qu’aujourd’hui l’indice de compétitivité en Afrique subsaharienne est de 45,2 sur 100, alors que la moyenne mondiale est de 60 (démontrant qu’aucun pays dans le monde n’est à 100% compétitif). En plus de classer la région comme dernière du classement mondial, ce score indique surtout que l’Afrique subsaharienne n’atteint même pas le seuil minimum de la moitié de la note maximale, soit 50 sur 100. L’Eco est une opportunité de changement à condition de savoir bien la positionner. Cela va au-delà des considérations monétaires. L’enjeu réel, c’est la compétitivité économique de la sous-région ouest-africaine pour ne pas dire de l’Afrique. Si l’Afrique rate ce virage stratégique, ce sera parti pour une troisième ère de… colonisation. D’ici la mise en circulation est prévue pour juillet 2020, un immense chantier attend les concernés tant dans les négociations pour parfaire le précédé de gestion, que le taux d’arrimage, le régime ou encore la position finale de la France. Le Maroc reste attentif à la question et devra un jour abandonner le dirham s’il désire toujours intégrer la CEDEAO. Mais encore faudrait-il que la CEDEAO trouve le consensus entre les pays de l’EUEMO, le Nigeria et le Ghana qui ont toujours leur souveraineté monétaire.
La double équation de la souveraineté monétaire et de l’arrimage Le sentiment mitigé des «Ouestafricains» émane d’une double équation relative aux questions de la souveraineté monétaire et de l’arrimage à l’euro. Seules certitudes à l’heure : l’ECO sera arrimée à l’Euro considérée à plusieurs égards comme la monnaie de référence et la France restera le garant financier même si elle déclare se retirer des instances de gouvernance. Pour des raisons multiples, l’Afrique de l’Ouest ne peut se départir de la France. Entre la «métropole» et les «anciennes colonies», les économies sont tellement bien entrelacées qu’une rupture abusive entrainerait des engrenages économiques inéluctables. Sur la question urgente monétaire, il importe de souligner que si l’arrimage de l’Eco à l’Euro permet de mieux maitriser la volatilité, force sera de reconnaitre également que l’action en elle-même induit une forme d’abandon de souveraineté. Considérant cet aspect et celui de la nécessaire poursuite du compagnonnage avec la France, l’on peut aisément conclure que la souveraineté monétaire, chantée sur tous les toits depuis l’annonce du changement, demeure illusoire. La monnaie est le premier pilote d’une économie. C’est un actif financier qui a un rôle psychologique dans la confiance des populations quant à leur économie. L’arrimage d’une monnaie de référence (Euro ou dollar) est à l’image de ce que l’ancre représente pour un navire. Lier le sort de sa monnaie à celui d’une autre permet non seulement de mieux vivre les volatilités, mais permet à celle-ci de bénéficier des largesses de la crédibilité de la devise de référence et des organes autoritaires. L’arrimage offre, quoi qu’on dise, un certain confort nécessaire dans les transactions commerciales internationales. Ce qui sous-entend pour le cas de l’Eco que le vrai problème n’est pas la question l’arrimage en tant que tel, mais le taux de change, c’est-à-dire le coût de l’Eco par rapport à l’euro. Ce taux de change constitue
un faux-ami puisqu’il n’a rien d’une égalité absolue entre le FCFA et l’Euro, parce que les fondamentaux du système de change sont, entre autres, les mécanismes rééquilibrants. Malgré toutes les supputations deux vérités demeurent quels que soient les orientations et soubassements du projet de cette nouvelle monnaie : La souveraineté monétaire n’aura pas lieu et l’arrimage à l’Euro est incontournable. Il est donc impensable que l’ECO ne soit pas arrimée à l’Euro pour plusieurs raisons : l’existence de deux économies synchronisées entre l’Afrique de la Zone Franc et l’Euro pour ne pas dire la France, le libellé en Euro des dettes extérieures des pays de la zone franc ; ou encore leur forte intensité des relations économiques et commerciales… En 2018 par exemple, les pays de la zone ouest-africaine ont absorbé 35% des exportations françaises destinées à l’Afrique subsaharienne, avec un taux de couverture des importations françaises par les exportations à 304%, pour donner une idée du poids de la France dans les économies des pays de la Zone Franc et vice-versa. Le vrai débat aujourd’hui devrait porter sur l’équation du régime de change, ou régime de taux de change et sur l’approche africaine une fois le retrait partiel de la France effectif.
L’équation «régime de change» ou «régime de taux de change» Le vrai problème n’est pas l’arrimage, mais le «régime de change», ou «régime de taux de change». La monnaie européenne au cours élevé demeure un facteur négatif pour les exportations et importations des pays de la Zone Franc. Les Africains espèrent que ce tournant permettra une revalorisation de la valeur de leur monnaie (ECO forte dès le départ). Pour l’Elysée, pas question a priori de revenir sur la «parité fixe» de la devise avec l’Euro (1 Euro = 655,96 francs CFA qui devra donner donc si l’on suit la «logique élyséenne» 1 Euro = 655,96 Eco). La question du taux – très sensible – reste soit en suspend soit passée sous silence d’un commun accord entre l’Elysée et les Chefs d’Etats africains. Dans un régime où le taux
de change est fixé par les autorités monétaires (parité fixe) comme c’est le cas actuel avec FCFA, l’équilibre du marché des changes est assuré. Il importe de rappeler que les taux de change fixes favorisent le commerce extérieur en offrant un environnement monétaire stable. Les concernés vendent les devises étrangères si l’offre dépasse la demande des devises ou achètent les devises si l’offre est inférieure à la demande. La solution : Un impératif de conjuguer expérience du FCFA, considération empirique des régimes et orientation économique pour adopter le «format» ad hoc. Par ailleurs, même si les experts alertent avec des supputations tous azimuts par rapport au régime le plus stratégique pour «la nouvelle orientation monétaire et économie africaine», selon que la parité demeure fixe ou flottante, la prudence doit être requise. Une prudence à toutes les étapes du processus de mise en place, mais surtout sur la nature même du régime. Car malgré tout ce que l’on peut avancer, une vérité demeure : la difficulté de juger de manière abstraite des bienfaits et des inconvénients d’un système de change (partant des paramètres techniques financiers et non de pures spéculations). Et là même, pour être plus rigoureux, il ne suffit pas de s’arc-bouter sur la nature du système de change pour analyser les avantages et les inconvénients qui en découlent, s’accordent les experts. Et ce, pour deux autres raisons très simples : le système monétaire international est extrêmement lié au système financier international et que pour comprendre les avantages et les inconvénients d’un type de régime de change, il faut examiner le mode de circulation des capitaux entre les deux zones monétaires concernées. Ce qui renvoie encore une fois au triangle des incompatibilités de Mundell et Fleming. L’analyse empirique des deux systèmes de change (fixe et flottant) permettra de juger des avantages et des inconvénients de l’un et l’autre, en observant la faiblesse ou la forte mobilité des capitaux. Pour réussir le pari de la rupture et se doter enfin d’une monnaie plus compétitive, rien n’est plus méditant que la longue expérience du FCFA. Celle-ci doit être mise en confrontation avec une analyse empirique des systèmes de change mais aussi la nouvelle orientation stratégique des économies africaines. Non sans prendre conscience, encore une fois, des potentialités économiques actuelles et futures (ressources, marchés…) des pays de la Zone Franc.