Extrait de "Courir deux lièvres"

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D’après Anthony Trollope, John Caldigate Traduit de l’anglais par Mireille Ribière Traduction de la langue Wiradjuri par Cheryl Riley Postface de Jan Baetens

LES I M P R E S S I O N S N O U V E L L E S



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Un classique réinventé Jan Baetens


Relativement peu connu en France mais toujours fort lu en Angleterre, Anthony Trollope (1815-1882) fut un des romanciers les plus populaires de la seconde moitié du XIXe siècle. Son style est simple mais subtil, ses récits bien construits, sa thématique toujours en prise directe avec des questions d’actualité (et souvent centrée sur le thème de l’argent). Bref, il est l’exemple même de l’auteur réaliste. Son écriture est directe, mais aussi discrète. Édition originale de John Caldigate Rien chez lui du mélodrame (1880) à la Dickens ou des sujets à sensation de Wilkie Collins, deux de ses grands contemporains. Cette attitude réservée se voit pourtant compensée par un goût très sûr de l’ironie. Le style de Trollope est à la fois transparent, au point que certains ont pu le qualifier d’écrivain « sans style », et attachant. Le public anglais ne s’y est pas trompé, qui lui a fait un triomphe de son vivant et lui est resté fidèle jusqu’à aujourd’hui. Signalons enfin que Trollope, qui publiait énormément (47 romans, soit trois fois plus que Dickens), n’était pas un auteur professionnel, mais un fonctionnaire haut placé dans le système postal de l’Empire. C’est à lui, dit-on, qu’on doit les célèbres boîtes aux lettres rouges que l’on trouve encore partout au Royaume-Uni. Page précédente : portrait d’Anthony Trollope (1872) par Frederick Waddy (1848–1901)


Simon Grennan, Courir deux lièvres, storyboard (2013)


Anonyme, Vue du carrefour entre King Street et Castlereagh Street, Sydney (1871-1872) © The State Library of New South Wales

De manière moins anecdotique, on peut remarquer que les systèmes de communication jouent souvent un rôle important dans son œuvre. L’adaptation en bande dessinée d’un roman de Trollope n’a rien d’évident. Certes, dès ses premières publications l’auteur fut abondamment illustré, signe de grand prestige littéraire à l’époque victorienne. Souvent ces gravures étaient faites par les meilleurs artistes, dont John Everett Millais, également connu pour sa production de peintre. De même le style très visuel de Trollope et son amour typiquement réaliste du décor et de la présentation des personnages ne peuvent qu’encourager les créateurs de bande dessinée à tenter l’aventure. Mais à ces éléments de séduction s’opposent peut-être la longueur des romans (le roman qui est à la base de la présente adaptation, John Caldigate, avait paru d’abord en feuilleton et il compte près


Simon Grennan, Courir deux lièvres, page 47

de 500 pages bien remplies dans les éditions modernes), puis le caractère de plus en plus psychologique des œuvres tardives de l’auteur, dont justement ce John Caldigate, proche déjà du style de Henry James. Comme dans Le Tour d’écrou, l’ambiguïté narrative est le véritable moteur de l’intrigue de John Caldigate – et l’une des causes principales de l’attrait de ce roman pour le lecteur moderne. Le passage à la bande dessinée représente donc un vrai défi, que le terme d’adaptation ne définit pas de manière satisfaisante. Courir deux lièvres est en effet une véritable création, qui se lit indépendamment du roman original de Trollope. Dans son travail, Simon Grennan, surtout connu jusqu’ici pour ses bandes dessinées engagées, faites en collaboration avec l’artiste américain Christopher Sperandio, s’est donné un double but. D’un côté, il a voulu offrir une transposition fidèle du texte de Trollope.


Lowes Cato Dickinson, The Birdcage at Newmarket (1885)

Simon Grennan, Courir deux lièvres, page 13


Simon Grennan, Mrs Smith (2012)

Sa création se veut vraiment un équivalent moderne du texte ancien, qui trouve des analogies visuelles aux particularités stylistiques du roman (son réalisme, le ton narratif qui est le sien, son rythme surtout). Grennan n’a pas voulu tricher, par exemple en modernisant outre mesure une œuvre qui reflète une époque et une culture à nos yeux bien révolues. De l’autre, il a cherché non moins à produire une création résolument contemporaine. Non seulement à cause des actualisations qu’il se permet (Courir deux lièvres montre ainsi les aborigènes dont le romancier victorien ne songeait même pas à signaler l’existence), mais aussi et surtout en raison des partis pris visuels d’une adaptation qui tente d’inventer un langage visuel nouveau, bien approprié aux exigences du récit.



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Courir deux lièvres JANVIER 2015

Retrouvez-nous sur www.lesimpressionsnouvelles.com Diffusion / Distribution : Harmonia Mundi EAN 9782874492334 ISBN 978-2-87449-233-4 112 pages – 19 €


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