STUDIO CINÉ LIVE DÉCEMBRE 2016
DOM 4,40 €, TOM 600 XPF, Belgique 3,90 €, luXeMBOurg 4,10 €, AlleMAgne, esPAgne, grèce, iTAlie, POrTugAl 5,00 €, suisse 7,80 Fs, cAnADA 7,50 $cAn, MArOc 50 MAD, Tunisie 7,00 TnD
Numéro
85
BILAN 2016
GER - EXEMPLAIRE NUMERIQUE
TOP 10 DE LA RÉDACTION
CASEY AFFLECK, IMPRESSIONNANT
AMY JOANN ADAMS, SFAR, DISCRÈTE ENTHOUSIASTE
N° 85 DÉCEMBRE 2016
EXCLUdessine McQuarrie
STAR WARS
KRISTEN STEWART L’INTERVIEW STAR (MAIS PAS TROP)
M 04974 - 85 - F: 4,90 E - RD
’:HIKOTH=YUY^U\:?a@a@s@f@k"
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DAS Galaxy S7 edge : 0,264 W/kg. DAS membre Gear Fit2 : 0,100 W/kg, DAS membres Gear S3 Frontier : 0,265 W/kg, DAS Gear 360 : 0,084 W/kg. Le DAS (débit d’absorption spécifique des appareils mobiles) quantifie le niveau d’exposition maximal de l’utilisateur aux ondes électromagnétiques. La réglementation française impose que le DAS ne dépasse pas 2 W/kg pour une utilisation à l’oreille et 4 W/kg pour une utilisation au niveau des membres. L’utilisation d’un kit mains libres est recommandée. Le Samsung Gear VR ne convient pas aux enfants de moins de 13 ans. Lisez et respectez toutes les instructions et avertissements avant utilisation. Mobile vendu séparément. Compatible avec une liste précise de produits Galaxy. Images d’écran simulées. Fonds d’écran disponibles selon les pays. Samsung Electronics France. CS 2003. 1 rue Fructidor. 93484 Saint-Ouen Cedex. RCS Bobigny 334 367 497. SAS au capital de 27 000 000 €.
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ÉDITO
LE SEUL INTÉRÊT D’ALLIÉS, de Robert Zemeckis, est d’ordre intellectuel. Non pas qu’il revisite la pensée spinoziste sur la couleur des pantalons de flanelle, mais il pousse un peu plus loin le bouchon du spoil – de la révélation pour les francophiles d’un autre siècle. Comment résumer ce ratage aventureux ? Telle est la question que je me posais en entendant la bande-annonce qui annonçait le sujet du film : Marion Cotillard est sans doute une espionne allemande, mais non, s’offusque Brad Pitt, son mari aimant, et je le prouverai. Pour les chanceux qui n’ont pas vu le film, l’angoisse vécue par Brad advient au bout d’une heure, alors que les spectateurs encore éveillés se demandent de quoi il retourne exactement. D’où mon interrogation : raconter ce qui se déroule au bout d’une heure, est-ce un spoil ou pas ? Si oui, que dire du film puisqu’il ne s’y passe rien d’autre avant que des changements de vêtements, un verre en terrasse et une scène d’amour dans une voiture. Est-ce également spoiler – comme il nous l’a été reproché - que d’annoncer la mort d’Escobar dans la série télé Narcos, alors que le patron du cartel de Medelin est effectivement mort en 1993 ? Le spoil est aussi agaçant que le sparadrap du Capitaine Haddock : on ne sait jamais à quel moment arrêter le résumé ni à partir de quand un film peut être expliqué du début à la fin. Dire, par exemple, que Rosebud est le nom du traîneau de Charles Foster Kane, est-ce un spoil alors 4 I STUDIO CINÉ LIVE
que le chef-d’œuvre d’Orson Welles date de 1942 ? Et, tout à coup, un gouffre s’ouvre… Évoquer Ian Solo dans Le retour du Jedi, estce spoiler la fin de L’Empire contre-attaque où le cow-boy galactique est en mauvaise posture et peut-être même bon pour la casse ? Entendre Zurg dire à Buzz qu’il est son père, est-ce spoiler Toy Story 2 ou la saga Star Wars ? Annoncer la projection de L’arrivée du train en gare de la Ciotat, n’estce pas déjà révéler qu’il est bientôt à quai ? Dire que Cameron filme magnifiquement le naufrage du bateau, est-ce couler le suspense de Titanic ? S’apprêter à revoir Rio Bravo en se remémorant avec délectation le scène de la goutte de sang dans le verre de bière, est-ce de l’auto-spoil ? Le spoil est un animal agaçant qui dit aussi l’absurdité du biniou. Deux mots pour résumer un film, c’est déjà trop, un verbe mal placé peut tout faire foirer. Et il y aura toujours quelqu’un, ici ou ailleurs, pour vendre la mèche avant qu’elle n’explose. Faut faire gaffe mais c’est compliqué. Par exemple, faut-il écrire que le trio de tête des films préférés de la rédaction, page 73, est Manchester by the Sea, Carol et Toni Erdmann ? Je ne suis pas sûr finalement. J’hésite. En tout cas, Alliés n’y est pas. Faut dire que la scène finale est loupée. Presque autant que le début. C’est Brad Pitt qui meurt. Ou Marion Cotillard. Je ne sais plus. Les deux ? Aucun ? Je n’aurais pas dû dormir. Quelqu’un pourrait-il spoiler le film par la fin ? Merci. n Éric Libiot, directeur de la rédaction
E-mail : initiale prénom collée au nom@studiocinelive.com 23, rue de Châteaudun 75 308 Paris Cedex 09 Tél. : 01 75 55 10 00 E-mail : redaction@studiocinelive.com MANAGEMENT ET PUBLICITÉ Directrice déléguée : Sophie Vatelot-Niclas (16 64). Directeur commercial pôle news culture : Pierre-Étienne Musson. Directrice de la publicité : Caroline Ferreira-Pages (44 57). Directrice de clientèle : Véronique Fabrèges (43 21). Directeur commercial digital : François Muzy Mazza (11 21). Directrice de la Fabrique à idées : Constance Bucaille. Directrice développement international : Alice Macpabro. Directeur de la fabrication : Pascal Delépine (11 84). Chef de fabrication : Marie-Christine Pulejo. Diffusion : Alexis Bernard. Ligne verte diffuseurs/dépositaires : 0800 42 32 22. Fax : 01 75 55 13 03. Abonnements : 01 70 37 31 54. © 2014 Groupe Altice Média. Tous droits de reproduction réservés pour tous pays. Aucun élément de ce magazine ne peut être reproduit ni transmis d’aucune manière que ce soit, ni par quelque moyen que ce soit, y compris mécanique et électronique, on-line ou off-line, sans l’autorisation écrite de Groupe Altice Média.
RUE DES ARCHIVES/DILTz - ÉRIC GARAULT
DES spoils SOUS LES BRAS
SOCIÉTÉ ÉDITRICE Groupe Altice Média, SA au capital de 47 150 040 €. Siège social : 29, rue de Châteaudun, 75 009 Paris. Tél. : 01 75 55 10 00. RCS Paris 552 018 681. Président-directeur général : Alain Weill. Directeur de la publication : Guillaume Dubois. Directeurs généraux délégués : Guillaume Dubois, François Dieulesaint. Principal actionnaire : Altice Média Group. Commission paritaire : 0619 K 89892. Dépôt légal : novembre 2016. N° ISSN : 1969-9441. Photogravure : Roularta Publishing/Groupe Express Roularta. Impression : Roularta Printing (Meiboomlaan 33, 8 800 Roeselare Belgique). Distribution : Transport Presse. 3,90 €. Novembre 2016. RÉDACTION Directeur de la rédaction : Éric Libiot. Directeur artistique : Michaël Cambour. Rédacteurs : Thomas Baurez, Sophie Benamon. Première secrétaire de rédaction : Constance Cadoux. Avec : Thierry Cheze. Ont participé à ce numéro : Sandra Benedetti, Virginie Blanc, Olivier Bonnard (correspondant USA), Pomme Célarié, Laurent Djian, Richard Garreau, Igor Hansen-Love, Julien Jouanneau, Valentin Pimare, Olivier Rajchman, Marion Raynaud, Marie Sauvion, Pierre Serisier, Véronique Trouillet.
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SOMMAIRE
NUMÉRO
DÉCEMBRE 2016
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36
85
8 LE DESSIN DE KAK 10 LE GRAND ENTRETIEN Joann Sfar 16 NEWS Les premières images de Silence et
Les hommes du feu, la campagne des Oscars d’Elle…
26 ZOOOOM Les gentils extraterrestres au cinéma,
Ballerina, Marco Bellocchio, Bastien Bouillon et Neruda
36 EN COUVERTURE : KRISTEN STEWART
KRISTEN STEWART
LES FILMS DU LOSANGE-JOANN SFAR POUR SCL-JOE PUGLIESE/AUGUST/AGENCE A-UNIVERSAL PICTURES-JÉRÔME BONNET POUR SCL-2016 & TM LUCASFILM LTD
10
36 Interview : Kristen Stewart 42 Rencontre : Olivier Assayas-Benoît Jacquot
46 L’ANNée 2016 DANS LE RéTROVISEUR 46 Éphéméride de l’année 52 Le cinéma français vu par les journalistes étrangers 54 Analyse-bilan de l’année 55 Le top 10 de la rédaction
60
joann sfar
AMY ADAMS
56 ACTUS
56 Lettre à… Casey Affleck 60 Portrait : Amy Adams 62 Reportage : Le cinéma roumain 66 Les comédies françaises qui ont influencé Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte 72 Portrait : Adam Driver 74 Portfolio : Ralph McQuarrie
83 à L’AFFICHE
Toutes les critiques des films du mois
56 casey
affleck
74
106 SéRIES TéLé
42
olivier assayas BENOÎT JACQUOT
PORTFOLIO : RALPH MCQUARRIE dessine STAR WARS
106 Bilan de l’année télé 2016 109 Billet d’humeur et news 110 Banc d’essai : The Collection, Cannabis, Rectify… 112 Pour/contre : Lucifer 114 Zoooom : Les soeurs Kuperberg 115 Zoooom : Glacé 116 Actus DVD 117 Épisode culte : Castle
118 VIDÉOCLUB
118 Les sorties de films DVD/Blu-ray : Divines, Samuel Fuller, La tortue rouge… 122 Les coffrets DVD de Noël
132 HIER ET DEMAIN
Couverture : Philippe Quaisse pour Studio Ciné Live. Look Kristen Stewart : Chanel.
132 Mythe Parade : Georges Méliès 136 Flash-back : Police Fédérale, Los Angeles 140 Pourquoi ça marche (ou pas) ? : Moi, Daniel Blake/Planétarium
PROCHAIN NUMÉRO EN KIOSQUE LE MERCREDI 11 JANVIER STUDIO CINÉ LIVE I 7
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LE DESSIN DE I KAK
8 I STUDIO CINÉ LIVE
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Joann
SFAR
le
grand
entretien
Il a tout de suite dit oui. Ce qui caractérise Joann Sfar, c’est son enthousiasme. Alors qu’il prépare une série télé, un film et un dessin animé, le réalisateur le plus inclassable du cinéma français a accepté d’être notre grand témoin de l’année. Entre sa boulimie de séries et ses espoirs pour le cinéma fantastique, il revient sur 2016. Avec le sourire. Propos recueillis par Sophie Benamon Dessin Joann sfar
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LE GRAND ENTRETIEN I JOANN SFAR
« Quand on traite le fantastique en France, on y va de manière totalement barrée, complètement imprévisible. » comme l’arrivée de Thorgal en série, m’excite. C’est une chance Il y a un an, vous signiez une tribune dans le Huffington Post immense d’avoir dans notre pays ces milliers de bandes dessinées pour déplorer l’absence du cinéma de genre en France et le qui se prêtent à l’adaptation. Cela bat en brèche l’idée de la manque d’imagination des financiers… France pays cartésien et sans imagination. Joann Sfar : Ils partent du principe que les réalisateurs français Seriez-vous prêt à adapter un confrère ? ne savent pas faire du cinéma de genre et que le spectateur va J’aimerais beaucoup. J’ai mené assez loin une adaptation live être choqué ; c’est une erreur. D’accord, on a un problème avec de Betty Boop ; j’avais contacté les ayants droit, écrit une sorte l’imaginaire, le rêve, l’enfance. La France, c’est le cinéma du de conte de fées qui se passait pendant la crise économique améréel, de la comédie sociale, mais aujourd’hui le public passe ricaine des années 30, en noir et blanc. Je me suis aussi beaucoup des bandes dessinées à la littérature fantastique et va au cibattu pour faire un Flash Gordon comique, une espèce de truc à néma. Le cinéphile stricto sensu n’existe plus. Être fan de ficla OSS117, mais de science-fiction. J’ai appris que c’était aution, c’est s’intéresser aux nouvelles formes de récit. jourd’hui dans les tuyaux [par Matthew Vaughn, le réalisateur Comment les choses peuvent-elles changer ? de Kick-Ass, NDLR]. Il n’est pas normal, par exemple, que Corto Quand on traite le fantastique en France, on y va de manière Maltese, l’aventurier qui ne fait pas confiance au grand capitatotalement barrée, complètement imprévisible, et ça c’est lisme et se bat contre le système, ne soit pas un grand personnage bien. J’aime beaucoup Quentin Dupieux. Je m’inspire beaude cinéma. Mais ce n’est pas faute d’avoir demandé. coup du cinéma de Louis Feuillade. C’est une manière très Accepteriez-vous que d’autres cinéastes adaptent vos BD ? française de traiter le morbide. Le climat paraît favorable Je ne suis contre rien… mais je finis toujours par dire non ! Avant pour ceux qui vont accepter d’utiliser la langue anglaise et que je réalise Le chat du rabbin, j’ai refusé huit propositions. Il de sortir du registre presque caricatural du film français. La faudrait que ce soit une personne que j’admire, comme Guillermo langue française limite les financements et, qu’on le veuille del Toro ou Bayona [réalisateur de L’orphelinat, NDLR]. ou non, les histoires surnaturelles demandent un budget imVous êtes très proche de Guillermo del Toro. Quels sont vos portant pour ne pas être ridicules. points communs ? Sur quoi travaillez-vous en ce moment ? Je le considère comme mon papa de cinéma. C’est un modèle Alors que j’avais décidé de me recentrer sur mes albums, pour moi. Je me reconnais aussi beaucoup dans certaines de tous les projets que j’avais en chantier se sont débloqués. Je ses névroses. Ses films parlent d’enfance, de morbidité. Il afviens de signer pour l’écriture d’un pilote d’une série avec fectionne de passer de la tendresse à l’abominable. Un film ne des monstres et des créatures fantastiques que je développe doit pas être fait d’une seule matière. Comme il vient souvent depuis quatre ans pour Canal+. On écrit en langue anglaise, à Paris pour écrire, nous faisons ensemble le tour des magasins mais ça parle de la France. J’entre en préparation de l’adapde BD. Il est très très geek et moi aussi. tation en chair et en os du Chat du rabbin. Christian Clavier Dans votre dernier carnet autobiographique, Si j’étais une en a eu envie. Il jouera le rabbin et je vais réinventer l’album femme, je m’épouserais, vous révélez les conditions de fabrioù le rabbin et le chat vont à Paris. Ce sera une traversée de cation difficiles de votre dernier film, La dame dans l’auto la ville dans les années 30 avec des références au cinéma de avec des lunettes et un fusil… Jacques Prévert et de Marcel Carné. C’est ouvertement un J’ai accepté ce film parce que j’étais un fan absolu du roman film pour enfants, un peu surnaturel. Enfin, je travaille depuis de Sébastien Japrisot. J’étais parti pour faire un vrai polar un an sur un long métrage d’animation – en 2D, à l’ancienne ! poisseux, quasi surnaturel. Mais je me suis vite aperçu que – inspiré de Petit vampire. je n’avais pas le droit de toucher au scénario déjà écrit. On Il y a un domaine où la France est à la pointe, c’est le dessin me répétait sans cesse : « Ne fais pas du Joann Sfar. » À tel animé. Cette année, pas moins de sept films français sont point que j’ai voulu partir. Mais mon agent m’a dit que je dans la course à l’Oscar du meilleur film d’animation. Cela n’en avais pas le droit. Alors, je me suis dit que j’allais faire doit vous ravir, non ? un beau film et j’ai joué sur les images, la musique, le monOui, c’est génial. En plus, on est très créatifs. Il n’y a pas deux tage. Le résultat est totalement surréaliste. films qui se ressemblent. Voilà un domaine où l’on peut, sans Tous ces problèmes ont-ils changé votre vison du métier ? rougir, dialoguer d’égal à égal avec les Américains. Je suis fier Au contraire ! Le fait de participer à un film si compliqué à réacomme un paon quand je peux aller rencontrer les élèves à liser, à tous les niveaux, m’a permis de m’intéresser l’École des Gobelins, dont tout le monde s’accorde à davantage à la technique. Aujourd’hui, je n’ai plus dire qu’elle est la meilleure. Avant même d’avoir terhonte de dire que je suis réalisateur de cinéma. Le miné leurs études, les élèves sont déjà tous embauscénario ne me plaisait pas, le budget a été coupé et chés. Chez Pixar ou Disney, le plus souvent ! On en 2010 Gainsbourg recoupé, la production m’a été hostile, mais j’ai perd beaucoup, mais ceux qui restent sont ceux qui (Vie héroïque) réussi à sortir un film. Même si le public s’est compté font le choix de travailler en 2D. 2011 Le chat du rabbin sur les doigts d’une demi-main ! Que pensez-vous de la mode des adaptations de BD ? 2015 La dame dans Que retenez-vous de cette année cinéma 2016 ? C’est magique de voir un personnage de bande dessi- l'auto avec des lunettes La qualité d’écriture des séries télé. C’est la première née prendre vie. La BD est un cousin du cinéma, née et un fusil année que je vois le cinéma à ce point distancié par en même temps que lui. Le Valérian de Luc Besson,
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LE GRAND ENTRETIEN I JOANN SFAR
la télévision. Il y a un exemple extrêmement parlant, ce sont les films de superhéros. Au cinéma, les scénarios sont très simples, pour enfants ; alors qu’à la télé, Daredevil ou Luke Cage par exemple, les histoires n’hésitent pas à mettre mal à l’aise. Le téléspectateur est davantage pris pour un adulte. J’adore Penny Dreadful, cousine d’Adèle Blanc-Sec, la très créative American Horror Story et l’inventivité de Black Mirror. Ce sont des séries qui désossent un genre. Mais ma préférée reste Louis, de Louis C.K., sorte de carnet autobiographique que je trouve aussi profond et aussi noir qu’un roman de Philip Roth. Là encore, je me dis que l’héritier de Woody Allen, il est à la télé. Il y a bien des films qui sortent du lot… Je suis très reconnaissant envers le réalisateur qui me surprend. J’ai adoré des petits films indépendants comme Bone Tomahawk, un western gore avec Kurt Russell [Grand Prix du Festival du film fantastique de Gerardmer, sorti en VOD], et The Duel [diffusé par Netflix], avec Woody Harrelson, une sorte de critique de Donald Trump en western, où un prêcheur blanc organise des chasses aux Mexicains dans sa ville. Vous allez en salle, quand même ? Oui, avec mes enfants, quand j’ai envie d’en prendre plein la vue. C’est assez marrant d’aller au cinéma avec ses ados et de mesurer à quel point ils deviennent cinéphiles à vitesse grand V quand un truc leur plaît. Cette nouvelle génération est passionnante, parce qu’elle est très syncrétique et mélange beaucoup de genres. Cette nouvelle génération, dont vous parlez, utilise des réseaux sociaux pour interpeller les artistes, parfois de manière agressive. Comment le vivez-vous, vous qui êtes très présent sur Twitter, Facebook, Instagram ? Facebook ou Instagram me mettent en relation avec des gens qui sont plutôt de mon univers ou qui pensent comme moi. Twitter, en revanche, est générateur de conflits. Je pense que c’est une question d’algorithme. Du coup, je m’exprime très peu sur Twitter et davantage sur Facebook. J’aime partager ce que je fais ou ce que j’ai vu. Quand j’écrivais des papiers poli14 I STUDIO CINÉ LIVE
tiques sur Facebook, je faisais en sorte qu’ils soient très, très longs. Passer du temps pour les lire évite la réponse lapidaire. Le problème de Twitter, c’est qu’en 140 caractères, c’est une éruption. Moi, je ne suis pas là pour me disputer. Certains auteurs ou réalisateurs ont été insultés par leurs fans, déçus par les adaptations. Cela vous est-il arrivé ? Le rapport aux fans, c’est quelque chose de très compliqué parce qu’il arrive un moment où les personnages qu’on invente ne nous appartiennent plus tout à fait. Mon Chat du rabbin est sorti dans quarante pays, il a 2,5 millions de lecteurs, ce n’est plus vraiment le mien. Pour autant, si on écrit en se demandant ce que les fans vont en penser, on ne fait rien. Quand Tim Burton a sorti ses Batman, les meilleurs à mes yeux, il a déclaré qu’il refusait de parler à des fans pour ne pas changer d’idée. Donc, il ne faut pas leur demander leur avis. Il faut rester fidèle à sa vision et savoir oser. Ne rien s’interdire ? Imaginer un film pour enfants qui parle de religion, comme l’adaptation du Chat du rabbin, ce n’est pas évident. Les vannes sont de plus en plus difficiles à écrire. On s’adresse à tous, donc il faut faire attention, mais pas trop. Écrire sur l’actualité, est-ce essentiel pour vous ? Après les attentats de Charlie Hebdo, tous les dessinateurs se sont mis à dessiner en se disant : « Ça va panser les plaies. » Pendant deux ans, j’ai fait beaucoup de politique. Puis on s’est rendu compte que les attentats n’allaient pas s’arrêter et que nos petits dessins ne servaient à rien. Il fallait des remèdes plus puissants. Donc, je suis reparti vers la fiction. La fiction, c’est une catharsis, pas une fuite. Elle nous permet de regarder plus loin, de convoquer des personnages imaginaires pour parler d’un événement que je ne maîtrise pas complètement. Je fais plus confiance à Petit vampire ou au Chat du rabbin, qu’à mon observation du quotidien, pour m’expliquer le monde dans lequel je vis. n ACTU Roman Comment tu parles de ton père, éd. Albin Michel. • Bande dessinée Fin de la parenthèse, éd. Rue de Sèvres.• Carnets Si j’étais une femme, je m’épouserais, éd. Marabout. • Exposition « Joann Sfar-Salvador Dalí, Une seconde avant l’éveil », Espace Dalí, Paris 18e. Jusqu’au 31 mars 2017.
MOLLONA/LEEMAGE/AFP
« C’est la première année que je vois le cinéma à ce point distancié par la télé. »
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NEWS I POSTPROD
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KERRY BROWN
SCORSESE AU JAPON MARTIN SCORSESE met la touche finale à l’un des projets les plus importants de sa vie : Silence, l’adaptation du roman de Shusaku Endo, qui se déroule dans le Japon impénétrable du XVIIe siècle. Il est produit par un vieux complice du réalisateur, Irwin Winkler, déjà à ses côtés pour Raging Bull, New York New York et Les affranchis. On y suit le périple du père Rodriguès, un jésuite portugais interprété par Andrew Garfield (second à droite), qui est envoyé sur l’archipel pour enquêter sur la disparition de son ancien maître (Liam Neeson). Rodriguès et son acolyte, le père Garrpe (Adam Driver, premier à droite) se retrouvent témoins de la transformation du pays, où le catholicisme est désormais banni. Tourné à Taïwan avec un budget serré (50 M$), Silence sort juste avant la fin de l’année aux États-Unis (pour concourir aux Oscars) et le 8 février 2017 en France. n So.B. STUDIO CINÉ LIVE I 17
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NEWS I POSTPROD
ROSCHDY ZEM RETROUVE PIERRE JOLIVET
ROGER ARPAJOU/2.4.7. FILMS
ET DE SIX ! Après Fred, Ma petite entreprise, Filles uniques, La très très grande enteprise et Mains armées, Pierre Jolivet retrouve son acteur fétiche Roschdy Zem pour Les hommes du feu. Il incarne cette fois un capitaine d’une caserne de pompiers, au cœur d’un été de feu… dans tous les sens du terme, entre incendies, accidents, menaces d’attentat et arrivée d’une nouvelle adjudant-chef qui va provoquer quelques remous sur le terrain. Émilie Dequenne incarne la jeune femme. Le scénario a été coécrit par Marcia Romano, qui a notamment cosigné celui de La tête haute. Le tournage des Hommes du feu – dont voici la toute première image – s’est achevé le 4 novembre dans le département de l’Aude. Rendez-vous courant 2017 pour le découvrir. n T.C.
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NEWS I WEB
Des hommes et Deviant
Les montages hallucinés
DES PASSIONNÉS DE JEUX VIDÉO PROPOSENT DES COMPILATIONS DES MEILLEURS PASSAGES, POUR LES SUBLIMER À LA SAUCE 7E ART. PAR JULIEN JOUANNEAU
On l’entend crier
L’acteur Ralph Brown revient sur le tournage infernal d’Alien 3, de David Fincher. Ambiance délétère, coups bas et réécriture de scénario glissée sous la porte… Un miracle que le film ait vu le jour. Sur magicmenagerie. wordpress.com n
Rejets qui prennent
Dix idées rejetées de Star Wars Épisode 7, comme le château de Darth Vader ou les débris de l’Étoile de la mort sous l’eau sont recensées dans une vidéo. Officielles ou pas, elles sont passionnantes. Sur la page YouTube de Viral Killer.n
IL Y A UNE VIE CINÉMATOGRA⇢ PHIQUE après la fin d’un jeu vidéo.
Des joueurs malins en ressuscitent le plaisir par deux procédés. Le premier : monter bout à bout les séquences cinématiques du jeu, celles qui présentent ou ponctuent l’action, puis les diffuser sous la forme d’un petit film sur YouTube, d’une trentaine de minutes. Le résultat efface les contraintes d’un plateau et autorise des scènes de combat épiques. Prenez le récent Star Wars Eternal Thrones : On y suit la chute d’une petite fille du côté obscur de la force partie affronter sa mère, chevalier de l’ancienne République. « Chaque objet fictionnel fonctionne en lui-même et selon son propre système de valeurs : le jeu vidéo nécessite d’avoir un renouvellement constant des situations d’actions, alors que pour le cinéma, il faudrait plutôt parvenir à tenir un spectateur pendant la durée de la projection », explique, sur le site Passeurs d’images, Alexis
Blanchet, chercheur en études cinématographiques. Bingo, ces montages parviennent à satisfaire les deux exigences. Le deuxième procédé : profiter du jeu vidéo comme spectateur. Les Youtubeurs enregistrent leur progression à travers le jeu, en prenant soin de ne jamais faire mourir le personnage qu’ils incarnent, et rediffusent leurs exploits : ce « gameplay » visible à l’écran dure plusieurs heures. La mayonnaise prend, notamment pour les jeux à la vue subjective comme Alien Isolation. Il s’agit de l’histoire de la fille de Ripley, qui se déroule entre le premier et le deuxième Alien. Le spectateur suit la progression dans des couloirs sombres de la station géante Sébastopol. Parce qu’il n’a pas à se concentrer sur la manette, on peut admirer la qualité des éclairages, de la mise en scène, des rebondissements d’une vidéo. Après tout, le cinéphile est aussi voyeur. n
LES TWEETS DU MOIS @LoChrisvlb Quand il y aura les films de Noël, faudra plus m’appeler. @MsieurLeProfPtit Moment coup de vieux du jour : bosser sur The
Truman Show avec mes élèves et me rendre compte qu’ils sont tous nés après sa sortie. @DarkHodji Un cinéma diffuse une version longue inédite d’un film de mon réalisateur préféré et qu’est-ce que je fais ? J’oublie d’y aller. @ Software623 Les films de Kubrick ont plus d’impact sur moi que mes cours de philo : dès que j’en revois un, je me remets en question sur tout.
Et de 5 ! L’ogre Shrek revient pour de nouvelles aventures en 2019. 22 I STUDIO CINÉ LIVE
Brèves
BEAU TRAVAIL DE BOSSUYT Le designer cinéphile, adepte du fan-art, revisite les affiches de films avec un talent solide. Ça, c’est du vrai made in France ! Sur leplanb.fr n DING DINDE DONG Les films et téléfilms de Noël font simple : magie, bons sentiments et personnages qui s’enguirlandent pour se rabibocher. Un générateur automatique de scénarios est disponible sur themeaningof xmas.com n
STAR WARS THE OLD REPUBLIC - 20TH CENTURY FOX - VIRAL KILLER
Le talent graphique des internautes cinéphiles n’est plus à prouver, mais il faut l’exposer quelque part. Le site Deviant Art réunit affiches de films et dessins d’une qualité inouïe. Les professionnels devraient y jeter un œil… n
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NEWS I HOLLYWOOD
L’en quête US qui distribue le film de Verhoeven, en est certain : « Son heure est venue. Isabelle fait une performance incroyable, elle a plus de 130 films derrière elle, et pourtant elle n’a jamais été envisagée pour un Oscar. Il est temps de réparer ça. »
L’OSCAR ET ELLE ?
ISABELLE HUPPERT SERA-T-ELLE NOMINÉE POUR L’OSCAR DE LA MEILLEURE ACTRICE POUR SON RÔLE DANS ELLE, DE PAUL VERHOEVEN ? RIEN N’EST JOUÉ MAIS TOUT EST POSSIBLE. PAR OLIVIER BONNARD
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nd the Oscar goes to… Isabelle Huppert ! Une fiction qui pourrait bien devenir réalité, le 26 février prochain, même si l’actrice se refuse à envisager la chose. « Il est encore beaucoup trop tôt pour parler de ça. » Mais elle y croit. Sans quoi elle ne serait pas là, impeccable en tailleur noir et lunettes de soleil, charmante, dispo-
nible, à serrer des mains et enchaîner les interviews à The Ivy, le restaurant des stars à Beverly Hills, au lendemain de l’hommage qui lui a été rendu par l’AFI (American Film Institute). Et puis, on sent une pointe de regret quand elle évoque La pianiste, dont le distributeur américain, Don Krim, de Kino Lorber, avait tout simplement oublié de remplir le papier nécessaire à l’inscription du film ( !). Michael Barker, le patron de Sony Classics,
Fred Alvarez (Don’t Breathe) va reprendre les rênes de la saga Millenium en adaptant Ce qui ne me tue pas, le quatrième tome. 24 I STUDIO CINÉ LIVE
2015 GUY FERRANDIS/SBS
HOLLYWOOD À L’UNISSON
En France, Elle, qui raconte un jeu du chat et de la souris tordu entre une femme et son violeur, a essuyé des critiques de la part d’associations féministes y voyant une apologie du viol. Dans la très puritaine Amérique qui vient d’élire Donald Trump, « le film est jusqu’à présent très bien reçu », confie Isabelle Huppert, qui ne cache pas un certain étonnement devant pareille unanimité : 93 % au tomatomètre. Même Manohla Dargis, la critique du New York Times, d’ordinaire pas tendre avec Verhoeven, n’a rien trouvé à y redire. Il est vrai qu’Hollywood, ce n’est pas vraiment l’Amérique. Pour les jeunes hipsters barbus venus l’applaudir à l’AFI, Huppert, l’actrice de Chabrol, de Godard, de Cimino, d’Haneke est plus que cool : elle est culte. Michael Barker l’a bien compris. Le boss de Sony Classics entend s’appuyer sur le fait que la France a choisi Elle pour la représenter dans la catégorie Meilleur film étranger. Le bonhomme a de la bouteille. C’est sous sa houlette, quand il dirigeait encore Orion Classics avec Tom Bernard, qu’Isabelle Adjani fut nommée pour Camille Claudel, et Gérard Depardieu pour Cyrano de Bergerac. Quand Barker et Bernard ont créé Sony Classics, en 1992, une de leurs premières acquisitions fut Indochine, de Régis Wargnier, le dernier film français en date à avoir remporté l’Oscar du meilleur film étranger – qui avait également valu à Deneuve une nomination à l’Oscar de la meilleure actrice. Pour autant, « ce n’est pas gagné, tempère le critique de Variety, Peter Debruge. Le film est difficile, il va diviser. Et puis, c’est une année de compétition intense dans la catégorie Meilleure actrice : si Huppert était nommée, elle affronterait Natalie Portman dans Jackie, Jessica Chastain dans Miss Sloane ou Meryl Streep dans Florence Foster Jenkins ». Pourtant, c’est bien dans cette catégorie qu’Elle a le plus de chances de gagner. « La catégorie Meilleur film étranger est nettement plus imprévisible, reconnaît Michael Barker, qui l’a emporté à la précédente cérémonie avec Le fils de Saul. Il faudra déjà qu’il
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LE BILLET D’HUMEUR OLIVIER BONNARD
passe l’épreuve de la shortlist de neuf films, dévoilée en décembre, puis qu’il soit encore dans les cinq finalistes retenus le 24 janvier. En 2006, on avait trois films dans la shortlist : Volver, Black Book et La vie des autres Un seul a survécu : La vie des autres. » Dans la catégorie Meilleure actrice, la « terrifiante puissance du jeu d’Isabelle Huppert », pour reprendre la formule d’A.O. Scott dans le New York Times, a de quoi mettre tout le monde d’accord. « Et puis, après l’élection de Trump, Hollywood est en colère, note Peter Debruge. Du coup, le gentil La La Land n’est plus favori. On peut penser que l’Académie va avoir à cœur de faire passer des messages en direction des minorités. » Et, pourquoi pas, saluer, à travers un Oscar de la meilleure actrice, le postféminisme d’Elle. n
AMERICAN NIGHTMARE On aurait bien voulu le voir enseveli sous un tas de purin, mais ce genre de happy end, c’est au cinéma. Trump président ? À Hollywood, on porte quasiment le deuil. « 2016. Nous avons perdu Bowie, Prince, Gene Wilder, Mohammed Ali, et les États-Unis d’Amérique », a tweeté Whoopi Goldberg. Même le superpatriote
va gagner ». Et des signes avant-coureurs, il y en a eu d’autres. Comme par exemple cette campagne de haine contre Leslie Jones, l’actrice black du Ghostbusters girly sorti cet été, symptôme du mal-être de ces « angry white men » qui se sentent menacés par les femmes, les immigrés, et tout ce qui ne leur ressemble pas,
Captain America s’est dit « dévasté ». Il n’y avait guère que Clint Eastwood pour s’enthousiasmer, ainsi que ce ringard de Stephen Baldwin, moqué par son propre frère Alec à longueur de « Saturday Night Live ». Michael Moore l’avait bien dit, pourtant. Dès juillet, le réalisateur de Bowling for Columbine publiait sur son site un texte quasi extralucide intitulé « Cinq raisons pour lesquelles Trump
et qui ont fait de Trump leur champion. Sans parler des films eux-mêmes, ces fables d’anticipation, véritables boîtes noires de leur époque, de Dead Zone à The Purge, en passant par Idiocracy (2006), où Luke Wilson se réveille après cinq cents ans d’hibernation dans une Amérique totalement stupide qui a élu comme président un catcheur doublé d’un acteur porno. Ça y est, on y
DÉPÊCHES AMÉRICAINES
LE CHOIX DE REDFORD
PROD DB/ALIVE FILMS-RUE DES ARCHIVES/RDA/PICTURE ALLIANCE/IMAGO-PROD DB/POLYGRAM
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L’ACTEUR, âgé de 80 ans, a annoncé qu’il prendrait sa retraite une fois les deux projets qu’il a en cours dans la boîte : le Sundance Kid souhaite désormais se concentrer sur la réalisation. n
EN RÉSISTANCE
MICHAEL MOORE ⇢ s’est joint aux milliers
de gens venus manifester au pied de la Trump Tower, à New York, au lendemain de la victoire du milliardaire. Il a demandé à parler Trump, mais s’est vu refouler. n
HÉRITAGE CACHÉ
MAX LANDIS ⇢ s’apprête à réaliser
le remake du Loupgarou de Londres, de John Landis, son père. Vous avez dit népotisme ? n
est. La seule différence, c’est qu’il aura suffi de dix ans pour y arriver. Le Invasion Los Angeles de Carpenter est devenu réalité, sauf qu’il n’y a pas besoin de lunettes spéciales pour constater que le mec dans le bureau ovale est un extraterrestre. À se demander si le cinéma sert à quelque chose. On voudrait croire qu’il a ce pouvoir d’éveiller les consciences. Après le 8 novembre, permettez-moi d’en douter. Tandis que les milliardaires de la Silicon Valley étudient les moyens légaux pour que la République de Californie fasse sécession, les stars s’épanchent sur Twitter. « Après les Obama, ça va être terrible de voir cette affreuse famille à la MaisonBlanche, se lamente Judd Apatow. C’est comme un film de John Waters. » En beaucoup moins marrant. n
BIOPIC DE MERCURY, C’EST REPARTI
⇢PLUSIEURS FOIS DIFFÉRÉ, le projet de biopic du chanteur de Queen, Freddie Mercury,
est à nouveau sur les rails. Cette fois, c’est l’acteur de M. Robot, Rami Malek, qui est à son bord. n
Mélanie Laurent va réaliser son premier film américain, Galveston, avec Elle Fanning et Ben Foster.
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5 films Sur...
«ALLO LA TERRE, ON N’EST PAS MÉCHANTS !»
de Jean Girault (1981) Que celles et ceux qui n’ont jamais pété au clair de lune nous jettent la première pierre ! Ici, Louis de Funès et Jean Carmet s’en donnent à cœur joie, au point d’entrer en contact avec un extraterrestre. Celui-ci, par l’odeur alléché, débarque chez les bouseux et se passionne pour la soupe aux choux. L’alien a les traits de Jacques Villeret et porte une combinaison jaune. 100 % inoffensif donc. 100 % nanar aussi. n
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ABYSS
de James Cameron (1989) Dans Abyss, ce sont les fonds marins qui font office de planète inconnue. Lors d’une expédition dans les profondeurs, Ed Harris se retrouve confronté à des phénomènes étranges. Des créatures extraterrestres peuplent ces
de Neill Blomkamp (2009) Que faire si une colonie d’extraterrestres débarque sur Terre ? Où les loger ? L’alien est ici envisagé comme un réfugié parqué dans un camp quelque part en Afrique du Sud. Ce film politique, qui n’oublie pas d’être efficace, démontre que l’homme est un loup pour le martien. Dur. n
DANS PREMIER CONTACT, DE DENIS VILLENEUVE, LES EXTRATERRESTRES QUI DÉBARQUENT NE SONT A PRIORI PAS DANGEREUX. BEST OF DES GENTILS ALIENS. PAR THOMAS BAUREZ
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CONEHEADS
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lieux. Elles n’ont rien demandé à personne, mais puisque les humains viennent les titiller, elles font surface pour prévenir notre espèce qu’il ne sert à rien de se battre : il faut s’aimer. Cool. n
de Steve Barron (1994) Une planète lointaine est peuplée de créatures avec une tête pointue. Une famille arrive sur Terre et cherche à s’intégrer. Ces visiteurs, dont l’excroissance crânienne suggère une intelligence supérieure, se font passer pour des… Français ! Mais sont surtout très cons… n
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PAUL
de Greg Mottola (2011) Imaginez qu’E.T. s’appelle Paul et soit resté sur Terre pour aider le gouvernement américain. Mais une fois l’intelligence de Paul exploitée au maximum, les politiques cherchent à s’en débarrasser. Paul veut donc faire comme E.T. : « téléphone maison ». Il est aidé par deux geeks. Potache. n Premier contact De Denis Villeneuve• Avec Amy Adams, Jeremy Renner… • Sortie : 7 décembre
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RUE DES ARCHIVES/EVERETT-PROD DB/20TH CENTURY FOX-PROD DB/KEY CREATIVES/QED INTERNATIONAL-PROD DB/UNIVERSAL-PROD DB/CHRISTIAN FECHNER
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LA SOUPE AUX CHOUX
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P E N S E Z G R A N D , VO U S D E V I E N D R E Z G R A N D .
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© 2016 SPEEDEE DISTRIBUTION, LLC - CREDITS NON CONTRACTUELS.
JOHN LEE HANCOCK
LE 28 DÉCEMBRE
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u’est-ce qu’on fait avec vingt millions d’entrées et l’argent qui va avec ? On apprend à être « inconscient et insouciant ». C’est ce qu’il a fallu aux producteurs d’Intouchables, Laurent Zeitoun, Yann Zenou et Nicolas Duval-Adassovsky (Quad) pour se lancer, sans aucune expérience, dans la fabrication d’un dessin animé, Ballerina. « On s’est rendu compte pendant la production, explique Laurent Zeitoun, de l’Everest qu’on était en train de gravir. » Tout commence par une proposition d’Éric Summer et Éric Warin, venus pitcher l’épopée d’une orpheline qui se rêve danseuse et s’enfuit pour rejoindre l’école de l’opéra de Paris. « On a d’emblée été conquis par le potentiel de cette histoire universelle et l’idée de travailler sur la thématique du rêve », poursuit Yann Zenou. Laurent Zeitoun, scénariste entre autres de L’arnacœur, développe la base de l’histoire avec Carol Noble et enquête sur le Paris haussmannien avec le directeur artistique. Rien n’est laissé au hasard. « C’était très important d’être fidèle à Paris ». C’est ce qui fait de cette production française un film historique qui échappe aux clichés, sans pour autant renier les atouts de la capitale. Le trio traîne aussi dans les coulisses de l’Opéra de Paris.
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BALLERINA EST LE PREMIER DESSIN ANIMÉ PRODUIT PAR L’ÉQUIPE À LAQUELLE ON DOIT LE SUCCÈS D’INTOUCHABLES. RÉCIT DE CETTE FOLLE AVENTURE. PAR SOPHIE BENAMON Aurélie Dupont, alors danseuse étoile, est associée au projet très en amont. Ses récits nourrissent le scénario. « Félicie, notre héroïne, c’est un peu elle », avoue Laurent Zeitoun. Et c’est tout naturellement qu’elle devient, avec le danseur étoile Jérémie Bélingard, la « chorégraphe » du film. Pendant deux ans, les scénaristes et les storyboarders préparent l’animatique, le squelette du dessin animé, avec Guillaume Ivernel. « Si ça ne marchait pas, on repartait en écriture », souligne Laurent Zeitoun.
Pour concevoir le film, les trois compères créent alors leur propre studio d’animation. Une gageure pour ces néophytes. « C’était la seule solution, explique Yann Zenou, pour maîtriser le processus artistique en constante évolution et les coûts. » L’Atelier naît donc à Montréal et l’équipe s’offre, pour diriger l’animation, une pointure formée chez Disney, Ted Ty, qui quitte DreamWorks pour eux. L’Atelier devrait continuer à fonctionner. Piqué par le virus de l’animation, Quad met en route son deuxième dessin animé, toujours avec Laurent Zeitoun à l’écriture. Le trio a conquis le marché international, puisqu’il existe deux versions de Ballerina, l’une francophone, avec les voix de Camille Cottin et Malik Bentalha et l’autre anglophone, avec celles d’Elle Fanning et Dane de Haan (le Valerian de Luc Besson). Harvey Weinstein en a très tôt acheté les droits pour les États-Unis. Et si, finalement, après Le petit Prince, le renouveau de l’animation passait par les Français ? n Ballerina D’Éric Summer et Éric Warin • Avec les voix VF de Camille Cottin, Malik Bentalha… • Sortie : 14 décembre
PROD DB/GAUMONT/QUAD PRODUCTIONS/CARAMEL FILM - GAUMONT
BALLERI
Décryp tage
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MARCO BELLOCCHIO
Tout, tout, tout
LE MAÎTRE ITALIEN BÉNÉFICIE D’UNE TRIPLE ACTUALITÉ : EN SALLE, À LA CINÉMATHÈQUE FRANÇAISE ET EN DVD. TOUR D’HORIZON D’UNE IMPRESSIONNANTE CARRIÈRE.
Famille, je vous hais
PAR QUEL BOUT aborder l’impressionnante filmograEN 1965, Marco Bellocchio, phie de Marco Bellocchio, riche issu de la bourgeoisie de pro PAR THOMAS BAUREZ d’une vingtaine de longs mévince, n’a que 26 ans lorsqu’il trages ? Pour paraphraser l’un de ses tourne son premier long métrage : films, le mieux est encore de sauter Les poings dans les poches. À mille dans le vide. La rétrospective intégrale à lieues de la comédie à l’italienne ou du la Cinémathèque française de Paris invite à néoréalisme – pierres angulaires du cinéma ne pas choisir. Sa carrière, débutée en 1965, transalpin –, Bellocchio fait souffler un vent accompagne jusqu’à aujourd’hui nouveau, tout comme son camarade les soubresauts politiques de son Bernardo Bertolucci qui vient de sipays. Parmi ses œuvres récentes, gner Prima della Rivoluzione. Raon peut préférer Vincere (2010) augeur, oppressant et sans concession, tour de la figure de Mussolini, ou ce film, tourné dans la maison du Buongiorno, notte (2004), qui recinéaste, voit un jeune homme (le vient sur l’assassinat d’Aldo Moro Français Lou Castel, très inquiétant) par les brigades rouges. Ses films phares restent faire littéralement exploser sa famille. Le même le sulfureux Le diable au corps (1986), avec une Castel, entouré d’Emmanuelle Riva et de MiMaruschka Detmers peu farouche, et le myschel Piccoli, viendra à nouveau régler ses tique Le sourire de ma mère (2001). Cette comptes dans Les yeux, la bouche, du rétrospective est aussi l’occasion de même Bellocchio en 1982. En bonus (re)découvrir une rareté : La marche du présent DVD : trois courts métriomphale (1976) avec Franco trages et un livret avec une inLE DERNIER FILM de Marco BellocNero et Patrick Dewaere au serterview du cinéaste par le chio porte le joli titre de Fais de beaux vice militaire ! critique Michel Ciment. rêves. Derrière cette invitation rassurante, se cache un drame psychologique autour d’un homme Du 7 décembre au 2 janvier • DVD • Les poings dans les qui ne s’est jamais remis de la mort inexpliquée de sa Cinémathèque française, 51, poches • Avec Lou Castel… mère, alors qu’il n’avait que 9 ans. Ce film, qui se déroule sur e rue de Bercy, Paris 12 • Ad Vitam Dispo près de vingt ans, entre la fin des sixties et le début des années 90, synthétise l’œuvre entière de Bellocchio, marquée par les conflits familiaux, la psychanalyse et le thème de l’absence. Le réalisateur reste en effet profondément marqué par le suicide de son frère jumeau, survenu en 1967. n
Juste avant la nuit
Fais de beaux rêves
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De Marco Bellocchio • Avec Valerio Mastandrea, Bérénice Béjo… • Sortie : 28 décembre
SIMONE MARTINETTO - RUE DES ARCHIVES/RDA - AD VITAM
la preuve par trOis
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BASTIEN BOUILLON
DANS LA PRUNELLE DE MES YEUX, IL JOUE DU BOUZOUKI ET EMBALLE MÉLANIE BERNIER. ET NOUS AVEC. PAR MARIE SAUVION PHOTO ÉRIC GARAULT POUR SCL Bouzouki : n.m. Luth grec à long manche. Autant dire qu’avant de tourner La prunelle de mes yeux, Bastien Bouillon n’en avait jamais touché un. « J’ai pris quelques cours mais, heureusement, je joue à la fois un faux aveugle et un mauvais musicien ! » Cette comédie romantique d’Axelle Ropert (La famille Wolberg, Tirez la langue, mademoiselle) débute sur une idée formidable : horripilé par sa voisine non-voyante (Mélanie Bernier, extra, entre Audrey Hepburn et Arletty), Théo (Bouillon, donc) s’invente une cécité destinée à lui clouer le bec. Comment lui avouer la vérité, une fois que l’amour s’est pointé ? Pour trouver son joueur de blues hellène, à mi-chemin entre Dutronc jeune et l’Hippolyte Girardot d’Un monde sans pitié, la réalisatrice a auditionné une quinzaine d’acteurs. « Avec Pierre Niney, Bastien est l’un des rares acteurs de sa génération à pouvoir composer un rôle », assure-telle. Comme Niney, Bastien Bouillon a suivi la classe libre du cours Florent avant de réussir le concours du Conservatoire. D’où il s’est fait virer. « Cela aurait été
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plus glorieux de partir de mon propre chef, lâche ce timide devant un Perrier rondelle. Je n’y étais pas heureux du tout. » Enfant de la balle – son père, Gilles Bouillon, est metteur en scène de théâtre à Tours, et sa mère, Clémentine Amouroux, a joué chez Éric Rohmer et Peter Brook –, Bastien ne se sent pas du sérail pour autant. « J’ai démarré comme n’importe qui arrivant de sa province. Des années de figuration, des petits rôles, des personnages plus importants… » On l’a aperçu plusieurs fois chez Valérie Donzelli, recroisé chez Danielle Arbid (le skin poilant de Peur de rien) et puis là, bim, La prunelle de mes yeux dessille les nôtres d’un coup. Nonchalant et fragile à l’écran, bosseur et discret dans le civil, B.B. rêve de ruer dans les cases, prêt à se transformer en « soldat poète ou en boxeur gay » si l’occasion se présente, voire en « ouvrier récupéré par le FN » comme il vient de le faire pour France 3. Ah oui, un détail encore : il a gardé le bouzouki. n la prunelle de mes yeux D’Axelle Ropert • Avec Mélanie Bernier, Bastien Bouillon… • Sortie : 21 décembre
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"Un magnifique portrait de femme"
LIONCEAU FILMS et STUDIOCANAL présentent
Un film de Hélène Angel VINCENT ELBAZ PATRICK D’ASSUMÇAO GUILAINE LONDEZ OLIVIA CÔTE LUCIE DESCLOZEAUX DENIS SEBBAH ALBERT COUSI GHILLAS BENDJOUDI
SCÉNARIO HÉLÈNE ANGEL ET YANN CORIDIAN AVEC LA COLLABORATION DE AGNÈS DE SACY ET OLIVIER GORCE IMAGE YVES ANGELO MONTAGE SYLVIE LAGER CHRISTOPHE PINEL SON ANTOINE-BASILE MERCIER ARNAUD ROLLAND OLIVIER DÔ HÙU DÉCORS NICOLAS DE BOISCUILLÉ COSTUMES CATHERINE RIGAULT CASTING JULIE NAVARRO DIRECTION DE PRODUCTION BERNARD BOLZINGER PRODUCTRICE HÉLÈNE CASES UNE COPRODUCTION LIONCEAU FILMS - STUDIOCANAL - FRANCE 2 CINÉMA AVEC LA PARTICIPATION DE CANAL+ OCS FRANCE TÉLÉVISIONS AVEC LE SOUTIEN DE LA RÉGION ÎLE-DE-FRANCE EN ASSOCIATION AVEC INDÉFILMS 4 DISTRIBUTION FRANCE STUDIOCANAL VENTES INTERNATIONALES STUDIOCANAL
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LE RÉALISATEUR DE NERUDA
LE CHILIEN PABLO LARRAÍN SIGNE UN PASSIONNANT ANTI-BIOPIC DE SON COMPATRIOTE, IMMENSE POÈTE QUI FUT AUSSI DIPLOMATE ET HOMME POLITIQUE. PAR THIERRY CHEZE
« Neruda plonge dans l’univers du poète. »
« Le film a plus à voir avec la littérature qu’avec le cinéma. »
« J’essaie toujours de rendre actif le public. » Déstabiliser le spectateur « À quoi bon aller voir un film où vous devinez tout ce qui va se produire ? Ce type de cinéma insulte l’intelligence du public que j’essaie, à l’inverse, de rendre actif. On a ainsi jeté à la poubelle notre première version du scénario. Trop linéaire. Trop scolaire. On y a ajouté plein d’éléments qui vont exiger des spectateurs une gymnastique entre politique, littérature, humour absurde, cinéma noir, western… Et ce, dès la première scène, où mes personnages discutent de l’état du monde dans des toilettes où se trouve un bar ! Ils pissent, mangent et boivent donc dans la même pièce. La base du mélange déstabilisant de dialogues réalistes et de situations surréalistes que je recherchais.»
S’inspirer de Godard « Godard expliquait que si certains cinéastes sont comparables à des gares ou des aéroports, lui se voyait comme un train ou un avion. Jamais statique ou en attente. Voilà pourquoi ses films sont une source d’inspiration. Dans cette logique, Neruda a, pour moi, plus à voir avec la littérature qu’avec le cinéma. Car, quand vous lisez, votre esprit s’évade et transforme ce qu’il a imaginé. En montrant les choses, le cinéma pose à ce vagabondage une limite que je cherche à abolir. »
COmment fait-il ?
« J’essaie de fabriquer des accidents. »
Surprendre les acteurs « Je ne répète jamais avec mes comédiens. En fait, moins je communique avec eux, meilleur est le résultat. Car, comme metteur en scène, j’essaie de fabriquer des accidents. De créer, par mes indications, de la confusion chez eux. Je ne leur explique ainsi quasiment jamais où je vais placer ma caméra ni ses mouvements. Je vois ce qui se passe à la première prise, puis je corrige. J’ai envie que mes acteurs s’amusent à jouer, autant que je m’amuse à les filmer, loin de cette zone de confort, que je me refuse à moi-même. » n
Neruda De Pablo Larraín • Avec Luis Gnecco, Gael García Bernal… • Sortie : 4 janvier 34 I STUDIO CINÉ LIVE
DIEGO ARAYA/FABULA/A2FILMS/FUNNY BALLONS/SETEMBRO CINE
S’amuser avec la réalité « Malgré son titre, Neruda n’est pas un film sur Neruda… mais sur son univers ! Je voulais éviter le biopic, exercice piège et souvent ennuyeux. Pour cela, on s’est plongés avec mon scénariste, Guillermo Calderon, dans ses poèmes, son autobiographie et ses biographies. On a pris le temps de tout digérer pour créer à l’écran un univers qui jouerait avec la réalité sans être réaliste. Sinon, autant aller sur Wikipedia ! »
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EN COUVERTURE I PERSONAL SHOPPER
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Kristen
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STEWART Comédienne plein la tête
L’héroïne du nouveau film d’Olivier Assayas, Personal Shopper, fait sûrement partie des comédiennes les plus… Comment dire ?… Intéressantes ? Jolies ? Intelligentes ? Honnêtes ? Sincères ? Copines ? Énervantes ? Souriantes ? Voilà. En gros. Le détail suit.
LES FILMS DU LOSANGE
Propos recueillis par Éric Libiot
STUDIO CINÉ LIVE I 37
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EN COUVERTURE I PERSONAL SHOPPER
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u suivant ! Au Festival de Cannes, les interviews s’enchaînent et on ne sait jamais dans quel état va être la victime du jour. Fatiguée, stressé, je-m’en-foutiste, pro, dilettante ? Kristen Stewart, venue présenter Personal Shopper, d’Olivier Assayas, aligne un CV long comme un tapis rouge (voir encadré cicontre) et enquille les heures de promo avec un sourire toujours frais. Elle est énervante. Disponible, concentrée, pertinente, amicale. Pour un peu, on lui proposerait d’aller boire un verre à l’apéro. Oui, tous les deux, pourquoi ? Mais non, une fois le temps écoulé, elle tourne la page, passe à autre chose, ferme la porte. Tant pis.
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Olivier Assayas e Kristen Stewart sur le tournage de Personal Shopper
« personne ne peut élaborer une théorie sur mes choix, surtout pas moi. Je n’ai jamais peur de l’avenir. » per peut très mal se passer ce soir, il peut y avoir des sifflets, ça ne changera pas ce que j’ai vécu en jouant dans ce film. C’est quelque chose que personne ne pourra m’enlever. Une carrière, c’est d’abord être comprise et reconnue pour ce que vous avez fait, ensuite c’est être vue par d‘autres réalisateurs qui vous proposent de tourner avec eux. Un film, c’est un partage avec le public et avec le métier. L’expérience du tournage est-elle donc plus importante que le film lui-même ? Non, pas du tout. Les deux sont inextricablement liés. Le film va vers le public, alors que le tournage, c’est ce que je vis, moi. Après, il faut écouter et assumer les critiques. Je n’ai aucun problème avec les discours, enthousiastes ou négatifs, sur un film. Ce qui m’ennuie, c’est la tiédeur et l’indifférence. Vous dites que vous êtes intuitive. Pourquoi acceptez-vous un projet : pour le réalisateur, l’histoire, le personnage ?
Un peu de tout. S’il y a au moins deux des trois, j’y vais. Parfois, un scénario m’interpelle sans que je sache pourquoi, mais je sais que si je le tourne je vais comprendre. Là, ça m’intéresse. Même si c’est un nouveau cinéaste, je prends le risque. Ça vaut toujours le coup ; quand on sent un petit picotement, il faut y aller. Mettez-vous sur le même plan la saga Twillight, Into the Wild et Personal Shopper ? En tout cas, c’est le même travail. Ce qui change, finalement, c’est quand vous en parlez et que vous faites la promotion. Là, vous répondez à des questions et vous voyez bien que la réception est différente. Être impulsive, est-ce aussi intégrer le fait que vous allez vous tromper et que vous tournez dans des mauvais films ? Oui, et cela ne me dérange pas du tout. Cela ne signifie pas que vous faites tout le temps de mauvais choix…
PROD DB/CAROLE BETHUEL/LES FILMS DU LOSANGE
Depuis quand êtes-vous comédienne ? Kristen Stewart : J’ai commencé à 9 ans, j’en ai donc 26… Quand vous regardez votre déjà longue carrière, quelle couleur a-t-elle ? Elle se poursuit. Je suis toujours enthousiaste, prête à aller de l’avant. J’ai eu de la chance de trouver ce que je voulais faire très jeune, alors qu’aujourd’hui je suis à l’âge où plein de gens commencent à envisager un métier ou une carrière. Vous n’avez jamais voulu faire autre chose ? J’ai grandi à Los Angeles. Mes parents sont dans le milieu eux aussi, à la télé et au cinéma, et j’ai toujours voulu en faire partie. Au début, c’était juste être là sans savoir quoi faire précisément. À 12 ans, j’ai tourné Panic Room. J’ai été happée par la comédie. Bouleversée, même. Je ne comprenais pas trop ce qui se passait en moi, mais j’étais sûre que ça me correspondait. Les films sont parfois des œuvres de distraction, mais ils peuvent aussi expliquer le monde. Certains poussent à réagir d’une façon pulsionnelle, d’autres provoquent la réflexion. Je navigue de l’un à autre. Est-ce facile de construire une carrière ? Laissez-vous les événements venir à vous ou préférez-vous prendre les choses en mains ? Je suis quelqu’un d’impulsif. Je ne réfléchis jamais à ce que signifie « faire carrière », ni à ce qui pourrait être bien pour moi ou pas. Personne ne peut élaborer une théorie sur mes choix et surtout pas moi. J’ai des envies, des désirs, mais je n’ai jamais peur de l’avenir. Et je suis très reconnaissante de tout ce qui arrive. Par exemple, la projection de Personal Shop-
PROD DB/SUMMIT ENT.
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J’ai bien compris. Tout est subjectif. Le film que vous ne trouverez pas bon, moi je l’aimerai et j’aurai été contente du travail effectué. C’est le principe même de l’art entre l’acteur et le récepteur au sens large. Mais je ne cite pas de titres. Mais se tromper fait peut-être partie du jeu. De votre jeu en tout cas. Les erreurs sont des expériences enrichissantes. Si vous travaillez sincèrement, vous ne pouvez pas crier avec les loups, dire qu’un film est mauvais parce que tout le monde le dit. Il faut continuer à être fier. Même si le résultat est loin de mes espérances, il ne remet pas en cause l’envie que j’ai eue quand j’ai dit oui. Si vous avez peur des réactions, si vous attendez le résultat pour vous prononcer, vous n’accomplissez jamais rien. À un moment donné, il faut se rendre compte que vous faites les choses pour vous. Regarder son travail avec ses propres yeux, pas avec ceux de tout le monde, et toujours penser par soi-même. Quels souvenirs avez-vous de Sils Maria et de Personal Shopper, que vous avez tournés avec Olivier Assayas ? C’est assez simple : on s’est bien entendus sur Sils Maria et on a voulu tourner à nouveau ensemble. Olivier est un homme intelligent et jamais prétentieux. Il est aussi très drôle. C’est un intello qui aime les surprises, et moi aussi. Je ne suis pas une actrice qui prépare intensément ses rôles. J’aime me laisser guider sur un plateau. Olivier aime lancer la prise et laisser faire les désirs de chacun. Puis il rectifie. J’aime beaucoup travailler ainsi. Sils Maria était un film sur Juliette Binoche ; Personal Shopper est un film sur vous, Kirsten Stewart. Êtes-vous d’accord ? Entièrement d’accord. Comme si rien n’était préconçu sur ce film, même si Olivier y avait évidemment réfléchi. Mais j’ai toujours eu le sentiment qu’on pouvait entrevoir quelque chose que les gens n’avaient jamais vu en moi. Quand je me sens bien dirigée, ce qui était le cas, je me sens exposée sans avoir l’impression de « faire » mon travail. J’aime quand je réagis différemment
À PETITS PAS
DE SES TOUT PREMIERS RÔLES À TWILIGHT EN PASSANT PAR CHEZ WOODY ALLEN OU OLIVIER ASSAYAS, L’ACTRICE AVANCE DOUCEMENT MAIS SÛREMENT. PAR ÉRIC LIBIOT
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risten Stewart est une enfant de la balle qui a rebondi tout doucement. Ce qui vaut mieux que d’être jetée immédiatement dans le grand bain avec le risque de s’y noyer. Toutes proportions gardées, c’est la jurisprudence Clooney, acteur de petits rôles et de navets juteux (Le retour des tomates tueuses ! ! !), devenu star sur le tard, à plus de 30 piges,
en évitant, du coup, la grosse tête. C’est exactement la même chose avec Kristen, à la différence près qu’elle est devenue star plus jeune, à 18 ans, mais après dix ans de carrière. Franchement, on serait bien en peine ici, à la rédaction de Studio Ciné live, de se souvenir d’elle dans Les petits braqueurs ou Zathura : une aventure spatiale. Très vaguement dans Les messagers, film d’horreur des frères Pang, et un peu plus dans Into the Wild, de Sean Penn. Mais avant Twilight, Les Runaways ou Sur la route, millésime 2008 et suivantes, Kristen Stewart jouait la fée clochette insaisissable. Ce qui est amusant, c’est de voir Kristen – dont les talents d’actrice sont définitifs et insubmersibles, non mais – alterner grosse machinerie un peu ambitieuse, film d’auteur chic, et chose indé venue de nulle part. D’un côté, BlancheNeige (c’est elle) et le chasseur, plus loin, Woody Allen et Olivier Assayas, enfin Equals, de
Drake Doremus, sorti en France cet automne directement en VàD, histoire d’amour dans un futur proche assez ratée, pour ne pas dire très ennuyeuse. Kristen Stewart se goure avec constance, fait les bons choix avec autant d’à-propos, et finalement, ça lui va très bien. En cela, sa carrière ressemble à celle de Jennifer Lawrence, plus jeune qu’elle de quatre mois. La Katniss d’Hunger Games a juste réussi à jouer à chaque fois dans la catégorie supérieure. Une question de chance et d’opportunités, sans doute. Les deux ont la même présence à l’écran, mais à Hollywood, Jennifer fait davantage la météo que Kristen. À voir Kristen à l’aise dans ses (très chics) baskets, sa place lui va bien au teint. Son César de la meilleure actrice dans un second rôle pour Sils Maria a tapé dans l’œil du cinéma français, mais il n’est pas dit qu’une carrière s’offre à elle ici ; elle a réalisé un court métrage, tourné avec Ang Lee aux côtés de Vin Diesel et de Steve Martin ( ! !) et compte peu de projets à venir. Elle ne fait pas carrière, dit-elle. Elle avance. Merci de la suivre. n
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de ce que j’avais prévu ou pensé. Quand je me regarde réagir d’une façon surprenante, j’ai l’impression d’apprendre sur moi. C’est ce qui s’est passé sur le film. Qui est Maureen, l’héroïne du film ? Est-elle proche de vous ? Est-ce quelqu’un que vous aimez, que vous détestez ? J’ai de la peine pour elle. J’ai envie de la protéger. Je sais ce que peut être la solitude, le sentiment de ne pas être reconnu, d’être dans l’ombre, de devoir tout accepter des gens. Quand vous regardez le film, vous avez envie de savoir ce qu’elle va devenir dans deux ans, en espérant qu’elle s’en soit sortie. Il viendra un temps où elle vivra une existence qui la satisfera. Elle ne sait pas si la perception qu’elle a des choses vient de sa propre solitude, mais la vie lui résiste. J’ai rarement ressenti quelque chose d’aussi juste et d’aussi fort envers un personnage. Maureen se demande simplement comment vivre, comment mieux vivre, et de quelle façon elle va prendre sa vie en main. De grandes questions qu’on se pose tous. Pas toujours, évidemment, mais souvent. Parfois, je préfère juste penser à mes amis et aller boire un verre, mais parfois il faut essayer de se confronter à ces questions en évitant de tomber dans l’abîme de la dépression. Rien n’est jamais impossible. J’ai de la peine parce que Maureen est dans le noir. Ça fout un peu la trouille. 40 I STUDIO CINÉ LIVE
Elle bouge tout le temps pour fuir la réalité. Êtes-vous ainsi ? Je suis une fille assez énergique. Maureen essaye de se distraire d’elle-même mais ça ne marche pas. Elle sépare le physique du mental. Elle réfléchit mais elle est parfois très animale et paralysée à l’idée de faire partie de l’humanité. Quelle spectatrice êtes-vous ? J’aime les bons films. C’est une bonne réponse. Mais comme tout le monde, non ? Je ne suis pas très cinéphile. Pas comme Olivier, qui a tout vu. Ce mec est fou ! Vous a-t-il donné des films à voir ? Pardon, mais je déteste aller sur ce terrain-là. Je n’ai pas vu des tonnes de films ; je sais, ce n’est pas bien, il faut que je m’y mette. Bon, pour répondre quand même, j’adore Jacques Audiard. Et ce n’est pas forcément un appel du pied. Vous préférez voir des expos, écouter de la musique, lire ? J’aime lire. J’écris également. J’ai réalisé mon premier court métrage [Come Swim, le portrait d’un homme submergé par le chagrin, qu’elle a terminé en août, NDLR]. J’espère qu’un long suivra un jour. Celui-là est assez expérimental. Ce n’est peut-être pas la meilleure manière de percer dans le milieu… Avec Twillight, vous êtes devenue star dans le blockbuster, avec Sills Maria et
Personal Shopper, vous l’êtes dans le cinéma d’auteur. Est-ce différent ? J’ai la même approche. Il ne devait d’ailleurs n’y avoir qu’un seul Twilight et ce n’était pas, a priori, un blockbuster. Mais franchement je m’y suis investie à fond. Quant aux films d’Olivier, j’ai quand même été surprise de recevoir le César [du meilleur second rôle, NDLR], pour Sils Maria, car ce n’est pas un rôle à prix. Aux États-Unis, vous gagnez uniquement si vous vous êtes rasé la tête et que le personnage est terriblement malade. Mais je suis fière d’avoir mon nom sur cette liste. Ce prix ne veut pas dire grand-chose pour le public américain, mais je sais ce qu’il signifie pour des gens que j’admire comme Sean Penn. Je suis reconnue dans cette famille-là et j’en suis heureuse. Vous sentez-vous, avec le temps et les films, devenir meilleure actrice ? Je ne suis pas forcément meilleure dans le jeu, mais je suis plus détendue. Je sais plus ce que je veux, je comprends mieux comment je fonctionne, je suis capable de sortir le meilleur de chaque expérience sans être égoïste. C’est peut-être ça être meilleure. Je ne sais pas. Je ne regrette jamais rien et j’ai de plus en plus confiance en moi. Je suis fière d’avoir participé à des films, mais je ne suis pas sûr d’avoir créé quelque chose. Ce n’est pas forcément le rôle d’une comédienne d’ailleurs. n
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« Il faut regarder son travail avec ses propres yeux, pas avec ceux de tout le monde. »
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Benoît JACQUOT Olivier ASSAYAS MUSES & DÉMONS face à face
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Avec Personal Shopper et À jamais, les deux cinéastes français envisagent une héroïne en proie à ses démons intérieurs et… extérieurs ! Nous les avons réunis pour évoquer leur rapport à l’irrationnel. Esprits, êtes-vous là ? Propos recueillis par Thierry Cheze et Thomas Baurez PHotos JÉRÔME BONNET POUR SCL
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Olivier Assayas : Difficilement, même si je n’avais pas écrit le scénario en pensant à elle. Kristen a une capacité rare à rendre tout vrai, y compris les situations les plus abstraites ou les plus mystérieuses. J’en avais eu le sentiment sur Sils Maria, et j’ai eu envie d’aller avec elle dans des zones d’ombre un peu étranges, y compris le paranormal, car je savais qu’elle saurait toujours l’ancrer dans le réel… Benoît Jacquot : Cette authenticité saute aux yeux. Kristen et Julia [Roy, héroïne d’À
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I
Elle s’est débrouillée pour me rencontrer. Alors, pour faire connaissance, je lui ai demandé de lire ce livre, puis d’en tirer un scénario. À charge pour moi de surveiller chacun de ses gestes d’écriture. C’était une façon de la diriger, même si je n’aime pas trop ce terme. Il y a chez vous depuis toujours l’envie d’accompagner de nouvelles comédiennes. Est-ce un moteur ? Benoît Jacquot : Pour À jamais, il me semblait impératif que le personnage féminin qui habite le film ait sa vie devant elle et se retrouve face à un mur qui tombe à un moment où devraient, en principe, s’ouvrir en grand les portes pour avancer dans son destin. J’avais envie de faire apparaître un visage, un corps, une voix, une lumière… Olivier Assayas : Il y a quelque chose de merveilleux à rencontrer quelqu’un au bon moment. Quand une actrice commence à être consciente d’elle-même et découvre à quel point le cinéma lui offre un territoire infiniment plus vaste que ce qu’elle imaginait. C’est ce qui s’est produit avec Kristen, installée dans le cadre extrêmement contraint du cinéma américain. À mes côtés, elle a pu s’emparer d’un On a eu envie de vous réunir espace de liberté qu’elle ne parce que vos deux films aborsoupçonnait pas. dent, chacun à leur manière, Benoît Jacquot, vous avez la figure du revenant… développé avec certaines acOlivier Assayas : Le mot revetrices, comme Virginie Lenant s’applique surtout au doyen, Judith Godrèche, ou film de Benoît. Chez moi, il ne Isild Le Besco des collaborarevient pas tant que ça ! tions sur plusieurs films. Benoît Jacquot : Il y a effectiPour quelles raisons ? vement une présence plus lit« Un des mots les plus utilisés Benoît Jacquot : Vous rentrez téralement fantomatique que aujourd’hui est virtuel. qu’est-ce un autre tour de la spidans le mien… Dans À jaqu’un fantôme, sinon une virtualité dans rale, car il se trouve qu’en gémais, c’est avant tout la fabriqui se réalise ?» Benoît Jacquot néral, j’ai des histoires avec cation d’un revenant après la mes actrices. Et du coup, il disparition de l’être cher qui jamais, NDLR] ne trichent absolument pas. existe non pas un couple, mais une asm’intéressait. Olivier Assayas : Personal Shopper parle On n’essaie jamais d’attraper quelque sociation qui se forme pour plusieurs aussi de deuil, à ceci près que mon héroïne chose dont elles n’auraient pas conscience. films. Mais ce n’est en rien une règle. a perdu son frère jumeau, donc une partie Ce fut donc aussi une évidence de tra- Même s’il s’agit d’une figure éprouvée de l’histoire du cinéma… d’elle-même. C’est une conversation inté- vailler avec Julia Roy ? rieure, et ses angoisses et ses interroga- Benoît Jacquot : Au départ, Paulo Branco On peut aussi voir Personal Shopper tions vont contaminer l’extérieur. Elles de- m’a proposé d’adapter The Body Artist comme un film sur Kristen Stewart… de Don DeLillo, que je ne connaissais pas. Olivier Assayas : Kristen n’est pas crédiviennent visibles à l’écran. Olivier, auriez-vous pu envisager de Julia vivait à Vienne et a décidé de venir tée comme scénariste du film, mais elle à Paris par goût pour le cinéma français. l’est de fait un peu… tourner ce film sans Kristen Stewart ? l paraît que l’exactitude est la politesse des rois… Il faut donc préparer deux couronnes pour Olivier Assayas et Benoît Jacquot qui, comme dans un ballet parfaitement chorégraphié, arrivent l’un après l’autre à l’heure pile où nous leur avons donné rendez-vous pour parler de fantômes et de muses, points communs à leurs deux longs métrages. Dans Personal Shopper, une Américaine attend un signe de son frère jumeau récemment disparu. Dans À jamais, une jeune femme voit réapparaître l’homme brusquement décédé qu’elle aimait. Proximité de sujets pour une proximité humaine entre ces deux réalisateurs qui se connaissent depuis près de vingt ans, depuis ce jour de 1977 où, après avoir découvert Les enfants du placard à la Quinzaine des Réalisateurs, Assayas avait écrit une lettre enthousiaste à Jacquot, qui ne l’a jamais oublié. D’autant moins qu’un ami commun, le regretté cinéaste Laurent Perrin, a accompagné leurs échanges. Celui, chaleureux, qu’ils ont accepté pour nous est sans doute loin d’être le dernier.
JÉRÔME BONNET POUR STUDIO CINÉ LIVE
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Benoît Jacquot : …C’est toujours le cas découvre dans une autre malle à l’étage. qu’à partir du moment où ça marche pour lorsqu’il se passe quelque chose de réel Je lui ai donc demandé s’il croyait au moi, ça marchera pour les autres. entre le personnage et l’interprète. surnaturel. Et il m’a juste répondu : « Oli- Benoît Jacquot : Mais moi, je crains préJ’aime quand les comédiens me bom- vier, vous savez, je suis un vieux metteur cisément que ça ne marche pas pour bardent de questions par mail, de notes, en scène expérimenté. Si je dis que les moi… Et je te rappelle qu’un jour, nous de suggestions qui transforment le scé- enfants sont dans la malle, puis n’y sont nous sommes croisés dans la rue et que tu t’interrogeais sur le résultat d’un effet plus, on va me croire ! » nario, en amont du tournage. Vos deux films sont-ils des films de Benoît Jacquot : Moi, j’étais terrifié à pour ton film. Excuse-moi de balancer ! l’idée que ça ne fonctionnait pas. Olivier Assayas : C’est vrai. Car je n’avais genre ? Olivier Assayas : C’est l’une des cou- Comme je ne comptais, par principe, sur jamais utilisé d’effets spéciaux. J’étais inleurs du film. Je suis passionné par la aucun effet spécial, il fallait vraiment quiet, car on entre là dans un processus façon dont la syntaxe du cinéma de que ça marche. Je me sens proche du technique laborieux et pesant, avec un côté dessin animé qui ne m’ingenre fait réagir physiquetéresse pas. Voilà pourquoi j’ai ment le spectateur. À condiutilisé l’imagerie XIXe siècle. tion de ne pas être redondant avec les effets. Car le but est Ce sont pourtant deux films de s’éloigner du familier modernes, notamment grâce pour créer du trouble devant aux objets : de l’ordinateur l’inconnu. Plus c’est brut, dans À jamais au portable dans plus c’est fort… Personal Shopper… Benoît Jacquot : Je vois PerBenoît Jacquot : Tout bêtesonal Shopper comme une rêment car la technologie acverie sur le cinéma par le cituelle renvoie nécessairement néma. Et j’aime qu’Olivier aux arrière-mondes. aille vers les lieux communs Olivier Assayas : Le portable de l’imagerie du genre. est ainsi lié à cet invisible dont Mieux, il situe cette imagerie on parle. historiquement par le biais Benoît Jacquot : Un des mots des recherches de son héles plus utilisés aujourd’hui roïne sur le sujet : le spirituaest virtuel. Or qu’est-ce qu’un lisme et le spiritisme de la fin fantôme, sinon une virtualité du XIXe siècle. qui se réalise ? Olivier Assayas : Et puis, il Olivier Assayas : Nous somest difficile de faire abstracmes tous les deux conscients tion des objets de tous les du fait que le cinéma filme le jours dès lors qu’on parle visible et l’invisible, et qu’il d’un personnage contempoest animé par l’inconscient. rain. La façon dont on utilise La question est par quel biais notre smartphone construit matérialiser à l’intérieur du notre lien social. En présenfilm cet inconscient dont rêve tant le film à Londres, je suis le personnage ? tombé sur un article qui déComment alors jouez-vous crivait comment une jeune avec les apparitions de revefemme avait demandé à un nants ? informaticien de créer, à parOlivier Assayas : Dans la première scène, quand Kristen tir des mails et des textos de « Le but est de s’éloigner du est seule dans cette maison son compagnon disparu, une familier pour créer du trouble déserte, quelque chose appapersonnalité virtuelle avec ladevant l’inconnu. Plus c’est brut, raît derrière elle. Je pose quelle elle allait pouvoir plus c’est fort. » Olivier Assayas ainsi le fait qu’on se trouve continuer à communiquer dans un monde où existe une pendant son deuil. réalité parallèle et que sa quête n’est pas travail très artisanal d’un Jean Cocteau. Benoît Jacquot : C’est drôle. J’étais au vouée à l’échec. Alors est-ce que je me C’est compliqué de faire un champ- Japon la semaine dernière et des jourdemande, en tant que metteur en scène, contrechamp avec la même actrice pour nalistes m’ont montré ce même article. si ça va marcher ? Oui, forcément. Mais la dédoubler. En termes de réalisation C’est d’ailleurs pour cela que vous nous depuis Méliès, ça marche ! Cela me rap- comme de jeu. avez réunis, non ? n pelle une phrase de Bergman sortie d’un Et quand cette inquiétude disparaît-elle ? entretien que j’avais fait avec lui. Dans Benoît Jacquot : Sur le plateau, juste après À jamais De Benoît Jacquot • Avec Mathieu Amalric, Julia Roy… • Sortie : 7 décembre Fanny et Alexandre, il y a une scène où les prises, grâce à mes heures de vol… le grand-père cherche les enfants qui Olivier Assayas : Moi, je me sens un peu Personal Shopper D’Olivier Assayas • Avec Kristen sont dans une malle, avant qu’on ne les kamikaze de ce point de vue-là. Je me dis Stewart, Lars Eidinger… • Sortie : 14 décembre STUDIO CINÉ LIVE I 45
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2016
BILAN
LE FILM DE L’ANNÉE
Le premier Oscar de Leonardo DiCaprio, la disparition de Michel Galabru, le triomphe de Fatima aux César, la seconde Palme d’or de Ken Loach... Toute l’année 2016, côté cinéma, au jour le jour. par THIERRY CHEZE
cinéaste italien Ettore Scola, l’homme d’Une journée particulière et du Bal s’éteint à l’âge de 84 ans. n
⇡
LE 28, À LOS ANGELES. Enfin ! ⇢ Après quatre tentatives infructueuses
où François « David » Ruffin s’en prend à Bernard « Goliath » Arnault. Le doc étendard de Nuit Debout. n
LE 24, À PARIS. ⇢ Toujours plus haut (bis).
sible, le cinéaste François Dupeyron (Drôle d’endroit pour une rencontre) nous quitte à 65 ans. n
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Danny Boyle fait revivre le créateur d’Apple dans Steve Jobs, écrit par Aaron Sorkin. Mordant. n
LE 24, À PARIS. Le ⇢ succès surprise de 2016,
(Gilbert Grape, Aviator, Blood Diamond et Le loup de Wall Street), Leonardo DiCaprio décroche un Oscar pour The Revenant. n
LE 25, À PARIS. ⇢ Aussi discret que sen-
LE 3, ⇠ À PARIS.
Franck Gastambide, le réalisateur déjà heureux des Kaïra, tutoie les 2 millions d’entrées avec Pattaya, sa comédie déchaînée entre banlieue parisienne et Thaïlande. n
© PATHÉ DISTRIBUTION-PROD DB/GAUMONT/OPERA FILM-KERRY HAYES/ WARNER BROSUNIVERSAL PICTURES-RUE DES ARCHIVES/PICTURE ALLIANCE-RUE DES ARCHIVES/EVERETT COLLECTION-2015 JOHN WAXXX/GAUMONT PRESSE–FAKIR/ JOUR2FETE
⇠
LE 16, À L’ALPE D’HUEZ. La vache, de Mohamed Hamidi, fait coup double au Festival de la comédie de l’Alpe d’Huez : Grand prix et prix du public qui le suivra en salle, puisqu’il LE 27, À PARIS. Digne hériter atteindra 1,3 million des Hommes du Président, d’entrées. n Spotlight sort un mois avant son sacre aux Oscars. n
F é v r i e r
LE 19, À ROME. Nous ⇠ l’avons tant aimé... Le
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LE 6, À PARIS. Un ⇠ western en 70 mm de plus
dans Carol l’histoire d’amour impossible de deux Américaines dans les fifties. Un mélo lumineux sublimé par Cate Blanchett et Rooney Mara. n
J a n v i e r
de 3 heures. Trop long ou trop bon ? Tarantino divise mais attire 1,8 million de spectateurs. n
LE 4, À PARIS. Bonjour ⇠ tristesse. Michel Galabru,
le Gerber de la saga des Gendarmes, césarisé pour Le juge et l’assassin, meurt à 93 ans. Son ultime apparition – tout en autodérision – sera dans Ouvert la nuit, d’Édouard Baer. n LE 26, À PARIS. Triplé ⇣ gagnant. Meilleur film
LE 3, À PARIS. Charlie Kauf⇢ man s’essaie brillamment à
et scénario, meilleure révélation féminine (Zita Hanrot), Fatima, de Philippe Faucon, triomphe aux César. n
l’animation avec Anomalisa, fascinante fable existentialiste cosignée par Duke Johnson. n
LE 14, À LONDRES. Le ⇡ Severus Rogue, de la saga
Harry Potter, n’est plus. Alan Rickman décède, victime d’un cancer à 69 ans. n
LE 3, À PARIS. Cinq après un ⇣ premier volet qui avait attiré
plus d’un million et demi de spectateurs, Les Tuche 2, d’Olivier Baroux, dépasse les 4,6 millions d’entrées. Le n° 1 français de 2016. n
LE 17, À VARSOVIE.. Un an ⇢ après son ultime long, Cos-
mos, le Polonais Andrzej Zulawski disparaît à l’âge de 75 ans. Il avait signé L’important, c’est d’aimer ou Possession, qui avait valu un prix à Cannes à Isabelle Adjani. n
⇣LE 10,
LE 3, À PARIS. ⇠ Une histoire mécon-
nue. Dans Chocolat, biopic classique, Omar Sy incarne le premier artiste noir de la scène LE 20, À BERLIN. française, pour Avant que FuoRoschdy Zem. n coammare ne remporte l’Ours d’or, Mia Hansen-Love monte sur scène pour recevoir le Prix de la mise en scène pour L’avenir. n
⇡
À PARIS. Sortie de Deadpool, un film de superhéros qui sort des sentiers battus. Et, tout comme Les gardiens de la galaxie, il cartonne. n
LE 16, À PARIS. Quelques ⇣ mois avant de découvrir
M a r s
PROD DB/NUMBER 9 FILMS/FILM4/KILLER FILMS-RUE DES ARCHIVES/PVDE–SND- PROD DB/2005 WARNER BROS ENT. INC-2015 MANDARIN CINEMA/GAUMONT-2015 PARAMOUNT PICTURES-MARTINE PECCOUX/RUE DES ARCHIVES-VÉRO BONCOMPAGNI–PYRAMIDE DISTRIBUTION–DISNEY-PICTURE ALLIANCE/RUE DES ARCHIVES-DAVID DOLSEN-TM & MARVEL & SUBS/TM AND 2015 TWENTIETH CENTURY FOX FILM CORPORATION-PROD DB/WARNER BROS
LE 13, À PARIS. ⇢ Todd Haynes filme
Loving, son long métrage suivant, à Cannes, Jeff Nichols signe ce thriller fantastique magistral, entre E.T. et Starman. n
⇡
LE 17, À PARIS. En attendant les chiffres de Rogue One : A Star Wars Story, c’est ce film d’animation Disney qui détient la pole position du box-office France 2016. Également salué par la critique, Zootopie a réuni 4 833 623 spectateurs. n STUDIO CINÉ LIVE I 47
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LE 23, À PARIS. Thomas ⇣ Lilti persiste et signe. Après
⇢
LE 30, À PARIS. Ces ⇡ deux-là se posent en
favoris pour le César du meilleur espoir : Kacey Mottet-Klein et Corentin Fila vivent une singulière passion dans Quand on a 17 ans, de Téchiné. n
LE 13, À CANNES. Dans ⇣ l’esprit de P’tit Quinquin,
LE 11, À CANNES. ⇠ (Beau) coup d’envoi.
Cinq ans après Minuit à Paris, Woody Allen ouvre de nouveau le Festival de Cannes avec Cafe Society, plongée dans le Hollywod de 1935 en compagnie de Jesse Eisenberg, Blake Lively et Kristen Stewart – qui remontera les mêmes marches quelques jours après pour Personal Shopper. Près d’un million de Français se presseront de découvrir le Woody millésime 2016. n
sa série pour Arte, Bruno Dumont entraîne Fabrice Luchini et Juliette Binoche dans une comédie burlesque hors norme : Ma Loute, présentée en compétition. n
LE 27, À ROME. Culte. ⇣ Carlo Pedersoli, alias Bud
Spencer (pseudo inspiré par sa bière et son acteur favoris, la Budweiser et Spencer Tracy), s’éteint à 86 ans. Terence Hill, son complice pendant près de trois LE 22, À PARIS. Disney superstar. Deux mois après décennies, est le carton du Livre de la jungle, Le monde de Dory en deuil.n dépasse aussi allègrement les 3 millions d’entrées. La suite du génial Monde de Nemo n’a pas déçu. n
⇡
LE 19, À ⇡ SAN FERNANDO.
À quoi tient un destin ? Anton Yelchin meurt écrasé par sa propre voiture à 27 ans. Quelques semaines avant la sortie de Star Trek : sans limites. n 48 I STUDIO CINÉ LIVE
LE 29, À PARIS. Il n’y a pas ⇢ d’âge pour débuter. À 63 ans,
le Néerlandais Dudok de Witt signe l’un des plus beaux premiers films de 2016 : La tortue rouge. L’animation élevée au rang de (grand) art. n
PROD DB/G. KRAYCHYK/A24/ELEMENT PICTURES/NO TRACE CAMPING-WILD BUNCH- JAIR SFEZ/ LE PACTE-PICTURE ALLIANCE/RUE DES ARCHIVES-IMAGO/RUE DES ARCHIVES-RUE DES ARCHIVES/ PA-MONDADORI PORTFOLIO/RUE DES ARCHIVES-2015 DISNEY PIXAR-2016 STUDIO GHIBLI-WILD BUNCH
séc on e , a l e ac ée d s of Gr ieds n n a te sp L’ IS. ans Sta d à se risée e R A o osca ppé , À P é e d yw o LE 9 Repér et Holl tation e kidna . n rpré mm oom io n . nm crat Larso on inte une fe dans R new Je n e s e . i j e e ) r c B ave d’une et violé rie is th wrence B (La
Hippocrate, l’ex-docteur généraliste puise de nouveau dans sa propre expérience avec Médecin de campagne. Et le public est de nouveau conquis : 1,5 million d’entrées. n
A v r i l
BILAN I LE FILM DE L’ANNÉE
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LE 27, À PARIS. Près de 3 millions d’entrées (trois ⇠ fois plus que le premier volet !) et plus d’un milliard de
dollars de recettes planétaires, Captain America : Civil War écrase (presque) tout sur son passage. Mais cet énième maelström visuel et sonore laisse sur sa faim. n
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LE 19, À TEL AVIV. ⇢ Israël et la France
pleurent la disparition brutale à 51 ans d’une actrice-réalisatrice qui laisse derrière elle (au moins) un chefd’œuvre : Le procès de Viviane Amsalem. n
de route des Amants passagers. Pedro Almodóvar revient au sommet avec ce drame troublant porté par le sublime duo Emma Suárez-Adriana Ugarte. n
LE 22, À CANNES. ⇢ Bis repetita. Dix ans après Le vent se lève, Ken Loach entre dans le club très fermé des double palmés avec Moi, Daniel Blake. n
LE 18, À ANNECY. Après la ⇣ Quinzaine des Réalisateurs,
LE 1 , À PARIS. Après avoir connu ⇡ un grand succès à la télé avec ER
Une chance de trop, série d’Harlan Coben, Alexandra Lamy confirme sa popularité, en duo avec Balasko. n
LE 2, À LOS ANGELES. ⇣ Un été meurtrier.
BOB D’AMICO/©DISNEY
LE 29, À PARIS. De ⇡ beaux adieux. Quelques
mois après sa disparition, Solveig Anspach connaît un beau succès posthume avec ce film- poème coécrit par Jean-Luc Gaget. n
j u i l l e t
LE 29, À PARIS. Pari ⇠ gagnant. Camping 3 est un
des rares films français à fort potentiel populaire à sortir pendant l’Euro de foot. Il totalise 3,2 millions d’entrées. n
Ma vie de Courgette, de Claude Barras, triomphe au festival du film d’animation. Le bouche-àoreille est désormais lancé. n
j u i n
© ZADE ROSENTHAL/MARVEL 2016-PROD DB/A. BERLOWITZ/ELZÉVIR & CIE/DEUX BEAUX GARÇONS FILMS/RIVA FILMPRODUKTION–PATHE-IMAGO/RUE DES ARCHIVES- 2015 GUY FERRANDIS/SBS PRODUCTIONS–PATHE-GEBEKA FILMS-PATHÉ FILMS/ALAIN GUIZARD– LE PACTE-V Z CELOTTO/GETTY IMAGES/AFP-MEMENTO FILMS DISTRIBUTION -RUE DES ARCHIVES/BCA
LE 25, À PARIS. ⇠ Oublié par le jury de
George Miller, Elle marque pourtant le retour au sommet de Paul Verhoeven. Et sera choisi pour représenter la France aux Oscars. n
LE 18, À PARIS. La résur⇡ rection. Oubliée, la sortie
Vingt ans après son ultime long métrage, The Sunchaser, l’iconoclaste Michael Cimino, l’homme de Voyage au bout de l’enfer, voit s’ouvrir devant lui les Portes du Paradis. Il était dans sa 77e année. n
LE 6, À PARIS. Joséphine Japy est ⇡ la cible d’une Marina Foïs saisissante
en sociopathe à la dérive dans Irréprochable, le premier long de Sébastien Marnier. Qui en promet bien d’autres. n LE 4, À PARIS. ⇢ Un été meurtrier
(bis). Le maître du cinéma iranien, Abbas Kiarostami, s’éteint à 76 ans. Il avait remporté la Palme d’or 1997 à Cannes pour Le goût de la cerise. n STUDIO CINÉ LIVE I 49
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LE 19, À BURBANK. Un été meur⇠ trier (ter). Gary Marshall meurt à
LE 10, À PARIS. ⇡ He’s back !
LE 27, À PARIS. ⇠ Mieux vaut les
sujets originaux que les suites ou pâles copies. Comme des bêtes le prouve, en terrassant au box-office L’âge de glace 5 et Kung Fu Panda 3. n
a o û t
81 ans, après la sortie de Joyeuse Fête des mères avec Julia Roberts, son héroïne de Pretty Woman. n
Matt Damon rendosse le costume de Jason Bourne sous la direction de Paul Greengrass, lui aussi de retour aux manettes. Et le duo signe le deuxième meilleur score au box-office de la saga. n
LE 17, À PARIS. ⇡ À trembler de
peur et de plaisir. Mix parfait et spectaculaire entre film catastrophe et film de zombies, Dernier train pour Busan trouve son public. n
LE 20, À LOS ANGELES. ⇣ Coup de tonnerre sur la
planète people : Brangelina, c’est fini ! Un communiqué annonce la séparation du couple star, qui s’était rencontré sur Mr and Mrs Smith. n
LE 10, ⇠ À VENISE..
LE 21, À PARIS. Grand ⇡ prix du jury au Festival
de Cannes, Juste la fin du monde confirme que la cote d’amour entre Xavier Dolan et le public français ne faiblit pas au fil des années. n
⇣
LE 19, À PARIS. Après Juste la fin du monde et avant Alliés et Assassin’s Creed, Marion Cotillard sublime, tout en interprétation exaltée, le romantique et romanesque Mal de pierres de Nicole Garcia. n
Jérôme Salle s’attaque à un mythe français – le commandant Cousteau. Sans verser dans l’hagiographie facile et loin des clichés. n
Tarantino, Almodóvar, Forman ou Scorsese, Catherine Deneuve reçoit le Prix Lumière lors de ce festival cher à Thierry Frémaux. n
n o v e m b r e
LE 15, À LYON. ⇣ Après Eastwood,
LE 12, À PARIS. ⇡ Dans L’Odyssée,
50 I STUDIO CINÉ LIVE
L’Allemande Paula Beer reçoit le Prix Marcello Mastroianni du meilleur espoir pour Frantz au Festival de Venise, où le Lion d’or est attribué à The Woman Who Left, de Lav Diaz. n
LE 28, À PARIS. ⇠ Lily-Rose Depp a reçu le talent et la grâce en héritage. Et le prouve doublement dans La danseuse, de Stéphanie Di Giusto, et Planétarium, de Rebecca Zlotowski. n
f, rsi ût ve is go b t u . S va rec IS mau cor e . n R PA au t in p d on , À rty, men cou mati 0 3 a i LE ge P tique e un d’an a oli onn a s u Sa au p é, d iném et sum au c as uet fo
⇢
LE 16, À PARIS. « Quand y’en ⇢ plus, y’en a encore ! » L’univers de Harry Potter est de retour avec Les animaux fantastiques, spin-off signé David Yates. Le début d’une nouvelle saga. n
©RUE DES ARCHIVES/EVERETT-UNIVERSAL-UNIVERSAL PICTURES-ARP FILMS-PICTURE ALLIANCE/ RUE DES ARCHIVES- SHAYNE LAVERDIÈRE/SONS OF MANUAL-LES PRODUCTIONS DU TRÉSOR/WILD-MARS FILMS-LES PRODUCTIONS DU TRÉSOR/STUDIO CANAL-JEAN-MARIE LEROY-2016 CTMG, INC.
BILAN I LE FILM DE L’ANNÉE
s e p t e m b r e
LE 17, À PARIS. ⇣ Les Français lavent
l’affront fait à Toni Erdmann par le jury de George Miller. Repartie bredouille de Cannes, cette comédie loufoque rencontre le succès. n
⇡
LE 31, À PARIS. Voilà un visage qu’on n’oubliera pas et qui promet de riches heures aux cinéastes qui le filmeront. Celui d’Oulaya Amamra, révélation de la Caméra d’Or Divines. n LE 29, À STAMFORD. ⇢ Un été meurtrier (qua-
ter). Gene Wilder, le Willy Wonka de Charlie et la chocolaterie, de Mel Stuart, et hilarant alter ego de Mel Brooks, s’éteint à 83 ans. n
LE 28, À ⇠ PARIS. Serial
winner. Dany Boon triomphe au box-office français avec Radin !, qui finira à plus de 3 millions d’entrées. Sans empêcher Aquarius, de Kleber Mendoça Filho, de rencontrer un joli succès d’estime. n
LE 19, À PARIS. ⇣ Comme il a cassé
LE 1 , À PARIS. Après Un poison ⇠ violent et Suzanne, Katell Quillévéré
le deuxième long de Justine Triet dépasse les 600 000 entrées et fait de Virginie Efira une candidate plus que sérieuse au César. n
à 88 ans, un mois après la disparition de Claude Jean-Philippe. Deux passeurs qui ont donné le goût du cinéma à nombre de téléspectateurs. n
LE 12, À PARIS. ⇡ En cinéphile
généreux, Betrand Tavernier nous raconte son cinéma français à lui, du début du parlant aux années 70. Un pur régal. n
LE 14, À PARIS. ⇢ Découvert à Cannes,
LE 8, À PARIS. ⇠ Pierre Tchernia s’éteint
le 2, Brice passe directement du premier au troisième épisode. Peu épargné par les critiques, il se consolera avec son score en salle. n
O c t o b r e
©KOMPLIZEN FILMS–DIAPHANA-RUE DES ARCHIVES/BCA–LE PACTE-PROD DB/LITTLE BEAR/GAUMONT/ PATHE PRODUCTION-GAUMONT DISTRIBUTION-TM & 2016 TWENTIETH CENTURY FOX FILM CORPORATIONRUE DES ARCHIVES/AGIP-MARS FILMS- 2016 WARNER BROS. ENT. INC. AND RATPAC-DUNE ENT. LLC.GEBEKA FILMS-2016 WARNER BROS. ENT. INC./VILLAGE ROADSHOW FILMS (BVI) LIMITED AND RATPACDUNE ENTERTAINMENT LLC-2016 DISNEY-JEAN-CLAUDE LOTHER
GER - EXEMPLAIRE NUMERIQUE
LE 5, À PARIS. Pour sa ⇢ seconde collaboration avec lui,
Eva Green redonne vigueur, jeunesse et inspiration au cinéma de Burton dans Miss Peregrine et les enfants particuliers. n LE 23, À PARIS. ⇠ Sidse Babett Knudsen
ER
franchit un cap en adaptant avec une sensibilité inouïe le livre de Maylis de Kerangal sur le don d’organes. n
LE 23, À PARIS. Nostalgie sublimée. ⇡ Jean-François Laguionie signe, avec
Louise en hiver, le portrait d’une vieille dame solitaire où forme et fond brillent de la même beauté sensible. n
LE 30, À PARIS. ⇣ Dans Sully, East-
wood raconte l’exploit miraculeux du pilote qui a réussi à poser son avion sur le fleuve Hudson. Et interroge encore la figure du héros américain. n
incarne la lanceuse d’alerte Irène Frachon dans La fille de Brest. L’un des deux beaux portraits de femmes du jour avec Une vie, de Stéphane Brizé. n LE 16, À PARIS. ⇢ Ron Clements et
John Musker, le duo de La petite sirène et d’Aladdin, revisite la mythologie polynésienne avec Vaiana, la légende du bout du monde. n
STUDIO CINÉ LIVE I 51
GER - EXEMPLAIRE NUMERIQUE
BILAN
CINÉMA FRAN LE PALMARÈS DES
Comment les critiques étrangers perçoivent-ils le cinéma français ? Considèrent-ils 2016 comme un bon ou un mauvais millésime ? On a posé la question à six d’entre eux. PAR LAURENT DJIAN MAURO DONZELLI COMINGSOON.IT (ITALIE)
« 2016 CONFIRME la diversité et ⇢ l’excellente santé du cinéma français.
« VIVE LA JEUNE GÉNÉRATION ! ⇢ Elle m’a bluffée cette année. L’énergie
avec laquelle Houda Benyamina parle des femmes et de la banlieue dans Divines m’a électrisée. Le sujet est dur, mais elle filme avec rage et dignité. Mieux, elle s’autorise des échappées oniriques. On se croirait presque chez Gondry. J’aime cette audace, de même que j’aime la folie d’une comédie comme La loi de la jungle, d’Antonin Peretjatko. Sous ses dehors burlesques et délirants, elle en dit long sur la société française et sa bureaucratie. C’est un faux petit film, à l’image de L’effet aquatique, dont la fantaisie et la poésie m’ont profondément touchée. Solveig Anspach avait en commun avec la nouvelle génération cette fraîcheur et cette modestie. Elle va me manquer. » n
PASCAL BUSSET, TV8 (SUISSE)
« J’AI RAREMENT VU autant de ⇢ comédies navrantes qu’en 2016 : José-
phine s’arrondit, Les Tuche 2, Pattaya, et j’en passe. Seul le charmant Rosalie Blum a un peu relevé le niveau. Leur succès reflète sans doute une envie de rire et de s’évader dans un contexte anxiogène. Il prouve surtout que l’esprit critique du spectateur a foutu le camp. La comédie a phagocyté la production française au détriment du polar – hormis Braqueurs. Quelques pépites m’ont toutefois consolé de cette année moyenne : Saint Amour, formidable et si tendre, ou encore Tempête, fiction aux allures de documentaire signée Samuel
RUE DES ARCHIVES/BCA
Je me réjouis qu’une jeune cinéaste comme Mia Hansen Love s’intéresse au fait de vieillir (L’avenir), tandis qu’un cinéaste âgé comme André Téchiné parle de la jeunesse avec autant de vitalité (Quand on a 17 ans). Je me réjouis de découvrir la même année des films aussi splendides et différents que Frantz, très classique, et Ma loute, d’une loufoquerie dingue. Je me réjouis également que l’animation se porte aussi bien. Comment ne pas fondre devant Ma vie de Courgette ? Le cinéma français se renouvelle sans cesse. Comment ? En attirant dans son giron des étrangers, comme Paul Verhoeven, auteur du génialement pervers Elle. En laissant également émerger de jeunes talents ; Justine Triet (Victoria) ou Sébastien Betbeder (Marie et les naufragés), apportent un ton neuf, pop, décalé et très personnel. Alors bien sûr, il y a des déceptions – Éperdument, quel ratage ! On peut aussi déplorer un trop grand nombre de comédies idiotes. Je voyage aux quatre coins du globe dans les festivals et je peux vous assurer une chose : hormis aux ÉtatsUnis, le cinéma français n’a aucun équivalent dans le monde. » n
FLORENCIA VALDÉS ANDINO, TV5, CONTRATIEMPO (MEXIQUE)
52 I
GER - EXEMPLAIRE NUMERIQUE
en quête
ÇAIS
CRITIQUES ÉTRANGERS Collardey. Je salue également la capacité de certains cinéastes – et c’est un phénomène assez récent – à s’emparer de sujets brûlants, à prendre en compte, au même titre que les Américains, leur histoire récente. Citons notamment L’outsider, sur l’affaire Kerviel, ou La fille de Brest, sur le scandale du Mediator. Peut-être pas des chefs-d’œuvre, mais des films corrects et d’utilité publique. Le cinéma sert aussi à ça. » n
SAÏD OULD-KHELIFA, L’EXPRESSION (ALGÉRIE)
« LE CINÉMA FRANÇAIS SE ⇢ FÉMINISE, et je m’en félicite. De nom-
breuses réalisatrices ont récemment émergé, telles que Katell Quillévéré et Rebecca Zlotowski, dont les films ont marqué la fin 2016. Chacune a sa propre personnalité. J’admire aussi l’audace d’une Léa Fehner, réalisatrice du tourbillonnant Les ogres. Je trouve admirable la manière dont Marie-Castille
Mention-Schaar traite frontalement d’un sujet essentiel, la radicalisation des jeunes, dans Le ciel attendra. » n
FRANCISCO FERREIRA, EXPRESSO (PORTUGAL)
« LE FINANCEMENT DES FILMS par ⇢ les chaînes de télé nuit au cinéma
français, devenu de plus en plus frileux et formaté. J’en veux pour preuve le nombre de comédies qui polluent les écrans et qui, d’ailleurs, ne s’exportent pas au Portugal. Genre Camping 3. C’est un humour trop franco-français. Et quand elles arrivent jusqu’à nous, elles n’attirent personne. Les films d’auteurs aussi me déçoivent. Surtout ceux de 2016. Ils sont anodins. Oubliables. Mal de pierres, quel intérêt ? Personal Shopper : pas mal, mais Assayas a fait mieux. Il faudrait que les cinéastes sortent de leur zone de confort, prennent des risques, tournent comme s’ils jouaient leur vie. À ce
titre, seuls Elle et Nocturama m’ont ébloui, secoué, questionné. C’est ce que j’attends d’un film. » n
⇢
JORDAN MINTZER, THE HOLLYWOOD REPORTER (ÉTATS-UNIS)
« COMME SOUVENT, c’est l’année Isabelle Huppert. Sa capacité à faire le grand écart me fascine. Elle effectue deux performances exceptionnelles dans mes deux coups de cœur : L’avenir, bien reçu aux États-Unis alors qu’il est passé inaperçu en France, et Elle, comédie noire dans la lignée de Chabrol. Le film qui m’a toutefois le plus impressionné reste celui de Bertrand Tavernier, Voyage à travers le cinéma français. C’est un documentairesomme, sans doute encore plus passionnant que celui de Scorsese sur le cinéma américain. Un documentaire qui permet de mettre en perspective la production française d’aujourd’hui. Le fossé continue de se creuser dangereusement entre films d’auteurs et films populaires, alors qu’avant ils se confondaient. Carné, Renoir, Melville ou Becker s’adressaient au grand public sans rien renier de leurs ambitions artistiques. Pourquoi ne pas confier des comédies comme Les Tuches 2 ou Les visiteurs 3 à des réalisateurs de talent, exigeants, qui sauraient leur apporter une autre dimension ? Mais je garde espoir… » n Florencia Valdés Andino, Saïd OuldKhelifa et Jordan Mintzer sont membres de l’Académie des Lumières, composée de critiques étrangers. Elle est au cinéma français ce que les Golden Globes sont au cinéma américain. La prochaine remise de prix se déroulera le 8 février 2017.
STUDIO CINÉ LIVE I 53
GER - EXEMPLAIRE NUMERIQUE
BILAN
Les Tuche au camping : le réveil de Miss Peregrine 2016 DEVRAIT ÊTRE UN EXCELLENT MILLÉSIME… POUR LES ENTRÉES EN SALLE. SUR LE PLAN QUALITATIF, ÇA PEUT SE DISCUTER. MAIS ON NE VA PAS SE PLAINDRE NON PLUS. ON A VU DU BEAU, DU BON ET ON FAIT LE POINT. PAR ÉRIC LIBIOT
T
out n’est pas affaire de quantité. Il arrive même parfois que la qualité ait du bon mais faut tout de même prendre les chiffres comme ils arrivent. Rien d’officiel encore, pourtant, selon Xavier Lardoux, directeur du cinéma au CNC, la fréquentation en 2016 devrait atteindre des records, « le deuxième meilleur niveau depuis cinquante ans. On ne peut que s’en féliciter, sachant que le financement des films français profite de cette embellie. Difficile également, à lire les chiffres, d’associer systématiquement un succès en salle, en nombre d’entrées, à un succès financier. Au moins peut-on dessiner des tendances et des envies. Là, ce n’est pas très compliqué : les comédies, les dessins animés et les blockbusters en collant vert ont ramassé la mise. La plupart du temps, ces succès-là appartiennent à une franchise ou sont des suites, américains et français confondus : Star Wars 7, Les Tuches 2, L’âge de glace 5, Camping 3… on imagine que Rogue One sera aussi un carton. Pas de quoi se lever la nuit. Parmi les américains, trois nouvelles pas surprenantes mais un peu tout de même : le gros carton de The Revenant, la bombe Deadpool et le retour en grâce de Tim 54 I STUDIO CINÉ LIVE
Burton avec sa Miss Peregrine. L’auteurisme populaire fonctionne. Le film de Iñarritu laisse entendre qu’il y a encore de la place pour des sujets ambitieux qui bousculent la norme hollywoodienne ; le feu d’artifice Deadpool pourrait inciter les majors à davantage miser sur des superhéros décalés et hirsutes (mais on n’y croit pas trop…) ; le succès de Burton confirme qu’un cinéaste (de cette trempe) n’est jamais tout à fait mort et que le public est toujours prêt à parier sur un cheval connu. Il ne faudrait pas s’exciter pour autant : The Revenant est un peu seul dans sa catégorie, le blockbuster étant toujours réservé aux sauveurs du monde volant.
BOUQUET GARNI
Côté français, on verra aussi le verre (non, pas le collant) à moitié plein avec quatre films qu’on n’attendait pas à ces hauteurs : Retour chez ma mère, Pattaya, Chocolat, Médecin de campagne. Cocktail surprenant : une comédie familiale, une pochetronade déconnante, et deux portraits-chroniques. Sans doute le cinéma français mainstream peut-il se résumer à ce quatuor, d’autant que derrière on trouve La vache, Adopte un veuf, L’odyssée ou L’Hermine.
Cette palette tricolore, pour classique qu’elle soit – grosso modo, ce sont les couleurs du cinéma français – prouve que l’équilibre se maintient même s’il est toujours fragile – si Bruno Dumont a trouvé son public avec Ma Loute, Alain Guiraudie n’a, lui, pas réitéré le succès de L’homme du lac avec Rester vertical – pour évoquer deux films cannois. En 2017 sortiront les films de Polanski, Salvadori, Dupontel, Lacheau, Quentin, Campillo, Lelouch, Lvovsky, Bourdos, Beauvois, Jolivet, Moknèche, Bozon, Téchiné, Judor, Boon, Hazanavicius, Nakache et Tolédano… La liste a une gueule certaine. Aucune suite, aucun reboot, aucun préquel, aucune histoire d’avant le début de la fin avec des personnages secondairement principaux qui vont et viennent… Mais que fait la police ! ? n
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LE MEILLEUR DE 2016 top10
O
KENNETH LONERGAN S’IMPOSE HAUT LA MAIN DANS CE PALMARÈS INTERNATIONAL, OÙ SE CÔTOIENT DES ŒUVRES AMÉRICAINES, ALLEMANDES, SUISSES, CORÉENNES… AVEC PAS MOINS DE QUATRE FILMS FRANÇAIS.
de la rédaction
1
PROD DB/MARVEL STUDIOS/20TH CENTURY FOX FILM/PROD DB - PROD DB/20TH CENTURY FOX/NEW REGENCY PICTURES - UNIVERSAL PICTURES
MANCHESTER BY THE SEA
2
TONI ERDMANN
3
CAROL
4
THE REVENANT
5
ELLE
6
MA VIE DE COURGETTE
7
MA LOUTE
8
NOCTURAMA
9
MIDNIGHT SPECIAL
10
DERNIER TRAIN POUR BUSAN
n THIERRY CHEZE 1 Anomalisa 2 Carol 3 Réparer les vivants 4 Sausage Party 5 Manchester by the Sea 6 Steve Jobs 7 Toni Erdmann 8 Ma vie de Courgette 9 Elle 10 Dernier train pour Busan
n VÉRONIQUE TROUILLET 1 Spotlight 2 Manchester by the Sea 3 Ma vie de Courgette 4 The Revenant 5 Dalton Trumbo 6 Captain Fantastic 7 Sully 8 Midnight Special 9 Dernier train pour Busan 10 Sausage Party
n SOPHIE BENAMON 1 Manchester by the Sea 2 Midnight Special 3 The Revenant 4 Toni Erdmann 5 Steve Jobs 6 Kubo et l’armure magique 7 Brice 3 8 A Perfect Day 9 Saint Amour 10 Chocolat
n LAURENT DJIAN 1 Les ogres 2 La tortue rouge 3 Dernier train pour Busan 4 D’une pierre deux coups 5 Rosalie Blum 6 Nocturama 7 Elle 8 Papa ou maman 2 9 Belgica 10 Toni Erdmann
n THOMAS BAUREZ 1 The Strangers 2 Elle 3 Nocturama 4 The Assassin 5 Ma loute 6 Sieranevada 7 Carol 8 Personal Shopper 9 La tortue rouge 10 Les 8 Salopards
n ÉRIC LIBIOT 1 Toni Erdmann 2 Carol 3 Ma loute 4 Fucoammare 5 Manchester by the Sea 6 Les premiers les derniers 7 Ma vie de Courgette 8 Comancheria 9 The Revenant 10 Deadpool
À VOUS DE JOUER
ENVOYEZ NOUS VOTRE TOP 10 AVANT 27 JANVIER 2017
Facebook : www.facebook.com/StudioCineLive Par courrier : Top 10, STUDIO CINE LIVE 29, rue de Chateaudun, 75308 Paris cedex 9
STUDIO CINÉ LIVE I 55
GER - EXEMPLAIRE NUMERIQUE
ACTU I LETTRE À…
Il est le héros de Manchester by the Sea, un des meilleurs films de l’année. Son heure est donc peut-être venue, mais personne ne serait étonné qu’il n’entende pas la sonnerie. Casey Affleck est un acteur formidable qui avance à côté. Ce qui vaut bien une lettre. PAR ÉRIC LIBIOT
N
ous sommes Casey. Surtout moi, mais pas seulement. Ici ou là, nous sommes tous Casey. Il ne faut d’ailleurs pas être très intelligent ni très admirant pour être Casey ; il suffit juste de vous regarder. Un petit format perdu dans la foule, une voix grippée à l’ortie blanche, des mots à peine sortis d’un murmure, des gestes miniatures passés sous le tapis, un jeu qui semble appartenir au film précédent, ou bien au suivant, mais pas forcément à celui-là… Vous ne faites rien pour qu’on vous remarque. Soit vous êtes à ce point intelligent, soit vous êtes totalement inconscient. Vous roulez en voiture banalisée quand Hollywood exige de la Formule 1. Et pourtant, cher Casey Affleck, vous avez une putain de présence. Un truc qui ne s’explique pas mais qui excite l’œil. Doucement, fermement. Une trace indélébile qui vous permet d’entrevoir une carrière en grand format, même s’il semble que vous n’en avez rien à battre, à part les œufs pour une omelette – c’est une extrapolation, je n’en suis pas tout à fait sûr, mais je vous imagine très bien cuisiner une omelette. Ce je-m’en-foutisme est particulièrement agréable dans un milieu qui formate, prend, découpe, assaisonne et 56 I STUDIO CINÉ LIVE
jette. Un de perdu, dix de retrouvés, et vous êtes toujours là. Vous n’avez sans doute rien demandé à personne et, de toute manière, je vois mal comment un si petit corps pourrait supporter la grosse tête. Bon. J’ai l’impression que cette lettre va être pénible à écrire car elle ne sera que guimauve, sirop et ap-
Ce je-m’enfoutisme
EST PARTICULIÈREMENT AGRÉABLE DANS UN MILIEU QUI FORMATE plaudissements. Tant pis. À l’heure où les États-Unis élisent un héros de dessin animé comme président sans savoir à quelle sauce le canard se mange, il est bon d’en pincer pour un acteur qui ne fait rien comme les autres, mais qui joue comme s’il respirait une dernière fois. Le truc essentiel sans en avoir l’air. Ce mois-ci, vous voilà gardien d’immeuble, ramasseur de poubelles, réparateur de douche, un tournevis dans la main, une pelle à neige dans l’autre.
Dans Manchester by the Sea, de Kenneth Lonergan. Un des meilleurs films de l’année. Mélo mais pas trop. Drame familial du coin de la rue dont la simplicité prend aux tripes. Un truc de famille. Comme dans toutes les familles. Ou presque. Quelque chose de reconnaissable en tout cas sans qu’il y soit besoin de pousser le bouchon. Je sais bien qu’un acteur est censé savoir (presque) tout jouer et que les rôles arrivent (soi-disant) par hasard mais vous voir, cher Casey, en homme banal à tout faire ouvertement retiré des canapés laisse penser qu’il s’agit là d’un jeu de miroirs entre vous et vous. On ne vous a guère vu en sauveur du monde, en collant vert ou en superpouvoirs. Vous, ce qui vous va, c’est le type qui s’efface. Je vous aime pour ça. D’accord, vous n’avez pas toujours joué les invisibles, vous avez même été formidablement psychopathe dans The Killer Inside Me, lamentablement lâche en assassin de Jesse James chez Andrew Dominik, détective amoureux sans peur dans Gone Baby Gone. Mais vous n’êtes jamais meilleur que lorsqu’un pan de votre chemise sort du jean, que vous ne savez pas parler
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CherCasey AFFLECK,
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ACTU I LETTRE À…
3 ques tions à
Bien à vous. manchester by the sea De Kenneth Lonergan • Avec Casey Affleck, Michelle Williams, Kyle Chandler, Lucas Hedges… • Sortie : 14 décembre 58 I STUDIO CINÉ LIVE
KENNETH LONERGAN
Après Tu peux compter sur moi et Margaret, passés relativement inaperçus, le scénariste de Gangs of New York change d’échelle avec l’immense Manchester by the Sea. Interview express. PROPOS RECUEILLIS PAR THIERRY CHEZE
Comment est né Manchester by the Sea ? Kenneth Lonergan : L’idée m’a été apportée par Matt Damon, qui voulait à la fois le réaliser et en interpréter le rôle principal. Il m’a demandé d’écrire le scénario. J’ai tout de suite accroché, et comme Matt et moi sommes amis, je savais que mon script ne serait pas trahi. Puis, Matt est parti sur d’autres projets et j’ai repris les commandes du film. Pourquoi avoir fait appel à Casey Affleck pour le remplacer ? Je connais Casey depuis 2002, année où il avait joué une de mes pièces, This Is Your Youth, aux côtés de Matt, d’ailleurs. Après avoir travaillé plusieurs fois au théâtre depuis, on avait envie de tourner ensem-
ble. Tout s’est donc fait naturellement. D’autant que je lui avais fait lire le scénario six mois plus tôt pour recueillir son avis. Il m’avait fait des remarques judicieuses, et on a poursuivi cette conversation. J’ai surtout insisté sur le fait que Casey allait devoir contrôler ses émotions, car je craignais d’étouffer le spectateur par trop de scènes émotionnellement insoutenables. Avez-vous hésité avant de revenir à la réalisation après l’expérience chaotique de Margaret, qui avait dû attendre sept ans pour sortir ? J’ai ressenti le besoin de faire une pause. Mais cette étrange odyssée constitue un cas particulier, avec une chance infime de se reproduire. Ne plus
jamais réaliser ne m’a donc jamais traversé l’esprit, même si mettre en scène n’a jamais été un but dans ma vie. J’aime d’ailleurs faire le scénariste pour d’autres. Mais j’ai vite compris que si je voulais qu’un scénario original reste fidèle à ma vision des choses, je devais le réaliser moimême. Je suis aussi porté par ma passion pour les acteurs, dont je parle la langue, car j’ai été formé par Patricia Broderick, la mère de Matthew, auteur et coach de comédiens. J’ai beaucoup de respect pour eux, qui font un boulot si difficile. Je sais qu’un bon acteur tirera toujours le meilleur d’un scénario faible, et qu’un acteur faible torpillera n’importe quel script, aussi excellent soit-il. n
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au notaire et que vous détournez le regard alors que votre ex, Michelle Williams, tout de même, merde !, vous annonce qu’elle vous aime encore. Je dis ça, mais finalement non. Ou pas que. Il ne faudrait pas oublier que vous êtes le gars qui a mis en scène un canular sur grand écran, histoire de montrer à Hollywood que se gratter le nombril à force de se croire centre du monde, ça donne des rougeurs. I’m Still Here, avec votre beauf et copain Joaquin Phoenix en faux-vrai rappeur dans un vrai-faux docu sur un acteur en train de se faire péter le star-système. Réalisé avec vos mimines. Tout seul comme un grand. Balèze. Et ce n’est pas fini, puisque vous projetez, toujours avec Joaquin comme comédien, de vous plonger dans la révolution mexicaine version Pancho Villa. J’en suis heureux pour vous, mais j’espère que vous n’en profiterez pas pour disparaître des écrans comme vous le fîtes après Gone Baby Gone comme ça, sur un coup de tête, histoire d’aller voir pousser les fleurs ailleurs. Mais de quoi je me mêle Casey ? Parce que bon, il faut maintenant en parler avant que la page se termine, dans la famille Affleck, il n’y a pas que vous. Votre grand frère Ben est aussi là et, comment dire, au rayon acteurs, le Ben serait plutôt du côté des confitures ou des légumes. Si bien que le laisser seul faire le pitre sur l’écran serait une faute de goût au point d’infliger à chaque spectateur la myxomatose ; et croyez mon lapin, ça fait mal aux yeux. Je sais bien que Ben est aussi réalisateur, ce qui lui va d’ailleurs plutôt bien, mais cette nouvelle passion ne semble pas l’avoir détourné du métier d’acteur, qu’il pratique comme une porte ouverte. Cher Casey, si vous voulez sauver l’honneur de la famille, vous savez ce qu’il vous reste à faire. J’écris ça, je dis rien mais j’ai besoin de vous, nous avons besoin de vous, de ce corps mal fagoté, de ce visage sans âge, de ce jeu comme personne qui fait pleurer les uns et pleurer les autres. Pensez-y. Merci.
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ACTU I PORTRAIT
L’héroïne de Nocturnal Animals et de Premier contact ne cesse de monter en puissance à Hollywood. À son rythme, sans précipitation. De quoi lui valoir son premier Oscar ? Réponse en février. Par thierry cheze Photo Joe PUGLIESE
LA GRÂCE TRANQUILLE
P
lus les années passent, plus comédiennes les plus prisées d’Hollywood les rencontres avec les stars étaient proches de zéro. Certes, enfant, américaines se réduisent à elle aimait chanter et danser. Mais sans quelques minutes pas très envisager d’en faire un métier. « Je voulais passionnantes lorsqu’elles en- devenir médecin. Un échec à un examen chaînent les « amazing » les a brisé mon rêve. J’ai alors réfléchi à ce « wonderful » et les « so great ». que je pourrais faire de ma vie. Et c’est là Mais il arrive parfois que l’artiste débranche que cette idée a surgi, malgré mon exle pilote automatique des superlatifs. trême timidité qui rendait toute prise de Comme Amy Adams, qui en connaît un parole en public très violente. » rayon en expériences « amazing » avec ses DU TEMPS AU TEMPS cinq nominations aux Oscars en huit ans (Junebug, Doute, The Fighter, The Master Mais une envie ne fait pas une carrière. et American Bluff) et ses deux films sur le Le facteur chance tient aussi une part point de lui offrir un nouveau billet pour la prépondérante. Nous sommes en 1999. cérémonie. Dans Nocturnal Animals, de Amy Adams a 25 ans. Un âge où, si on Tom Ford, elle incarne une galeriste à la n’a pas décroché de rôle marquant, on vie bouleversée par la lecture d’un roman as peut-être déjà raté sa vie d’actrice. De écrit par son ex. Dans Premier contact, de Jennifer Lawrence à Natalie Portman, Denis Villeneuve, elle est une experte en toutes les reines d’Hollywood ont déjà linguistique chargée de décoder les mes- un CV long comme le bras au même âge. sages d’extraterrestres. Deux films aux an- Amy, elle, survit de petits boulots en petipodes et une qualité d’interprétation tits boulots. Et puis, un jour, un film se commune : l’art de se glisser dans des per- tourne dans « son » Minnesota. « Mais sonnages avec une évidence apaisée. Apai- j’avais raté une audition décisive et je sement qui saute aux yeux lorsqu’elle entre m’étais faite à l’idée de simplement radans cette chambre londoconter à mes enfants comment nienne où elle assure la proleur mère avait failli un jour se motion. Chez elle, nulle trace retrouver dans un film. » Or, on d’enthousiasme forcé. Elle posla rappelle et on l’engage. 2008 Il était une fois, sède la grâce tranquille de ceux Conseillée par sa partenaire de Kevin Lima 2013 The Master, de Paul qui vivent une existence qu’ils Kristie Alley, elle part pour Los Thomas Anderson n’auraient jamais osé rêver. Angeles. Suivie de sa bonne 2014 Her, de Spike Jonze Les chances que cette fille de étoile qui ne la quittera jamais : 2014 American Bluff, mormons (père militaire, mère Debra Zaine, directrice de casde David O’Russell 2015 Big Eyes, fan de bodylbuilding) élevée au ting, qui encourage Spielberg de Tim Burton Colorado, puis au Minnesota à regarder ses essais pour devienne un jour l’une des Arrête-moi si tu peux. Bingo !
FilmO
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Le réalisateur l’engage. Et là, elle en est sûre : sa vie d’actrice va démarrer. Mais le téléphone sonne peu. Et puis plus du tout. L’excitation fait place au désarroi. « J’avais 30 ans et je me sentais vieille, rejetée. » Elle décroche une série, Docteur Vegas, mais on la renvoie chez elle plus tôt que prévu. Le lendemain matin, sa fameuse bonne étoile la convie à une audition pour Junebug. On lui offre le rôle d’une bigote hystéro. Elle enthousiasme Sundance et décroche une nomination aux Oscars. Cette fois, Amy laisse du temps au temps. Jusqu’à Il était une fois et son rôle de princesse de conte de fées débarquant dans Manhattan. Presque 340 millions de recettes dans le monde, ça change le regard qu’Hollywood porte sur elle. Tout se débloque et s’accélère. On la voit chez Mike Nichols, David O’Russell, Paul Thomas Anderson, face à Clint Eastwood ou en Lois Lane. « Je n’ai jamais regretté un rôle. Une fois que je l’ai refusé ou qu’on n’a pas voulu de moi, un personnage ne m’appartient plus. Je peux regarder le film sans remords ni regrets. Mais j’en aurais été incapable avec Nocturnal Animals et Premier contact. Il aurait fallu me passer sur le corps pour me prendre ces rôles. » La star hollywoodienne redevient cette fille du Minnesota qui cumulait les petits boulots pour se payer sa première bagnole. Sans langue de bois et avec une ligne de conduite consistant à mettre une distance entre ses personnages et elle pour ne pas avoir à y mettre de sa propre vie. « J’ai dépensé beaucoup d’argent à me débarrasser de tout ça, je vous assure. » Un rire franc ponctue cette phrase. Amy Adams, bien dans sa peau, bien dans ses rôles. n Premier contact De Denis Villeneuve • Avec Amy Adams, Jeremy Renner… • Sortie : 7 décembre Nocturnal Animals De Tom Ford • Avec Amy Adams, Jake Gyllenhaal… • Sortie : 4 janvier
AUGUST/AGENCE A
AMY ADAMS
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« Il aurait fallu me passer sur le corps pour me prendre les rôles de PREMIER CONTACT et NOCTURNAL ANIMALS. »
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ACTU I REPORTAGE EN COUVERTURE I SPECTRE
3 JOURS, 2 NUITS À BUCAREST
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En octobre, le cinéaste roumain Cristian Mungiu, dont le film Baccalauréat est à l’affiche, organisait la sixième édition du festival Les films de Cannes à Bucarest. L’occasion de prendre le pouls d’une industrie fragile mais vivante. Reportage. PAR THOMAS BAUREZ PHOTOS ANDREEA CAMPEANU POUR SCL
A
u dernier Festival de Cannes, trois longs métrages roumains étaient présentés, dont deux en compétition officielle : Sieranevada, de Cristi Puiu, et Baccalauréat, de Cristian Mungiu, reparti avec un Prix de la mise en scène. Dogs, de Bogdan Mirica, était, lui, à Un Certain Regard. Pas mal pour un pays qui produit une trentaine de films par an. La nouvelle vague du cinéma roumain apparue il y a une dizaine d’année n’était donc pas une flaque d’eau. À domicile comme à l’extérieur, Cristian Mungiu, 48 ans, reste le meilleur ambassadeur de ce « nouveau » cinéma qui interroge, sur une veine réaliste et souvent tragicomique, la société présente ou passée. Mungiu est une bête à concours cannoise : une Palme d’or pour 4 mois, 3 semaines, 2 jours en 2007, un Prix du scénario avec Au-delà des collines en 2012, et ce récent Prix de la mise en scène pour Baccalauréat. Depuis 2010, au mois d’octobre, il organise dans la capitale roumaine le festival Les films de Cannes à Bucarest. L’occasion était trop belle de surfer sur cette vague.
12 h 07
DIMANCHE 16 OCTOBRE
Avant de poser les pieds pour la première fois dans un pays étranger, les fantasmes précèdent toujours la réalité. Des fantasmes souvent alimentés par les films : Bucarest serait une ville grise, ses habitants seraient tristes et vivraient dans des petits appartements. Raté. Il fait beau en ce dimanche automnal et les températures sont à peu près identiques à celles d’une ville quittée trois heures plus tôt dans la nuit. Le gris du béton est là, mais les multiples enseignes lumineuses se chargent de dynamiter les couleurs. Le centre-ville, délimité par de larges avenues, se compose d’imposants monuments et statues. Des immeubles décatis narguent la rutilance d’une modernité architecturale à la présence encore timide. Au milieu de STUDIO CINÉ LIVE I 63
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ACTU I REPORTAGE
Sur le tournage de la série Umbre, réalisée par Bogdan Mirica (Dogs).
ce choc des cultures, des vieilles bâtisses jadis majestueuses résistent tant bien que mal à l’usure du temps. Comme le reste du pays, Bucarest est exposé aux tremblements de terre. Mais c’est un incendie meurtrier, survenu il y a un an dans une boîte de nuit, qui a obligé le gouvernement à fermer beaucoup de lieux publics et privés. Parmi eux, de nombreuses petites salles de cinéma de quartier. Le temps de tout mettre aux normes. « C’est-à-dire jamais ! », ironise un chauffeur.
14 h 37
Attablé dans un restaurant, le cinéaste laisse refroidir un plat auquel il ne touchera pas, faute de temps. « Nos films sont très mal distribués ici. La Roumanie compte quatre-vingt deux salles, il y en avait quatre cents du temps de la dictature. C’est très peu. Il faut donc aller audevant du public si vous voulez exister. J’organise depuis plusieurs années des projections itinérantes à travers tout le pays. Je les présente moi-même ou je demande à un membre de l’équipe de le faire. Résultat, Baccalauréat a réalisé 60 000 entrées, ce qui est pas mal pour notre marché actuel. » Pour son festival, Cristian Mungiu a dû se rabattre vers les quelques salles encore vaillantes, loin des multiplexes qui regardent avec un certain mépris tout ce qui ne vient pas d’Hollywood.
16 h 41 Mungiu se rend à plusieurs projections. À l’une d’elles, des jeunes cinéastes roumains présentent un extrait de
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Le reste n’est que petits fours, vin blanc et rock’n’roll. Bucarest la grise a des couleurs nuit blanche.
accueillir l’épave du Titanic est à sec. Les pompes sont pourtant prêtes à fonctionner. « Cristian (Mungiu), comme tous les cinéastes de la nouvelle génération, ne veulent pas entendre parler de décors artificiels. De toute façon, le budget de leurs films ne permet pas de toute façonde tourner en studio », précise Tudor Reu. Le devis moyen d’un long métrage roumain oscille entre 500 000 et 1 million d’euros, plus de quatre fois inférieur à celui d’un français. Le Centre national de la cinématographie roumain distribue une enveloppe avoisinant les 10 millions d’euros à l’ensemble de la production. Les autres sources de financements proviennent des taxes sur l’audiovisuel public, les investissements publicitaires des entreprises privées et la loterie nationale. Les coproductions internationales parachèvent le tableau.
LUNDI 17 OCTOBRE
15 h 00 Cristian Mungiu arrête un
leur long métrage. Si le réalisme social semble dominer les débats, des incursions dans le genre (comédie, thriller…) laissent augurer une certaine diversité. La découverte à Cannes du polar-western de Bogdan Mirica, Dogs, où la campagne roumaine a des allures d’Arizona, devrait faire école.
21 h 10 Toute la faune cinéphile de
Bucarest se retrouve dans un bar attenant à une salle de projection pour un cocktail dînatoire. Tudor Reu, producteur, explique en français, mais avec un sens du tragicomique très roumain : « Il y a ici tout notre cinéma. S’il y a le feu, terminé, la nouvelle vague ! »
01h58
10 h 00 Planté au milieu d’un des gi-
gantesques salons du palais de Ceausescu, « le plus grand bâtiment au monde après le Pentagone », le visiteur a l’air d’un personnage d’un dessin de Sempé. Impression similaire dans les studios de cinéma de Bucarest, en périphérie de la ville. Jadis fleuron de la production cinématographique nationale, aujourd’hui vides, désespérément vides. Au mur, les photos des tournages étrangers pas franchement récents : Fanny Ardant en Maria Callas pour Franco Zeffirelli, Guillaume Canet et Diane Kruger dans Joyeux Noël… Un vaste bassin, qui pourrait
temps sa course folle dans un bar du centre-ville, où il a convié ses proches collaborateurs et son ami Corneliu Porumboiu. Le réalisateur de 12 h 08 à l’Est de Bucarest et du Trésor fume clope sur clope. « L’économie précaire nous oblige à penser nos films en conséquence. À ce tariflà, il ne s’agit pas d’autocensure, mais de bon sens. J’ai eu la chance de débuter en 2006, soit six ans après les réformes qui ont permis aux cinéastes débutants d’avoir enfin accès à l’aide du CNC. Avant, seuls les réalisateurs “ à l’ancienne ” pouvaient se lancer. »
ANDREEA CAMPEANU POUR SCL - DORIA DRAGUSIN
« Il y a dans ce bar tout notre cinéma. S’il y a le feu,
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Le réalisateur Cristian Mungiu
terminé, la Nouvelle Vague ! » Tudor Reu, producteur 19 h 00
Cristian Mungiu accueille plusieurs invités dans un restaurant chic de Bucarest. Autour de la table, le Français Alain Guiraudie, venu présenter Rester vertical, Corneliu Porumboiu, ou encore la réalisatrice et actrice iranienne Mania Akbari. Discussions enflammées jusqu’à l’arrivée d’une farandole de desserts qui suspend toutes considérations cinéphiles.
MARDI 18 OCTOBRE
09 h 37 Depuis la fin de la dictature,
vingt-quatre ministres de la culture se sont succédés en vingt-sept ans ! La très vive Corina Suteu, arrivée au printemps et dont le mandat devrait s’achever à l’issue des élections en décembre, dispose d’une marche de manœuvre très relative. Elle veut pourtant y croire. « Tout est à revoir, à commencer par l’exploitation des films. La plupart des salles de cinéma sont transformées en commerces. La restauration des films, elle, est quasi nulle. Impossible de pérenniser notre patrimoine. Enfin, le CNC est totalement isolé du reste de l’Europe. J’ai tout mis à plat et engagé des réformes ! » Les cinéastes interrogés sur les velléités de la ministre laissent échapper un sourire. Il y a bien longtemps qu’ils ne croient plus aux promesses des politiques.
11 h 41 Une voiture s’engouffre dans
les longues artères au sud-est de Bucarest, avant d’atteindre un quartier pavillonnaire sans charme particulier. Au bout d’une petite rue en cul-de-sac, le jeune réalisateur
de 38 ans, Bogdan Mirica (Dogs), tourne la deuxième saison de la série Umbre (Les ombres) produite par HBO Roumanie. Séquence du jour : « Dans un taxi jaune, un chauffeur fait des avances à une femme endimanchée. » Bogdan Mirica enchaîne les prises, cherche le ton juste. Il fait preuve d’un calme olympien. Umbre, dont il est l’auteur, est un thriller mafieux aux accents melvilliens. « J’adore le silence qui pèse dans un film comme Le cercle rouge. Le temps se dilate, le moindre geste prend une importance démesurée et alimente le suspense. » Une représentante de HBO s’approche, une clause de confidentialité à la main. Motus sur les grandes lignes du scénario. On remonte dans les voitures qui filent vers le centre de Bucarest.
14 h 32
L’Université nationale du film de Bucarest accueille une soixantaine d’étudiants par an dans des conditions plutôt confortables. Le jeune directeur entraîne le visiteur dans un dédale de salles dotées d’un équipement moderne. Parmi les parrains de l’Université, on reconnaît le portrait de l’excentrique anglais Peter Greenaway. Pour préparer l’avenir, les étudiants doivent d’abord se familiariser avec les techniques d’hier. Ainsi, chacun se doit de réaliser un court métrage en pellicule, 16 ou 35 mm. À l’heure où le Celluloïd a été supplanté par le tout numérique, le choix peut surprendre. Une des responsables du département développement explique : « Tenir ses images dans ses mains
créait un rapport charnel et sacré avec le film. C’est important que les étudiants ressentent cela. » Dans les couloirs, différents ateliers permettent d’observer un vaste work in progress, depuis la répétition de deux comédiens installés sur les marches des escaliers qui mènent aux étages, jusqu’à la projection test avec les autres étudiants, en passant par le tournage et le montage. De quoi sera fait le cinéma roumain de demain ? La nouvelle génération, moins « connectée » au passé douloureux de la Roumanie de Ceausescu, biberonnée au cinéma américain qui pullule sur les écrans mais sensibilisée au cinéma d’auteur européen sur les bancs de l’école, devrait ouvrir le champ des possibles. Et, pourquoi pas, réinvestir les grands studios du temps jadis, oser le cinéma de genre comme l’a si bien fait Bogdan Mirica avec Dogs ? « C’est vrai que la plupart des films roumains présentés dans les festivals se passent dans des petits appartements de la banlieue de Bucarest ou dans une voiture. Certains cinéastes vont sûrement vouloir prend un bon bol d’air », conclut une jeune productrice. Le ciel est pour l’heure dégagé. Reste aux auteurs et aux institutions de voir toujours plus haut et plus fort.
18 h 00
L’avion décolle de l’aéroport de Bucarest. Les images ont définitivement les couleurs du réel. Ni toutes roses, ni toutes grises. n Baccalauréat De Cristian Mungiu • Avec Adrian Titieni, Maria Dragus… • 2 h 08 • Sortie : 7 décembre STUDIO CINÉ LIVE I 65
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ACTU
ren contre
Matthieu DELAPORTE
Alexandre DE LA PATELLIÈRE
LE GAG OU LE RIRE
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La meilleure comédie française de l’année s’intitule Papa ou maman 2, et elle sort ce mois-ci. Pour Studio Ciné Live, ses deux auteurs, Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière, ont sélectionné dix comédies françaises qu’ils admirent et qui les ont inspirés. Propos recueillis par Laurent Djian Photos Laurent Doyen pour SCL STUDIO CINÉ LIVE I 67
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ACTU I RENCONTRE
L
a porte de Fargo films s’ouvre sur les deux scénaristes, qui entonnent en chœur un joyeux « Bienvenue !». « Le brun, c’est Alexandre, embraye un grand type à lunettes en caressant sa barbe aux reflets roux. Moi, c’est Matthieu. » Ils se sont croisés pour la première fois en 1996, et depuis, ils ne se quittent plus. De la Patellière et Delaporte se font un nom grâce au Prénom, une pièce de théâtre à succès qu’ils transposent euxmêmes au cinéma. Ce mois-ci, avec Papa ou maman 2, comédie d’une dinguerie hilarante dont ils avaient déjà écrit le premier volet, ils confirment leur statut de duo d’auteurs le plus en vue du moment. Et se lancent dans l’exploration des comédies françaises auxquelles ils sont attachés.
LES TONTONS FLINGUEURS DE GEORGES LAUTNER (1963)
Alexandre de La Patellière : Michel Audiard fait partie de mon héritage. Je suis trop jeune pour l’avoir rencontré, mais mon père [le réalisateur Denys de la Pattelière, NDLR] a travaillé avec lui pen-
dant une dizaine d’années et m’a raconté une foule d’anecdotes. Il n’est d’ailleurs que dialoguiste sur ce film. Mais quels dialogues ! C’est un poète, l’un des très rares avec Jacques Prévert, à avoir inventé une langue inimitable. Matthieu Delaporte : Les tontons flingueurs propose une double lecture : il parodie le cinéma de la fin des années 50 et du début des années 60 alors qu’il en est devenu un symbole. Ces vieux bandits un peu largués, relégués dans la cuisine, tandis que les jeunes s’amusent dans le salon, n’est-ce pas une mise en abyme de ce vieux cinéma, ringardisé par la nouvelle vague, qui se moque de luimême ? Il faut se souvenir que le film a été décrié à sa sortie, alors qu’il traverse les époques de manière miraculeuse. Les jeunes, pourtant nourris d’autres références, adhèrent encore aujourd’hui. Un exemple pour nous.
UN ÉLÉPHANT, ÇA TROMPE ÉNORMÉMENT D’YVES ROBERT (1976)
Alexandre de La Patellière : Jean Rochefort ridicule en cavalier séducteur, Guy Bedos harcelé par sa mère et qui se tape
ses patientes… Jean-Loup Dabadie, l’auteur du film, a toujours préféré les antihéros, sur lesquels il porte un regard bienveillant, aux mâles triomphants. On partage ce point de vue avec lui. Ces personnages se débrouillent tant bien que mal, ils sont bourrés de défauts, et pourtant on les aime, dans toute leur fragilité et leur maladresse. Je considère Un éléphant… comme une variation comique de Vincent, François, Paul et les autres, que Dabadie a écrit pour Claude Sautet. Il est, de plus, très ancré dans son époque… Matthieu Delaporte : Au point que j’ai l’impression de voir mon père avec ses costards, son cigare aux lèvres et sa bagnole sans ceinture de sécurité. C’est justement parce qu’il marque son époque et décrit parfaitement la France giscardienne que ce film est aussi universel. Papa ou maman ou Le prénom évoquent aussi des problématiques d’aujourd’hui, comme le divorce ou les enfants rois. Alexandre de La Patellière : Les films signés Jean-Loup Dabadie se situent toujours dans un milieu bourgeois. Et en France, bien souvent, quand tu t’intéresses aux bourgeois, on considère que tu fais un cinéma bourgeois. Matthieu Delaporte : De notre côté, on assume. On vient de la bourgeoisie parisienne, et on se sent plus légitimes de parler de ce que l’on connaît. Les premiers lecteurs du Prénom nous ont mis en garde : « Trop bobo, trop nombriliste. Cinq personnes qui discutent dans un appartement, qui font des références à Benjamin Constant, franchement, ça va intéresser qui à part vos potes ? » Nous, on ne se pose jamais la question du public quand on écrit, on essaie juste de faire rire, en réfléchissant sur ce qui nous fait rire. Alexandre de La Patellière : Ironie du sort : la pièce voyage partout dans le monde. Plus on fouille dans son intimité, plus on dévoile ce qui nous est proche, et plus on touche les gens.
BUFFET FROID
« je salue le génie de depardieu. Pour moi, C’est un auteur. » Alexandre de la patellière 68 I STUDIO CINÉ LIVE
Alexandre de La Patellière : C’est le tout premier film dont on a parlé ensemble quand on s’est rencontrés, il y a déjà vingt ans. Matthieu Delaporte : J’ai pris un coup de tomahawk dans la tronche quand je l’ai vu, à 19 ans, dans un ciné-club. J’ai été fasciné par son univers étrange, sa langue, le phrasé des acteurs. C’est un
ANTOINE DOYEN POUR SCL
DE BERTRAND BLIER (1979)
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« le cinéma de blier est un théâtre de l’absurde qui m’a donné envie d’écrire. Sa liberté m’enchante. » Matthieu delaporte théâtre de l’absurde qui m’a donné envie d’écrire, qui m’a ouvert une fenêtre. J’ai alors découvert qu’on avait le droit de parler de manière aussi peu naturaliste dans un film. Et même d’inventer des dialogues pour un type avec un couteau planté dans le ventre. La liberté de Bertrand Blier m’enchante, j’ai d’ailleurs débuté en écrivant des choses beaucoup moins réalistes qu’aujourd’hui. Alexandre de La Patellière : Blier nous fait entrer dans la tête de ses personnages, il fait rire avec des choses cruelles et tragiques. La théâtralité de son cinéma nous a influencés. J’aime son sens de l’ellipse et sa manière de faire durer les scènes. C’est par ailleurs un grand formaliste, un cinéaste inclassable dont les films échappent au genre.
LA CHÈVRE
ANTOINE DOYEN POUR SCL
DE FRANCIS VEBER (1981)
Matthieu Delaporte : Un modèle de scénario. Au même titre que L’emmerdeur (la version avec Brel et Ventura) ou Le dîner de cons. Ce sont des comédies ramassées, sans gras, sans temps mort, qui filent à toute vitesse. Tout est réfléchi, il n’y a rien à enlever. Un rythme qu’Alexandre et moi
gardons à l’esprit, et qu’on s’applique à retrouver quand on écrit. Alexandre de La Patellière : Sans son mythique duo d’acteurs, le film n’existe pas. De même que Brice et OSS 117 n’existent pas sans Dujardin. Je voudrais vraiment saluer le génie de Depardieu. Dans les années 80, il se fondait dans les univers de cinéastes aussi différents que Pialat, Blier, Truffaut ou Zidi. On peut d’ailleurs carrément lui octroyer le statut d’auteur. Imaginez un monde parallèle dont serait absent Depardieu. Notre rapport au cinéma s’en trouverait totalement et tristement modifié.
VIENS CHEZ MOI, J’HABITE CHEZ UNE COPINE DE PATRICE LECONTE (1981)
Matthieu Delaporte : Les années 80, c’était le début de la crise, du chômage, des looks pas possibles. C’était une époque foireuse mais heureuse, que dépeint formidablement le film. Les personnages me touchent, ce sont des ratés, des antihéros flamboyants, des Big Lebowski à la française. Alexandre de La Patellière : Ce type de comédie légère et populaire n’a plus tel-
lement d’équivalents aujourd’hui, c’est dommage. J’en aime son insouciance et son humanité. On en sort heureux. Matthieu Delaporte : Le thème de l’amitié nous parle évidemment. On passe notre vie ensemble : on part parfois en vacances avec nos familles respectives, on travaille l’un en face de l’autre. Alexandre de La Patellière : On réfléchit aux scènes séparément, Matthieu est alors le premier spectateur de ce que j’ai écrit, et vice versa. On échange, on rature, on fait une synthèse et on reconstruit ensemble. Matthieu Delaporte : On a une relation très forte, mais libre. Un illustre inconnu, par exemple, je l’ai réalisé et Alexandre l’a produit. Une aventure à deux comporte des avantages : on se sent moins seul en cas de bide, et on est content de partager sa joie en cas de succès.
LE PÈRE NOËL EST UNE ORDURE
DE JEAN-MARIE POIRÉ (1982)
Matthieu Delaporte : Je me souviens d’avoir vu la captation avec mes frères et sœurs, et on riait tellement qu’on n’entendait que la moitié des répliques. C’est STUDIO CINÉ LIVE I 69
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ACTU I RENCONTRE
« les nuls créaient en toute liberté. Ils ont révolutionné le rire en france. » Alexandre de la pattelière La cité de la peur D’ALAIN BERBÉRIAN (1994)
Les tontons flingueurs
LA VIE EST UN LONG FLEUVE TRANQUILLE D’ÉTIENNE CHATILIEZ (1988)
Matthieu Delaporte : On aurait aussi pu citer Tanguy, du même Chatiliez, sans doute plus proche de Papa ou maman dans sa façon acide de s’emparer d’un sujet de société. N’empêche, La vie est un long fleuve tranquille m’a davantage marqué. La partie avec les Le Quesnoy me semble toutefois plus réussie que la partie chez les Groseille. Alexandre de La Patellière : Issu d’une famille de gauche, athée, j’ai pourtant étudié dans un établissement privé, de droite, au milieu de prêtres. Et croyez-moi, la peinture de la tribu Le Quesnoy par Chatiliez est juste. Il sait de quoi il parle. Matthieu Delaporte : Il se moque d’eux, il les tourne en ridicule avec une cruauté jubilatoire, mais il a l’élégance de ne jamais les rendre détestables. Chapeau.
Buffet froid
Le goût des autres D’AGNÈS JAOUI (2000)
Viens chez moi, j’habite chez une copine
UN MONDE SANS PITIÉ D’ÉRIC ROCHANT (1989)
Alexandre de La Patellière : Le film de toute une génération. Il m’a tellement retourné que je l’ai vu trois fois en une semaine. Est-ce une comédie ? Je n’en sais rien, mais j’ai énormément ri. Les personnages parlent avec des codes qui me semblaient être les miens. Matthieu Delaporte : Moi, je l’ai découvert par hasard, je m’étais trompé de salle ! Il ne ressemble à aucun autre film de son époque, sa poésie et son romantisme m’ont ébloui. Il a même attiré dans les salles un public peu habitué au cinéma d’auteur. Alexandre de La Patellière : À noter, la présence au scénario d’Arnaud Desplechin. Ce n’est pas un auteur de comédies, mais certaines scènes de ses films nous font beaucoup rire et nous inspirent, comme celles, délirantes, entre Amalric et la psy dans Rois & reine. 70 I STUDIO CINÉ LIVE
Matthieu Delaporte : J’adore le film comme j’adore l’univers trash, potache et ultra-déconnant d’Objectif Nul. J’enregistrais tous les épisodes. Alexandre de La Patellière : Les Nuls créaient en toute liberté, ils inventaient des gags improbables, ils ont révolutionné le rire en France. On les considérait comme nos grands frères de comédie, tout le monde voulait bosser avec eux. Ou du moins à Canal. Matthieu a d’ailleurs écrit des sketchs pour « Le vrai journal », de Karl Zéro, et moi j’ai dirigé le développement de longs métrages pour la société de Dominique Farrugia, un homme dont les années n’atténuent pas l’enthousiasme.
Le Père Noël est une ordure
Un monde sans pitié
Le goût des autres
Matthieu Delaporte : Les Bacri-Jaoui restent les maîtres de la satire sociale et intello. Ils osent des blagues sur l’art contemporain, le théâtre ou la politique, des thèmes absents de la comédie traditionnelle. C’est brillant, fin, jouissif. On peut néanmoins leur reprocher, parfois, une tendance à la moralisation, en pointant du doigt les méchants. Or dans la satire, je préfère l’autoflagellation à la flagellation. Alexandre de La Patellière : On fonctionne de la même manière qu’eux, en tandem. On a aussi connu les mêmes déceptions qu’eux. Quand je vois Cuisine et dépendances, la réalisation ne me paraît pas à la hauteur de la pièce et ils doivent en avoir conscience. Et c’est une sensation violente de constater que des producteurs ou un cinéaste ont dénaturé un scénario sur lequel on a planché des mois durant. C’est comme pour un enfant : le confier à une autre personne pendant deux ans, et ne plus le reconnaître quand on le récupère. Le trouver trop sage, ou mal élevé. Agnès Jaoui a fini par se lancer dans la mise en scène. Nous aussi, désormais, on s’implique systématiquement dans les autres étapes d’un film. J’ai notamment produit Papa ou maman 2, histoire de garder un œil sur le tournage, le montage, et de pouvoir partager nos idées avec Martin Bourboulon, le réalisateur. Le résultat final correspond totalement à nos attentes. n Papa ou maman 2 De Martin Bourboulon • Avec Marina Foïs, Laurent Lafitte… • Sortie : 7 décembre
PROD DB/GAUMONT-PROD DB/SARA FILM-PROD DB/FILMS CHRISTIAN FECHNER-PROD DB/TRINACRA/FILMS DU SPLENDID-PROD DB/LAZENNEC-PROD DB/FILMS A4
le genre de film piège, comme Les bronzés font du ski : si tu poses une fesse pour en regarder une scène, tu restes forcément jusqu’au bout. Alexandre de La Patellière : En le revoyant, j’ai constaté qu’il était incroyablement respectueux de sa matière première. La pièce se déroule dans un lieu unique, le film également, qui assume ses origines théâtrales. C’est l’une des grandes leçons que l’on a retenue pour l’adaptation du Prénom au cinéma.
INTENSE
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“
”
LE MONDE
DU GRAND CINÉMA LE FIGARO
“
”
UN CHEF-D’ŒUVRE LE PARISIEN
“
”
ÉCRIT ET RÉALISÉ PAR
CRISTIAN MUNGIU
7 DÉCEMBRE
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ACTU I PORTRAIT
Ancien GI et diplômé de l’université de Juilliard, il brille sur petit et grand écran. Révélé par Girls, le Kylo Ren de Star Wars incarne un chauffeur de bus poète dans Paterson, de Jim Jarmusch. Récit d’un parcours hors norme. Par Thierry Cheze Photo philippe quaisse pour SCL
O
ù rencontre-t-on les ar- deux ans dans les Marines. Et c’est là, tistes lors du Festival de de manière inattendue, que renaît le déCannes ? Généralement sir de devenir comédien. « Lors d’une sur des plages privatisées manœuvre, un obus est tombé à ou dans des suites d’hô- quelques centimètres de moi. J’ai vraitels au même goût pour le ment cru y rester et, dans mon esprit, a bling-bling rutilant. Mais, soudain ressurgi l’obsession de jouer. » pour trouver Adam Driver, en cette Quelques mois plus tard, un plexus fracaprès-midi de mai, il fallait s’éloigner de turé après une chute en VTT l’empêche, la Croisette et se faufiler dans une rési- à regret, de partir servir en Irak. dence discrète. Là, son immense sil- Retour forcé à la vie civile où il retente le houette se dessine dès l’abord d’un concours de Juilliard, cette fois avec sucgrand parc. Hasard ou coïncidence, le cès. « Cette école m’a appris à apprendre. garçon a beau enchaîner les films, il goûte avec gourmandise une certaine discrétion. Et ressemble au personnage qu’il incarne dans Paterson : un conducteur de bus poète, amoureux de sa compagne et des mots. Comme un portrait en creux de son interprète. Ce fils de pasteur a grandi dans une petite ville du Midwest à la vie culturelle proche du néant. L’ado est turbulent, mais se construit une cinéphilie sur le tas grâce aux 2 500 cassettes À bouger mon corps. À écouter. À me disVHS de son grand-père. « J’ai découvert cipliner ». Une fois son diplôme en poche, Fellini, Bertolucci, Rohmer, Haneke, Al- Adam Driver passe vite à la phase pramodóvar, tout en me régalant devant tique en jouant Angels in America sur L’arme fatale. » Un grand écart qui préfi- scène, alors qu’il débute sur grand écran gure son goût pour des compositions dans J. Edgar, d’Eastwood. Puis, il tape d’acteur très variées. Et qui lui donne en- dans l’œil de Lena Dunham lors des auditions de Girls et, depuis six vie de tenter, après le lycée, le saisons, incarne le petit ami concours d’entrée à l’école de acteur de l’héroïne. « Cette séthéâtre de la prestigieuse unirie m’a ouvert toutes les versité de Juilliard. Sans suc2013 Inside Llewyn portes. » Pas n’importe lescès. Il décide alors de partir à Davis, de Joel et Ethan quelles. On le voit chez SpielLos Angeles, au volant de sa Coen berg et les frères Coen, mais Lincoln. Mais il rentre au bout 2015 Hungry Hearts, de Saverio Costanzo c’est avec Noah Baumbach de dix jours, compte en 2015 While We’re Young, qu’il trouve au cinéma le parbanque à sec. de Noah Baumbach fait prolongement de Girls Le rêve hollywoodien s’en- 2015 Star Wars : le réveil avec Frances Ha et While vole. Le cauchemar du 11de la force, de J.J. Abrams 2016 Midnight Special, We’re Young. Il obtient le prix Septembre l’entraîne alors de Jeff Nichols d’interprétation à Venise dans sur un autre terrain, puisqu’il Hungry Hearts. décide de s’engager pour
Puis surgit Star Wars. Le genre de proposition qu’on ne peut pas refuser. Quoique. « J’ai longtemps hésité. Pour des questions de planning, mais aussi parce qu’il n’y avait aucun scénario à lire. Seule la présence de J.J. Abrams m’a décidé à accepter. Fan de la saga, j’avais évidemment peur, mais cette angoisse participe aussi au plaisir qu’on prend à jouer. » Tout le contraire de Paterson. L’homme aime décidément les contrastes. « Les scénarios de Jim ont ceci de fascinant qu’ils posent plus de questions qu’ils n’apportent de réponses. » Mais avant même de le lire, Adam Driver avait dit oui à ce cinéaste qu’il admire. « Je ne vois rien de plus excitant pour un acteur que d’être à l’écoute, surtout face à une partenaire comme Golshifteh Farahani. Ce métier a ceci d’étrange qu’en un claquement de doigts, vous êtes censé créer une intimité avec quelqu’un que vous n’avez jamais rencontré. Elle a rendu ce processus d’une simplicité inouïe. » Adam Driver est tout à la fois marathonien et sprinteur. Dans les mois qui viennent, on le retrouvera dans Silence, de Scorsese, Logan Lucky, de Soderbergh, et l’épisode VIII de Star Wars. À Cannes, il aspirait pourtant à une pause. « Je dois recharger mes batteries. Même si j’ai bien conscience que ce sont des problèmes de riche. » On l’imagine volontiers passer à la réalisation. La réponse ne laisse guère de doute. « J’ai rencontré trop de cinéastes majeurs. À quoi bon me lancer pour encombrer la profession d’un nouveau réalisateur, alors que ma manière de voir le monde est bien moins passionnante que la leur ? » C’est en faisant l’acteur qu’Adam Driver écrit son œuvre à lui. Singulière. Passionnante. Éclairante. n
ADAM DRIVER TOUT-TERRAIN FilmO
72 I STUDIO CINÉ LIVE
Paterson De Jim Jarmusch • Avec Adam Driver, Golshifteh Farahani… • Sortie : 14 décembre
GER - EXEMPLAIRE NUMERIQUE
« Les scénarios de Jim ont ceci de fascinant qu’ils posent plus de questions qu’ils n’apportent de réponses. »
2016 TM LUCASFILM LTD
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74 I STUDIO CINÉ LIVE
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STAR WARS tout l’art de ralph McquaRrie porTFOLIo
Un ouvrage présente les croquis et illustrations de L’Empire contre-attaque, réalisés par le dessinateur historique de la saga entre 1975 et 1978. Retour aux origines, alors que Rogue One : A Star Wars Story sort en salle le 14 décembre.
STUDIO CINÉ LIVE I 75
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CASQUE DE SNOWTROOPER Croquis. DARK VADOR Croquis.
PORT SPATIAL DE MOS EISLEY ET FAUCON MILLENIUM VERSION 2. Illustration.
GEORGE LUCAS ET RALPH MCQUARRIE
photographiés par Ed Summer (1975).
76 I STUDIO CINÉ LIVE
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PORTFOLIO I RALPH McQUARRIE
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SUPERTROOPER Dessin.
PILLARD TUSKEN (HOMME DES SABLES) Croquis.
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PORTFOLIO I RALPH McQUARRIE
X-WING DANS LA TRANCHÉE
Affiche du fan-club officiel de Star Wars. Illustration.
78 I STUDIO CINÉ LIVE
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SCÈNE DE LA CUVE DE BACTA Croquis.
CHEWBACCA AVEC UN FUSIL-LASER
R2-D2 Dessins.
Croquis.
STUDIO CINÉ LIVE I 79
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PORTFOLIO I RALPH McQUARRIE YODA
Croquis.
BATAILLE DE LA PLANÈTE DE GLACE
SNOWSPEEDER
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HANGAR DES REBELLES SUR LA PLANÈTE DE GLACE
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80 I STUDIO CINÉ LIVE
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LOGO DES T-SHIRTS DE L’ÉQUIPE DE TOURNAGE
Illustration.
STAR WARS : TOUT L’ART DE RALPH MCQUARRIE,
éditions Huginn & Muninn, 400 pages, 75 euros. STUDIO CINÉ LIVE I 81
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Nancy (Blake Lively) surfe en solitaire sur une place isolée lorsqu’elle est attaquée par un grand requin blanc. Elle se réfugie sur un rocher, hors de portée du squale. Elle a moins de 200 mètres à parcourir à la nage pour être sauvée, mais regagner la terre ferme sera le plus mortel des combats...
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CRITIQUES OOOOO chef-d'œuvre
OOOO À vOir absOlument
OOO BOn film
OO pas mal
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ø ON ÉvITE
film du mois
MANCHESTER BY THE SEA OOOO
UN DRAME MAGISTRAL ET POIGNANT PORTÉ PAR UN CASEY AFFLECK EN ÉTAT DE GRÂCE. DRAMATURGE CÉLÉBRÉ outre-Atlantique, coauteur, entre autres, des scénarios de Gangs of New York pour Martin Scorsese et de Mafia Blues pour Harold Ramis, Kenneth Lonergan reste injustement méconnu en France. Et plus encore lorsqu’on évoque son travail comme réalisateur, en dépit de deux films de bonne facture : Tu peux compter sur moi (nommé à deux reprises aux Oscars), en 2000, et Margaret, en 2008. Pour ce dernier, Lonergan avait dû batailler pendant plus de trois ans pour
que soit distribuée en salle sa version et non celle, plus courte, souhaitée par la Fox. Après cette victoire à la Pyrrhus, on se doute que Lonergan n’a plus guère été en odeur de sainteté à Hollywood. Ce qui explique sans doute en grande partie pourquoi il a fallu attendre huit ans pour avoir de ses nouvelles. Mais les années n’ont en rien diminué sa maestria. Bien au contraire ! Manchester by the Sea (du nom de la ville du Massachusetts où se déroule son action) est une fresque intime d’une
pudeur renversante. Produite par Matt Damon, qui a failli la réaliser, puis en tenir le rôle central avant de le confier – pour des questions d’agenda – à son pote Casey Affleck, elle met en scène Lee, un jeune homme vivant à Boston contraint de revenir sur les terres de son enfance après la mort de son frère. Ce retour va le confronter à un souvenir qui a brisé sa vie : l’incendie accidentel qu’il a causé quelques années plus tôt et qui a provoqué la mort de son enfant et l’implosion de son couple. STUDIO CINÉ LIVE I 83
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CRITIQUES
Kenneth Lonergan démontre une fois de plus l’immense qualité de son travail d’auteur. Son scénario est d’une rare ambition : le foisonnement de seconds rôles et de flash-backs subtilement distillés offrent un écrin fastueux à la tentative de reconstruction, presque malgré lui, de son personnage principal, contraint de devenir le tuteur du fils de son frère (Lucas Hedges, une révéUne ville lation saisissante). accueillante Mais avec ManManchester-by-the chester by the Sea, Sea a accueilli pluLonergan franchit sieurs tournages un cap. Jamais, avant celui-ci: Dislors de ses deux moi que tu m’aimes, films précédents, Junie Moon, de Pre- sa mise en scène minger, avec Liza ne s’était hissée Minelli (photo), Les ainsi à la hauteur deux sirènes, avec de ses talents de Winona Ryder, scénariste. La préHors de contrôle, cision au scalpel avec Mel Gibson… des cadres, l’élégance des mouvements de caméra, la beauté de la photographie de Jody Lee Lipes (Martha Marcy May Marlene) et l’utilisation savante des grands morceaux de musique classique peuplant sa bande originale éloignent ce mélo de toute facilité lacrymale. Même s’il est à pleurer de beauté.
NOTRE
Comme il l’avait montré dans Margaret, Lonergan aime traiter de la culpabilité, appuyer là où ses personnages ont mal, en ne cherchant pas à rejoindre à tout prix le chemin de la rédemption. Voilà pourquoi son cinéma, et particulièrement Manchester by the Sea se révèle tout à la fois doux, âpre et violent à force de voir son héros refuser les bras qui se tendent vers lui pour aller au bout d’un parcours qu’il s’est lui-même imposé. Ce drame oscille en permanence entre saillies pleines d’humour (les échanges entre le jeune oncle et son neveu, serial dragueur au charme piquant et espiègle) et moments poignants, comme celui des retrouvailles entre Lee et son ex-femme (superbe Michelle Williams), elle-même dévorée depuis des années par le re-
mords d’avoir fait de cet homme le bouc émissaire injuste de ce drame. Enfin, pour couronner le tout, cette leçon de scénario et de cinéma en est aussi une d’interprétation. Casey Affleck, rarement vu en fâcheuse posture de ce côté-là,se positionne comme l’un des favoris à l’Oscar du meilleur acteur, tant il habite l’écran d’un charisme brisé inouï dès qu’il paraît. Avec Manchester by the Sea, le nom de Kenneth Lonergan va enfin traverser les frontières. Non content d’avoir signé le plus beau de ses trois films, il offre surtout l’un des sommets de cette année cinéma. Un « instant classic », comme disent les Américains. n Thierry Cheze De Kenneth Lonergan • Avec Casey Affleck, Michelle Williams… • 2 h 15 • 14 décembre
TOP 5 #DÉCEMBRE 2016
1
MANCHESTER BY THE SEA
2
3
BACCALAURÉAT
De Kenneth Lonergan, p. 83 Sortie : 14 décembre
PERSONAL SHOPPER
D’Olivier Assayas, p. 93 Sortie : 14 décembre
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84 I STUDIO CINÉ LIVE
4
5
De Cristian Mungiu, p. 90 Sortie : 7 décembre
BALLERINA
D’Eric Warin et Eric Summer, p. 92 Sortie : 14 décembre
PAPA OU MAMAN 2
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De Martin Bourboulon, p. 87 Sortie : 7 décembre
RUE DES ARCHIVES/BCA
Seuls les films vus par un minimum de quatre journalistes peuvent entrer dans le top 5.
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54
Les films de décem bre
À L’AFFICHE
L’INTÉGRALE DES FILMS CRITIQUÉS DU MOIS, EN ÉTOILES ET EN COULEUR.
14 DÉC
07
21
DÉC
28
DÉC
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Baccalauréat De Cristian Mungiu, p. 90
OOO
Algérie du possible De Viviane Candas, p. 86 À jamais De Benoît Jacquot, p. 86 Bienvenus ! De Rune Denstad Langlo, p. 92 Carole Matthieu De Louis-Julien Petit, p. 91 Papa ou maman 2 De Martin Bourboulon, p. 87 Premier contact De Denis Villeneuve, p. 88 The Music of Strangers : Yo-Yo Ma and the Silk Road Ensemble De Morgan Neville, p. 86 Tikkoun D’Avishai Sivan, p. 91
O
Go Home De Jihane Chouaib, p. 91 Sex Doll De Sylvie Verheyde, p. 86
ø
Absolutely Fabulous - le film De Mandie Fletcher, critique SCL 84 La danse des accrochés De Thibault Dentel, p. 91 Salt and Fire De Werner Herzog, p. 86
04
DÉC
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Quand une femme monte l’escalier De Mikio Naruse, p. 97, 21/12
OOOO
Manchester by the Sea De Kenneth Lonergan, p. 83, 14/12 Personal Shopper D’Olivier Assayas, p. 93, 14/12
OOO
Amour De Karoly Makk, p. 94, 21/12 Ballerina D’E. Warin et E. Summer, p. 92, 14/12 Heart of Glass De J. de Gerlache, critique SCL 83, 14/12 La prunelle de mes yeux D’Axelle Ropert, p. 97, 21/12 Une semaine et un jour D’Asaph Polonsky, p. 94, 14/12
OO
À fond De Nicolas Benamou, p. 97, 21/12 La bataille géante de boules de neige De J.-F. Pouliot et F. Brisson, p. 94, 21/12 Cigarettes et chocolat chaud De Sophie Reine, p. 92, 14/12 La jeune fille sans mains De S. Laudenbach, p. 94, 14/12 Joyeux bordel ! De J. Gordon et W. Speck, p. 98, 21/12 Mapplethorpe De F. Bailey et R. Barbato, p. 98, 21/12 Le ruisseau, le pré vert et le doux visage De Yousry Nasrallah, p. 98, 21/12 Wonderland De B. Jaberg…, critique SCL 80, 14/12
JAN
OOO
American Pastoral D’Ewan McGregor, p. 99 Diamond Island De Davy Chou, p. 100 Fais de beaux rêves De Marco Bellocchio, p. 98 Hedi De Mohamed Ben Attia, p. 99
OO
Your Name De Makoto Shinkai, p. 98
O
L’ami, François d’Assise et ses frères De Renaud Fely et Arnaud Louvet, p. 98 Le cœur en braille De Michel Boujenah, p. 98 L’élan D’Étienne Labroue, critique SCL 79, 21/12 Le fondateur De John Lee Hancock, p. 99
OOO
Neruda De Pablo Larraín, p. 103 Primaire D’Hélène Angel, p. 100
OO
Beyond Flamenco De Carlos Saura, p. 102 Chanda, une mère indienne D’Ashwiny Iyer Tiwari, p. 102 Mountain De Yaelle Kayam, p. 102 Nocturnal Animals De Tom Ford, p. 103 Le parc De Damien Manivel, p. 102 Quelques minutes après minuit De Juan Antonio Bayona, p. 102 3000 nuits De Mai Masri, sur le web La vallée des loups De Jean-Michel Bertrand, p. 102
O
Faut pas lui dire De Solange Cicurel, p. 102
O
Souvenir De Bavo Defurne, p. 94, 21/12 Timgad De Fabrice Benchaouche, p. 98, 21/12
ø
Juste après les larmes De Tiburce, p. 94, 21/12
Avis partagés
OOOO/O
Paterson De Jim Jarmusch, p. 96, 21/12
OOOOO chef-d'œuvre
OOOO À vOir absOlument
PAS VUS…
Faute de projection dans les temps, les films suivants ne sont pas chroniqués dans
ce numéro : Demain tout commence, d’Hugo Gélin (7 décembre), Rogue One : A Star Wars Story, de Gareth Edwards et La nuit rebelle, de Michel Leviant (14 décembre), Assassin’s Creed, de Justin Kurzel, Beauté cachée, de David Frankel, Monster Cars, de Chris Wedge et Norm, de Trevor Wall (21 décembre), Centaure, d’Aktan Arym Kubat, Passengers, de Morten Tyldum et Père fils thérapie !, d’Emilie Gaudreault (28 décembre) et Paul Sharits, de François Miron (4 janvier). Retrouvez ces critiques le jour de leur sortie sur studiocinelive.com.
OOO BOn film
OO pas mal
O bOf
ø ON ÉvITE STUDIO CINÉ LIVE I 85
GER - EXEMPLAIRE NUMERIQUE
07 CRITIQUES DÉC
Et aussi
Sex Doll O
De Sylvie Verheyde • 1h42
À JAMAIS OOO
LE GLISSEMENT VERS LA FOLIE D’UNE JEUNE FEMME ENDEUILLÉE.
COMMENT REPRÉSENTER le diffus et faire apparaître ce qui ne peut se matérialiser ? Benoît Jacquot se confronte à ces interrogations dans cette adaptation de The Body Artist de Don DeLillo, où une artiste performeuse se retrouve hantée par la présence de son amant cinéaste décédé. Sur ce thème, Jacquot signe un huis clos clivant : la moitié de notre rédaction s’y est ennuyée. Mais c’est sa radicalité qui permet aussi de se laisser happer par le glissement vers
la folie de cette jeune femme fabriquant ce revenant pour accompagner son deuil. Précision des cadrages, utilisation subtile d’une B.O. à la Bernard Herrmann (Psychose), refus de tout effet spécial : la maîtrise de sa mise en scène offre le plus beau des écrins à l’interprétation de Julia Roy, par ailleurs coscénariste de cet À jamais. Une (autre) belle apparition.n T.C. De Benoît Jacquot • Avec Julia Roy, Mathieu Amalric… • 1 h 26
Algérie du possible OOO De Viviane Candas • 1h22
coup de griffe SALT AND FIRE ø
THE MUSIC OF STRANGERS OOO
D’UN CÔTÉ, des méchants masqués, dont Michael Shannon, trahi par son regard pénétrant. De l’autre, de gentils écolos en mission onusienne en Bolivie pour constater les dégâts d’un consortium pas très taxe carbone. Au milieu, la caméra de Werner Herzog (Aguirre, Fiztcarraldo et, plus proche de nous, le délirant Bad Lieutenant : Escale à la Nouvelle-Orléans). Le scénario est édifiant, l’interprétation, grossière, et le fin mot de ce faux suspense, risible. Un Herzog ras des pâquerettes, en somme. n Thomas Baurez
LE RÉALISATEUR de l’emballant 20 Feet from Stardom raconte avec humour et émotion la création du Silk Road Ensemble, collectif musical et multiculturel, par le violoncelliste Yo-Yo Ma. Son doc se penche sans misérabilisme sur le parcours des musiciens, marqués par les événements dramatiques de leurs pays respectifs. Et s’interroge judicieusement sur la musique, sa capacité d’adoucir les mœurs, et le rapprochement entre les peuples qu’elle fait naître. n Véronique Trouillet
De Werner Herzog • Avec Michael Shannon… • 1 h 33
De Morgan Neville • Avec Yo-Yo Ma, Wu Man… • 1h36
86 I STUDIO CINÉ LIVE
Virginie (Hafsia Herzi) amasse de l’argent en tant qu’escort. N’y perdelle pas son âme ? Une question que pose ce film, où la cinéaste a le tact de ne pas juger son héroïne. Hélas, le scénario sonne creux et la tentative de polar (avec apparition d’un ange gardien mystérieux) frise le grotesque. n Laurent Djian
En revenant sur les conditions suspectes du décès de son père, anticolonialiste et avocat du FLN, lors d’un accident de la route en 1966, Viviane Candas signe un documentaire passionnant sur les années riches en règlements de compte – mais peu traitées au cinéma – qui ont suivi l’indépendance de l’Algérie. n T.C. Version longue de ces critiques sur Studiocinelive.com
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PAPA OU MAMAN 2 OOO
LE RETOUR D’UN COUPLE QU’ON AIME DÉTESTER. UNE BELLE MACHINERIE DE COMÉDIE.
MARTIN BOURBOULON
RÉSUMONS. Après s’être battus pour ne pas obtenir la garde de leurs enfants, les Leroy ont enfin divorcé sereinement. Ils habitent dans deux maisons très proches, et leurs enfants sautent sans arrêt d’un foyer à l’autre. Mais de nouveaux conjoints compter sur l’apparition de nouveaux conjoints… Deux ans après Papa ou maman et son pitch subversif, Martin Bourboulon (le réalisateur) et Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte (les scénaristes) tentent donc le challenge cassegueule de la suite, en ayant l’intelligence d’aller chercher des ressorts différents, préférant jouer sur la jalousie que sur la
simple dispute. On se retrouve alors au cœur d’une pure screwball comedy, ce genre si populaire pendant la Grande Dépression des années 30 aux États-Unis et source de situations décalées et désopilantes. Les répliques sont cinglantes et valsent comme des assiettes que le couple se jette à la figure. On prend aussi plaisir à retrouver ce duo de comédie pour ce qu’il a d’odieux. Laurent Lafitte et Marina Foïs jouent ces héros qu’on aime détester. Perclus de mauvaise foi, prêts à toutes les bassesses, ils paraissent sans limites. Les comédiens ne cherchent d’ailleurs jamais à sauver leurs personnages et se délectent au contraire de leurs excès. Le premier conjugue souvent dans un unique rictus charme, méchanceté et remords. Sa partenaire se révèle une sorte de De Funès au féminin (le physique en plus, les mimiques en moins),
à la fois machiavélique et attachante. Entre leur ping-pong verbal et leurs simples échanges de regards, leur alchimie ne connaît aucun temps mort mais n’écarte pour autant jamais leurs partenaires. Ils ouvrent en grand les bras à Sara Giraudeau et Jonathan Cohen, tout aussi goulûment à l’aise qu’eux dans cet exercice si délicat de frénésie maîtrisée. Dommage alors qu’on perde les concubins dans la deuxième partie du film, où l’action change de lieu et part s’aérer sur l’île de la Réunion. Papa ou maman 2 donne alors l’impression de patiner un peu avant de repartir du plus belle en se recentrant sur le couple et sa folie. Jusqu’à un final tout en gags et en burlesque assez réussi. n Sophie Benamon De Martin Bourboulon • Avec Laurent Lafitte, Marina Foïs, Jonathan Cohen… • 1h26
Coup de pub Si l’Euro 2016 a eu lieu en France, c’est un peu grâce à Martin Bourboulon. En 2010, le jeune cinéaste, très réputé dans le milieu de la pub (qui aussi signé plus de cent sketchs pour «Les Guignols de l’info»), s’était vu confier le film vantant la candidature de la France. STUDIO CINÉ LIVE I 87
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07 CRITIQUES DÉC
PREMIER CONTACT OOO AVEC QUATRE FILMS en trois ans, sans compter la suite de Blade Runner prévue pour octobre 2017, on peut dire que Denis Villeneuve ne chôme pas. Mais ce stakhanoviste possède un talent essentiel : celui de ne jamais se répéter. Et après Prisoners, Enemy et Sicario, le voilà aux commandes de cette adaptation d’une nouvelle de Ted Chiang (L’histoire de ta vie), où il met en scène l’arrivée d’extraterrestres aux quatre coins de la planète. Viennent-ils en amis ou en ennemis ? Chercher de l’aide ou réduire la Terre en poussière ? Pour le savoir, il va falloir décoder leur langage. L’armée américaine engage donc une experte en
linguistique (Amy Adams) qui, associée à un scientifique (Jeremy Renner), va devoir percer leurs secrets dans un contre-lamontre dont l’issue peut être fatale. Il suffit en effet qu’une grande puissance décide que ces aliens représentent un danger et les attaquent pour placer le reste de la planète face à une possible réplique apocalyptique. Loin d’un blockbuster fantastique, Premier contact se pare de géopolitique. Son scénario joue finement avec l’état de notre monde actuel au bord de l’implosion, de la question des migrants à la formation de différents blocs, comme au temps de la Guerre Froide, où chacun montre ses muscles et joue avec les alliances pour impressionner l’autre. La mise en scène sans effet de Villeneuve et le superbe travail de son équipe artistique pour façonner ces vaisseaux spatiaux et ces créatures venues d’ailleurs
participent à ce climat singulier. Amy Adams livre la prestation la plus emballante de sa carrière dans un rôle où prime la qualité d’écoute. Celle de ces extraterrestres qu’elle s’efforce de comprendre. Et celle d’elle-même bousculée en son for intérieur par les informations que ces aliens vont lui révéler. Dommage alors que Premier contact se perde parfois dans des influences malickiennes pas forcément bien digérées et que sa dernière ligne droite souligne un peu trop ce qui avait été jusque-là suggéré. Mais ces détails ne gâchent en rien la poésie d’un film dénotant face aux armadas pyrotechniques qui tiennent le haut du pavé dès lors qu’il est question d’aliens sur grand écran. n T.C. De Denis Villeneuve • Avec Amy Adams, Jeremy Renner, Forest Whitaker… • 1 h 56
Des producteurs inspirés Premier contact est coproduit par 21 Laps Entertainment, société codirigée par Shawn Levy (La nuit au musée), qui développe une expertise et un goût certain pour la science-fiction sortant des sentiers battus. On leur doit également la série Stranger Things. 88 I STUDIO CINÉ LIVE
PROD DB/NETFLIX/21LAPS ENTERTAINMENT
UN BEAU FILM DE SCIENCE-FICTION POÉTIQUE ET GÉOPOLITIQUE.
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“Un film qui impressionne par sa beauté.”
“Une oeuvre puissante et surprenante.”
TÉLÉRAMA
LE MONDE
U
N
KÔJI
F
I
L
M
D
E
FUKADA
LE 11 JA ANVIER
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07 CRITIQUES DÉC
BACCALAURÉAT OOOO
coup de cœur
UN PORTRAIT CRUEL MAIS PLEIN D’HUMANITÉ DE LA ROUMANIE D’AUJOURD’HUI. bases d’un avenir radieux en mettant tout en œuvre pour qu’elle soit acceptée dans une grande université anglaise. Ne manque qu’un petit détail pour finaliser le tout : l’obtention du bac. A priori, une simple formalité pour cette lycéenne qui tourne à 19 de moyenne. Mais la jeune femme va se faire agresser et perdre ses moyens, l’envie de décrocher ce sésame, et même de partir à l’étranger. Le temps des doutes remplace alors celui des certitudes. Et ce père y voit une injustice profonde. Il va, dès lors, tout faire pour corriger cet accident de l’existence, quitte à piétiner les principes de probité qui sont les siens et qu’il a transmis à sa fille. Des magouilles, certes, sans grande envergure et justifiées à ses yeux par l’injustice dont a été victime son enfant… mais qui vont provoquer nombre de dommages collatéraux dans sa vie. Avant de lui faire perdre
pied face à l’accumulation de vents contraires ligués contre lui. À travers ce personnage, brillamment incarné par Adrian Titieni (Illégitime), Mungiu dresse le portrait de la société roumaine d’aujourd’hui, des petits et grands arrangements avec la loi qui ont survécu à la chute de Ceaucescu, où un tel système était érigé en mode de conduite pour les tenants du régime. Mais il le fait sans se draper un seul instant dans le costume de chevalier blanc. Il insiste au contraire sur l’humanité d’un père remettant en cause tout ce qu’il a construit pour l’amour d’une fille qui va le lui reprocher, jusqu’à éprouver du dégoût pour lui. Voilà pourquoi ce chemin de croix, façon descente aux enfers, fascine autant qu’il émeut. n T.C. De Cristian Mungiu • Avec Adrian Titieni, Maria Drãgus, Lia Bugnar… • 2 h 08
Les Dardenne producteurs Repartis bredouilles de Cannes comme réalisateurs avec La fille inconnue, les frères Dardenne ont cependant été primés comme producteurs avec ce Baccalauréat qui marque leur deuxième collaboration avec Cristian Mungiu, quatre ans après Au-delà des collines. 90 I STUDIO CINÉ LIVE
IMAGO/RUE DES ARCHIVES
ENTRE CANNES et Cristian Mungiu, la belle histoire d’amour continue… Après 4 mois, 3 semaines, 2 jours, palmé d’or, et le double prix d’interprétation pour Au-delà des collines, le Roumain a reçu en mai un prix de la mise en scène avec ce Baccalauréat de très haute tenue. Un peu plus de deux heures où la maestria simple et précise de sa mise en scène accompagne brillamment un récit au cordeau, autour d’un père de famille tiraillé entre ses principes de toujours et la réalité qui va le pousser à les contourner. Ce père est médecin dans une petite ville de Transylvanie. Sa fille, une brillante élève pour laquelle il a tracé les
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CAROLE MATTHIEU OOO
UNE PLONGÉE EFFRAYANTE DANS UNE SOCIÉTÉ DÉSHUMANISÉE.
ENTRE DRAME psychologique et polar social, cette adaptation des Visages écrasés, de Marin Ledun, dénonce la souffrance au travail engendrée par des méthodes managériales terrorisantes et un chantage à la délocalisation. Carole Matthieu, médecin du travail dans une entreprise de télévente, est impuissante à faire bouger sa hiérarchie, qui ne pense qu’au rendement financier en faisant fi du bien-être de ses employés. Prenant sa mission très à cœur, elle va peu à peu s’identifier à ses patients qu’elle ne peut protéger et perdre pied jusqu’à commettre l’irréparable. Isabelle Adjani offre une interprétation tout en nuances de son personnage tragique, passant tour à tour par des moments de frustration, de détresse et de rage. Louis-Julien Petit (Discount) met en scène le tumulte intérieur et la folie destructrice de cette antihéroïne, avec une froideur parfois déroutante. Si le film ne convainc pas dans le traitement de l’enquête policière, la dramatisation réaliste de cet enfer au quotidien – toujours d’actualité – et de l’attitude de la direction de l’entreprise sonne juste. Qui a dit « le travail, c’est la santé » ? n V.T. De Louis-Julien Petit • Avec Isabelle Adjani, Corinne Masiero, Lyes Salem… • 1 h 26
Et aussi Go Home O
De Jihane Chouaib • 1 h 38
De retour au Liban, Nada (Golshifteh Farahani) s’isole dans une maison familiale en ruines. Bien qu’il baigne dans une atmosphère quasi fantastique, ce drame sur l’exil et l’identité reste assez plat et parasité par ses nombreux flash-backs explicatifs. n L.D.
Tikkoun OOO D’Avishai Sivan • 1 h 22
Victime d’un malaise après un jeûne et dépassé par le réveil charnel soudain de son corps, un Juif orthodoxe tente de retrouver la foi. Avishai Sivan ,lme ce trouble intérieur avec une mise en scène à l’ascèse fascinante et un noir et blanc d’une beauté renversante. n T.C.
La danse des accrochés ø De Thibault Dentel • 1 h 26
Ce soi-disant thriller psychologique sur deux victimes – l’une à la liberté tronquée par un bracelet électronique, l’autre par une mère haineuse – est dénué de suspense et plombé par un manque de développement de ses personnages. n T.C. Version longue de ces critiques sur Studiocinelive. com
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14 24 JANVIER 2017 7È ÉDITION
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07 14 CRITIQUES DÉC DÉC
BALLERINA OOO
LES TOURBILLONNANTES AVENTURES D’UNE APPRENTIE DANSEUSE.
DES YEUX COULEUR ÉMERAUDE, la natte rebelle et la bouille tavelée d’éphélides, Félicie veut troquer ses godillots contre des chaussons de danse. L’orpheline qui se rêve ballerine s’enfuit de sa Bretagne natale pour essayer d’entrer à l’Opéra de Paris. On est en 1879, et inscrire l’intrigue cette année-là se révèle une idée lumineuse. Le soin apporté aux décors d’une capitale en pleine mutation architecturale, où trône une Tour Eiffel à un seul étage, car encore inachevée, confère une magie à l’ensemble, un charme romantique pas si éloigné d’Un monstre à Paris. Visuellement, le film séduit aussi par l’élégance de ses grands jetés ou de ses entrechats. À noter qu’Aurélie Dupont a supervisé les chorégraphies – dont la splendide battle finale: on appelle ça placer la barre haut. Qui dit danse classique dit truc de filles ? Non, car le scénario,
pensé pour un large public, ne manque pas d’aventures et de poursuites endiablées. Et même s’il repose sur certaines conventions (méchante caricaturale très disneyenne…) et qu’il surprend peu, il est impossible de ne pas s’attacher aux personnages. Autour de la fusée Félicie gravitent Victor, un Géo Trouvetou en guenilles qui en pince pour elle, et puis Odette,
son ange gardien, ancienne danseuse étoile boîteuse, d’une classe aristocratique, par qui l’émotion surgira. Un divertissement idéal pour les fêtes de fin d’année, traversé aussi d’un humour moqueur qui le protège de toute mièvrerie. n L.D. D’Éric Summer et Éric Warin • Avec les voix VF de Camille Cottin… • 1 h 25 • 14 décembre
CIGARETTES ET CHOCOLAT CHAUD OO DEPUIS LA MORT de leur mère, Denis offre à ses filles une éducation joyeuse et décousue jusqu’à ce qu’un retard de trop à la sortie de l’école l’oblige à suivre un stage de parentalité. Le pitch de cette comédie est la promesse d’une réflexion burlesque sur la condition de père, rôle dans lequel Gustave Kervern se révèle touchant de maladresse. Mais l’ensemble manque de rythme, car l’in-
BIENVENUS! OOO ALLEZ VITE découvrir cette petite pépite venue de Norvège qui traite avec subtilité de l’arrivée des migrants. Son héros, Primus, est un brave gars, un peu bas de plafond, qui cherche désespérément à faire fructifier l’hôtel familial. Il lui vient alors l’idée de le transformer en centre d’accueil pour réfugiés pour toucher les aides de l’État – en effet, pour pallier le manque d’héberge92 I STUDIO CINÉ LIVE
ment « public », la Norvège a recours au privé. Seul hic, mais de taille : Primus a mis la charrue avant les bœufs, car rien n’est prêt le jour J. À partir de cette actualité brûlante, Rune Denstad Langlo signe une comédie de situations burlesques qui réussit à ne jamais tomber dans la vanne ou le pathos. n So.B DeR.D.Langlo•AvecAnders Baasmo Christiansen…•1h30•7décembre
trigue romanesque (entre Kervern et Camille Cottin, qui campe une assistante sociale un brin coincée) prend le pas sur les délires familiaux et donne un côté rom-com de Noël pantouflard à ce premier film de la monteuse césarisée du Premier jour du reste de ta vie. n So.B. De Sophie Reine • Avec Gustave Kervern… • 1 h 38 • 14 décembre
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PERSONAL SHOPPER OOOO
coup de cœur
ASSAYAS RETROUVE KRISTEN STEWART POUR UN THRILLER D’ÉPOUVANTE CHIC ET ANGOISSANT.
RUE DES ARCHIVES/PVDE
LE FILM D’OLIVIER ASSAYAS, auréolé d’un prix de la mise en scène à Cannes, malgré un accueil critique très mitigé, débute par une figure imposée. L’arrivée d’une voiture jusqu’à la grille d’une grande maison au milieu des bois. Maureen (Kristen Stewart, deux ans après Sils Maria du même Assayas) investit les lieux pour entrer en contact avec son frère jumeau, Lewis, qui vient de mourir d’une crise cardiaque. Ses dons médiumniques ne tardent pas à rendre la chose possible. En dehors de ça, la discrète Maureen travaille pour le compte d’une star, dont elle doit gérer la garderobe et les caprices. Un travail de l’ombre
qui commence à l’ennuyer sévèrement. Les choses s’emballent lorsqu’elle reçoit de curieux et menaçants SMS d’un expéditeur inconnu. L’angoisse nous prend alors à la gorge et les fantômes se devinent aux jointures du cadre. Le film, contaminé de l’intérieur, devient de plus en plus flippant. La grande réussite tient pour beaucoup dans la mise en scène léchée et d’une précision chirurgicale d’Assayas. L’enveloppe très chic de l’ensemble (belle maison, grand hôtel parisien, bijoux, prêt-à-porter haut de gamme et actrice ad hoc !), loin de mettre à distance la noirceur, renforce le trouble. Le très beau a toujours quelque chose de suspect et d’irréel. Kristen Stewart avance, elle, dans un labyrinthe mental avec la grâce inquiète d’une héroïne hitchcockienne. La sobriété de son jeu permet une identification immédiate avec son personnage, victime de ses propres démons.
« Vous ne voulez pas être quelqu’un d’autre ?» demande le mystérieux expéditeur à Maureen : « Oui. » Personal Shopper est le récit d’une métamorphose qui passe par des projections démoniaques (spectres, double maléfique…) et le désir soudain avoué de prendre les habits d’une autre pour recommencer à vivre. On pense beaucoup aux meilleurs de Palma et Argento, à ceci près qu’Assayas refuse le baroque. En parfait romantique et gothique, c’est à Victor Hugo qu’il fait appel pour justifier ses « horreurs ». Hugo, exilé à Jersey au mitan du XIXe siècle, convoquait les esprits et faisait tourner les tables pour pénétrer les âmes perdues, à commencer par la sienne. Maureen se bat aussi pour ça. Une merveille. n T.B. D’Olivier Assayas • Avec Kristen Stewart, Lars Eidinger, Sigrid Bouaziz… • 1 h 45 • 14/12
Les tables de Victor Hugo Pour son film, Assayas s’est plongé dans Le livre des tables, où Victor Hugo (incarné par Benjamin Biolay) rend compte de ses séances de spiritisme lors de son exil à Jersey, « Hugo croit à la possibilité des esprits, car il a le sentiment de pouvoir dialoguer avec sa fille morte », explique le cinéaste. STUDIO CINÉ LIVE I 93
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14 21 CRITIQUES DÉC DÉC
Et aussi Le ruisseau, le pré vert et le doux visage OO
De Yousry Nasrallah • 1h55 • 21/12
révé lation
UNE SEMAINE ET UN JOUR OOO
LE TON DE LA COMÉDIE POUR RACONTER LE DEUIL. POIGNANT ET SURPRENANT.
SEPT JOURS ont passé depuis la mort de leur fils. Et sept jours, c’est la durée du deuil dans la tradition juive. Vicky et Eyal sont donc censés reprendre aujourd’hui le cours normal de leur existence, mais est-ce vraiment possible ? Au lieu de s’apitoyer sur le sort du couple, le film emprunte des chemins inattendus, aspire à une forme de légèreté. Si Vicky se réfugie dans les tâches quotidiennes, Eyal, lui, fume de l’herbe avec un ami du défunt. Ses réac-
tions imprévisibles flirtent avec le burlesque, amusent tout en trahissant son extrême souffrance. Shai Avivi, mélange entre Bacri et Larry David, l’incarne magnifiquement. Incapable d’aller sur la tombe de son fils, ce misanthrope bougon exorcisera sa douleur dans une scène finale poignante et surprenante, à l’image de cette tragicomédie. n L.D. D’Asaph Polonsky • Avec Shai Avivi … • 1 h 38 • 14/12
Amour, sexe et nourriture sont au programme de ce film de mariage. L’esthétique bollywoodienne confère un charme fou à cet hymne épicurien (forcément politique dans l’Egypte de 2016), mais le côté kitsch est épuisant sur la longueur. n T.C.
Amour OOO
De Karoly Makk • 1h32 • 21/12
Une femme laisse croire à sa belle-mère que son mari, emprisonné, s’enrichit aux ÉtatsUnis. L’amour plus fort que la dictature : tel est le poignant message de cet inédit hongrois dont la réalisation épurée éblouit. n L.D.
La bataille géante de boules de neige OO
De J-F. Pouliot et F. Brisson • 1 h 22 • 21/12
Une version canadienne de La guerre des boutons, où des gamins s’affrontent à coups de boules de neige. Les moins de 10 ans rigoleront de quelques trouvailles. n L.D.
Juste après les larmes ø
LA JEUNE FILLE SANS MAINS OO SOUVENIR O DANS CE FILM d’animation inclassable, se succèdent et se superposent des dessins peints à la main, entre esquisses et estampes. Des dessins pas totalement finis, qui sollicitent l’imagination du spectateur, voire parfois le fascinent. Le geste est d’une audace splendide, mais la forme prime trop sur le fond. Adaptée d’un conte méconnu des frères Grimm, l’histoire cruelle de cette jeune fille sans main, fuyant le démon à qui son père l’a vendue, semble alors quasi accessoire. Et ne captive que par intermittences. n L.D.
LILIANE (HUPPERT, PARFAITE) a jadis chanté pour l’Eurovision, aujourd’hui, elle travaille dans une usine de pâté. Un jeune espoir de la boxe (Kévin Azaïs, viril et sensible) va l’inciter à faire son comeback. De ce postulat, le cinéaste tire une fable nostalgique et colorée – façon Demy ou Sirk – aux accents de mélo social. Un charme agit au début, puis s’estompe au fil d’un scénario terriblement creux et sans enjeu. La chanson Joli garçon est très chouette, mais de là à l’entendre cinq ou six fois… n L.D.
De S. Laudenbach • Avec la voix d’A. Demoustier… • 1 h 13 • 14/12
De Bavo Defurne • Avec Isabelle Huppert… • 1 h 30 • 21/12
94 I STUDIO CINÉ LIVE
De Tiburce • 1h35 • 21/12
N’est pas Godard qui veut. La preuve avec ce polar abscons, oscillant entre le film de cavale (un braquage tourne mal) et une ré,exion sur le cinéma truffée d’aphorismes foireux. n L.D. Version longue de ces critiques sur Studiocinelive.com
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SUICIDE SQUAD
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21 CRITIQUES DÉC
PATERSON
pour/ contre
JIM JARMUSCH INTERROGE LA POÉSIE DU QUOTIDIEN. GRAND FILM OU MOU DU GENOU? Éric Libiot OOOO T.B. : JIM JARMUSCH, cinéaste fétichiste passé maître dans l’art de l’errance qui ne mène pas forcément quelque part (c’est un compliment !), ne bouge pas. Ou si peu. Hier, Stranger Than Paradise ou Down by Law, plus proche de nous, Only Lovers Left Alive. Aujourd’hui, Paterson pousse le même bouchon. Un poète que le monde ignore, à part sa femme et son chien, se traîne dans son quotidien qui peine à se renouveler. Café, tartines, canapé, bus, boulot, re-canapé, re-tartines… Éric, réveille-moi, je me suis endormi… E.L. : TU T’ES ENDORMI parce que tu n’es pas un poète. Jarmusch, effectivement cinéaste de l’errance, et pas forcément toujours en forme – mais là, si – erre cette fois dans les entrelacs de l’intimité. C’est un voyage intérieur. Une façon de se demander comment accorder ses pensées secrètes, ses ombres et ses doutes à une vie qui impose tant d’obstacles. Le héros est un poète qui tente de colorier sa vie. Sa femme, elle, tente de vaincre ses névroses en décorant ses murs. Jarmusch, lui, décline ses motifs et réconcilie les obsessions et les rêves, les rituels et les envies, les contraintes et les désirs. 96 I STUDIO CINÉ LIVE
VS
Thomas Baurez O
T.B. : LA POÉSIE A SES GÉNIES, ses petits maîtres, et une ribambelle d’amateurs plus ou moins inspirés. Disons que Jarmusch se place dans la deuxième catégorie. À longueur de film, il ne cesse de citer Poe, Yeats, Whitman… Le Paterson du titre fait référence à un « célèbre » recueil de William Carlos Williams, au patronyme du protagoniste, mais aussi à la ville où se déroule l’intrigue (n’en jetez plus !) Enfin, quand je dis intrigue, je m’emballe, tant le héros bobo à la nonchalance rédhibitoire (le it-boy Adam Driver) n’est en rien le vecteur d’une dynamique dramatique, esthétique, voire poétique. Il flâne un peu et pose beaucoup ! Je n’ai vu aucune « réconciliation » à l’œuvre ici… E.L. : FINALEMENT, TU CRITIQUES ce que te renvoie le film. Pourquoi pas. S’il n’y a pas d’intrigue, il y a le portrait d’un homme que Jarmusch dépeint à force de motifs récurrents qui balancent entre une vie par trop normée et l’échappatoire, parfois dérisoire, vers la poésie. Il faut voir dans ce dérisoire toute la qualité paradoxale du film. C’est un grand film sur un petit sujet. Il déploie le quotidien pour mieux parler des angoisses qui peuvent obscurcir l’ho-
rizon. Il réconcilie l’être et le néant – bon là, d’accord, c’est un peu exagéré, mais c’est pour te permettre de répondre et que tu puisses entrevoir ton erreur… T.B. : A Y EST, me voilà enfin éclairé grâce à toi ! Sinon, à propos de quotidien qui bégaye, d’être et de néant, j’ai revu Un jour sans fin. Paterson peut se voir comme une version unplugged du film de Ramis. Pas mal, mais pas au niveau… E.L.: OUI, MAIS LÀ où tu te trompes, c’est que le Ramis est onirique quand le Jarmusch est réaliste. Beaucoup plus difficile à réussir et sans doute moins séduisant. Mais j’aime quand Jim ne fait plus le malin, arrête de jouer le pseudo-intello, et s’offre au monde poitrail nu et cheveux au vent. T.B. : AVEC TOUT ÇA, on a complètement oublié de parler de Marvin, le bulldog… Pourtant, la réussite du film tient tout entière dans son regard fatigué… E.L.: C’EST DONC BIEN un film qui a du chien ! n De Jim Jarmusch • Avec Adam Driver, Golshifteh Farahani, Kara Hayward… • 1 h 58
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À FOND OO
UNE COMÉDIE D’ACTION INÉGALE MAIS QUI VA VRAIMENT À FOND.
IL FAUT ATTENDRE vingt-cinq minutes avant que le cinéaste décide enfin d’appuyer à fond sur le champignon. Vingtcinq minutes de gags datés et calamiteux, genre les rushes inutilisés d’une vieille sitcom, durant lesquelles Tom, sa femme, ses mouflets et un papy parasite se préparent à partir en vacances d’été. C’est donc après une pause gasoil, où grimpe une passagère surprise, que le film trouve – enfin ! – son rythme de croisière. Tom enclenche le régulateur de vitesse de son monospace, et là, c’est la cata. Le régulateur se bloque sur 130 km/h, et impossible de freiner. Tom accélère pour le désactiver ; or c’est pire : la voiture monte à 160, il lui faut zigzaguer sur l’autoroute… Péage en vue, panique dans l’habitacle, et c’est parti pour une heure de pur délire.
Ce Speed comico-français joue alors habilement sur deux tableaux : la farce boulevardière (la famille règle ses comptes, chacun avoue ses péchés) et le film d’action. La mise en scène Fast and Furious dynamite l’intrigue, les poursuites ou autres cascades sont aussi jouissives que spectaculaires. Le titre ne ment pas : À fond file bel et bien à toute berzingue, il
transgresse autant le code de la route que les codes de bonne conduite humoristique. Et si tout ne fait pas marrer, certains seconds rôles (Foresti en gendarmette pongiste…) restent savoureux. Un shoot de fun et d’adrénaline n L.D. De Nicolas Benamou • Avec José Garcia, Caroline Vigneaux, André Dussollier… • 1 h 31
QUAND UNE FEMME MONTE L’ESCALIER LE PLUS BEAU FILM de l’année date… de 1960. Filmé dans un magnifique Scope noir et blanc, ce drame inédit du Japonais Mikio Naruse, suit les errances d’une entraîneuse qui officie dans des bars tokyoïtes. L’escalier du titre est celui qui mène aux salons de ses établissements de charme. Pour « Mama » (sublime Hideko Takamine), ces marches synthétisent les turpi-
OOOOO
tudes de son destin, où les désirs d’émancipation, donc d’élévation, se heurtent à des compromis qui la tirent sans cesse vers le bas. Porté par des accords jazzy et une voix off troublante, ce portrait de femme, procure des vertiges d’émotions pures. Sublime ! n T.B. De Mikio Naruse • Avec Hideko Takamine, Daisuke Kato… • 1h51
LA PRUNELLE DE MES YEUX OOO LA COMÉDIE ROMANTIQUE sied à Axelle Ropert : La famille Wolberg et Tirez la langue, mademoiselle ont montré qu’elle sait marier fantaisie et gravité avec un zeste de folie douce. Celui-ci se déploie dans cette love story entre une aveugle et son voisin qui, par provocation, se fait passer pour un non-voyant auprès d’elle. Une relation chien-chat qui va se transformer en passion, qu’Axelle Ro-
pert raconte avec ce qu’il faut de décalage pour éviter la mièvrerie. Le rythme du film – parfois déstabilisant – est celui d’une rêverie colorée. Mélanie Bernier et Bastien Bouillon explorent chaque facette de ce monde, ni tout à fait le nôtre, ni tout à fait un autre, avec un enthousiasme communicatif. n T.C. D’Axelle Ropert • Avec Mélanie Bernier, Bastien Bouillon… • 1 h 30
STUDIO CINÉ LIVE I 97
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21 28 CRITIQUES DÉC DÉC
Et aussi L’ami, Francois d’Assise et ses frères O
De R. Fely et A. Louvet • 1h28 • 28/12
Au XIIIe siècle, François d’Asisse prône une vie simple tournée vers les plus démunis. L’Église se méfie. Ses frères le suivent, mais pas tous. Nous, on attend encore que tout le monde se mette d’accord. n T.B.
FAIS DE BEAUX RÊVES OOO UNE BRILLANTE VARIATION SUR LE THÈME DU DEUIL.
LES FANTÔMES peuplent décidément les films de cette fin 2016. Comme Jacquot et Assayas, Bellocchio évoque dans Fais de beaux rêves ces disparus qui hantent les vivants. Ici, un journaliste trentenaire qui ne s’est jamais remis de la disparition brutale de sa mère. Une mort mystérieuse, dont le souvenir, enfoui depuis l’enfance, va remonter à la surface, alors qu’il doit vendre l’appartement familial. Fais de beaux rêves est une brillante variation sur le
thème du deuil, où la maîtrise de la mise en scène n’empêche jamais l’émotion de se développer. Construit en allers-retours entre les années 60 et 90, ce film se lit comme un antichemin de croix (la religion en prend pour son grade) en quête d’une délivrance : ce moment où voleront en éclats ces non-dits de l’enfance qui dictent une vie. n T.C. De M. Bellocchio • Avec Valerio Mastandrea… • 2h10 •28/12
Timgad O
De F. Benchaouche • 1h40 • 21/12
Évoquer l’Algérie, ses plaies, son rapport avec la France ? Beau sujet. Mais cette fable autour d’un archéologue franco-algérien débarquant dans la Pompéi de l’Afrique du Nord s’égare dans un pittoresque de pacotille. n L.D.
Your Name OO
De Makoto Shinkai • 1 h 46 • 28/12
Ce film d’animation sur deux ados qui échangent leur corps brille par la richesse et la beauté de ses images. Mais s’étiole à mesure que le mystère spatio-temporel devient de plus en plus incohérent. n V.T.
Mapplethorpe OO
De Fenton Bailey et Randy Barbato • 1 h 48 • 21/12
JOYEUX BORDEL ! OO
LE CŒUR EN BRAILLE O
GAGS ET PUNCHLINES coulent autant à flots que la vodka dans cette énorme teuf de Noël que le boss d’une entreprise improvise dans ses bureaux afin d’inciter un client à signer un contrat. Réalisation rythmée, personnages bien frappés, hommage à Vin Diesel : le spectateur a tout pour s’éclater. Cette comédie aurait toutefois mérité de partir encore plus en vrille, la dernière demi-heure manquant d’un climax mémorable. On en sort content, mais sans avoir pleinement étanché sa soif de déconnade. n L.D.
SELON LE PETIT PRINCE de Saint-Exupéry, « On ne voit bien qu’avec le cœur. » Un adage que Michel Boujenah illustre dans ce mélo, histoire d’amitié entre un cancre malin et une élève brillante en train de perdre la vue. La générosité du message touchera peut-être les collégiens (c’est le public visé). Les plus de 15 ans, eux, retiendront surtout les défauts du film : réalisation maladroite, haute dose de bons sentiments, scénario naïf et cousu de fil blanc. C’est triste, mais notre cœur bâille. n L.D.
De W. Speck et J. Gordon • Avec Jason Bateman… • 1h45 • 21/12
De Michel Boujenah • Avec Alix Vaillot… • 1 h 35 • 28/12
98 I STUDIO CINÉ LIVE
La vie de Mapplethorpe épouse les contours de son œuvre photographique. Le doc soutient brillamment cette tension, mais on regrette que le contexte politique ne soit qu’effleuré. n Marion Raynaud Version longue de ces critiques sur Studiocinelive.com
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AMERICAN PASTORAL OOO
DAKOTA FANNING ILLUMINE CETTE ADAPTATION DE PHILIP ROTH.
EWAN MCGREGOR ne manque pas de panache. Pour ses débuts à la réalisation, il s’attaque à un sommet de la littérature américaine : Pastorale américaine, de Philip Roth. L’histoire d’un couple qui mène une vie paisible dans l’Amérique des sixties jusqu’à ce que leur fille, ado en rébellion contre eux et le monde entier, devienne une militante anti-guerre du Vietnam et se mue en terroriste. À Toronto, la presse américaine a accueilli le film fraîchement, reprochant à McGregor une sagesse coupable face à l’ampleur de l’œuvre de Roth. Ce n’est pas faux… mais c’est injuste. Car si sa réalisation reste très classique, McGregor a eu le mérite de choisir un axe pour traiter de cette œuvre trop riche pour tenir tout entière dans un film de deux heures.
À savoir la relation brisée entre ce père aimé et apprécié de tous et cette fille qui, dès l’enfance, aurait voulu qu’il n’ait d’yeux que pour elle. Ewan McGregor et Dakota Fanning (dans son plus beau rôle à ce jour) livrent des prestations lumineuses, car dépouillées de tout effet, dans un film qui a le souci permanent de ne pas étouffer son récit dans la reconstitution historique. Ce
portrait d’une radicalisation au cœur d’une famille aimante où rien ne semblait en indiquer les ferments tend, du coup, vers l’intemporel. Et fait écho à nombre de situations tragiques actuelles, sans forcer le trait. Le geste d’un vrai auteur. n T.C. De et avec Ewan McGregor • Avec aussi Dakota Fanning, Jennifer Connelly… • 1 h 49
HEDI OOO HEDI, TUNISIEN réservé, mène une existence sans histoires. Tout semble glisser sur ce féru de dessin devenu commercial, dont la famille a toujours décidé de sa vie. Mais, peu avant son mariage, son patron l’envoie prospecter des clients à travers le pays. Il rencontre Rim, une femme indépendante dont il tombe amoureux. Et ose prendre sa vie en main. Une lente émancipation, qui fait écho à celle d’un pays
sur lequel le printemps arabe a fait souffler un vent de liberté, en dépit de contraintes sociales et religieuses ancestrales. Ce premier long réussit à mixer comédie romantique et drame sociétal. Le tout porté par deux comédiens remarquables : Majd Mastoura (primé à Berlin) et Rym Ben Messaoud. n T.C. De Mohamed Ben Attia • Avec Rym Ben Messaoud… • 1h33
LE FONDATEUR O DANS LES ANNÉES 50, Dick et Mac McDonald concoctaient artisanalement leurs hamburgers. Comment le très ambitieux Ray Kroc a-t-il transformé leur snack familial en emblème mondial du fastfood ? C’est sur cette successstory que se penche le film. Hélas, au lieu d’articuler son récit autour des divergences entre les deux frères et leur très futé commercial, il se concentre (quasi) exclusive-
ment sur ce dernier. Sa platitude ennuie, mais, bien plus encore, son absence totale de recul dérange. Le cinéaste paraît fasciné par Ray Crok, dont il salue plus l’opiniâtreté et le génie visionnaire qu’il n’émet des réserves sur son impitoyable arrivisme. Un vibrant hymne au capitalisme que Trump va adorer. n L.D. De John Lee Hancock • Avec Michael Keaton… • 1 h 55
STUDIO CINÉ LIVE I 99
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28 04 CRITIQUES DÉC JAN
DIAMOND ISLAND OOO
POP ET SENSUEL, UN REGARD LUCIDE SUR LA JEUNESSE CAMBODGIENNE.
DES NAPPES ÉLECTROS envoûtantes, une lumière bleutée qui contamine tout le cadre, des scooters qui semblent avancer sur coussin d’air, d’indolents ados qui se frôlent, s’amusent, se blessent… Bienvenue dans le Phnom Penh pop du Franco-Cambodgien Davy Chou, dont on avait repéré le documentaire Le sommeil d’or en 2012. Diamond Island, sélectionné à la Semaine de la Critique, est le nom d’un centre commercial qui se construit dans un quartier de Phnom Penh, symbole du boom économique que traverse le pays. Un boom qui ne profite bien sûr pas à tous. À l’ombre de ce monstre prêt à sortir de terre, Davy Chou, 33 ans, filme une jeunesse lucide qui rêve d’amour, de modernité et d’ailleurs. Deux frères se retrouvent ici, tentent de resserrer des liens distendus et entendent, pourquoi pas, se payer l’Amérique avec les mirages qui vont avec. En usant d’une esthétique volontairement chiadée,
le cinéaste exclut tout misérabilisme, sans pour autant éclipser les vrais enjeux dramatiques et politiques. Du Cambodge, les seules nouvelles cinématographiques nous venaient surtout de Rithy Panh, avec son travail mémoriel. Il va falloir désormais compter avec Davy Chou. Diamond Island
ou la possibilité de nouveaux territoires. Voici donc un petit miracle artistique, dont la sensualité contamine tous les sens du spectateur pour longtemps. n T.B.
la réalité des faits. On croit à chaque scène grâce à l’interprétation : Sara Forestier et tous ceux qui l’entourent sont épatants de naturel. Grâce à la réalisation aussi : l’énergie ne passe pas par une caméra tremblotante censée suivre la vitalité des gamins, mais reste confinée dans un cadre précis pour mieux montrer l’enfermement, celui vécu par cette instit’, étouffée par sa vocation. Elle, dont le fils veut lui faire payer son divorce. Elle, qui décide de s’occuper
d’un gamin abandonné par sa mère, avant de tomber amoureuse de l’ex de cette femme. Malgré le charme de Vincent Elbaz, cette partie « romantique » se révèle, hélas, moins passionnante. Comme si son amour pour sa superhéroïne et son envie de la voir sourire malgré tout avaient aveuglé Hélène Angel. n T.C.
De Davy Chou • Avec Sobon Nuon, Cheanik Nov… • 1 h 43 • 28 décembre
PRIMAIRE OOO
C’EST UN FILM de superhéroïne… du quotidien. Une institutrice au cœur de la grande aventure des temps modernes – la transmission du savoir – qu’Hélène Angel filme en guerrière envers et contre tout. Elle tente d’exercer une vocation. Parfaitement documenté, Primaire plonge dans le quotidien d’une école. Les cours, bien sûr, mais aussi les relations entre enseignants. En cela, son film est vivant. Traversé d’orages qui éclatent dès que les croyances de cette institutrice en des valeurs non négociables – l’école laïque, gratuite et obligatoire – sont contredites par
Hélène Angel en 3 dates 1999 Peau d’homme,
cœur de bête
2003 Rencontre avec le dragon 2011 Propriété interdite 100 I STUDIO CINÉ LIVE
D’Hélène Angel • Avec Sara Forestier, Vincent Elbaz, Olivia Côte… • 1 h 45 • 4 janvier
PROD DB/LES FILMS DU WORSO
PORTRAIT PASSIONNANT D’UNE INSTITUTRICE DE COMBAT.
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500 PLACES À GAGNER Pour participer, rendez-vous sur lexpress.fr/concours avant le 14 décembre 2016 Vous gagnerez peut-être une invitation pour 2 personnes pour le film BACCALAURÉAT de CRISTIAN MUNGIU
AU CINÉMA LE 7 DÉCEMBRE 2016 Groupe Altice Média organise pour sa publication Studio Ciné Live, du 7 décembre 2016 (00h01) au 14 décembre 2016 (23h59), un jeu gratuit et sans obligation d’achat ouvert à toute personne résidant en France. Pour participer au tirage au sort, les participants sont invités à se rendre à l’adresse lexpress.fr/concours et suivre les instructions afférentes audit jeu. Le tirage au sort, effectué le 15 décembre 2016, déterminera les 250 gagnants qui remporteront chacun 1 place pour 2 personnes pour aller voir le film Baccalauréat de Cristian Mungiu d’une valeur unitaire de 20 € TTC. Les frais de participation au jeu pourront être remboursés dans les conditions prévues au règlement. Le règlement complet est déposé à la SCP Simonin – Le Marec – Guerrier, huissiers de justice, 54 rue Taitbout, 75009 Paris et est disponible sur simple demande écrite à Studio Ciné Live, Jeu « Baccalauréat » – 23 rue de Châteaudun – 75308 Paris Cedex 09.
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04 CRITIQUES JANV
Et aussi Beyond Flamenco OO
De Carlos Saura • 1h27
Après le flamenco et le fado, Carlos Saura capture le rythme et toute la richesse de la jota aragonaise dans un documentaire musical coloré mais hermétique pour le néophyte. n V.T.
Mountain OO
De Y. Kayam • 1h23
QUELQUES MINUTES APRÈS MINUIT OO UNE FABLE MÉLANCOLIQUE AUX BELLES IMAGES MAIS QUI MANQUE DE RYTHME.
C’EST UN CONTE pour les 8-15 ans que propose Juan Antonio Bayona, réalisateur du terrifiant Orphelinat et des deux premiers épisodes de la série Penny Dreadful. Son sujet : le deuil. En Angleterre, un gamin solitaire et harcelé, dont la mère est en train de mourir, se laisse surprendre la nuit par un arbre géant qui lui raconte des histoires. Le spectateur se trouve emporté dans un monde aussi féerique qu’effrayant. Digne formellement du meilleur de
Guillermo del Toro, Quelques minutes après minuit souffre d’un manque de nerf. On reste à distance de cette fable mélancolique qui surligne trop sa vertu philosophique (Accepter la mort, c’est dur !) Reste des images sublimes, dont on espère que Bayona n’aura pas perdu le goût quand il réalisera la suite de Jurassic World. n So.B. De Juan Antonio Bayona • Avec Lewis MacDougall… • 1h48
Une Juive orthodoxe vivant dans un cimetière du Mont des Oliviers assiste à une scène de sexe qui va la hanter. Cette confrontation entre religion et prostitution évite tous les clichés, mais tire un peu trop en longueur pour convaincre pleinement. n T.C.
Le parc OO
De D. Manivel • 1 h 12
Dans un parc, un jeune homme et une jeune femme. Une étreinte, puis s’en va. La jeune femme, restée seule, attend la nuit et ses mystères. Un film aussi intrigant que poseur qui s’enfonce, au propre comme au figuré, dans ses clichés auteuristes. n T.B.
Chanda, une mère indienne OO
D’A. Iyer Tiwari • 1 h 40
FAUT PAS LUI DIRE O
LA VALLÉE DES LOUPS OO
TROIS AMIES découvrent que le futur mari de leur super copine la trompe avec… un mec ! Mais chut, il ne faut rien lui dire. Le postulat fait plutôt marrer, c’est vrai, mais cette comédie se repose trop dessus. Elle développe, à de rares exceptions près, des situations cent fois vues, alors qu’on espérait un peu de folie et d’irrévérence. Seules les actrices – de Camille Chamoux à Stéphanie Crayencour – semblent s’amuser dans ce croisement entre un Cœur des hommes au féminin et un girly movie US. n L.D.
RIEN À VOIR avec les docs animaliers traditionnels. Durant des mois, Jean-Michel Bertrand s’est aventuré seul, dans les montagnes, à la recherche de loups. Sans être sûr de les apercevoir. Il bivouaque au milieu de nulle part, toujours à l’affût de la moindre trace. Il s’agit autant d’une enquête, balayant au passage quelques idées reçues sur la mythique bestiole, que d’une quête personnelle, une réflexion sur l’homme et la nature. Un pari audacieux pour un résultat plombé par quelques longueurs. n L.D.
De Solange Cicurel • Avec Jenifer Bartoli… • 1h36
De et avec Jean-Michel Bertrand • 1h30
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Ode à l’amour maternel, ce film sur une mère qui retourne à l’école pour motiver sa fille perd de son charme quand il martèle des choses, certes, essentielles – l’importance de l’éducation –, mais qui auraient mérité un ton moins moralisateur. nV.T. Version longue de ces critiques sur Studiocinelive.com
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NOCTURNAL ANIMALS OO
UN RÉCIT ESTHÉTIQUE MAIS TROP INÉGAL POUR SÉDUIRE.
POUR SON SECOND FILM, Tom Ford (A Single Man) adapte Tony et Susan, d’Austin Wright. L’ambition est grande, mais le cinéaste ne parvient pas à maîtriser cette histoire, étonnamment cruelle, qui se déroule sur deux niveaux. D’un côté, il raconte la vie d’une directrice de galerie d’art, riche de succès professionnels mais pauvre en émotions sentimentales. De l’autre, c’est une plongée dans le roman qu’elle lit, écrit par son ex-mari et qui décrit l’impuissance d’un père de famille face au kidnapping de sa femme et de sa fille. L’ensemble est visuellement magnifique et interprété sans fausse note, mais ne fonctionne pas. Tom Ford s’évertue à casser le rythme et la tension qu’il construit en multipliant les va-et-vient entre les deux intrigues, dont le lien métaphorique est laissé à l’interprétation du spectateur.
Le mélodrame introspectif dans lequel cette femme superficielle s’interroge sur sa vie sentimentale est certes glamour et sauvé par le jeu tout en mélancolie d’Amy Adams, mais demeure ennuyeux, tandis que le thriller psychologique où cet homme ordinaire vit son pire cauchemar se révèle
anxiogène et captivant. Malheureusement, Tom Ford donne le sentiment de se perdre dans ce récit à tiroirs, aux enjeux trop confus pour passionner. n V.T.
Larraín a choisi de se glisser. Car Neruda résone bien plus comme un film politique qu’un biopic, une charge contre un pouvoir nauséabond et une élite qui n’a rien vu venir. Le Neruda de Larraín n’est d’ailleurs pas très sympathique : fat, égoïste, jouisseur, il n’a rien du vaillant communiste. Et symbolise une caste privilégiée dans un Chili qu’on désosse. La juxtaposition des images du poète profitant d’un repas au restaurant en cachette face aux arresta-
tions toujours plus nombreuses est d’ailleurs saisissante. Mais le poète inspire le peuple, comme il inspire le cinéaste. C’est dans la forme du film, totalement éclatée et romanesque, qu’on trouve un vibrant hommage au souffle de Neruda. Avec une formidable envie d’ouvrir son Chant général en sortant de la salle. n So.B.
De Tom Ford • Avec Amy Adams, Jake Gyllenhaal, Michael Shannon… • 1 h 57
NERUDA OOO
UN HOMMAGE LYRIQUE ET INSOLITE AU POÈTE CHILIEN.
RUE DES ARCHIVES
EN 1948, Pablo Neruda est tout à la fois un politicien chilien reconnu, un poète révéré et un communiste affirmé, dont le parti a aidé le président à accéder au pouvoir. Mais dans le contexte tendu de la guerre froide et du maccarthysme grandissant du voisin américain, Videla se retourne contre l’aile gauche de son gouvernement. Figure de proue, Neruda devient alors une cible. Pendant plusieurs mois, il va se cacher, éviter de justesse les arrestations pour finalement réussir à s’exiler. On sait peu de choses de cette période de sa vie et c’est dans ces interstices de mystère que Pablo
Gael García Bernal en 3 dates 2000 Amours chiennes 2004 Carnets de voyage 2012 No
De Pablo Larraín • Avec Luis Gnecco, Gael García Bernal, Mercedes Morán… • 1 h 47
STUDIO CINÉ LIVE I 103
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CRITIQUES
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L A G U E R R E DO E S ÉTOILES
POUR. CONTRE. BIEN AU CONTRAIRE. NOTRE AVIS SUR LES FILMS DU MOIS.
Films étoilés SANDRA
BENEDETTI
Absolutely Fabulous-le film de Mandie Fletcher SCL 84 À fond de Nicolas Benamou p. 97 À jamais de Benoît Jacquot p. 86 American Pastoral d’Ewan McGregor p. 99 Baccalauréat de Cristian Mungiu p. 90 Ballerina d’Eric Warin et Eric Summer p. 92 Carole Matthieu de Louis-Julien Petit p. 91 Cigarettes et chocolat chaud de Sophie Reine p. 92 Diamond Island de Davy Chou p. 100 Fais de beaux rêves de Marco Bellocchio p. 98 Faut pas lui dire de Solange Cicurel p. 102 Le fondateur de John Lee Hancock p. 99 Hedi de Mohamed Ben Attia p. 99 La jeune fille sans mains de Sébastien Laudenbach p. 94 Joyeux bordel ! de Josh Gordon et Will Speck p. 98 Manchester by the Sea de Kenneth Lonergan p. 83 Neruda de Pablo Larraín p. 103 Nocturnal Animals de Tom Ford p. 103 Papa ou maman 2 de Martin Bourboulon p. 87 Paterson de Jim Jarmusch p. 96 Personal Shopper d’Olivier Assayas p. 93 Premier contact de Denis Villeneuve p 88 Primaire d’Hélène Angel p. 100 La prunelle de mes yeux d’Axelle Ropert p. 97 Quelques minutes après minuit de J.A. Bayona p. 102 Salt and Fire de Werner Herzog p. 86 Sex Doll de Sylvie Verheyde p. 86 Souvenir de Bavo Defurne p. 94 Une semaine et un jour d’Asaph Polonsky p. 94 La vallée des loups de Jean-Michel Bertrand p. 102
BAUREZ
THOMAS
BENAMON
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TOUJOURS À L’AFFICHE La fille de Brest d’Emmanuelle Bercot SCL 84 La folle histoire de Max et Léon de J. Barré sur le web Louise en hiver de Jean-François Laguionie SCL 84 Sausage Party de Conrad Vernon et Greg Tiernan SCL 84 Sully de Clint Eastwood SCL 84 OOOOO chef-d'œuvre 104 I STUDIO CINÉ LIVE
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300 PLACES À GAGNER Pour participer, rendez-vous sur lexpress.fr/concours avant le 10 janvier 2017 Vous gagnerez peut-être une invitation pour 2 personnes pour le film HARMONIUM de KOJI FUKADA
AU CINEMA LE 11 JANVIER 2017 Groupe Altice Média organise pour sa publication Studio Ciné Live, du 27 décembre 2016 (00h01) au 10 janvier 2017 (23h59), un jeu gratuit et sans obligation d’achat ouvert à toute personne résidant en France. Pour participer au tirage au sort, les participants sont invités à se rendre à l’adresse lexpress.fr/concours et suivre les instructions afférentes audit jeu. Le tirage au sort, effectué 11 janvier 2017, déterminera les 150 gagnants qui remporteront chacun 1 place pour 2 personnes pour aller voir le film Harmonium de Koji Fukada d’une valeur unitaire de 20€ TTC. Les frais de participation au jeu pourront être remboursés dans les conditions prévues au règlement. Le règlement complet est déposé à la SCP Simonin – Le Marec – Guerrier, huissiers de justice, 54 rue Taitbout, 75009 Paris et est disponible sur simple demande écrite à Studio Ciné Live, Jeu « Harmonium » – 23 rue de Châteaudun – 75308 Paris Cedex 09.
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SÉRIES TÉLÉ
2016, une année en demi-teinte
EMANUELA SCARPA/SKY ITALIA/BETA FILM-DAVID KOSKAS/NETFLIX
en quête
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VOICI VENU LE TEMPS DE DRESSER L’INVENTAIRE DE L'ANNÉE ÉCOULÉE. MALGRÉ QUELQUES PÉPITES, L'ENSEMBLE EST UN PEU DÉCEVANT. EXPLICATIONS. PAR PIERRE SERISIER
C
ertains finiront peut-être un jour par exiger un label de qualité comme pour les produits bio. Parce qu’à bien y réfléchir, 2016 laisse derrière elle pas mal de séries périssables. L’année a un peu manqué de saveur pour les amateurs. D’autant que les choses se sont d’abord jouées en coulisses. La recomposition accélérée du paysage télévisuel a vu Netflix imposer son calendrier, tandis que les chaînes généralistes et câblées tentaient de trouver une réponse à son offre pléthorique et envahissante. Compte tenu du nombre de séries, l’excellence n’a pas toujours été au rendezvous. Mais le paradoxe est là : la qualité ne dicte plus exclusivement le choix du consommateur. « Je serais tenté d’ouvrir un grand sac poubelle, d’y fourrer les trois quarts de la production de Netflix et de le balancer dans la décharge la plus proche », confie Benjamin Campion, qui anime le blog Des séries et des hommes sur la plateforme de Libération. La méthode est expéditive, mais, comme il le précise, « un peu de ménage de temps en temps ne peut pas faire de mal ».
Gomorra
L’inflation est telle que l’échec est partout. Bien sûr, cette variable a toujours fait partie de l’équation. Le nombre des annulations reste toujours supérieur au nombre de séries reconduites, mais la différence est que désormais l’échec a pour le spectateur autant, sinon plus, d’attrait que le succès. Cela fut le cas pour (le ratage de) Vinyl, la série produite par Martin Scorsese et Mick Jagger et confiée au très expérimenté Terence Winter. Une saison pour revisiter les seventies et la fin des années rock n’ roll et HBO décide d’arrêter les frais.
TENDANCE « HATE WATCHING »
Cela fut encore plus spectaculaire avec Marseille, la première fiction made in France de Netflix. Les aventures du maire Robert Taro ont été accueillies par un « bad buzz » sans précédent. Rétrospectivement, le déchaînement fut peut-être excessif. L’écriture et la réalisation semblaient sorties des années 90 et la direction des acteurs, Gérard Depardieu et Benoît Magimel, avait été laissée aux vestiaires. Malgré cela, la firme de Los Gatos a signé pour une seconde saison. « Netflix a conscience de cette mauvaise qualité, explique Marie Turcan, critique aux Inrocks. Renouveler la série pour une
Marseille STUDIO CINÉ LIVE I 107
GER - EXEMPLAIRE NUMERIQUE
SÉRIES TÉLÉ
« CERTAINS CRÉATEURS CONSIDÈRENT LA SÉRIE COMME UN OBJET DE SECONDE MAIN. » BENJAMIN CAMPION, AUTEUR DU BLOG DES SÉRIES ET DES HOMMES saison 2 est une manière de sauver la face, d’autant que renouveler à peu près toutes leurs séries fait partie de leur stratégie. Vu leur budget fiction, ce ne sont pas quelques épisodes de plus qui les mettront dans le rouge ». Au final, une mauvaise critique vaut mieux que pas de critique du tout. La publicité négative qui a accompagné Marseille a mis en évidence un nouveau phénomène. Après le « binge watching », voici venu le « hate watching » : l’envie de regarder une fiction que l’on déteste pour ensuite se défouler, en toute bonne conscience, sur les réseaux sociaux. Les faiblesses d’une œuvre deviennent aussi importantes, et finalement aussi intéressantes, que ses qualités. Sans doute parce qu’il est plus facile de voir ce qui ne va pas que d’analyser le talent et l’intelligence d’un scénariste ou d’un réalisateur. On pourrait se dire que cela est dommage. « D’autant, ajoute Benjamin Campion, que Marseille ne reflète pas du tout l’état de santé de la production sérielle française de 2016. L’année n’a pas manqué de jolies surprises, comme Baron noir ou Irresponsable, ni de confirmations comme Le bureau des légendes et Un village français. » La tendance est aussi à la morosité et au cynisme. « Je trouve cela beau quand c’est bien fait », précise Marie Turcan, citant en
exemple Veep, BoJack Horseman, Atlanta ou Transparent. Malheureusement, cette mode a été excessive jusqu’à créer ce que la journaliste qualifie « d’effet Flaked » ; la comédie dans laquelle Will Arnett joue un ancien alcoolique anonyme qui tente d’aider ses compagnons d’infortune est une digression au premier degré sur les tourments de l’homme blanc. Une série déjà vieille avant d’avoir pu être jeune.
QUELQUES BONNES SURPRISES
Comme le notait le critique américain Matt Zoller Seitz, les comédies telles que Louie, Insecure, You’re the Worst ou Love, de Judd Apatow, ont supplanté les séries dramatiques comme genre dominant de notre époque. Mais, ajoute-t-il, ces fictions sont des « comédies en théorie ». Autrement dit, des formats d’une demi-heure dans lesquelles le rire se fait rare quand il n’est pas tout simplement absent. Ces propositions ne cherchent pas la légèreté. Ni à se faire aimer. La dépression est devenue leur leitmotiv. Elles sont le plus souvent associées à la vision d’un auteur, comme une résurgence du cinéma indépendant face aux blockbusters que sont Game of Thrones, Westworld ou The Crown. « Ce n’est pas tant l’auteurisme qu’il faut blâmer que la fainéantise de certains créateurs qui considèrent la série comme un objet de seconde main, tem-
père Benjamin Campion. En bâclant Crisis in Six Scenes, Woody Allen en a fourni un bel exemple ». Le réalisateur a tenté une fable vaguement satirique sur les tensions qui traversaient la société américaine dans les années 60. Résultat, un ersatz de Mad Men avec toutes les erreurs que peut commettre celui qui ne maîtrise pas les codes de la série. Dans ce tableau un rien sombre, se cachaient pourtant quelques pépites. Il fallait seulement prendre un peu de temps pour les dénicher. On pense à la britannique Fleabag, aux américaines Crazy Ex-Girlfriend et American Crime (en saison 2), à la très réjouissante coproduction The Young Pope, à l’Italienne Gomorra ou à l’islandaise Trapped. L’année 2017 pourrait confirmer cette tendance : l’obligation pour les producteurs de procéder à des choix de plus en plus précis, la nécessité pour le spectateur d’opérer un tri toujours plus sélectif tout en s’autorisant des plaisirs coupables. Cette combinaison est d’autant plus aisée que la mode des reboots, remakes et autres revivals n’est pas prête de s’interrompre. Après X-Files, MacGyver et Gilmore Girls, on attend le retour de Prison Break et de Twin Peaks. Doit-on s’en inquiéter ? Non. Ayons des goûts simples et contentons-nous de ce qu’il y a de mieux. n
The Young Pope
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2015 SKY/HBO/WILDSIDE/CANAL+-PROD DB/LILJA JONSDOTTIR/RVJ STUDIOS
Trapped
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LE BILLET D’HUMEUR de pierre Serisier
Westworld sur le trône JE N’AIME PAS TROP les séries ⇢ longues et molles. Je préfère
les séries brèves et dures. Question de tempérament. C’est peutêtre pour cette raison que j’ai tout de suite trouvé ma place dans Westworld. Le nouveau parc d’attractions de HBO vient juste
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de (temporairement) fermer ses portes, mais sillonner le far west fut comme participer à une chasse au trésor. À la recherche de mythes et de théories. C’était aussi stimulant que les voyages dans le temps sur l’île de Lost. Pas étonnant que
J.J. Abrams ait été aux manettes. Dans une conférence donnée en 2008 sur TED, il se demandait pourquoi tout ce qu’il produisait renfermait du mystère. Réponse : enfant, il était fasciné par les boîtes, n’importe lesquelles, et par ce qu’il y avait dedans. Parfois, en soulevant un couvercle, on trouve des choses brèves et dures. La série de Jonathan Nolan et Lisa Joy est un magnifique objet, un rêve dans lequel des humains et des robots essaient de jouer au plus fin. Évidemment, ça agite la matière grise. Et ça ranime une des légendes de la mythologie grecque, Orphée, qui tenta en vain de ramener Eurydice des Enfers. Un monde imaginaire en chasse un autre. Westworld doit un joursuccéder à Game of Thrones. La différence ? C’est facile d’aimer Jon Snow, de détester Cersei, d’avoir un peu de compassion pour la Khaleesi et de trinquer avec Tyrion. Il est plus difficile de s’attacher au Dr Ford, à l’homme en noir ou à Dolores. Mais les personnages de série ne sont pas créés pour être nos amis. Ils sont seulement là pour nous parler de notre monde, qui n’a rien d’imaginaire. Je devrais peut-être regarder moins pour apprécier plus. n
OCS fait sa révolution
LE BOUQUET EST DÉSORMAIS DISPONIBLE DIRECTEMENT SUR INTERNET.
HBO
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DÉJÀ PRÉSENT chez les principaux opérateurs (Orange, Canal, Bouygues Telecom, Free, SFR…) et via la Playstation, le bouquet de chaînes d’Orange est désormais disponible directement sur internet via OCS.fr. OCS est également accessible avec Chromecast et prochainement avec Xbox One, Android TV et Apple TV. Le bouquet rejoint ainsi d’autres acteurs qui ont déjà sauté le pas de l’OTT (service « Over The Top », hors fournisseur d’accès à In-
ternet) en étant directement sur le web comme Netflix, et Molotov.tv, ou en passant par un décodeur d’appoint comme le Cube S de Canal+, la Mini-box Réglo TV d’E. Leclerc, la box de Videofutur, TeVolution de Numéricable, la box Google de SFR… L’OTT permet d’atteindre les 8 millions de foyers français qui ne sont pas équipés d’un téléviseur ni d’une box d’un opérateur, et ceux qui consomment leurs programmes sur mobiles, tablettes et ordinateurs. n V.T. STUDIO CINÉ LIVE I 109
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SÉRIES TÉLÉ
BANC D’ESSAI OOOO FélicitatiOns Du Jury
OOO reçu AVEC MENTION
OO DOIT FAIRE SES preuves
O passable
ø RECALÉ
CE MOIS-CI, UNE FRESQUE HISTORIQUE, LA CHUTE D’UN RÉSEAU NARCOTIQUE, UN SAUVEUR DE TROLLS, UN JÉSUS BABA COOL, DES ALIENS EN MISSION ET UN ANCIEN CONDAMNÉ À MORT.
Cannabis
Réflexes pavloviens
The Collection
série du mois
Tout pour le style ⇢
PARIS, 1947. Les nazis ont plié bagage de- Sabine. Immédiatement débauché par l’entrepuis trois ans, la France se remet doucement prise française, le jeune homme ne va pas tarau travail, mais les tensions qui règnent dans der à découvrir le passé trouble de ses noules rues de la capitale sont encore palpables. veaux employeurs… La BBC, Amazon et C’est dans ce contexte difficile et instable que France 3 se sont associés pour réaliser cette la maison de haute couture Paul Sabine tente ambitieuse fresque historique. Un triple avande se faire une place dans le milieu de la mode. tage : validé par la caution tricolore, le savoirC’est une entreprise familiale. Le frère aîné faire de la chaîne britannique profite de la puisPaul (Richard Coyle) est à la tête de la direction, sance financière du géant américain tandis que son cadet Claude (Tom Riley) des- (19 millions d’euros). Si la langue anglaise a sine les collections. Le premier est ambitieux de quoi déboussoler le téléspectateur français, mais manque cruellement d’inspiration, le se- les qualités de The Collection sont indéniables : cond mène une vie dissolue, mais sidère par l’intrigue est parfaitement ficelée, les rebonses coups de génie. Bon an mal an, l’alchimie dissements sont palpitants, et la reconstitution fonctionne. À la veille d’un partenariat déter- du Paris d’après-guerre est absolument bluffante. Cette chic coproduction internaminant, un photographe américain tionale a tous les atouts pour faire date. (Max Deacon) est envoyé par Life MaOOO gazine pour tirer le portrait des frères Prochainement Prenons-en le pari. n I.H.-L. sur France 3
110 I STUDIO CINÉ LIVE
OO Sur Arte, le 8 décembre
LOOKOUT OINT 2016-JEAN-CLAUDE LOTHER/FTV
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QUAND une importante cargaison de haschich est braquée au large des côtes espagnoles, il suffit de quelques minutes pour que l’un des plus grands réseaux narcotiques méditerranéens vacille. Un petit dealer parisien est envoyé sur les traces de la drogue disparue, de sa cité francilienne jusqu’au Maroc, en passant par Marbella. Les auteurs de Cannabis (Hamid Hlioua, Clara Bourreau et Virginie Brac) ont vu la série The Wire. Et ils l’ont visiblement beaucoup aimée. Leur ambition : décrire les liens entre politiques, petits caïds et barons du hash. L’intention est louable. Malheureusement, ils peinent à égaler la finesse et le sens du récit de David Simon, le showrunner américain. Ces huit épisodes assez fastidieux se regardent tout de même pour la découverte du jeune comédien Yasin Houicha. n I.H.-L.
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Chasseurs de trolls nouvelle activité extrascolaire
JIMMY, un ado de 15 ans, se retrouve investi ⇢ d’une mission délicate : protéger de gentils
trolls, dont l’existence doit rester secrète, et sauver l’humanité de méchants trolls, goblins
et autres gnomes. Cette série d’animation a été créée par Guillermo del Toro et adaptée du roman jeunesse éponyme qu’il a écrit avec Daniel Kraus. L’univers du réalisateur d’Hellboy se retrouve surtout dans l’imagination débordante des créatures qui composent le bestiaire. Les trois premiers épisodes dévoilent une mythologie qui mériterait d’être un peu plus étoffée et délivrent des messages assez simplistes sur le devoir, la solidarité ou la famille. L’histoire est classique, dans le genre récit iniatique d’un jeune héros. Ce dernier apparaît paradoxalement assez fade comparé à son acolyte, le rondouillard Tobes, qui vole la vedette par sa gouaille et son OO humour. n V.T. Sur Netflix, le 23 décembre
José Apocalypse télévisuelle
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UNIVERSAL NETWORK TELEVISION-ALEXIS OROS-NETFLIX-2015 SUNDANCE TV
DE NOS JOURS, les séries d’une nullité consternante se font de plus en plus rares. Tant mieux. Mais devant José, la colère bouscule les arguments critiques… Par où commencer ?
L’histoire ? Jésus est renvoyé sur Terre pour sauver l’humanité du péché. Il atterrit en France, au beau milieu de la nuit de Noël en 2015, et se retrouve confronté à des individus plus nazes les uns que les autres. Le personnage ? Le fils de Dieu est une espèce de baba cool décérébré qui ne trouve rien de mieux à faire que de se renommer José. L’humour ? D’une vulgarité inouïe, il repose uniquement sur la profanation du sacré, d’ailleurs extrêmement prévisible. Même si le budget déboursé par la chaîne OCS semble dérisoire, cette comédie (?) n’aurait jamais dû voir le jour. Il doit bien exister quelque part en France des scénaristes avec un peu plus de talent, ø non ? n I.H.-L. Sur OCS,
d’éradiquer les maladies, la faim et l’injustice. Un véritable âge d’or pour l’humanité… et
Le début de la fin
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L’ULTIME SAISON de Rectify débute avec l’ancien condamné à mort Daniel Holden, exilé à Nashville dans un foyer de réinsertion et travaillant comme manutentionnaire dans un entrepôt. Perdu dans ce nouvel environnement, il se renferme dans une solitude qui le mine et le protège à la fois. Mais sans doute pas pour longtemps. Cette série contemplative n’a jamais vraiment traité le thème de la culpabilité ou de l’innocence, mais plutôt celui de la seconde chance. Malgré sa confession, pour éviter un nouveau procès et rester libre, Holden ne sait toujours pas s’il a tué sa petite
le 8 décembre
Childhood’s End L’utopie, à quel prix ?
DES ALIENS DÉBARQUENT sur Terre mais ⇢ cette fois-ci dans le but d’instaurer la paix,
Rectify
pourtant, un prologue dévoile la fin de la race humaine. Que s’est-il passé entre-temps ? Le premier épisode captive. On y voit les différentes réactions de la population face aux gentils aliens. Il se termine sur un choc – pour ceux qui ne connaissent pas le roman d’Arthur C. Clarke, dont cette minisérie est adaptée. La tension s’étiole peu à peu par la suite. Il faut attendre le troisième et dernier épisode pour découvrir – enfin – la véritable mission des extraterrestres. Entre les deux, la série s’interroge sur les inconvénients de vivre dans un monde utopique ou sur la place de l’humanité dans l’univers. Et, accessoirement, raconte une jolie hisOO toire d’amour. n V.T. Sur Syfy, le 16 décembre
amie. Il ne le saura peutêtre jamais et il doit l’accepter pour avancer. Dans une scène absolument magnifique – avec un Aden Young plus émouvant que jamais –, Daniel décrit les conséquences des dix-neuf années passées dans le couloir de la mort : la perte totale de sa propre conscience, l’impossibilité de vivre avec lui-même ou les autres… Et le doute qui le ronge. n V.T.
OOO Sur Sundance TV, le 8 décembre STUDIO CINÉ LIVE I 111
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SÉRIES TÉLÉ
pour / contre
Lucifer
Tom Ellis, un diable qui s’habille réllement en Prada
LE DIABLE JOUE LES FLICS À LOS ANGELES. COMÉDIE JOUISSIVE OU ÉNIÈME SÉRIE POLICIÈRE ?
VS
politiquement incorrect et sadique, le créateur, Tom Kapinos, a fait de son Lucifer l’archétype du héros génial et excentrique vu et revu cent fois dans les séries américaines. Il ressemble comme deux gouttes d’eau à Dr House ou au Mentalist. Quelle déception…
i g o r H a n s e n - L ov e O
qui en a décidé ainsi. Tu as déjà vu le diable vivre une crise existentielle ?
et il côtoie des tueurs alors qu’il devient mortel à certains moments– il apprécie d’ailleurs ce nouvel état plus qu’il ne l’avoue. I.H.-L.: NON, TU AS RAISON, Qui sait s’il ne rend pas mais encore une fois, je justice sur Terre pour rentrer trouve que le format de la dans les bonnes grâces série policière cannibalise de son père, qu’il méprise cette excellente idée de pour l’avoir collé aux départ. Chaque épisode est Enfers… Quelle meilleure ficelé autour d’un meurtre V.T.: CONTRAIREMENT à Lucifer, dont la résolution est toujours association que ces pécheurs Gregory House et Patrick bâclée. Les rebondissements entreprenants et ce Lucifer Jane étaient deux personréticent ? sont bien trop prévisibles nages qui pensaient déjà tout à mon goût. Conçue pour être connaître sur la nature saisie en cours de route, I.H.-L.: JE DOIS BIEN RECONNAÎTRE humaine. Cette série-là cette série aurait mérité une que les débats théologiques est également une étude intrigue au long cours ! m’ennuient. En revanche, amusante sur la nature la question suivante m’amuse du bien et du mal et sur le V.T. : AU CONTRAIRE, seules un peu plus : pourquoi I.H.-L.: EFFECTIVEMENT, sur le libre arbitre face à la des enquêtes policières papier, l’arrivée du Malin les héros à l’intelligence aux côtés des forces de police prédestination divine. Lucifer peuvent aider à dévoiler supérieure ont-ils toujours se demande quand même est une idée originale et le mystère Lucifer, car il est un accent britannique dans si, en tant que «Seigneur des écartelé entre le vice et la plaisante. Mais elle est mal les séries américaines ? n exploitée. Au lieu de profiter Enfers», il est le mal incarné vertu. Il s’étonne du mal qui Saison 1 • En janvier sur 13ème Rue. d’un personnage hors norme, ou si c’est Dieu, son père, habite certains criminels V.T.: VOICI UNE SÉRIE qui m’éclate. Je reconnais que le point de départ d’un duo composé d’un flic et d’un consultant civil n’est pas nouveau mais ici, ce consultant n’est autre que Lucifer. Il a abandonné l’enfer pour passer des vacances à Los Angeles, où il résout des enquêtes policières afin de rendre justice aux innocents. Il est arrogant, sans aucun filtre social et doté d’un humour irrévérencieux. Pour finir, il est sophistiqué et s’habille réellement en Prada.
112 I STUDIO CINÉ LIVE
WARNER BROS TELEVISION PRODUCTION
Véronique Trouillet OOOO
© 2016 Universal Studios. Tous droits réservés. © 2016 Paramount Pictures. Tous droits réservés.
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SÉRIES TÉLÉ Certains l’aiment chaud, de Billy Wilder
inter view
DEUX FRANÇAISES ET HOLLYWOOD ⇢ Julia Kuperberg : Notre père [le producteur Ro-
bert Kuperberg] nous a tout appris, la réalisation et la production. Il nous a aussi transmis l’amour du cinéma américain. Celui-ci, plus que le cinéma européen, est le reflet d’une société. Cela fait dix ans que Clara et moi avons créé notre maison de production, Wichita Films. Clara Kuperberg : Les Américains sont flattés que deux réalisatrices françaises s’intéressent à leurs films. Certains, comme Jodie Foster ou Martin Scorsese, ont accepté nos interviews, car ils savent que nous allons respecter leurs films. J.K. : Au début, ce n’était pas facile de trouver des intervenants, mais aujourd’hui nous avons un réseau, les Américains connaissent nos films.
DEUX PRODUCTRICES ⇢ C.K. : Nous aimons transmettre, c’est notre
première motivation. Et nous faisons tout ensemble. Dès que nous avons l’idée d’un sujet, nous démarchons les chaînes. Nous nous chargeons du travail de documentation : nous voyons tout ce qui existe, afin de savoir ce que nous pouvons obtenir pour notre film. Ensuite, nous écrivons un texte à quatre mains. Puis, nous partons un mois ou deux aux États-Unis pour tourner deux à trois films en même temps. Enfin, nous rentrons en France pour faire le montage. Nous sommes souvent d’accord, sinon ce serait épuisant. Mais nous travaillons dans une économie réduite. J.K. : Le budget d’un documentaire se situe entre 100 000 et 300 000 euros, en fonction du diffuseur et du sujet. L’argent passe principalement dans les archives. C’est un choix que nous avons fait : être sous-payées, mais avoir la liberté de tout gérer.
LES SŒURS KUPERBERG LA PASSION HOLLYWOOD AVEC UNE TRENTAINE DE DOCUMENTAIRES SUR LE CINÉMA AMÉRICAIN À LEUR ACTIF, JULIA ET CLARA KUPERBERG SONT DEVENUES INCONTOURNABLES. LEUR DERNIER FILM : UN PORTRAIT DE BILLY WILDER.
PAR VÉRONIQUE TROUILLET
114 I STUDIO CINÉ LIVE
négocions avec des gens pour la première fois, nous ne sommes pas prises au sérieux. Être jeune et femme, en France ou aux États-Unis, ne sont pas des qualités. C.K. : Quand nous avons réalisé Et la femme créa Hollywood, ce n’était pas tant pour faire un film militant, mais pour montrer ce que les femmes ont apporté au cinéma. Le documentaire rêvé est celui qui est utile et qui aide à changer les mentalités. C’est la preuve que nous avons raison de faire ce métier.
billy wilder : la perfection hollywoodienne De Julia et Clara Kuperberg • Dans le cadre de la soirée spéciale Billy Wilder • Sur OCS Géants, le 29 décembre à 22 h 30 • Précédé de Sabrina, à 20 h 40 et suivi de Stalag 17, à 23 h 25.
MATHIEU ZAZZO/OCS/OCS
DEUX FÉMINISTES ⇢ J.K. : Sans faire de misérabilisme, dès que nous
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5 raisons d’aimer
GLACÉ ROGER RAPAJON/GAUMONT TÉLÉVISION/M6
ADAPTÉE DU POLAR DE BERNARD MINIER EN SIX ÉPISODES DE 52 MINUTES, CETTE SÉRIE GLAÇANTE DÉBARQUE SUR M6. VOILA POURQUOI C’EST UNE BONNE NOUVELLE. PAR VÉRONIQUE TROUILLET
1
LA TRAHISON
BERNARD MINIER, l’auteur du roman, en visite sur le tournage, qualifie la série comme « la plus belle trahison de [son] œuvre ». Les personnages ont été profondément enrichis par l’équipe de scénaristes : Gérard Carré, Caroline Van Ruymbeke, Hamid Hlioua,
Laurent Herbiet – également réalisateur – et Pascal Chaumeil, décédé à l’été 2015, réalisateur de L’arnacœur, à qui la série est dédiée. Ainsi, dans le livre, le commandant Servaz et le tueur en série Julian Hirtman, enfermé dans un hôpital psychiatrique, ne se connaissent pas. Dans la série, ils sont d’anciens amis. Hirtman, ex-juge, est le parrain de la fille de Servaz et c’est Servaz qu’il l’a arrêté dix ans plus tôt. Cette relation, même si elle apparaît secondaire par rapport à la série de meurtres qui secoue la région, est un fil rouge qui met tout de suite mal à l’aise.
2
LE COMMANDANT MARTIN SERVAZ
DIVORCÉ mais encore amoureux de sa femme, ultraprotecteur vis-à-vis de sa fille de 17 ans, commandant au SRPJ de Tou-
Pascal Greggory en tueur manipulateur
louse, il est usé par son métier. Depuis que six meurtres ont été commis et qu’il a découvert que son meilleur ami en était le coupable, il est habité par le doute et la peur. Appelé pour résoudre une enquête aux ramifications politiques sur le massacre d’un cheval – bientôt suivi par des homicides de plus en plus étranges –, il découvre qu’il est intimement lié à ces événements. Et son cauchemar ne fait que commencer.
3
L’ATMOSPHÈRE
NATIF DES PYRÉNÉES, Bernard Minier a situé son roman dans la région de Comminges et, pour rester fidèle à l’atmosphère qu’il a créée, c’est dans ces décors naturels que la série a été filmée pendant trois mois. Et c’est une réussite : les montagnes, la neige – tombée au bon moment –, l’épais brouillard, l’austérité de l’usine hydroélectrique d’Artouste, l’isolement du téléphérique de Sagette ou la tristesse des
locaux inoccupés de l’hôpital psychiatrique de Lannemezan… Tout glace littéralement le sang.
4
CHARLES BERLING VS PASCAL GREGGORY
ILS INCARNENT respectivement le flic Servaz et le tueur Hirtman ; l’enquêteur et le manipulateur ; le bien et le mal… Autant Charles Berling apporte de la chaleur et de la nervosité à son personnage, autant Pascal Greggory est tout en malice et en quiétude. Le talent des deux acteurs fait de chacune de leurs scènes une confrontation tragique.
5
PARCE QUE CE N’EST QU’UN DÉBUT
UNE (MÉS)AVENTURE de Servaz ne saurait suffire. Si le succès est au rendez-vous, les deux autres enquêtes du commandant, Le cercle et N’éteins pas la lumière pourraient être adaptées. n Glacé Prochainement sur M6 STUDIO CINÉ LIVE I 115
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SÉRIES TÉLÉ
sorties dvd
Unforgotten LA SÉRIE OOO LES BONUS NC
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Une enquête tortueuse sur un meurtre vieux de quarante ans qui dévoile les secrets de quatre suspects. Aucun n’en sortira indemne. n V.T. FranceTV Distribution • 14 décembre
Ash vs Evil Dead SAISON 1
LA SÉRIE OOO LES BONUS NC
FPE • 7 décembre
Les hommes de l’ombre
SAISON 3
LA SÉRIE O LES BONUS NC
Cette sai⇢ son s’inspire
de l’actualité des attentats en France. Mais relève plutôt de l’opportunisme malsain que d’un nouvel éclairage sur le sujet. n V.T. FranceTV Distribution • 5 décembre
Krysten Ritter
Jessica Jones
La série OOOO Les BONUS Nc
UNE SÉRIE RAFRAÎCHISSANTE DANS UN GENRE GÉNÉRALEMENT DOMINÉ PAR LES SUPERHÉROS MASCULINS. PAR VÉRONIQUE TROUILLET
CETTE SÉRIE ADAPTÉE DU COMIC Alias, de ⇢ Brian Michael Bendis et Michael Gaydos par
Melissa Rosenberg (Dexter, Twilight), relève plus du thriller psychologique – avec des thèmes ancrés dans la réalité, comme la violence contre les femmes – que d’une énième aventure de superhéros avec combats chorégraphiés et effets visuels clinquants. Jessica Jones est une détective privée solitaire et alcoolique dans le Hell’s Kitchen de New York. Elle est dotée de quelques superpouvoirs (force et résistance surhumaines, capacité à voler), mais ce n’est pas ce qui la définit. Ce qui l’anime, c’est sa volonté de survivre après sa DVD/Blu-ray • Avec Krysten Ritter, David Tennant, Mike Colter, Rachael Taylor… • Disney • 7 décembre
relation violente – psychologiquement et physiquement – avec Kilgrave, le méchant de la série. Ce psychopathe « à la conscience sélective » contrôle les esprits des gens. Et même quand il n’est pas à l’écran, il fait régner sur la série une tension , qui va crescendo. Amoureux de Jessica, et obsédé par elle, il revient dans sa vie pour une nouvelle fournée de torture émotionnelle. Le rythme et le suspense augmentent, alors que les cadavres d’innocents s’accumulent et que Jessica tente de contrer Kilgrave. L’affrontement entre les deux acteurs, Krysten Ritter et David Tennant, est un bonheur à regarder, tant leur jeu est tout en nuances, elle dans la vulnérabilité et lui dans le cynisme glaçant. n
LA CAMÉRA EXPLORE LE TEMPS
VOL. 3 La série OOO les bonus OO Cette série (1957-1966) reconstitue les grandes énigmes de l’histoire. Le résultat, ⇢ tourné en direct, est très théâtral, mais les intrigues sont captivantes. Et revoir certains
grands acteurs français est un vrai plaisir. n V.T. 116 I STUDIO CINÉ LIVE
Elephant Films • Vol 1 et 2 dispos • Vol 3, le 18 janvier
PROD DB/NETFLIX/MARVEL STUDIOS/ABC STUDIOS-ELEPHANT FILMS/ELYSÉES ÉDITIONS
⇢
Bruce Campbell retrouve son personnage culte, Ash, dans une série qui prolonge les Evil Dead de Sam Raimi. La chasse aux cadavres est à nouveau ouverte. n V.T.
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QUAND CASTLE ET BECKETT SE SONT MIS EN COUPLE, ON POUVAIT REDOUTER LE SYNDROME CLAIR DE LUNE.
MAIS LA SÉRIE A REDOUBLÉ D’INGÉNIOSITÉ.
ger sa vie et celle de ses proches, mais aussi à l’amour entre Beckett et Castle qui – enfin – s’avouent leurs sentiments après quatre ans de flirt platonique. Le titre américain, Always, s’avère plus subtil. « Always » (toujours) est d’ailleurs un petit mot que Castle et Beckett se sont échangé plusieurs fois dans les épisodes précédents pour s’assurer que chacun est, à jamais, là pour l’autre. C’était leur façon à eux de se dire « je t’aime » avant l’heure.
LA SCÈNE
Castle SAISON 4, ÉPISODE 23
épisode culte
CETTE SÉRIE, QUI MÊLE UNE BELLE HISTOIRE D’AMOUR À DES ENQUÊTES POLICIÈRES, A TIRÉ SA RÉVÉRENCE APRÈS HUIT SAISONS ET 173 ÉPISODES. PAR VÉRONIQUE TROUILLET
PROD DB/ABC STUDIOS/BEACON PICTURES
LA SÉRIE
D’un côté, il y a Richard Castle, un écrivain de polars à l’imagination débordante. Il croit aux voyages dans le temps et aux zombies, mais ses théories farfelues recèlent toujours une once de logique qui aide à résoudre les enquêtes. De l’autre, il y a Kate Beckett, lieutenant de la police de New York, aussi intelligente que déterminée. Dédiée à son métier, elle démontre à chaque instant qu’une femme peut réussir dans un monde d’hommes sans perdre sa féminité. L’association improbable des deux – baptisée Caskett – a créé une comédie dramatique à la fois policière et romantique. Quand ils se sont
La première fois que Castle a avoué ses sentiments à Beckett, celle-ci était blessée et quasi inconsciente. Cette fois, c’est à une Beckett plus qu’alerte qu’il déclare son amour. Dans une série classique, ils seraient aussitôt tombés dans les bras l’un de l’autre. Ici, ils se disputent violemment. Elle l’accuse de l’avoir trahie en lui cachant une piste sur le meurtre
enfin mis en couple, le syndrome Clair de Lune pouvait être redouté, mais la série a redoublé d’ingéniosité, en préservant ce mélange d’enquêtes inventives et d’humour décapant.
L’ÉPISODE
Le final de la saison 4. Beckett et Castle enquêtent sur la mort d’un ancien militaire, ce qui les replonge dans l’investigation sur la tentative d’assassinat contre Beckett. Le titre français, Jusqu’à la mort, fait référence à l’obstination de Beckett pour résoudre le complot autour du décès de sa mère, ce qui met en dan-
de sa mère, il se défend en argumentant qu’il voulait la protéger et préfère la quitter plutôt que de la voir se faire tuer. Les deux acteurs, Stana Katic et Nathan Fillion, sont parfaits. L’affrontement est beau et déchirant. n Saison 1 à 8 • Disney • Dispo
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VIDÉOCLUB par thomas Baurez
revu et corrigé
DIVINES
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CAMÉRA D’OR À CANNES, CE SCARFACE FRANÇAIS AU FÉMININ A DIVISÉ LA CRITIQUE. ENTRETIEN AVEC HOUDA BENYAMINA, UNE RÉALISATRICE APAISÉE QUI N’A RIEN PERDU DE SA RAGE.
L
e 22 mai 2016, lors de la cérémonie de clôture du Festival de Cannes, la réalisatrice de Divines, Houda Benyamina, prenait possession de la Caméra d’or et du micro pour un discours enflammé ponctué d’un « Cannes est à nous aussi ! » Comprendre : aux femmes, aux membres de son association, 1 000 visages, qui militent pour plus de représentativité dans le milieu du cinéma, et plus globalement à celles et ceux qui ont « du clito », selon ce mot d’auteur 100 % Divines. Ce premier long métrage est la chronique de deux adolescentes de banlieue faite de rage, de bruit et de fureur, mais aussi d’entrechats et d’amour. Que reste-t-il aujourd’hui de cette débordante passion ? La cinéaste continue de porter son film avec la ténacité d’une combattante et de fuir comme la peste, « l’u-ni-for-mi-té » en détachant bien les syllabes pour mieux la pointer du doigt. Divines a fait plus de 300 000 entrées et suscité des débats critiques. « Je suis prête à tout entendre ! », lance Houda Benyamina.
DIAPHANA/EASY TIGER-RUE DES ARCHIVES/IPA
« Un jugement moral vient condamner la soif de l’héroïne, tandis que les “divines” sont jetées dans les flammes de l’Enfer (…) Rien de plus désagréable qu’un petit film moralisateur qui se rêve en brûlot engagé et portrait bienveillant. » J’essaie juste de comprendre mes personnages, donc la complexité de la nature humaine. Dounia, mon héroïne, est portée par une colère qu’elle ne maîtrise pas. Chez elle, tout passe par les émotions. Il lui manque le verbe, à l’image de ceux qui ont lancé les émeutes de 2005 dans les banlieues françaises qui, contrairement à la Révolution française ou Mai 68, ont été portées par un mouvement spontanée et non par une intelligentsia. Divines est une tragédie et ne pouvait pas se finir idéalement. Si le film avait été moralisateur, Dounia serait morte à la place de Maimouna. Dounia contemple la Lune et, pour la première fois, regarde vers le haut. J’assume le caractère spirituel du film, au sens où il raconte un combat intérieur pour accéder à une forme de reconnaissance. « …La réalisatrice passe à côté de son sujet à force de vouloir jouer sur tous les tableaux. Cascade de mots d’auteur, qui figent chaque personnage dans son cliché sociologique, et épate systématique : Houda Benyamina voudrait séduire à la fois les fans de Ken Loach, de LOL et du Jean-François Richet des années 90. » C’est très positif comme remarque. J’aime Titanic et Tarkovski. Et alors ? Oui, je joue sur tous les tableaux. J’assume. C’est un film organique, la caméra reste
au plus près du personnage pour révéler la vérité de ses mouvements. Ma hantise était de faire un film « assis ». Or, dans la plupart des productions françaises, les personnages sont confortablement installés et boivent du champagne ! Quant aux références incontournables, la nouvelle vague, Scorsese, j’adore, mais là, pour le coup, je m’assois dessus ! Pour ce qui est « des mots d’auteur qui figent chaque personnage dans son cliché sociologique », on peut le dire aussi des Enfants du paradis. « Si le sujet et les protagonistes pourraient nous rappeler Bande de filles, le ton et le style, âpres et sans apprêt, nous font tout de suite comprendre que nous sommes dans un autre univers. » Je n’ai pas vu Bande de filles, difficile pour moi d’en parler. Ce que je sais, c’est que dans les banlieues, le film de Céline Sciamma, tout comme L’esquive, d’Abdellatif Kechiche, par exemple, n’ont pas eu beaucoup d’échos. Cela n’enlève rien à leur qualité, c’est juste pour dire que Divines semble en prise plus directe avec la jeunesse représentée dans le film. Lors de la production, il a fallu que je me justifie constamment sur le côté « film de banlieue » ; Scorsese, lui, ne s’est jamais excusé de faire des films à New York. Mon coscénariste, Romain Compingt, m’a prévenue : « Attention, je ne connais rien à la banlieue ! » Je lui ai répondu : « Et l’amour, et l’amitié, ça te parle ? C’est ça, le sujet du film ! » « Du même tonneau que Scarface, cette tragédie moderne est le film d’une femme qui en a sous le capot et qui accorde de l’importance à la spiritualité, le titre faisant référence non pas à la religion mais à la divinité tout intérieure de ses héroïnes. » Dans Scarface, les gens ne s’intéressent qu’à la première partie, or ce que je trouve sublime, c’est la fin, soit la chute du héros ; Tony Montana refuse d’actionner la bombe qui va tuer une petite fille. Il redevient humain mais ce changement, il va en payer le prix fort. Scarface, c’est l’histoire d’un mec qui vient d’un milieu pauvre et rêve de ne plus avoir les mains dans la merde. Dans Divines, il y a un clin d’œil direct au film quand un personnage dit : « Moi, mes mains, elles sont faites pour l’or ! » Dounia n’a pas la même trajectoire que Tony Montana, même si elle aussi doit sacrifier des choses pour enfin lever la tête. n Blu-ray/DVD • De Houda Benyamina • Avec Oulaya Amamra… • Dispo
STUDIO CINÉ LIVE I 119
GER - EXEMPLAIRE NUMERIQUE
VIDÉOCLUB
Samuel Fuller
DEUX FILMS DU CINÉASTE AMÉRICAIN, ADORÉ DES CINÉPHILES MAIS PEU CONNU DU GRAND PUBLIC, SORTENT EN DVD. L’OCCASION DE DIRE TOUT LE BIEN QU’ON PENSE DE SON ŒUVRE.
3 RAISONS DE (RE)découvrir… SAMUEL FULLER La guerre et la plume
Triple face
Sam & Richard
à 30 et signé son premier long métrage à 37. L’homme, fils d’immigrés juifs d’Europe de l’Est, a su faire le dos rond pour satisfaire les pontes d’Hollywood et montrer les crocs quand il le fallait. Il est un trait d’union entre le classicisme de l’âge d’or des studios et la modernité, à partir des sixties. Cela donne une carrière un brin erratique, mais avec des lignes de force évidentes. Son passé de journaliste a donné le fringant Violences à Park Row (1952) et le paranoïaque Shock Corridor (1963). Les cicatrices de la guerre ont permis, entre autres, le tendu Baïonnette au canon (1951), l’oppressant Les maraudeurs attaquent (1962) et la fresque intimiste Au-delà de la gloire (1980).
sage (éd. Allia) : « Ne trouvant pas de nom accrocheur en psychologie pour mon moi privé, j’ai choisi “un troisième visage”. Ce n’était pas juste pour moi un concept, mais la geisha captivante, fantasque, intime et séductrice de mon cerveau. » L’emploi du mot « geisha » n’est pas fortuit, tant Fuller s’est passionné pour l’Extrême-Orient. Ainsi, La maison de bambou (1955) est le premier film hollywoodien intégralement tourné au Japon. Sa filmo compte aussi J’ai vécu l’enfer de Corée (1951), Porte de Chine (1957) ou Le kimono pourpre (1959), édité ce mois-ci en vidéo, film noir trépidant et antiraciste situé dans le Little Tokyo de Los Angeles. Bertrand Tavernier et François Guérif en parlent très bien en bonus.
démon des eaux troubles, film de sousmarin de 1954, certes mineur, mais qui recèle quelques saillies de mise en scène. Témoin, cette séquence où l’image, soudain baignée dans une lumière rouge, érotise l’action au maximum, permettant à Richard Widmark et Bella Darvi un rapprochement sauvage. Ce film de commande anticommuniste, en Cinemascope, a été tourné dans la foulée d’un des plus grands films de Fuller : le thriller Le port de la drogue (1953) avec le même Widmark. L’autre sommet étant un western : Quarante tueurs (1957). n
120 I STUDIO CINÉ LIVE
Le kimono pourpre • Avec Victoria Shaw, Glenn Corbett, James Shigeta …• DVD • Sidonis • Dispo Le démon des eaux troubles • Avec Richard Widmark, Bella Darvi… • DVD • ESC Conseils • Dispo
PROD DB
⇢SAMUEL FULLER (1912-1997) a tâté ⇢LE CINÉASTE a mystérieusement inti- ⇢OUTRE LE KIMONO POURPRE, l’autre du journalisme dès 12 ans, fait la guerre tulé son autobiographie Un troisième viactualité Fuller est une réédition : Le
GER - EXEMPLAIRE NUMERIQUE
LE FILM QUI FÉMINISE HOLLYWOOD
S.O.S. Fantômes
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Les femmes sont-elles l’avenir du blockbuster ? Paul Feig y a cru, le boxoffice, un peu moins ! N’empêche, cette bande de filles chasseuses de fantômes ringardise tous les machos en collants. Bim ! n DVD/Blu-ray • Sony • Dispo
LE FILM QUI DONNE LA FOÏS
LA TORTUE ROUGE
Irréprochable Pour ⇢ ceux qui
Le film qui défie les lois de l’apesanteur LE CHEMIN DE LA TORTUE fut lent et… tor⇢ tueux ! Il a fallu dix ans aux Français de Wild
Bunch, aux Japonais des mythiques studios Ghibli et au réalisateur hollandais Michaël Dudok de Wit pour mettre leur Tortue rouge à l’eau. Le résultat est sans appel : ce film est l’un, sinon le sommet de cette année 2016. Chef-d’œuvre d’épure scénaristique porté par une animation sublime, le film laisse le spectateur en apesan-
teur et se vit plus qu’il ne se raconte. En bonus, deux courts métrages du sémillant de Wit, 64 ans : Le moine et le poisson, césarisé en 1996, et Father and Daughter, oscarisé en 2000. La tortue rouge, lui, a obtenu un Prix spécial à Cannes dans la section Un Certain Regard. Or Il aurait mérité sa place en compétiton officielle. n DVD/Blu-ray • De Michaël Dudok de Wit • Wild Side • Dispo
DVD/Blu-ray • Orange Studio• Dispo
RENDEZ-VOUS DE JUILLET Le film qui fait swinguer la jeunesse
⇢« NOUS AVONS la parole, alors prenons-la ! » hurle Daniel PROD DB-STUDIO GHIBLI/WILD BUNCH/WHY NOT PRODUCTIONS
Gélin, 28 ans, à ses copains qui hésitent à le suivre dans son ex-
pédition africaine. Paris, fin des années 40. Dans les caves de la rive gauche, le jazz encanaille la jeunesse, qui vit dans une re-
auraient loupé les épisodes précédents : Marina Foïs est une grande actrice. Cet Irréprochable – thriller social où elle fait vraiment flipper –, lui va comme un gant. Et pas seulement à cause de son titre. n
lative insouciance. La guerre est déjà oubliée, l’âge adulte, tenu à distance. Certains rêvent de jouer les aventuriers loin de Saint-Germain-des-Près, d’autres entendent brûler les planches des théâtres. Jacques Becker, 43 ans, en grand frère éclairé, ausculte leur énergie, leurs espoirs, leurs amours et leurs faiblesses. Rendez-vous de juillet regarde avec une acuité parfois cruelle la jeunesse parisienne dans le blanc des yeux. Plein de bonus, dont une interview de Brigitte Auber, la Thérèse de la bande. n
LE FILM QUI DÉCHIRE
Instinct de survie
Il était une ⇢ fois Blake
Lively. Ce pitch pourrait suffire, mais les scénaristes ont rajouté un requin pour pimenter l’affaire. Spielberg et ses Dents de la mer peuvent aller se rhabiller. Ou presque ! n DVD/Blu-ray • Sony• 22/12
DVD/Blu-ray • De Jacques Becker • Gaumont • Dispo
STUDIO CINÉ LIVE I 121
GER - EXEMPLAIRE NUMERIQUE
DVD DE NOËL par thomas Baurez et véronique trouillet
DU RIRE, DES LARMES, DU TRÈS CONNU, DE L’OBSCUR, DU COMPLET, DU SÉLECTIF: UN APERÇU DE CE QU’IL CONVIENT DE METTRE AU PIED DU SAPIN POUR SE FAIRE BIEN VOIR. Pour Avoir tout… tout de suite
Clint Eastwood LE PRÉSENT COFFRET ⇢ contient les 31 longs
métrages du cinéaste (jusqu’à American Sniper) et une dizaine de films où il n’est qu’acteur, dont les Sergio Leone (Pour une poignée de dollars, Et pour quelques dollars de plus…). n
DVD/Blu-ray • Warner • 299,99 €
LES FILMS qui peuplent l’univers coloré et cruel du cinéaste espagnol sont pour la première fois réunis en DVD et Blu-ray dans leur quasi-intégralité. Manquent à l’appel : Folle… folle… fólleme Tim !, Le labyrinthe des passions et Matador. Des absences palliées par un florilège de bonus, avec Almodóvar entouré des actrices et des acteurs de sa vie. n
le Mexicain Alejandro Iñárritu a imposé un style et un savoir-faire qui font frissonner d’envie le tout Hollywood : Brad Pitt, Leonardo DiCaprio… Du cinéma d’auteur haut de gamme, en somme. n
DVD/Blu-ray • TF1 Studio • 119,99 €
DVD/Blu-ray • 20th Century Fox • 69,99 €
Le cinéma d’Almodóvar
⇢
122 I STUDIO CINÉ LIVE
PROD DB/EL DESEO
Intégrale Iñárritu ⇢EN SEULEMENT six longs métrages,
GER - EXEMPLAIRE NUMERIQUE
Pour dépasser les frontières de l’espace et du temps
X-MEN et Wolverine TOUT A DÉBUTÉ ⇢ il y a seize ans dans
star wars
EN ATTENDANT les suites, spin-off ou autres préquels, voici une occasion de se (re)faire ⇢ toute l’épopée avant que Disney et ses grandes oreilles n’ait mis son nez dedans. Pas de
Réveil de la force, de J.J. Abrams donc ici. Ce « presque tout » est dispo dans un boîtier qui ressemble à s’y méprendre à celui de l’an passé. Rien ne se transforme, rien ne se recrée. n DVD/Blu-ray • Distributeurs • Dispo • 79,99 €
PROD DB/LUCAS FILM-ARTUS FILM
Alien anthology ⇢LA SAGA ALIEN n’a connu que la crème
POUR CEUX qui préfèrent le bon vieux carton-pâte à l’impersonnel fond vert, voici quatre films S.F. des 50’s et 60’s, dont l’ahurissant Objectif Terre, qui prouvent que le droïde est bien l’avenir de l’homme.
de la crème du genre : Ridley Scott, James Cameron, David Fincher, et le frenchy Jean-Pierre Jeunet. À bord, Sigourney Weaver est increvable. Revoir tout ça en Blu-ray et mourir ! n
DVD • Artus Films • Dispo • 29,90 €
Blu ray • 20th Century Fox • 45,99 €
⇢
La guerre des robots
une galaxie lointaine avec Bryan Singer, qui a cédé puis repris les manettes. Dans le même temps, l’opportuniste Hugh Jackman en a profité pour la jouer solo, toutes griffes dehors, avec Wolverine. L’ensemble forme un corpus qui s’achète séparément. n Wolverine • Blu-ray • 20th Century Fox • 16,79 € X-Men • Blu-ray • 20th Century Fox • 49,99 €
STAR TREK AVANT de jouer avec ⇢ Dark Vador, J.J. Abrams
a réveillé les trekkies en faisant basculer les collants bleus dans le XXIe siècle. Finies, donc, les téléportations cheap d’antan. Noir c’est noir, il y a encore de l’espoir ! n DVD/Blu-ray • Paramount • 9,99 € et 13,69 €
STUDIO CINÉ LIVE I 123
GER - EXEMPLAIRE NUMERIQUE
DVD DE NOËL
Pour ceux qui ont de la suite dans les idées
LA COLLINE A DES YEUX AVANT LA VERSION ⇢ D’AJA, la colline avait déjà
JAMES BOND ⇢
SEAN CONNERY, George Lazenby, Roger Moore, Timothy Dalton, Pierce Brosnan et enfin Daniel Craig : le compte est Bond ! Ici, tout y est, même Spectre, dernier opus, dont un nouveau visionnage ne fera pas de mal, tant les fans ont fait la fine bouche à sa sortie. Il n’empêche, se replonger dans le bain moussant d’une telle saga permet en creux une lecture géopolitique des soixante dernières années. n DVD/Blu-ray • MGM• 129,99 €
des yeux… Ce survival originel signé Wes Craven fête ses 40 ans. Du coup, un coffret vient célébrer la chose avec, en sus, le second volet, signé Craven itou. Pour ceux qui l’ignoreraient, sachez qu’une famille de blancsbecs se fait dézinguer par des cannibales qui ont été bercés trop près d’un réacteur nucléaire. Culte! n
WISEMAN CE TROISIÈME VOLET ⇢ achève l’intégrale
fantastiques, imaginée par la même J.K. Rowling, il est grand temps de reprendre le balai par la racine. n
Frederick Wiseman, maître absolu du documentaire, dont la retenue légendaire (jamais de voix off) et l’intelligence de la mise en scène sont bluffantes. Treize films ici, dont Boxing Gym, ou le récent In Jackson Heights. n
DVD/Blu-ray • Warner • 49,99 €
DVD• Blaq Out • 65€
HARRY POTTER ⇢ALORS QUE LE PETIT SORCIER est en train de se faire ringardiser par la nouvelle saga des Animaux
124 I STUDIO CINÉ LIVE
PROD DB/DANJAQ/MGM/EON/RUE DES ARCHIVES/BCA
DVD/Blu-ray • ESC • 39,99 €
GER - EXEMPLAIRE NUMERIQUE
Pour voyager dans le cinéma français
jean gabin
LA COLLECTION HÉRITAGE propose la première édition digne de ce nom du chef-d’œuvre ⇢ de Jean Grémillon, Gueule d’amour (1937), avec un Jean Gabin première manière d’une modernité éternelle. Un autre coffret présente un Gabin plus installé, avec notamment Mélodie en sous-sol, Le désordre et la nuit, Un singe en hiver, Les vieux de la vieille… n
PROD DB/CITÉ FILMS-PROD DB/CHARLEE GASSOT
Gueule d’amour • DVD/Blu-ray • TF1 Vidéo • 19,99 € • Coffret Gabin • DVD• FPE • 29,99 €
CLAUDE MILLER MICHEL SERRAULT. ⇢ hante de sa présence
COSTA-gavras ARTE RÉUNIT ⇢ les neuf premiers longs
DVD/Blu-ray • TF1 Vidéo • 19,99 € chacun
DVD/Blu-ray • Arte Vidéo• 90 €
inquiétante ces deux thrilllers étouffants de Claude Miller écrits par Michel Audiard (avec l’aide du rejeton Jacques pour Mortelle randonnée). Deux films présentés avec moult bonus. n
métrages de CostaGavras qui, outre Z ou L’aveu, sont peu, voire pas montrés. Parmi les intervenants de ce coffret, Christiane Taubira et Edwy Plenel témoignent de la portée politique de l’œuvre. n
STUDIO CINÉ LIVE I 125
GER - EXEMPLAIRE NUMERIQUE
DVD DE NOËL
Pour rire un peu, beaucoup, passionnément
LOUIS DE FUNèS LES ANNÉES PASSENT, Louis de Funès reste ! L’héritage ⇢ du comique grimaçant est inclassable car inégalable. Cinq œuvres plus ou moins majeures sont regroupées ici. Et, à chaque fois, de Funès emporte le morceau. n
DVD • Gaumont • 29,99 €
recommandable, exhume et redonne vie au cinéma des origines. Dans ce coffret, c’est l’animation qui est à l’honneur : Betty Boop, Popeye… Autant de figures pop qui dessinent l’histoire d’un genre et d’une industrie. (Re)voir, par exemple, Les voyages de Gulliver par les studios Fleischer est un éblouissement. n
imagine Tom Hanks, Carrie Fisher et Bruce Dern en habitants d’une banlieue middle class trop proprette pour être honnête. De mystérieux voisins au patronyme russe (nous sommes sous l’ère Reagan) suscitent tous les fantasmes. La mise en scène de Dante, de haut vol, élève tout sur son passage. Culte ! n
DVD• Lobster Films • 35 €
DVD/Blu-ray • Carlotta • 49,99 €
comme des bêtes
FEEL GOOD LA COMÉDIE ⇢ FRANÇAISE célèbre
les cartons de Moi, moche et méchant et des Minions, Comme des bêtes, où des animaux de compagnie font les 400 coups pendant que leurs maîtres sont au turbin, est une totale réussite, tant graphique que scénaristique. Le présent coffret, avec peluche intégrée, s’accompagne de minibonus très drôles n
sa diversité culturelle et envoie valser les clichés tout en jouant avec. Ainsi, un paysan algérien rêve de Salon de l’agriculture, des réfugiés politiques iraniens réenchantent la banlieue, et des immigrés portugais font briller Paris. n
DVD/Blu-ray • Universal • 29,99 €
DVD • Pathé & Gaumont• 16,99 €
LES STUDIOS ILLUMINATION sont devenus ⇢ la référence en matière d’animation US. Après
126 I STUDIO CINÉ LIVE
LES BANLIEUSARDS ⇢ENTRE les deux Gremlins, Joe Dante
PROD DB/UNIVERSAL PICTURES-PROD DB/GAUMONT INTERNATIONAL
les pionniers de l’animation LOBSTER FILMS, ⇢ maison française très
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Pour les purs et durs
BELLADONNA ATTENTION, OBJET ⇢ CULTE ! En 1976 sort
LE GRAND CHANTAGE
IL FALLAIT BIEN UN COFFRET EXCEPTIONNEL pour rendre justice à ce brillant film noir où ⇢ les gars louches ne viennent pas des bas-fonds mais du monde de la presse. Burt Lancaster (également producteur) et Tony Curtis s’amusent à faire et défaire les réputations avec une classe folle, le tout nimbé d’un magnifique noir et blanc. n
sur les écrans français Belladonna, film d’animation éroticonippon, adapté d’un roman de Jules Michelet. Psychédélique à souhait, ce délire visuel où Klimt se réinvente en manga est renversant. Signé Eiichi Yamamoto, ce bijou pour adultes se décline aujourd’hui en coffret avec musique, livre, dessins… n
DVD/Blu-ray • Eurozoom • 49,99 €
DVD/Blu-ray • Wild Side • 49,99 €
TCHOUKHRAÏ ⇢SON NOM ne vous dit sûrement rien. Cinéaste
de l’après-Staline, ce Russe a laissé quelques chefs-d’œuvre, dont Le quarante-et-unième (plus d’un million d’entrées en France à sa sortie en 1957), formidable ode à l’amour. n DVD • Potemkine • 39,99 €
128 I STUDIO CINÉ LIVE
le cinéma japonais CE DICTIONNAIRE embrasse tout un pan du cinéma ⇢ japonais entre 1935 et 1975. Outre Ozu, Mizogushi
ou Kurosawa, le lecteur s’aventure hors des sentiers battus. Six DVD accompagnent ce passionnant voyage. n
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format télé, mais il sied bien au cinéma. La preuve : en moins d’une heure, chacun des vingt « petits » films ici présents nous raconte l’envers du décor des grands films : La règle du jeu, À nos amours, L’empire des sens… Essentiel ! n
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UN FILM & SON éPOQUE CINQUANTE-DEUX ⇢ MINUTES est certes un
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DVD DE NOËL
POUR LES DINGUES DE SÉRIES
Luther
INTÉGRALE SAISONS 1-4 LE CAPITAINE de ⇢ police John Luther,
flic torturé et versatile, tire sa révérence après quatre saisons de bons et loyaux services. Cette série est l’une des pépites de la télévision anglaise avec des personnages à la psychologie complexe et des intrigues meurtrières étonnantes. n
7 DVD • De Neil Cross • Avec Idris Elba, Warren Brown, Dermot Crowley… • StudioCanal • 29,99 €
Braquo
INTÉGRALE 4 SAISONS
LE GROUPE CAPLAN ⇢ a tiré ses dernières balles
après quatre saisons à affronter criminels et flics véreux comme seule la fiction peut les imaginer. La tension ne baisse jamais. Braquo fait dans la noirceur, la violence et la mort et se veut un reflet mythologique de la réalité criminelle française. n
Mission : Impossible
L’INTÉGRALE DES 7 SAISONS, ÉDITION COLLECTOR
⇢
LA SÉRIE CULTE a fêté ses 50 ans cette année. De 1966 à 1973, les agents de Mission : Impossible ont combattu les méchants qui menaçaient les États-Unis et le monde. n 46 DVD • De Bruce Geller • Avec Peter Graves…• Paramount • 39,99€
130 I STUDIO CINÉ LIVE
Downton Abbey
SAISONS 1 À 6
SUIVRE les petits ⇢ bonheurs et les grandes
tragédies des Crawley et de leurs domestiques au début du XXe siècle est un pur bonheur, notamment grâce à la qualité d’écriture de Julian Fellowes. n
23 DVD • De Julian Fellowes • Avec Hugh Bonneville… • Universal • 79,99 €
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12 DVD/Blu-ray • D’Olivier Marchal et Abdel Raouf Dafri • Avec Jean-Hugues Anglade… • StudioCanal • 59,99 € et 69,99 €
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GER - EXEMPLAIRE NUMERIQUE
HIER ET DEMAIN I MYTHE PARADE
Depuis son studio de Montreuil – le premier au monde –, cet illusionniste a transformé un cinéma balbutiant en 7e art. Père du fantastique, auteur de cinq cents films, il a connu l’oubli, la réhabilitation, puis la résurrection grâce à Scorsese dans Hugo Cabret… Avant d’être honoré par la Cinémathèque. par Olivier Rajchman
GEORGES LE MAGICIEN OSE
u début des années 1930, le voyageur qui prenait son train en gare Montparnasse, à Paris, pouvait croiser un vieux monsieur en costume désuet et barbiche blanche faisant commerce de jouets et de bonbons. Sa boutique tenait plus du kiosque que du magasin, et bien peu pouvaient deviner, derrière sa mise modeste, l’identité de son gérant. Qui, d’ailleurs, se souvenait encore de Georges Méliès ? Luimême n’avait-il pas, à contrecœur, tiré un trait sur son passé ? Né en 1861, fils d’un bottier enrichi sous le Second Empire et d’une maîtresse-femme d’origine hollandaise, Georges Méliès vit une enfance choyée, tout juste perturbée par la guerre de 1870 et le siège de Paris. Lycéen à Louis-le-Grand, il épate ses condisciples par ses dons de dessinateur. Garçon modèle, il se réfugie chaque week-end dans le grenier de la propriété familiale de Montreuil pour y confectionner un théâtre de marionnettes. Sa première création annonce ses œuvres à venir : « J’avais imaginé une farce où le burlesque le disputait au merveilleux. On y voyait un ogre qui, souffrant de l’estomac, avait dû se résoudre à devenir végétarien. » Rares, toutefois, sont ceux qui prennent cet innocent passe-temps au sérieux. Jean-Louis Méliès est ainsi persuadé que Georges reprendra, avec ses frères, l’affaire paternelle. Ce qu’infirme son épouse Catherine : « Notre garçon, prédit-elle, nous donnera du fil à retordre, parce qu’il a une vocation. Et ce n’est pas celle de bottier. » Envoyé à Londres chez un collègue de son père, il assiste un soir à un spectacle de prestidigitation. Rencontrant son auteur, Georges se propose de lui confectionner des toiles pour servir de décor à ses tours. En retour, David Devant lui enseigne sa magie. Manifestement doué, Méliès se pique au jeu. Revenu en France, il fait des carica132 I STUDIO CINÉ LIVE
tures pour des revues satiriques, combat le général Boulanger, tient tête à son père qui veut le voir rentrer dans le rang, et perfectionne ses tours d’illusionniste.
TOUS EN SCÈNE
Son mariage avec Eugénie Genin, une héritière, l’affranchit de ses inhibitions. Renonçant à ses parts dans l’affaire familiale, Georges empoche, en compensation, 500 000 francs or. Grâce à cette somme, il achète, à 27 ans, en 1888, le théâtre Robert-Houdin, temple de la magie et des spectacles d’automates, situé boulevard des Italiens. À la tête d’une petite troupe, Méliès y expérimente des tours, dont il nourrit ses spectacles. Ces prestations attirent les foules. Pourtant, Méliès, qui investit beaucoup en matériel, gagne peu d’argent et rêve d’élargir sa discipline. Mais comment y parvenir ? En 1894, il sympathise avec le photographe Antoine Lumière. Ce dernier a deux fils, Louis et Auguste, dont les travaux sur les images animées intéressent Méliès au plus haut point. Un domaine dont Georges a eu vent par son actrice-vedette devenue sa maîtresse, Jehanne d’Alcy. Laquelle le soutient, lorsqu’assistant, en décembre 1895, à la première séance de cinématographie, Méliès propose à Antoine Lumière d’acheter l’invention de ses garçons. « Mais cette trouvaille n’est pas à vendre, rétorque Lumière ; d’ailleurs, c’est une curiosité scientifique, elle n’a aucun avenir commercial. » Toutefois, Georges, visionnaire, y croit dur comme fer. Rapportant de Londres quelques bandes, il les projette au théâtre Robert-Houdin. Leur accueil public l’incite à sauter le pas. Aidé d’un associé, d’un ingénieur et de son frère, Gaston, Méliès fabrique un appareil de prises de vues qu’il baptise le Kinetograph et dont il se sert pour réaliser son premier film. Il plante pour cela sa caméra dans le jardin
AFP/COLORISATION M. CAMBOUR
A
MELIES
GER - EXEMPLAIRE NUMERIQUE
GER - EXEMPLAIRE NUMERIQUE
HIER ET DEMAIN I MYTHE PARADE ⇢ Naissance à Paris, au sein d’une famille de la bourgeoisie commerçante. Georges se passionne pour le spectacle.
1888
⇢ Fou de magie, Méliès achète le théâtre RobertHoudin et en fait le temple de l’illusion.
1897
⇢ Après quelques courts, il créé, dans sa propriété de Montreuil, le premier studio de cinéma. Décennie faste.
de la maison de Montreuil et tourne, le 10 juin 1896, un court métrage : La partie de cartes. Enthousiaste, Georges emmène, lors des vacances d’été, son appareil en Normandie et multiplie, à la façon des Lumière, les « reportages » sur le vif. Pourtant, Méliès perçoit les limites d’une telle production, ainsi qu’il se l’entend dire par Charles Pathé, un forain auquel il tente de vendre son Kinetograph : « Le cinéma, c’est bien joli, mais c’est toujours la même chose ! » Et si l’on en faisait un spectacle ? Georges ne cesse d’y penser. Il est aidé en découvrant, par hasard, son premier trucage : « Un jour que je filmais la place de l’Opéra, une minute fut nécessaire pour débloquer la pellicule et remettre l’appareil en marche. Pendant cette minute, les passants et voitures avaient changé de place. En projetant la bande ressoudée, je vis subitement un omnibus MadeleineBastille changé en corbillard et des hommes changés en femmes. Le truc par substitution était trouvé. » Cette astuce, il s’en sert pour réaliser le premier film à scénario : Escamotage d’une dame chez Robert-Houdin, dans lequel Jehanne d’Alcy, par une passe magique, devient un squelette. « Le succès fut formidable, se souviendra Méliès, et je me mis à exécuter nombre de sujets de plus en plus compliqués. » Il réalise, ainsi, en octobre 1896, Le manoir du diable, qui peut être considéré comme le premier film à péripéties de l’histoire du cinéma. Ce conte fantastique, rempli de trucages, est
1913
⇢ Vaincu par les industriels, démodé par le réalisme au cinéma, Méliès signe son dernier film sous l’enseigne Pathé.
aussi la première bande en couleurs, coloriée à la main, image par image. Nécessité faisant loi, Méliès, qui a abandonné les scènes de rues, décide, la mauvaise saison venue, de construire un lieu protégé pour y filmer ses histoires. Sans en avoir conscience, il bâtit ainsi, dans sa propriété de Montreuil, l’ancêtre des studios de cinéma ; un hangar parqueté, aux parois vitrées pour laisser filtrer la lumière, qu’il inaugure le 22 mars 1897. Alors qu’il vient de créer sa propre compagnie, la Star Film, Méliès est approché par un riche industriel, Louis Grivolas, qui lui propose de mettre à sa disposition son usine d’appareillages électriques, ainsi que ses découvertes ayant trait au perfectionnement des prises de vues cinématographiques. Arnaqué, quelques mois plus tôt, par un beau parleur, Méliès rejette cette offre de partenariat. Déçu, Grivolas va apporter ses capitaux au forain Charles Pathé qui les acceptera… avec le succès que l’on sait !
LA MAGIE SE PERD
En artiste complet, Georges Méliès préfère se concentrer sur ses créations. Technicien et poète, il expérimente, innove et charme. Réalisé en 1900, Cendrillon combine surimpressions, fondus enchaînés et arrêts de caméra. Deux ans plus tard, Le voyage dans la Lune, inspiré de Jules Verne, permet au cinéaste de multiplier de nouveaux trucages, utilisant des modèles réduits, effectuant des prises de vues à travers un aquarium, fabriquant des décors de toiles peintes et de carton-pâte. Dans ce cinéma primitif, les acteurs gesticulent plus qu’ils ne jouent et la caméra reste immobile. Il n’empêche : ce film, le plus célèbre de Méliès, ouvre à son auteur les portes de l’Amérique. Georges y envoie son frère, Gaston, pour y protéger ses intérêts, tandis qu’il reste en France, creusant le sillon du féerique, mais faisant aussi œuvre politique avec l’affaire Dreyfus, où il défend courageusement le capitaine injustement accusé. Dans une France divisée, le film fait l’objet des premières censures. Méliès n’est pourtant pas au bout de ses peines. Tandis qu’en 1907 le cinéma s’industrialise, cet artisan éprouve des difficultés à suivre la cadence, à l’inverse de Pathé et de Gaumont. Perdant peu à peu sa clientèle de forains, il est contraint de licencier son personnel. Le
« NOTRE GARÇON NOUS DONNERA DU FIL À RETORDRE, PARCE QU’IL A UNE
1896 Escamotage d’une dame chez Robert-Houdin 134 I STUDIO CINÉ LIVE
1899 Cendrillon
1899 L’affaire Dreyfus
1902 Le voyage dans la Lune
PROD DB/STAR FILM/THEATRE ROBERT HOUDIN - STAR FILM
1861
GER - EXEMPLAIRE NUMERIQUE
1938
RUE DES ARCHIVES/RDA - PROD DB/STAR FILM - RUE DES ARCHIVES/TALLANDIER
⇢ Réhabilité, le cinéaste meurt à 76 ans, sans avoir pu concrétiser ses derniers projets sur grand écran.
FILMOGRAPHIE SÉLECTIVE 1896 Escamotage d’une dame chez Robert-Houdin 1897 Le manoir du diable 1898 Quatre têtes embarrassantes - Le rêve d’un astronome - La Lune à un mètre 1899 L’affaire Dreyfus - Cendrillon 1902 Le voyage dans la Lune - Le voyage de Gulliver 1903 Le mélomane - Le royaume des fées 1904 Le voyage à travers l’impossible 1912 À la conquête du Pôle
Georges Méliès photographié dans sa boutique à Paris. studio de Montreuil entre en hibernation. Georges accepte alors, comme une capitulation, de tourner pour Pathé. Mais ses œuvres, mutilées, ne rencontrent plus le même succès et Méliès finit, en 1913, par dire adieu au cinéma. La faillite de son frère aux États-Unis achève de le dégoûter. Pourtant, avec la foi du charbonnier, ce créateur fier, généreux, ombrageux mais plein d’humour, transforme les studios de Montreuil en salle de spectacles. Henri Jeanson, qui le rencontre à cette époque, se souviendra d’un homme « qui peignait les décors, faisait la claque, tirait le rideau, interprétait les rôles principaux. Cet ancien illusionniste jouait sans artifices, avec une conviction juvénile. » Georges Méliès se retrouve cependant dans l’obligation de liquider son théâtre en 1923.
Ruiné, réduit à vendre des bonbons dans le hall de la gare Montparnasse, il n’en conserve pas moins, remarié à Jehanne d’Alcy, son entrain et sa gaieté. Tiré de l’oubli par une poignée de cinéphiles émerveillés, Méliès passe ses dernières années dans une maison de retraites pour artistes, la tête pleine de projets. Celui d’un film s’intitulant Le fantôme du métro, qu’il avait imaginé avec Marcel Carné et Jacques Prévert, ne verra jamais le jour. Le cinéaste auquel D.W. Griffith disait tout devoir s’éteint paisiblement en janvier 1938. Après avoir tenté, sur son lit d’hôpital, un ultime tour de magie. Sa dernière facétie. Comme s’il avait voulu donner raison à Jeanson pour qui « Méliès était un grand monsieur qui, toute sa vie, resta un petit garçon ». n
POUR EN SAVOIR PLUS
Exposition « De Méliès à la 3D », à la Cinémathèque française, du 5 octobre 2016 au 29 janvier 2017. Méliès, l’enchanteur, par Madeleine Malthète-Méliès (Ramsay).
VOCATION. ET CE N’EST PAS CELLE DE BOTTIER. » CATHERINE, LA MÈRE DE GEORGES MÉLIÈS
1902 Le voyage de Gulliver à Lilliput et chez les géants
1904 Voyage à travers l’impossible
1907 20 000 lieues sous les mers
1912 À la conquête du Pôle STUDIO CINÉ LIVE I 135
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HIER & DEMAIN I FLASH-BACK
RUE DES ARCHIVES/RDA
POLICE FÉDÉRALE, LOS ANGELES
136 I STUDIO CINÉ LIVE
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Police fédérale, Los Angeles marque l’apogée du style nerveux de William Friedkin. Cette plongée dans un univers paranoïaque cher au cinéaste ressort en copie restaurée. Retour sur un polar comme on n’en fait plus… Par VALENTIN PIMARE
P
olice Fédérale, Los Angeles débarque le 7 mai 1986 dans les salles françaises. Le film est salué par la presse, qui y voit un nouveau tour de force du style propre au réalisateur William Friedkin. Pourtant, le ton est différent du reste de sa filmographie ; impression ressentie dès l’étonnant générique, monté avec des plans comme choisis au hasard, affichant des crédits aux couleurs pétantes sur fond de musique de discothèque orchestrée par Wang Chung. Mais, histoire de le rendre plus compréhensible pour le public, en traversant l’Atlantique, ce polar a changé de titre, quitte à faire à disparaître le charme, l’originalité, et, surtout, le sens de cette histoire vénéneuse. Aux ÉtatsUnis, Police Fédérale… s’intitule To Live and Die in L.A. (Vivre et mourir à Los Angeles). Or toute l’essence du film, qui ressort en copie restaurée le 4 janvier, se trouve dans ce titre américain. William Friedkin a trouvé l’inspiration dans le livre éponyme d’un ancien agent secret, Gerald Petievich. « Obsession, paranoïa, trahisons, frontière ténue entre le policier et le criminel : il y avait là tous les éléments du film noir classique », note le cinéaste dans son autobiographie1. Le réalisateur livre un film tendu, violent, coloré, et mené tambour battant. Six ans après La chasse, et quatorze ans après French Connection, ce nouveau polar raconte l’histoire de Richard Chance (William L. Petersen), flic tête brûlée qui cherche à coincer Rick Masters (Willem Dafoe), un faux-monnayeur. Le jour où Masters tue son coéquipier, Chance se transforme en vengeur obsédé, et les frontières entre bien et mal volent en éclat.
nées 80 ». Le cinéaste laisse aussi de côté les têtes d’affiche au profit d’acteurs peu connus. Il embauche Willem Dafoe juste en le voyant quelques instants lors du casting et ira chercher William L. Petersen sur les planches à Chicago. « Réaliser un film d’action populaire avec des acteurs totalement inconnus, c’était comme sauter dans le vide, mais j’étais sûr que je pouvais m’en tirer. » Le réalisateur réussit son pari. Reste que le film ne rencontre pas le succès escompté. Police Fédérale… marque un nouveau coup d’arrêt pour Friedkin. Une succession d’échecs entamée avec Le convoi de la peur, son film maudit, ou encore La chasse, dont le sujet, un polar dans les milieux homos, fait scandale et se heurte à la censure. Des films jusqu’au-boutistes qui déboussolent les spectateurs, mais pas Friedkin, qui continue sur cette lancée en faisant de Police Fédérale… un polar atypique.
AMBIANCE CRÉPUSCULAIRE
En ce qui concerne les années 90, Heat, de Michael Mann, fait office de référence incontournable. Pour de nombreux cinéphiles, Police Fédérale… est, lui, le polar emblématique des années 80. Un statut acquis grâce au traitement qu’opère Friedkin sur le genre, prenant ses codes pour mieux les retourner. Il dépeint notamment des personnages atypiques. Le méchant à des allures de gentleman mystérieux. De façon plus incisive, Friedkin dynamite la figure du flic. Le personnage de Chance est décrit comme un chien fou bouffé par la violence, qui n’hésite pas à bafouer la loi pour arriver à ses fins. De quoi le rendre profondément antipathique. Rien n’est vraiment comme les choses semblent être dans ce polar qui explore des thèmes comme la paranoïa et l’ambiguïté. Friedkin s’amuse d’ailleurs à jouer sur les apparences, comme le note Thomas D. Clagett dans son ouvrage sur Friedkin2 : « Lorsque Chance saute du pont, on dirait qu’il se suicide avant que l’on ne voit l’élastique accroché à sa jambe. Quand Masters retrouve sa copine dans le vestiaire du théâtre d’avant-garde où elle se produit, il semble que ce soit un homme qu’il embrasse passionnément sur la bouche, jusqu’à ce que Friedkin inverse l’angle de vue ». Toute cette approche renforce l’ambiance crépusculaire que dégage le film. Et Friedkin n’hésite pas à enfoncer le clou.
BOB D’AMICO/©DISNEY ENTERPRISES - RUE DES ARCHIVES
1986
POLAR ATYPIQUE
Poussé par son enthousiasme et épaulé par le producteur Irving H. Levin, Friedkin se lance sans attendre dans le projet. « Je ne me suis jamais senti aussi confiant ou inventif que lorsque j’ai fait Police Fédérale, Los Angeles […] Tout semblait couler de source », note le réalisateur. Il écrit le scénario en trois semaines avec une vision claire : « Je ne voulais pas que le film soit une copie de French Connection. J’allais laisser tomber l’aspect rugueux et macho de ce dernier pour quelque chose qui s’apparenterait au style unisexe typique du Los Angeles des an-
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GER - EXEMPLAIRE NUMERIQUE
HIER & DEMAIN I FLASH-BACK
D’abord en s’attardant sur les relations qu’entretiennent les personnages. Exemple : Ruth, amante et indic’ de Chance, lui demande : « Si j’arrêtais de te donner des tuyaux, qu’est-ce que tu ferais ? » Chance répond froidement avant de tourner les talons : « Je ferais annuler ta conditionnelle. » Amour, amitié, tout est perdu. L’émotion fond sous un soleil de plomb.
Mais le moment le plus radical de Police Fédérale… survient dans le dernier tiers – attention, spoiler. « Arrivé à la moitié du tournage, l’idée m’est venue qu’il fallait que le personnage de Petersen meure […] J’ai pensé que c’était à la fois surprenant et justifié, étant donné qu’il vivait constamment sur le fil du rasoir », explique le réalisateur. Une mort qui a du sens mais qui déstabilise le spectateur.
Tout comme la production, qui demande à Friedkin de tourner une autre fin. Le cinéaste réussira à imposer sa vision, qui est en accord total avec le ton du film : «Vivre et mourir à Los Angeles ».
L.A., PRISON À CIEL OUVERT
Los Angeles. Personnage à part. La cité des anges fascine Friedkin, mais, une fois encore, sous un aspect inhabituel. « Je souhaitais faire le portrait de la ville sans en montrer les lieux les plus aisément identifiables ; je ne voulais pas de quartiers ou de lignes d’horizon de gratte-ciel iconiques », explique-t-il. Le cinéaste filme donc les coins chauds où sévissent les gangs. Une quête d’authenticité, symbole de son cinéma, que l’on retrouve dans une séquence voulue comme la pièce maîtresse du film : avec Police Fédérale…, Friedkin a l’occasion de réaliser une nouvelle scène de course-poursuite. Le but affiché est simple : surpasser celle de French Connection, devenue culte et mythique. « La course-poursuite est la forme cinématographique la plus pure, c’est quelque chose qui ne peut être réalisé dans aucune autre forme d’art », enchaîne le réalisateur. La scène démarre dans des rues encombrées, se poursuit sur une voie ferrée, puis passe par la célèbre Los Angeles River, immortalisée de nombreuses fois au cinéma, comme dans Terminator 2 ou Drive. Elle se termine à cent à l’heure et à contresens sur l’autoroute de Terminal Island. Cette image est un élément qui traverse tout le film. Tout n’est qu’éphémère dans une ville que le réalisateur décrit comme gangrenée par le cynisme. Los Angeles devient une prison à ciel ouvert
William Friedkin et William L. Petersen sur le tournage du film
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dont on ne s’évade pas. Pire, la ville finit par consumer ceux qui s’y trouvent, comme John Vukovich, le coéquipier de Richard Chance. De personnage effacé et soucieux des règles, il devient littéralement Chance : lunettes vissées sur le nez, gueule abîmée, col retroussé, il adopte son look et son attitude. À la fin du film, Vukovich se présente chez
RUE DES ARCHIVES
« LA COURSE-POURSUITE EST LA FORME CINÉMATOGRAPHIQUE LA PLUS PURE, C’EST QUELQUE CHOSE QUI NE PEUT ÊTRE RÉALISÉ DANS AUCUNE AUTRE FORME D’ART. » William Friedkin
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1986
CETTE ANNÉE-LÀ... 19 FÉVRIER
La station spatiale russe Mir est mise en orbite terrestre avec succès. Chance (William L. Petersen) et son coéquipier, Vukovitch (John Pancow)
24 MARS Triomphe aux
Oscars d'Out of Africa, de Sidney Pollack, avec 7 statuettes.
26 AVRIL Une explosion
détruit l'un des 4 réacteurs de la centrale nucléaire de Tchernobyl.
19 MAI Mission, de Roland Joffé, reçoit la Palme d'or. 19 JUIN L'acteur et
PROD DB/NEX CENTURY-RUE DES ARCHIVES/RDA/AGIP/PICTURE ALLIANCE
humoriste Coluche perd la vie dans un accident de moto à 41 ans.
27 AOÛT Sortie de Jean
de Florette, de Claude Berri. 7223657 entrées: il finit en tête du boxoffice. Ruth, qui s’apprête enfin à quitter la ville. Elle n’ira nulle part. « Ruth, la traîtresse, ne peut briser ce cercle de la normalité, de la vie et de la mort dans un monde où le chaos est la règle, tel que le voit Friedkin », observe Thomas D. Clagett. Le pont Vincent-Thomas se dessine en arrière-plan. Si proche, si loin. Le film se termine sous la forme d’une nouvelle boucle. Comme si l’histoire reprenait là où on l’avait commen-
cée. Police Fédérale, Los Angeles marque un tournant dans la carrière de son réalisateur. Une certaine apogée de sa mise en scène à travers une œuvre profondément nihiliste. n 1. Friedkin Connection (éd. de la Martinière). 2. William Friedkin : Films of Aberration, Obsession and Reality (éd. Silman-James Press). Police Fedérale, Los Angeles De William Friedkin • Avec Willem Dafoe, William L. Petersen, John Pancow… • Sortie en copie restaurée le 4 janvier
22
NOVEMBRE
À 20 ans, Mike Tyson devient le plus jeune champion du monde des lourds WBC à Las Vegas.
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POURQUOI ÇA MARCHE (OU PAS) ?
DÉCRYPTAGE D’UN TRIOMPHE ROYAL OU D’UN GADIN TOTAL DE DEUX FILMS TRÈS ATTENDUS. CE MOIS-CI, KEN LOACH AU PARADIS ET REBECCA ZLOTOWSKI EN ENFER. PAR THIERRY CHEZE
PlanÉtarium ⇢
IN
Moi, Daniel Blake Irish, tous les films de Ken Loach – It’s a Free World, Looking for Eric, La part des anges et Jimmy’s Hall – ont dépassé la barre des 400 000 spectateurs. Le cinéaste anglais possède donc une vraie base de fidèles qui le protège, a priori, d’une grande mauvaise surprise au box-office. Le tremplin cannois Certes, la Palme d’or n’assure pas forcément un triomphe en salle : lauréat 2015, Dheepan ne fut ainsi pas le plus gros succès d’Audiard. Mais ce prix offre cependant un coup de projecteur qui attire les spectateurs le jour de la sortie en salle. Loach en avait déjà superbement profité en 2006 avec Le vent se lève, qui reste son plus gros succès :
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907 836 entrées. Bis repetita dix ans plus tard. Avec 273 309 spectateurs en première semaine d’exploitation fortement concurrentielle (Doctor Strange, Miss Peregrine…), il se hisse à la troisième place des nouveautés, loin devant La fille du train et Snowden. Un succès sur la longueur Soutenu par une grande majorité de la critique, Moi, Daniel Blake séduit aussi ses premiers spectateurs. Il ne perd que 20 % de ses entrées en deuxième semaine (quand Doctor Strange et Miss Peregrine reculent respectivement de 61 et 64 % !). Le bouche à oreille est lancé. Mi-novembre, il totalise 662 000 entrées et en réunit encore 170 000 au bout de vingt-et-un jours. Le million et son record personnel sont à sa portée. n
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et de ténèbres, sa première réalisation, n’a même pas été distribué en salle. Et quand ses films marchent, comme Thor, elle n’y tient qu’un rôle secondaire. Le lien semble distendu avec le public français qui l’avait célébrée dès sa première apparition dans Léon. de la concurrence Avec 51 nouveau films entre le 1er et 15 novembre, la concurrence s’annonçait plus rude que jamais et les claques forcément retentissantes. Avec 6 174 entrées pour son premier jour, Planétarium en a fait l’amère et injuste expérience. Puisque Rebecca Zlotowski réalise un démarrage inférieur à ses deux premiers films, Belle épine et Grand central. Planétarium n’a eu ni la place ni le temps d’exister dans l’esprit du public. n
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O UT
LE PACTE - AD VITAM
Une base de fidèles ⇢ Depuis dix ans, à part Route
L’absence à Cannes Certes, à chaque annonce de sélection cannoise, les déçus sont plus nombreux que les heureux élus. Mais l’absence de Planétarium a été particulièrement remarquée cette année. Car la présence du duo Natalie Portman-Lily Rose Depp en avait fait un des favoris pour la montée des marches. D’autant plus que Natalie Portman y avait été invitée en 2015 pour son premier long de réalisatrice. Sans cette rampe de lancement, le film partait avec un handicap que sa sélection à Venise ne corrigera pas. Natalie Portman moins bankable Depuis Black Swan, Natalie Portman a connu plus de bas que de hauts. Votre majesté et Jane Got a Gun ont dû se contenter de 4 897 et 157 067 entrées. Une histoire d’amour
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