Extrait " Ferra Adria"

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Jean-Paul Jouary

FERRAN ADRIÀ, L’ART DES METS Un philosophe à elBulli Photographies de Francesc Guillamet

LES I M P R E S S I O N S N O U V E L L E S



extrait


LES IMPRESSIONS NOUVELLES « RÉFLEXIONS FAITES » Pratique et théorie « Réflexions faites » part de la conviction que la pratique et la théorie ont toujours besoin l’une de l’autre, aussi bien en littérature qu’en d’autres domaines. La réflexion ne tue pas la création, elle la prépare, la renforce, la relance. Refusant les cloisonnements et les ghettos‚ cette collection est ouverte à tous les domaines de la vie artistique et des sciences humaines.

Mise en page : Martine Gillet © Francesc Guillamet 2011 pour les photos © Les Impressions Nouvelles – 2011. www.lesimpressionsnouvelles.com


Jean-Paul Jouary

FERRAN ADRIÀ, L’ART DES METS Un philosophe à elBulli Photographies de Francesc Guillamet

LES I M P R E S S I O N S N O U V E L L E S





« On ne résiste pas aux attraits d’un plaisir nouveau » Ovide, L’art d’aimer



Entr ée Le 30 juillet 2011, un restaurant a fermé ses portes au public. Pas n’importe quel restaurant. Le plus réputé, le plus recherché, le plus médiatisé des restaurants : elBulli, niché dans une crique perdue du Cap Créus en Catalogne, avec son chef Ferran Adrià à qui ce livre est consacré. Les portes d’elBulli seront donc fermées au public pour au moins deux années, pas pour des raisons de faillite ou de dispute comme cela arrive parfois, mais au sommet du triomphe mondial au contraire, et pour des raisons que l’on pourrait qualifier d’ « esthétiques », de désir de ressourcement créatif. J’entends encore Ferran Adrià en parler comme d’un rêve il y a bien des années, sur la terrasse d’elBulli qui surplombe les eaux de la Cala Montjoi, bien après minuit, une fois les clients partis. Qu’un philosophe prenne la plume pour analyser l’œuvre d’un cuisinier a sans doute de quoi surprendre. On se doute qu’il ne s’agira ici ni d’une biographie ni d’une critique de type gastronomique, et encore moins d’un livre de recettes. Il existe à ce sujet quelques ouvrages solides dont j’indique les références en annexes. Si j’ai ressenti le besoin d’entreprendre la rédaction de ce livre, c’est pour des raisons d’ordre philosophique. 13


Soyons honnête toutefois : on peut être philosophe et gourmand, et ma motivation première (chronologiquement) ne fut pas théorique lorsque, il y a plus de quinze ans, j’ai découvert elBulli, son chef Ferran Adrià et son directeur Juli Soler. À vrai dire, j’avais raté cette occasion un an plus tôt, un jour maussade de juillet 1994 où une ballade hasardeuse m’avait conduit à la Cala Montjoi au bout d’une route interminable. Le temps ne permettait pas de cueillir les oursins dont je me régale depuis ma prime enfance, et jetant un coup d’œil sur la carte d’un restaurant caché au bout de la plage, je trouvai la table un peu chère pour un restaurant d’après baignade. Je repartis sans me retourner. Quelques mois plus tard, feuilletant mon guide Gault et Millau, j’eus la surprise de découvrir qu’à la rubrique « Perpignan » il était vivement conseillé de passer la frontière et de se rendre une heure de voiture plus loin dans un restaurant nommé elBulli, qui bénéficiait déjà de la note maximale, à l’égal de Robuchon ou Senderens ! C’est donc un an plus tard, un soir de juillet 1995, que je découvris enfin elBulli. Un choc. Chaque année ou presque depuis, j’ai eu la chance d’y retourner pour y découvrir les créations nouvelles, en discuter avec Ferran Adrià et Juli Soler, connaître d’inoubliables instants de plaisir et ressentir un intérêt grandissant pour ce qui les suscitait. Je pris des notes, je gardai une trace des propos échangés, je me mis à lire tout ce qui concernait elBulli, et bientôt germa une question au fond surprenante : et si ce restaurant n’en était pas un, mais un lieu de création artistique, comme une salle de concert ou une galerie, où l’on s’en vient quérir non de quoi se nourrir agréablement, mais des émotions intimes ? Il faut dire que certaines questions revenaient sans cesse de la part de ceux qui rêvaient d’y aller un jour : est-ce un vrai repas ? y trouve-t-on du plaisir ? n’est-ce pas trop sophistiqué ? trop original ? Il faut dire aussi qu’y répondre en quelques mots n’est pas aisé, parce que cela suppose une véritable élucidation d’ordre philosophique : quel rapport entre le plaisir sensible et le plaisir proprement esthétique ? Où finit la technique et où commence l’art ? Comment discerner une originalité stérile qui ne cherche qu’à se distinguer du reste, et une originalité créatrice qui invente un style et devient une nouvelle origine pour l’inspiration d’autrui ? 14

Ferran Adrià, l’art des mets


Le journaliste Richard Hamilton avait écrit un jour que qualifier ce que fait Ferran Adrià de « cuisine » était aussi absurde que de dire des œuvres de Shakespeare qu’elles sont « de la littérature ». Et s’il avait raison ? La préparation de ce qui est destiné à être mangé ne pourrait-elle pas accéder au statut de ce qu’on a coutume d’appeler les « beaux-arts » ? Il y a deux façons d’entendre la sentence « ce n’est plus de la cuisine ». On peut, comme ce sera le cas ici, entendre par là que pour un ensemble de raisons il s’agit plutôt d’une création artistique. On peut aussi dire « ce n’est plus de la cuisine » comme ceux qui disaient que l’impressionnisme ou le cubisme n’étaient plus de la peinture, ou que dans Mozart il y avait trop de notes. Quel créateur reconnu avec le recul comme « génial » s’est donc vu épargner l’accusation de rompre avec la « vraie beauté », le « naturel », la « tradition », le « bon goût » ? Peu à peu, ces questions ont fait leur chemin et en ont entraîné d’autres, elles ont conduit à rédiger des notes dispersées puis articulées entre elles, que j’ai soumises à Ferran Adrià. Le temps a passé, elBulli est rapidement devenu un mythe planétaire, sans que son créateur change quoi que ce soit à sa démarche créatrice. Au contraire même : pour créer, il faut du temps. Alors à partir de 2001 elBulli n’ouvrira plus que le soir, pour une cinquantaine de personnes, et six mois sur douze seulement. Pour créer il faut aussi pouvoir maîtriser son œuvre : alors on ne pourra plus choisir à la carte, un menu sera créé, imposé et renouvelé entièrement chaque année. Que huit mille personnes seulement puissent accéder à une table d’elBulli, alors que deux millions et demi demandent une réservation chaque année ne changera rien à cette exigence : on ne crée pas dans n’importe quelles conditions, et Ferran Adrià ne concèdera rien au mirage d’une colossale fortune qui lui tend les bras. Pas même une hausse de l’addition – la moins chère des « trois étoiles » du Michelin – parce que ce n’est pas l’argent qui doit sélectionner l’accès à la création. Tout dans la démarche de Ferran Adrià conduit à la même interrogation sur la possibilité pour la cuisine de se transformer en art au sens propre de l’esthétique. Ce livre propose quelques réflexions sur cette question, et il n’est pas anodin qu’il paraisse au moment où Ferran Adrià décide de mettre fin à l’aventure d’elBulli pour réinventer une fois de plus sa cuisine – et non 15

Entrée


Empanadilla de chocolate con helado de eucalipto, 2004.

la cuisine, se défend-il, même si son œuvre rayonne d’ores et déjà sur les cinq continents et participe aux contours des cuisines de demain. Les pages qui suivent parlent donc d’œuvres passées. Mais depuis Hegel on sait que la philosophie, à l’image de la fameuse chouette de Minerve qui prend son vol le soir tombé, n’a peut-être d’autre ambition que celle de décrypter, une fois la réalité développée, ce dont elle a été et demeure porteuse. C’est pourquoi ce livre parle moins d’un passé que d’avenirs possibles, dans un domaine essentiel pour toutes les cultures humaines, et qui ne saurait donc supporter d’être contenu par la réflexion philosophique dans le mépris qui lui est devenu coutumier. Bien sûr, il est des objets philosophiques plus explicitement liés à la survie de notre espèce, et notre planète saigne des inégalités, des guerres et famines, de la destruction des ressources naturelles. J’y ai d’ailleurs consacré quelques milliers de pages et d’heures de pratiques sociales diverses. Mais la libération humaine n’a de sens et de force qu’au travers des divers pans de la culture et des multiples possibilités de plaisir partagé. Au fond, sur la durée, rien n’est plus révolutionnaire que le façonnement d’émotions et de regards nouveaux par la création artistique. La pleine humanité commence avec l’art paléolithique et s’épanouit avec tous les Mozart qui ont formé notre sensibilité et notre intelligence. Que cela pénètre la sphère vitale de l’alimentation, notre facette la plus animale en apparence, peut constituer un véritable événement qui ne saurait laisser indifférente la philosophie.

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D e l a c omman de à la cr é at ion

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e 30 juillet 2011, un restaurant a fermé ses portes au public. Je me suis efforcé de faire sentir à quel point ce restaurant tel qu’il a existé restera associé à une démarche singulière. Mais sa fermeture sort aussi de l’ordinaire. En pleine gloire, alors que des millions d’amateurs rêvent vainement depuis des années d’y obtenir une table, alors que dans ces conditions il était possible de doubler ou tripler le prix du menu et d’agrandir l’espace avec la certitude de faire le plein, d’ouvrir des dizaines d’elBulli aux quatre coins de la planète, Ferran Adrià a choisi de fermer. Là où d’autres chefs étoilés se vantent de gérer des dizaines d’établissements en sautant d’un avion à l’autre et de contrats

en investissements sans avoir besoin de rester dans la cuisine, l’artiste de la Cala Montjoi, au bout de cette petite route de sept kilomètres qui le coupe du reste du monde, annonce cette décision stupéfiante. À vrai dire, cela fait exactement dix ans que Ferran confiait à ses proches son rêve de prendre quelques années sabbatiques pour se consacrer pleinement à la création. En apprenant cette nouvelle je ne pouvais donc être surpris. J’ai aussitôt pensé à ce printemps 1970 où tomba la nouvelle de la séparation des Beatles. Jour maudit pour qui aimait leur musique, et geste admirable parce que, parmi les raisons diverses qui entraînaient cette dissolution, certaines relevaient de l’esthétique et de la 19


conception du monde. Du sommet de leur gloire et de leur fortune, ils refusaient d’en faire commerce et de continuer pour la seule raison que le public aimait ce qu’ils faisaient. Au moment où Ferran Adrià annonce sa décision de fermer elBulli, il est classé meilleur restaurant du monde et ne sait trop comment sélectionner quelques milliers de personnes parmi les deux millions et demi qui ont sollicité une table pour la saison suivante. Sans l’intuition, le goût et l’ingéniosité de son ami Juli Soler, rien n’aurait été possible : ni l’ascension, ni la réduction au repas du soir six mois sur douze, ni la fermeture. Juli Soler a compris très vite une chose essentielle : un artiste ne peut créer si son activité dépend des résultats financiers de ce qu’il produit. Lorsqu’on a ce souci en permanence – et quel autre chef en est libéré ? – on est contraint de répondre au goût du public en lui faisant plaisir, donc en réglant les plats sur ce qu’il aime déjà. Tout le commerce fonctionne ainsi : il faut un marché, cerner un créneau, une cible existante, offrir ce qui répond à une demande. Sans ce principe universel du commerce comment imaginer que les besoins puissent être satisfaits ? Cela suppose alors que l’on connaisse ces besoins, que l’on apprenne à produire ce qui peut y répondre, que l’on s’en donne les moyens. Le tour de force de Juli Soler et Ferran Adrià a été de trouver des recettes financières extérieures à elBulli (livres, émissions, huiles, hôtel, etc.), grâce à la notoriété d’elBulli et sans que cela infléchisse la démarche de pure création du restaurant. Cette rupture avec la logique

commerciale en cuisine, grâce à une logique commerciale hors cuisine, a une signification et une portée considérables. Si Bruno Mantovani inscrivait sa démarche de compositeur dans la logique du marché, l’idée ne lui serait pas venue de partir d’un repas à elBulli pour écrire son Livre des illusions ! Si les Monet et Picasso avaient procédé de même, ils auraient fait la cour aux marchands et n’auraient pu fonder leur gloire sur la révolution du regard qu’ils nous ont léguée. « Je sais que d’autres peintres cherchent avant tout à satisfaire ceux pour qui ils travaillent et je sais aussi que je ne puis le faire », écrit le jeune Nicolas de Staël à son père qui s’inquiète ; « les raisons pour lesquelles on aime ou l’on n’aime pas ma peinture m’importent peu », écrit-il encore peu avant sa mort 45. On pense à Mozart qui désespère son père et son épouse en négligeant les œuvres de commande pour composer comme un fou des œuvres que personne n’attend. On l’oublie trop souvent : il y a peu de temps, environ trois siècles en Europe occidentale, l’actuel statut de l’artiste demeurait impensable. Les peintres, les sculpteurs, les musiciens ont créé sur commande des autorités, des cléricaux, des fortunés, et pour des finalités extérieures à l’esthétique proprement dite. Ceux que l’on reconnaît aujourd’hui comme des artistes distincts des artisans n’ont pu vivre leur activité comme nous 45. Nicolas de Staël, Lettres, présentées par Pierre Daix, éditions Ides et Calendes, 1998, pages 34 et 126.

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Pastilla helada de sangría, 2001.

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Ostra merengada, 1995.

la concevons désormais. Ils ont créé pour honorer les dieux, pour accompagner les rituels et les messes, pour célébrer la gloire des puissants, voire pour infléchir le destin magiquement. C’est pour leur technique admirée que l’on faisait appel aux meilleurs d’entre eux. Leur art s’entendait au sens de « technique de production », comme le rappellent l’expression « arts et métiers » et le mot « artisan ». Et dans cette activité utilitaire, sur commande, et selon des normes et règles explicites, ils ont déployé leur art au sens de « création esthétique », ainsi que le rappellent l’expression « beaux arts » ou le mot « artiste ». Ces deux dimensions sont demeurées indiscernables tant que les artistes ont produit des œuvres sur commande, c’est-à-dire, pour l’essentiel, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, même si l’on peut repérer auparavant quelques brillantes exceptions singulières. On devait peindre des chemins de croix ou des vierges Marie comme on devait composer des messes. Et parce que cela répondait nécessairement à une commande, donc à des conventions précises et des goûts existants, il fallait appliquer des recettes et déployer la créativité à l’intérieur des limites de ces recettes. Bien sûr, il n’est de création qu’à l’intérieur d’un contexte, de règles, d’attentes sociales. Il n’existe pas de « monde de l’art » sans aucune sorte de commande et de recettes. Mais toute création artistique s’effectue en même temps contre ces éléments qui lui préexistent. « Commande », « recettes » : deux mots clés de la cuisine et du restaurant. Le cuisinier doit réaliser avec sa personnalité propre et sa créativité des plats

que les clients sont susceptibles de choisir. Sans quoi, pas de client, par d’argent, on ferme. La cuisine est ainsi d’emblée associée à des recettes – donc des techniques visant à produire des choses qui conviennent au goût tel qu’il existe. Le client est roi, dit-on. Au restaurant, cela signifie d’abord qu’il lui appartient de choisir ce qu’il veut manger, dans l’ordre qu’il décidera. Il « passe sa commande ». Ce n’était pas le cas avec le « service à la française » mais, on l’a vu, cela devient une nécessité au lendemain de la Révolution française avec la multiplication des restaurants gastronomiques et la généralisation du « service à la russe ». Dès lors, la gastronomie ne pourra exister et se développer que dans un lien à la commande, à la recette, au goût existant, à un certain ordre du repas. Et le mariage fécond des mets et des vins, qui rendra tant de prodiges possibles, contribuera à la pérennisation de cet ordre. Dans ce contexte, les chefs de cuisine se sont considérés à juste titre non comme des artistes mais comme des artisans, même si certains ont poussé jusqu’au ridicule la promotion publique de leur image. Ferran Adrià, comme les autres d’ailleurs, a toujours refusé de s’attribuer ce titre d’ « artiste », qui n’a jamais fait partie des qualificatifs associés à sa profession. Les auteurs des sculptures africaines qu’admirait tant Picasso, les maîtres de musique de l’âge classique, les peintres qui ornaient les églises, les châteaux et les belles demeures, n’ignoraient rien de leur talent sans doute. Cependant, pas un ne créait pour créer, mais seulement en réponse à des commandes normées. Leurs œuvres n’étaient pas 23

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Cabello de dulse con erizos y caviar de lima, 2005.



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Arlette ibérica, 2005.

conçues pour être admirées dans des salles d’exposition ou des musées. On créait pour accompagner quelque chose d’autre, et c’est avec le recul du temps que l’on a pu mesurer la dimension proprement artistique de leur créativité. Au fond, ce livre ne pose qu’une question : avec Ferran Adrià, la cuisine ne s’est-elle pas pour la première fois évadée de cette logique pour devenir un art au sens des « beaux arts » ? Est-il d’ailleurs vraiment « Le » premier ? Ce genre de question n’a probablement jamais de réponse certaine. Il est fort possible qu’ici ou là, à telle ou telle époque, un cuisinier ait ressenti ce désir et commencé à emprunter ce chemin, sans que les conditions lui permettent d’aller très loin. Ce fut peut-être le cas de Willy Slawinski, chef de l’Apicius à Gand jusqu’à sa mort prématurée en 1992, à 43 ans, et dont ceux qui purent découvrir la cuisine conservent le sentiment qu’il était déjà porteur d’une véritable révolution. Sous l’influence de Guérard, Senderens, Girardet, Bras, Gagnaire et Troisgros, inspiré par les cuisines japonaise, indonésienne et africaine, il partageait avec Ferran Adrià une relation forte à l’esthétique. Il admirait en particulier la façon que Picasso avait eue de « prendre son bien partout, dans l’art nègre, dans le dessin classique, chez ses contemporains 46», et disait avoir eu lui aussi sa période bleue, sa période cubiste, dans un mouvement perpétuel de dépassement de ses sources d’inspiration. Il y a peut-être eu d’autres chefs encore, interrompus dans leur itinéraire créatif par d’autres obstacles, un manque de notoriété qui condamne à la faillite, un

trop grand écart par rapport au goût de leur clientèle disponible. Qui aurait parié sur Ferran Adrià et Juli Soler, entreprenant de bouleverser la cuisine mondiale dans leur crique désertique au bout de sept kilomètres d’un chemin de terre et de pierres ? Comme tous les artisans et commerçants depuis des millénaires, les cuisiniers n’ont pu prétendre être à l’origine de leurs productions, puisque c’est en fin de compte le client qui commande. L’équation est donc complexe : pour parvenir à faire œuvre originale, il faut à la fois s’appuyer sur une clientèle conquise et ne tenir aucun compte de ses attentes. Il faut un « monde » de l’art, et il faut rompre avec ce monde tel qu’il est. Il faut séduire par le plaisir, et réinventer une nouvelle forme de plaisir. Il faut capter la sensibilité et obtenir un retour sur soi de l’entendement. Toutes ces conditions sont contradictoires, elles enferment dans un véritable cercle vicieux, qui est comme la rançon des exigences de l’art. Il se trouve que, par une convergence improbable de conditions de créativité, d’organisation, de gestion, de persévérance, de rencontres humaines, Ferran Adrià est parvenu à les réunir et les articuler pour la première fois sans doute. De quelle nature sont les obstacles qui s’opposent à ce processus ? Il y a là une question de temporalité, que Saint-Augustin avait cernée le premier dans ses Confessions. Notre rapport au temps est toujours paradoxal : par définition, le passé n’existe plus, le 46. Cf. Benoît Peeters, « Vers la cuisine pure », dans la revue Conséquences, n° 2, hiver 1984.

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Papel de fruta de la pasión ‘tramontana’ con gorgonzola, 2005.

futur n’existe pas encore, et le présent n’est qu’un point sans durée entre les deux. Il n’existe donc qu’un présent éternel, hors du temps, perpétuellement mouvant. Ce présent est toujours porteur du passé à titre de souvenir présent du passé, toujours porteur du futur à titre d’attente présente du futur. Pascal a eu raison d’écrire dans ses Pensées que « nous vivons toujours dans des temps qui ne sont pas les nôtres ». Le lecteur se demandera peut-être pourquoi je me perds dans ces références métaphysiques alors qu’il est question ici de cuisine. J’y viens. Parce que notre présent est une sorte de passé réalisé, nos goûts présents sont toujours pour l’essentiel rattachés à ce passé et font donc obstacle à la nouveauté. Tous les artistes se sont heurtés à cette difficulté. Nos projets (notre façon de nous jeter devant, dans le futur) tendent donc toujours à attendre la reproduction de ce passé. En nous le passé est chez lui, il nous invite à façonner l’avenir à son image. C’est une sorte de prison : parce que nos goûts présents apparaissent aller de soi, naturellement, ce qui y correspond nous procure un plaisir immédiat. En fait, dans ce cas, nous demeurons prisonniers de ce qui est déjà, de ce que nous sommes déjà, et nous nous contentons d’un plaisir superficiel. L’humain ne manifeste sa liberté que lorsque, au contraire, il devient autre chose que ce qu’il était, lorsqu’il rompt avec ce passé qui l’a façonné, lorsqu’il se recrée, s’étonne, se surprend, échappe à sa façon coutumière d’être. Devenir autre c’est ainsi être totalement humain, et c’est à ce type de plaisir élevé, d’ordre symbolique, que l’art nous convie.

La cuisine ne peut en aucun cas y accéder de la même façon que les autres disciplines artistiques. Au XIXe siècle Nietzsche distinguait deux mondes esthétiques à la fois unis et distincts 47. D’un côté, l’« apollinien », la belle apparence des formes, fonde tous les arts plastiques sur une sagesse, un esprit de mesure qui nous éloigne des impulsions brutales. Cet art nous enracine dans l’être individuel au repos. La beauté plastique des plats de Ferran Adrià les rattache à l’« apollinien », mais pour si peu de temps… D’un autre côté, le « dionysiaque », l’ivresse, fonde la musique, la danse et la poésie sur l’oubli de soi, la réconciliation de l’homme et de la nature, le dépassement de l’individu par la collectivité. Cet art ne nous conduit à un retour sur soi que pour mieux nous perdre dans le devenir perpétuel. L’art des mets ne relève de l’« apollinien » que de façon éphémère : bientôt l’assiette sera vide et il ne restera de l’œuvre que quelques traces colorées. Pour autant l’art des mets relève-t-il du « dionysiaque » ? Pas vraiment non plus, s’il suppose l’abolition de toute recette, de toute partition, de toute chorégraphie préconçue. Alors, l’art des mets relève-t-il de la même sorte d’art que le jazz ? Celui-ci crée en improvisant un ordre éphémère, soumis au flux du temps. L’œuvre est créée contre tout ce qui a été et devient une chose dont on pourra ensuite seulement cerner l’ordre. Ce que crée Ferran Adrià se rapproche du jazz, mais s’en

47. Nietzsche, Naissance de la tragédie, § 1.

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distingue aussi : car si le morceau de jazz est irréversible et disparaît à jamais, on peut aujourd’hui en conserver l’enregistrement et même en écrire a posteriori la partition. Quelque chose demeure. Tandis que l’art des mets produit des œuvres dont on ne peut jouir qu’en les détruisant. Ni les traces sur l’assiette, ni les photographies, ni les recettes, ni la mémoire, ne sauraient restituer vraiment la jouissance instantanée de la dégustation. Sans doute Ferran Adrià le ressent-il, qui archive tout : les recettes, les essais, les échecs, les photographies des plats, les articles et émissions, les livres. Peine perdue : il n’est pas d’art aussi éphémère que l’art des mets. Si l’art suppose un certain rapport au temps, ce que Ferran Adrià a sans doute réussi de plus spectaculaire et de plus profond, c’est le bouleversement de ce rapport : la surprise des apparences illusoires, l’étonnement des saveurs et textures inattendues, la destruction de l’ordre traditionnel du repas, le recul du rire, tout cela introduit entre nos sens et les mets une médiation temporelle qui oblige à revenir sur soi, à réfléchir, à élever le plaisir au-dessus de ses formes habituelles. Tout cela définit l’art comme création de la création, arrachement au présent. C’est pourquoi on aurait tort de débattre à l’infini sur la supériorité ou non de Ferran Adrià par rapport

à la gastronomie française. Celle-ci n’est nullement menacée par l’événement d’elBulli. Il faut désormais établir une distinction, parfois floue il est vrai, entre les grands chefs de la cuisine gastronomique et les « artistes en cuisine ». Mais ces derniers (au pluriel, car Ferran Adrià a semble-t-il provoqué bien des vocations nouvelles de par le monde) ont d’ores et déjà une influence évidente sur toute la restauration mondiale. Ce chemin créatif a-t-il atteint ses limites, au point d’entraîner la fermeture d’elBulli ? Ferran Adrià a décidé de fermer son établissement pendant deux ans, d’en faire une fondation et d’autres choses encore qui étonneront. Il en avait assez, résume-t-il, d’être comme un grand couturier qui, en plus de créer les modèles, devrait tous les jours aller coudre dans l’atelier. Loin d’être un achèvement de son itinéraire artistique, cette fermeture est donc un nouveau départ. Comme il le répondait à Madrid aux journalistes qui l’interrogeaient sur la fermeture d’elBulli, « on ne ferme pas, on change ! ». J’ai pensé qu’après bien des questions et hésitations, cette période qui sépare deux révolutions était le bon moment pour publier ces quelques réflexions philosophiques sur l’art des mets.

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Ferran Adrià, l’art des mets


Omelette surprise de foie -gras de pato y alcachofas, 1996.

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De la commande Ă la crĂŠation





L a de rnière soir ée Jeudi 28 juillet 2011, 20 heures, à elBulli. L’ambiance est très particulière, les familiers des lieux ressentent l’imminence de la fin d’une époque. Après cette soirée, il y aura un déjeuner le lendemain, puis une fête samedi soir pour les acteurs du restaurant. C’est donc le dernier véritable dîner, avec un menu record de cinquante mets, dont le dernier portera le numéro 1846, année de la naissance d’Escoffier. Car avec Ferran Adrià tout a un sens : c’est avec ce plat que prendra fin le cycle commencé avec El Practico, et que se préparera un autre processus créatif, annoncé pour 2014. Pour ce dernier menu, tout est poussé jusqu’au bout : le nombre de mets, les surprises, les rires, les déconstructions, les mélanges sucré-salé et terremer, l’absence presque totale de couverts, les alternances et coexistences du tiède et du glacé, les dématérialisations et transferts de texture. Mais qui dit fin de cycle dit aussi clins d’œil à l’histoire : on aura donc le bonheur de retrouver quelques émotions passées, au travers des olives sphérisées, des croquettes au jus de poulet, de la barbe à papa fourrée de fleurs aux saveurs intenses, de la moelle au caviar, ou de la glace d’amande à l’huile d’ail. Surgissent aussi de nouvelles versions de plats mémorables, comme l’horloge des épices dont on a modifié la gelée de pomme, de l’œuf de caille caramélisé devenu œuf doré, de la crevette en trois bouchées dont on a supprimé la pipette-brochette. Sortes d’ « auto-déconstructions » ! commente mon ami Benoît Peeters. L’expression plaira sans doute à Ferran Adrià. Cependant, cette fin de cycle sera aussi marquée par une avalanche de géniales créations : des raviolis de pistaches d’une invraisemblable puissance ; un hilarant ballon glacé de gorgonzola saupoudré de muscade accompagné 45


par une chips craquante d’huile d’olive ; un petit pain (« airbag ») au sel et à l’huile d’olive posé sur un sorbet de tomate qui manifeste l’essence même de ce classique ibérique ; une sorte de sushi délicat mêlant jaune d’œuf, saumon, basilic et soja ; un canapé croustillant au gingembre et jambon fondants, à déguster en sirotant une eau de melon ; une association de saveurs de poulet, noix de coco, oignon et glace au curry ; un extraordinaire homard citronné à la coriandre accompagné d’un glaçon de maïs déshydraté, servi avec un taco mexicain fourré à la barbe à papa, maïs, coriandre, citron vert, avocat et guacamole ; puis l’ « Andalousie dans un plat », glace mêlant tomate, concombre, poivron, huile et ail blanc, suivie par des feuilles de concombre de mer avec sauce de concombre et caviar de Norvège… Tout, dans cette créativité, dément l’idée qu’avec cette soirée Ferran Adrià baisse les bras : cela déborde, étonne, ravit, et donne une petite idée du Ferran Adrià de demain. Et puisqu’il s’agit de parler d’avenir, il me semble repérer quatre nouveautés dans la démarche même de ce dîner. La première : l’invention d’un nouveau rythme dans l’ordre du repas. Celui-ci a longuement combiné des produits de la mer avec des fruits secs, des fleurs et quelques éléments terrestres matériellement peu résistants (moelle, foie gras, jus de poulet), pour se poursuivre avec une suite de variations sur le gibier. Comme si Ferran Adrià, après des années de déconstruction de tout ordre classique ou moderne du repas, en venait à en réinventer un dans son propre style. La seconde : à l’intérieur de cet ordre, Ferran Adrià a introduit trois séquences importantes, qui renforcent cette réapparition d’un rythme. Ainsi, une « séquence japonaise » a enchaîné cinq mets avec un évident souci d’harmonie. Un peu plus tard, une « séquence giboyeuse » (d’une saveur exceptionnelle) a articulé des déclinaisons de lièvre : un cappuccino, un risotto, un ravioli, une bolognaise, un filet, à manger en respirant un petit sac de cardamone et en sirotant un verre de sang qui se révèle être un jus de betterave. Enfin, en guise de conclusion, on est invité à boire une infusion de feuille de pêche, vanille et framboise, en dégustant une fondue de pêche melba composée d’une ultime suite de préparations ponctuée par une chips de vanille. 46


La troisième : À ces rythmes nouveaux caractérisant l’ensemble du repas et plusieurs de ses séquences, Ferran Adrià a adjoint une sorte de ponctuation musicale qui donne relief aux textures et aux saveurs qui jouent avec elles. Douze mets incluent aux textures moelleuses ou franchement dématérialisées du croquant, du croustillant, du craquant, le plus souvent dans de minuscules éléments, mais aussi dans des lamelles ou « chips » caramélisées. Toutes ces nouveautés sont repérables dans les menus des années antérieures, mais il semble bien que Ferran Adrià ait tenu à clore ce cycle par une sorte de mise en cohérence stylistique de haute teneur esthétique. La quatrième, tout aussi nette, concerne notre problème de l’accord vins/mets, et dans une large mesure lui apporte une première réponse fort stimulante : Ferran Adrià a inclus dans son menu huit boissons d’accompagnement des mets. Après deux cocktails à sa façon (des sortes de frites végétales d’Amérique du sud qui libèrent sous la dent une belle saveur de mojito, puis un gin fizz froid et chaud avec espuma), apparaissent une eau d’amande, une eau de melon, une eau de pin, un cappuccino de gibier, un jus de betterave et une infusion de feuilles de pêche. Ces huit boissons accompagnaient en tout une trentaine de mets, avec une harmonie qu’aucun vin n’aurait probablement pu permettre. De fait, les cocktails ont effacé le cava du début, le blanc délicieux de Galice n’a pu se marier qu’avec quatre mets (un verre aurait donc suffi) et le magnifique rouge Ribera del Duero n’aura magnifié que la séquence giboyeuse, en harmonie avec les deux liquides qu’incluait cette suite (un verre aurait encore suffi). Cette dernière soirée aura donc apporté une première réponse à toutes les questions que soulevait l’évolution artistique de Ferran Adrià. À suivre, donc, comme toute création. En sortant d’elBulli ce 28 juillet, nul ne pouvait manquer un grand dessin sur bois placé près de la sortie : le dogue emblématique d’elBulli s’éloignant un baluchon sur l’épaule et déclarant partir pour de nouvelles aventures…

Jean-Paul Jouary, le 30 juillet 2011. 47



Mille fe u il l e s

à l a cart e

Le lecteur qui veut en savoir plus sur les questions abordées dans cet ouvrage pourra lire tout ou partie d’une volumineuse bibliographie dont je ne retiens ici que quelques éléments essentiels. Sur Ferran Adrià, elBulli, son histoire et sa démarche, on peut découvrir l’ouvrage magnifique de Ferran Adrià, Juli Soler et Albert Adrià, Une journée à elBulli, paru aux éditions Phaidon en 2009. Le livre de Manfred WeberLamberdière, Le magicien d’elBulli (éditions Payot, 2009) et celui d’Oscar Caballero ElBulli, texte et prétexte à textures (éditions Agnès Viénot, 2004) me paraissent les plus instructifs et stimulants pour compléter cette vision globale de la philosophie d’elBulli. Les amateurs de vidéo trouveront aussi intérêt au coffret ElBulli, historia de un sueno, catalogue audiovisuel 1963-2009 en quatre DVD, réalisé par David Pujol. Sur l’histoire de la cuisine, on pourra lire L’ordre des mets, de J.-L. Flandrin (éditions Odile Jacob, 2002) ou l’Histoire de l’alimentation, sous la direction de J.-L. Flandrin et M. Montanari (éditions Fayard, 1996), Une histoire mondiale de la table d’Anthony Rowley (éditions Odile Jacob, 2006) ou encore Les particules alimentaires de Maurice Bensoussan (éditions Maisonneuve & Larose, 2002). Sur le rapport entre les mets et les vins, on lira par exemple Le vin et la table, d’Alain Senderens, Bettane et Desseauve (éditions de la Revue des 49


vins de France), L’école des alliances de Pierre Casamayor (éditions Hachette) et L’accord parfait de Philippe Bourguignon (éditions du Chêne). Une vue d’ensemble érudite et agréable peut être trouvée dans Le désir du vin à la conquête du monde, de Jean-Robert Pitte (éditions Fayard, 2009). Sur l’esthétique, on se reportera à la Critique de la faculté de juger (éditions Garnier-Flammarion, traduction d’Alain Renault, en particulier pp. 181-220 et 293-299), à l’Esthétique de Hegel dans la traduction de Jean-Pierre Lefebvre (éditions Aubier), dont il est possible de se faire une idée de façon plus accessible grâce aux textes choisis par Claude Khodoss, Hegel, Esthétique, aux PUF. Je cite aussi Howard S. Becker, Les mondes de l’art, 1982 (éditions Flammarion, 1988), et Norbert Elias, Mozart, sociologie d’un génie (éditions du Seuil, 1991).

Menu s

rem erciement s

Je remercie pour leurs paroles, conseils, encouragements, critiques et suggestions, Ferran Adrià, Juli Soler, Josep Maria Pinto, Francesc Guillamet, Catherine Leferme, Anne-Claire Si Fodil, Bruno Mantovani, Benoît Peeters, Valérie Lévy-Soussan, Christophe Perrier, Laurent Bihl, Delphine Euvié, Pierre Leferme, Mélanie Dufour, Martine Gillet. Ce livre leur doit plus qu’ils ne le pensent. 50



Traces de l’œuvre éphémère.


Entrée 9

S o mm a ire

1

Un artiste en cuisine ? 17

2

Dîner à elBulli

3

Grande histoire et petites histoires 45

4

De l’hygiène au plaisir

59

5

Une culture de la rupture

69

6

Une critique de la faculté de goûter 79

7

L’un des beaux-arts ? 91

8

Ordre et désordre

105

9

La déconstruction jusqu’au bout

115

De la commande à la création

125

Les entremots de Ferran Adrià

141

La dernière soirée

151

Mille feuille à la carte

155

Menus remerciements

156

10

33



Table des illustrations (têtes de chapitre et double pages)

p. 4-5 Trufa surprise con chip de higo p. 8-9 Flores de remolacha p. 10 Merengue-nitro de fresa con nata, 2004. Chapitre 1 p. 16 Pomada de cacahuetes con tostadas a la miel, 2003. Chapitre 2 p. 32 Plato en construccion Chapitre 3 p. 44 Air-baguette de harina de malta con caramelo de canela caramelizada, 2005. Chapitre 4 p. 58 Donete de regaliz y yogur Chapitre 5 p. 68 Alga kombu en vinagre caramelizada al té matcha, 2004 Chapitre 6 p. 78 Plato en construccion.

Chapitre 7 p. 90 ‘Gran creu negra’, homenaje a Tàpies, 2004. Chapitre 8 p. 104 Flor con su néctar, 2010 Chapitre 9 p. 114 Ambar, 2009 Chapitre 10 p. 124 After eight, 2009. p. 138-139 Ninyoyaki de castañas, 2005. P. 140 Carbón helado de foie-gras de pato con sal de azúcar mascabado, 2003. P. 148-149 Des/sert, 2005. P. 154 Pañuelo gigante de crocant de alcachofa con chips de alcachofa, 2003. P. 157 Panuelo gigante de crocant de alcachofa con chips de alcahofa, 2003

Achever d’imprimer en septembre 2011 sur les presses de Proost - Turnhout ISBN : 978-2-87449-122-1 - EAN : 9782874491221 Dépôt légal : octobre 2011



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OUVRAGE PARU EN OCTOBRE 2011

Et si ce restaurant n’en était pas un, mais un lieu de création artistique, comme une salle de concert ou une galerie, où l’on s’en vient quérir non de quoi se nourrir agréablement, mais des émotions intimes ?

Ferran Adrià n’est plus un cuisinier mais un artiste, et cela constitue dans l’histoire de l’esthétique un évènement qui ne peut laisser indifférente la philosophie. Manger peut-il devenir l’un des beauxarts ? C’est à cette question que Jean-Paul Jouary répond avec autant d’élégance que de finesse, tout en montrant les créations d’elBulli, superbement photographiées par Francesc Guillamet. Son étude est suivie d’un entretien inédit avec Ferran Adrià.

RETROUVEZ-NOUS SUR : http://www.lesimpressionsnouvelles.com

DIFFUSION/DISTRIBUTION : HARMONIA MUNDI EAN : 9782874491221 ISBN : 978-2-87449-122-1 160 PAGES 32 €


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