Dans ce manuel… Présentation générale Introduction ... le modèle de plaidoyer
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Qu’est-ce que le plaidoyer ... pourquoi est-ce important ?
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Historique des études de cas ... le plaidoyer en action
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Etude de cas Nigeria : Création d’un mouvement de plaidoyer national
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Brésil : Etablir un consensus, sensibiliser et intéresser les décideurs
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Tanzanie : Augmenter le soutien politique et financier à la planification familiale 38 Références et notes
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Présentation générale
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Introduction ... le modèle de plaidoyer Il est possible, à partir de cas d’organisations nationales qui ont essayé de générer une priorité politique par le biais du plaidoyer, de dégager des conseils pratiques importants, ainsi que des lignes directrices, des orientations, et des enseignements que l’on ne trouve pas souvent dans les “boîtes à outils”. Utiliser le plaidoyer ... créer une priorité politique
Utiliser ce manuel ... exemples de théorie et de pratique
Nous présentons ici trois expériences différentes de l’utilisation du plaidoyer visant à faire de la santé et des droits sexuels et reproductifs une priorité politique. Ces cas, tirés de l’expérience des associations membres de l’IPPF au Brésil, au Nigéria et en Tanzanie, illustrent bien la diversité du travail de plaidoyer qui ne peut effectivement se réduire à un seul modèle. Nous définissons le plaidoyer comme un ensemble d’activités stratégiques, quelles qu’elles soient, qui visent à induire un changement désiré. Les trois cas exposés dans ce manuel montrent que le plaidoyer est bien plus qu’une série d’actions et de mesures ponctuelles. Le plaidoyer est un processus d’actions qui, une fois liées, induisent le changement. La séquence et le contenu des éléments varient mais les principales parties constituantes demeurent les mêmes. Ces cas illustrent donc les principaux éléments constitutifs du plaidoyer et démontrent qu’il n’est jamais définitif et qu’il doit être adapté aux contextes et thématiques de sa mise en place. Les parties constituantes interconnectées qui caractérisent toutes ces expériences sont les suivantes (voir ill. 1 page 8) : 1. Les débuts 2. Mise en place de réseaux 3. Recherche 4. Champions 5. Planification 6. Communication 7. Evaluation
La première section vise à donner une définition du plaidoyer et explique son importance dans le contexte de la santé et des droits sexuels et reproductifs. La section suivante s’intéresse à l’historique des études de cas et aux facteurs communs du changement politique. L’étude de cas du Nigeria décrit comment un groupe d’acteurs de même opinion, AdvocacyNigeria, a travaillé de façon collective afin que des mères saines enfantent et élèvent des enfants sains. Il a construit au plan national un entreprenant mouvement de plaidoyer en faveur de la santé sexuelle et reproductive dans le but de transformer les engagements politiques en financements et programmes. L’étude de cas du Brésil montre comment le plaidoyer relatif à l’objectif 5 des objectifs de développement du millénaire a pour objet d’améliorer la santé maternelle – un sérieux problème de santé que soutinrent diverses parties prenantes venant d’horizons variés. Cet axe sur la mortalité maternelle offrit aussi un point d’entrée permettant de s’attaquer à d’autres questions plus controversées de santé sexuelle et reproductive, l’avortement par exemple. Les politiques et la législation existaient déjà. Le plaidoyer s’intéressa donc à des activités destinées à s’assurer de leur mise en œuvre effective. L’étude de cas de Tanzanie est axée sur le développement de stratégies d’augmentation d’un soutien politique et financier pour la planification familiale, et particulièrement pour les moyens de santé de la reproduction. La stratégie visait à mettre le projet en œuvre à l’échelon du district, et à influencer les Conseils de district afin qu’ils engagent des ressources vers les services et moyens de planification familiale, l’objectif final étant de traduire cela ensuite à l’échelon national. Le plaidoyer attira aussi l’attention sur la planification familiale comme moyen de réduction de la mortalité maternelle.
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Qu’est-ce que le plaidoyer … en quoi est-ce important ? Le plaidoyer désigne toute action visant à induire un changement souhaité en matière de politique, de législation ou de financement. Avant de se lancer dans une activité de plaidoyer, nous devons définir concrètement ce que nous cherchons à réaliser afin de bien cerner le problème et proposer des solutions réalistes. A définition concrète … action concrète
Le plaidoyer est bien plus que…1
D’après notre expérience, un plaidoyer a plus de chance de réussir si l’on a défini clairement le résultat que l’on en attend et des actions réalistes avec des acteurs spécifiques pour les entreprendre. Aussi le plaidoyer doit-il toujours s’adresser à un groupe spécifique de personnes auxquelles on demande de mener une action concrète pour parvenir au changement politique souhaité.
Le plaidoyer se distingue d’autres activités menées pour tenter d’influencer l’opinion et le comportement des individus parce qu’il vise à induire un changement durable. Pour y parvenir, il faut s’assurer que les responsables politiques et autres décideurs soient tenus comptables des besoins et droits de leurs administrés et communauté(s). Si certaines activités comportent des éléments de plaidoyer, elles ne peuvent être par défaut identifiées comme du plaidoyer. Il s’agit par exemple de l’information, l’éducation et la communication (IEC) ou de la communication pour faire changer de comportement.
En quoi le plaidoyer est important … protéger la santé et les droits sexuels et reproductifs L’importance du plaidoyer tient au nombre considérable de problèmes laissés sans réponse adéquate par les gouvernements confrontés à d’autres problèmes et intérêts politiques en concurrence. Certains problèmes sont exclus de l’ordre du jour parce que jugés trop sensibles. La société civile et les individus devraient encourager les gouvernements à agir dans l’intérêt général en adoptant et en mettant en œuvre des politiques, programmes et budgets positifs. Cela signifie que les activités de plaidoyer peuvent créer un climat général et politique qui fasse avancer, soutienne et protège la santé et les droits sexuels et reproductifs (DSSR).
L’information, l’éducation et la communication Les campagnes d’IEC cherchent à informer, éduquer et communiquer auprès de communautés spécifiques pour les sensibiliser à une question donnée. Le plaidoyer, lui, va bien au-delà de l’IEC, dans le sens où il cherche à induire un changement spécifique dans une politique ou une législation. La communication pour faire changer de comportement « La communication pour faire changer de comportement est un procédé d’interaction avec les communautés (intégré à un programme plus large) pour élaborer des messages et approches sur mesure à l’aide de divers moyens de communication visant à favoriser l’adoption de comportements positifs, à promouvoir et soutenir un changement de comportement individuel, communautaire et sociétal, et à garder les comportements appropriés. »2
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Historique des études de cas … le plaidoyer en action Bon nombre d’études sur le changement politique ont cherché à identifier les principaux facteurs qui induisent le changement. Toutes concluent à l’existence de plusieurs facteurs communs aux divers exemples de changement politique sur le terrain. Le changement politique … quatre facteurs communs Les quatre facteurs communs au changement politique : 1. La force des acteurs engagés dans l’initiative 2. La puissance des idées servant de cadre à la question en jeu 3. Le contexte politique dans lequel l’action est menée 4. Les caractéristiques de la question en jeu
Chaque facteur augmente les chances pour que la question soit considérée comme une priorité. Cela dit, il est difficile de déterminer le facteur le plus important et l’ordre dans lequel ces facteurs doivent être utilisés pour maximiser l’impact.
Quatre facteurs communs pour générer une priorité politique3 Facteur 1 : la force des acteurs engagés dans l’initiative « Les initiatives se distinguent par la force des acteurs qui les composent et des liens qui les unissent pour faire face à leurs adversaires. » • Cohésion de la politique communautaire : degré d’union au sein du réseau d’individus et d’organisations engagés sur la question en jeu. • Leadership : présence des individus capables de rassembler autour de la politique communautaire et reconnus comme des défenseurs particulièrement actifs de la cause en jeu. • Forte institution directrice : efficacité des organisations ou systèmes de coordination chargés de diriger l’initiative. • Mobilisation de la société civile : importance des moyens mis en œuvre par les organisations de terrain pour presser les autorités politiques internationales et nationales d’apporter une réponse globale à la question.
Facteur 2 : la puissance des idées servant de cadre à la question en jeu Les idées aussi permettent au soutien politique à une initiative de prendre forme et d’encadrer la manière dont la question en jeu est publiquement comprise et se pose selon le public visé. • Cadre interne : degré d’entente au sein de la communauté politique sur la définition du problème, ses causes et ses solutions. • Cadre externe : présentation du problème de manière à faire écho auprès de différents publics, notamment les responsables politiques qui contrôlent les ressources.
Facteur 3 : le contexte politique dans lequel l’action est menée Le contexte dans lequel les acteurs agissent a une incidence sur le degré de soutien politique. Toute élaboration de plaidoyer qui se veut efficace doit donc passer par une prise en considération des facteurs externes. • Opportunités politiques : les moments dans la politique où les conditions générales sont favorables à une question et représentent des occasions pour ses défenseurs d’influencer les décisions. • Gouvernance générale : la mesure dans laquelle les normes et institutions propres à un secteur peuvent servir de plate-forme pour une action collective efficace. Facteur 4 : les caractéristiques de la question en jeu Certaines questions sont plus faciles que d’autres à promouvoir. • Indicateurs crédibles : mesures claires qui démontrent la gravité du problème et peuvent être utilisées pour suivre son évolution. • Gravité : degré d’importance du problème par rapport à d’autres, fixé à partir de mesures objectives tels que les taux de mortalité. • Solutions faciles et peu onéreuses : mesure dans laquelle les moyens proposés pour résoudre le problème sont clairement exprimés, d’un bon rapport coût/efficacité, soutenus par des preuves scientifiques, simples à mettre en œuvre et peu coûteux.
Prendre en compte les facteurs … tester le cadre du plaidoyer Ces facteurs montrent que même si un problème est grave et affecte la vie des gens, cela ne signifie pas qu’il sera automatiquement réglé. Dans bien des cas, ce qui crée la dynamique pour régler un problème est la manière dont le problème et sa solution sont encadrés et présentés aux décideurs. Duff Gillespie (Professeur émérite du Gates Institute for Population and Reproductive Health, Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health) a tiré les enseignements de la définition de priorités politiques et en a fait un modèle pour les activités de plaidoyer d’envergure nationale. Ces activités comprennent les quatre principales composantes suivantes à tester dans divers projets pilotes.
1. Créer des réseaux de plaidoyer nationaux Principale approche du plaidoyer : créer un réseau de plaidoyer national autour d’un objectif final commun et d’activités conjointes pour stimuler les engagements politiques et financiers en faveur des DSSR.
2. Etudier et élaborer le fondement de l’activité en cours Principale approche du plaidoyer : se concentrer sur trois points : • étudier la situation de la santé sexuelle et reproductive (SSR) pour identifier les problèmes urgents et produire les preuves qui serviront de base aux messages et briefings • identifier les procédés et protocoles de prise de décision à l’échelle nationale pour mettre en lumière les processus politiques et budgétaires nationaux et locaux, et identifier les principaux décideurs à informer à l’aide d’activités de plaidoyer • s’informer sur le plaidoyer existant pour identifier les activités de plaidoyer qui fonctionnent et les partenaires possibles
3. Créer des messages sur mesure Principale approche du plaidoyer : créer et délivrer des messages de plaidoyer efficaces et persuasifs qui font écho auprès des principaux publics susceptibles de mettre en œuvre le changement.
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4. Travailler avec des champions ou défenseurs reconnus Principale approche du plaidoyer : les « champions », ou défenseurs reconnus, sont les personnes influentes qui soutiennent le but du plaidoyer et vous aident à atteindre votre objectif final. Il s’agit de décideurs ou de personnes en contact avec des décideurs. Identifiez les personnes stratégiquement bien placées et qui ont leurs entrées auprès d’agences et/ou d’organisations gouvernementales et connaissent bien leur fonctionnement, à même de vous conseiller sur les importantes opportunités de plaidoyer, et susceptibles d’être des figures de proue et des défenseurs crédibles. L’IPPF a testé cette approche au Brésil, en Indonésie, au Mexique, au Nigeria et en Tanzanie. Certaines de ces expériences sont décrites ci-après. Nous nous inspirons des expériences menées dans cinq pays pilotes et avons défini une approche du plaidoyer qui offre un cadre systématique tout en donnant la souplesse nécessaire pour permettre un plaidoyer sur mesure en fonction des situations, démontrant ainsi que tout plaidoyer efficace exige un apprentissage et des ajustements permanents. Les composantes, par ailleurs étroitement liées, qui caractérisent toutes ces expériences forment les éléments essentiels du plaidoyer (voir illustration 1 à la page suivante). Dans le reste de cette section, nous nous attacherons à chacun de ces aspects.
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ill. 1 : Les composantes essentielles du plaidoyer
Evaluation
Communication
Débuts
Résultats du plaidoyer
Planification
Mise en place de réseaux
Recherche Champions
Les débuts Comme le montrent ces expériences, faire du plaidoyer n’est jamais simple et prend toujours du temps. Deux étapes doivent être prises en compte dès le départ. Premièrement, identifier la question à laquelle on veut s’atteler et ce que l’on cherche à atteindre plus précisément et, deuxièmement, identifier ce dont on a besoin pour y parvenir. Identifier votre question de plaidoyer et le but que vous visez constituent l’aspect le plus important de votre initiative de plaidoyer, car c’est ce qui va guider et donner forme à toutes les étapes qui suivront. Pour planifier votre travail de plaidoyer de façon réaliste, vous devez savoir ce que vous voulez faire, évaluer les compétences et ressources dont vous disposez, et identifier vos autres besoins (par ex., nouvelles compétences, financement, information, accès) pour atteindre votre but. Identifier l’objet de votre plaidoyer signifie isoler le problème que vous cherchez à résoudre, définir l’impact que vous escomptez (c.-à-d. le but de votre plaidoyer) et définir les activités concrètes et réalistes qui aident à atteindre votre but. Après avoir identifié le problème, le but du plaidoyer et la solution, il est important de déterminer si vous avez ou non la capacité, les ressources et/ou les partenariats nécessaires pour traiter votre sujet de plaidoyer. Toutes les organisations ont leurs points forts et leurs points faibles. Aussi est-il capital d’évaluer votre capacité à faire un plaidoyer efficace et de repérer les aspects sur lesquels vous aurez besoin d’aide. Il y a plusieurs aspects importants à considérer au démarrage. • Prévoyez une durée réaliste. Prévoyez suffisamment de temps pour prendre en compte l’inconnu et la préparation (pour le recrutement, inspirer confiance et faire des recherches) et coordonner les activités en fonction des délais qu’imposent les processus politiques et budgétaires sur lesquels vous voulez influer. Lancer une initiative de plaidoyer signifie développer de nouvelles compétences avant d’entreprendre les activités visant à influer sur les processus gouvernementaux. Les durées brèves ne donnent pas suffisamment de temps pour se préparer et bien se caler sur les processus de prise de décision. Une année entière peut ne pas suffire pour mettre réellement sur les rails un nouveau projet de plaidoyer. • Utilisez le remue-méninge (brainstorm) et la communication. C’est capital pour faire naître des idées créatives et favoriser la participation active de tous les intéressés aux composantes du plaidoyer du début à la fin du projet. • Soyez réaliste sur le but que vous vous fixez, sur le temps et les capacités nécessaires pour cela. Il vous faudra peut-être acquérir de nouvelles compétences pour certaines composantes du plaidoyer, par ex. pour lever des fonds. Il est donc important d’avancer à de petits pas, surtout si vous connaissez mal le plaidoyer. Veillez à
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ce que les activités fassent partie de progrès à plus long terme vers un travail de plaidoyer plus complexe. • Sachez que l’environnement et le contexte peuvent évoluer à mesure que la question en jeu vous deviendra plus familière. Prenez ces facteurs en compte, tout comme l’évolution de l’environnement (par ex., des élections), ou l’apparition de nouvelles opportunités susceptibles de modifier vos actions. • Intégrez le développement des capacités à votre plan de travail et de budget pour permettre l’acquisition de nouvelles compétences comme une formation aux bases de la comptabilité, comment repérer systématiquement les opportunités de plaidoyer, faire fonctionner un réseau et comprendre les structures, protocoles et procédures d’un gouvernement. Il peut être utile de commencer en travaillant étroitement avec des organisations déjà rôdées à ce travail.
Mise en place de réseaux Le réseau de plaidoyer est un groupe d’organisations et d’individus partageant un même point de vue et travaillant ensemble à des objectifs communs par une action coordonnée. Leurs membres sont unis par une cause commune et un désir mutuel d’induire un changement. Imaginez si toutes les parties prenantes influentes concernées par votre question de plaidoyer – fonctionnaires, parlementaires, journalistes, associations professionnelles, universitaires et société civile – portaient d’une même voix votre message de plaidoyer. L’impact d’un ensemble est plus grand que la somme de ses parties, et plusieurs groupes disant la même chose auront un impact bien plus grand. Ce type de plaidoyer n’a d’autre force que ses membres et se construit sur les avantages comparatifs de chacun d’entre eux. En collaborant avec d’autres partenaires, vous augmenterez la portée de votre plaidoyer et des ressources et compétences disponibles. Cela évite aussi les doublons. Chaque membre apporte à l’effort collectif un agencement unique de compétences, d’expertise, de ressources et d’expérience. De plus, comme chacun a accès à des décideurs différents, cela peut étendre la portée du plaidoyer en entraînant l’influence et la crédibilité des partenaires. Les bénéfices du partenariat améliorent la visibilité de chaque organisation individuellement, du groupe dans son ensemble et de la question en jeu. Travailler ensemble apporte une nette valeur ajoutée, par ex. combiner les ressources et activités, étendre la portée de ces activités et tirer des avantages réciproques. Dans nos projets pilotes, ces avantages ont également été démontrés par l’importance du volontariat parmi les partenaires et leur désir de continuer à travailler ensemble. Autre avantage, une fois qu’ils sont constitués, les réseaux ne requièrent que peu d’entretien et de réunions formelles, la communication se faisant essentiellement par téléphone et par courriel. Voici quelques conseils pour réussir son réseau de plaidoyer.
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Identifier des partenaires Toute initiative de plaidoyer exige des compétences, des ressources, de l’expérience et l’accès à des sphères d’influence qui renforcent vos activités pour atteindre le but de votre plaidoyer. Or, aucun partenaire ne possède tout cela à lui seul. La première étape d’une initiative de plaidoyer coordonnée consiste donc à identifier les meilleurs partenaires. Une bonne combinaison de compétences, de ressources, d’expériences et de sphères d’influence peut donner lieu à une initiative de plaidoyer réussie, réactive, souple et stratégique. Les partenaires potentiels doivent apporter un plus comme, par ex. de la crédibilité auprès du public visé, une expertise dans un domaine et/ou une connaissance approfondie des structures, règles et procédures du pouvoir qui vous aideront à atteindre votre but.
Approcher les partenaires La clé du partenariat tient principalement à la façon dont vous approcherez des partenaires présents ou futurs. Il faut donc envisager et cibler les partenariats potentiels. Il existe plusieurs façons d’approcher un partenaire. Vous pouvez l’approcher par la question en jeu. Il s’agira alors de mettre l’accent sur les bénéfices que lui et vous tirerez en vous associant pour augmenter l’efficacité et la puissance du plaidoyer. Mais vous pouvez aussi l’approcher pour collaborer autour d’une initiative ou action de plaidoyer conjointe comme, par ex. la tenue d’un événement important, qui profiterait aux deux partenaires.
Etablir un lien de confiance et de réciprocité La confiance et la réciprocité sont deux qualités essentielles dans le partenariat. La confiance naît du travail en partenariat et exige une période de construction des liens nécessaire pour établir de nouveaux partenaires. Vous pouvez inspirer confiance en partageant les informations et les documents, en créant des occasions de travailler ensemble et en garantissant la visibilité des activités et au soutien des projets de chacun. Le partenariat est une relation à double-sens et doit profiter à tous les partenaires – chacun contribuant à atteindre l’objectif commun et à soutenir les activités des autres partenaires. Le fait d’appartenir à un réseau doit profiter à tous. D’un autre côté, la collaboration comporte des difficultés à ne pas négliger. • Parmi ces difficultés, il y a l’obtention d’un engagement, la conciliation d’idées et de priorités divergentes, la gestion de l’usure de la coalition, la clarification des relations entre les coalitions existantes, et l’établissement de relations de confiance avec les nouveaux partenaires. • Il n’existe pas de définition unique de ce qui constitue un réseau. Par exemple, les termes de « réseau », « coalition » et « partenariat » ont souvent un sens différent selon les sociétés. Pour certains, le réseau sera un groupe très structuré ayant constamment des activités qui s’étendent au-delà d’un événement spécifique, ou pouvant changer
de centre d’intérêt avec le temps, tandis que d’autres y verraient plutôt une coalition considérant le réseau comme un regroupement beaucoup plus lâche et informel. Veillez à employer le terme le plus approprié. • Il faudra des stratégies pour garantir la cohésion du groupe et régler les conflits personnels, professionnels et organisationnels, par ex. par la stratégie de la présidence tournante. Il faut aussi garder à l’esprit le fait que certains partenaires individuels peuvent s’enthousiasmer exagérément puis ne pas réellement dégager le temps ou les ressources nécessaires.
Recherche Le recherche – à savoir le recueil et l’analyse systématiques des faits, matériels et sources anciens comme nouveaux – est capitale à la réussite d’un plaidoyer. Nous avons besoin de renseignements exacts tant sur ce que recouvre la question en jeu, les mesures qui s’imposent et le type de partenaires nécessaires pour les appliquer, que pour créer un plan réaliste et réalisable, capable d’induire le changement. Les recherches doivent commencer tôt dans le processus. Il est vital de se fixer des objectifs clairs tant sur la façon de faire les recherches que sur l’utilisation des renseignements collectés. Après avoir recueilli les informations exactes, fiables et vérifiables sur la question, vous pouvez chercher à identifier le public et les décideurs cibles de votre plaidoyer, et veiller à ce que vos actions de plaidoyer soient bien planifiées dans le temps et bien informées pour en maximiser l’impact. Malgré le temps et le coût qu’elles nécessitent, ces recherches sont essentielles pour garantir un plaidoyer efficace. Cette étape a également une autre utilité : la consultation de membres du gouvernement, d’experts et d’autres organisations de la société civile est un bon moyen de les informer sur votre plaidoyer et de gagner la confiance de vos partenaires potentiels. Cette recherche peut aussi vous aider à vous familiariser avec les approches et activités réussies et vous en inspirer pour vos propres activités. Notre approche est centrée sur trois types de recherche : la recherche d’un sujet de plaidoyer, la recherche sur les processus politiques et de planification nationaux, et la collecte d’informations sur l’organisation et les capacités de la société civile.
La recherche d’un sujet de plaidoyer Cette étape sert à démontrer preuve à l’appui la nécessité du changement souhaité et la manière d’y parvenir. Elle doit être menée en ayant à l’esprit des changements politiques précis. C’est pour cela qu’elle doit être centrée sur votre objectif final et tomber à point nommé. Dans votre quête d’un sujet de plaidoyer, cherchez ce qui tout à la fois exprime un besoin et arrive à point nommé, et donc retiendra l’attention.
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Recherche sur les processus de prise de décision Cette recherche est doublement utile car elle permet d’identifier les points d’entrée et de s’assurer que les activités de plaidoyer arrivent à point nommé. La recherche est importante car elle fournit des éléments permettant de répondre à deux questions. Qui influence la politique? Quel est le degré de leur influence et quand dois-je les approcher? Ce repérage doit inclure l’identification des membres des comités, groupes de travail technique et autres organisations de la société civile engagés dans ce processus et susceptibles d’être des points d’entrée importants, des défenseurs qui comptent et donc des cibles potentielles de votre plaidoyer. Cela vous aidera aussi à identifier l’échelon de votre intervention, national, régional ou local. Avec la décentralisation, bon nombre de décisions concernant les programmes et les budgets sont prises à l’échelon régional du gouvernement. Vous y trouverez d’importantes cibles pour votre plaidoyer. Dans nos projets, nous nous sommes aperçus qu’il est difficile de repérer et de bien connaître les systèmes de budgétisation, notamment à l’échelon régional et local. C’est là une toute nouvelle activité pour bon nombre d’organisations travaillant sur le plaidoyer et la prestation de services. Un bon moyen d’acquérir cette nouvelle compétence consiste à travailler en collaboration avec des organisations spécialisées dans le suivi budgétaire. Vous trouverez celles qui opèrent dans votre pays en consultant le site www.internationalbudget.org/. Cela dit, elles ne sont pas légion, peu d’entre elles s’occupent des budgets régionaux et locaux, et ont toutes bien des difficultés à recueillir des informations sur l’affectation budgétaire face au manque de donnéessur les dépenses dans les systèmes décentralisés. Aussi est-il capital de former les représentants du gouvernement à l’échelle locale à assumer leur responsabilité financière, ce qui est aussi nouveau pour eux. Ils ignorent comment répondre aux demandes et aux exigences parce qu’ils ignorent comment suivre leur propre budget.
Recherche des initiatives et partenaires de plaidoyer utiles Renseignez-vous sur ce que font déjà les autres organisations de la société civile en matière de plaidoyer, notamment celles qui travaillent sur votre sujet ou sur des sujets similaires et celles qui travaillent sur des processus similaires mais pas forcément sur votre sujet. Cela vous permettra de cerner les moyens dont dispose la société civile et d’identifier des axes de collaboration pour augmenter l’ensemble des moyens mis en œuvre pour influer sur les processus de décision à l’échelle nationale. Cette recherche ayant déjà été faite en partie, lisez les études existantes. Enfin, cette recherche peut aussi vous aider à vous familiariser avec les approches et activités réussies et vous en inspirer pour vos propres activités.
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Champions Ce sont les personnes influentes qui soutiennent l’objectif du plaidoyer et vous aident à atteindre votre but. Elles contribuent à vos activités de plaidoyer parce qu’elles bénéficient d’une visibilité, d’une crédibilité et d’une confiance importante au sein de leur agence/organisme. Elles sont soit elles-mêmes en position de prendre des décisions, soit au contact de celles qui les prennent. Ce sont des défenseurs qui comptent parce qu’ils ont le pouvoir d’agir. Ces personnes comptent parce qu’elles contribuent d’une manière ou d’une autre à vos activités de plaidoyer. Elles peuvent jouer un rôle spécifique ou bien transversal. Certaines peuvent être des véhicules d’information, tandis que d’autres occupent un poste stratégique ou apportent une expertise technique. Il peut s’agir de personnes reconnues dans leur domaine et donc à même de sensibiliser à la question en jeu, comme des personnes bien informées sur les agences et organismes du gouvernement concernés et qui sauront vous tenir au courant des événements importants prévus. Par tous ces moyens, elles serviront votre objectif de plaidoyer. Toutes ces personnes ont en commun le fait d’apporter un soutien et une visibilité à la question et de donner accès aux informations et aux processus de décision. Ce sont des défenseurs qui comptent parce qu’ils apportent à votre plaidoyer quelque chose dont votre organisation ou votre réseau manque peut-être, à savoir : de la visibilité, de l’influence, de l’expertise technique, ou bien des informations de l’intérieur qui affectent le processus de décision que vous tentez d’influencer. Ils peuvent sensibiliser certains publics, vous conseiller sur les activités que vous devriez mener, leur mise en œuvre et le moment le mieux choisi pour cela. Ils peuvent être à la fois partenaires, cibles de plaidoyer, personnes ressources ou gardiens. On peut également les considérer comme des alliés ou des « initiés ». Identifier ses défenseurs qui comptent participe de l’analyse plus large des publics servant à évaluer sa cible globale par types de soutien – avec ou sans action – afin de contribuer à l’élaboration de stratégies appropriées pour chacun des publics concernés. Les défenseurs (ou alliés) qui comptent se distinguent des autres par leur capacité à vous soutenir tout en étant en position de concrétiser le changement du fait de la nature de leur soutien, de leur volonté politique et de leur influence. Même au sein d’un gouvernement globalement hostile, vous trouverez des défenseurs de votre problématique pour veiller à ce que vos messages, ou vos réseaux puissent pénétrer les processus de décision importants, parce qu’ils considèrent que le gouvernement n’atteint pas ses objectifs.
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Planification Elle sert à définir ce que vous voulez faire et comment vous allez vous y prendre dans une période donnée. Elle précise les objectifs et activités à réaliser pour atteindre le but final de votre plaidoyer. Ainsi, vous aurez des indications sur les compétences et ressources requises. Les buts, objectifs et activités sont des composantes essentielles à tout plan de plaidoyer, parce qu’ils définissent ce qui doit être atteint, comment, par qui et dans quels délais. Votre plan de plaidoyer est la feuille de route de la façon dont vous allez vous y prendre pour atteindre votre but final. Votre but final est en quelque sorte la maison idéale que vous voulez construire. C’est la façon dont vous voulez que les choses soient. Les objectifs en sont les fondations et les murs, c’est-à-dire les étapes concrètes qui mènent jusqu’au but. Les activités quant à elles en sont les briques, c’est-à-dire les unités d’action visant à concrétiser les objectifs ; elles se doivent donc d’être stratégiques et opportunes.
Communication Le message de plaidoyer est une déclaration brève et claire conçue pour convaincre un public précis de passer à l’action. Un message se doit d’être clair, simple et facile à retenir, parce qu’il sera répété fréquemment par un grand nombre de gens. Mais dans le plaidoyer, les messages ne sont qu’un aspect de la communication globale.
Les neuf règles de Fenton pour une communication de plaidoyer efficace : (www.fenton.com/FENTON_IndustryGuide_NowHearThis.pdf) 1. Avoir des buts clairs et mesurables. 2. Avoir une parfaite connaissance de ses cibles et de ce qui les touche. 3. Avoir des messages irréfutables pour le public qu’ils visent. 4. Commencer systématiquement par un plan, puis le revoir et le réajuster. 5. Donner à chacun des consignes précises sur ce qu’il doit faire, comment et pourquoi. 6. Expliquer pourquoi il faut agir maintenant. 7. Adapter ses stratégies et tactiques à ses publics cibles. 8. Prévoir un budget qui optimise les chances de réussir. 9. Faire appel à des experts quand cela est nécessaire.
Le caractère fondamental des DSSR pour le bien des individus, de la santé publique et du développement d’un pays n’est pas évident pour tout le monde. Pour gagner un soutien à une cause, nous devons donc trouver un moyen de communication avec les personnes qui retienne leur attention et les convainque de prendre des mesures.
Nos champions doivent convaincre de l’intérêt de notre programme et ce, en un temps limité et, le plus souvent, face à un public indifférent. Toute bonne communication doit informer, convaincre et amener les gens à agir. Dans cette approche, la communication de plaidoyer a deux composantes : composer le message et le délivrer. Les messages de plaidoyer sont souvent concrets et poussent les hauts responsables politiques à s’engager publiquement. Néanmoins, il y a un monde entre les annonces publiques et les mesures et changements concrets. Aussi, la communication d’un plaidoyer comprend-elle trois étapes. La première consiste à sensibiliser le public visé en suscitant son intérêt et en l’alimentant. La deuxième est celle de la « demande » – ou comment spécifier sa requête auprès d’une personne afin qu’elle contribue concrètement au changement de politique désiré. Enfin, la dernière étape est celle du suivi, ou quoi faire et comment pour vérifier que l’action demandée a bien été entreprise. Il existe deux types de message : le message-preuve qui sensibilise les gens à un problème et le message-solution qui explique le changement désiré, la façon d’y parvenir et ce que l’on attend concrètement de sa cible de plaidoyer. Les messages doivent être attractifs et faciles à comprendre par le public auquel ils s’adressent, dans une langue qui lui « parle ». Un message bien formulé est le B-A-BA de tout plaidoyer réussi parce qu’il donne de la clarté et du sens à la question en jeu. Il doit être logique, convaincant, susciter l’engouement et saisir les cœurs et les esprits pour donner envie d’agir. Ces deux types de message doivent être adaptés aux activités pour bien sensibiliser le public cible, puis lui « demander » de faire quelque chose. Il ne faut pas oublier que la manière de délivrer un message a autant d’importance que son contenu.
La sensibilisation Bon nombre de décideurs et de cibles de plaidoyer n’ayant pas conscience de l’importance des DSSR pour la vie des gens, la santé publique et le développement national, il est peu probable qu’ils soutiennent spontanément le but de votre plaidoyer et la solution que vous proposez. Aussi est-il fondamental de les y sensibiliser afin qu’ils vous soutiennent et soient convaincus qu’ils peuvent – et doivent – faire quelque chose à ce sujet. Réalisez des fiches thématiques rappelant brièvement et simplement les faits. Cela pourra vous être utile. En vous servant des informations recueillies pendant vos recherches, vous pourrez sensibiliser votre public cible, soit directement en face à face – par ex. dans le cadre d’ateliers de sensibilisation –, soit indirectement, en passant par des personnes qui délivrent vos messages pour vous – par ex. dans les médias. Vous devrez peut-être envisager plusieurs types de sensibilisation pour susciter l’intérêt et une prise de conscience auprès de vos publics cibles. Par exemple, en associant une large couverture médiatique et des événements très importants auxquels vos publics cibles doivent assister, puis enchaîner avec des entretiens individuels.
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La demande Après avoir fait bien comprendre à votre public cible les données du problème et l’urgence d’y remédier, vous pouvez leur donner quelques idées sur la façon dont il ou elle (le décideur) peut s’engager et agir. C’est le moment de recourir à votre message-solution pour lui suggérer des actions concrètes à mener. Cette étape aussi peut se faire soit directement avec des cibles premières qui mettront en œuvre le changement, soit indirectement avec des personnes qui interviendront pour vous auprès de ceux et/ou celles qui prendront la mesure nécessaire. La sensibilisation et la demande peuvent avoir lieu en même temps ou séparément, selon l’importance du soutien dont vous disposez. Le type de communication servant au plaidoyer dépendra de ce que vous estimez le plus efficace pour rallier des soutiens – dans certains cas, les entretiens en tête-à-tête sont plus appropriés pour obtenir un engagement et dans d’autres, les engagements pris en public sont plus viables. Efforcez-vous d’obtenir une déclaration de soutien ou d’engagement sous une forme appropriée, car il est important que ceux qui prennent l’engagement puissent en être tenus comptables. Pour élargir la portée de votre plaidoyer, il peut être utile de constituer un kit de ressources standard pour vos partenaires comprenant un éventail d’objectifs, de messages, d’idées pour délivrer les messages, de fiches thématiques et de brochures. C’est également une opportunité de mettre en avant votre travail de réseau et de démontrer que toutes sortes de partenaires et organisations divers et variés font du plaidoyer pour la même question et ses solutions. Certains éléments de votre kit peuvent être envoyés à des cibles de plaidoyer ou distribués après une réunion.
Le suivi Il est important d’utiliser vos outils de plaidoyer pour le suivi auprès des décideurs et leur rappeler leurs promesses et autres engagements. Le téléphone, les réunions et les conférences de presse sont autant de moyens efficaces d’assurer ce suivi des engagements pris.
Autres considérations utiles pour la communication de plaidoyer Tous les projets pilotes ont fait clairement apparaître l’impact conséquent de la décentralisation sur la façon d’entreprendre un plaidoyer d’envergure nationale. Quantité de décisions sur les priorités sanitaires et l’allocation budgétaire se prennent à l’échelon régional d’un pays, de ses états (dans le cas de régime fédéral) et de ses districts. Les priorités nationales ne se traduisent pas forcément par des priorités pour les départements et municipalités. De plus, le plaidoyer tend à se concentrer sur l’échelon national, dans la capitale, alors que les capacités ou ressources de plaidoyer tendent à manquer à l’échelon des districts où bon nombre de décisions clés sont prises. Par conséquent, beaucoup
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d’activités de plaidoyer ont été réorientées à l’échelon régional, départemental et/ou municipal. Il est également important de prendre en compte toute tendance nationale et internationale susceptible d’affecter vos chances de réussite. Les élections et les conférences internationales peuvent constituer des opportunités de soulever des questions sensibles et d’entreprendre des activités de sensibilisation. Par exemple, une marche organisée au bon moment a de fortes chances d’attirer l’attention sur la question qu’elle soulève. Les élections sont une occasion d’impliquer l’électorat dans les débats. Cela peut arriver quand la position d’un politicien sur une question est sujette à caution. L’électorat peut se sentir fortement en désaccord avec la position adoptée par le politicien. Un plaidoyer soigné peut convaincre le politicien de revoir sa position. Les élections sont aussi l’occasion de critiquer une politique et de proposer d’autres solutions. Les événements et politiques internationaux offrent des occasions de plaidoyer pour établir un dialogue avec de hauts responsables, comme par ex. les Objectifs de développement du millénaire (ODM). Tenez-vous informé des événements à venir comme les conférences de l’ONU sur les sujets qui vous concernent, et familiarisez-vous avec les stratégies et politiques des organisations clés comme, par exemple, la Banque mondiale.
Evaluation La difficulté à évaluer un plaidoyer est bien connue mais quelques normes et principes de base sont en train d’émerger sur les catégories et approches appropriées en matière d’impact.4 Premièrement, bien que l’on évalue généralement un plaidoyer à son impact politique, il y a d’autres impacts importants – par ex. un renforcement des capacités organisationnelles, des alliances, de la base de soutien et l’évolution des normes sociales – qui contribuent à l’impact sur le long terme des initiatives de plaidoyer.5 Il peut y avoir équilibre entre les impacts et bénéfices politiques et le renforcement organisationnel. Ces autres facteurs sont des pré-requis pour parvenir à un changement de politique sur le long terme. Cette approche de l’évaluation reconnaît que l’impact d’un projet de plaidoyer ne peut pas être évalué uniquement en termes de changement politique. Il y a aussi d’autres facteurs à considérer comme le fait de savoir si les activités ont ou non augmenté l’influence et la participation de la société civile, et si les activités ont ou non renforcé ou accru la participation des organisations ou de la société civile à la prise de décision. Cela implique une approche permettant de diversifier l’impact des efforts de plaidoyer à mesurer ou mesurables au-delà de l’objectif purement politique.
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Deuxièmement, l’une des normes émergentes en évaluation de plaidoyer est celle du cadre d’évaluation fondé sur une « théorie du changement » pour déterminer des catégories d’impact. Une théorie du changement doit permettre d’expliciter la logique du programme sur la manière dont le changement est supposé se produire, le rôle des activités dans ce changement et la nature du rapport entre les résultats provisoires et les objectifs à long terme.6 En d’autres termes, elle définit ce que le programme veut accomplir et pourquoi, comment il y parviendra, pourquoi il a des chances d’y parvenir et les liens entre tous ces aspects. Un modèle de théorie du changement doit proposer des idées claires sur le fonctionnement des processus politiques en soulignant ce qu’il faut pour changer ce processus ; il doit aussi définir ce que les défenseurs peuvent faire et fournir les bases de l’évaluation.7 La théorie du changement définit le comment (les stratégies), le quoi (les résultats) et le pourquoi (l’impact) du changement politique et du modèle de plaidoyer.
Etudes de cas
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Nigeria Création d’un mouvement de plaidoyer au plan national Un groupe d’acteurs de même opinion, AdvocacyNigeria, a travaillé de façon collective afin que des mères saines enfantent et élèvent des enfants sains. Il a construit au plan national un entreprenant mouvement de plaidoyer en faveur de la santé sexuelle et reproductive dans le but de transformer les engagements politiques en financements et programmes. Les débuts Vers la moitié de l’année 2005, un sénateur nigérian, un membre de la Chambre des représentants et un conseiller au ministère de la Santé du Nigéria ont assisté au « Leadership Programme » de John Hopkins au cours duquel Duff Gillespie, professeur au Gates Institute, présenta le principe du plaidoyer et suggéra de faire du Nigéria un pays pilote pour son application. Celle-ci commença par plusieurs rencontres au niveau national entre diverses parties prenantes issues d’organisations non gouvernementales et d’organisations confessionnelles, de représentants de ministères fédéraux et d’État, de parlementaires, d’universitaires et de professionnels de la santé venant de tout le Nigéria, afin de développer le plaidoyer en faveur de la santé reproductive. Les rencontres avaient pour but de rassembler des individus motivés par un but commun et de les amener à travailler ensemble pour faire baisser les taux excessivement hauts de mortalité et morbidité maternelles qui sont un véritable fléau pour le pays, en convainquant les décideurs aux niveaux local, national et de l’État. Certaines des personnalités présentes à ces réunions sont allées à l’Assemblée nationale pour rencontrer le président du Sénat, des sénateurs, le président de la Chambre des Représentants et des membres-clés de cette assemblée pour parler du taux de mortalité maternelle au Nigéria et solliciter leur soutien. Ces décideurs ont exprimé leur engagement à travailler à la réduction de la mortalité maternelle. L’argument évoqué était que le nombre de femmes mourant en couches au Nigéria équivalait à la capacité d’un avion de ligne chaque jour, et que cela avait des effets à long terme. Cette image démontrait que la transmission du message était aussi importante que le message lui-même. Un sous-groupe des participants aux rencontres a transformé les conclusions des réunions en un plan de travail qui coordonnait les plaidoyers pour la santé reproductive en bâtissant des partenariats stratégiques afin de créer une politique active et un environnement budgétaire en faveur de la santé reproductive. Ce plan insistait sur le fait d’inclure des décideurs politiques fédéraux, locaux et d’État
dans le but d’augmenter les fonds publics consacrés à la santé reproductive, de promouvoir la prestation de services de santé reproductive et d’accroître les engagements des donateurs en faveur de la santé reproductive au Nigéria et dans le monde. Ces objectifs seraient atteints au moyen des plaidoyers, de l’augmentation des moyens et des activités de réseau qui capitalisent sur les initiatives et ressources existantes pour s’assurer que les droits à la santé sexuelle et reproductive sont à l’ordre du jour et œuvre au niveau national. Le plan de travail a été reconduit par les participants comme gage de leur soutien à travers le pays.
Mise en place de réseaux Ce sous-groupe a donc formé le groupe central d’AdvocacyNigeria qui a servi de comité consultatif et a lancé des actions : c’était le pilote de bien des réalisations. Le groupe central d’AdvocacyNigeria incluait des experts, des agences gouvernementales, des organisations nationales et internationales, des représentants de la Packard Foundation, de la MacArthur Foundation, de la Fédération de planification familiale du Nigéria, de l’Ipas, de Fédération des associations de femmes musulmanes du Nigéria, de Pathfinder International, du ministère fédéral de la Santé du Nigéria, d’un membre de la Chambre des Représentants, de son Altesse Royale l’émir de Shonga, de Health Education Reform of Nigeria (HERFON – Réforme de l’éducation à la santé) et d’un membre du cabinet du résident nigérian. Le groupe central agit en tant que coordinateur d’un réseau plus large de partenaires stratégiques travaillant sur des questions proches. AdvocayNigeria, en tant que réseau et souple d’acteurs de même opinion, travaille collectivement pour faire en sorte que des mères saines enfantent et élèvent des enfants sains grâce à la construction d’un mouvement de plaidoyer pour la santé reproductive actif, installé au plan national, capable d’établir un soutien public et politique fort en faveur de la santé reproductive et de transformer les engagements politiques en fonds et en programmes au Nigeria.
Créer le changement
ENSEIGNEMENT : Identification de la
ENSEIGNEMENT : Coexistence de différents
Le travail d’AdvocacyNigeria a été efficace car il a été adopté par un grand nombre de personnalités étant donné qu’il concernait un problème sanitaire grave auquel font face beaucoup de professionnels de santé ainsi que de nombreux Nigérians. Des Nigérians de toutes conditions sociales peuvent aisément se reconnaître dans ce problème de la mort maternelle, et cela a généré un soutien et un engagement substantiels de la part des personnalités impliquées qui ont spontanément donné de leur temps personnel et professionnel ainsi que des ressources à titre personnel, et ont collaboré sans restriction avec d’autres organisations. Des personnalités impliquées de tous secteurs se sont senties concernées, nonobstant leurs rôles et leurs agences d’appartenance, et se sont regroupées. Cela fait d’AdvocacyNigeria une alliance unique de Nigérians de tous horizons, concernés et impliqués, des fonctionnaires de l’État et du gouvernement fédéral, aux parlementaires et donateurs, en passant par les professionnels de santé, les chefs traditionnels, les professionnels des médias, les dirigeants d’organisations non gouvernementales, les organisations confessionnelles et les activistes des droits de l’homme et de l’égalité homme-femme.
AdvocacyNigeria a été un exemple d’assemblage de différents types de réseaux qui ont travaillé ensemble simultanément au travers d’activités interconnectées. Il y avait trois différents types de réseaux : le groupe central qui constituait une ressource technique faite d’un corps de conseillers, de personnalités d’élite et de lobbyistes/défenseurs ; les réseaux du niveau de l’état qui concevaient et mettaient en place les activités de plaidoyer ; et un groupe plus large de personnalités concernées qui étaient régulièrement informées, qui repéraient les activités et les opportunités et qui contribuaient au travail de plaidoyer. De nombreux membres faisaient partie de, ou étaient connectés avec, différents réseaux. Tous les réseaux délivraient le même message : augmenter les ressources en faveur de la santé maternelle.
problématique
Un an après la réunion préliminaire, le groupe central identifiait une organisation hôte pour le secrétariat, HERFON (une organisation nigériane non-gouvernementale spécialisée dans la santé), et recrutait un directeur général qui s’avéra être une valeur inestimable dans la création de ce mouvement de plaidoyer.8 La même année, AdvocacyNigeria commença à former un réseau de plaidoyer au niveau de l’état dans plusieurs États du Nord. Cela faisait partie de la recherche initiale de défenseurs et lobbystes formés à la santé reproductive dans les États du Nord qui puissent diriger des réseaux de plaidoyer au niveau de l’état. Beaucoup de membres du réseau de niveau de l’état étaient des individus formés au cours de plusieurs programmes leaders dans la santé reproductive.9 Les réseaux bâtis alors sur les capacités existantes de plaidoyer se sont développés au travers de formations au plaidoyer (telles que Open Space Technology et Spit Fire Advocacy Training10 dans plusieurs États du Nord). Ces programmes de formation soutenaient des défenseurs et lobbyistes qui élaboraient des plans d’action de plaidoyer et qui formaient la base des adhérents. La participation d’AdvocacyNigeria à la formation des promoteurs de la santé reproductive a incité de nombreux participants à établir des réseaux avec leurs propres ressources dans les États de Kano, Borno, Jigawa, Sokoto, Kaduna, Katsina et Bauchi.
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types de réseaux
ENSEIGNEMENT : Le gouvernement, un partenaire clé
Un enseignement important a été de nourrir des contacts et de maintenir des liens avec les personnes influentes au sein des structures gouvernementales. La plupart du temps, cela était possible du fait que les membres du groupe central étaient des représentants du gouvernement, c’est-à-dire des parlementaires, les ministres de la Santé et de la condition féminine et du ministère des Objectifs de développement du millénaire. Grâce à ces membres du gouvernement, AdvocacyNigeria a pu participer à plusieurs forums et avoir accès aux acteurs d’influence. Au sein d’AdvocacyNigeria, les représentants du gouvernement étaient à la fois des cibles, des partenaires et des champions du groupe central et des réseaux étatiques. Pour AdvocacyNigeria, nourrir des contacts et maintenir des liens avec des personnes influentes dans les structures du gouvernement était considéré comme une stratégie hautement efficace. Cela donnait l’assurance d’avoir parmi les membres du réseau des représentants des ministères de la Santé et de la condition féminine et du bureau des Objectifs de développement du millénaire. Par le biais de ses partenaires gouvernementaux, AdvocacyNigeria obtint l’accès à un grand nombre de forums, dont certains offraient de nouvelles occasions de plaidoyer, et AdvocacyNigeria se trouvait par conséquent être le représentant de groupes en faveur de la santé reproductive dans des événements nationaux et internationaux.
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ill. 2 : Le modèle de réseau de plaidoyer d’AdvocacyNigeria
Réseaux au niveau de l’état
Réseaux au niveau de l’état
Membre du groupe central Membre du groupe central Réseaux au niveau de l’état
Membre du groupe central
Secrétariat
Membre du groupe central
Membre du groupe central
Réseaux au niveau de l’état
Réseaux au niveau de l’état
Les partenaires gouvernementaux, qui faisaient partie du groupe central et qui connaissaient les questions de l’intérieur, fournissaient des informations, offrant un système d’alerte anticipée et un accès à des cibles spécifiques. Au Nigéria, l’implication des fonctionnaires était d’une grande importance, étant donné que des décideurs et des personnes influentes (comme les émirs et les chefs religieux) n’aimaient pas travailler avec des organisations non gouvernementales et préféraient des actions conduites par et pour les Nigérians. L’implication du gouvernement et des parlementaires au sein d’AdvocacyNigeria fut cruciale et rompait avec le modèle traditionnel de réseau de plaidoyer. Une coalition incluant seulement des organisations de la société civile n’était pas nécessairement le réseau idéal de plaidoyer ; en revanche, un panel de partenaires, incluant le gouvernement (parlementaires, membres du gouvernement, fonctionnaires), partageant les mêmes intérêts, pouvait fournir des perspectives clés dans la planification des plaidoyers et dans l’information de la coalition sur les cibles, tactiques et opportunités du plaidoyer.
ENSEIGNEMENT : Le partenariat, une relation dans les deux sens
Le partenariat est une relation qui s’exerce dans les deux sens et doit apporter un bénéfice mutuel. Dans la plupart des réseaux qui fonctionnent bien, les membres contribuent à la réalisation des objectifs partagés mais fournissent aussi un soutien aux activités des uns et des autres. Appartenir au réseau est avantageux car les membres contribuent à l’activité d’ensemble qui fait partie de leurs intérêts, et le réseau les aide aussi à réaliser leurs objectifs propres.
ENSEIGNEMENT : Le volontariat Le plaidoyer est consommateur de temps et demande des ressources humaines, financières et de disponibilité. Ces ressources nécessaires sont fournies spontanément par les différents membres du réseau. À Abuja, des volontaires donnèrent de leur temps et de leurs efforts bénévolement. Les réseaux d’ampleur étatique reposent sur de nombreux volontaires issus d’organisations non gouvernementales travaillant sur la santé reproductive. Même dans les états subventionnés où les fonds ne couvrent que la rémunération d’une personne clé, toutes les activités trouvaient leurs ressources auprès des membres du réseau.
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Recherche Une des premières activités engagées fut la recherche préliminaire. AdvocacyNigeria conçut un organigramme d’influence du plaidoyer où sont repérés les décideurs et les groupes qui peuvent induire le changement. Cet organigramme met en évidence l’influence relative des personnes et des institutions dans un processus spécifique de décision ; il aide à comprendre qui influence les politiques et à quel degré. L’information ainsi recueillie peut aider à développer des stratégies de plaidoyer. L’organigramme d’AdvocacyNigeria couvre les processus de décision (exécutif et législatif) au niveau étatique, fédéral et de base, et désigne les cibles clés de plaidoyer. Au niveau fédéral, l’exécutif, le législatif, les ministères et les agences liés à la santé, le
secteur privé et les partenaires de développement ont été identifiés. A la base, les groupes de la société civile tels que le Forum des responsables de la santé de la reproduction, incluant les chefs religieux et les leaders d’opinion, ont été identifiés. Au niveau de l’État, le gouverneur, le législatif, le président de la Chambre des représentants, les présidents des comités pour la santé, la condition féminine et les dotations, les délégués à la santé, aux finances et à la condition féminine, les présidents des gouvernements locaux et les chefs religieux ont été identifiés. L’organigramme a aussi identifié une opportunité importante pour atteindre ces cibles : le Forum des gouverneurs des États et le Forum des épouses des gouverneurs des États du Nord.
ill. 3 : L’organigramme d’AdvocacyNigeria
Assemblée
[Etat]
Bras exécutif
Président, Assemblée
Kapedi
Gouverneur d’état
Président, Commission parlementaire sur la santé Présidente, Commission parlementaire sur la condition féminine de l’Assemblée
Commissaire aux finances
AdvocacyNigeria
Président, Commission parlementaire des finances
Commissaire à la santé
Commissaire à la condition féminine Forum des gouverneurs de 18 Etats du Nord
Groupes de plaidoyer de Sokoto, Kano et Kaduna Membres de 18 organisations de la société civile
Chefs religieux / Mosquée nationale Leaders d’opinions Responsables de la santé de la reproduction
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Forum consultatif d’Arewa
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ENSEIGNEMENT : Une bonne recherche Tôt dans le commencement du projet, les personnes clés du gouvernement qui avaient une position stratégique pour influencer la politique à différents niveaux gouvernementaux ont été identifiées dans l’organigramme d’influence du plaidoyer. AdvocacyNigeria a fait la distinction entre les décideurs « politiques » et les décideurs « techniques » qui nécessitent deux types de messages distincts. Les décideurs « politiques » avaient de l’influence sur les lois et réglementations fédérales, d’État ou locales, et sur l’ordre du jour et prenaient les décisions. Ils comprenaient des politiciens de l’exécutif et du législatif aux trois niveaux gouvernementaux : fédéral, d’État et local. Les décideurs « techniques » étaient les technocrates, ceux qui concevaient et appliquaient les politiques aux trois niveaux de gouvernement et effectuaient le suivi des programmes menés politiquement. Les décideurs « techniques » étaient les secrétaires permanents, les directeurs du planning et les directeurs à la condition féminine. Le pouvoir et la décision étaient concentrés à un niveau politiquement contrôlé et AdvocacyNigeria y a ciblé l’essentiel de son plaidoyer. Dans les deux cas, le défi était de s’assurer que les décideurs allaient traduire leur soutien en action. Les parties prenantes et les membres du groupe central d’AdvocacyNigeria avaient de l’influence sur et des contacts avec les décideurs ciblés.
Champions Le groupe central d’AdvocacyNigeria était composé de personnalités hautement influentes de différents horizons. De par leurs différentes compétences, elles pouvaient échanger des informations importantes avec AdvocacyNigeria et partager des informations à propos d’AdvocacyNigeria dans leurs propres organisations. Les membres du groupe central étaient des champions importants au niveau fédéral comme au niveau des états. Au niveau fédéral, les membres du groupe central issus du ministère de la santé, du ministère de la condition féminine et du bureau des Objectifs de développement du millénaire étaient des yeux et des oreilles de première importance au gouvernement et ont facilité les contacts avec les décideurs. Les membres du groupe central étaient aussi des champions qui renseignaient le réseau sur les aptitudes de plaidoyer au niveau de l’État à construire des formations afin de recruter des partenaires de réseau au niveau étatique, qui informaient sur les importantes opportunités de plaidoyer et agissaient en tant qu’avocats de la cause dans les États. Au niveau fédéral, AdvocacyNigeria agissait au travers des membres du groupe central qui étaient positionnés dans le gouvernement ou proches lui. Un partenaire au ministère fédéral de la Santé a fourni à des membres
un accès au groupe de travail ministériel sur la santé reproductive, dont AdvocacyNigeria est aussi membre. Le ministère fédéral de la santé a aussi offert une tribune à AdvocacyNigeria pour atteindre les membres de son Département du Développement des communautés et des Activités des populations au travers de la Conférence pour le développement de la communauté nationale ; AdvocacyNigeria est aussi un membre de ce groupe. Un partenaire qui était un membre de la Chambre des Représentants a fourni le contact avec ses homologues dans les divers États et AdvocacyNigeria a pris part aux campagnes locales du ministère en faveur de la réduction de la mortalité maternelle et au groupe de travail des directeurs la condition féminine. De plus, AdvocacyNigeria a travaillé avec le comité de pilotage présidentiel pour les Objectifs de développement du millénaire, dirigé par le Président. AdvocacyNigeria a utilisé cette tribune pour entrer en contact avec les ministères liés aux Objectifs de développement du millénaire et avec les autres membres du Comité de pilotage présidentiel dont la communauté des donateurs, les groupes des Nations Unies, le directeur du Budget, des délégués de la Chambre des Représentants et du Sénat, les chambres de commerce et d’industrie. La collaboration avec des champions au ministère des Objectifs de développement du millénaire, au ministère fédéral de la santé et la condition féminine ainsi qu’avec des parlementaires a renforcé l’accès aux décideurs clés au niveau fédéral.
ENSEIGNEMENT : L’importance des champions de haut niveau parmi les partenaires
Les réalisations d’AdvocacyNigeria sont dues en partie aux actions des membres de son groupe central qui ont fourni les contacts avec de nombreux décisionnaires différents. Les membres du groupe central ont été indispensables car ils représentaient de nombreuses organisations et agences influentes différentes et étaient eux-mêmes des individus influents : ils pouvaient faire pression stratégiquement sur des processus politiques et des décideurs. Certains membres étaient aussi en position d’influer sur l’allocation de dotations au niveau gouvernemental et des donateurs. La participation d’un partenaire parlementaire dans l’allocation de fonds par l’Assemblée Nationale au ministre de la condition féminine pour le plaidoyer en faveur de la santé reproductive constitue un bon exemple. Les membres du groupe central appartenaient à des groupes de pression, ou en connaissaient, qui avaient des connexions avec des structures politiques aux niveaux exécutif et législatif, et avec des partenaires de développement et de la société civile. Les membres centraux, tous actifs sur différents terrains, étaient utiles pour l’allocation de dotations. Les membres influents du groupe central pouvaient aussi suggérer des idées au ministère chargé de gérer les fonds des Objectifs de
développement du millénaire. Ceci était rendu possible par des membres du groupe central se trouvant à des positions clés dans le processus d’allocation des dotations pour les Objectifs de développement du millénaire et qui pouvaient transcrire le plaidoyer en réalité. D’autre part, et tout aussi important d’ailleurs, le directeur général et les membres du groupe central jouissaient tous d’une excellente réputation, ce qui a contribué à la réputation générale du réseau, faisant ainsi de la santé maternelle une question d’actualité urgente.
Planification AdvocacyNigeria a passé environ 18 mois à développer un soutien aux initiatives et à construire un plan de travail avec des objectifs et des actions claires. Le plan de travail se divisait entre activités de niveau de l’état et activités de niveau fédéral. Les activités de niveau fédéral mettaient l’accent sur les cadres des politiques nationales pour catalyser les activités de niveau de l’état, et servaient aussi de tremplins pour des plaidoyers régionaux et mondiaux. Les activités de niveau de l’état étaient également importantes car c’est là que le plus grand impact sur la vie des gens pouvait être produit. La combinaison des activités fédérales et étatiques comprenait des activités de plaidoyer dirigées vers les décideurs, des activités de réseau visant à démultiplier l’efficacité des actions des parties prenantes et des activités de développement des capacités pour accroître les compétences des lobbyistes/acteurs de plaidoyer. Une typologie des acteurs (en charge des décisions budgétaires et politiques) a aidé à identifier clairement plusieurs cibles de plaidoyer demandant des stratégies particulières (comme la rencontre en tête-à-tête avec les décideurs politiques). Cela comprenait des techniques de plaidoyer informel avec certaines cibles, tels que les chefs religieux ou les épouses de gouverneurs, qui sont efficaces et contribuent aux objectifs généraux du plaidoyer. De plus, AdvocacyNigeria a constitué un annuaire des parties prenantes intéressées par la santé à partir des rencontres initiales et cela s’est avéré important pour identifier les réseaux existants dans le but de développer le plaidoyer. Une lettre d’information régulière et un site Internet maintenaient ces personnalités informées des activités et opportunités de plaidoyer. AdvocacyNigeria a aussi produit une fiche d’information et une brochure pour promouvoir sa campagne de réduction de la mortalité maternelle. Dans le cadre de sa recherche préliminaire, AdvocacyNigeria a identifié une cible particulière pour son plaidoyer. La Déclaration d’Abuja11 indique que 15 % du budget fédéral doit être consacré à la santé ; cependant, le budget 2008 ne dégage que 5 % pour la santé. Cela signifie que des efforts de plaidoyer sont nécessaires pour qu’augmente le budget fédéral consacré à la santé, mais
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qu’un plaidoyer direct concernant le Fonds d’allégement de la dette dans le cadre des Objectifs de développement du millénaire était la seule possibilité réelle d’accroître le budget de la santé. Le mécanisme du Fonds d’allégement de la dette, environ 111 milliards de naira (approximativement 750 millions de dollars américains) par an a été créé en 2006 pour apporter le financement nécessaire à la réalisation des Objectifs de développement du millénaire. Un comité présidentiel de pilotage des ODM et un département du conseiller spécial du Président pour les ODM ont été créés pour identifier les difficultés à atteindre les objectifs, développer des stratégies pour les surmonter et faire la chasse aux dépenses liées au fonds d’allégement de la dette. Le Fonds des ODM est géré par le cabinet du Président via un conseiller spécial auprès du Président et est supervisé par le comité de la Chambre pour les ODM. Le Bureau des ODM détermine les activités et budgets soumis au comité pour les ODM qui fournit le financement des projets et en contrôle l’exécution par le Bureau des ODM. Le Bureau des ODM débloque les fonds attribués sur les lignes budgétaires des ministères concernés, en suit l’utilisation et rend compte au Comité des ODM. Un grand nombre des membres du groupe central étaient impliqués ou détenaient des positions clés dans le système du Fonds des ODM. Les réseaux de niveau de l’état à Kano, Borno, Bauchi et Kaduna ont développé des plans de plaidoyer et ont conduit des plaidoyers de niveau de l’état dirigés vers des décideurs. Dans le cadre de la formation Open Space Technologie et Spit Fire, les participants ont établi une liste de politiciens de leurs états à cibler pour des plaidoyers en vue de les inciter à devenir des « agents du changement » et des porte-parole pour la promotion de la santé reproductive. De nombreuses réalisations au niveau de l’état ont eu lieu durant la première année d’activité. À Kano, le gouverneur a promis d’augmenter le budget alloué et en 2006, le financement pour les soins maternels gratuits a augmenté de 9 à 15 millions naira (US$ 100 000). À Bauchi, le plaidoyer a débouché sur la rénovation de l’hôpital Ibrahim Bako. À Kaduna, le gouverneur a apporté son soutien en faveur de la promotion de la santé reproductive et des services de soins gratuits pour la mère et l’enfant en 2007. AdvocacyNigeria a été décrit comme un « catalyseur » qui coordonne et facilite les activités de plaidoyer d’autres organisations. En tant que « catalyseur », son rôle était de faciliter et non de produire, et l’organisation s’est concentrée sur le regroupement d’organisations ayant le même intérêt à travailler en commun pour élargir les perspectives. Cela demandait une manière de diriger souple, active et visible à travers laquelle plusieurs organisations partageaient leurs informations (par exemple, au travers de réunions, discussions, échanges de mails) et AdvocacyNigeria tissait des liens entre les projets, les personnes et les recherches. Cela voulait dire qu’AdvocacyNigeria menait ses activités au travers d’autres organisations. AdvocacyNigeria a été la première organisation de ce type et sa structure a dépassé
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les limites habituelles, suivie en cela par d’autres initiatives. Toutefois, cela rendait l’impact de son action difficile à mesurer puisque les résultats faisaient partie du travail d’autres organisations. AdvocacyNigeria n’a pas cherché à développer quelque chose de nouveau, mais s’est attaché à utiliser un réseau existant d’avocats en faveur de la santé reproductive pour en faire les pilotes du changement. En tant qu’organisation sans production, visant à faciliter la très nécessaire construction de réseaux pour provoquer le changement, elle n’était pas considérée comme un concurrent.
ENSEIGNEMENT : L’utilisation de ressources et d’activités existantes
Les activités de plaidoyer d’AdvocacyNigeria se sont construites sur le travail d’organisations existantes (telles que leurs capacités de réalisation et les événements), ce qui a permis la diminution des doublons, une meilleure rentabilité des coûts, une concurrence réduite et ce qui a nourri la crédibilité des organisations vis-à-vis des divers décideurs. Cette façon de faire a aussi élargi l’impact des activités de plaidoyer régionales et nationales en utilisant la présence au niveau de l’état d’organisations existantes, et a fourni un fonctionnement efficace pour le plaidoyer en faveur de la santé reproductive. De plus, cela assurait une capacité suffisante de plaidoyers, étant donné qu’AdvocacyNigeria capitalisait sur les compétences existantes de responsables de la santé reproductive formés et pour qui le travail de plaidoyer représentait une occasion de mettre en pratique leur savoir-faire. L’utilisation de ressources et d’activités existantes signifiait que les avocats étaient facilement mobilisables dans un délai court. Le plaidoyer n’a pas besoin d’être coûteux car il repose sur les ressources existantes, comme la capacité de plaidoyer, les réseaux, l’expertise technique et les activités existantes, et s’appuie sur les enseignements tirés d’autres méthodes et messages de plaidoyers qui ont fait leurs preuves. Un des défis rencontrés était de développer efficacement un plaidoyer dans un système décentralisé. Le plaidoyer au niveau fédéral pour un soutien politique et financier afin de lutter contre la mortalité maternelle n’a pas été suffisant pour garantir un engagement politique au niveau local et de l’état, qui fournissent l’essentiel des soins de santé primaires. Dans le système fédéral, les États sont autonomes et allouent des fonds provenant du gouvernement fédéral de façon indépendante. Le gouvernement fédéral fournit des lignes directrices, mais elles peuvent être diluées, ignorées ou interprétées au niveau des États, ce qui empêche la mise en pratique d’une politique. Un des défis du plaidoyer est alors de savoir comment s’assurer que les promesses et politiques décidées au niveau fédéral sont adoptées aux niveaux étatique et local au moment des décisions budgétaires. Le
groupe central a décidé de répondre à ce défi en réorientant les activités et le plan de travail afin d’accroître les efforts de plaidoyer au niveau des États. Le groupe central a décidé de se concentrer sur deux réseaux de plaidoyer existants, implantés à Katsina et Borno où les responsables locaux sont réceptifs, où il n’y a pas de donateurs et où le taux de mortalité maternelle est inacceptablement élevé. Ces deux États cibles ont reçu des fonds pour organiser des rencontres régulières des réseaux et coordonner les activités de plaidoyer. Le plaidoyer au niveau de l’état visait à augmenter le budget des soins de santé reproductive et prénatale, et à soutenir les réformes législatives cherchant à sauvegarder les services de soins maternels. Avec ce changement, les efforts de plaidoyer se concentraient directement sur les zones faibles en indicateurs de santé sexuelle et reproductive, et renforçaient aussi le plaidoyer là où les capacités étaient moindres. AdvocacyNigeria a polarisé ses activités sur les États du Nord où les défis concernant la santé sexuelle et reproductive étaient plus complexes et où les taux de mortalité et morbidité maternelles et infantiles étaient les plus hauts.
ENSEIGNEMENT : Prendre en compte la décentralisation
Dans tous les projets pilotes sur l’approche du plaidoyer, il apparut clairement que la décentralisation avait un impact conséquent sur la manière d’entreprendre un plaidoyer au niveau d’un pays. De nombreuses décisions concernant les priorités sanitaires et les dotations budgétaires se prennent au niveau des États et des districts. Les priorités énoncées au niveau national ne se traduisent pas nécessairement en priorités étatiques ou municipales. De plus, le plaidoyer a tendance à s’appliquer au niveau national dans la capitale et peu de ressources et de capacités de plaidoyer sont développées au niveau des districts où beaucoup de décisions clés sont prises. De ce fait, beaucoup d’activités de plaidoyer ont été réorientées à mi-chemin des projets pilotes pour entreprendre un plaidoyer aux niveaux étatique et municipal. Un autre défi s’est en outre présenté à l’échelon fédéral et à celui des États : les décideurs politiques influents accomplissaient en effet leur second et dernier mandat et montraient donc peu d’intérêt pour réaliser des changements et adopter de nouveaux projets. Ils allaient être remplacés par une nouvelle troupe de décideurs lors des élections de mai 2007. L’élection d’un nouveau Président, Umaru Musa Yar’Adua, et le remplacement de 80 % de l’Assemblée Nationale, a représenté un défi pour AdvocacyNigeria qui avait obtenu un soutien de l’ancien groupe de législateurs. Cela demandait de revoir la planification de ses activités et de renouveler ses efforts de plaidoyer vers de nouvelles cibles afin de répondre au
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changement politique par un effort concerté visant à faire de la mortalité maternelle une question électorale.
ENSEIGNEMENT : Utiliser des événements phares Durant le projet, de nombreux décideurs politiques effectuaient leur second et dernier mandat et n’étaient donc pas enclins à réaliser des changements et à entreprendre de nouveaux projets. Cela a donc amené à entreprendre de nouveaux plaidoyers avec les nouveaux politiciens. AdvocacyNigeria s’est servi de l’élection de 2007 comme d’une occasion à appeler les politiciens à faire de la santé maternelle et infantile une question de campagne qui touchait un large éventail de parties prenantes intéressées.
ENSEIGNEMENT : Avertissement concernant le plaidoyer budgétaire
Dans la réalisation de cette approche de plaidoyer, le suivi et le plaidoyer budgétaires ont présenté un défi majeur. Le plaidoyer budgétaire était virtuellement impossible car il existe une déconnexion entre les dotations budgétaires et les dépenses. Il y a aussi un manque de données budgétaires de référence à l’échelon des gouvernements locaux ce qui rend la mesure des résultats difficile, il y a un manque de connaissance en matière d’analyse de finances publiques, il y a un manque de responsabilité et de transparence dans les processus budgétaires et on constate un retard dans la mise à disposition et dans l’utilisation des fonds. Cet état de faits est dû principalement au manque d’informations budgétaires précises et se retrouve plus particulièrement aux niveaux étatique et local. Dans le budget décentralisé de la santé, suivre l’allocation des ressources et leur utilisation était presque impossible. Cela rendait donc difficile de guider et d’influencer les décisions budgétaires. Les efforts de plaidoyer doivent ainsi commencer par faire accroître la responsabilité et la transparence budgétaires. Une autre difficulté du plaidoyer budgétaire était que souvent le budget alloué n’était pas crédité et réalisé dans des délais suffisants et que les sommes non utilisées des fonds non versés étaient retournées à la Trésorerie à la fin de l’année financière. Cette incapacité à utiliser les fonds alloués faisait que le plaidoyer pour des ressources supplémentaires était superflu.
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Communication Le plaidoyer d’AdvocacyNigeria au niveau fédéral s’est concentré sur la prise de conscience et par conséquent l’accroissement des ressources en faveur de la santé reproductive. Les activités préliminaires de plaidoyer en 2006 ont consisté à recruter plusieurs politiciens d’envergure nationale qui exprimaient un engagement en faveur de la santé maternelle, parmi lesquels se trouvaient notamment l’ancien ministre des finances et président de l’Équipe présidentielle en charge de l’économie, le ministre de la santé, le ministre des finances, le président du Comité sénatorial pour la santé, le président du Comité de la Chambre des Représentants pour la santé, le président du Comité de la Chambre des Représentants pour les dotations, le secrétaire permanent et le directeur de la condition féminine, le président du Conseil de la Mosquée nationale à Abuja et représentant du sultan du Sokoto, le leader des musulmans nigérians. AdvocacyNigeria a aussi développé un plaidoyer au travers de ses grands champions membres du groupe central pour faire en sorte que les fonds pour les Objectifs de développement du millénaire soient orientés vers la mortalité maternelle. De nombreux membres du groupe central étaient étroitement impliqués dans le développement de cette stratégie et détenaient des positions liées à la mise en œuvre des Fonds des ODM. Par exemple, un des membres du groupe central d’AdvocacyNigeria était la conseillère présidentielle au Bureau des conseillers spéciaux sur les ODM. Elle et la directrice générale d’AdvocacyNigeria étaient membre du Comité présidentiel de pilotage des ODM. Un partenaire parlementaire et membre du groupe central était le président du Comité de la Chambre des Représentants pour les ODM. Grâce à ces positions, les membres du groupe central ont réussi à obtenir une augmentation de l’investissement en faveur de la santé maternelle au niveau fédéral avec des résultats impressionnants. En 2007, 550 millions de naira (453 278 dollars US) ont été consacrés à la lutte contre la mortalité maternelle, en particulier pour des plaidoyers dans les médias en faveur d’une maternité sans risque et d’un changement de normes concernant la santé reproductive au niveau national. Un autre montant de 33 millions de naira (220 000 dollars US) a été consacré à la réalisation d’une étude de fond sur les indicateurs au niveau des États concernant les femmes et les enfants. En 2008, AdvocacyNigeria a travaillé avec le ministre fédéral de la Santé et avec le cabinet du principal conseiller spécial du Président pour allouer 2,4 millions de naira (16 000 dollars US) pour la mise en place d’un programme de formation de sages-femmes afin de déployer un contingent d’infirmières, sages-femmes, professionnels de santé communautaires dans les États peu pourvus. De plus, 20 millions de naira (130 000 dollars US) ont été alloués à la direction de la Santé reproductive du ministère fédéral de la Santé pour des équipement de planification familiale, une première
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depuis sept ans. En 2009, 700 millions de naira (5 millions de dollars US) ont été alloués pour du matériel obstétrique d’urgence, tels que du sulfate de magnésium et des équipements anti-choc. De plus, AdvocacyNigeria a entrepris plusieurs activités de plaidoyer auprès d’autres personnes influentes, tels que les chefs religieux réunis lors du Conseil Inter Religieux du Nigeria en août 2008, Conseil qui fut l’occasion d’entrer en contact avec les chefs religieux les plus influents : Son Éminence le sultan de Sokoto, Alhaji Muhammad Saad Abubakar, et le président de l’Association chrétienne du Nigéria, Sa Grâce, l’archevêque John Onaiyekan. En 2008, le Conseil Inter Religieux du Nigeria a intégré la santé maternelle dans son communiqué adressé au gouvernement fédéral. Le travail de plaidoyer au niveau de l’état s’est concentré sur la promotion de services de santé maternelle gratuits. La Conférence nationale sur la Santé de 2006, qui a fixé le programme sanitaire national, a identifié la promotion de services de santé maternelle gratuits comme un objectif national clé. Cela est issu de l’expérience de Kano, où des services de santé maternelle gratuits ont été fournis depuis 2001.12 La mise en place de services de santé maternelle gratuits demande un soutien politique et financier au niveau des États puisque les gouvernements locaux sont responsables de la mise en place et du financement de l’ensemble des services de soins de santé primaire. Cela signifiait que le plaidoyer était nécessaire au niveau des États pour garantir l’engagement politique et financier en faveur des services gratuits.13 Les activités de plaidoyer d’AdvocacyNigeria pour augmenter les engagements des États en faveur des soins de santé maternelle étaient doubles : un plaidoyer de niveau régional visant les gouverneurs du Nord, et un plaidoyer spécifique au niveau des États. Le Forum des Gouverneurs du Nord de 2008 a fourni l’occasion de sensibiliser les 18 gouverneurs des États du Nord à la gratuité des services de santé maternelle.14 AdvocacyNigeria était présent au Forum et participait aussi à une réunion avant ce Forum pour promouvoir la santé maternelle. Les 18 gouverneurs du Nord ont déclaré qu’ils s’engageaient à mettre en place des services de santé maternelle gratuits dans leurs États. Les engagements pris durant le Forum ont apporté la preuve de l’intérêt des politiciens à montrer leur soutien à la santé maternelle malgré que ces déclarations n’aient pas été suivies immédiatement de dotations financières. Un plaidoyer supplémentaire s’est donc avéré nécessaire pour s’assurer que ces engagements seraient traduits en soutiens budgétaires adéquats. Auparavant, les réseaux de plaidoyer au niveau de l’état avaient recueilli le soutien de politiciens à Kano, Borno, Jigawa, Sokoto, Kaduna, Katsina et Bauchi.15 Ces réseaux, constitués d’avocats confirmés, ont largement donné de leur temps et de leur énergie pour démarrer et préserver le concept d’AdvocacyNigeria. Chaque réseau avait un
plan spécifique pour augmenter les dotations budgétaires en faveur des services de santé maternelle au moyen de plaidoyer auprès de leurs gouverneurs et décideurs respectifs. Les réseaux se concentraient tous sur la pérenité des ressources affectées aux services de santé maternelle. Le budget de l’État repose largement sur la décision du gouverneur ; aussi, pour s’assurer que des ressources accrues en faveur de services de santé maternelle gratuits étaient actées, avec ou sans le soutien du gouverneur, une base législative était nécessaire. Cette focalisation venait en complément de plusieurs activités menées dans le cadre de la promotion des services de santé maternelle gratuits. Le travail au niveau législatif était une part importante de ces activités car la loi peut garantir la pérénisation de services gratuits au-delà du mandat d’un gouverneur. Les réseaux se sont servi de la Loi de santé maternelle gratuite de l’État de Kaduna comme un exemple réussi lors de leur rencontre avec les décideurs ciblés identifiés lors des recherches préliminaires ; ils ont préparé des fiches d’information spécifiques, ont organisé l’amélioration des compétences de leurs membres et ont participé à des comités pour soutenir le projet de loi pour la santé maternelle gratuite.
ENSEIGNEMENT : Modèle de plaidoyer standard basé sur des succès avérés.
Au cours de son projet, AdvocacyNigeria a développé plusieurs approches standards de plaidoyer pour mettre au point des messages, les communiquer et cibler les interlocuteurs, qui peuvent être reproduites et appliquées à différents niveaux. AdvocacyNigeria a fourni aux différentes parties prenantes un message unifié pour être sûr qu’elles tiennent tous le même langage au niveau fédéral comme au niveau des États. Elles ont tous pour objectif commun de faire accroître les ressources pour lutter contre la mortalité maternelle, et une information de niveau fédéral et étatique leur étaient fournie sous forme de fiches d’informations et de brochures se basant sur les faits et les données existants. Au niveau de l’état, il s’agissait de mettre en avant l’exemple de la Loi de santé maternelle gratuite de Kaduna, qui venait compléter d’autres activités de plaidoyer. Bauchi, Borno, Kaduna et Katsina ont déjà commencé à dispenser des services de santé maternelle gratuits et d’autres États sont à divers stades d’engagement en faveur de services de santé maternelle et infantile gratuits.16 En s’assurant que la prestation de services de santé maternelle gratuits est soutenue par une loi adéquate, tous les réseaux au niveau de l’état utilisent un même type de plaidoyer : développement des réseaux au niveau des États utilisation de matériels de plaidoyer similaires (comme les fiches d’information spécifiques à chaque État, un projet sur mesure d’une loi pour la santé maternelle gratuite,
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l’évaluation du coût de la santé maternelle gratuite) ainsi qu’une stratégie de plaidoyer similaire envers les cibles (femmes de gouverneurs,17 gouverneurs, assemblées des États, secrétaire d’État à la Santé, secrétaires permanents). Tout cela formait la base du plaidoyer standard. Le résultat de ce plaidoyer est variable. À Bauchi, les services ont été mis en place, avec le soutien d’une loi approuvée en 2008. À Kaduna, Jigawa et Katsina, la loi a été présentée à la Chambre des représentants en février 2009 et les services ont déjà été mis en œuvre et disposent d’une ligne budgétaire. À Borno, le travail a commencé en janvier 2009, la femme du gouverneur plaidant auprès de ce dernier en faveur de la loi. À Sokoto, au moment où nous écrivons, la loi n’est pas encore à la Chambre, mais les services sont mis en œuvre. À Kano, où les services sont fournis depuis longtemps, il existe une infrastructure bien définie, mais pendant longtemps il n’y a pas eu de loi, de politique ou de directives. Une loi a été élaboré avec le soutien du nouveau secrétaire d’État à la Santé. Il est important de noter que ce qui est inclus dans le concept de santé maternelle gratuite varie d’un État à l’autre.
ENSEIGNEMENT : La demande AdvocacyNigeria s’est servi de la loi de Kaduma pour la santé maternelle gratuite en tant que demande. La loi de santé maternelle est un texte qui garantit que les États fournissent des services de santé maternelle gratuits en se basant sur le succès de ce modèle dans un autre État. Après avoir sensibilisé les cibles du plaidoyer à l’urgence de cette question, le réseau a alors demandé au gouverneur et aux cibles secondaires de prendre des mesures concrètes pour examiner l’exemple de la loi de santé maternelle gratuite de Kaduna, faisant ainsi la démonstration de la réussite de cette solution. Le résultat de ce travail fut qu’AdvocacyNigeria est devenu une autorité nationale dans le domaine de la mortalité maternelle et de la santé reproductive, et a souvent représenté la société civile dans des événements internationaux et des groupes de travail nationaux au sein des ministères de la Santé et de la condition féminine. De plus, AdocacyNigeria est devenu une ressource pour le travail de plaidoyer du ministère de la santé et de celui de la condition féminine, et agit également en tant que conseil pour d’autres organisations engagées dans un travail de plaidoyer qui font appel à AdocacyNigeria pour mettre en œuvre la composante plaidoyer, en particulier aux niveaux étatique et local.
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ENSEIGNEMENT : L’utilisation de méthodes de plaidoyer adéquates
La méthode de plaidoyer préconisée par AdvocacyNigeria a d’abord insisté sur la prise de conscience au travers d’événements et rencontres existants et de rencontres en face-à-face avec un seul interlocuteur : délivrer « directement » le message à une personne était considéré comme un moyen de lui donner plus de poids et de considération. Une partie de la méthode consistait à s’assurer que le message était délivré par le messager le plus approprié. Par exemple, une femme de Hausa faisant un plaidoyer pour la santé des femmes était considérée comme plus convaincante qu’un médecin extérieur. Au niveau des États, les activités de plaidoyer ont été entreprises par des élus locaux formés. La transmission du message se faisait par un homologue local reconnu (par exemple un parlementaire) ou une personne crédible (par exemple un médecin) issu de la communauté de la personne ciblée qui présentait la situation et répondait aux questions. Cette approche a été considérée comme appropriée, respectueuse et moins sollicitante. Cela a démontré que la façon de communiquer le message était aussi importante que le message lui-même. En dépit des succès d’AdocacyNigeria en matière d’augmentation des soutiens politiques et financiers et des engagements en faveur de la santé maternelle, des questions se sont posées pour rendre ces engagements effectivement opérationnels. En 2007, le ministère fédéral de la santé reçut des fonds pour former les sages-femmes, mais ces fonds n’ont pas été utilisés. Des inquiétudes sont aussi apparues concernant des fonds alloués au ministère fédéral de la condition féminine pour des sujet spécifiques des États, et qui auraient été mal orientés, et il n’existe pas de possibilités techniques de mener des recherches. Il y avait un manque de clarté concernant la gestion des fonds ; le ministère de la santé avait les compétences techniques, mais n’avait pas la capacité d’absorber et de dépenser les fonds, tandis que le ministre de la condition féminine avait la capacité d’absorber les fonds, mais pas les compétences techniques. Un plaidoyer a alors été mis en place dans le but de réduire la concurrence pour la gestion des fonds. De plus, les subventions allouées pour les activités entrant dans le cadre des Objectifs de développement du millénaire n’étaient pas liées à un élargissement du programme d’action, ce qui suggère que lors de la phase de planning de plaidoyer, il faut aussi se concentrer sur la meilleure manière d’utiliser ces nouveaux fonds.
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ENSEIGNEMENT : La nécessité de fournir des
solutions en tant que partie intégrante du plaidoyer
Les activités des deux dernières années ont démontré que les gouverneurs faisaient des promesses et des annonces sur les ressources qu’ils allaient consacrer pour fournir des services de santé maternelle gratuits. Cependant, il n’y avait aucune garantie qu’elles soient suivies d’effet, en partie en raison du fait que les procédures et systèmes nécessaires pour les réaliser n’étaient pas en place. Obtenir l’accord et l’engagement n’est donc qu’une partie du processus de plaidoyer qui doit alors inclure un travail avec les décideurs pour traduire les engagements en résultats concrets, par exemple en apportant un soutien à la mise en place des procédures et d’opérations nécessaires au respect des engagements. Autrement dit, il faudrait faire prendre conscience aux décideurs à la fois des problèmes et des solutions et leur fournir les outils techniques et les solutions pour s’atteler à la tâche.
ENSEIGNEMENT : Les volontés politiques changeantes
En dépit des déclarations des décideurs, il existait toujours un manque de volonté politique illustré par des promesses sans financements prévus, en particulier celles faites durant les campagnes électorales. De plus, les fonctionnaires n’étaient pas enclins à répondre aux demandes d’organisations non gouvernementales car il pensaient ne pas disposer de l’influence ou du mandat nécessaires à la réalisation de changements et n’étaient pas conscients de leur pouvoir. De nombreux décisionnaires devaient être sensibilisés à leur pouvoir d’influence.
ENSEIGNEMENT : Des cibles de plaidoyer non conscientes de leur pouvoir
La limitation des capacités ne fut pas le fait des seuls lobbyistes/acteurs du plaidoyer, mais aussi des politiciens et des décideurs qui sous-estimaient leur importance et avaient besoin d’accroître leurs compétences pour faciliter la révision des politiques et la sensibilisation. Ceci eut pour avantage supplémentaire de montrer que les fonctionnaires (décideurs et techniciens) avaient besoin de l’assistance et de la coopération d’organisations de la société civile au niveau local.
Evaluation Un consultant indépendant de l’université de Maiduguri a entrepris l’évaluation d’AdocacyNigeria et démontré que l’objectif (consolider le secrétariat et le réseau de partenaires, développer un organigramme des décideurs clés et mettre en œuvre des activités de plaidoyer) avait été atteint. De plus, le plaidoyer a véritablement augmenté les ressources en faveur des services de santé sexuelle et reproductive. Le rapport suggère que ces réalisations ont été dues aux partenariat stratégiques entre le gouvernement et les organisations de la société civile ainsi qu’à la composition inédite du groupe central. L’évaluation suggère aussi des pistes de travail pour l’avenir, comme le soutien au travail d’autres organisations de la société civile pour éviter les doublons, le suivi permanent de l’augmentation budgétaire aux niveaux fédéral et étatique, et la garantie d’allocations budgétaires durables pour la santé maternelle. Ces conclusions ont été présentées à l’issue de la réunion des parties prenantes impliquées dans le projet à laquelle ont assisté le groupe central, les parties prenantes initiales, les partenaires du développement et les médias. Durant les quatre dernières années, AdocacyNigeria a eu un impact avéré. Les politiciens et officiels ont désormais conscience de la mortalité maternelle et des problèmes de santé sexuelle et reproductive dans les États du Nord. La mortalité maternelle fait l’objet de mentions quotidiennes dans les journaux, ce qui en dû en partie aux liens d’AdocacyNigeria avec la presse et à sa présence à des ateliers et réunions. La collaboration étroite du groupe central avec le bureau des ODM, le ministre de la condition féminine et le ministre de la Santé a porté la question à l’Assemblée Nationale qui désormais rend prioritaire la santé maternelle par rapport à d’autres problèmes. Cela illustre le rôle prépondérant joué par les représentants du gouvernement dans le développement et la mise en œuvre du plaidoyer. Le plaidoyer de niveau de l’état, tant au travers du Forum que par le travail spécifique dans chaque État, a sensibilisé les gouverneurs à cette question et a permis de garantir que les engagements fédéraux seraient traduits en actions tout au long du système. L’impact le plus concret a été l’accroissement des ressources pour réduire la mortalité maternelle, obtenu via le fonds des Objectifs de développement du millénaire destiné à lutter contre la mortalité maternelle.
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Brésil Etablir un consensus, sensibiliser et intéresser les décideurs Le plaidoyer relatif à l’objectif 5 des Objectifs de développement du millénaire a pour objet d’améliorer la santé maternelle – un sérieux problème de santé que soutinrent et soutiennent diverses parties prenantes venant d’horizons variés. Cet axe sur la mortalité maternelle a aussi offert un point d’entrée permettant de s’attaquer à d’autres questions plus controversées de santé sexuelle et reproductive, l’avortement par exemple. Les politiques et la législation existaient déjà. Le plaidoyer s’intéressa donc à des activités destinées à s’assurer de leur mise en œuvre effective. Les débuts Le projet pilote brésilien commença en janvier 2007 sous l’égide de Bem-Estar Familiar no Brasil (BEMFAM), l’association membre de l’IPPF. Voici 35 ans que BEMFAM travaille inlassablement sur la santé sexuelle et reproductive dans le pays. L’association est un acteur clef de la santé et des droits en matière de sexualité et de reproduction. Son expertise est largement reconnue et elle maintient plus de 1 100 accords avec diverses municipalités grâce auxquels elle fournit une assistance technique, une formation et un suivi & évaluation en matière de planification familiale ; des services de laboratoire, une assistance technique et une formation en matière de prévention du VIH et des infections sexuellement transmissibles ; et enfin l’intégration des services de jeunes et des systèmes de gestion de l’information. La portée et la reconnaissance nationales de BEMFAM signifiaient que l’association était bien placée pour assurer la coordination d’une coalition de plaidoyer nationale afin d’accroître la priorité politique pour la santé sexuelle et reproductive. Le projet pilote fut pour BEMFAM l’occasion unique de s’engager de façon systématique pour le plaidoyer. L’association s’inquiétait des niveaux élevés de mortalité et de morbidité maternelle au Brésil. Malgré les progrès réalisés sur tous les autres objectifs de développement du millénaire, le taux de mortalité maternelle demeure élevé dans les zones défavorisées. Les chiffres exacts sont inconnus car les statistiques sont incomplètes. Le taux s’élève à environ 75 morts maternelles pour 100 000 naissances vivantes. Certaines estimations, cependant, le placent à 2 000 morts maternelles pour 100 000 naissances vivantes. BEMFAM décida donc d’identifier les causes principales de, et les solutions à, ces morts maternelles et d’utiliser un plaidoyer efficace pour en faire ensuite la promotion auprès des responsables et décideurs appropriés. L’association pensait que le taux de mortalité pourrait être minimisé de façon significative en améliorant l’accès à des soins prénatals qui seraient dispensés par des professionnels de la santé.
ENSEIGNEMENT : Il est important de bien identifier le problème
Il est possible d’aborder la mortalité maternelle sous différents angles, y compris ceux de la santé publique, de la législation et du genre. Le fait d’avoir choisi la mortalité maternelle comme sujet du plaidoyer/sensibilisation attira un soutien considérable de la part d’un large éventail de parties prenantes qui pouvaient adhérer à cette cause. Furent ainsi générés un soutien et un engagement notables de la part de parties prenantes qui donnèrent temps et ressources et qui collaborèrent ensemble.
Mise en place de réseaux La question centrale ayant été identifiée – à savoir accroître les financements afin de réduire la mortalité maternelle – il devint nécessaire de développer une coalition efficace de parties prenantes avec lesquelles il allait être possible de travailler. La première phase du plaidoyer consista donc à mettre en place cette coalition afin d’élaborer un plan d’action. La plupart des activités relatives à l’édification du réseau s’est axée sur la création de partenariats entre BEMFAM et les collectifs féministes nationaux, particulièrement le « réseau féministe pour la santé ». Cette alliance fut importante car elle permit de mettre la mortalité maternelle un peu plus sur le devant de la scène. Il y avait cependant un passé de relations hostiles à surmonter, car depuis 20 ans, les groupes féministes critiquaient publiquement BEMFAM. Ce fut un long processus que de négocier ce partenariat et ce fut l’une des principales réalisations du projet. Il y eut plusieurs étapes différentes. Après que l’idée d’un partenariat de plaidoyer ait été admise, des réunions entre les cadres supérieurs se succédèrent, centrées sur la nécessité d’arrêter un socle commun, d’identifier d’autres domaines d’intérêts partagés et de mettre en avant les avantages
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ill. 4 : Le modèle de plaidoyer du Groupe de travail sur la mortalité maternelle
Secrétariat
Membre du groupe central
Membre du groupe central
Membre du groupe central
de travailler ensemble. On échangea divers documents, financiers et programmatiques, et cette transparence créa de la confiance. Les partenaires participèrent ensuite et contribuèrent aux activités de l’un et de l’autre et mirent en place des activités mixtes.
ENSEIGNEMENT : Comment construire les principaux éléments d’un partenariat
Travailler en partenariat nécessite deux choses : la confiance et la réciprocité. La confiance est le résultat de partenariats qui fonctionnent et qui nécessitent une période au cours de laquelle on établit un rapport. Si les partenaires n’ont jamais travaillé ensemble, ils doivent établir une relation de confiance. Celle-ci est à la base d’un travail de collaboration et se construit dans le temps.
ENSEIGNEMENT : Il faut du temps pour établir un partenariat
Le développement du partenariat prit du temps et se déroula en plusieurs étapes. Le projet fut tout d’abord présenté à chacun des partenaires potentiels. Il fut suivi d’une série de réunions entre la direction et les partenaires potentiels. Après cela, chaque partenaire fut contacté par un chercheur et une activiste avec une invitation à participer à l’étude préliminaire.
Huit mois plus tard, les deux partenaires formèrent un groupe de travail sur la mortalité maternelle, auquel se joignirent d’autres parties sous la coordination de la Directrice exécutive de BEMFAM dont : des représentants de six organisations de la société civile, à savoir le réseau féministe pour la santé ; la section de Rio de Janeiro de l’association du barreau brésilien ; Associated Academic, Professor of Gynaecology and Obstetrics ; Assessoria Parlamentar Subsecretária de Política para Mulheres/São Gonçalo ; et la Fédération brésilienne de gynécologie et d’obstétrique. Ce groupe mit au point des messages de communication et en place des activités de plaidoyer.
Recherche Un consultant fut recruté afin d’effectuer l’étude préliminaire. La recherche se déroula sur six mois et consista en : des enquêtes explorant les causes de – et solutions à – la mortalité maternelle ; des études budgétaires et une « cartographie des acteurs d’influence (ou parfois mapping) » aux échelons fédéraux, régionaux et municipaux ; une enquête sur les organisations de la société civile. La recherche sur les causes de la mortalité maternelle, et sur les solutions potentielles, fut effectuée avec des experts techniques de la santé maternelle afin de bien localiser la situation actuelle et de mettre en avant des recommandations. Ceci forma le contenu d’un séminaire national et d’une concertation sur les causes de – et les solutions à – la mortalité maternelle au Brésil.
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Champions Tous les membres du groupe de travail furent des champions. Le partenariat avec le réseau féministe permit une prise de contact avec d’autres groupes féministes habitués à travailler avec le Congrès à Brasila, siège du gouvernement. BEMFAM n’ayant pas de présence dans la capitale, là où la majorité du travail politique se déroule, ceci ouvrit des possibilités quant à la localisation du projet. BEMFAM avait prévu de travailler en collaboration étroite avec les groupes féministes implantés à Brasilia et qui avaient l’expérience du « mapping des acteurs d’influence et des budgets » et de consolider ses relations avec ses autres partenaires. Ceci permit de réduire les conflits entre les différentes organisations, étant donné que chaque partenaire travailla selon ses avantages comparatifs et sphères d’influence. Les avantages de travailler ensemble étaient clairs, par exemple l’utilisation des ressources des uns et des autres (évènements, séminaires, infrastructure, etc) et le fait de bénéficier de la crédibilité et de l’image de différents partenaires auprès de différentes parties prenantes. Le projet capitalisa sur les différents degrés d’expertise et les sphères d’influence de chaque partenaire. C’est ainsi que le partenariat avec Ordem dos Advogados do Brasil facilita l’audience publique avec le Ministre de la justice. Le plaidoyer révéla ainsi la valeur ajoutée de la collaboration. Et ce, de plusieurs façons. Tout d’abord, lors d’une série d’audiences publiques à Brasilia – où le groupe de travail fit des présentations et eut des discussions avec des ministres clefs, des ministères et des hauts fonctionnaires – le Ministre de la santé nota que c’était la première fois qu’un groupe se présentait à lui avec une direction claire et partagée, des idées et des propositions pour faire avancer les choses. Ce projet créa un consensus et un front commun au sein d’un groupement d’organisations de la société civile et démontra ainsi que le gouvernement peut trouver avantage à travailler avec de telles organisations. Cela signifiait que les messages ne seraient pas seulement l’objet de discussions avec des partenaires nouveaux dans le débat, ni limité au fait de prêcher des convertis, mais qu’ils s’adresseraient aussi aux professionnels de la santé, aux universitaires, aux groupes des droits humains, aux avocats et à d’autres encore. Ce travail avec de nouveaux partenaires a fait en sorte que des questions communes ont pu être rattachées à d’autres questions et ainsi créer un autre niveau de débat avec d’autres acteurs qui se sont alors engagés dans la résolution d’un problème qui ne pouvait être abordé que par la voie de la collaboration.
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Planification A la fin de la 1ère année, un congrès national de haut niveau – La santé des femmes, la mortalité maternelle et la réduction d’un mal : diagnostic et perspectives – fut organisé par BEMFAM et Ordem dos Advogados do Brasil sur la base des résultats consolidés de la recherche préliminaire. La consultante recrutée pour faire la recherche mobilisa et réunit nombreuses des personnes qu’elle avait rencontrées au cours de son étude. Cet évènement, dont la portée fut considérable, s’intéressa aux aspects politiques et techniques de la santé maternelle et aux stratégies de réduction de la mortalité maternelle. 89 représentant(e)s du gouvernement – aux échelons fédéral, des états et locaux, soit du ministère de la santé, du Secrétariat des femmes et des congrès national et locaux – des organisations de la société civile et de la profession médicale dressèrent ainsi une liste des problèmes les plus urgents avant d’émettre des recommandations. Un groupe de travail fut établi afin de transformer les recommandations en une Lettre de recommandation, l’objectif étant de l’envoyer aux principaux décideurs au sein du gouvernement afin de leur donner des preuves solides destinées à alimenter et informer la politique, les programmes et le budget.
ENSEIGNEMENT : Comment utiliser des évènements thématiques
Le congrès national de décembre 2007 avait été prévu pour une vingtaine de personnes : 89 vinrent. Il fut co-sponsorisé par le ministère de la santé et le FNUAP. Ce niveau d’engagement fut le résultat de l’intérêt suscité par la recherche préliminaire de la consultante, dont la crédibilité et la notoriété entrainèrent l’adhésion de personnalités et de partenaires importants durant le processus de recherche. En outre, la question elle-même – la mort des femmes – est un thème porteur et il est assez facile de rassembler un large éventail de parties prenantes autour d’une question qui est à la fois une question de santé publique et une question juridique. De nombreuses organisations savent que la question est urgente : malgré de bonnes politiques et de bons règlements, dans la réalité les femmes meurent toujours. Les organisations de la société civile ne pouvaient donc pas ne pas s’impliquer. Le congrès national impliqua ainsi de nombreuses organisations et présenta des informations fondamentales d’une nouvelle manière qui donna à la question une large portée. La Lettre de recommandation collective était révolutionnaire et fut autorisée par Lena Peres, du Département des actions programmatiques stratégiques au ministère de la santé.
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Le groupe de travail établi après l’atelier fut formé afin de mettre en œuvre les priorités identifiées et développer un plan d’action de plaidoyer. Il eut deux réunions qui lui permirent de développer des stratégies communes de plaidoyer afin de sensibiliser le gouvernement et l’opinion publique à la santé maternelle. Les activités avaient pour objet de communiquer la Lettre afin de déclencher un débat sur la mortalité maternelle au niveau de l’état et de faire en sorte que les candidats politiques, le personnel de santé publique (des municipalités et de l’état) et les professionnels de santé s’engagent publiquement dans ce débat. D’autres activités inclurent une visite à Brasilia pour gagner le soutien des Ministères de la santé et de la femme, du Conseil d’état et du Sénat fédéral.
Communication La Lettre de recommandation représentait un consensus chez les différentes parties prenantes : le mouvement féministe, les universités, les sociétés médicales, les comités de mortalité maternelle, les représentants du gouvernement (échelon fédéral et état), puis enfin représentants judiciaires pour les droits des femmes. Ce fut aussi un moment décisif pour mobiliser le groupe de parties prenantes. La Lettre marqua le début des activités de plaidoyer et fut l’expression externe du long processus participatif. Les participants au congrès étaient régulièrement tenus au courant par courriel. La Lettre a été utilisée dans des situations diverses et a rempli différentes fonctions. Ce fut un instrument de promotion ; elle fut utilisée dans des débats ; ce fut un document de référence qui fut souvent consulté et cité (par exemple dans des articles scientifiques, de politique et autres). Elle devint la pièce maitresse du plan d’action de plaidoyer.
ENSEIGNEMENT : Matériels de plaidoyer En quoi la Lettre de recommandation élaborée par le groupe de travail fut-elle révolutionnaire ? Cela tient à ce qu’elle est une déclaration collective d’intention émanant de diverses parties prenantes intéressées et autorisée par le ministère de la santé. La Lettre de recommandation est le produit d’un processus consultatif au cours d’un congrès national et témoigne d’un consensus de groupe. Elle indique, clairement et dans le détail, les mesures qu’il faut prendre pour réduire la mortalité maternelle. Le soutien d’un large éventail de parties prenantes ajouta de la gravité au document qui devint la pièce maîtresse d’activités coordonnées de plaidoyer et de sensibilisation. Le processus participatif veilla à ce que toutes les parties prenantes, dont le gouvernement, participèrent à la rédaction de la Lettre et donc qu’elles la soutinrent par la suite. Ceci en assura le succès. De plus, les recommandations contenues dans la Lettre vont du général au spécifique, ce qui permit aux participants de souligner différents points selon la nature de leur organisation et leur expertise.
Le groupe de travail dupliqua le congrès (la santé des femmes, la mortalité maternelle et la réduction d’un mal : diagnostic et perspectives) à l’échelon régional. En outre, afin d’attirer l’attention sur les recommandations dans d’autres états, la Lettre fut intégrée aux activités existantes des membres du groupe de travail et de leurs représentants locaux. Les activités de plaidoyer régionales furent planifiées de telle sorte qu’elles se déroulèrent avant les élections des conseils municipaux et des maires, l’objectif étant de gagner le soutien de ces derniers afin qu’ils intègrent la question à leurs politiques et priorités budgétaires après les élections. Les membres du groupe de travail émanant d’Ordem dos Advogados do Brasil, de BEMFAM, du réseau féministe, et de la Fédération brésilienne de gynécologie et d’obstétrique, ainsi qu’un expert médical de la mortalité maternelle jouissant d’une renommée nationale, assistèrent aux séminaires régionaux. Cette participation démontra le soutien transsectoriel pour la lettre et le groupe put ainsi apporter un conseil technique sur les services, les aspects légaux/techniques/médicaux et les droits lors des divers débats sur la mortalité maternelle qui eurent lieu au cours des séminaires. La présentation fut adaptée aux localités et souligna les problèmes spécifiques auxquels doivent faire face les municipalités pour garantir la santé des femmes enceintes et traiter des causes principales de la mortalité maternelle. Les problèmes spécifiques à l’Etat furent présentés par des représentants locaux des Comités nationaux sur la mortalité maternelle, de BEMFAM, du réseau féministe, de l’association locale de gynécologie et d’obstétrique et de responsables locaux de la santé. La participation des comités locaux sur la mortalité maternelle, des conseillers municipaux, des représentants de l’état, des universitaires, de l’association du barreau, des responsables des soins de santé publique et des groupes féministes pesa dans les débats et renforça les engagements à l’échelle locale.
ENSEIGNEMENT : De la bonne utilisation des partenaires
La diffusion de la Lettre est l’illustration d’un partenariat réussi et efficace. Ce fut un partenariat plutôt informel. Les membres ne se réunirent que deux fois. Mais il rencontra un grand succès en ce qu’il sut développer une stratégie collective et mettre en place des activités sur une base égalitaire pendant tout le processus. De plus, les représentants régionaux des partenaires participèrent aux manifestations régionales. Il est important de noter que les partenaires étaient des experts techniques respectés, que ce soit lors du congrès national ou des ateliers régionaux, ce qui ajouta crédibilité et gravité aux divers évènements. Le partenariat fut chez les différents groupes une expérience positive qui illustre l’efficacité d’un plaidoyer monté en commun.
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ill 5 : La Lettre de recommandation
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Les deux séminaires régionaux – La santé des femmes, la mortalité maternelle et la réduction d’un mal : diagnostic et perspectives – se déroulèrent à Natal (Rio Grande do Norte) et à Fortaleza (Cerará). D’autres panels et tables rondes, organisés par des membres du groupe de travail, se tinrent à Porte Alegre (Rio Grande do Sul), João Passion (Paraiba), Rio de Janeiro et Sao Luiz (Maranhão). Les activités régionales permirent au groupe de travail de sensibiliser de nouveaux soutiens et alliés, parmi lesquels : des membres d’associations locales de gynécologues et d’obstétriciens, d’associations du barreau et d’organisations féministes, des professionnels de la santé, des représentants du gouvernement local, des membres du Congrès, des membres des comités de lutte contre la mortalité maternelle, des secrétaires municipaux de la santé, des membres de la Conférence nationale des avocats de Rio de Janeiro, des membres des ministères d’état de la justice, le président national de l’ordre des avocats du Brésil, les ministres de la cour fédérale suprême, des éducateurs et des juristes. Le groupe de travail eut aussi une audience publique avec l’assemblée législative de l’état de Rio de Janeiro et anima des sessions de formation à l’intention de médecins sur les moyens d’intégrer l’avortement à leur travail. Suite à ces activités, plusieurs décideurs affirmèrent leur engagement pour l’amélioration de la santé maternelle et pour la Lettre de recommandation, celle-ci émanant d’un large éventail d’organisations. Plusieurs candidats électoraux s’exprimèrent sur la santé maternelle et firent des déclarations publiques sur la manière dont ils allaient traiter du problème. A Rio, il fut demandé au groupe de travail de travailler avec les municipalités et l’état afin de surveiller et améliorer les services de santé maternelle et soutenir des activités destinées à mettre la pression sur l’assemblée de l’Etat pour qu’elle entreprenne les actions politiques et techniques nécessaires à la mise en œuvre de ces politiques et actions. Les évènements régionaux fournirent des informations supplémentaires qui permirent d’adapter le plaidoyer aux circonstances locales. Il devenait clair en effet que la mauvaise qualité des infrastructures sanitaires publiques (par exemple, le manque de formation des professionnels de santé et la désorganisation de l’administration) était un facteur supplémentaire de mortalité maternelle. Divers participants exprimèrent leur inquiétude devant le manque d’intérêt des professionnels médicaux pour la santé maternelle, les problèmes liés aux omissions d’information sur la santé maternelle, et l’existence d’une bonne politique avec une mauvaise mise en œuvre. Le groupe de travail s’est aussi rendu à Brasilia pour présenter la Lettre de recommandation aux ministère de la santé, des droits de l’homme et des Politiques pour les femmes. La délégation demanda à la ministre de la condition féminine qu’elle donne son aval à la Lettre de recommandation et qu’elle la diffuse aux agences appropriées aux échelons locaux et des états, comme les
comités de lutte contre la mortalité maternelle. La ministre du Service du Secrétariat de la condition féminine et le Conseiller spécial pour la Santé auprès de ce même Bureau ont donné, d’une part, leur plein aval à la Lettre du Groupe de travail et, d’autre part, leur accord pour diffuser la Lettre au Coordinateur, au Service et aux bureaux du Secrétariat de la condition féminine aux échelons municipaux et des états en demandant que ce texte soit adopté. Pendant l’audience avec le Secrétaire spécial aux droits de l’homme, les membres du Groupe de travail ont expliqué que la mort maternelle est une violation du droit à la santé et à la vie qui affecte la vie des femmes au Brésil inutilement. Le ministre a déclaré qu’il allait faire de la mortalité maternelle une des priorités des conférences municipales et des états en préparation à la réunion annuelle de son ministère. Il s’est aussi engagé à essayer de créer un dossier spécial consacré à la mortalité maternelle avec le Secrétaire spécial aux droits de l’homme et à garantir les ressources budgétaires appropriées pour 2009. Il s’est enfin engagé à coordonner la diffusion de la Lettre avec le ministère de la santé et le Bureau du Secrétariat de la condition féminine. La délégation a aussi rencontré le Ministre de la santé, le Coordinateur du pacte national de 2004 visant à réduire la mortalité maternelle et néonatale et enfin le Secrétaire à la santé des femmes. Le ministre a noté l’importance du groupe de travail et souligné que c’était la première fois qu’un groupe unifié, avec les mêmes priorités, les mêmes demandes et les mêmes solutions, avait approché le ministère de la santé. Il sollicita ensuite l’aide du groupe de travail pour surveiller la mise en place de la législation de suivi des morts maternelles, ainsi que la participation à la Campagne pour les naissances naturelles. Le coordinateur national du pacte national pour réduire la mortalité maternelle et néonatale déclara que la Lettre de recommandations serait diffusée aux comités de lutte contre la mortalité maternelle. En réponse directe à ces audiences, le ministère de la santé et le Bureau du Secrétaire à la condition féminine donnèrent leur aval à la Lettre de recommandation en la plaçant sur leur site web et en la communiquant à leurs représentants à l’échelon des états. Suite à cette réunion avec le ministre de la santé, le groupe de travail fut invité à faire une présentation à la première Conférence brésilienne pour le suivi des objectifs de développement du millénaire dans le secteur de la santé. La lettre de recommandations fut présentée pendant le débat sur l’ODM 5 à des participants issus de 17 pays, de 9 agences internationales, des municipalités, états et état fédéral (90 représentants) et des organisations de la société civile (60 représentants).
ENSEIGNEMENT : Faire le lien avec les priorités du développement mondial
Un plaidoyer en rapport avec l’ODM 5 – améliorer la santé maternelle. Ce lien a permis d’accroître l’engagement des partenaires car nombreuses sont les parties prenantes qui s’identifient à cet objectif. Ce devint ainsi un objectif commun que soutinrent diverses parties prenantes venant d’horizons variés et ce, malgré leurs rôles divers au sein d’un large éventail d’organisations. Il attira aussi l’attention des publics ciblés qui avaient été sensibilisés aux objectifs de développement du millénaire déjà inscrits dans les priorités nationales.
ENSEIGNEMENT : Les messages de plaidoyer doivent poser une demande
Le projet respecta une séquence d’actions coordonnées : recherche, établissement d’un consensus, sensibilisation et mobilisation des décideurs. Ce sont le congrès national, les séminaires régionaux et les audiences publiques qui établirent le contact avec ces derniers. A chaque fois, la Lettre de recommandation fut présentée. La Lettre n’était pas cependant suivie de demande d’actions spécifiques. Ce manque d’action concrète après la campagne de sensibilisation peut expliquer le manque de champions visibles. Il est important de scinder le plaidoyer en messages qui créent et génèrent une urgence politique ainsi qu’une requête concrète d’actions taillées à la mesure de l’influence détenue par les publics ciblés. Cette double approche devrait permettre de maintenir une dynamique et de maximiser l’impact du plaidoyer. En sus de ces activités, le groupe de travail se mit à participer de plus en plus à des débats sur la légalisation de l’avortement et à intégrer cette question à ses activités. La recherche préliminaire, ainsi que la Lettre de recommandation, voient dans l’avortement l’une des causes majeures de la mort maternelle. En outre, l’absence d’avortement légal et sans risque demeure un obstacle à la réponse à apporter à la mort maternelle et au respect des droits sexuels et reproductifs de la femme. Le travail de plaidoyer révéla la qualité des politiques et des règlements en matière de mortalité maternelle et qu’il n’y avait pas d’équivalents pour l’avortement. Le plaidoyer pour l’avortement demande que l’on s’axe sur l’aspect juridique, alors que le plaidoyer pour la mortalité maternelle demande que l’on s’intéresse à la mise en place de la législation et des plans déjà existants. L’avortement demande que l’on s’intéresse à la modification de la législation. Il est donc nécessaire d’obtenir la contribution de médecins et d’avocats pour garantir une réforme législative. Les membres du groupe de travail se sont donc mis au travail pour légaliser l’avortement. Cette question devint d’autant plus urgente après le rejet du projet de loi 1135/91 (légalisation de l’avortement) par la Commission de la constitution, de la
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justice et des droits civils de la Chambre des représentants. Le groupe de travail participa à des débats et traça les politiques publiques sur l’avortement. Un large soutien à la lutte contre la mortalité maternelle servit de point d’entrée pour débattre de questions plus controversées de santé sexuelle et reproductive, l’avortement par exemple. En s’axant sur la mortalité maternelle, les ministères de la santé, de la condition féminine et de la justice, pouvaient ainsi parler de ces questions sans que cela ne fasse trop de remous. La question de la mortalité maternelle est aussi liée à des initiatives mondiales, les objectifs de développement du millénaire par exemple, qui donnent, à l’échelon national, de la visibilité et une priorité politique à la question. La question de l’avortement est intimement liée à celle de la mortalité maternelle. En se focalisant ainsi sur la mortalité maternelle, les ministères de la santé, de la condition féminine et de la justice pouvaient participer sans risque à des discussions sur l’avortement. La diffusion de la Lettre fut l’occasion de redéfinir l’axe du plaidoyer : la lettre, et les débats qui suivirent sa diffusion, révéla ainsi l’existence de politiques et règlements nationaux de qualité et la volonté politique de lutter contre la mortalité maternelle, mais elle souligna aussi l’absence flagrante de mise en œuvre cohérente de ces politiques et règlements. Par exemple, dans le cadre du Sistemia Unico de Saude (Système de santé unique), il n’y a pas de contact institutionnel systématique entre le lieu où une femme fait ses visites de soins prénatals et le lieu où elle accouche : ceci signifie que l’information clinique concernant la grossesse n’est pas communiquée. Le système de gestion de la grossesse pourrait être grandement amélioré si les politiques et règlements étaient appliqués et respectés.
ENSEIGNEMENT : Le plaidoyer crée des politiques de soutien et veille à leur mise en œuvre
Le travail de plaidoyer ne s’est pas axé sur la création de lignes budgétaires et de politiques positives : il s’est au contraire axé sur leur mise en œuvre effective. Ceci permit de souligner l’importance de présenter aux décideurs des recommandations et des solutions qu’ils peuvent mettre en œuvre tout en s’assurant qu’ils soient conscients de leur influence et de leur impact personnels. Pour le groupe de travail, la prochaine étape consista à identifier des moyens de traduire les politiques positives, les règlements et la volonté politique en une application concrète et en des résultats. Quelques obstacles majeurs furent ainsi identifiés en ce qui concernait la mise en place des politiques et règlements existants. Par exemple, les professionnels et agents de santé ne connaissaient pas les nouvelles politiques. En outre, toute mort maternelle doit être communiquée aux comités de lutte contre la mort maternelle afin qu’ils puissent classer la mort et identifier causes et responsabilités. Les 748 comités de lutte contre
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la mortalité maternelle doivent être renforcés afin de leur permettre de mesurer les incidences et causes des morts maternelles. Ces tâches représentent des activités de plaidoyer importantes qu’il est nécessaire de cibler aux niveaux des états et des municipalités, ces derniers étant responsable de l’offre de soins de santé primaire. Les politiques, règlements et services positifs susmentionnés figurent dans le Règlement technique d’opérationnalisation des services d’obstétrique et de soins néonatals, le règlement technique du Pacte national pour réduire la mortalité maternelle et néonatale de 2004. Ainsi qu’il a déjà été mentionné, ces politiques et règlements n’ont pas été encore proprement mis en œuvre à l’échelon municipal. Ceci-dit, il n’est pas clair que leur application réduise vraiment la mortalité maternelle. Les comités municipaux de lutte contre la mortalité maternelle ne savent pas à quoi s’en tenir en ce qui concerne lesquelles des activités auront un impact concret. A l’avenir, le groupe de travail prévoit de travailler avec des municipalités choisies parmi un groupe de 100 déjà sélectionnées par le ministère de la santé dans le cadre d’un programme de santé maternelle dans le Nord du pays afin de plaider pour la mise en œuvre des règlements. On établira une base de référence afin de suivre le degré réel de l’efficacité des recommandations et d’en faire ensuite une étude de cas sur la réponse du gouvernement brésilien à la question de la mortalité maternelle. Dans le long terme, ces municipalités deviendront des exemples de réussites dans la lutte contre la mortalité maternelle.
Evaluation La mise en œuvre du projet fut un apprentissage : il devint vite apparent, au cours de la campagne de plaidoyer, qu’il serait nécessaire de mettre en place des actions plus ciblées. Il devint clair aussi que le fait de se mettre d’accord sur les solutions proposées aux obstacles identifiés à la mortalité maternelle, solutions par ailleurs relativement simples et faciles à mettre en œuvre, aurait un énorme impact et entraînerait des changements inéluctables. Les membres du groupe de travail admirent ouvertement qu’ils n’avaient pas, au commencement du projet, envisagé un tel scénario, mais que ce le fut au fur et à mesure que le projet progressait et qu’ils ajustèrent alors le plan de travail en conséquence.
ENSEIGNEMENT : Être proche du siège du pouvoir à Brasilia
Le projet a réussi à galvaniser les organisations de la société civile et à toucher de nouveaux sympathisants à l’échelon local et national. Le projet a probablement permis une plus grande prise de conscience de la question et a incité le gouvernement à l’action. Il est cependant apparent que cette initiative n’a pas été rapprochée des initiatives fédérales visant à réduire la mortalité maternelle. Tôt dans le projet BEMFAM s’est posée la question de savoir s’il lui fallait avoir une présence dans la capitale et en a conclu que ce n’était pas la peine tant qu’elle pouvait utiliser les compétences d’autres organisations. L’avantage de BEMFAM tient à ce qu’elle travaille à l’échelon local. Le Centre féministe d’études et de conseils était donc sensé représenter le groupe de travail à Brasilia. L’absence de ce dernier dans la capitale signifia cependant qu’il ne fut pas au courant de la nouvelle initiative municipale de santé maternelle du ministère de la santé, et que ce même ministère, ainsi que le ministère de la justice, ne furent pas au courant des séminaires régionaux du Groupe de travail.
ENSEIGNEMENT : Le suivi budgétaire est complexe et ne fut pas utilisé
Les éléments de mapping et de suivi budgétaire du projet, et de mobilisation des ressources, n’eurent pas lieu. Cela fut dû en grande partie au manque de transparence budgétaire, ce qui fit qu’il fut difficile de surveiller l’allocation des ressources. En outre, le budget ne fut pas exécuté ; ceci peut être attribué à un excédent de bureaucratie et qu’en fin d’exercice les fonds non utilisés sont retournés au Trésor public. Ceci rend tout plaidoyer visant à mobiliser des ressources difficile : en effet, les services de l’état ne peuvent pas dépenser pour cause de bureaucratie, manque de capacités et de corruption, ce qui fait que dans la pratique il n’y a pas besoin de ressources supplémentaires. Le plaidoyer est nécessaire pour s’assurer qu’il n’y a pas de coupes dans la santé et la santé de reproduction. Il avait été prévu que le Centre féministe d’études s’occuperait du suivi budgétaire, mais il n’en avait pas la capacité. Ceci suggère qu’il est nécessaire d’avoir une assistance technique et une formation en matière de mapping budgétaire.
ENSEIGNEMENT : Exemples de certains aspects négatifs du plaidoyer
De nombreuses associations membres de l’IPPF ont une relation étroite avec le gouvernement et perçoivent des revenus pour services sous traités. Le plaidoyer pourrait donc mettre en péril la relation existante avec le gouvernement. Au Brésil, BEMFAM a commencé à travailler avec de nouveaux partenaires, ce qui permit de mettre la question de l’avortement au rang des priorités de l’ordre du jour de l’association. Ceci eut quelques implications négatives car un député anti-choix demanda une enquête publique sur les organisations œuvrant sur la question de l’avortement, dont BEMFAM faisait partie. Ceci pourrait avoir des effets négatifs pour BEMFAM qui reçoit une partie importante de ses fonds grâce à des contrats de sous-traitance avec le gouvernement municipal. Avant le projet, BEMFAM n’était pas vraiment présente sur des dossiers relatifs à la mortalité maternelle et l’avortement : elle l’est désormais. BEMFAM a aujourd’hui modifié son approche en matière du plaidoyer, et elle s’attache à différents projets et questions de plaidoyer, elle pense de façon politique et se sent en confiance pour s’impliquer. La pensée politique d’autres organisations, comme le Réseau féministe pour la pensée et Ordem dos Advogados do Brasil, fut une révélation pour l’association. Les différents partenariats qu’elle a mis en place l’ont aussi aidé à affiner sa pensée politique. Une des réalisations majeures du projet fut la création d’un nouveau réseau de parties prenantes partageant les mêmes valeurs et décidées à s’attaquer à cette question de la mortalité maternelle. Ceci est particulièrement important car le projet a permis d’unifier un large éventail d’intérêts, d’opinions et d’approches. En outre, deux importantes organisations de la société civile travaillant sur la mortalité maternelle, BEMFAM et le réseau féministe pour la santé, ont su développer une relation de collaboration après un long passé fait de tensions. L’efficacité du travail de collaboration est démontrée par le fait que le groupe de travail collabore sur des domaines de travail liés et que tous les partenaires prévoient de travailler ensemble à l’avenir.
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Tanzanie Augmenter le soutien politique et financier à la planification familiale Un plaidoyer axé sur le développement de stratégies d’augmentation d’un soutien politique et financier pour la planification familiale, et particulièrement les moyens de PF. La stratégie visait à mettre le projet en œuvre à l’échelon du district, et à influencer les Conseils de district afin qu’ils engagent des ressources vers les services et moyens de planification familiale, l’objectif final étant de traduire cela ensuite à l’échelon national. La question du plaidoyer attira aussi l’attention sur la planification familiale comme moyen de réduire la mortalité maternelle. Les débuts Le projet pilote tanzanien débuta en juin 2007 et fut coordonné par Chama Cha Uzazi na Malezi Bora Tanzania (UMATI), l’association membre de l’IPPF en Tanzanie. UMATI est une organisation autonome non-gouvernementale qui fournit de l’éducation, des informations et des services de santé sexuelle et reproductive depuis 1959. UMATI est sur le devant de la scène en ce qui concerne le plaidoyer et la sensibilisation à la santé et aux droits en matière de sexualité et de reproduction. UMATI fournit un large éventail de méthodes de planification familiale par exemple : dépistage des cancers liés à la reproduction, diagnostic et counselling liés à l’infécondité/infertilité, traitement des infections sexuellement transmissibles, conseils et dépistage volontaire du VIH (CDV), gestion des infections opportunistes, et soins à domicile et groupes de soutien pour les personnes vivant avec le VIH/sida. Ces services sont assurés dans 13 cliniques, 9 centres de CDV, 4 centres de jeunes et par des distributeurs communautaires. Les résultats indéniables d’UMATI en tant que prestataire national de santé sexuelle et reproductive depuis des années signifient qu’elle avait la reconnaissance suffisante pour coordonner une coalition nationale de plaidoyer en vue d’accroître la priorité politique pour la santé sexuelle et reproductive. Le projet pilote, tout comme au Brésil, fut l’occasion parfaite de s’engager systématiquement sur le plaidoyer. En Tanzanie, les activités de plaidoyer ont commencé quand le personnel d’UMATI développa un premier plan de travail. Un coordinateur de plaidoyer fut recruté et il commença à s’imprégner du concept du projet, à se familiariser à la nouvelle architecture de l’aide au développement, l’approche théorique et son rapport aux activités recommandées. Dans le cadre de ce processus, il s’efforça de comprendre les processus budgétaires nationaux et de localiser les décideurs. En outre, il identifia et eut des réunions avec plusieurs organisations qui avaient l’expérience du plaidoyer afin de s’inspirer de leurs expériences, parmi
lesquelles : Tanzania Gender Network Programme, Legal and Human Rights Centre, Marie Stopes, Tanzania Public Health Association, le département de santé infantile et de la reproduction du ministère de la santé, Tanzania Media Women’s Association et le Women’s Dignity Project. Ces réunions avaient pour but de mieux comprendre les processus de décision du gouvernement et les moyens efficaces de cibler le gouvernement. Ces organisations, toutes chevronnées du plaidoyer, le mirent en garde contre les réseaux qui, selon elles, ne sont pas des dispositifs efficaces de plaidoyer.
ENSEIGNEMENT : Avoir un échéancier et des délais raisonnables
Un projet de plaidoyer d’un an est insuffisant, en termes de temps, pour entreprendre des activités de plaidoyer. Il nécessite en effet l’apprentissage et le développement de nouvelles compétences pour influencer les processus gouvernementaux établis. Il est nécessaire de disposer d’assez de temps pour recruter et former. Le plaidoyer était en général une activité assez récente pour UMATI ; le plaidoyer à l’échelon du district était très nouveau et il fallait du temps pour acquérir les compétences nécessaires. En outre, la recherche et le recueil de preuves demandent aussi du temps. Par exemple, des activités comme des réunions avec les organisations expérimentées dans le plaidoyer, le mapping des processus budgétaires nationaux, une recherche préliminaire qui servira de référence, et des communications de plaidoyer – toutes sont fondamentales pour identifier les problèmes, les objectifs clefs et les stratégies appropriées que l’on coordonnera ensuite aux processus planifiés du gouvernement.
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ill. 6 : Résumé du processus de préparation budgétaire et points d’accès pour les organisations de la société civile Authorise le budget après une débat public dans l’Assemblée nationale sur les propositions de recettes et de dépenses, qui sont soumises par le Ministre des finances et autres ministres. Le Parlement adopte la loi de finances.
Assemblée nationale
Accès pour les organisations de la société civile
Comité des finances et de l’économie (aujourd’hui Comité sectoriel) Accès pour les organisations de la société civile
Examine et débat des sources de revenus et des propositions de dépenses avec les différents ministres. Le projet de loi de finances est examiné avant d’être mis à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale où il est l’objet de débats avant adoption. Le comité donne donc son approbation à des estimations qui sont ensuite présentées à l’Assemblée nationale.
Détermine les objectifs budgétaires et leur mise en œuvre. Approuve le plan annuel, les orientations, puis plus tard le budget.
Cabinet
Veille à ce que le plan et budgets annuels soient conformes aux objectifs de développement et conseille le Cabinet.
Comité technique interministériel
Donne des orientations, coordonne la préparation du budget et suit la mise en œuvre du budget.
Ministères
Institutions techniques
Les organisations de la société civile sont invitées à assister à ces séances budgétaires de certains ministres en participant à des groupes de travail sectoriels
Formule la politique, prépare les plans, prépare les estimations et exécute les plans d’action selon les estimations approuvées. Les estimations budgétaires sont préparées par le Comité technique sectoriel et Comité sectoriel du budget.
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Mise en place de réseaux Il fallut tout d’abord établir une coalition de plaidoyer nationale. UMATI identifia les partenaires possibles parmi les organisations reconnues pour leur travail de plaidoyer. Treize partenaires possibles furent ainsi choisis. Une lettre fut ensuite envoyée aux directeurs de chaque organisation pour leur expliquer le projet, lettre à laquelle était joint un formulaire « d’expression d’intérêt » qu’ils devaient remplir s’ils étaient intéressés. La lettre expliquait pourquoi un plaidoyer national et un débat sur les politiques appropriées étaient importants pour augmenter les ressources pour la santé et les droits en matière de sexualité et de reproduction. Seuls 6 des 13 organisations contactées répondirent avec des demandes de clarification. Par exemple, une ONG bien connue demanda trois réunions supplémentaires en vue d’obtenir des informations et clarifications supplémentaires. Beaucoup de temps fut consacré à convaincre les gens de l’importance de travailler en réseau. Au final, seules deux des 13 organisations approchées rejoignirent la coalition. Ce mauvais taux de réponse fit qu’UMATI dut réexaminer sa stratégie de coalition. Il fallait aussi identifier les problèmes, parmi lesquels : la surcharge de travail entrainée par le travail lié au fonctionnement de l’alliance, les inquiétudes concernant les délais de réalisation des objectifs du projet, la relation étroite entretenue par UMATI avec le gouvernement, et la concurrence entre les différentes organisations. UMATI décida alors de modifier son approche envers ses partenaires en approchant des ONG moins connues, en utilisant des coalitions existantes ayant des objectifs complémentaires aux siens, et enfin en organisant un atelier visant à introduire le projet à des organisations travaillant dans le secteur de la santé sexuelle et reproductive.
ENSEIGNEMENT : Comment faire avant d’avoir des résultats avérés
La relation étroite d’UMATI avec le gouvernement faisait de l’association un partenaire problématique car son plaidoyer pouvait mettre cette relation en danger, ce qui aurait gêné les efforts de partenariat avec d’autres organisations. Ceci est un souci pour de nombreuses organisations pour lesquelles le plaidoyer est une activité nouvelle, car elles ne sont pas prises au sérieux ou considérées comme des avocats et partenaires crédibles. En outre, UMATI était un nouveau venu dans la communauté du plaidoyer et il était sans doute ambitieux d’être pris au sérieux dès le début. Traditionnellement UMATI était un prestataire de services et non un avocat/ défenseur/lobbyiste et avait donc besoin de temps pour affiner son expertise en plaidoyer. La question était donc de voir si les autres ONG allaient prendre l’association au sérieux et en quelle mesure, tous les problèmes précédemment cités ayant évidement un impact.
UMATI organisa alors un atelier concept – Alliance Formation for Dialogue for Increased Sexual and Reproductive Health Funding – afin de présenter le projet à un large éventail de partenaires, donner des réponses aux questions relatives au projet et établir une relation de confiance entre les différents membres potentiels de l’alliance. Plusieurs questions furent soulevées au cours de cet atelier. En un premier lieu, le consensus général fut que la période du projet était trop courte pour réaliser les objectifs et que le projet devait être élevé au rang de programme. En un second lieu, il y avait déjà un certain nombre de coalitions qui faisaient du plaidoyer et les participants s’inquiétèrent de ce que cette nouvelle coalition pourrait simplement dupliquer les efforts déjà entrepris. On parla aussi de ce que devrait être le sujet central du plaidoyer et l’attention se porta sur la mortalité maternelle, la Feuille de route tanzanienne pour la santé maternelle et le Plan stratégique national visant à accélérer la réduction des morts maternelles et de nouveau-nés 2006-2010. Les participants à l’atelier parlèrent aussi des différents processus à cibler dans le cadre de leur plaidoyer, par exemple comment la santé et les droits en matière de sexualité et de reproduction sont abordés dans le MKUKUTA (le plan national de développement), les lacunes en matière de santé sexuelle et reproductive dans les plans de santé du Conseil du district, et le rôle que pourrait avoir le Bureau du Premier Ministre pour l’Administration régionale et les Gouvernements Locaux eu égard à ces plans. Tous les participants furent d’accord pour dire que la levée de fonds pour la santé et les droits sexuels et reproductifs est un problème central et partagé et l’atelier sensibilisa les organisations de la société civile au fait que le gouvernement national est une source importante et stable pour lever des fonds.
ENSEIGNEMENT : Responsabilité nationale L’un des traits importants des réseaux de plaidoyer d’UMATI tient à ce qu’ils sont bilingues – Anglais et Swahili. Les autres coalitions sont internationales et donc anglophones et les agences internationales tendent à dominer les débats. Dans ces réseaux, les organisations de la société civile qui travaillent essentiellement en Swahili se sentent débordées par les ONG et les donateurs internationaux et ne se sentent ni à l’aise ni en confiance.
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ENSEIGNEMENT : Approcher les partenaires
ENSEIGNEMENT : Quels partenaires ?
Le recrutement de partenaires nationaux fut difficile. Des 13 membres contactés à l’origine, seuls 6 répondirent. Ils pensaient que l’objectif du projet n’était pas clair et voulaient plus de visibilité pour eux mêmes ainsi qu’un financement pour leur participation. UMATI adopta plusieurs stratégies pour construire des partenariats. UMATI approcha tout d’abord des organisations célèbres avec beaucoup d’expérience qui refusèrent de se rallier formellement au réseau ou de s’engager sur des activités de collaboration. UMATI contacta individuellement chacun des partenaires possibles et tous convinrent que l’augmentation des ressources vers la santé et les droits sexuels et reproductifs était une question importante. L’atelier concept n’eut lui aussi pas plus de succès. Rétrospectivement, UMATI aurait dû souligner l’importance du travail en réseau de plaidoyer, puisque toutes les organisations servaient le même groupe de personnes.
Au départ, seules les organisations de la société civile étaient incluses à la coalition, sans représentants du gouvernement ou des médias. Et pourtant, au fur et à mesure de la mise en place du projet, on commença à reconnaitre qu’une coalition mixte, réunissant d’autres parties prenantes partageant des intérêts similaires, serait une bonne chose. Ceci s’appuyait sur l’expérience qui montrait que les coordinateurs de la santé reproductive et infantile du gouvernement des districts et les médecins examinateurs de district apportaient des idées importantes dans la planification du plaidoyer et maintenaient la coalition informée des objectifs, tactiques et opportunités de plaidoyer. La coalition nationale a donc élargi sa base d’adhérents afin d’inclure des fonctionnaires, des parlementaires et des journalistes. La coalition s’est développée en un réseau constitué de membres d’horizons professionnels divers, une solidarité croissante étant en place à l’échelon national et dans 5 districts. Cette solidarité s’est accrue en faisant du secrétariat un secrétariat mixte où la présidence est partagée à tour de rôle.
Suite à cet atelier, l’équipe d’UMATI se mit d’accord pour travailler avec de plus petites organisations de la société civile à Dar es Salaam et de se servir de la même lettre et du même formulaire de déclaration d’intérêt. La première coalition de plaidoyer fut mise sur pied en décembre 2007. Elle était composée des membres suivants : le service de santé reproductive et infantile du ministère de la santé ; Marie Stopes Tanzanie ; l’Institut d’étude du développement, l’Université de Dar es Salaam ; le Legal and Human Rights Centre ; Kiota Women’s Health and Development ; et l’association tanzanienne de santé publique. Le secrétariat consistait de membres du personnel d’UMATI qui présidait aussi la coalition. Des difficultés liées à la mise en place de la coalition retardèrent le début des activités de six mois. Malgré qu’UMATI ait adopté plusieurs stratégies pour recruter des partenaires et établir une coalition nationale de plaidoyer, par exemple des lettres d’invitation, des visites de suivi et des ateliers, rares furent les partenaires contactés à l’origine qui rejoignirent le réseau. Plus tard au cours du projet, après que des fonds supplémentaires aient été trouvés et le calendrier rallongé (voir ci-dessous), cinq réseaux de district furent établis qui utilisèrent les enseignements tirés des premiers essais d’établissement d’un réseau. Par exemple, de nouvelles façons d’identifier et d’approcher des partenaires, y compris des organisations non issus de la société civile, et plus particulièrement les représentants du gouvernement. Cette expérience permit à son tour d’informer les changements dans la coalition nationale.
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Recherche Après ce long processus, la coalition s’est réunie pour débattre du contexte du projet, des résultats mesurables et des tâches nécessaires, dont l’identification du problème, la recherche, l’identification de champions et l’établissement d’un groupe de travail. Lors de cette réunion, la coalition décida aussi de fonctionner comme groupe consultatif sans mise en œuvre d’activités. La coalition parla aussi des moyens d’élargir la recherche sur le mapping budgétaire et les organisations de la société civile. L’assemblée décida qu’il était nécessaire d’entreprendre de nouvelles recherches afin : d’identifier le sujet urgent de santé sexuelle et reproductive ; de procéder à une analyse des tendances dans le budget et la politique nationaux ; d’identifier d’autres organisations et départements gouvernementaux afin de mettre en place des partenariats possibles de plaidoyer ; d’identifier enfin les lacunes dans le plaidoyer pour la santé et les droits en matière de sexualité et de reproduction. Il fut convenu que cette recherche devait s’appuyer sur des entretiens avec les principales parties prenantes, particulièrement le Service de santé reproductive et infantile du ministère de la santé. Les résultats devaient ensuite être intégrés à un rapport dont il serati débattu lors de la prochaine réunion. La coalition nomma une ONG bien connue pour effectuer la recherche sur la base de sa propre expérience d’un plaidoyer étayé par une documentation avérée. Cette ONG déclina l’offre et un institut de recherche de l’université en revanche se déclara intéressé. Les répondants prirent du temps pour répondre, ce qui retarda plus encore la
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recherche. Ces retards firent qu’il fut difficile de déterminer la problématique de plaidoyer, d’identifier les activités et champions les plus appropriés et d’élaborer un plan d’action. UMATI commença alors un second projet de plaidoyer sur la base d’un modèle similaire, l’idée étant de monter un plaidoyer coordonné pour les produits et moyens de santé de la reproduction aux échelons mondial, régional et national. Ce plaidoyer visait à augmenter l’engagement politique et financier pour les produits et moyens de santé reproductive en : travaillant avec une coalition nationale de plaidoyer pour que les produits/moyens de santé reproductive soient inscrits sur la liste nationale de médicaments essentiels ; établissant ou rejoignant un comité existant de coordination des produits de santé ; veillant à l’existence d’une ligne budgétaire gouvernementale pour les produits de santé reproductive et que ce budget fut effectivement affectés à ces produits. Le secrétariat prit alors la décision de fusionner les deux projets afin d’éviter tout doublon, d’accroître les ressources et d’allonger l’échéancier. UMATI élabora alors un second plan de travail afin de supprimer les chevauchements d’objectifs et d’activités et tout intégrer en un seul programme. La recherche préliminaire était alors terminée et les recommandations et le second projet de plaidoyer furent communiqués à la coalition. Le consultant chargé de la recherche produisit un rapport, Report on Mapping of Current Advocacy Issues on Sexual and Reproductive Health in Tanzania (sur la base des contributions de divers experts des droits et de la santé sexuelle et reproductive). Ce rapport présente les principales organisations travaillant sur la santé sexuelle et reproductive, une analyse de la politique, une carte/un graphe des activités de plaidoyer pour la santé et les droits sexuels et reproductifs afin d’identifier les lacunes et les champions/défenseurs possibles, puis enfin une analyse des processus de décision dans le processus de budgétisation national. Il fait aussi des recommandations sur les questions potentielles de plaidoyer, les champions et les stratégies, y compris le fait de remettre la planification familiale au rang des priorités nationales. Les chercheurs et les membres de la coalition convinrent que la planification familiale était une priorité nationale et une intervention clef pour améliorer la santé maternelle et que cela devrait être souligné dans les documents de politique générale, les plans stratégiques nationaux et les systèmes de prestation de service publics et privés. Et pourtant la planification familiale n’est pas au rang des priorités. Le lien entre la planification familiale et la mortalité maternelle n’a pas été fait de façon explicite et aucune coalition ne travaille sur la planification familiale. L’intérêt politique actuel pour la mortalité maternelle devrait permettre de faire le lien avec les priorités politiques actuelles et de permettre à la planification familiale de gagner ainsi en visibilité. La coalition accepta de s’axer sur la sensibilisation, du fait que la planification familiale
contribue à la réduction de la mortalité maternelle et qu’elle doit être financée sur le budget national et ne pas dépendre des modes des donateurs. La planification familiale est en outre l’un des domaines d’expertise reconnus d’UMATI. Tout plaidoyer pour la planification familiale entrepris par une coalition gérée par UMATI serait donc tout à fait crédible. La recherche découvrit aussi que la décentralisation était un aspect important de la décision politique et budgétaire. La Tanzanie dispose d’une structure de gouvernement décentralisée et les Conseils de district élaborent leurs budgets sur lesquels s’appuie le processus de budgétisation national. C’est à l’échelon du district qu’a lieu la majorité des décisions de dotation budgétaire, et pourtant il n’y avait à ce niveau que très peu de plaidoyer et de sensibilisation. La coalition accepta que le plaidoyer au niveau du district puisse être efficace parce que les conseils de district sont plus coopératifs et réceptifs que le gouvernement central et, dans un système politique décentralisé, les niveaux locaux du gouvernement peuvent ainsi présenter des arguments solides à l’échelon national. La décision d’influer sur le processus des plans de santé des Conseils de district permit d’affiner les efforts de plaidoyer à l’échelon national. Plusieurs donateurs (Allemagne, Canada, Danemark, Irlande, Pays-Bas, Suisse, Banque mondiale et FNUAP) contribuent au « panier de fonds » de la santé affecté directement aux plans de santé à l’échelon des districts. Le secrétariat décida alors de cibler ce dispositif spécifique de financement national – le « panier de fonds » – car les autres mécanismes de financement sont beaucoup plus larges et difficiles à influencer. En se centrant sur les plans de santé du Conseil de district et sur le Conseil lui-même, plus accessible et plus coopératif, il est possible d’influer verticalement sur le « panier de fonds ».
ENSEIGNEMENT : Décentralisation Deux réformes affectant le financement à l’échelon national menaçaient de reléguer la santé et les droits sexuels et reproductifs à un rang plus bas dans l’échelle des priorités, à savoir la réforme de l’aide au développement et la décentralisation. Ces deux réformes n’avaient pas été prises en compte dans le plan de travail initial. La décentralisation avait un impact beaucoup plus substantiel sur le plaidoyer national que l’architecture de l’aide au développement. En Tanzanie, il n’est pas possible de penser à la nouvelle architecture de l’aide au développement sans prendre en compte les processus parallèles de décentralisation. Cette architecture est explicitement axée sur l’harmonisation de l’agenda du développement à l’échelon national mais, dans de nombreux pays, ce processus a été précédé d’une décentralisation politique et budgétaire. C’est ainsi qu’aujourd’hui de nombreuses décisions ayant égard aux priorités de santé et à l’affectation des budgets relèvent des districts. Lorsque l’on étudie le processus
budgétaire et identifie les principaux lieux de décision, il est clair que les priorités nationales ne se traduisent pas toujours en priorités pour les districts. Il est donc nécessaire de séparer le plaidoyer en deux niveaux : le régional et le national. Afin de vraiment accroître le soutien politique et financier pour la santé et les droits sexuels et reproductifs, le plaidoyer doit s’opérer à ces deux niveaux. Les activités de plaidoyer furent ainsi réorientées à mi-parcours du projet vers un plaidoyer à l’échelon du district.
Champions La coalition décida alors de monter une campagne de plaidoyer pour la planification familiale comme intervention de réduction de la mortalité maternelle et décida aussi que cette campagne serait orientée sur les districts. Une fois la problématique et la stratégie de plaidoyer définies, il fallut ensuite sélectionner les champions. Cinq champions possible furent identifiés : un ancien ministre de la santé ; le président du comité parlementaire de lutte contre le VIH/sida ; un député ; le président du comité parlementaire pour la population et le développement ; et l’ancien premier ministre (membre du Comité d’honneur d’UMATI).
Planification La coalition avait donc décidé de décentraliser son plaidoyer. Cette décision avait aussi tenu compte de ce que le plaidoyer à l’échelon national était dominé par quelques groupes bien établis peu enclins à rejoindre des partenariats et de ce qu’il y avait peu d’opportunités de s’engager avec les organisations de la société civile dans les processus nationaux de décision et de budgétisation. Le manque d’engagement des membres de la coalition et la présence d’UMATI dans 13 des 23 régions du pays, l’association jouissant de surcroît d’une solide réputation en tant que prestataire de services de planification familiale, suggérèrent ainsi cette réorientation vers le niveau des districts, niveau où il y a moins de campagnes de plaidoyer. Cette réorientation offrait plus de possibilités d’influencer les décideurs et de s’appuyer sur les partenariats existants au sein d’UMATI à l’échelon de ses antennes. La sélection des districts devait se faire sur la base des taux de prévalence contraceptive et de la relation existante entre UMATI et les diverses parties prenantes du district. En outre, le plaidoyer de la société civile tend à être orienté à l’échelon national dans la capitale où il y a capacités et ressources, ce qui peut ne pas être le cas
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à l’échelon des districts où pourtant une grande majorité des décisions clefs est prise. De par sa présence dans tout le pays, UMATI était bien-positionnée pour un plaidoyer à l’échelon des districts.
ENSEIGNEMENT : Bénéfices d’un plaidoyer décentralisé à l’échelon des districts
L’expérience de partenariat à l’échelon des districts s’avéra tout à fait différente de celle à l’échelon national. Les partenaires à l’échelon des districts ont indiqué que le projet leur avait donné les ressources pour mieux travailler ensemble. Ils n’avaient jamais dans le passé reçu de financements pour travailler en partenariat et sur le plaidoyer. Ce financement leur a permis de réunir des gens pour entreprendre des activités d’intérêt mutuel qu’il n’avait auparavant pas été possible de mettre en place pour raisons de contraintes financières. Les partenaires des districts étaient enthousiastes, engagés, actifs et ils firent beaucoup plus que de donner des conseils : ils planifièrent et mirent en œuvre les activités de plaidoyer. Par exemple, à Songea, le partenaire qui préside le réseau donna son accord pour accueillir les réunions du réseau sans aucune compensation financière. L’un des partenaires à Magu fit le commentaire suivant : les organisations de la société civile sont en général en concurrence pour obtenir des fonds mais, puisqu’elles servent toutes les mêmes personnes, elles devraient donc travailler ensemble et demander un soutien de la part du gouvernement. Le réseau du district souhaite vraiment travailler ensemble sur d’autres thématiques partagées, par exemple les questions d’environnement. Le secrétariat, administré par UMATI, traduisit les accords de la coalition en un troisième plan de travail qui tenait compte de la réorientation vers l’échelon des districts. Par exemple, l’introduction de la problématique aux partenaires des districts, la formation de réseaux et le lancement de campagnes à l’échelon des districts, le partage d’études préliminaires de référence, l’élaboration de messages de communication, et l’intégration des travaux entrepris aux échelons national et des districts. D’autres activités furent aussi mises en place, par exemple : l’élaboration de documents d’information pour les champions, des visites à ces derniers, la reformulation du projet en activités de district, la mobilisation des personnels et volontaires des antennes d’UMATI, l’inventaire des organisations de la société civile à l’échelon des districts et un travail avec les médias locaux.
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ENSEIGNEMENT : Adapter Les plans de plaidoyer ont changé plusieurs fois au fur et à mesure que l’on recueillait des informations. Il y eut ainsi trois plans de travail sur 18 mois. Le plan de travail évolua tout au long du processus d’apprentissage et devint ainsi de plus en plus affiné et spécifique. Les révisions se fondèrent sur la recherche, les réunions de la coalition, les visites d’assistance technique, et les enseignements de la 1ère année. Ces changements suggèrent que le plaidoyer est un processus d’apprentissage au cours duquel les enseignements tirés de la 1ère phase sont intégrés au cours des phases suivantes. Par exemple, l’expérience des partenariats révéla que la caractérisation de la problématique et le changement de structure de la coalition furent intégrés lors de phases ultérieures. Cela implique entre autres que les stratégies de plaidoyer évoluent et qu’il fut ainsi difficile de prédéterminer les divers jalons et résultats à atteindre.
Communication Le coordinateur du projet accueillit ensuite une réunion de plusieurs managers d’antennes d’UMATI afin de leur présenter le modèle et les objectifs de plaidoyer. Il décrivit les enseignements tirés lors des efforts de mise en place de partenariats. Le groupe se concentra ensuite sur le besoin urgent, identifié par la recherche, de financer la planification familiale et sur la stratégie de plaidoyer qui est en fait fondée sur des activités destinées à influencer les Conseils de district afin qu’ils placent la planification familiale au rang de leurs priorités. Ceci inclut un plaidoyer directement dirigé vers les décideurs des Conseils de district, mais aussi un plaidoyer en vue d’influencer les arrondissements/quartiers (la municipalité se divise en tant de quartiers) pour inclure la planification familiale à leurs budgets, de telle sorte que ceci se traduise dans les budgets des districts puis ensuite dans le budget national. Le coordinateur du projet suggéra une stratégie en deux temps : tout d’abord, sensibiliser les décideurs clefs des districts à l’importance de la planification familiale puis, en un second lieu, prôner une augmentation des ressources immédiatement avant l’élaboration des Plans de santé annuels des conseils des districts. Les décideurs clefs qui pouvaient influencer les quartiers seraient sensibilisés au problème et à sa solution et devraient donc être plus sensibles à l’importance de générer plus de ressources pour la planification familiale et de montrer leur engagement. Le début des activités destinées à influencer le budget des districts fut programmé avant le processus de budgétisation. Cette réunion fut suivie d’un atelier animé par un consultant externe auquel participèrent de nombreuses parties prenantes du secteur des produits et moyens contraceptifs ainsi que des membres du personnel des antennes d’UMATI (Moshi, Magu, Songea Municipal, Songea Rural et Morogoro). L’atelier présenta la problématique,
souligna les résultats de la recherche et élabora des plans pour s’attaquer à la problématique par le biais de réseaux visant à influencer les Conseils de district pour obtenir plus de ressources pour la planification familiale. L’atelier se concentra sur le développement de stratégies d’augmentation d’un soutien politique et financier pour la planification familiale, et particulièrement les moyens de PF. La stratégie devait être mise en œuvre à l’échelon du district pour influencer les Conseils de district afin qu’ils engagent des ressources vers les services et moyens de planification familiale, l’objectif final étant de monter une campagne nationale de plaidoyer et de sensibilisation. Cet atelier fut la première étape d’un travail efficace à l’échelon des districts auquel furent intégrés les enseignements tirés des activités de l’année précédente. Le coordinateur du projet effectua ensuite des visites d’assistance technique dans chacun des districts du projet afin d’aider à établir le réseau. Ceci marqua un changement significatif du rôle du coordinateur du projet. Ce dernier en effet soutenait tout d’abord la coalition nationale et, lentement, il se mit à transmettre des informations, assurer un suivi et fournir une assistance technique aux réseaux des districts. Dans chaque district, des réunions furent organisées avec les organisations de la société civile, les coordinateurs de la santé reproductive et infantile du gouvernement local et les responsables de l’urbanisme, ce afin de lancer le réseau et élaborer les plans d’actions. Les réseaux de district étaient composés d’UMATI, du médecin examinateur et des organisations locales de la société civile. Sur la base des enseignements tirés des premiers efforts de partenariat à l’échelon national, le secrétariat à l’échelon du district était composé d’UMATI et d’autres organisations de la société civile ; UMATI cependant ne présidait pas le secrétariat. En outre, le médecin examinateur du district, le coordinateur de santé reproductive et infantile et les agences du gouvernement participaient au réseau et aux activités de planning car, non seulement représentaient-ils un excellent vecteur d’introduction de la problématique à l’équipe de direction du district, mais ils pouvaient aussi aider à identifier les messages et opportunités de plaidoyer. Chaque réseau entreprit un exercice de mapping budgétaire à l’échelon du district afin d’identifier les cibles qui pouvaient influencer l’allocation du budget. Sur la base de cela, il fut décidé de ne pas travailler à l’échelon des quartiers car les organisations de la société civile y ont peu d’influence. Les équipes de direction des districts seront donc l’objet de l’attention de la campagne de plaidoyer et à leur tour elles influenceront les processus de décision au niveau des quartiers. Les réseaux de districts ont élaboré des plans pour sensibiliser à la planification familiale les équipes de direction des districts, les comités de services sociaux et le Conseil plénier des districts, plus particulièrement les directeurs exécutifs et les Conseils des districts. Furent ainsi inclus à ces plans l’élaboration de fiches appropriées au contexte local et l’organisation d’activités de sensibilisation
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avec les équipes de direction de la santé des Conseils de districts à Magu, Songea Municipal et Morogoro. Les fiches traitaient de la planification familiale et de la mortalité maternelle et offraient aussi deux messages clefs, à savoir : la sensibilisation à la contraception est élevée mais pas son utilisation, ce pour des raisons de manque de produits/moyens et de choix ; les plans de santé des Conseils de district sont l’occasion de résoudre ce problème.
ENSEIGNEMENT : Module de plaidoyer standardisé pour chaque district
Les cinq districts utilisèrent la même méthodologie de plaidoyer : mapping du processus budgétaire à l’échelon des districts avec des points d’intervention de la société civile (confirmés par le service de santé reproductive et infantile et les médecins examinateurs), identification d’objectifs standards de plaidoyer (équipes de direction des districts, comités des services sociaux, et Conseils pléniers des districts), utilisation d’outils standards de communication (fiches, réunions) prévue pour coïncider avec les processus budgétaires des districts et nationaux. Les réseaux de plaidoyer effectuèrent des activités de sensibilisation centrées sur la mobilisation de ressources auprès de 15 cibles précises.
ENSEIGNEMENT : Différences entre réseaux de district et réseau national
Il y a beaucoup de différences entre la mise en place et la gestion d’un réseau de district et celles d’un réseau national. La première tient au nombre de membres. UMATI pensait qu’elle devait avoir au moins 10 membres pour former une coalition nationale et s’est donc tout d’abord concentrée sur ce critère. A l’échelon des districts, la stratégie fut différente, les réseaux ne débutant qu’avec peu de membres, sans nombre fixe, et étant autorisés à croître au fil du temps. Ceci évita de gâcher du temps à
essayer de convaincre des gens à se joindre au réseau, et permit de commencer très vite avec des personnes convaincues et désireuses de travailler sur la question. Une autre différence tient à la structure organisationnelle des réseaux. UMATI était à la fois le secrétariat et la présidence de la coalition nationale qui émettait des suggestions et où les décisions étaient le résultat d’un consensus. La coalition fonctionnait donc comme un organe consultatif. A l’échelon du district, le secrétariat est composé de membres d’UMATI et des organisations de la société civile et sa présidence n’est pas assurée par UMATI. Les partenaires du district ont participé activement aux activités du réseau, de la planification à la mise en place des activités de sensibilisation. UMATI commença alors à lier les activités de l’échelon des districts à l’échelon national afin d’influencer les responsables du budget national. Comprise dans les diverses activités de plaidoyer, il y avait aussi la mobilisation des champions identifiés. Les activités mises en place à l’échelon national complétèrent et s’appuyèrent sur les activités de district. C’est ainsi que la coalition nationale fut élargie aux représentants du gouvernement, parlementaires et membres des médias. La coalition nationale effectua un plaidoyer pour débloquer des fonds vers les produits/moyens de santé de la reproduction. Depuis 2007, la majorité de l’aide au développement en provenance de l’étranger a été transférée vers une assistance budgétaire directe, ce qui a eu pour résultat une baisse drastique des montants affectés à la planification familiale. (Le tableau illustre comment le financement de la planification familiale a baissé depuis la mise en place de l’assistance budgétaire directe en 2007/2008.) En outre, le gouvernement tarda à débloquer les fonds 2008/2009 : il ne débloqua les 3,5 milliards shillings (US$2.6 millions) affectés pour 2008/09 en avril 2009 après le travail de plaidoyer de la coalition nationale auprès des médias.
Tableau 1 : Baisse du financement de la planification familiale Année
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Besoins estimés (Shillings tanzaniens)
Montant affecté
Montant débloqué
2004/05
7,7 milliards (US$5.9 m)
7,7 milliards (US$5.9 m)
7,7 milliards (US$5.9 m)
2005/06
6,9 milliards (US$5.9 m)
6,9 milliards (US$5.9 m)
6,9 milliards (US$5.9 m)
2006/07
6,9 milliards (US$5.9 m)
4,8 milliards (US$3.6 m)
8,7 milliards (US$6.6 m)
2007/08
6,4 milliards (US$4.9 m)
4,3 milliards (US$3.3 m)
2,2 milliards (US$1.6 m)
2008/09
9,2 milliards (US$7 m)
3,2 milliards (US$2.4 m)
3,5 milliards (US$2.6 m)
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Evaluation Au cours des deux dernières années UMATI est devenue de plus en plus reconnue et visible en tant qu’expert de la planification familiale. Une anecdote à propos de la participation d’UMATI au Groupe de travail de la White Ribbon Alliance illustre bien cela. Lorsque l’Alliance demanda des suggestions de thèmes pour la journée du Ruban blanc, le représentant d’UMATI, le coordinateur du projet, leva la main. L’animateur dit alors : “Nous savons que vous voulez mettre l’accent sur la planification familiale.” Lors de la journée mondiale de la population, le gouvernement lança le comité national de repositionnement de la planification familiale et UMATI fut invitée à faire une présentation sur les nouveaux mécanismes de financements et les façons de repositionner la planification familiale. UMATI est membre du groupe de travail chargé de travailler sur les coûts de la planification familiale par le comité national. L’association travaille aussi avec des organisations régionales et internationales de la société civile afin de leur parler de son expérience du plaidoyer à l’échelon des districts.
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Références et notes 1
Pour plus d’information sur le palidoyer pour la santé et les droits sexuels et reproductifs, veuillez consulter l’ouvrage de la Fédération internationale pour la planification familiale (2007) Act Now! A Reference Guide for Sexual and Reproductive Health and Rights Advocates. London : IPPF.
2
Family Health International Institute for HIV/AIDS (2002) Behaviour Change Communications for HIV/AIDS : A Strategic Framework. Arlington US : FHI, Glossary.
3
Shiffman, J and Smith, S (2007) Generation of political priority for global health initiatives : a framework and case study of maternal mortality. The Lancet. 3709(9595), pp.1370–1379.
4
Lindenberg Center for Humanitarian Action, International Development and Global Citizenship (2008) Advocacy Impacts, Learning and Evaluation Community of Research and Practice (AIsLE CoRP) Literature Review. Seattle : University of Washington.
Chapman, J and Wameyo, A (2001) Monitoring and Evaluating Advocacy : A Scoping Study. Action Aid, www.actionaid.org/ assets/pdf/Scoping%20advocacy%20paper%202001.pdf
Annie E Casey Foundation (2007) A Guide to Measuring Advocacy and Policy, www.aecf.org/upload/PublicationFiles/ DA3622H5000.pdf
5
Ibid.
6
Coffman, J (2007) Advocacy Evaluation Trends and Practical Advice. Prepared for the Advocacy Impact Evaluation Workshop sponsored by the Marc Lindenberg Center at the University of Washington’s Evans School of Public Affairs.
7
Ibid.
8
Le directeur général d’AdvocacyNigeria est une journaliste primée et une scientifique politique. Elle a travaillé pour le ministère de l’Information (Kano) et a dirigé plusieurs journaux et magazines. Elle est un contributeur régulier au journaux nationaux DailyTrust et Leadership. Elle a fondé Women in Nigeria (WIN) [Femmes du Nigéria] et la Fédération des associations de femmes musulmanes du Nigéria (FOMWAN). Elle est au conseil d’administration de FOMWAN, de Health Education Réform in Nigeria [Réforme pour l’éducation à la santé du Nigéria], ABANTU for Developpement et de nombreuses autres organisations.
9
Cela inclut le Leadership Development Mechanisms, Visionary Leadership Programme et le International Family Planning Leadership Programme, tous financés par la Fondation Packard. D’autres programmes de formation incluent le Leadership Development Programme et le Emerging Leaders Development Programme financés par la Fondation MacArthur.
10 La méthodologie de plaidoyer de Spit Fire est une stratégie de plaidoyer dirigée vers des politiciens et personnes influentes identifiées au sein d’une communauté. 11 Les chefs d’Etats et de gouvernements de 533 pays d’Afrique se sont réunis à Abuja, au Nigéria, en avril 2000 et ont promis d’affecter au moins 15% de leur budget annuel national à la santé. 12 Le gouverneur qui a mis en place les services gratuits a quitté ses fonctions depuis, mais les services gratuits continuent. 13 L’Ipas a calculé que le coût des services de santé maternelle gratuits au niveau d’un État était de 11 milliard de naira par an (75 million de dollars US). 14 Les membres d’AdvovacyNigeria se sont avérés essentiels dans cette opportunité clé de plaidoyer, en particulier pour Health Education Réform in Nigeria [Réforme pour l’éducation à la santé du Nigéria]. Le Centre pour le développement de la recherche et des projets a organisé une visite de plaidoyer au gouverneur de l’État du Niger, Alhaji Muazu Bababangida Aliyu, qui est le président du Forum des États du Nord, pour faire en sorte que la question de la santé maternelle soit à l’ordre du jour du Sommet des États du Nord sur la Santé de 2007. 15 Chacun de ces réseaux de niveau de l’état est composé de professionnels expérimentés représentant un large spectre d’organisations, dont des groupes religieux, des chefs traditionnels, des officiels gouvernementaux, des activistes féministes et des professionnels de santé. 16 Le contenu des services de santé maternelle gratuits varie d’un État à l’autre. Certains incluent les soins obstétriques d’urgence, les soins prénataux et l’espacement des naissances. 17 Dans certains secteurs, comme Borno et Katsina, les femmes de gouverneurs se sont particulièrement impliquées dans l’avancée du plaidoyer.
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