LE SENS DE #1 LA PENTE DE COSSIMONT À LA GALLINE
LE SENS DE LA PENTE
ce sont des explorateurs de grande proximité, des habitants motivés, des artistes curieux, qui dévalent ensemble la pente du Massif de la Nerthe. Cette balade à voix multiples a été imaginée à partir des explorations de voisinage du 1000 pattes, groupe ouvert de fabrication de balades au sein de la coopérative d’habitants Hôtel du Nord. C’est la première balade publique d’une série de promenades dont la fabrique, qui a débuté en 2019, est toujours en cours et qui, en suivant le sens de la pente, finira bien par nous mener jusqu’à la mer. Ce carnet de route est réalisé à partir des récits écrits collectivement lors des explorations. * Il accompagne la balade mais vous invite aussi à explorer par vous-même.*
01 Vue du sommet, au sud, Marseille 02 Vue du sommet, au nord, Le Rove, les Pennes Mirabeau et au fond dans le creux l’étang de Berre
avec
Louise, Mathilde, Marie-Blanche, M’louka, Agnès, Noël, Jacqueline, Jean, Dominique, Claire, Julie, Aldo, Chloé, Léna, Jonathan, Danièle, Sophie, Charlie , les musiciens et danseurs du collectif Grand8. Cette balade s’inscrit dans le cadre de NON SITE ON SITE, week-end d’exploration citoyenne et de recherche artistique dans les paysages que nous habitons. Une proposition organisée par la DÉVIATION, HÔTEL DU NORD et THALASSANTÉ.
Coordination éditoriale Chloé Mazzani et Julie de Muer, Création graphique Louise Nicollon des Abbayes. 2
CROISÉE DES CHEMINS Au sommet nous sommes à la croisée de trois communes : Marseille, Le Rove et les
Pennes Mirabeau
et de plusieurs chemins… Ces collines qui séparent l’étang de Berre et la mer racontent ainsi la longue histoire des hommes qui passent, qui veulent passer à tout prix.
“Literal and allegorical, the Nonsites confounded the illusion of materiality and order. The mirrors functioned to order and displace, to add and subtract, while the sediments, displaced from its original site, blur distinctions between outdoors and indoors as well as refer the viewer back to the site where the materials were originally collected.” Robert Smithson, à propos de la notion de Nonsite, 1968
Le concept de non-site forgé par l’artiste américain Robert Smithson désigne une série d’oeuvres qu’il entreprend alors: ces installations, faites de matériaux hétérogènes (fragments géologiques, cartes, photos aériennes, textes…) géométriquement réinterprétés, arrangés, cadrés, sont inspirées par des sites suburbains auxquels elles renvoient métaphoriquement mais sans se confondre avec eux, puisqu’elles prennent place dans des intérieurs (des galeries d’art) qui en sont les antithèses. [...] Bientôt, en s’aventurant plus loin dans la dialectique entre site et nonsite, il entreprendra de travailler cette représentation dans sites délaissés en intervenant à même leur réalité physique (in situ). Extrait de L’art de la mémoire, le territoire et l’architecture, Sébastien Marrot, Editions de la Villette, 2010
Hôtel du Nord
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01 le massif de la Nerthe 02 la mer samedi 24 octobre 10h/13h le sens de la pente #1 03 Cossimon avec GRAND8 04 la route LAFARGE 05 LÉNA HIRIARTBORDE_ Je vous parle mais je suis tapie 06 la ferme TURC 07 LE CRI DE LA FOURMI 08 «la provence de Giono» dit Bicou 09 le lac 10 la fausse MONTAGNE 11 la Galline Pique nique
exposition à du vendredi 23 au 30 octobre 17 LA DÉVIATION avec EDWIN CUERVO JULIETTE FECK ADRIEN FONTANELL LE CRI DE LA FOURMI ANGÉLIQUE ROLLIER ANNICK VIET LUDIVINE VENET JULES BOURRET JEAN-FRANÇOIS DEBIENNE
12 le RIAUX 13 la carrière LAFARGE 15h/16h dimanche 25 octobre 14 FRANCISCA CRISOSTOMO LOPEZ 15 LOUISE NICOLLON DES ABBAYES 16 OSCAR LANDAIS
11h/16h30 brunch conférences
16h/17h 18 les ATELIERS DE LA NERTHE avec GRAND8 ALDO THOMAS et GILBERT COSSET
17 LA DÉVIATION avec FLORÉAL ROMERO FRANÇOIS PARRA ET JEAN CRISTOFOL
17h30/20h30 19 l’ARRÊT de bus Estaque Castegon, le trou dans le mur et la FANFARE DES FAMILLES 20 THALASSANTÉ avec BENJAMIN DELAIR et la FANFARE POMPIER PONEY CLUB
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19 et Axonométrie d’Adrien Fontanell
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NON SITE ON SITE Recherche pluridisciplinaire et explorations à L’ESTAQUE MARSEILLE 16ÉME
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Le Sens de la pente #1
FICTION COLLECTIVE Le décor
Cossimont Les acteurs
Le Marquis de Marignane, le tuilier Sacoman, la société La Coloniale, les habitants de l’Estaque, Jean-Pierre Thorn, Lafarge... L’action
Un vieux domaine agricole qu’on oublie, un pavillon de chasse qu’on aménage, un centre aéré pour les enfants des employés des usines qu’on raconte, une maison du directeur qu’on habite, un lieu de promenade qu’on pratique, une destruction qu’on planifie, un décor de cinéma qu’on fantasme… Hôtel du Nord
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01 Cossimont avant sa destruction source : rapport de l’AGAM, 1997 02 Je t’ai dans la peau film de Jean-Pierre Thorn
C’est l’histoire de Jeanne, religieuse qui tombe amoureuse d’un prêtreouvrier, devient leader syndicaliste et s’engage au service de la cause féministe. Tournage à Cossimont : 1989
03 J’aimerais mourir dans tes bras vidéo-tract de Julie Aguttes
Je t’écris de Marseille est un atelier d’écriture et de cinéma qui a offert de 2013 à 2016 au sein du cinéma l’Alhambra un espace de réflexion, d’expression libre, de création collective sur l’identité, l’histoire et la mémoire des quartiers Nord de Marseille. L’atelier s’inspire de la tradition de la lettre filmée où chacun se raconte et poétise les lieux de son enfance. A partir de graffitis glanés sur les murs de la ville, les Video-tracts, manifestait le questionnement des jeunes et leur vision de la société. Tournage à Cossimont : 2014
04 Fragments de tuiles trouvées à Cossimont. Assemblées ils révèlent le nom du tuilier propriétaire : Pierre Sacoman. 05 Vue sur Cossimon depuis le massif de la Nerthe, allée blanche et bouquet d’arbres.
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En haut de la pente, pas loin du sommet où le ruisseau des Riaux prend sa source, la ruine de Cossimont, toujours propriété de Lafarge, agite nos imaginaires. 01 Dessin de Sophie Bertan de Balanda
INDICES ET HISTOIRES LA ROUTE PRIVÉE QU’ON UTILISE TOUS, LA ROUTE PUBLIQUE QU’ON A FERMÉ, LA ROUTE CELTE QU’ON DEVINE, LA ROUTE DES CAMIONS QU’ON ÉVITE, LA ROUTE ROMAINE QU’ON DÉDUIT, LA ROUTE À VENIR QU’ON SPÉCULE, LA ROUTE EN DEVENIR QU’ON NÉGOCIE.
Noël se souvient
“Je venais là, à l’époque on l’appelait la Coloniale. On n’avait pas le droit d’aller seul dans les collines. Les garçons et les filles étaient séparés. Le directeur de la Coloniale, il habitait à Cossimont, on ne devait pas le déranger. Mes parents, ils travaillaient dans les tuileries. Mon père il était dans les mines jusques dans les années 50. Même les enfants de ceux qui travaillaient dans le bâtiment, ils y avaient droit. Là-bas, c’était mon premier baiser. Il est resté longtemps le pin avec le coeur gravé et nos initiales. Mais après il y a eu le feu. C’était plutôt un centre aéré, à la journée. On avait joué “la partie de cartes” de Pagnol, même que je jouais Panisse. On montait avec le bus. La route, c’était pas la même qu’aujourd’hui. C’était étroit mais cimenté et on arrivait direct sur Cossimont.” Hôtel du Nord
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Le massif de la Nerthe n’impressionne pas par son altitude : 250 mètres tout au plus. C’est en longueur que le massif se déploie : 25 km de roche calcaire qui délimitent le nord de Marseille. Son prolongement occidental dessine le littoral des calanques de la Côte Bleue. Une barrière naturelle chaotique en grande partie préservée de l’urbanisation mais dont le vallon et ces chemins furent longtemps les seules voies pour rejoindre l’étang de Berre.
PAS À PAS Barrière mais aussi passage.
Le nom de Pas-des-Lanciers est une déformation du provençal Pas de l’encié, soit « le passage de la brèche», déformé en Pas de l’ancié, signifiant « Passage de l’inquiétude ». Source Wikipédia
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Le Sens de la pente #1
LÉNA HIRIARTBORDE_ Je vous parle mais je suis tapie
01 Paysage karstique modélisé
LES DESSOUS DE LA PENTE Hôtel du Nord
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02 Dessin Mathilde Haegel, “Exploration Le sens de la pente #4”, lundi 3 février 2020
ARPENTER, CREUSER, SURVOLER... Au-dessus de nous s’enchaîne le ballet des avions qui s’alignent dans le sens de la piste, au-dessous de nous passe le tunnel de la Nerthe et sa longue suite de chiffres: plus de 100 trains par jour, 24 puits qui permirent son percement et qui aujourd’hui ponctuent le paysage, 185 m de profondeur pour le plus grand, 4633 mètres de long, 8500 ouvriers, 300 morts pour le construire, …
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Le Sens de la pente #1
01 Le tunnel, description et contexte Dessin Mathilde Haegel, “Exploration Le sens de la pente #4”, lundi 3 février 2020 Hameau de la Nerte ou Nerthe (1945) Sur un bassin inférieur, lac desséché propice à la culture. Refuge, protection, difficile d’accès. Point extrême de la commune de Marseille (E) limité par le Rove (O), les Pennes (N). Quelques chaumières autour d’une chapelle (construite avant le XIII ème) abandonnée. Elle est réparée pendant la construction du tunnel, on y célèbre la messe tous les dimanches. On construit des maisons pour les ouvriers. Le chÂteau de l’Air, masure seigneuriale sur le rocher calcaire est composé de 4 ou 5 maisons en ruines déjà à l’époque. Il appartient à la famille Janson, chargée d’entretenir la chapelle. 02 Coupe géologique du massif de la Nerthe, le portland 03 Vue sur la carrière Galland_Lafarge 2020
QUE CHERCHE LAFARGE ICI ET PAS AILLEURS ?
Lafarge continue de creuser, non plus pour produire du ciment mais du granulat, ce que l’on appelle le tout-venant, du gravier. Toute roche est alors bonne à prendre, plus de cuisson, seulement du concassage. 71 17
Le Sens de la pente #1
À l’origine l’extraction calcaire de la couche supérieure de la roche, appelée le portlandien ( -160 000 ans). Aujourd’hui, cette couche est épuisée ou presque.
Début XXe De nouveaux capitaux et de nouveaux acteurs entrent en jeu, l’industrialisation passe au stade supérieur. Lindenmeyer, un patron protestant d’origine suisse, et son associé Henri Liquet, reprennent les installations des frères Chauffert pour produire de la chaux puis du ciment Portland.
petite chronologie de
l’EXPLOITATION EXTRACTIVE DU MASSIF
1913 Création de la Société Coloniale de Chaux et de Ciment de Marseille. 1950 “La Coloniale” devient la Cimenterie de Marseille et outremer.
Dès l’Antiquité Extraction par de petits exploitants locaux du calcaire afin de le transformer, via cuisson, en chaux vive, la base du mortier de construction. Mi XIXe La production de chaux s’industrialise, les infrastructures (hangars, fours, logements ouvriers) se concentrent dans les mains de quelques entreprises familiales : les établissements Giraud, Puget, Luçon, puis à partir de 1876, de Charles et Joseph Chauffert.
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2009 Lafarge cherche à diversifier son activité par le stockage de déchets inertes du BTP issus des grands chantiers marseillais en cours et à venir (Euroméditerranée 2 et L2 notamment) et de containers dans ses carrières désaffectées.
1970 Faute de succession familiale, les infrastructures sont vendues à l’entreprise Lafarge Années 80 Lafarge cesse de produire du ciment sur son site de l’Estaque et se concentre sur l’extraction de granulats.
2015 L’entreprise Lafarge fusionne avec le groupe suisse Holcim et devient le groupe LafargeHolcim.
d’enquête sur l’histoire industrielle de Marseille_ Louise Nicollon des Abbayes 01 Four à chaux
1998 La carrière Galland est la dernière encore en activité pour l’extraction de granulats, La carrière Lieutaud (première carrière exploitée) est partiellement remblayée de deviendra une installation de stockage de déchets inertes.
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02 Le sens de la pente Dessin Mathilde Haegel, “Exploration Le sens de la pente #4”, lundi 3 février 2020 03 Récolte de matériaux de rencontre pour la céramique Là haut, ils cassaient le granulat en petites boules et ils chargeaient les camions ici, on en retrouve parfois parmi les crottes de chèvres Photo extraite de La Montagne_récit
04 Utilisation du granulat Lafarge en centre ville de Marseille. Moi je rentre en ville vidée de soleil, glissant dans les sous sol frais du métro jusqu’au centre ville où à la sortie de l’escalier mécanique je croise, BOUM, le granulat Lafarge qui remplit les trous. Photo extraite de ROUGE_récit d’enquête sur l’histoire industrielle de Marseille_Louise Nicollon des Abbayes 05 ISDI Lieutaud Dépôt d’inertes
* La pente de la Nerthe est faite de roches calcaires, mais pas que. Sauriez-vous deviner quels matériaux composent les collines autour de vous ? A. Roche calcaire B. Gravats C. Déchets du BTP D. Vieux pneus E. Tuiles*
LES MIRAGES DE LA PENTE
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Contigu à notre droite, nous voyons un monticule de terre. C’est ce qui reste de « la
montagne de pneus, qui empêchait de voir les arbres » nous dit Noël.
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MIRAGE AGRICOLE La ferme dite Turc, ou Ferme en briques ou L’Ermitage, est une grande bâtisse blottie dans le vallon, à l’architecture comparable à certaines bâtisses de Cossimont (avec les fenêtres en ogive). Cette bastide est devenue successivement campagne de chasse puis bâtiment à usages agricoles. Selon André Turc, la ferme appartenait à sa famille jusqu’en 1800, avant qu’elle ne soit vendue aux Tuileries de Saint-Henri de La Plata. En 1880, les Tuileries la vendent au Docteur d’Home, qui en fait un pavillon de chasse, et qui la revend à son tour en 1920 à un “collègue”... Pierre Turc, le grand-père d’André. Propriétaire de nombreuses boulangeries du bassin de Séon qu’il alimente en bois coupé sur le massif, Pierre Turc s’est enrichi et peut racheter la ferme familiale. Les Turc en exploitent alors surtout les terres agricoles, “plus de quatre cents oliviers dans le vallon”, et y gardent les mulets. Ils y logent exceptionnellement les deux dernières années de la guerre en 43-44, leur propre ferme au hameau à côté de l’église étant réquisitionnée par les allemands. Par la suite, la bâtisse reprend usage comme bâtiment agricole. Le rez-de-chaussée notamment est prêté aux bergers “jusqu’à ce qu’un jour leurs brebis en liberté bouffent tout le blé des prés exploités par les Turc”.
01 Ferme Turc Dessin de Danièle Ducellier
Sirio SIMONI est né en 1932, il vit
à la Galline avec son neveu Daniel qu’il a recueilli car il a été très tôt orphelin. Le père de Sirio était contremaître à la carrière et habitait dans une maison de la 23
Le Sens de la pente #1
Coloniale de 4 appartements sur le futur site du lac. Avec son neveu, ils habitent actuellement dans un petit appartement situé à l’arrière de la ferme depuis que Ginette Turc née Simoni, sa sœur, aujourd’hui décédée, lui avait demandé de se rapprocher d’elle pour l’aider à soigner son mari, avant qu’il ne meure. Il a travaillé à Lafarge et toute sa vie et, surtout depuis sa retraite, il a consacré tout son temps à veiller et à entretenir les terres et les plantations d’oliviers (environ 500 à 600 arbres) qui s’élèvent dans les vallons devant et derrière la ferme Turc du haut. Sirio a commencé à travailler à La Coloniale (ancien nom de Lafarge) à 14 ans comme « Mousse » en portant de l’eau aux ouvriers. Il avait un livret de travail et il a obtenu de nombreuses médailles du travail pour sa longue carrière à Lafarge.
Sirio a été ensuite mineur dans les carrières : « On faisait les tirs de mine, c’était deux fois par semaine. Anciennement on avait des concasseurs et c’est sur les wagonnets qui descendaient vers l’Estaque qu’on chargeait les ciments et les roches, par 22 wagons à la fois. Ici maintenant on ne produit plus que les granulats et les camions charrient du sable vers Fos pour charger ensuite les péniches. Avant, on n’avait qu’un mulet mais il avait peur de tout. Une anecdote, pendant la guerre, un jour il a eu peur, il est parti comme un fou chargé de cageots de cerises. Il a couru au galop par le chemin de terre caillouteux jusqu’aux champs de la ferme en brique et il a tout renversé…Finies les cerises ! » NDLR : Il y avait donc des cerises à la Galline ! Extrait des entretiens réalisés par Jacqueline Lepetit McCumber durant les “Explorations du Sens de la Pente”, décembre 2019-février 2020. 01 Entretiens dessinés par Françoise Manson 2019
« Pour l’école, c’était à l’Estaque qu’on allait, à pied jusqu’à la place de l’église, on mettait une demi-heure, notre mère aussi faisait tout à pied, comme tous les habitants du hameau. »
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01 Paul Cézanne, Rochers à l’Estaque, 1879-1882 02 Georges Braque, L’olivier près de l’Estaque, 1906
*Profitons d’un instant de pause pour observer la ferme Turc avec l’oeil d’un crayonneur.*
Les couleurs et les lignes de la Nerthe ont inspiré des générations de peintres : Braque, Cezanne, Derain, Duffy, Guigou.. et d’autres ont ouvert un chemin que continuent d’emprunter peintres, dessinateurs, plasticiens qui parcourent encore aujourd’hui ces collines.
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PENTE COMMUNE Des usages multiples qui se croisent et parfois entrent en concurrence
UN ESPACE D’ARPENTAGE... Maryse a une superbe coiffure. Un panaché de mèches de teintes diverses et vraiment bien assorties : des blonds cendrés, des cuivres et des roux qui ressemblent à une fourrure élégante de jeune renard. Elle nous accueille au seuil de sa porte, nous surplombe comme une reine. Maryse habite le coeur ouvrier de l’Estaque, le quartier des Riaux, qui porte profondément la marque de l’entreprise La Coloniale. C’est cette entreprise qui employait une grande partie des habitants et qui a construit la plupart des logements, la salle des fêtes, l’espace de santé qui étaient mis à la disposition des ouvriers et des cadres. Maryse habite au niveau d’un carrefour où se font face une maison de cadre, le dispensaire, la coopérative et les citéslogements, avec leurs cours, buanderies et jardin en commun. Le dispensaire Lafarge, c’est l’actuelle maison de Maryse : l’entreprise l’a revendu en 1974, elle et son mari l’ont racheté en 1977, en tant qu’anciens employés, ils étaient prioritaires. Hôtel du Nord
Le commun est partout. Qu’il s’agisse des infrastructures construites par La Coloniale, puis par Lafarge ou plus globalement des matériaux mis à disposition par l’usine : habitat ouvrier, maisons des cadres, équipement, poussière sur la peau au retour du travail, minéralité de la montagne,… : le ciment lie tout cela. “C’était la famille, il te donnait des cadeaux pour ton mariage par exemple. Moi quand j’ai épousé mon mari nous avons eu une maison là en- bas [...]. On habitait sans payer, c’était la famille.” Dans le récit de Maryse, le massif lui-même semble faire partie de ces équipements communs à une famille.
“Je prenais la poussette avec mes petits, des jumeaux, et j’allais biberonner là-haut à pied. On allait pique-niquer à la table ronde, les enfants jouaient dans le château, allaient se baigner [...]. A Cossimont, on cueillait les asperges, on ramassait le bois du barbecue, on allait aux fleurs.” Extrait de ROUGE_récit d’enquête sur l’histoire industrielle de Marseille_Louise Nicollon des Abbayes 30
DE CHASSE... Au début des années 90, François Marrot, le mécano-garagiste du Garage de la plage de l’Estaque et sa femme, Jacqueline Lepetit dite « Bicou », ont demandé à M. Henri Turc, fils de Pierre et père d’André, la permission d’installer leurs chevaux dans les prés « Le Grand champ » ou « Grand terre » et « Le Cappelan » ou la Cappelane, qui sont situés juste à l’entrée du hameau et juste après l’église.
01 et 02 photos de Louise Nicollon des Abbayes “Exploration Le sens de la pente #4”, lundi 3 février 2020
Ils ont construit l’abri en bois qui existe encore aujourd’hui. Ensuite, afin de nourrir leurs chevaux avec du foin local, et pour rendre service, ils ont proposé à Henri Turc et à Sirio Simoni de les aider à entretenir les champs de l’Ermitage. Durant 10 ans ils ont développé une activité équestre familiale, en caressant le rêve (fou ?) de voir un jour s’ouvrir un Poney Club à la Galline…. L’occupation équestre de la ferme de l’Ermitage a toujours été refusée à François par la famille Turc, qui redoutait d’être envahie de nouveau par des squatters, ou des fêtards ou/et des étrangers, c’est-à-dire des non habitants de la Nerthe… Les chevaux de la Galline sont partis vivre dans les Cévennes en 2001, suite 31
Le Sens de la pente #1
au refus de la société des chasseurs de Lafarge de voir se développer un poney-club traversant leurs terrains de chasse, alors que la Direction de Lafarge était d’accord avec ce projet ainsi que la Famille Turc qui avait aussi donné son accord. La raison officielle de ce refus était qu’un accident de chasse pourrait arriver si des poneys avec des enfants croisaient des chasseurs. Témoignage de Jacqueline Lepetit McCumber, “Exploration du Sens de la Pente”, décembre 2019-février 2020.
Le chasseur n’est pas un assassin, c’est un régulateur qui entretient la nature » «
prévient immédiatement Charles. Et de détailler un programme chargé hors saison : « En février, on attaque les territoires avec le débroussaillage, la pose des pancartes de limites de chasse par zone, le nettoyage de la colline qu’on débarrasse des douilles non récupérées mais aussi et surtout des tas de déchets laissés par les pique-niqueurs… » Un respect de la nature destiné à préserver intacte une passion qui se transmet de père en fils. Ce sont aussi les chasseurs qui « mettent les coupe-feux en place, ajoute le jeune David, car il faut savoir que les terres brûlées sont les plus grandes responsables de la disparition des animaux ». « Il n’y a qu’à voir quel dépotoir était devenue la Galline avant que Vincent ne s’en occupe ! » En effet, depuis 14 ans qu’il préside «la Galline mon poumon», Vincent Facela, épaulé par Salima, n’a eu de cesse de nettoyer et reboiser le site. Ce territoire, qui « n’a rien de communal mais appartient à Lafarge, était interdit de Hôtel du Nord
01 et 02 Louise Nicollon des Abbayes “Exploration Le sens de la pente #4”, lundi 3 février 2020 Installations des chasseurs Camions Lafarge faisant des allers-retours entre la carrière et ...
chasse depuis 2003, suite aux incendies », explique Vincent. Jusqu’à l’année dernière où le grand bétonneur en a confié l’exploitation à la Société de la Myrthe. « C’était le CE de Lafarge qui le gérait, mais tout le monde venait taquiner la galline sauvage sans carte. » Donc sans contrôle et sans déontologie. Aux chasseurs désormais de revitaliser le site. Extrait de l’article de Myriam Guillaume, Gardiens des collines ils taquinent la Galline, La Marseillaise, 10/01/2011
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AU MILIEU DES CAMIONS ET DE LA POUSSIÈRE. Pourquoi devrait-on des égards au monde vivant? Mais parce que c’est lui qui a fait nos corps et nos esprits, capables d’émotions, de joie et de sens. (...) Comment a t-on pu devenir assez fous pour croire qu’il est irrationnel d’avoir des égards envers ce qui nous a faits et qui assure à chaque instant les conditions de notre vie et de notre félicité possible? C’est aux idéologues de la modernité de nous montrer que ces égards sont irrationnels. Comment ont-ils opéré ce tour de passepasse sur les derniers siècles? Il leur a suffi de mécaniser le monde vivant, de le désanimer, de le désenchanter. (...) Il ne s’agit pas pour autant d’une nostalgie antimoderne rêvant de temps anciens où on vénérait la “Nature”, où elle était sacrée. C’est précisément l’effort du concept d’”égards” que de déplacer tout le champ du problème en dehors de l’opposition entre sacré et profane, vénérer et exploiter. (...) Et les égards se déploient sur un autre fond de carte cosmique que celui du dualisme. Ils ne s’opposent pas à l’usage ni à l’exploitation, au contraire: plus vous exploitez un milieu plus vous lui devez d’égards, plus vous prenez à la terre, plus il faut lui restituer, mais à cette terre là, et pas à un dieu transcendant hors du monde, au bosquet sacré intact, ni au 33
Le Sens de la pente #1
parc naturel. (...) Il n’y a pas deux espaces, profane et sacré, il n’y a pas deux logiques de l’action (sanctuarisé ou exploiter), il n’y a qu’un monde, et qu’un style de pratiques soutenables à son égards: vivre du territoire avec égards.” Extrait de Manières d’être vivant, Baptiste Morizot, Actes sud, 2020
01 Le lac octobre 2019 02 Le modelé original, ou «naturel» de la colline 03 L’eau contenue dans l’ancienne carrière Lafarge 04 Les déchets inertes
LU T T E S PENTUES “J’ai
fait cette huile avant le combat” montre Christian.
Il nous a surpris, sa compagne et moi, en train de s’entretenir dans la salle à manger sur le dit “combat de la Nerthe”. Il a disparu sans un mot, et resurgit du garage portant un tableau devant lui. D’une main il le soutient délicatement, de l’autre il montre. “Je l’ai peint avant qu’ils mettent les remblais, voyez, donc en fait tout ça, vous là, vous êtes la route blanche de cette poussière volant des camions qui la sillonnent, aller-retour. Et là en contrechamp je suis le lac. Ils ont coupé là, et toutes ces parties boisées ici ont été ensevelies, et surtout il y avait en haut à gauche les zones humides marécageuses avec des roseaux et les crapauds protégés qu’ils ont remblayées. Le niveau a monté depuis, on ne voit plus les plages. Les gens entraient par là, de là où vous êtes, ils descendaient les voitures derrière ces arbres là. L’eau était claire.” Extrait de La montagne_récit d’enquête sur l’histoire industrielle de Marseille_Louise Nicollon des Abbayes
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C’est un lac artificiel, une ancienne carrière d’extraction creusée à flanc de colline à l’intérieur de laquelle se sont accumulées des eaux de ruissellement, à moins qu’il ne s’agisse du jaillissement d’une source ! En tous cas les eaux, au lieu de continuer leur descente dans le sens de la pente, se croient arrivées au bout de leur voyage lorsqu’elles rencontrent le socle de marne, plus argileux que calcaire et donc imperméable, laissé au fond de la carrière. Pas d’échappatoire possible ! Bien que artificiel, le lac sert d’habitat à toute une biodiversité, dont une espèce protégée de batracien : le pélodyte ponctué. Le lac synthétise de nombreux enjeux concernant les usages du massif : d’un côté l’entreprise Lafarge, propriétaire de la carrière, souhaite poursuivre un usage industriel par l’exploitation du site comme aire de stockage de déchets, de l’autre, une partie des habitants locaux se mobilise contre ces aménagements au profit d’un usage récréatif et déplore la pollution au plastique du site.
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Le Sens de la pente #1
1988 Création de l’association des Peintres de l’Estaque et installation à la Villa Bellevue. 1991 Création de Thalassanté, « tiers lieu portuaire » sur la plage de l’Estaque. 1993 Les carrières deviennent des installations classées pour la protection de l’environnement. 1995 Destruction des toitures du site de Cossimont par son propriétaire, l’entreprise Lafarge.
TENTATIVE D’HISTORIQUE 1981 Désaffection de la carrière de la Nerthe, comblement par infiltration des eaux souterraines : futur lac. 1983 Premières mobilisations des CIQ de l’Estaque à propos de la poussière générée par les camions 1984 Classement de 3 400 ha de la “Côte Bleue” Zone Naturelle d’Intérêt Ecologique, Faunistique et Floristique (ZNIEFF) pour la préservation de son patrimoine environnemental remarquable. 1986 Loi Littoral pour la protection des côtes contre la spéculation immobilière et pour la préservation de l’accessibilité des sentiers littoraux pour le public. Hôtel du Nord
1997 Publication de l’étude de l’AGAM (Réflexions préalables à l’Aménagement de la Zone de Projet de la Nerthe Nord) à la demande du Secrétaire général adjoint de la ville de Marseille en faveur d’aménagements pour la valorisation culturelle et touristique du massif de la Nerthe. 1997 Projet de l’arboretum porté par Jean Claude Laffage. 1998 Les CIQ des Hauts de l’Estaque et de l’Estaque le Marinier soutiennent des propositions en faveur de la valorisation culturelle et touristique du massif. 1998 Création de l’association «la Galline mon poumon» qui associe chasseurs et riverains pour la préservation du massif de la Nerthe. Grandes opérations collectives de nettoyage et création d’une zone de pique nique sur la route du hameau de la Nerthe. 2006 Les camions de l’entreprise Lafarge ne passent plus par l’Estaque mais par une route dédiée. 38
2008 La ville de Marseille propose une “gestion raisonnée” du massif de la Nerthe comprenant la construction du demi-échangeur Lafarge à usage exclusif, un projet de Cité des sciences et de la mer sur les anciens sites d’industries chimiques et un port de plaisance de 2000 à 3000 anneaux au Port de la Lave. Des négociations pour la vente des terrains Lafarge au Conservatoire du Littoral sont annoncées. 2010 Annonce du projet de centre de déchets inertes dans la carrière désaffectée du lac et projet de stockage des containers à la Nerthe. 2010 Regroupement des associations de protection du massif et mobilisation contre le comblement du lac, le stockage des pneus et la construction de l’échangeur Lafarge. 2011 Lafarge obtient l’autorisation de stocker des déchets inertes dans le lac. 20 juin 2013 Classement du massif de la Nerthe, en vertu de son patrimoine environnemental remarquable (mais le zonage ne concerne pas les terrains propriétés de Lafarge). 2013 Inscription par la municipalité du 16e arr. dans le Plan Local d’Urbanisme (PLU) d’un emplacement réservé au projet de construction de l’échangeur Lafarge. 2014 Les associations interpellent collectivement les élus sur la protection du massif dans le cadre des municipales. 2016 Débuts du projet artistique de la Déviation, sur le site d’une ancienne usine Lafarge, chemin de la Nerthe. 39
Le Sens de la pente #1
2016 Lafarge interrompt le comblement du lac, le stockage des déchets s’effectue à l’arrière du lac. 2016 Premier protocole signé entre Lafarge et le Conservatoire du littoral afin de prévoir dans l’année la signature d’un compromis de vente de terrains pour compenser l’impact environnemental de la construction du demi-échangeur. Cette dernière figure comme clause suspensive du compromis. 2017 Mobilisation des associations et riverains contre la demande par Lafarge de prolongation de 15 ans du comblement de la carrière Liautaud par stockage de déchets inertes et de “fractions solubles” (déchets du BTP contenant des taux de polluants supérieurs aux normes standards). 14 avril 2019 Signature de la promesse de vente de 90 ha autour du site de Cossimont signée entre Lafarge et le Conservatoire du littoral. La construction du demiéchangeur demeure clause suspensive. 2019 Achat du site de la Déviation par l’association du « Parpaing libre » selon des modalités garantissant la propriété d’usage du lieu (impossibilité de transformer cette propriété en bien immobilier classique, l’usage artistique et collectif est garantie). Septembre 2020 Lancement par l’état de la concertation publique autour de la construction du demi-échangeur. Octobre 2020 Plusieurs associations demandent la mise en place d’une véritable enquête publique, d’une étude environnementale indépendante, d’une modification du PLUi pour sécuriser le respect des accords ainsi qu’une cession sans contrepartie des terres au Conservatoire du littoral.
HABITER À MIPENTE NOMMER C’EST HABITER “C’est
déjà quelque chose de pouvoir dire où l’on va et d’où l’on vient. Au moins, on a l’air d’être quelque part.” Jules Verne, L’île merveilleuse, Chapitre XI, 1875
Selon André Turc, les deux prés situés devant chez lui (où se trouvaient les chevaux), s’appellent la Grand Terre et la Capellane. Le pâté de maison situé derrière la Chapelle qu’il loue actuellement à trois locataires différents s’appelle Les Fortunés. « En 1910 quand les Turc ont acheté, c’était un Fortuné Gouiran qui était propriétaire, c’est pour ça que ça s’appelle Les Fortunés. ». L’origine du nom Cossimon est, selon André Turc, qu’il y avait là la maison de Mr Simon. Mais il semblerait plus vraisemblablement que le nom vient du Col Simon qui se situe sur la route des crêtes du massif de la Nerthe au lieu-dit La Galline ou hameau de la Nerthe, d’où l’habitude originelle de l’écrire Cossimon sans t. Le château de l’Air s’appelle aussi le château des puces sans doute car on mettait des troupeaux ici. Extrait des entretiens réalisés par Jacqueline Lepetit McCumber, “Exploration du Sens de la Pente”, décembre 2019-février 2020.
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01 La Galline Dessin de Danièle Ducellier 02 Carte postale Notre Dame de la Galline Procession 03 La Galline Dessin de Sophie Bertan de Balanda 04 La galline depuis le château “Exploration Le sens de la pente #4”, lundi 3 février 2020
Le hameau de la Nerthe est situé sur une “zone verrou”, c’est-à-dire un lieu de passage quasi-obligé pour traverser le massif. Qui dit passage obligé dit aussi lieu propice aux attaques de voyageurs ! D’où la présence de lieux de protection comme le château de l’air, ancien fortin templier, qui défendait autrefois le passage. Détruit durant les combats d’août 1944, le château dominait depuis son promontoire rocheux la chapelle de la Galline ou la chapelle de la petite poule. Consacrée en 1042, c’est une des plus anciennes chapelles du territoire. A l’intérieur un ex-voto de 1631 : “naissance au bord d’un champ”. Derrière l’autel, une statue en bois représente une Vierge à l’Enfant : le petit Jésus tient dans sa main une galline, une poule en provençal, symbole de protection. Chaque année, une foule de pèlerins se réunit début septembre pour promener la statue en procession.
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Le Sens de la pente #1
RESSENTIR LA PENTE “Je
me demande dans quel autre endroit du monde on pourrait entendre d’une même voix un chœur si éclectique : camion, coq, avion, gabian, train et vent.”
la silhouette et les couleurs. Son bruit arrête la discussion. Un couloir aérien emprunté par différents volatiles. Au village, interdiction de klaxonner – sur un panneau jamais-vu. Un autre avion au-dessus de nous, et son bruit qui déborde nos mots.
JONATHAN _ Nous passons d’un état de calme et sérénité dans ce paysage bucolique et de campagne à un état d’alerte et de tension quand un avion passe au-dessus de nos têtes. En effet, cette proximité de sentiments est très étrange, car nous avons l’envie de vivre ici, dans cet environnement particulièrement accueillant par sa qualité de nature sauvage, du confort qu’offre le hameau et de son calme apparent alors que nous sommes régulièrement mis en alerte lorsqu’un avion ou camion passe à toute vitesse. Entre la lenteur et l’hyperactivité, l’hospitalité et l’inhumanité.
JONATHAN _ D’autres sentiments vont et viennent régulièrement entre l’introspection et l’exhibition. Dans certains endroits (comme le lac par exemple) nous perdons tout repère ; l’eau nous rappelle le niveau 0 de la mer alors que nous sommes en altitude et le paysage, délimité par les crêtes des collines avoisinantes, nous amène dans une posture de solitude, puis de sérénité voire d’intimité. Ces sentiments sont très vite rattrapés par celui de dévoilement ; quand nous sommes en haut de ces mêmes collines où nous pouvons voir loin et où nous pouvons être exposés à tous les regards et coups de mistral. Nous nous rattachons à nos repères bien ancrés.
MORGANE _Premières sensations – En contrehaut de l’église, le soleil frappe nos joues. Entre mer et collines, on se rappelle à Marseille lointaine. Au-dessus de nous, une ronde de gabians par centaines ; elle laisse vite place à un avion assez proche pour qu’on en distingue bien Hôtel du Nord
MORGANE _Toujours à Marseille oui, puisque les panneaux électriques arrachés dévoilent leurs coulisses, que les bennes à ordures dégueulent à côté du ruisseau. 42
01 Le chien regardant la lune Dessin Mathilde Haegel, “Exploration Le sens de la pente #4”, lundi 3 février 2020
JONATHAN _ Encore le même contraste entre les moments de déambulation dans la garrigue en toute liberté stoppée net par des grilles infranchissables avec des panneaux d’avertissement comme seul moyen de communication. MORGANE _Quelques indices d’un ailleurs… Peuton parler d’un habiter ici ? Entre villa pimpante et barrières rouillées. C’est un village presque fantôme. Des traces du passé s’inscrivent dans les carrés de paysage abandonnés. Les roseaux y reprennent leur droit. Sur un mur, le vent et la pluie effacent les ayants-droits : la mention d’un « jardin » passé se devine dans la pierre, à côté d’un panneau délavé portant l’inscription « CIMENTS LAFARGE – ENTRÉE INTERDITE – DANGERS – TIRS DE MINES ». JONATHAN _ Ce morceau de territoire est comme un palimpseste, il est construit sur plusieurs couches dans le temps long de son histoire, mais aussi de couches d’usages qui n’ont rien à voir les uns avec les autres. extrait Explorations Le Sens de la Pente, récit #4, lundi 3 février 2020
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Le Sens de la pente #1
À bientôt pour LE SENS DE LA PENTE #2 vers la mer tout schuss