Jamila ZINELABIDINE, Un Regard Anachronique _ Mémoire d'Architecture, ENAU _ Septembre 2020

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Mémoire d’Architecture

Un Regard Anachronique Bulla Regia, L’art caché entre Latent et Manifeste

Réalisé par

Jamila ZINELABIDINE

Directrice de mémoire

Mme. Hedia BEN NILA KHAZNADAR

Session

Septembre 2020



«J’aime l’idée que le temps a une forme et qu’il nous faut seulement apprendre à la voir. Cela me donne passagèrement le sentiment de pouvoir transcender l’histoire factuelle pour faire partie de l’ensemble plus vaste de l’existence humaine. J’ai d’abord conscience d’un axe temporel, une ligne, et je me trouve à l’extrémité de cette ligne, dans une position plutôt inconfortable. Mais ensuite je vois tellement de choses, de choses du passé, et je suis une partie de tout cela, jusqu’au point où le sentiment linéaire du temps se dissout, tout est un, tout est présence.»1 P. ZUMTHOR

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ZUMTHOR Peter, LENDING Mari, Présences de l’histoire, 2019, p 39-40

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emerciements

Je tiens à remercier, en premier lieu, ma directrice de mémoire, Mme. Hedia Ben Nila Khaznadar pour son soutien inconditionnel, sa patience et sa disponibilité tout au long de la réalisation de ce travail. Un grand merci à M. Mounir Dhouib pour ses précieux conseils et son encouragement. J’adresse mes sincères remerciements à ma famille, mes parents, ma sœur ainsi que mon frère qui ont toujours été présents par leurs avis, critiques et encouragements, sans qui je n’en serais pas là aujourd’hui. Je remercie également mes amis qui ont toujours été présents pour moi et qui m’ont apporté toute la motivation et le soutien dont j’avais besoin. Merci à tous les intervenants qui ont contribué de près ou de loin à l’aboutissement de ce mémoire d’architecture.

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ésumé

Ce mémoire d’architecture témoigne d’une réflexion interrogeant le sens de bâtir. Il s’agit d’une quête d’une architecture atemporelle portant l’intérêt des architectes concepteurs sur le chevauchement de l’art architectural d’hier et d’aujourd’hui dans le but d’une prise de position par rapport aux mitoyennetés contemporaines. Notre travail tente de porter un nouveau regard poétique sur le patrimoine architectural issu d’une réflexion qui se veut philosophique, sensible, émotionnelle portant sur les lieux, créant leur régénérescence par leurs esprits d’hier et d’aujourd’hui, visant à leur insuffler une poïétique nouvelle transcendant la notion du temps. Nous avons choisi, dans le cadre de notre étude, d’appréhender une cité romaine des plus particulières, celle de Bulla Regia, dont le lieu porte l’histoire de multiples civilisations, un lieu des plus riches nécessitant d’être révélé au grand jour appelant à une réécriture architecturale, émotionnelle, anachronique.

Mots clés Mitoyenneté, Pérennité, Histoire, Contemporanéité, poïétique, lieux, Atemporalité, Sensorialité, mémoire, émotion

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ommaire

Remerciements..................................................................................................................................... 6 Résumé.................................................................................................................................................. 7 Avant-propos..........................................................................................................................................9 Introduction générale............................................................................................................................11 Problématique .....................................................................................................................................12 Méthodologie ......................................................................................................................................14

Chapitre I : Mitoyennetés contemporaines en architecture .................................17 1.1 Patrimoine d’hier et d’aujourd’hui...............................................................................................18 1.2 Pérennité im/matérielle d’un patrimoine.........................................................................................24 1.3 Mitoyenneté contemporaine en architecture...................................................................................34 CONCLUSION...................................................................................................................................45

Chapitre II : Vers une conquête de l’histoire, Appréhension du lieu ...................47 2.1 Bulla Regia : Naissance d’une cité romaine......................................................................................48 2.2 Les sens aux aguets : Entre perception et imagination....................................................................60 2.3 Synthèse: Esprit du lieu, Un art caché entre latent et manifeste.....................................................78 CONCLUSION...................................................................................................................................81

Chapitre III : Bulla Regia, du rêve à l’action .........................................................83 3.1 Diagnostic : Etat des lieux .................................................................................................................84 3.2 Choix de l’intervention.......................................................................................................................96 3.3 Choix de l’emplacement du projet ..................................................................................................102 3.4 Analyse du site d’action ...................................................................................................................108 CONCLUSION.................................................................................................................................113

Chapitre IV : Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée.....115 4.1 Références Architecturales et urbaines...........................................................................................116 4.2 Structuration, Émergence de l’art caché..........................................................................................136 4.3 De la structuration à la transformation .........................................................................................142 Conclusion générale...........................................................................................................................159 Bibliographie......................................................................................................................................160 Tables des figures................................................................................................................................162 Tables des matières.............................................................................................................................166 8


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vant-Propos

Le temps, une notion qui m’a toujours intriguée... Qu’est-ce que le temps, le passé, le présent? L’histoire est-elle vraiment celle du passé? Comment se fait-il alors qu’elle soit toujours là? aujourd’hui, présente, pérenne. La place de l’histoire reste, de nos jours, énigmatique dans la conception de nos villes d’aujourd’hui. Comment se positionner face à cette corrélation entre passé et présent architectural? Nous avons eu l’occasion d’expérimenter la notion de mitoyenneté contemporaine, interdépendance du passé et du présent par le biais de l’art architectural, dans le cadre du programme d’échange à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon. Cette thématique m’a beaucoup interpellée par rapport à notre contexte tunisien appelant à une méditation sur la cohabitation de ses richesses patrimoniales face à une écriture contemporaine de son identité. Bulla Regia, cité romaine portant une histoire atypique n’étant pas de l’ordre de l’anodin, représente pour moi une révélation dont la surface ne reflète nullement sa richesse intérieure enfouie . Ma passion pour ce lieu des plus extraordinaires m’a menée à continuer cette quête d’une architecture atemporelle, anachronique, sensorielle, en développant la notion de mitoyenneté contemporaine à travers l’appréhension du lieu de Bulla Regia par un nouveau regard, vers un nouveau vécu, actuel.

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Figure 1, Traces du passĂŠ, Bulla Regia. Source: Auteur

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ntroduction générale

La thématique de recherche à laquelle nous nous intéressons propose d’appréhender différemment l’art architectural par une approche portant l’intérêt des concepteurs aux « lieux », dont le rapport à l’architecture est très étroit, une relation de complémentarité, l’un alimente l’autre, le nourrit de sa richesse pour créer une certaine harmonie parfaite. Nombreux théoriciens s’accordent à dire que le lieu est une association de l’objectif et du subjectif, du mesurable et de l’incommensurable, du concret et de l’abstrait. Le lieu fait l’objet d’une interaction entre les éléments physiques le constituant et la perception sensible que l’on peut en avoir. C’est par cette dualité qu’émane l’esprit du lieu, son ‘génie’ n’attendant qu’à être révélé par l’architecte créateur. L’architecte, historien et théoricien Christian Norberg Schulz affirme que le lieu est « quelque chose de plus qu’une abstraite localisation … un phénomène total et qualitatif ne pouvant être réduit à aucune de ses propres caractéristiques ».2 C’est, partant de cette approche, que nous avons commencé nos questionnements sur les lieux potentiels à mettre en valeur en Tunisie, lieux porteurs de rêves et de poétiques. Et quoi de plus important à valoriser que les racines elles-mêmes, l’essence de tout ce qui est aujourd’hui, l’histoire. Notre intérêt a tout d’abord porté sur les cités romaines en Tunisie, leur signification, leur monumentalité, mais ce qui nous a le plus interpellée a été de l’ordre du vécu de l’usager lors du parcours de déambulation à travers l’espace, les mouvements d’ascension et de descente, le paysage prônant, le silence qui nous paraissait éloquent et porteur de signification, la radicalité des monuments et leur qualification spatiale inégalable, entre émerveillement et intrigue qui prennent l’usager et l’envie de faire revivre la mémoire des lieux. Nous en sommes arrivée à nous demander comment les Romains pouvaient, par une simple application d’un prototype de plan, véhiculer autant de sens et s’approprier les lieux. Il s’agit, par ce travail de recherche, de partir à la conquête de l’histoire, de la mémoire, une conquête qui n’est nullement guerrière ni conflictuelle, mais poétique, sensorielle, dans le but de tenter une réécriture sensible, philosophique, en confrontant l’histoire d’hier et de demain à la contemporanéité. Il s’agit de la recherche d’une architecture qui se veut atemporelle, anachronique. Schulz dit, en ce sens, « Ainsi, l’universel se manifeste à travers le temps, et la temporalité du monde de la vie est qualitative. Cette temporalité n’a donc pas grand-chose à voir avec le temps horizontal et homogène que comprend la science et dans lequel tout est fixé en fonction de la date de l’évènement. Dans le monde de la vie, le temps s’enfuit parfois à toute vitesse, ou bien coule lentement ; il arrive même qu’il semble s’arrêter. En outre, le présent s’y nourrit bien souvent du passé et s’ouvre au futur. Par conséquent, l’histoire est un tissu polyphonique complexe dans lequel des courants et des époques sont reconnaissables et, ou, sous des formes différentes perdure « le même » . »3 Par ses dires, Schulz marque la différence entre temps et temporalité, le premier faisant la pérennité des choses, sous différentes formes et différentes qualifications, tandis que la seconde, la temporalité est de l’ordre du sensible, de l’interprétation, intégrant le passé, agissant sur le présent, fabriquant l’avenir. 2 3

SCHULZ Christian Norberg, Genius loci, 1981, p.8 SCHULZ Christian Norberg, L’art du lieu, Edition du moniteur, 1997, p.82

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roblématique

On vit, de nos jours, dans une ère contemporaine de cohabitation avec l’histoire, la mémoire, celles-ci étant génératrices de ce qui « est » aujourd’hui. On parle alors de patrimoine à préserver. Le contraste des langages architecturaux de l’époque et d’aujourd’hui reste cependant indéniable. La question de la valorisation du patrimoine est un sujet porteur de polémiques, qui interpelle actuellement les concepteurs d’espaces. Comment se positionner face à l’histoire ? Comment la revivifier tout en lui restant fidèle ? En parlant de patrimoine, on parle de l’ensemble des constructions humaines ayant une grande valeur historique puisqu’elles caractérisent une époque, une civilisation, un vécu qu’il est nécessaire de transmettre aux générations futures. La question qui se pose relève du croisement entre ce patrimoine à préserver et l’actualité contemporaine d’aujourd’hui, interrogeant la notion du temps en architecture. Ce croisement se fait par une considération de l’esprit du lieu dans lequel l’architecte créateur opère, créant un lieu de contact, une interface entre histoire, mémoire et contemporanéité. On en arrive à interroger la mitoyenneté contemporaine, avec l’objectif de susciter l’émergence d’une prise de position critique de l’architecte concepteur. Chaque action architecturale est une prise de position qui interroge notre relation à un lieu, à une époque, à une pensée. Savoir se positionner nécessite un travail de recherche rigoureux, qui questionne le bien fondé de nos réflexions. Qu’est-ce que la contemporanéité ? Qu’est-ce que le patrimoine ? Qu’estce que la pérennité ? Luca Ortelli affirme que « La pérennité dont il est question semble alors dépendre d’aspects à la fois matériels et immatériels. L’histoire nous montre que la pérennité physique d’un bâtiment est toujours liée à la durée du sens qu’on lui attribue, à l’intelligibilité de sa signification, même au-delà de sa raison d’être fonctionnelle ».4 Il s’agit au cours de ce travail de recherche de scruter cette pérennité matérielle et immatérielle, de savoir se positionner par rapport à un contexte contemporain qui est, de nos jours, face à sa propre mémoire. Nous considérons que l’architecture n’est que prétexte pour exprimer un engagement philosophique, poétique ou politique. Il s’agit, au cours de cette étude d’interroger le sens de bâtir vers une quête d’un sens atemporel de l’art architectural. C’est par ce questionnement que nous avons commencé à porter notre intérêt sur l’Empire romain, à nous intéresser à la composition de la cité romaine et aux possibles particularités qui pouvaient exister, Bulla Regia en était la réponse, ville du passé marquant la différence par son caractère particulier, se dénotant d’un langage romain typique, un modèle d’architecture vernaculaire de l’histoire qui est de nos jours assez délaissé, une manière de construire donnant lieu à des atmosphères inédites.

4 ORTELLI Luca, « Considérations sur la Pérennité en Architecture », Bruno Marchand, Pérennités, Lausanne : Presses polytechniques et universitaires romandes, 2012, p. 33.

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Un lieu sans précédant, portant histoire et porteur d’histoire, lieu d’interactions entre diverses et multiples civilisations, dont la signification et les particularités ne sont que siennes. Notre premier parcours de visite était une découverte sensationnelle sur tous les plans. Nous avions entrepris une visite en ayant un minimum de connaissances sur la cité romaine mais les surprises ne furent pas des moindres. L’aspect général de la cité de Bulla Regia n’évoquait aucunement sa richesse intérieure, ni ses qualités architecturales n’attendant qu’à être révélées au grand jour. Bulla Regia, la cité souterraine illuminée est l’une des plus grandes réalisations d’hier et leçons d’aujourd’hui donnant à réfléchir sur l’architecture contemporaine et sur sa capacité à répondre aux conditions qu’impose la nature. Une source de réflexion sur l’architecture du passé, du présent ainsi qu’à celle de l’avenir, sur la manière d’agir de l’architecte créateur contemporain, comment contemporanéiser les traces du passé sans en perdre l’authenticité ? A l’image des vers clamés par R. M. Rilke : « O nostalgie des lieux qui n’étaient point Assez aimés à l’heure passagère Que je voudrais leur rendre de loin Le geste oublié, l’action supplémentaire . »5 Comment se positionner architecturalement face à une telle richesse enfouie à valoriser ? Comment réinterpréter l’existant par un langage contemporain tout en préservant ses qualités architecturales et sensorielles ? Comment accompagner l’histoire par une nouvelle temporalité, celle d’un temps qui se veut être contemporain et dont le langage architectural diffère de celui d’hier ? Comment faire face à la problématique de la mitoyenneté contemporaine, celle qui confronte l’histoire à l’actualité architecturale et urbaine, dans notre approche de conceptualisation visant à régénérer, revivifier l’esprit d’un lieu chargé d’histoire? Suffit-il de valoriser les traces du passé par la réécriture d’un parcours de visite sensoriel dans le but de révéler l’esprit de Bulla Regia, ou est-il nécessaire de créer un lieu portant cet esprit, un lieu de mémoire au service du passé véhiculant un vécu présent? Autant d’interrogations à penser, que de questionnements à approfondir...

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RILKE Rainer Maria, Vergers, Gallimard, 1978, p91.

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éthodologie

Ce mémoire d’architecture interroge la place du patrimoine matériel et immatériel dans la ville contemporaine d’aujourd’hui éclairé par une nouvelle notion, celle de la mitoyenneté, essence du quotidien de l’homme dans son environnement proche et lointain. Il s’agit d’une quête du sens de bâtir par l’appréhension d’un lieu historique des plus atypiques, la cité romaine de Bulla Regia. Nous tentons d’apporter une nouvelle écriture de l’histoire souvent considérée comme figée. Nous interprétons l’esprit de la ville du passé vécue par une nouvelle temporalité, celle du présent, par une approche qui se veut poétique, émotionnelle, faisant appel aux sens. Elle représente une nouvelle manière d’interroger la notion du temps, de vivre autrement l’histoire au travers d’un nouveau regard: un regard atemporel, anachronique.

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2 Nous nous intéressons, dans le premier chapitre, aux différentes notions relatives à l’histoire, au patrimoine im-matériel, à la pérennité et à la mémoire. Nous abordons selon multiples visions de philosophes et d’architectes l’idée de la mitoyenneté contemporaine, une interdépendance d’époques, de temporalités dont les langages architecturaux et urbains divergent pour s’unir. Notre étude se base donc sur une prise de position critique par rapport à cette corrélation énigmatique entre passé et présent, histoire et contemporanéité.

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Dans le second chapitre, nous tenterons d’’approfondir ces notions par une approche plus concrète. Elle se fera par l’interrogation de la réalité d’un lieu portant histoire et porteur d’histoire, Bulla Regia, cité romaine dont les richesses enfouies n’attendent qu’à être révélées au grand jour. Il s’agit d’une conquête de l’histoire, de la mémoire, de l’esprit de ce lieu inédit. L’appréhension de la ville historique se fait au travers d’un regard nouveau, celui du vécu d’un présent d’une ville du passé, un regard poétique, sensible, visant à saisir l’esprit du lieu étant l’essence de l’action architecturale que l’on tentera de projeter.


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4 Le troisième chapitre représente le passage du rêve à travers les ruines de Bulla Regia à la réalisation, de l’imagination à la structuration d’une action architecturale issue de ce lieu-même à partir de ses besoins et nécessités en terme de valorisation et de mise en lumière. Il s’agit donc d’une analyse concrète et sensible des attentes de la cité romaine et des potentialités de son lieu d’insertion pour arriver à déterminer et à fixer les contours d’une intervention architecturale digne de ce que le lieu a à offrir.

Nous arrivons enfin au passage de la structuration à la transformation du lieu. Le quatrième et dernier chapitre montre la concrétisation de l’intervention architecturale et urbaine sur le lieu de Bulla Regia allant de la programmation à la genèse d’un projet de revalorisation s’appuyant sur les concepts clés dictés par l’esprit du lieu et d’autres s’imprégnant de références architecturales. Nous tenterons de répondre aux questionnements de départ au sujet de cette mitoyenneté contemporaine, ceci n’étant que le commencement d’un rêve d’une architecture atemporelle, sensorielle, au service de l’homme et du lieu.

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Figure 2, Kolumba museum, Peter ZUMTHOR. Source: https://voirenvrai.nantes.archi.fr?p=8052


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hapitre I

Mitoyennetés contemporaines en Architecture

Nous amorçons notre réflexion par ce premier chapitre, où nous interrogeons la place du patrimoine architectural et urbain dans la ville contemporaine d’aujourd’hui. Il nous a semblé primordial de prendre le recul nécessaire afin de saisir la signification et la symbolique de ce patrimoine historique dans le but de susciter une prise de position critique par rapport à l’architecture d’aujourd’hui afin de savoir mieux agir à l’avenir. Pour cela, il nous parait essentiel de saisir toutes les notions relatives à l’interaction entre les lieux et l’homme, ce dernier étant au centre de l’étude. Ces thématiques, dont multiples philosophes ont traité, vont du général, comme la pérennité matérielle et immatérielle, au particulier, intégrant l’homme, dont la mémoire, le vécu, les souvenirs, pour finalement arriver à se positionner face à la problématique de la mitoyenneté contemporaine. Ce chapitre se structurera donc en trois partis distinctes : -Patrimoine d’hier et d’aujourd’hui -Pérennité Im/matérielle d’un Patrimoine -Mitoyenneté contemporaine en Architecture 17


Mitoyenneté contemporaine en Architecture

1.1.

Patrimoine d’hier et d’aujourd’hui 1.1.1 La notion de patrimoine : symbolique et signification L’UNESCO, Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture, définit le patrimoine culturel comme suit : « Le patrimoine culturel est, dans son sens le plus large, à la fois un produit et un processus qui fournit aux sociétés un ensemble de ressources héritées du passé, créées dans le présent et mises à disposition pour le bénéfice des générations futures. Il comprend non seulement le patrimoine matériel, mais aussi le patrimoine naturel et immatériel. Néanmoins, comme il l’a été relevé dans «Notre diversité créatrice» , ces ressources constituent des «richesses fragiles» et nécessitent comme telles des politiques et des modèles de développement qui préservent et respectent la diversité et le caractère unique du patrimoine culturel, car une fois perdues, elles ne sont pas renouvelables. »6 Le patrimoine architectural caractérise une époque, une civilisation antérieure dont l’histoire et la mémoire possèdent une grande valeur pour la société d’aujourd’hui. Il rassemble les monuments, les ensembles architecturaux de constructions urbaines, les sites, œuvres combinées de l’homme et de la nature et donc toutes réalisations particulièrement remarquables en raison de leurs intérêts historique, archéologique, scientifique, artistique, social ou technique. Il s’agit de l’essence de ce qui « est » aujourd’hui et nous avons pour rôle de le préserver et de le transmettre aux générations futures. L’image de la ville de Luxembourg dans la figure ci-dessous, reflète par son premier plan, l’histoire par ses ruines restantes, face à la ville contemporaine d’aujourd’hui en arrière-plan, une corrélation, interdépendance mais aussi une opposition de langages, le passé subsistant toujours autant à l’usure du temps.

Figure 3, Ville de Luxembourg, Patrimoine et contemporanéité Source: https://www.vdl.lu/fr/visiter/art-et-culture/architecture-et-patrimoine 6 https://fr.unesco.org/creativity/sites/creativity/files/digital-library/cdis/Dimension%20Patrimoine.pdf

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Mitoyenneté contemporaine en Architecture Afin d’interroger la manière avec laquelle les concepteurs de demain se doivent d’agir face à un patrimoine à préserver, il est important de saisir ses différentes typologies, celles du patrimoine matériel et immatériel tel qu’énoncé par l’UNESCO.

1.1.2. Patrimoine matériel et immatériel Trois types de patrimoine sont à distinguer selon l’UNESCO, le patrimoine matériel, et donc architectural, le patrimoine immatériel relevant des traditions typiques à chaque civilisation et le patrimoine naturel, considérant le paysage naturel à préserver. « Le patrimoine est l’héritage du passé dont nous profitons aujourd’hui et que nous transmettons aux générations à venir. Nos patrimoines culturel et naturel sont deux sources irremplaçables de vie et d’inspiration. […] Ce qui rend exceptionnel le concept de patrimoine mondial est son application universelle. Les sites du patrimoine mondial appartiennent à tous les peuples du monde, sans tenir compte du territoire sur lequel ils sont situés. »7 a. Patrimoine matériel, un patrimoine architectural Selon la convention pour la sauvegarde du patrimoine architectural, l’expression « patrimoine architectural » est considérée comme comprenant les monuments, les ensembles architecturaux urbains ou ruraux, les sites, œuvres combinées de l’homme et de la nature partiellement construites et constituant des espaces faisant l’objet d’une délimitation topographique ainsi que toutes réalisations particulièrement remarquables en raison de leur intérêt historique, scientifique, social ou technique.

Patrimoine im-matériel

Patrimoine Naturel

PATRIMOINE Histoire Vécu

Homme

Architecture

Paysage

Nature Végétal

Figure 4, Patrimoine im-matériel et naturel, Source: Auteur 7 Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture, « Notre patrimoine mondial », Convention du patrimoine mondial, extrait de: https://whc.unesco.org/fr/ conventiontexte/ .

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Mitoyenneté contemporaine en Architecture

Figure 5, Grande mosquée de Kairouan, Entre histoire et signification, Source: http://booking.edentours.tn/

Prenons l’exemple de la Grande Mosquée de Kairouan. Fondée en 670, classée patrimoine architectural, elle est l’une des œuvres architecturales majeures de la civilisation arabo-musulmane ayant servi de modèle à de nombreux lieux de culte de l’Occident Musulman. Sa présence dans la ville de Kairouan est imposante, représentant son histoire, abritant la mémoire et l’identité de ses habitants à travers sa matérialité architecturale porteuse de sens. Il est tout aussi nécessaire de considérer le patrimoine d’un autre point de vue, l’aspect immatériel, de l’ordre du vécu, de la culture, des traditions, du savoir-faire, de ce qui fait nos différences et nos particularités à travers le monde. B. Patrimoine immatériel, un patrimoine culturel Le patrimoine immatériel est défini selon la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel comme suit: « On entend par patrimoine culturel immatériel les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire – ainsi que les instruments, objets, artefacts et espaces culturels qui leur sont associés – que les communautés, les groupes et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel. »8

Figure 6, Le merenge , danse nationale de la République Dominicaine Source : http://www.voyagerpratique.com/2016/12/le-merengue-au-patrimoine-immateriel-de.html

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8 https://fr.wikipedia.org/wiki/Convention_pour_la_sauvegarde_du_patrimoine_culturel_immat%C3%A9riel


Mitoyenneté contemporaine en Architecture Certains monuments historiques dénotent d’une double caractéristique à la fois matérielle et immatérielle, l’art architectural étant lui-même patrimoine matériel, abrite un vécu, des traditions, une histoire dont la signification fait partie, de nos jours, de notre mémoire de ce lieu, faisant ainsi de l’œuvre architecturale un patrimoine matériel et immatériel à la fois.

Continuité

Ensembles ruraux Traces du passé

Patrimoine matériel

Urbanisme

Patrimoine immatériel

Pratiques Savoir-faires

Culture

Œuvres architecturales

Expressions Figure 7, Patrimoine matériel et immatériel. Source: Auteur

C. Patrimoine naturel, un patrimoine à préserver Le patrimoine naturel est défini par l’UNESCO comme suit: « sont considérés comme « patrimoine naturel » : les monuments naturels constitués par des formations physiques et biologiques ou par des groupes de telles formations qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue esthétique ou scientifique, les formations géologiques et physiographiques et les zones strictement délimitées constituant l’habitat d’espèces animale et végétale menacées, qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de la science ou de la conservation, les sites naturels ou les zones naturelles strictement délimitées, qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de la science, de la conservation ou de la beauté naturelle. »9 Le paysage, produit de la nature elle-même dans sa pureté la plus radicale, représente tout autant un type de patrimoine naturel que l’homme se doit de préserver.

Figure 8, Paysage de Teboursouk, Tunisie, Patrimoine naturel, Source: https://fr.wikipedia.org/wiki/Téboursouk 9 Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture, Extrait de: https:// whc.unesco.org/fr/conventiontexte/ 21


Mitoyenneté contemporaine en Architecture

1.1.3. Synthèse

Histoire Patrimoine Im/Matériel

Contemporanéité Actualité

Ancien

Nouveau

Interface

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Mitoyenneté contemporaine en Architecture

Les villes contemporaines d’aujourd’hui représentent un lieu d’interaction entre multiples civilisations dont les langages leur sont propres tenant compte d’un patrimoine matériel et immatériel se devant d’être préservés. Cette diversité donne lieu à une richesse architecturale pouvant tout autant être considérée comme opposition. On ne peut nier le contraste des architectures d’hier et d’aujourd’hui, au niveau de la conception comme au niveau de la mise en œuvre. Les besoins et nécessités des villes du passé n’étaient pas les mêmes que ceux d’aujourd’hui. Les critères ont changé ainsi que l’art architectural lui-même, on ne peut cependant juger lequel des deux est le plus juste, ou même les comparer. C’est cette interface entre histoire et actualité, ancien et nouveau, patrimoine im/matériel et contemporanéité, qui suscite multiples interrogations chez les concepteurs d’aujourd’hui. Nier l’histoire et privilégier la contemporanéité ? Revenir aux racines et être fidèle à la mémoire tout en négligeant les apports théoriques et technologiques d’aujourd’hui ? Ou est-il réellement nécessaire de faire un choix entre les deux positionnements ?

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Mitoyenneté contemporaine en Architecture

1.2.

Pérennité im/matérielle d’un patrimoine 1.2.1. La notion de pérennité Les chercheurs et philosophes traitant de la question de la pérennité s’engagent dans une quête perpétuelle des valeurs et des éléments qui résistent à l’usure du temps. Ovide nous transmet : « Croyez-moi, rien ne périt dans ce vaste univers, mais tout varie et change de figure. Ce qu’on appelle naître, c’est commencer d’être autre chose que ce qu’on était auparavant, et ce qu’on appelle mourir n’est que cesser d’être ce qu’on était auparavant, et quoiqu’il y ait changement perpétuel de forme et de lieu, la matière existe toujours. ».10 Cette citation signifie que la mort d’un bâtiment suivant sa naissance n’est qu’un instant de recréation, dans un nouveau contexte, une nouvelle intégration et régénération spatio-temporelle. a. Pérennité matérielle d’un patrimoine D’un point de vue architectural, la pérennité physique, matérielle d’un édifice fait l’objet de multiples recherches, qui renvoie à différentes échelles, que ce soit à celle de la pérennité urbaine, à l’échelle des villes, ou celle, plus large, incarnée par l’idée de l’architecture durable. On parle ici d’une architecture considérée comme «structure d’accueil» de par son adaptabilité aux changements fonctionnels, ou, faisant référence à l’essence même de sa construction, de la pérennité de la structure primaire, qui, définitivement affranchie des servitudes liées à son usage, résiste au temps, tout en gardant la capacité d’accueillir et d’envelopper le transitoire. Luca Ortelli affirme que « la pérennité physique d’un bâtiment est toujours liée à la durée du sens qu’on lui attribue, à l’intelligibilité de sa signification, même au-delà de sa raison d’être fonctionnelle. ». 11 C’est là que l’on commence à parler de la pérennité immatérielle, liée à la mémoire, à l’histoire, la signification, à la symbolique d’un lieu. Prenons l’exemple du couvent de Sant Francesc réhabilité, alliant histoire et contemporanéité. Eléments contemporains

Figure 9, Coupes, Couvent de Sant Francesc, Source : https://www.muuuz.com/magazine/rubriques/architecture/44856-david-closes-couvent-de-sant-francesc

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10 Ovide, Les Métamorphoses d’Ovide, Tome quatrième, Édition: F. Gay, 1806, p 380 11 ORTELLI Luca, « Considérations sur la Pérennité en Architecture », dans Bruno Marchand, Pérennités, Lausanne : Presses polytechniques et universitaires romandes, 2012.


Mitoyenneté contemporaine en Architecture Un patrimoine matériel où l’on retrouve l’architecture d’hier préservée par ses ruines restantes auxquelles l’architecte catalan David Closes a greffé des volumes contemporains au niveau de la façade dont les caractéristiques ainsi que la matérialité se dissocient complètement du bâtiment d’origine. Ce contraste n’exprime nullement une opposition, mais une corrélation des plus intéressantes. L’architecte aurait parfaitement pu privilégier la contemporanéité à l’expression de la trace, chose qu’il n’a pas fait puisqu’il a insufflé à l’ancien édifice un nouveau souffle, celui du présent, tout en lui associant de nouvelles fonctions, une nouvelle identité. 12

Figure 10, Couvent de Sant Francesc - David Closes, Alliance entre ancien et nouveau, Source : https://www.muuuz.com/magazine/rubriques/architecture/44856-david-closes-couvent-de-sant-francesc

Eléments contemporains

Figure 11, Plans, Couvent de Sant Francesc, Source : https://www.muuuz.com/magazine/rubriques/architecture/44856-david-closes-couvent-de-sant-francesc 12 http://art-tech.over-blog.com/2014/06/couvent-de-sant-francesc-david-closes.html

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Mitoyenneté contemporaine en Architecture b. Pérennité immatérielle d’un patrimoine

Figure 12, Pente de la rêverie - Victor Hugo, Villes du passé Source: http://entendre-victor-hugo.com/xxix-la-pente-de-la-reverie/

« Ces villes du passé, muettes et fermées, Sans fumée à leurs toits, sans rumeurs dans leurs seins, Se taisaient et semblaient des ruches sans essaims. J’attendais. Un grand bruit se fit. Les races mortes de ces villes en deuil vinrent ouvrir les portes, et je les vis marcher ainsi que les vivants, Et jeter seulement plus de poussière aux vents . »13 Ce texte de Victor Hugo reflète une poétique relative à l’histoire des villes du passé, manifestant leur symbolique par leurs ruines restantes qui peut interprété comme un renoncement de la quatrième dimension de l’art architectural, le temps. Expérimenter les traces du passé, c’est aussi quelque part le faire revivre, par une nouvelle appréhension du lieu, celle d’aujourd’hui, c’est ce que l’on peut qualifier de pérennité immatérielle, le hors temps.

« Le patrimoine immatériel, ce n’est pas quelque chose qui est tangible. C’est toute la signification, le lien qu’on peut faire à travers un élément physique un lieu, un objet très ancien - et la présence de l’homme pour que cela ait un sens aujourd’hui. ».14 Cette citation de Yvon Noel nous montre que la pérennité de l’histoire est une question de lien que l’homme crée par ce qu’un lieu, un édifice, ou un objet lui reflète comme signification, symbolique. Il nous signifie que la pérennité immatérielle est de l’ordre de l’abstrait, du psychique, faisant appel à l’émotion, à la mémoire, aux souvenirs faisant l’humanité de l’être. Le temps donne sens à l’histoire, l’homme perpétue cette histoire par la mémoire. 13 14

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HUGO Victor, Les feuilles d’automne, dans La pente de la rêverie, 1837, p. 510 NOEL Yvon, dans Patrimoine immatériel - La mémoire des lieux, NADEAU Jessica, 2012


Mitoyenneté contemporaine en Architecture

1.2.2. «Mémoire» du lieu, une mémoire vécue et empruntée

Figure 13, La mémoire des lieux, Source : https://abduzeedo.com/daily-inspiration-1800

« L’espace lui-même, dans l’expérience occidentale, possède une histoire, et il n’est pas possible de méconnaître cet entrecroisement fatal du temps avec l’espace. »15

La mémoire d’un lieu, c’est l’histoire transmise dans une perspective humaine. C’est, pour ramener le concept à sa plus simple expression, ce qui nourrit le quotidien des hommes, notre interaction avec la réalité, avec le monde qui nous entoure. La mémoire est issue d’un vécu, de ‘‘souvenirs’’, comme le dit si bien l’architecte Peter Zumthor. Elle est résultante d’expériences spatiales qui dépendent de la réalité du lieu, non établie par des images et des artifices, expériences qui sont à la fois sensorielles, personnelles, autobiographiques et ludiques, elle est l’essence du processus créatif des lieux par les lieux. Éric Lapierre souligne cette idée en différenciant deux types de mémoire composant la mémoire consciente, il dit : « Les architectes travaillent avec deux types de mémoires. La première est consciente et appartient au champ de la culture savante qui leur est commune : elle est constituée d’un corpus de références savantes aux intérêts revendiqués, d’influences historiques, etc. La seconde dont les architectes ne parlent jamais, relève de la mémoire personnelle, d’une expérience intime du développement par nature singulier d’un individu . »16 On peut qualifier ces deux types de mémoires : «mémoire vécue» et de «mémoire empruntée». La première est issue de notre propre expérience personnelle, de notre histoire individuelle, elle est caractérisée par la phrase « je me souviens ». Elle est résultante des expériences directes « de la réalité que nous connaissons, puisque nous en sommes témoins physiquement, de par notre présence, la mémoire enregistrée in loco avec une intensité personnelle. » 17 15 FOUCAULT Michel, Des espaces autres,2004, p.12-19 16 LAPIERRE Éric, A quoi pense un architecte ?, L’imaginaire architectural entre poétique et politique, Cherbourg, 2008 17 Faria E. L., A Concepçao Em Arquitetura, Um Fenômeno a Quatro Dimensoes, o Ser Humano, o Desenho, o Tempo, a Obra,Thèse de l’Université de Sao Paulo, 2007

27


Mitoyenneté contemporaine en Architecture D’un autre côté, la réalité donne lieu à des situations où la présence physique de l’homme est impossible, le forçant à se représenter des souvenirs d’images ou souvenirs de quelqu’un d’autre. Ce sont les souvenirs fabriqués, empruntés. Ce type de mémoire est caractérisé par la phrase « je sais ». Il s’agit d’une conception de souvenirs par les souvenirs. Ces deux mémoires, vécues et fabriquées sont primordiales dans la considération d’une action sur un lieu, la mémoire vécue prône, de par son apport sensoriel, faisant appel à l’émotion.

Mémoire Empruntée

Caractère immatériel d’un lieu

Mémoire Vécue

Figure 14, Essence du caractère immatériel d’un lieu, Source : Auteur

1.2.3. «Mémoire» du lieu selon Peter ZUMTHOR a. La mémoire au service de l’art de construire Pour pouvoir mieux saisir la notion de mémoire du lieu, nous proposons de l’appréhender à travers un exemple, et ce par la pensée architecturale du concepteur et penseur Peter Zumthor. L’architecte dissocie la notion de « lieu » d’une simple situation spatiale et la définit comme l’ensemble des circonstances, de facteurs spécifiques à un endroit, qui créent l’environnement. Le lieu englobe certes des caractéristiques géographiques, mais aussi une histoire, une sensibilité le dénotant d’un autre, faisant sa particularité. Pour Zumthor, l’architecture se doit de refléter le caractère, l’esprit de ce lieu, son génie. Bernard Cache dit à ce sujet « Le génie du lieu, c’est sa capacité de passage, ou de transit d’une identité à une autre. ». 18 C’est justement l’art architectural qui vient créer cette identité, ancienne et nouvelle à la fois. 18

28

CACHE Bernard, Terre Meuble, Orléans : HYX , 1997, p.154


Mitoyenneté contemporaine en Architecture Afin d’arriver à conceptualiser ce génie, l’architecte Peter Zumthor fait appel à des images qu’il se remémore, issus de sa mémoire, il dit : « Quand je pense à l’architecture, des images remontent en moi … Je me rappelle le temps où je faisais l’expérience de l’architecture sans y réfléchir … De tels souvenirs portent en eux les impressions architecturales les plus profondément enracinées que je connaisse. C’est en eux que se fondent les atmosphères et les images que je tente de sonder dans mon travail d’architecte. Quand je travaille à un projet, je suis à nouveau plongé dans des souvenirs anciens et à demi-oubliés. »19 par le passé

Passé

Atmosphères du lieu Vision Contemporaine

Souvenirs Vécu

L’architecte concepteur

Présent

Crée le présent

Figure 15, La mémoire des lieux au service de la conception architecturale, Source : Auteur

Il aborde à maintes reprises la notion de souvenirs, il crée le présent par le passé, par son propre passé, vision, vécu, et ce en introduisant l’aspect sensoriel dans sa conception. Il déclare que la construction est au service d’atmosphères que l’architecte se doit de créer, de révéler. Pour lui, l’architecture touche, émeut, fait appel aux sens, au vécu, éveille des souvenirs, et c’est cette particularité qui fait de ses œuvres architecturales uniques au monde, propres à lui. « Nous avons tous fait l’expérience de l’architecture avant de connaître le mot lui-même. Les racines de notre compréhension de l’architecture plongent très loin dans nos expériences passées : notre chambre, notre maison, notre rue, notre village. […] Les racines de notre compréhension de l’architecture plongent dans notre enfance, notre jeunesse ; elles se trouvent dans notre biographie »20 La mémoire personnelle et collective est au service de l’art architectural et en exprime la profondeur, la force, la particularité. Pour Zumthor, elle est primordiale lors de l’appréhension du lieu, c’est cette sensibilité alliée à une certaine subjectivité sublimée qui fait le génie de l’architecte, au service de celui du lieu, de son identité n’attendant qu’à être révélée. 19 20

ZUMTHOR Peter, Penser l’architecture, 2007 ZUMTHOR Peter, Penser l’architecture, Birkhaüser, Bâle, 2019

29


Mitoyenneté contemporaine en Architecture b. Conception par la mémoire du lieu et la mémoire vécue Les Thermes de Vals au village grison en Suisse représentent un trésor architectural en parfaite harmonie avec son contexte. L’architecte Zumthor y attache une attention particulière à la considération des ressources naturelles du lieu d’insertion de l’œuvre architecturale. Cette région alpestre possède une source d’eau minérale et thermale ainsi qu’une pierre locale des plus précieuses. L’architecte a fait en sorte de créer une harmonie entre ces éléments naturels caractéristiques du lieu véhiculés par la mémoire empruntée, ce qui est déja là, en leur alliant l’apport personnel de l’architecte créateur, la mémoire vécue de l’espace, propre à Peter Zumthor. Caractère im/matériel d’un lieu Les Thermes de Vals

Mémoire Empruntée

Mémoire Vécue

Paysage d’insertion Intégration du bâti dans le paysage

Souvenirs, inspiration de l’effet de grotte des tunnels souterrains

L’eau, identité du lieu L’eau, composante principale du projet

Les toitures en pierres de gneiss

Vécu personnel, inspiration des Bains Rudas à Budapest.

Réinterprétation de la pierre de gneiss Figure 16, Caractère matériel et immatériel des Thermes de Vals, issus de la mémoire vécue et empruntée Source : Composition réinterprétée par l’auteur

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Mitoyenneté contemporaine en Architecture c. Conception par une réécriture de la mémoire du lieu La chapelle Saint-Bénédict, reconstruite dans son emplacement initial dans les hauteurs des Grisons en Suisse, montre parfaitement la considération du lieu par l’architecte Zumthor, de ses potentialités en rapport avec la fonctionnalité intérieure de l’édifice. Par une appréhension préalable du site, Zumthor réussit à assurer un équilibre incontestable entre le lieu, la morphologie ainsi que la forme du bâti. Il choisit de concentrer l’œil du visiteur vers l’espace intérieur par une façade hermétique en bois, tout en considérant la lumière naturelle en la faisant pénétrer par le plus haut point en continuité sur toute la construction donnant ainsi une ambiance intérieure des plus pures, radicales. L’architecte a choisi de réinterpréter la matérialité traditionnelle de l’édifice, de la pierre des chapelles par une construction totalement en bois brut de manière à réécrire l’histoire tout en lui étant fidèle. Le bois, exposé aux intempéries, est conçu de manière à prendre des teintes différentes au fil des années, s’inscrivant ainsi dans l’histoire du lieu.

Figure 17, Ancienne chapelle Saint benoît

Figure 18, Chapelle reconstruite par l’architecte Peter Zumthor

Figure 19, Ancienne vue intérieure Figure 20, Réinterprétation de la lumière et des formes intérieures Source: https://www.cardis.ch/fr/magazine-immobilier/2017/peter-zumthor-la-matiere-l-ame-et-la-poetique-du-lieu

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Mitoyenneté contemporaine en Architecture

1.2.4. Synthèse

Matériel

Immatériel

Concret

Abstrait

Objectif

Lieu

Subjectif

Histoire

Présent

Existant

Nouveau

Figure 21, Signification du lieu, Source: Auteur

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Mitoyenneté contemporaine en Architecture

L’appréhension d’un lieu historique patrimonial se fait à travers les deux typologies de mémoires étudiées, la mémoire vécue ainsi que la mémoire empruntée, afin de saisir le vécu d’hier en y intégrant celui d’aujourd’hui. Il est impossible de revivre l’histoire passée, c’est pour cette raison que l’on fait appel à la mémoire empruntée, issue d’images et de récits de vie. Cette dernière est alliée à la mémoire vécue dans le processus conceptuel, intégrant un nouveau vécu, une nouvelle temporalité, créant une poïétique nouvelle du lieu. Peter Zumthor souligne que : « Si un projet ne fait que puiser dans l’existant et dans le répertoire de la tradition, s’il répète ce que l’endroit lui fixe d’avance, il me manque le dialogue avec le monde, le rayonnement du contemporain. Si une œuvre architecturale n’est qu’un récit sur le cours du monde et l’expression d’une vision, qui ne parvient pas à faire raisonner le lieu, il me manque l’ancrage sensoriel dans le lieu, le poids spécifique de ce qui est local. »21 Patrick Condouret affirme cette idée par ses dires : « L’étincelle de l’œuvre d’art ne s’allume qu’entre la réalité des choses et l’imagination. »22 Condouret nous apprend que l’imagination, le rêve de l’architecte créateur par son vécu lors de l’appréhension du lieu, associé à une vision dépassant celle de l’histoire, fait, crée l’espace et donc donne vie au lieu. Cette imagination vise à se créer un futur, à fabriquer le nouveau en cohabitant avec l’ancien. Considérer le lieu signifie aussi considérer tout l’environnement qui fait de lui ce qu’il est. Zumthor prend tous ces critères en considération lors de sa conception et les étudie aux moindres détails afin de trouver la juste place ainsi que la juste forme à son œuvre architecturale. Par cela, il considère les éléments matériels et immatériels articulant l’espace environnant afin de savoir se positionner face à cette mitoyenneté délicate entre l’existant et le nouveau.

21 22

ZUMTHOR Peter, op. cit, p. 42. CONDOURET Patrick, Entre rêves et réalité, 2011, p. 09

33


Mitoyenneté contemporaine en Architecture

1.3.

Mitoyennetés contemporaines en architecture 1.3.1. Mitoyennetés a. Contexte général La mitoyenneté est définie par: l’« Etat, caractère de ce qui est mitoyen, la qualité de ce qui est contigu».23 Elle est l’expression constructive de notre capacité à vivre ensemble, à coexister. Elle peut être exprimée par une extrême opposition, par un contraste de langages, tout comme elle peut refléter une complémentarité, une continuité « qui est au milieu de deux opposés, de deux extrêmes, qui participe de deux ou de plusieurs éléments opposés, extrêmes ou simplement différents. » 24 Cette notion peut être abordée de différentes manières, interrogeant nos rapports en tant que citadins occupant un même espace, rapports pouvant être appréhendés par la question des valeurs sociales, culturelles, urbaines mais aussi par le rapport à une histoire qui nous est commune. b. Mitoyenneté à l’échelle de la ville La ville, qu’elle soit ancienne, celle du passé, ou contemporaine, celle du présent, englobe un tout constitué de différences et de similitudes. Quand on parle de mitoyenneté, on parle de proximité, d’interdépendance, c’est ce qui fait que les concepteurs de la ville cherchent à assurer une certaine harmonie d’ensemble. Cette vision globale de la ville est un sujet porteur de polémiques et de recherches vu les multiples critères à prendre en considération. L’intégration du paysage naturel dans la conception de la ville, l’interface entre le patrimoine architectural et la ville contemporaine, la question des bidonvilles, la proximité des constructions mais aussi le besoin de la privatisation des habitations individuelles, l’uniformité des façades, la matérialité du bâti, la nécessité des espaces verts et bien d’autres, créent l’unité par les différences des villes d’aujourd’hui. Une question primordiale se pose aux concepteurs des villes contemporaines, comment améliorer l’aspect relationnel du quotidien des habitants d’une même agglomération ? La privatisation de l’espace personnel de chaque individu lui est primordiale, mais le manque d’espace et la nécessité de bâtir due au nombre d’habitants qui augmente jour après jour fait que les architectes conçoivent machinalement des immeubles fonctionnels ayant pour première nécessité le gain d’espace. Ce qui est de nos jours important vu les conditions qui nous sont imposées en tant que concepteurs d’espaces, c’est de repenser différemment la notion de mitoyenneté et de se poser les bonnes questions en comparant le fonctionnement des villes d’hier à celles d’aujourd’hui. 23 CNRTL. Source: https://www.cnrtl.fr/definition/mitoyennet%C3%A9 24 ibid.

34


Mitoyenneté contemporaine en Architecture La commune de Ghardaïa en Algérie est un exemple manifeste de la mitoyenneté à l’échelle de la ville, les édifices se touchent, se complémentent tout en étant séparés, les façades sont interconnectées tout en étant différentes les unes des autres, la notion de limite s’estompe pour donner lieu à une lecture d’une seule et même entité.

Figure 22, Ville de Ghardaïa, Algérie, densité et mitoyenneté urbaine, Source : https://fr.freepik.com/

La considération de la topographie de la ville y est conçue de manière à réglementer les hauteurs des bâtiments afin qu’ils épousent la pente du terrain, le patrimoine architectural est mis en valeur et fait office de signalétique au plus haut point de la ville, l’ancien et le nouveau se chevauchent, créant un tout uniforme, une mitoyenneté continue. Cette mitoyenneté, nous l’observons dans sa continuité et son harmonie avec le paysage naturel. La commune que l’on surnomme « La ville du désert » s’inscrit dans son environnement naturel par une considération de la végétation présente sur le site, le bâti se trouve être en continuité avec les oasis de palmiers qui l’articulent. Les matériaux ainsi que les couleurs des constructions sont considérés de manière à accompagner ce qui préexistait.

Figure 23, Ghardaïa, La ville du désert, Source : https://fr.freepik.com/

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Mitoyenneté contemporaine en Architecture

vide

vide

c. Mitoyenneté à l’échelle du bâti La mitoyenneté à l’échelle du bâtiment peut être appréhendée par l’horizontalité comme par la verticalité et de différentes manières. Mitoyenneté à l’horizontale

Par le vide Intégrer un bâtiment dans son voisinage est une prise de position dont l’intention est propre à l’architecte concepteur. Il s’agit de marquer une continuité ou une rupture avec l’environnement immédiat du bâti. Par la matière

intérieur

extérieur

La matière est elle-même porteuse de mitoyenneté. Allier la massivité de la pierre à la légèreté du verre, la brutalité du béton à la chaleur du bois exprime à la fois une mitoyenneté par une certaine opposition mais aussi par une interdépendance de ces deux matérialités opposées qui se complètent. Par le mur mitoyen

intérieur

intérieur

Le mur mitoyen sépare deux espaces, qu’ils soient intérieur/intérieur ou intérieur/extérieur, mais représente tout autant un élément d’interdépendance. Mitoyenneté à la verticale

Par superposition Il s’agit dans ce cas d’une mitoyenneté que l’on peut expérimenter au quotidien. Deux espaces se superposent, coexistent, peuvent se compléter ou se séparer et être hermétiques l’un à l’autre. Tout est issu de l’intention de l’architecte et de sa prise de position par rapport à cette mitoyenneté porteuse de sens. Par les espaces extérieurs La mitoyenneté n’est donc pas qu’une question de contact visuel entre individus, elle fait tout autant appel au sens de l’ouïe, de l’odorat et du toucher. Le fait de coexister fait que l’on partage un même espace dépassant, par cette interdépendance, les frontières qui peuvent le composer et le délimiter. 36 Figure 24, Mitoyenneté architecturale Source : Auteur


Mitoyenneté contemporaine en Architecture d. Mitoyenneté entre Homme/Bâti Le premier geste de l’espace architectural est d’accueillir nos corps humains, de leur permettre de se mouvoir, de s’abriter, de se rencontrer. Homme et Architecture interagissent et s’affectent l’un l’autre. Les deux coexistent et se complètent, on parle ici de mitoyenneté entre Homme et Bâti. Penser l’espace nécessite la considération du corps humain premièrement par l’échelle humaine, puisque les proportions d’un espace jouent un rôle prônant dans la perception que l’homme peut en avoir. Un bâtiment de hauteur importante peut véhiculer l’idée de l’ascension à son usager en orientant son regard vers le plus haut point, tout comme il peut être conçu en véhiculant un sentiment d’écrasement, de gigantisme du bâti. Cette perception de l’espace nécessite d’être étudiée au cours de la conception mais reste toujours sujette à une certaine subjectivité. En effet, chaque individu perçoit l’espace selon sa propre vision, ses sens, sa mémoire. On parle ici de ‘l’aspect sensoriel’ traité par Zumthor.

Figure 25, Mitoyenneté Homme-Bâti Source : Auteur

Échelle

Social

Espaces publics

La relation étroite qui lie l’homme à l’architecture est donc au centre de la discipline. Cette mitoyenneté peut aller de la poignée de la porte, au seuil d’entrée, à l’espace qui nous englobe.

Échelle

Homme

Matérialités Sens

Mitoyennetés Architecture

Ville

Langages

Patrimoine Espaces urbains

Figure 26, Mitoyennetés Source : Auteur

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Mitoyenneté contemporaine en Architecture

1.3.2. Contemporanéité a. Définition La contemporanéité est définie comme « le caractère de ce qui est contemporain, de ce qui est fidèle à son temps »25 , comme l’état actuel (par rapport au moment du contexte) envisagé sous le rapport de ce qui le caractérise.

« J’ai peint les trois journées à mesure qu’elles se sont déroulées devant moi ; une certaine couleur de contemporanéité, vraie dans le moment qui s’écoule, fausse après le moment écoulé, s’étend donc sur le tableau. »26 Dans l’absolu, le contemporain fait donc référence à un certain temps X, qui diffère d’un autre par ses caractéristiques. b. Interprétations de la notion La notion de la contemporanéité suscite cependant des divergences au niveau de son interprétation, Le philosophe Roland Barthes affirme par sa thèse que « Le contemporain est l’inactuel ». Il ajoute « Celui qui appartient véritablement à son temps, le vrai contemporain, est celui qui ne coïncide pas parfaitement avec lui ni n’adhère à ses prétentions, et se définit, en ce sens, comme inactuel. ». 27 Il est rejoint par le philosophe Giorgio Agamben attestant que le «contemporain» est inaccessible à ses contemporains. L’homme contemporain est beaucoup trop impliqué dans le réel pour pouvoir s’en détacher afin de l’analyser. Comme lorsqu’on regarde de trop près un détail, la vue est trop courte pour faire la mise au point, tout devient flou. Quant au philosophe allemand Ernst Bloch, il traite du sujet de la «non-contemporanéité» dans son ouvrage « Héritage de ce temps » d’un point de vue portant sur l’imagination historique qui doit être analysée à partir d’une temporalité multiple et synchronique, incitant à prendre un certain recul vis-à-vis de l’évolution du contexte social, idéologique, architectural d’aujourd’hui. La pensée de Bloch décrit l’expérience sociale contemporaine en la qualifiant de «crise de notre temps». Le penseur porte notre attention aux formes de réinvention des identités sociales, qui trouvent à se nourrir aussi bien des symboles du passé que des chiffres de l’utopie, avec tous les risques de falsification et de violence. Ainsi, la «non-contemporanéité» selon Bloch désigne une remise en question du continuum historique d’une société qui aboutit à une coexistence de temporalités, à l’intégration d’un passé qui se peut être falsifié, porteur d’interprétations personnelles.

25 DUJARDIN Philippe, De quoi sommes-nous contemporains ? dans Cahier Sens Public, 2009 26 Chateaubriand, Mémoires d’Outre-Tombe, t. 3, 1848, page 671. 27 NACHTERGAEL Magali, “Qu’est-ce que le Contemporain ?” De Giorgio Agamben, 2012.

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Mitoyenneté contemporaine en Architecture Ces temporalités seraient, soit indifférentes les unes des autres soit en rapport de tension puisqu’elles ne sont, elles-mêmes, pas fidèles à leur temps. C’est par cela qu’il introduit l’idée de «temporalité schizophrénique»28.

Héritage Inactualité

Histoire non vérifiée

La contemporanéité selon Ernst Bloch

Interprétations personnelles du Passé

Non-Contemporanéité

Figure 27, Contemporanéité et signification selon Bloch, Source : Auteur

D’un point de vue architectural, la contemporanéité fait d’objet de multiples interprétations, elle peut être considérée comme une évolution technologique, une ingéniosité de la forme à l’extrême opposée de ce qui l’a précédée, tout comme elle peut être appréhendée en tant que continuité de l’histoire, réinterprétant cette dernière par un nouveau langage. c.

Contemporanéité architecturale

L’architecture contemporaine représente l’architecture du présent, celle que l’on voit autour de nous. Elle ne représente pas un courant architectural appartenant à une période historique donnée reflétant le caractère d’une société puisqu’elle est manifeste à l’échelle internationale, mais elle peut être caractérisée par un ensemble de critères répondant à une évolution de l’art architectural qui se veut être technique, morphologique, formelle. Cependant, cette contemporanéité architecturale est soumise au contexte dans lequel elle s’inscrit, à l’histoire et à la signification de son lieu d’insertion, thèse qui peut aller à l’encontre de l’idée de la révolution contemporaine, par la forme courbe qui s’oppose à la conception par la ligne droite, par la matérialité s’opposant à celle d’autrefois. Il est donc primordial de prendre le recul nécessaire par rapport à l’actualité architecturale face à sa propre mémoire. De-là, on en arrive à parler de la mitoyenneté entre architecture contemporaine et patrimoine architectural, entre présent et passé, actualité et histoire.

1.3.3. Contemporanéité par la mitoyenneté La contemporanéité, elle-même, exprime l’idée de la coexistence, par le fait que multiples civilisations et histoires vivent et cohabitent à une même époque, c’est donc à elle-même une forme de mitoyenneté. Cette coexistence nous mène à l’idée d’interface entre histoire et actualité, pouvant se manifester par une opposition de langages tout comme par le concept du continuum espace-temps, considérant l’histoire en la réinterprétant par un regard qui se veut être contemporain. 28

OUATTARA Azoumana, Ernst Bloch visionnaire de notre temps, 2007

39


Mitoyenneté contemporaine en Architecture a. Interface entre l’ancien et le nouveau « L’architecture est, de toutes les expressions de l’art, celle qui est la plus soumise aux conditions matérielles. Permanentes sont les conditions qu’impose la nature, passagères sont les conditions qu’impose l’homme. Le climat, ses intempéries ; les matériaux, leurs propriétés ; la stabilité, ses lois ; l’optique, ses déformations ; le sens éternel et universel des lignes et des formes imposent des conditions qui sont permanentes. La fonction, les usages, les règlements, la mode imposent des conditions qui sont passagères »29. Sur la base de cet extrait d’Auguste Perret, nous pouvons retenir que les contraintes ne sont donc plus limitatives mais génératrices de projet. L’évocation du passé et donc le goût de «l’anachronique ou du décalé» est un signe de lucidité nécessaire à l’interprétation du présent. L’histoire enrichie le contemporain, elle en est la source, le contemporain quant à lui puise de cette dernière ses fondements. On en arrive à parler de cette interface, de ce lieu de contact entre histoire, mémoire et contemporanéité. Continuité

Rupture

Actuel Contemporain

Histoire Patrimoine

Actuel Contemporain

Histoire Patrimoine

Figure 28, Histoire et contemporanéité, entre rupture et continuité, Source : Auteur

« Comprenons là qu’un monument historique qui serait, en outre, un monument aurait pour spécificité de transcender la contemporanéité, en perpétuant, par reviviscence continue, la pérennité de quelques souvenirs. »30 Nous proposons par cette exploration d’aborder le sujet de la mitoyenneté contemporaine par le biais de l’art architectural d’hier et d’aujourd’hui, dans le but de transcender cette opposition entre ancien et nouveau par une complémentarité, une continuité entre les deux et ce à travers l’innovation et la précision constructive. 29 30

40

PERRET Auguste, Contribution À Une Théorie De L’Architecture, 1980 LAURIER Turgeon, ‎Jocelyn Létourneau, ‎Khadiyatoulah Fall, Les espaces de l’identité, 1997


Mitoyenneté contemporaine en Architecture b. Mitoyenneté contemporaine à l’échelle de la ville Bien qu’il y ait de multiples avis sur la question de l’intégration des villes du passé dans la réalité contemporaine d’aujourd’hui, maintes recherches s’accordent à dire que les villes anciennes sont au centre des préoccupations, un acquis à ne pas négliger. Les notions de revalorisation ou de réhabilitation des traces du passé restent cependant porteuses de multiples questionnements. Comment se positionner face aux contrastes de langages, comment agir sans brusquer l’histoire ? Comment cohabiter et coexister avec une ville ancienne ? Afin de répondre à ses questionnements, il nous a semblé nécessaire de se référer à un exemple réel, où se manifeste l’intégration du patrimoine dans les villes contemporaines d’aujourd’hui. Notre lecture et analyse se base sur l’exemple de la ville d’Amsterdam.

Figure 29, Ville d’Amsterdam, Ville du passé Ville du présent, Source : https://www.lavoixdunord.fr/

Une ville à la fois ancienne et nouvelle, porte une approche urbaine et architecturale au niveau de sa conception mettant en valeur l’histoire de la ville ancienne tout en l’articulant à un tissu urbain contemporain et ce, par une stratégie qui se veut être esthétique, sociale et fonctionnelle. La ville est lieu d’interaction de plusieurs quartiers, chacun fonctionnant indépendamment des autres mais tous étant liés formant un ensemble esthétiquement étudié. La ville ancienne articule le tout. Le centre de la ville, l’essence de ce qui est aujourd’hui, représente un lieu abritant l’architecture d’hier alliée à celle d’aujourd’hui, une vraie expression de la mitoyenneté contemporaine en architecture. 41


Mitoyenneté contemporaine en Architecture L’architecture de l’histoire et celle d’aujourd’hui se chevauchent formant un tout harmonieux. La valeur immatérielle de la ville ancienne étant indéniable, il importait, lors de la conception de la ville, de réfléchir à sa valorisation et à son intégration dans la société contemporaine. À cet effet, l’habitation offrait une piste de solution. Dans les quartiers historiques, les usages résidentiels permettent la présence de vie tout au long de la journée, assurant la vitalité du quartier et l’équilibre entre les différentes vocations sans dominance commerciale ou touristique. De plus, la ville compacte avec une certaine densité résidentielle, des transports publics fonctionnels et une plus grande mixité d’usages est considérée comme une forme plus durable de milieu urbain, critère essentiel dans la conception de la ville d’Amsterdam. N

Ville ancienne

Figure 30, Plan Amsterdam, Articulation selon la vieille ville, Source: http://www.orangesmile.com/

La ville d’Amsterdam a misé sur le résidentiel, plus particulièrement le logement social pour assurer la revitalisation et la survie de son centre-ville ancien. Elle réussit à associer développement nouveau et conservation du patrimoine, et ce, à travers le développement résidentiel. On peut déduire que cet exemple de ville contemporaine et ancienne à la fois appréhende cette continuité entre ancien et nouveau par une stratégie se focalisant principalement au niveau de la programmation, mais aussi par le choix des matériaux contrastant ainsi entre l’architecture de l’histoire et celle d’aujourd’hui. La contemporanéité se manifeste aussi par les progrès technologiques au niveau des dessertes par les transports en commun ainsi que le souci écologique accordé à la conception d’une ville qui se veut être celle du passé, du présent et du futur. 42


Mitoyenneté contemporaine en Architecture c. Mitoyenneté contemporaine à l’échelle du bâti La mitoyenneté contemporaine s’exprime tout autant à l’échelle de l’édifice architectural lui-même; Nombreux concepteurs sont soucieux de la trace historique des anciens bâtiments, certains cherchent à valoriser son aspect matériel en réinterprétant la ruine, comme le manifeste l’exemple du Château Barrière à Périgueux réalisé par Faustine Blaess de LA Architecture. Il s’agit d’une réinterprétation des ruines du château par une nouvelle fonction muséographique, une nouvelle identité tout en préservant l’histoire du lieu.

Figure 31, Musée du Château Barrière, Entre complémentarité et opposition, Source: https://www.la-architectures.com/

La mitoyenneté y est exprimée par le contraste au niveau de la matérialité. La pierre traditionnelle, symbole de force et de massivité, est alliée au verre contemporain et à la charpente métallique reconstituant l’ancien volume du lieu par une nouvelle écriture. Les deux matières s’associent et forment un tout réinterprétant l’histoire, réécrivant le vécu d’autrefois par un langage contemporain, l’une étant la complémentaire de l’autre, une expression manifeste de la mitoyenneté contemporaine. En l’absence de la trace matérielle d’un patrimoine architectural, on peut retrouver, dans d’autres cas de figure, une valorisation de l’esprit du lieu par l’architecte concepteur et ce, par une réécriture immatérielle, par une scénographie reproduisant le vécu d’autrefois, par des séquences spatiales faisant appel aux sens. 43


Mitoyenneté contemporaine en Architecture

1.3.4. Synthèse La mitoyenneté contemporaine n’est donc pas une question d’opposition mais de coexistence de l’homme, par sa mémoire, par son vécu, du lieu, par son histoire, par son esprit, et du bâti, par sa capacité à interagir avec ces deux derniers, au travers des sens. Elle transcende cette opposition entre passé et présent pour arriver à une complémentarité, l’un alimente l’autre, le nourrit. Le temps n’est plus un inconvénient mais un atout, puisqu’il nous apprend, nous enrichit,. On en arrive à une coexistence d’une multiplicité de temporalités, dans un même moment lui-même fidèle à son temps, contemporain.

44

Homme

Lieu

Bâti

Figure 32, Essence de la mitoyenneté contemporaine, Source: Auteur


Mitoyenneté contemporaine en Architecture

1.4.

Conclusion

Présent Contemporanéité

Pérennité Signification

Passé Histoire

Identité

Interface de connexion Figure 33, Interface entre présent et passé, Source: Auteur

L’interface entre le patrimoine, l’histoire et la contemporanéité d’aujourd’hui est un outil d’échange et non de séparation, les langages se contrastent mais s’assemblent, l’histoire se préserve mais se développe, s’actualise, se réinvente. « Ce qui était présent au début comme possibilité, est révélé par l’action humaine, transcendé et préservé dans des œuvres architecturales qui sont à la fois ‘anciennes et nouvelles’. »31 C’est donc à l’architecte créateur de se nourrir du passé, de transformer le présent afin de fabriquer l’avenir. Il est donc nécessaire de remettre l’homme au centre de la discipline, le lieu est créé pour l’homme, tout comme l’architecture l’est. Bien qu’elle ait pour rôle de l’abriter, de l’accueillir, l’architecture se doit tout autant de lui procurer le bien-être dont il a besoin, de l’émouvoir, de faire à appel à ses sens. Pour y arriver, l’architecte concepteur se doit d’apporter sa propre touche personnelle, de par son vécu, sa mémoire, son imagination basée sur ce que dégage le lieu d’action lui-même par son histoire, son esprit, son génie. De ce rêve naît la transformation du lieu d’une identité à une autre, nouvelle et ancienne à la fois, alliant multiples temporalités. C’est de-là que la transition de l’immatériel, l’abstrait, au matériel, le concret s’opère.

31

SCHULZ Christian Norberg, Genius Loci, 1997, p.18

45


Figure 33, Interface entre prĂŠsent et passĂŠ, Source : Auteur


C

hapitre II

Vers une conquête de l’histoire, Appréhension du lieu Les recherches réalisées au sujet de la mitoyenneté contemporaine ne visent pas à reproduire l’histoire, ni à la transgresser, mais à aller à la rencontre d’une nouvelle histoire réécrite par le moment présent et aux moyens d’une vision contemporaine, actuelle qui tend à lui insuffler un regard nouveau. Il s’agit pour nous de chercher une certaine application de cette corrélation entre histoire et présent, une continuité entre ancien et nouveau, une coexistence de multiples temporalités, et ce, par une action architecturale prenant en considération l’esprit du lieu ainsi que son histoire. Pour cela, le choix d’un lieu historique a été établi, un lieu symbole de l’empire romain, se dénotant de ce dernier par ses particularités : la cité romaine de Bulla Regia. Il s’agit, au cours de ce chapitre, de donner une nouvelle perception de l’histoire en révélant son génie par une nouvelle lecture sensible, imaginative tout en étant fidèle à la mémoire de ce lieu d’action ainsi qu’à sa signification. Il s’agit d’aller à la rencontre de l’esprit de la cité romaine atypique afin de le réinventer, tendant vers une poïétique du lieu, la genèse d’une nouvelle écriture du lieu historique. Ce chapitre se structurera selon le parcours de découverte de la cité romaine de Bulla Regia, allant des caractéristiques de l’empire romain dans sa globalité jusqu’à arriver à l’esprit atypique du lieu historique et ce, selon la structure suivante: - Empire Romain, cas de Bulla Regia - Monuments typiques romains - Monuments atypiques de Bulla Regia - Esprit du Lieu 47


Vers une conquête de l’histoire, Appréhension du lieu

2.1.

Bulla Regia : Naissance d’une cité romaine

2.1.1. Les cités romaines en Tunisie N

a. Contexte d’implantation Bulla Regia, cité romaine à Jendouba

Thugga, site classé à Téboursouk

Site archéologique d’Utique

Thysdrus, Amphithéâtre d’El Djem

Thaenae, site romain à Thyna

Gigthis, cité romaine à Médenine

Figure 35, localisation d’exemples de cités romaines en Tunisie Source : Composition interprétée par auteur

48


Vers une conquête de l’histoire, Appréhension du lieu

La carte archéologique montre la localisation de multiples cités romaines en Tunisie dont plusieurs caractéristiques se rejoignent, symbolisant la force et la monumentalité de l’Empire Romain d’autrefois. La fondation d’une cité romaine représentait un acte sacré soumis à un rituel et à une composition urbanistique bien précise.

« Il faut tout d’abord sélectionner un lieu d’implantation pour la ville. Des augures, prêtres, observent des signes dans le ciel afin de repérer un lieu bénéficiant d’une protection divine. Lorsque les signes divins apparaissent, l’emplacement de la future ville est choisi à l’endroit même où les signes se manifestent. Les dieux sont censés inspirer le fondateur de la ville et assurer la future cité de leur protection.32 »

Le lieu d’insertion de chaque cité est déterminé selon plusieurs critères, le plus important étant l’implantation selon les routes romaines articulatoires menant vers l’Algérie. En second lieu, on retrouve les qualités paysagères et topographiques du site d’insertion ainsi que ses ressources végétales, et ce, afin d’alimenter les thermes de la future cité en eau chaude par les bois qui en sont issus. Les ressources en eaux sont aussi prises en considération lors du choix du futur site romain, la cité est ensuite articulée selon les différentes sources minérales présentes dans les collines.

32 https://sites.google.com/site/civilisationromaine/la-ville-romaine/fondation-et-organisation-de-la-ville-romaine

49


Vers une conquête de l’histoire, Appréhension du lieu

b. Eléments caractéristiques de la cité romaine

Decumanus maximus

Forum central

Cardo maximus Figure 36, Vue axonométrique, Toulouse Romaine , Source : http://www.pearltrees.com/

La composition de la cité romaine obéit tout autant à un nombre de critères que de réglementations, le centre de la ville est représenté par le Forum, lieu de rassemblement de tous les habitants jouant un rôle politique et social très important. Ce monument détermine ensuite les rues principales : la direction du soleil levant indique le Decumanus et la perpendiculaire le Cardo maximus. A l’extrémité des deux axes sont installées les quatre portes, on trace ensuite les voies secondaires parallèles aux deux grands axes : les cardines et les decumani. On obtient ainsi un plan en échec avec des îlots qui s’appellent les insulae. 50


Vers une conquête de l’histoire, Appréhension du lieu Les édifices romains sont ensuite placés selon cette composition, articulés par rapport au Forum central. On retrouve près du Forum la Curie romaine placée accueillant les réunions du sénat municipal, les basiliques civile et judiciaires ou les ‘duumvirs’, magistrat d’un collège de deux membres, lieu où les commerçants traitaient les affaires. Le marché, pôle commercial principal, est aussi placé au centre de la ville. On retrouve ensuite les lieux de culte comme les sanctuaires et les temples ainsi que les monuments funéraires et la cité des morts, les nécropoles. Les vestiges hydrauliques représentent également l’un des éléments caractéristiques de la cité romaine, les puits, les citernes et les aqueducs romains représentaient les moyens d’approvisionnement en eau. Cependant, les thermes possèdent à part le rôle d’hygiène, un rôle sportif, culturel et social occupant ainsi une place très importante dans la vie des Romains. On retrouve ensuite les lieux de sociabilité et de spectacles scéniques comme le théâtre, l’amphithéâtre, le cirque ainsi que le stade accueillant les courses à pieds et les épreuves athlétiques, parfois des chasses, des combats de taureaux et des démonstrations de gymnastique. Mise à part l’architecture publique, l’architecture domestique romaine est tout aussi particulière, la villa romaine s’organise autour d’une pièce centrale appelée atrium, sur laquelle donnent toutes les pièces d’habitation. Afin de saisir les similitudes et les particularités de ces éléments caractéristiques, nous les étudierons plus en détail à travers l’exemple de la cité romaine de Bulla Regia. Figure 37, Ville romaine, composition Source : Composition interprétée par auteur

51


Vers une conquête de l’histoire, Appréhension du lieu

2.1.2. Cas de Bulla Regia a. Bulla Regia, Contexte urbain d’implantation N

Figure 38, Bulla Regia, Localisation, Source: Carte archéologique Tunisie, Schéma réinterprété par auteur

La cité romaine de Bulla Regia est située au Nord-Ouest de la Tunisie, sur la route romaine menant de Carthage à Annaba, l’un des principaux critères de choix d’implantation des cités romaines étant la connexion des villes de l’Empire Romain par les routes romaines les reliant. Sa zone d’insertion est essentiellement à vocation agricole, soumise au climat méditerranéen caractérisé par des étés très chauds et secs, et des hivers très froids. La cité romaine de Bulla Regia est implantée de manière à être en continuité avec les sites archéologiques de Chemtou et de Dougga, promettant ainsi aujourd’hui de bénéficier d’un circuit touristique des plus magnifiques de la zone. Cependant, les critères d’implantation de la ville romaine d’autrefois étaient de l’ordre de l’accessibilité, articulant ainsi toutes les cités entre elles, puisqu’elles «permettaient le déplacement rapide des légions de l’armée romaine» ainsi que le «transport des marchandises par les chariots.»33

Figure 39, Bulla Regia et les cités romaines environnantes, Source: Carte archéologique Tunisie, Schéma réinterprété par auteur 33 https://fr.vikidia.org/wiki/Voie_romaine

52


Vers une conquête de l’histoire, Appréhension du lieu

b. Paysage d’insertion

Figure 40, Bulla Regia, Paysage d’insertion, , Source : Bulla La Royale, Moheddine Chaouali

La cité romaine de Bulla Regia de 74 hectares s’installe sur une « légère dénivellation et descend par paliers du Nord au Sud ».34 Les romains ont choisi d’inscrire Bulla Regia dans un cadre paysager des plus magnifiques, comme toute autre cité romaine, avec toutefois une particularité, la cité est insérée entre deux collines, « entourée par une ceinture de hauteurs » ,35 d’où l’impossibilité d’étalement de la ville romaine et la nécessité de s’adapter autrement à ces conditions. Le choix des sites romains se porte généralement sur un paysage environnant naturel permettant essentiellement à la cité romaine de s’étendre et de se développer sur le long terme, critère nécessaire à l’empire romain, symbole de force et de puissance. Le site de Bulla Regia est marqué par cette différence, bien répondant aux nécessités de la composante végétale présente sur le site ainsi qu’à la situation géographique par rapport aux routes romaines. La morphologie urbaine et architecturale de la cité est-elle donc un choix délibéré des Romains ou s’agit-il d’une adaptation particulière au paysage d’insertion ?

Figure 41, Coupe sur la ville romaine de Bulla Regia dans son contexte, Source: Auteur

34 CHAOUALI Moheddine, Bulla Regia, Ville Royale de la Tunisie Antique, 2019, p.2 35 ibid.

53


Vers une conquête de l’histoire, Appréhension du lieu c. Ressources naturelles - Ressources végétales

La région était autrefois entièrement boisée, un critère déterminant de sélection du site romain. L’identité du lieu est issue de cette présence végétale et naturelle au niveau des collines. Ces bois ont ensuite été usés afin d’alimenter les multiples thermes publics et privés de la cité romaine en eau chaude, les thermes étant un élément fondamental faisant partie du quotidien des romains.

Figure 42, Les fours des Thermes Memmiens de Bulla Regia, Source: Auteur

- Ressources en eaux

La morphologie de la cité prend en considération l’emplacement des différentes sources d’eau potable issues de la colline, et ce, afin d’alimenter les divers thermes publics et privés ainsi que les habitations individuelles. Le transfert d’eau s’opérait par les aqueducs et l’alimentation par les puits et les citernes. 54


Vers une conquête de l’histoire, Appréhension du lieu

2.1.3. Structuration urbaine de Bulla Regia N

Cardo Decumanus Forum central

50 m

Figure 43, Plan général de la cité romaine de bulla Regia, Source: Auteur

Bien qu’elle comporte les édifices fondamentaux de la cité romaine, Bulla Regia présente une particularité urbaine au niveau de sa composition générale nécessitant une étude approfondie. La cité romaine est bel est bien conçue selon la composition à partir du forum central formant le croisement du Cardo, axe Nord-Sud, et le Decumanus, axe EstOuest. On note cependant une courbure au niveau des rues (Cardis et decumanis) qui, selon le plan typique romain en échec, se doivent d’être parallèles au Cardo et au Decumanus. Pour comprendre cette particularité et saisir sa provenance, une remontée dans le temps est nécessaire afin de connaître l’histoire du lieu ainsi que celle des civilisations qui l’ont occupé précédemment. 55


Vers une conquête de l’histoire, Appréhension du lieu

2.1.4. Histoire du lieu, une mémoire empruntée Les premières phases d’occupation du site ne peuvent malheureusement pas être datées jusqu’à nos jours. Cependant, « les fouilles anciennes ont permis de connaître des installations funéraires devant y être rattachées. » 36 Les recherches récentes ont fourni des informations plus précises concernant l’espace urbain lui-même. Les travaux portant sur l’une des habitations individuelles, «l’Insula de la chasse», ont livré une « stratigraphie comprenant, au-dessus du sol vierge et sur plus de trois mètres d’épaisseur, une alternance de sols de mortier de chaux et de couches d’occupation »,37 données qui attestent de la longue durée d’occupation du site et de sa particularité datant de bien avant l’avènement de la ville romaine, l’architecture souterraine.

36 THEBERT Yvon, Bulla Regia, 1992, https://journals.openedition.org/encyclopedieberbere/1878 37 ibid.

56


Vers une conquête de l’histoire, Appréhension du lieu N

a. Période numide IIe. Siècle av. J. –C. Emprise urbaine de la civilisation

Les fouilles récentes ont beaucoup apporté concernant l’époque numide précédant celle des Romains, elle délimite une cité, couvrant une trentaine d’hectares, caractérisée par l’importance de son enceinte extérieure 38. Les recherches ont aussi montré les traces de constructions troglodytiques au niveau des collines entourant le site, ceci atteste de l’intention première des Numides, celle de se réfugier, d’où l’aspect sécuritaire prônant. 50 m

N b. Période romaine 46 av. J. –C. C’est à cette époque que le lieu acquit son caractère romain, doté des institutions et des bâtiments typiques. Une hypothèse à approfondir atteste cependant que l’urbanisme et le caractère de la cité romaine restent néanmoins imprégnés des civilisations qui les ont précédées. 50 m

c. Période vandale et byzantine (439/533), (533/698)

N

L’évolution de la cité lors de la période byzantine atteste d’un caractère anarchique mis en évidence par l’effacement des réseaux de rues, ainsi que par le « rétrécissement du périmètre urbain et l’organisation du quotidien des Romains autour des points fortifiés et des lieux de culte. » 39

Figure 44, Plan de Bulla Regia, Source: Winkler, 1885 reinterprété par auteur

50 m

38 39

CHAOUALI Moheddine, op. cit, p.6 ibid, p.24

57


Vers une conquête de l’histoire, Appréhension du lieu

2.1.5. Synthèse

Période romaine

Construction à caractère romain

Période numide Construction troglodytique

Période vandale Construction anarchique

Identité de Bulla Regia Figure 45, Identité de Bulla Regia, Source auteur

58


Vers une conquête de l’histoire, Appréhension du lieu

Bien que la cité romaine de Bulla Regia présente les caractéristiques nécessaires à l’empire romain, la ville du passé présente des particularités morphologiques, paysagères et urbanistiques propres à elle. La présence des éléments naturels comme le végétal, l’eau ainsi que le paysage est prônante, le bâti complète la nature environnante, contrairement à ce que l’on peut voir dans d’autres cités où le bâti présente une monumentalité grandiose, symbole de force et de puissance. L’ingéniosité des Romains consiste à exploiter ces éléments naturels dans leur considération de la ville romaine d’un point de vue urbanistique, fonctionnel et ergonomique.. Une réelle source d’inspiration que l’on a tendance à négliger dans la conception architecturale et urbaine d’aujourd’hui dans le contexte tunisien. L’histoire du site archéologique montre une interdépendance des civilisations qui l’ont occupé, la première menant vers la seconde, l’inspirant, mais la connexion entre ces différents vécus de l’histoire reste de l’ordre des hypothèses. De par l’analyse préalable du site par le biais de la mémoire empruntée, celle issue de l’histoire, l’appréhension du lieu par une nouvelle temporalité est possible par le biais de la mémoire vécue, celle de l’architecte contemporain visant à réinterpréter l’histoire, connectant ainsi multiples temporalités, insufflant au lieu une nouvelle écriture, celle d’aujourd’hui.

59


Vers une conquête de l’histoire, Appréhension du lieu

2.2.

Les sens aux aguets, Entre perception et imagination Lors de cette quête de la signification du lieu historique que représente la cité romaine de Bulla Regia, nous faisons appel à la mémoire vécue, celle d’aujourd’hui, qui est au service de la mémoire empruntée de ce lieu, de par son vécu passé, celui d’hier.

2.2.1. Appréhension du lieu a. Premier contact Lors du premier contact avec le lieu, un sentiment d’incompréhension prône, on se retrouve à chercher la symbolique par le vide que l’on ressent au premier abord. La cité romaine ne véhicule aucunement sa richesse intérieure par ce que reflète sa surface. N

50 m

Figure 46, Bulla Regia, Plan de situation, Source: Auteur

60 Figure 47, Accès au site de Bulla Regia, Source: Auteur


Vers une conquête de l’histoire, Appréhension du lieu

Figure 48, Entrée du site archéologique de Bulla Regia, Source: Auteur

Le site est détaché de la ville qui l’abrite, sans réelle mise en condition de l’usager, ce qui engendre un certain sentiment de détachement mais de curiosité, on s’interroge sur ce que ces ruines restantes d’une histoire riche cache comme signification.

b. Flânerie à travers les ruines du passé Le sentiment de perte au premier contact donne tout de suite lieu à une vue d’ensemble de l’architecture publique en premier plan. On retrouve une certaine gradation dans la qualification spatiale et urbaine de la ville romaine, allant du public au privé, de l’ouverture à la privatisation. L’usager est guidé par ce qui reste des routes romaines d’autrefois articulées par les ruines du passé, mais sans avoir de vision claire de ce qui l’attend, le parcours d’appréhension du lieu se présente comme une certaine flânerie contrôlée à travers l’espace. Figure 49, Déambulation à travers les routes romaines , Source: Auteur Figure 50, Début du parcours à travers Bulla Regia, Source: Auteur


N

S9

F3

S8

S7

F1 S3 S4 S2

S1

S5

F2

S6

50 m Figure 51, Plan général du parcours à travers l’histoire de Bulla Regia

62


Vers une conquête de l’histoire, Appréhension du lieu

F3: Architecture domestique:

Aspect Souterrain

F1: Architecture publique: Monuments typiques romains

F2: Architecture publique:

Monuments Atypiques de Bulla Regia

Nous avons choisi d’orienter notre analyse de Bulla Regia à travers un parcours de découverte progressif articulé selon le centre de toute cité romaine, le point de convergence qui est le Forum central. On commencera par une analyse des caractéristiques les plus communes à toutes cités romaines pour arriver enfin à la particularité de Bulla Regia, l’esprit de la ville romaine du passé. Nous proposons de décomposer notre parcours de visite en 3 fragments que l’on appréhende par des séquences spatiales où nos sens seront aux aguets.

Parcours de visite Délimitation du fragment

F : Fragment S : Séquence

63


Vers une conquête de l’histoire, Appréhension du lieu

2.2.2. Fragment 1, Monuments typiques romains N

Dès les premières ruines qui s’imposent à nous, on peut distinguer les composantes fondamentales de la cité romaine de Bulla Regia.

S3 S4

S1

On retrouve les monuments typiques romains, tous reflétant la force politique et économique de la ville même à travers leurs ruines restantes, édifices que l’on arrive à peine à reconnaitre par moment.

S2

50 m

Fragment1, Forum central

S : Séquence

Figure 52, Délimitation du premier fragment du parcours, Source: Auteur

N

a. Séquence 1 Le Forum

5m

S3

S2

S4 S1

Figure 53, Plan du 1er fragment, le Forum Central, Source : Les ruines de Bulla Regia, A. Beschaouch, R. Hanoune, Y. Thébert

S2 64

Figure 54, Le Capitole, Source Auteur

La hiérarchie sociale se manifeste spatialement par l’articulation typiquement romaine autour du forum central, lieu jouant un rôle politique et social prônant dans la vie romaine.

b. Séquence 2 Le capitole Le monument est aussi présent manifestant le centre religieux de la ville avec le temple consacré à la triade Jupiter, Junon et Minerve. Par la radicalité de sa matière dialoguant avec la lumière naturelle, on retrouve l’expression même de l’architecture dans sa pureté la plus signifiante.


Vers une conquête de l’histoire, Appréhension du lieu N c. Séquence 3 Le temple d’Apollon

5m

Figure 55, Bulla Regia, Plan du Temple d’Apollon Source : Les ruines de Bulla Regia, A. Beschaouch, R. Hanoune, Y. Thébert

L’édifice romain dédié au culte d’Apollon, composante fondamentale de la cité de Bulla Regia, constitue un monument symbole de la ville romaine reflétant l’histoire du lieu, sa symbolique. Ce qui nous interpelle en premier est la régularité du geste constructif des Romains, par les colonnes, symboles de la civilisation romaine, massives, monumentales, articulant la cour centrale de l’édifice, dont ne restent que les ruines attestant de la sacralité du lieu.

S3

Figure 56, Le Temple d’Apollon, Source Auteur

N d. Séquence 4 Les basiliques chrétiennes On retrouve aussi les basiliques chrétiennes, symbole de la religion romaine. Le monument fait partie d’une catégorie rare d’églises doubles, connue en Afrique du Nord.

Figure 57, Plan des Basiliques chrétiennes Source : Les ruines de Bulla Regia, A. Beschaouch, R. Hanoune, Y. Thébert

Ce qui est captivant lors de l’appréhension du lieu historique, c’est le paysage environnant prônant sur le bâti qui ne fait que l’accompagner, le valoriser. Nous reconnaissons à peine l’image de l’Empire Romain symbole de force et de monumentalité.

S4

Une réinterprétation du passé, celle d’aujourd’hui, atteste d’une signification toute autre de la matérialité du lieu, la pierre ancienne devient symbole d’authenticité et non de massivité, ou de monumentalité.

Figure 58, Les basiliques chrétiennes, Source Auteur

65


Vers une conquête de l’histoire, Appréhension du lieu

2.2.4. Fragment 2, Monuments atypiques romains N

Bien que la cité présente des monuments romains typiques, on note des particularités dans la qualification de certains n’étant pas de l’ordre de l’anodin. C’est là que l’on commence à saisir que la cité romaine de Bulla Regia n’est nullement comme les autres villes de l’empire romain que l’on a tendance à voir.

S5

On est bien loin de se douter de la richesse intérieure de la ville romaine par ce que reflète sa surface. S6

Fragment 2, Architecture publique

S : Séquence Parcours

50 m

Les ruines, même enfouies sous terre, cherchent à nous véhiculer un message, à nous offrir une perception nouvelle de l’histoire, donnant lieu à une interprétation, celle d’aujourd’hui.

Figure 59, Délimitation du deuxième fragment du parcours, Source Auteur

a. Séquence 5, Théâtre romain: particularités 10 m

Déambulatoire

N

Figure 60, Plan du théâtre romain, Source : Les ruines de Bulla Regia, A. Beschaouch, R. Hanoune, Y. Thébert

Contrairement aux théâtres typiques romains, adossés à une colline, celui de Bulla Regia est conçu sur un terrain plat. Implanté de Figure 61, Accès au théatre par le déambulatoire dos par rapport à la cité, ne reflétant aucunement l’image du théâtre Source: Auteur romain monumental, celui de Bulla Regia n’est pas percevable de loin par le visiteur. On ne s’en rend compte que lorsqu’on y est, d’ou l’effet de surprise du dispositif d’accès, entre intrigue et mystère. 66


Vers une conquête de l’histoire, Appréhension du lieu

Curieusement, les arcades extérieures mordent sur la rue de desserte de telle sorte qu’une partie de la circulation empruntait deux portes cochères obliques, passant ainsi sous les gradins. Bien qu’il ne s’agisse que d’un accès secondaire, cette déambulation à travers le couloir de desserte et cet effet de surprise et d’intrigue atteste d’une intention manifeste de cacher le bâti, de l’enfouir. La première découverte du théâtre romain fut l’une des surprises sensationnelles que reserve Bulla Regia à ses visiteurs. Par le déambulatoire d’accès donnant sur la rue de desserte, plusieurs accès au théâtre sont possibles, dont l’un par des escaliers menant vers le plus haut point du théâtre. Camouflée par les pierres tombantes du mur de soutenement, la vue sur le théâtre dans sa globalité n’est possible qu’une fois arrivé à ce dernier point, le plus haut, offrant une vue des plus spectaculaires, des plus impressionnantes, sur tout le paysage. C’est à ce moment précis que l’on commence à saisir le sens de l’histoire de la cité romaine de Bulla Regia. Depuis le commencement du parcours, les interrogations se succèdaient et les réponses commencaient tout juste à voir le jour, bien qu’elles aient été bien dissimulées.

Figure 62, Dispositif d’accès au Théâtre Romain, Source Auteur

67


Vers une conquête de l’histoire, Appréhension du lieu b. Séquence 6, Les Thermes memmiens : Aspect enfoui

Figure 63, Les Thermes Memmiens, Façade Sud , Source : Auteur

Édifice faisant l’objet de plusieurs études de par sa monumentalité et son état de conservation, les thermes memmiens représentent des particularités que l’on ne retrouve nulle part ailleurs dans l’empire romain. Le monument se trouve être semi-enterré, immergé dans le paysage sur trois niveaux suivant la topographie du site.

N

Figure 64, Plan des Thermes memmiens, Circuits de desserte Source : Les Thermes memmiens, Y. Thébert

Cette gradation se manifeste aussi par la qualification spatiale intérieure et l’organisation du cheminement interne des usagers des bains, mise en évidence par l’état de conservation des baies, du plus froid au plus chaud, du plus public au plus privatisé, suivant les principes fondamentaux de la conception des thermes romains.

10 m

Figure 65, Coupe sur les Thermes Memmiens, Source : Les Thermes memmiens, Y. Thébert, réinterprété par auteur

68


Vers une conquête de l’histoire, Appréhension du lieu

L’accès aux thermes se caractérise par des marches descendantes marquant la « dénivellation d’environ 2.50m par rapport au niveau de la rue. 40» Le visiteur empreint parallèlement des deux côtés symétriques une allée que l’on peut qualifier d’étroite pour un monument public romain. Ce dispositif ne reflète nullement le caractère monumental que l’on peut relever à travers l’imposance des accès aux édifices romains en général, mais ce que l’on relève, c’est cette intention de dissimuler, de cacher, particulière à la cité de Bulla Regia. Le visiteur se sent comme protégé, en parfaite intimité par le fait d’être semi sous terre mais aussi par la multiplicité des espaces intérieurs dont les fonctions vont du plus public au plus privé, du plus froid au chaud, toujours fidèle à la vocation du lieu. La matière nous enveloppe, les portes successives marquées par les arcs nous guident. Le contact avec le ciel ainsi qu’avec le paysage environnant renforce le sentiment d’enveloppement et de protection, par les pierres manquantes, par les ruines restantes, comme seul point de contact avec la surface.

Figure 66, Thermes memmiens, dispositif d’accès, Source : Auteur

40

CHAOUALI Moheddine, op. cit, p.34

69


Vers une conquête de l’histoire, Appréhension du lieu

2.2.4. Fragment 3, Architecture domestique souterraine,

Cacher pour montrer N

S9 S9

S8 S8

S7

S7

50 m

Fragment 3, Architecture domestique

S : Séquence Parcours

Figure 67, délimitation du troisième fragment du parcours, Source : Auteur

Figure 68, Route menant vers les maisons souterraines, Source : Auteur

Au fur et à mesure que l’on avance dans notre parcours, on retrouve une certaine délimitation de l’architecture publique et de l’architecture domestique articulée par le forum central. Un souci manifeste, celui de dissocier le public du privé lors de la conception de la ville romaine est présent. Une gradation y est conçue allant du plus accessible, et donc vers la route principale, au plus intime, allant vers la colline. Le lieu, toujours dans une flânerie guidée, nous fait découvrir son histoire atypique au fur et à mesure que l’on avance. De surprise en surprise, on en arrive à découvrir les maisons souterraines de Bulla Regia, un quotidien de l’ordre du monumental, de l’insolite. Cacher le bâti n’est-il pas en partie cacher l’homme ? Une éventuelle adaptation au climat ainsi qu’au paysage d’insertion mais peut-être aussi par souci d’intimité ? Lors de la transition de la surface au souterrain, un sentiment de sécurité prône. Par la matérialité de l’espace dessous-terre, par la radicalité de la lumière y pénétrant, l’usager se sent comme enveloppé par la terre mère. 70


Vers une conquête de l’histoire, Appréhension du lieu

«La création en cet endroit de ce procédé est le fruit d’un choix et non d’une simple adaptation au terrain ou au climat. Aucune ville n’a adopté ce même parti architectural de manière aussi systématique.»41 a. Séquence 7, Maison de la chasse L’habitation doit son nom aux multiples mosaïques représentant des scènes de chasse de l’époque romaine. La maison de la chasse est l’une des habitations les mieux conservées montrant ainsi le quotidien des Romains et leur manière de s’adapter au climat de la région. Il est dit que les Romains occupaient l’étage supérieur en hiver et l’étage souterrain en été, puisque la région de Bulla Regia est caractérisée par des étés très chauds et des hivers très froids. L’ingéniosité romaine a donné lieu à des installations à l’étage souterrain ainsi qu’au rez-de-chaussée afin de faciliter la vie des romains d’autrefois. Une immersion progressive de l’usager se fait par le dispositif d’accès à l’étage souterrain. Des escaliers descendants, étroits, privatisés, voire secrets, nous mènent vers la découverte d’un espace hors normes. On y trouve une certaine révélation de ce qu’est la ‘magie’ de Bulla Regia.

Figure 69, Coupe de l’immersion progressive par les dispositifs d’accès aux maisons souterraines, Source : Auteur 41

CHAOUALI Moheddine, op. cit, p.16 Figure 70, Vue globale de l’Insulae de la Chasse, Source : Auteur


Vers une conquête de l’histoire, Appréhension du lieu

Les Romains ont donné lieu à des ambiances architecturales des plus spectaculaires par la lumière radicale pénétrant à travers la cour à ciel ouvert, associée à la matérialité du lieu, qui nous plongent dans un quotidien de l’ordre de la théâtralité issu des jeux d’ombres et de lumières. Une interaction de différentes civilisations est présente dans un même espace, on retrouve des colonnes corinthiennes et égyptiennes au niveau de l’espace central, comme on peut le voir par la deuxième photo, faisant de Bulla Regia un lieu où les cultures et histoires se rassemblent et s’assemblent, créant ainsi la beauté par la diversité.

Figure 71, Maison de la chasse, dispositif d’accès à l’espace intérieur souterrain, Source : Auteur

72


N

10 m

Vers une conquête de l’histoire, Appréhension du lieu

5m Figure 73, Plan souterrain de la maison de la nouvelle chasse Cour centrale à ciel ouvert Escaliers d’accès Etage souterrain

10 m

Figure 72, Plan Rez-de-chaussée de l’Insulae de la chasse, Source : Les ruines de Bulla Regia, A. Beschaouch, R. Hanoune, Y. Thébert

Figure 74, Plan souterrain de la maison de la chasse Source : Les ruines de Bulla Regia, A. Beschaouch, R. Hanoune, Y. Thébert

La cour centrale de l’insulae de la chasse est la plus impressionnante par sa massivité et par sa qualification. Les linteaux y sont conçus particulièrement, puisqu’ils représentent les seuls linteaux hexagonaux de Bulla Regia comme le montre la troisième photo (figure 71). La cour centrale à ciel ouvert, seul point de contact entre surface et sous-terre, fait la particularité des ambiances souterraines. A l’étage souterrain, des installations de climatisations naturelles permettant de refroidir les sous-espaces intérieurs reflètent l’ingéniosité des romains.

Figure 75, Maison de la chasse, dispositif de climatisation naturelle à l’espace souterrain Source : Auteur

Dans le cas de la maison de la chasse, le schéma traditionnel du péristyle central a été atténué par une distribution des pièces en grands secteurs. Ces derniers ont émis la probabilité que l’Insulae de la Chasse puisse être « le fruit de la fusion de plusieurs demeures qui se partageaient primitivement l’espace42. » La desserte d’eau se fait par des puits présents dans toutes les habitations souterraines, permettant l’arrivée de l’eau à l’étage souterrain en été quand les romains y étaient installés et à l’étage du rez-de-chaussée quand ils l’occupaient en hiver (figure 76).

Figure 76, puit de desserte d’eau, Source : Auteur

42

CHAOUALI Moheddine, op. cit, p.60

73


Vers une conquête de l’histoire, Appréhension du lieu b. Séquence 8, Maison de la pêche Remontant à la surface après la découverte de l’insulae de la chasse, on se retrouve à contempler la beauté du paysage environnant, la brutalité de la pierre des ruines qui l’accompagne, l’agrémente. Nous en arrivons à nous imaginer dans l’histoire de ce lieu des plus atypiques, des plus extraordinaires, cherchant à faire revivre un vécu passé, mais toujours aussi présent. Cour centrale à ciel ouvert N Escaliers d’accès Etage souterrain

5m

10 m

Figure 77, Plan Rez-de-chaussée de la maison de la pêche Figure 78, Plan souterrain de la maison de la pêche Source : Les ruines de Bulla Regia, A. Beschaouch, R. Hanoune, Y. Thébert

Figure 79, Coupe sur la maison de la chasse et de la pêche, Source: Auteur

Toujours dans l’attente de l’inattendu, on se retrouve à découvrir une nouvelle maison souterraine des plus spectaculaires, la maison de la pêche. Cette habitation est l’une des plus spacieuses avec celle de la chasse, elle reflète parfaitement le pouvoir ainsi que la situation sociale de ses occupants. Figure 80, Vue globale de la Maison de la Pêche, Source: Auteur


Vers une conquête de l’histoire, Appréhension du lieu L’accès à la demeure se fait par des escaliers descendants reflétant à l’usager, par cette immersion de la surface au souterrain, un sentiment de transition de l’anodin à l’insolite, de la flânerie à la révélation. Le dispositif d’accès de la maison de la pêche est beaucoup plus imposant que celui des autres villas souterraines de par la largeur de ses marches, avec une porte monumentale à sa fin, nous immergeant dans la vie cachée des romains d’autrefois. Une cour centrale à ciel ouvert articule les pièces d’habitation par un couloir de desserte. Seul contact entre terre et sous terre, véhiculant tant d’émotions. La terre nous englobe, nous protège, elle représente un certain refuge de la réalité, une certaine intimité. On se sent caché, comme si le temps ne comptait plus. Au même moment, on voit la lumière radicale qui pénêtre par la cour à ciel ouvert, on a comme besoin de voir au delà, d’aller chercher cette lumière, de la suivre à la surface. On en arrive à rêver à travers ce que le lieu nous évoque, à ne jamais vouloir s’en détacher.

Figure 81, Maison de la pêche, dispositif d’accès, Source: Auteur

75


Vers une conquête de l’histoire, Appréhension du lieu c. Séquence 9, Maison d’Amphitrite N Etage souterrain Escaliers d’accès 10 m

Figure 82, plan RDC, maison de Venus

Figure 83, plan sous-sol, maison de Vénus Source : Les ruines de Bulla Regia, A. Beschaouch, R. Hanoune, Y. Thébert

La maison d’Amphitrite doit son nom aux mosaïques qui y ont été retrouvées représentant la déesse Amphitrite. L’habitation est caractérisée par sa monumentalité et par la finesse de l’ornementation de ses espaces intérieurs. Elle représente une superficie moins importante que la maison de la pêche et de la chasse, mais elle véhicule tout autant l’architecture romaine dans sa splendeur. Dans la maison d’Amphitrite comme dans toutes les habitations individuelles de Bulla Regia, un couloir de desserte articule l’ensemble des pièces, menant vers les espaces intérieurs, dont les mosaïques, l’ornementation ainsi que la qualification de chaque détail en disent long sur l’ingéniosité des Romains. Figure 84, Mosaïque d’Amphitrite, Source: Auteur

76

Le tapis central du triclinium, pièce principale, est orné d’un triomphe de Vénus marine. Les mosaïques retrouvées dans chaque habitation de Bulla Regia nous véhiculent une histoire, un récit d’un vécu d’autrefois, une signification, faisant l’essence même de la cité romaine.


Vers une conquête de l’histoire, Appréhension du lieu En accédant par les escaliers descendants à l’étage souterrain, On se retrouve à replonger dans la quête d’une histoire qui n’est pas la notre mais que l’on approprie. Rien n’est gratuit dans la qualification spatiale et décorative de Bulla Regia, chaque élément raconte une histoire, reflète une croyance, une signification. Chaque pierre est témoin d’un temps qui passe, mais qui est toujours aussi présent. On retrouve la monumentalité architecturale de l’Empire Romain par la radicalité de la forme, par la disposition spatiale du plan type romain ainsi que par les éléments typiques à toute cité romaine. Cependant, on perçoit autrement celle de Bulla Regia. Son architecture est faite par l’homme, pour l’homme. Elle l’abrite, le protège, et ce sentiment est tout autant véhiculé par la perception d’un autre vécu, d’une autre temporalité, celle de l’usager d’aujourd’hui. Une présence des plus impressionnantes, celle de la lumière, nous subjugue. Elle y est étudiée par une ouverture Est et une autre Ouest de manière à ce que l’espace souterrain soit éclairé de toute heure. Une lumière pénétrant dans l’obscurité la plus totale, laissant entrevoir la lueur d’un certain espoir.

Figure 85, Maison d’Amphitrite, Dispositif d’accès, Source: Auteur

77


Vers une conquête de l’histoire, Appréhension du lieu

2.2.5. Synthèse: Esprit du lieu Bulla Regia, un art caché entre latent et manifeste A travers la découverte et l’expérience spatiale élaborée par les différentes séquences des 3 fragments, nous retenons trois aspects primordiaux de l’esprit de la ville romaine de Bulla Regia. a. Identité cachée du lieu Antoine de Saint Exupéry affirme que « Ce qui embellit le désert, c’est qu’il cache un puit quelque part. 43». Une citation révélatrice du caractère du lieu, le désert relève d’une image superficielle de Bulla Regia, le puit quant à lui caractérise le cœur inédit du lieu, son esprit atypique. Cette transition de la superficialité à la profondeur se manifeste par une approche poétique, sensible, issue d’un nouveau vécu, celui d’une nouvelle temporalité, celle du présent. Le parcours à travers la cité de Bulla Regia est semé de surprises, d’interrogations, mais aussi de révélations. L’usager expérimente une certaine flânerie à travers l’espace, une flânerie guidée par les ruines restantes du lieu historique, par ce qui reste des routes romaines, jusqu’à arriver au point de découverte de l’extraordinaire, de l’insolite. Chaque monument raconte une histoire que l’on découvre par un dispositif d’accès nous immergeant progressivement dans l’intimité de la vie romaine.

Figure 86, Coupe de l’immersion progressive par les dispositifs d’accès aux maisons souterraines, Source: Auteur

De l’architecture publique à l’architecture domestique souterraine, les Romains ont fait preuve d’une intention manifeste de camoufler le bâti par maintes et multiples manières: les Thermes semi-enterrés, le Théâtre camouflé mais surtout par les maisons souterraines atypiques aux cités romaines. Une immersion progressive se fait par le dispositif présent dans chaque maison souterraine, les escaliers par lesquels se fait une coupure avec la surface, comme l’a si bien souligné Mr Mohamed Ben Moussa, « le seuil ou la limite des deux mondes 44».

43 44

78

DE SAINT-EXUPERY Antoine, Le petit prince, édition oscar gm, sergio pg, 1943 BEN MOUSSA Mohamed, conférence à l’ENAU, workshop 5ème année, 2019


Vers une conquête de l’histoire, Appréhension du lieu

Figure 87, Coupe sur le parcours à travers les ruines de Bulla Regia , mouvements de montées et de descentes, Source: Auteur

La terre étant le point de contact, l’usager revit l’histoire par les mouvements de montée et de descente en contact direct avec le paysage prônant que le bâti ne brusque pas, mais complète. L’architecture de Bulla Regia devient alors au service de la nature et non le contraire. b. Surface et souterrain Le moment de découverte de l’espace souterrain par les escaliers déclenche un certain sentiment de transition d’un monde à un autre, de l’accessible à l’inaccessible, de l’anodin à l’insolite.

Figure 88, Dispositif d’accès à la maison de la chasse, Source: Auteur

A l’étage souterrain, seul point de contact avec la surface, la cour à ciel ouvert. Plus qu’un élément articulateur des espaces intérieurs, elle représente la seule connexion directe avec le ciel, ce qui renforce sa signification et sa monumentalité, par la lumière radicale par laquelle elle pénètre, par la pureté de la matière dans son aspect le plus brut.

Ciel

Terre Cour centrale à ciel ouvert jouant le rôle d’intermédiaire communicant entre la surface et le souterrain Figure 89, Coupe sur les maisons souterraines, Source: Auteur

79


Vers une conquête de l’histoire, Appréhension du lieu c. Essence du caractère caché du lieu

Adaptation à l’histoire numide du site

Caractère caché du lieu

Adaptation au climat du milieu et au paysage d’insertion

Recherche d’une certaine intimité des romains Figure 90, Essence du caractère caché du lieu, Source: Auteur

Bulla Regia, cité romaine souvent connue pour son architecture domestique souterraine, est bien plus que ce qu’elle reflète. Cette merveille urbaine et architecturale est issue d’histoires, de vécus et de recherches, mais aussi de contraintes de vie. L’ingéniosité des romains a fait de ces contraintes des avantages considérables, donnant à Bulla Regia un caractère unique. D’après l’analyse préalablement faite, on peut saisir que le caractère manifeste de la cité est d’enfouir le bâti, qu’il soit de l’ordre de l’architecture publique ou domestique, tout en préservant l’image de la ville forte et puissante de l’empire romain par ses édifices religieux et son centre de force politique et économique qui est le forum. Plusieurs hypothèses supposent que le caractère caché du lieu est issu d’une idée d’adaptation du quotidien des Romains au climat ainsi qu’au relief de la région. Ces derniers ont cependant fait en sorte d’afficher leur force économique au grand jour par la réalisation de deux étages de vie distincts s’adaptant aux différentes saisons de l’année. Bien qu’elle soit semi-enterrée ou par moment dissimulée, l’architecture publique est toujours aussi fidèle aux principes romains de hiérarchie sociale. La conception du théâtre témoigne d’une attention de différentier les classes sociales et ce, par la réalisation de différents accès, l’un, principal pour les classes riches à aisées et l’autre secondaire pour les classes populaires à pauvres. La conception des thermes, étant en elle-même un monument fréquenté exclusivement par la classe bourgeoise, atteste d’une grande finesse d’ornementation et de qualification d’espaces. Pour conclure, la conception de la cité romaine de Bulla Regia caractérise «l’art de cacher l’art»45 dans sa splendeur. Cette vision sensible, ce génie de la ville de l’empire romain nécessite cependant d’être révélé au grand jour, de manière à ouvrir les yeux des générations d’aujourd’hui, pour que celles-ci apprennent de leur histoire et sachent se positionner afin d’agir à l’avenir. 45 JOUBERT Joseph, Correspondance, à Mme Beaumont, 1801

80


Vers une conquête de l’histoire, Appréhension du lieu

2.4.

Conclusion

Le regard nouveau que l’on a insufflé à la cité romaine de Bulla Regia montre une richesse intérieure des plus particulières. L’esprit d’un lieu attestant d’un art caché n’attendant qu’à être révélé au grand jour. Cette réinterprétation de l’histoire de la cité romaine de Bulla Regia a pour objectif de faire de l’esprit poétique du lieu l’essence de l’action architecturale contemporaine que l’on va lui associer. On a donc pour objectif de mettre la mémoire vécue d’aujourd’hui au service d’un art architectural qui se doit de révéler le vécu d’autrefois tout en lui associant une nouvelle écriture, celle du présent. Bulla Regia, la cité romaine reflétant l’art caché entre latent et manifeste se prête totalement à cette réinvention de l’histoire. Un art de construire, mais aussi d’émouvoir, latent, n’attendant qu’à être révélé. La cité reflète une réelle considération d’un paysage des plus magnifiques dans la conception urbaine et architecturale de la ville, chose que l’architecte d’aujourd’hui se doit de faire. La cité romaine de Bulla Regia accompagne le paysage naturel, le sublime. Une reconnexion avec la nature est, de nos jours, nécessaire dans la discipline architecturale et urbaine, la nature nous abrite, nous nous devons donc de la considérer pleinement et d’en faire un élément fondamental de conception. L’idée de la connexion entre surface et souterrain par la terre donne lieu à multiples pistes de conception architecturale à travers cette poétique du lieu. La terre mère, sans laquelle l’art architectural ne peut avoir lieu, en est une constituante fondamentale à valoriser par une intervention la mettant en lumière. Nous avons tendance à n’en voir que les inconvénients par rapport à la qualité du sol à bâtir, mais nous n’avons jamais cherché à en faire des avantages, un sujet porteur de recherches vers une architecture vernaculaire pas seulement d’hier, mais de demain. L’aspect souterrain de l’architecture romaine de Bulla Regia peut s’avérer être une adaptation au climat ainsi qu’au paysage mais c’est aussi et avant tout une considération de l’homme dans l’espace architectural, une manière de le replacer au centre de la discipline, d’un point de vue ergonomique comme sensoriel. La considération de la lumière naturelle comme contact entre ciel et terre est plus qu’inspirante, menant les architectes créateurs d’aujourd’hui à se focaliser sur les ambiances intérieures, atmosphères produites par tout ce qu’il y a de plus pur, de plus naturel sans artifices ni technologies. Bulla Regia, site archéologique riche en histoire ayant une symbolique des plus signifiantes de par sa particularité, est cependant, de nos jours, délaissé nécessitant une revalorisation qui se doit de mettre l’histoire en lumière. 81


Figure 91, Bulla Regia, Vers une réécriture de l’histoire, Source : Auteur


C

hapitre III

Bulla Regia, Du rêve à l’action Il s’agit, au cours de ce chapitre, de partir de l’appréhension préalable du lieu afin d’arriver à la concrétisation de l’action architecturale que l’on va lui insuffler. Agir sur un lieu historique nécessite, au delà des connaissances approfondies de son histoire, une saisie de son état actuel avec toutes ses potentialités et ses contraintes à respecter. Nous nous devons de prendre en considération les limites qui nous sont imposées en tant qu’architectes ayant pour intention d’agir sur un site archéologique d’une telle ampleur. Nous développerons donc, au cours de ce chapitre, les besoins manifestes du site de Bulla Regia d’aujourd’hui afin de le révéler au grand jour par une action architecturale qui se doit d’être fidèle à son histoire ainsi qu’à son présent, son esprit d’aujourd’hui. Il est donc nécessaire de faire l’état des lieux dans le but de donner naissance à une action architecturale visant à valoriser le site par un nouveau regard et à mettre en lumière tout son potentiel. Ce chapitre se structurera donc en trois parties distinctes: - Diagnostic, état des lieux - Choix de l’intervention - Choix de l’emplacement du projet - Analyse du site d’action 83


Bulla Regia, Du rêve à l’action

3.1.

Diagnostic, états des lieux

3.1.1. Accessibilité à l’échelle urbaine Notre parcours vers le site archéologique de Bulla Regia commence à l’échelle de la ville dans sa globalité. Lors de la première séquence, on rencontre un paysage des plus magnifiques, celui de Béja. Un sentiment de dépaysement nous prend par la nature environnante dans son état le plus brut. En se rapprochant du lieu historique, on se rend compte qu’aucune signalétique ni carte de la région ne révèle la présence d’un site archéologique à proximité. Pour une première visite, l’usager découvrant le lieu est livré à lui-même.

Jendouba 84


Bulla Regia, Du rêve à l’action Les constructions industrielles en béton armé sont omniprésentes, brusquant le paysage environnant. On observe au fur et à mesure de l’avancement du parcours une alternance entre vue sur une nature authentique dans sa splendeur et vue de la construction humaine ne témoignant aucun intérêt à cette dernière. On en arrive à se demander si cette nature même ne serait pas mieux sans cette construction marginale. Connaissant les potentialités du lieu ainsi que l’ingéniosité des romains dans l’art constructif s’adaptant au climat et au sol de la région, on se demande pourquoi les habitants n’adoptent pas les techniques de construction vernaculaire manifestes dans le site historique d’à côté, celui de Bulla Regia, riche en leçons structurelles et architecturales. Après un long parcours, on arrive à entrevoir les ruines du site archéologique de Bulla Regia qui n’est aucunement mis en valeur au niveau de son environnement d’insertion. N

Bou Salem

Figure 92, Plan de situation de la route d’accès au site , Source : Google Earth réinterprété par auteur

85


Bulla Regia, Du rêve à l’action

3.1.2. Accessibilité à l’échelle architecturale

On arrive à l’accès du site archéologique de Bulla Regia. Le parking de stationnement se localise à gauche du site archéologique, le visiteur fait face à une rupture avec le site dès le début de son parcours. La route principale de 8 mètres de largeur menant de Carthage à Annaba, représentant le seul accès à Bulla Regia, sépare le site de son musée et du restaurant accolés au parking. Le restaurant, accessible aux visiteurs du site et seul point de restauration dans le voisinage le plus proche, est fréquenté par plusieurs passants qui ne font que s’approvisionner sans prêter attention au site, les usagers ayant visité Bulla Regia avant ou après s’être rendu au restaurant sont moins nombreux.

N

Site archéologique

S4

Route principale

S3

S1 S2 Restaurant

Complexe d’accueil

20 m

Figure 93, Plan du circuit d’accès au site archéologique, Source: Google Earth réinterprété par auteur

86


Bulla Regia, Du rêve à l’action

S1

S1

Parking

Complexe d’accueil S2 Vue du restaurant

Rupture

Site archéologique

S3 Porte de sortie du

complexe d’accueil

Figure 94, séquence spatiale d’accès au site archéologique Source auteur

S4 Porte d’accès au site

archéologique

Le parcours d’accès au site archéologique de Bulla Regia commence par le parking donnant directement sur l’espace de restauration. Le visiteur traverse ce dernier pour arriver à un petit espace de réception, complètement détaché du musée, pour ensuite prendre une allée donnant sur la route principale afin d’accéder au site. 87


Bulla Regia, Du rêve à l’action

3.1.3. Musée de Bulla Regia Le musée de Bulla Regia, un lieu qui est sensé être en continuité avec le site et refléter son histoire, est de l’autre côté de la route principale, complètement détaché du site, délaissé et fermé dont la seule signalétique indiquant sa présence est la pancarte d’accueil. Son état actuel est détérioré, de très petite surface comparée aux richesses du site archéologique de Bulla Regia nécessitant d’être exposées à ses visiteurs. Le point de stockage des éléments historiques retrouvés sur le site comme les mosaïques, les écritures représentant les croyances des romains d’autrefois et bien d’autres, est actuellement le fort byzantin qui fait office d’administration avec un parking dédié aux voitures des employés sur le site archéologique lui-même. Un site archéologique d’une telle ampleur, d’une telle richesse, qui se démarque de l’histoire des romains par son architecture vernaculaire, qui fait la différence par sa manière de construire et de concevoir sous-terre, ne mérite pas d’être exploité d’une manière anarchique.

20 m

N

A

e ipal

rinc te p Rou

Route pr

88

incipale

A Figure 95, Plan de situation du musée de Bulla Regia , Source : Auteur

Figure 96, Coupe A-A, Articulation du musée au site archéologique , Source : Auteur


Bulla Regia, Du rêve à l’action

Seule signalétique

Figure 97, Façade du musée actuel de Bulla Regia , Source : Auteur

L’état détérioré et non entretenu du musée donne à voir au visiteur, dès le premier abord, une image négative du site archéologique de Bulla Regia. Un musée attenant à un tel lieu d’histoire, se devant de valoriser et de refléter son importance, mérite qu’on lui porte une attention particulière dans le but de mettre en lumière ce que Bulla Regia a à offrir. De par son implantation et son état de conservation, le musée devient un élément secondaire dont on ne remarque presque pas l’existence.

Figure 98, Musée actuel de Bulla Regia , Source : Auteur

89


Bulla Regia, Du rêve à l’action

3.1.4. Parcours de visite En accédant au site archéologique à partir de la route principale, on se trouve à chercher le chemin à prendre, le parcours à suivre, les ruines étant étendues sur les 74 hectares du site archéologique, le visiteur, non assisté, se retrouve désorienté à se poser des questions sans aucune réponse donnée. La pancarte d’accès sensée donner des signalétiques, des indications au visiteur venant découvrir le site pour la première fois, montre un plan sur lequel est dessiné un parcours très flou avec des obstacles sur tout le long dus aux travaux d’excavation inachevés, ce qui fait que le visiteur se trouve obligé de rebrousser chemin afin d’accéder au monument suivant.

?

Je suis ou

Figure 99, Pancarte d’accueil au site de Bulla Regia , Source : Auteur

90

Vue 1


Bulla Regia, Du rêve à l’action N

Site archéologique

Pancarte

Route principale Accès

20 m

C omplexe d’accueil

Figure 100 , plan de situation du début du parcours de visite de Bulla Regia , Source : Auteur

Vue 2 Les séquences spatiales, vaguement indiquées par ce parcours de visite, sont articulées selon les routes romaines manquant d’entretien et de signalétiques. Nous nous sommes donc auto-dirigé à la découverte du site de Bulla Regia. On se perd dans l’espace, cherchant le chemin à prendre afin d’avoir des réponses, de comprendre l’histoire de ce lieu historique. Le contraste entre ce que l’histoire de Bulla Regia a à véhiculer et le manque de valorisation et de mise en lumière de ce passé si précieux en devient frustrant. Il est donc primordial de remédier à cette négligence d’une histoire qui est en partie la notre. 91


Bulla Regia, Du rêve à l’action

Séquence 6 Retournant vers le point de départ à partir des maisons souterraines, le parcours montre une succession de mouvements de montées et de descentes qui ne sont aucunement mis en valeur par des dispositifs de valorisation. Les accès ne sont pas démarqués et les monuments ne sont pas indiqués au visiteur.

Séquence 5 Après la visite du théâtre et du forum central, le visiteur se retrouve encore à rebrousser chemin afin d’accéder aux habitations individuelles et ce, à cause du manque d’entretien des routes romaines de passage avec un manque flagrant de présentation de chaque monument.

Séquence 2 Le fort byzantin est situé à la fin de la route romaine principale. Ce qui fait que le visiteur se trouve dans l’obligation de rebrousser chemin après avoir visité le monument, toujours sans aucune signalétique ni description de l’histoire du vestige romain.

92

Figure 101, plan du premier parcours de découverte de Bulla Regia


Bulla Regia, Du rêve à l’action N

Séquence 4 Cette route, manquant particulièrement d’entretien, mène vers le centre de la ville romaine de Bulla Regia, le Forum. Toujours aucune signalétique n’est mise en place afin d’indiquer la présence du lieu de rassemblement des romains d’autrefois.

Séquence 3 Toujours dans une flânerie à travers l’espace, le visiteur prend, lors de la troisième séquence, la route menant vers le théâtre romain, dans une ignorance totale de ce qui l’attend. Cette idée de flânerie et d’effets de surprise est à mettre en valeur par un réel dispositif de valorisation de l’histoire du lieu.

Obstacles Parcours 50 m

Séquence 1 La première séquence représentant l’accès au site à partir de la route principale ne présente aucune signalétique démarquant l’accès ou le chemin à prendre. Le visiteur est sensé être guidé par des indications à travers le site archéologique.

93


3.1.5. Synthèse Imagination

Etat des lieux

Structuration

Transformation

94


Bulla Regia, Du rêve à l’action

On déduit de cet état des lieux un réel manque d’entretien et de valorisation du site archéologique de Bulla Regia à l’échelle architecturale et urbaine. Cette histoire riche et particulière de la région du Nord-Ouest de la Tunisie nécessite d’être révélée et mise en valeur, ce qui permettrait de créer une dynamique touristique liant ainsi les multiples sites archéologiques de la zone donnant aux visiteurs la possibilité d’expérimenter et de découvrir un parcours touristique des plus intéressants. Le fait de mettre en lumière les leçons de l’histoire véhiculées par la cité romaine de Bulla Regia permettrait de donner lieu à un état de conscience aux habitants de la région et, à grande échelle, les avantages de l’architecture vernaculaire. C’est dans ce sens qu’il est nécessaire de s’interroger sur les potentielles interventions architecturales et urbaines contemporaines à entreprendre sur un lieu historique d’une telle ampleur.

95


Bulla Regia, Du rêve à l’action

3.2.

Choix de l’intervention 3.2.1. Réécriture du parcours de visite Il s’agit de révéler l’esprit du lieu par une réécriture du parcours de l’usager à travers l’histoire de Bulla Regia. La cité romaine représente l’art de cacher l’art dans sa splendeur, sa valorisation nécessite donc une considération de ses effets de surprise et de découverte à vivifier par une intervention ponctuelle et légère, à l’écoute du lieu, qui se doit d’accompagner ce qui est déjà là. Nous proposons cette nouvelle écriture du parcours basée sur un croisement du parcours actuel et celui retenu à travers la mémoire vécue du lieu. N

Parcours Monuments typiques Monuments atypiques Maisons souterraines

Figure 102, Plan du parcours de visite réécrit de Bulla Regia selon les accessibilités et routes romaines Source : Google Earth réinterprété par auteur 50 m

96

3


N

50 m

1

Obstacles Parcours

Figure 103, Plan du parcours de visite actuel de Bulla Regia, Source : Google Earth réinterprété par auteur

N

50 m

2 Parcours Monuments typiques Monuments atypiques Maisons souterraines

Figure 104, Plan du parcours de visite retenu à travers la mémoire vécue, Source : Google Earth réinterprété par auteur


Bulla Regia, Du rêve à l’action Puisqu’il est strictement interdit d’agir architecturalement, dans le cadre du périmètre d’un site archéologique, nous nous tenons, par notre légère intervention sur le lieu de Bulla Regia, de réaliser des installations ponctuelles de l’ordre de l’éphémère dans le but de respecter les réglementations. Cette action architecturale et urbaine a pour but de valoriser le parcours du visiteur à travers la ville romaine de Bulla Regia. Il s’agit, à travers la réécriture du parcours de visite, de mettre en évidence les routes romaines qu’empreinte l’usager à travers sa découverte de l’espace historique et ce, par: - Des signalétiques, directions, plans et descriptions des différents monuments. - Des jeux d’ombres et de lumières par l’installation de luminaires alternés dirigeant le visiteur à travers son parcours. - La qualification du sol par le traitement des pavés des routes romaines. Le but étant de garder l’aspect de flânerie contrôlée à travers l’espace historique, tout en jouant sur les effets de surprise en accentuant le sentiment d’intrigue du visiteur par des installations éphémères et des jeux de lumières artificielles. Nous accentuerons les mouvements de montée et de descente à travers les ruines de Bulla Regia par la valorisation des points de départ et d’arrivée d’un monument à un autre, le visiteur visualise ainsi un parcours clair dont le commencement et la fin sont préalablement précisés.

Figure 105, Valorisation du parcours de visite de Bulla Regia, Source: Auteur

Les dispositifs d’accès aux différents monuments et maisons souterraines seront mis en valeur par la lumière artificielle ainsi que des signalétiques et descriptions afin de guider le visiteur, de différencier le public du privé d’un point de vue urbain et ainsi, faire revivre l’usager le vécu d’autrefois. Afin de permettre à l’usager de contempler le site dans sa globalité, des points observatoires seront installés au niveau de la dernière séquence spatiale du parcours. 98


Bulla Regia, Du rêve à l’action

3.2.2. Lieu de mémoire de Bulla Regia Il s’agit de créer un lieu alliant l’histoire de Bulla Regia à son présent. Un lieu qui réécrit le passé romain du site par une réinvention contemporaine tout en véhiculant son vécu d’autrefois. Un musée typique, comme on en retrouve généralement en Tunisie, représente un espace d’exposition d’une collection pré-établie, de collecte de données. Ce qui, cependant, lui manque, c’est le rapport émotionnel à l’histoire, que l’on retrouve dans un lieu d’interprétation, intégrant lors de sa conception le vécu, l’expérience de l’usager dans l’espace.

Mémorial

Figure 106, Différences et similitudes entre musée et centre d’interprétation, Source: Auteur

C’est à cet aspect de l’espace architectural mémorial que l’on s’intéresse. Le lieu de mémoire de Bulla Regia se doit d’intégrer une scénographie par la déambulation à travers l’espace qui recrée l’histoire de la cité romaine d’une manière contemporanéïsée. Il ne s’agit donc plus d’une simple exposition d’une collection historique mais d’une histoire à raconter, à véhiculer aux visiteurs. Ce lieu de mémoire serait donc le commencement ainsi que l’aboutissement du parcours de visite du site archéologique, de manière à y être rattaché, à l’articuler. Il intégrera dans sa conception une réécriture de ces effets de surprise et d’intrigue présents dans le site archéologique de Bulla Regia, comme les dispositifs d’entrée aux différents monuments caractérisés par l’accès, la mise en condition et enfin l’immersion totale de l’usager dans l’espace, toujours dans l’idée de refléter cet art caché entre latent et manifeste.

Accès

Mise en condition

Immersion

Le projet se doit de refléter d’un point de vue architectural, urbain et ambiantal, l’idée de la mitoyenneté entre l’hier et l’aujourd’hui et ce, par la qualification des matérialités, par son implantation ainsi que ses espaces de déambulation. Il s’agit d’une réelle expérimentation d’une architecture atemporelle, alliant l’histoire à la contemporanéité. L’œuvre architecturale se doit d’être en harmonie avec le paysage, respectant la nature environnante et l’histoire du site, la pièce maîtresse doit toujours être le site archéologique. Il est donc nécessaire de prendre plusieurs critères en considération lors du choix du site d’implantation. 99


100


Bulla Regia, Du rêve à l’action

3.2.3. Synthèse Il s’agit, par cette intervention, de donner une nouvelle vision de la revalorisation patrimoniale. L’intérêt est d’intégrer une poétique du lieu dans la conception architecturale, à même de permettre sa réminiscence, créer une nouvelle poïétique faisant appel aux sens de l’usager dans le lieu historique, ressuscitant l’histoire par une nouvelle appréhension, une nouvelle temporalité, un nouveau vécu. Ce qui reste primordial au cours de l’élaboration de cette nouvelle vision du patrimoine, c’est de ne pas toucher à l’authenticité de ce que doivent véhiculer les villes du passé comme sens, leçons, significations de leurs histoires. L’objectif dans notre cas d’étude, est de révéler l’esprit manifeste du lieu historique que représente Bulla Regia: L’art caché entre latent et manifeste.

101


Bulla Regia, Du rêve à l’action

3.3.

Choix de l’emplacement du projet 3.3.1. Périmètre de la cité romaine Le périmètre du site archéologique représente le critère le plus important à considérer lors du choix du site d’action. Il est délimité par les archéologues afin de ne pas permettre la construction sur les sites patrimoniaux de par leur signification ainsi que sur les potentiels vestiges du passé que l’on peut retrouver sous-terre puisque les excavations n’ont pas été achevées. Le périmètre, comme délimité sur le plan représente une surface de 74 hectares sur laquelle nous ne pouvons agir que par des installations de l’ordre de l’éphémère afin de ne pas abîmer les vestiges romains de Bulla Regia, dans le but de réécrire le parcours de visite des visiteurs et mettre en place les dispositifs d’observation du site archéologique dans sa globalité. Le lieu de mémoire à créer devra être implanté hors du périmètre délimité du site de Bulla Regia.

Colline adjacente 102

Route adjacente

Site


Bulla Regia, Du rêve à l’action Haut de la colline

N

Bou Salem

Jendouba 50 m

archéologique

Limite du périmètre du site archéologique Routes de desserte Périmètre potentiel d’intervention Figure 107, Plan délimitant le périmètre du site archéologique, Source: Institut national du patrimoine, département d’Architecture, d’urbanisme et de classement, réinterprété par auteur

Colline adjacente Figure 108, Coupe panoramique sur le site archéologique de Bulla Regia, Source: Auteur

103


Bulla Regia, Du rêve à l’action

3.3.2. Continuité avec le site archéologique Le musée actuellement fermé de Bulla Regia présente une rupture avec le site archéologique. Il faut donc assurer une continuité entre le parcours des visiteurs et le lieu de mémoire à créer. Pour cela, notre approche consiste à prolonger les routes romaines afin de visualiser leurs aboutissements et de se situer par rapport au périmètre du site archéologique dans le but de choisir le futur site d’implantation du projet à concevoir. Ce prolongement a donné lieu à deux potentielles zones d’emplacements du projet hors du périmètre du site.

N Haut de la colline

ZONE 2

ZONE 1

Bou Salem

Prolongement des routes romaines Zones d’intervention Jendouba

104

50 m

Figure 109, Plan des zones à bâtir par rapport au site, Source: Auteur


Bulla Regia, Du rêve à l’action

Proposition 1 Cette zone d’implantation présente un avantage au niveau de l’accessibilité puisqu’elle est située sur une route pré-établie de 4m de largeur menant vers le haut de la colline avec une possible prolongation des routes romaines afin d’assurer la continuité du projet avec le site archéologique. Le projet serait articulateur du site archéologique représentant le point de départ du parcours avec une possibilité de créer un parking adjacent. Vers le site archéologique

Proposition 2

Figure 110, première zone d’insertion, Source: Auteur

La deuxième zone d’insertion présente un souci d’accessibilité puisqu’elle est située au plus haut point de la colline, elle n’est pas desservie par une route et contient une carrière de pierre au niveau de son plus haut point. Elle présente cependant l’avantage d’une vue panoramique du site dans sa globalité, les gens du village viennent souvent s’y installer sans qu’il n’y ait aucune installation adéquate. Vers le site archéologique

Figure 111, deuxième zone d’insertion, Source: Auteur

105


Bulla Regia, Du rêve à l’action

3.3.3. Intégration dans le paysage La paysage est une composante essentielle à prendre en considération dans l’implantation du futur projet qui se doit de respecter et de compléter la nature qui l’abrite. Les romains ont fait preuve, par leur manière de construire, d’une grande considération du sol de la région dans leur conception de la ville romaine de Bulla Regia, il est donc nécessaire de prendre l’exemple en faisant des éléments naturels tels que l’eau, la terre, le végétal, la pierre, la lumière, des éléments conceptuels d’un lieu de mémoire tirant profit de ce qui l’entoure. La deuxième proposition attesterait d’une intention de l’architecte qui serait d’élever le projet au plus haut point, ce qui risquerait de porter l’œil du visiteur vers le contemporain et d’en oublier l’essentiel de l’acte de bâtir à Bulla Regia, révéler l’histoire. La première proposition, présentant une faible pente descendant vers la route principale, est donc la plus adaptée à un futur lieu de mémoire se devant de refléter l’histoire de Bulla Regia.

Route principale

Ecole voisine

Espace parking

Site d’insertion Colline adjacente Figure 112, coupe sur le site d’insertion, Source: Auteur

N

Bou Salem

50 m

Jendouba

Figure 113, Plan de situation du terrain d’intervention, Source: Auteur Zone d’intervention


Bulla Regia, Du rêve à l’action

3.3.4. synthèse D’après l’analyse des différentes possibilités d’emplacements du futur projet et par respect aux critères de construction à proximité d’un site archéologique, la première proposition semble être la plus adéquate à l’implantation du lieu de mémoire de Bulla Regia. Le rapport du projet à la nature environnante est à mettre en évidence par une considération de la colline adjacente dans la conception architecturale afin de ne pas brusquer le paysage d’insertion, toujours dans l’idée que le projet accompagne ce qui est déjà là. La deuxième proposition reste cependant à exploiter en tant qu’observatoire du site archéologique, à la fin du parcours des visiteurs.

107


Bulla Regia, Du rêve à l’action

3.4

Analyse du site d’action 3.4.1. Paysage d’insertion et topographie Le site sélectionné de 2,8 hectares de surface est implanté sur une légère pente de 5% suivie par une colline le chevauchant avec une carrière de pierre disponible à proximité. Il est traversé par un oued de 2,5m de largeur allant jusqu’au niveau de la colline qu’il faudra intégrer dans la conception architecturale en tant qu’élément articulateur. On retrouve des rangées d’oliviers sur le site d’insertion à intégrer nécessairement en tant l’élément articulateur dans la conception architecturale du lieu de mémoire.

Oliviers

Route de desserte

Voisinage

Site d’insertion Route Site archéologique Figure 114, Vue panoramique du site d’insertion, Source: Auteur

Carrière de pierre

Route

108

Oued

Site d’insertion

Colline adjacente Figure 115, Coupe sur le site d’insertion, Source: Auteur


Bulla Regia, Du rêve à l’action Oued traversant

N

Haut de la colline

200 m

170m

Site archéologique

150 m

60 m

80 m

200 m

Accès à partir de la route principale

10 m 15 m Surface constructible Espace parking Routes de desserte Oued Figure 116, Plan analytique du site d’insertion, Source: Auteur

109


Bulla Regia, Du rêve à l’action

3.4.2. Accessibilité et Voisinage environnant Le site est desservi par deux routes qui lui sont adjacentes, permettant ainsi d’assurer multiples accès aux visiteurs. La connexion avec le site archéologique est réalisable par la prolongation des routes romaines de Bulla Regia. On retrouve une école primaire au début du tournant à partir de la route principale, à côté de deux maisons individuelles. Le projet se doit d’être un lieu de sensibilisation des plus jeunes à la signification du patrimoine et à l’art dans sa globalité. Il est primordial d’en faire un espace au service du bien être des habitants de la région. Le site est, ensuite, suivi par une Zaouïa ainsi qu’un cimetière délimité par une baie végétale d’oliviers. Le terrain est situé suffisamment en hauteur pour offrir une vue panoramique du site archéologique. Par un mouvement ascendant à partir de la rue principale, l’accessibilité au lieu de mémoire est tout aussi intrigante que les dispositifs présents à Bulla Regia, un mouvement à travers l’espace articulé par le paysage naturel qui nous entoure.

3 Site d’insertion

2 Ecole primaire 1 Accès à partir de

la route pricipale

Figure 117, Accessibilité à l’échelle urbaine au site d’insertion, Source: Auteur

110


Bulla Regia, Du rêve à l’action 140 m

4m

4,5 m

4m

Route adjacente

Oued Traversant

Route adjacente

Site archéologique

Figure 118, Coupe B-B sur le site d’insertion , Source: Auteur Haut de la colline

Ro ut eS

ec

N

B on d

air e

de

4m

ire Route Seconda de 4m

B

Route Secondaire de 4m

Bou Salem Route Secondaire de 4m

Ecole

cip

n pri ute o R

Accès à partir de la route principale

cipale

prin Route

Jendouba

de 8m

ée Mus

ale

50 m

Oued Routes de desserte Prolongement des routes romaines Emplacement cimetière et Zaouïa Figure 119, Terrain d’insertion, continuité avec le site archéologique, Source: Auteur

111


Bulla Regia, Du rêve à l’action

3.3.3. synthèse D’après l’analyse du site d’intervention, on peut déduire qu’il est primordial de prendre le recul nécessaire par rapport au voisinage environnant afin de mettre en relief la connexion du lieu de mémoire avec le site archéologique de Bulla Regia. Ce site répond aux critères d’accessibilité par deux voies de desserte qui le chevauchent des deux côtés. L’oued qui le traverse représente un élément de conception intéressant puisqu’il est l’un des éléments naturels de conception urbaine et architecturale des romains, à interpréter par une lecture contemporaine. La topographie d’insertion représente une pente assez faible que l’on doit savoir exploiter afin de refléter l’idée de l’art caché à révéler de Bulla Regia. Il est tout aussi important de prendre en considération l’orientation afin de donner au visiteur la possibilité de contempler le site archéologique dans sa globalité avec le recul nécessaire. L’intervention urbaine et architecturale se doit de donner le plus à ce que Bulla Regia a déjà à offrir.

112


Bulla Regia, Du rêve à l’action

3.5.

Conclusion

L’intervention consistera donc en une réécriture du parcours de visite du site afin de révéler l’esprit du lieu de Bulla Regia, l’art caché entre latent et manifeste. L’aboutissement ainsi que le commencement de ce parcours se fera à partir du lieu de mémoire, un lieu d’interaction de l’histoire et de la contemporanéité qui représente la partie la plus importante de l’intervention, intégrant une scénographie spatiale faisant revivre aux visiteurs le vécu d’autrefois.

Ombre et lumière Observatoires

Installations éphémères

Signalétiques

Parcours de visite

Lieu de mémoire Histoire contemporanéïsée Éléments de la nature Scénographie

Continuité avec le site

Figure 120, interventions urbaine et architecturale sur le site de Bulla Regia, Source: Auteur

113


Figure 121, Mystère du théâtre romain de Bulla Regia, Source : Auteur


C

hapitre IV

Transformation

Réécriture d’une mémoire contemporanéïsée

Les problématiques posées au cours des derniers chapitres ont eu pour but de susciter une prise de position critique de l’architecte concepteur face à cette dualité de l’histoire et du temps en perpétuelle évolution. Ce chapitre vise donc à trouver des réponses architecturales aux problématiques posées, allant ainsi de la recherche à la concrétisation, de l’abstrait au concret, de l’imagination à la transformation, de la poétique à la poïétique nouvelle d’un lieu en mutation. Notre intervention urbaine et architecturale dans le site archéologique de Bulla Regia est issue d’une réflexion poétique prenant ses sources de l’esprit caché du lieu qui porte en lui-même l’essence de l’action architecturale que l’on va lui insuffler. Ce chapitre se structurera donc selon les différentes échelles d’intervention comme suit: . Structuration, Émergence de l’art caché . Références architecturales . Concepts clés . Programmation fonctionnelle . De la structuration à la transformation . Réécriture du parcours de visite . Projet : Lieu de mémoire de Bulla Regia

115


Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée

4.1.

Références architecturales et urbaines 4.1.1. Parcours de visite a. Adaptation of The Roman Ruins of Can Tacó Toni Girones

Figure 122, Intervention architecturale sur les ruines de Can Taco, Source : https://www.archdaily.com/

116


Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée

Exploitation des pierres du site

Ce qui est le plus intéressant dans cet exemple de valorisation du patrimoine est la capacité des concepteurs à optimiser ce qui est déjà là, il s’agit d’une adaptation aux traces du passé en ayant recours aux matériaux locaux. L’idée des installations éphémères dans la reproduction des ruines par les volumes évidés en acier représente un moyen de valoriser l’histoire du lieu sans la brusquer.

Installations éphémères

Contraste des matériaux Figure 123, Mise en évidence de l’emprise de l’intervention sur les ruines de Can Taco, Source : https://www.archdaily.com/

Matérialités opposées Matériaux locaux

Volumes évidés

Installations éphémères

Traces du passé 117


Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée b. Cave médiévale, centre Bombas Gens, Valencia Ramon Esteve Estudio

Les concepteurs allient la contemporanéité à l’histoire par une association de matérialités opposées, la massivité de la pierre à la transparence du verre. Il s’agit, dans cet exemple, d’une réécriture de cette massivité de la pierre par un jeux d’alternance de plein et de vide des pierres intégrant la lumière naturelle à l’espace d’exposition. L’idée d’un parcours à travers les vestiges du passé par une installation suspendue en verre permet la protection des ruines restantes. Filtration de la lumière naturelle par le jeux de plein et de vide des pierres

Parcours en verre à travers les ruines

Ruines restantes

Figure 124, Action contemporaine , Cave méfiévale du Centre Bombas Gens, Source : https://www.archdaily.com/

118


Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée

Figure 124, Action contemporaine , Cave méfiévale du Centre Bombas Gens, Source : https://www.archdaily.com/

Figure 124, Action contemporaine , Cave méfiévale du Centre Bombas Gens , Source : https://www.archdaily.com/

Transparence

Parcours à travers l’espace

Réécriture de la matière Matérialités opposées

Scénographie par la lumière 119


Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée c. Coverage of Archaelogical Ruins, The Abbey of St. Maurice Savioz Fabrizzi Architectes

Il s’agit dans ce travail de revalorisation d’une réflexion portée sur la protection des ruines archéologiques tout en gardant l’aspect authentique du lieu. Le concept est de couvrir les vestiges tout en assurant un contact indirect avec le ciel par la filtration de la lumière naturelle par une installation suspendue en grillage sur laquelle sont réparties des pierres locales dans l’idée d’une alternance entre ombre et lumière.

Figure 125, Mise en évidence du dispositif de valorisation des ruines de St Maurice Source : https://www.valenciabonita.es/

Cette intervention allie la contemporanéité à l’histoire dans un but fonctionnel, ambiantal et économique.

Figure 126, Coupe sur le dispositif de valorisation des ruines de St Maurice, Source : https://www.valenciabonita.es/

Jeux par la lumière naturelle

Pierre locale

Réécriture de l’espace historique 120


Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée d. Le site de « La chapelle » à Jau-Dignac et Loirac

Ce qui est intéressant dans ce cas de revalorisation des œuvres du passé, c’est qu’il raconte l’histoire du site archéologique par une réécriture contemporaine, intégrant des éléments éphémères ne détériorant pas les réels vestiges du passé. Les vestiges bâtis ont été enfouis et protégés, remplacés par un « fac-similé » présentant les principaux édifices successifs. Cette restitution, conçue par C. Le Maréchal, est dominée par une passerelle en bois sur laquelle sont disposés des panneaux de description de chaque édifice et de l’histoire du lieu.

Figure 127, Installation du parcours à travers l’histoire du site de «la chapelle», Source : https://www.gironde-tourisme.fr/patrimoine-culturel/site-archeologique-de-la-chapelle/

Parcours séquentiel

Installations éphémères

Parcours suspendu à travers l’histoire 121


Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée

4.1.2. Lieu de mémoire

a. Lascaux IV, International center for cave art Snohetta

Fente à travers le projet articulant l’espace d’exposition

122

Figure 128, Plan et coupes du Centre international de l’Art Pariétal , Source : https://www.metalocus.es/, réinterprété par auteur


Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée

Figure 129, Centre international de l’Art Pariétal, Paysage et implantation , Source : https://www.metalocus.es/

Le projet Lascaux IV est un centre d’interprétation d’ art pariétal dont la programmation et les critères d’implantation sont similaires à ceux du lieu de mémoire de Bulla Regia. La lumière y est un élément fondamental de conception, les concepteurs qualifient le projet par l’expression «Shaped by light», La forme du bâti est donc au service de la lumière et non l’inverse, d’où la présence de fentes zénithales traversant le projet. Une attention particulière est accordée au paysage d’insertion lors de l’implantation du projet. En effet, il s’inscrit dans la topographie du site tel une fente à travers le paysage afin de ne pas brusquer la nature environnante

Figure 130, Centre international de l’Art Pariétal, Vue extérieure , Source : https://www.metalocus.es/

123


Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée

Projet traversant

Partie immergée du projet Alliance de la brutalité du béton à l’authenticité de la pierre

Toiture accessible

Accès Mise en condition Immersion Figure 132, Lascaux IV, Concepts , Source : https://www.metalocus.es/ schémas réinterprétés par auteur

124

Figure 133, Lascaux IV, Vue sur les fentes à travers le projet , Source : https://www.metalocus.es/


Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée

Figure 131, Immersion dans l’espace d’exposition des caves de Lascaux IV , Source : https://www.metalocus.es/

Les séquences spatiales sont tout autant étudiées par une scénographie reproduisant les ambiances des caves d’autrefois, les originales ont été isolées afin d’être protégées. La continuité intérieur extérieur est assurée par les fentes à ciel ouvert à travers le projet ainsi que les multiples accès au projet. L’aspect souterrain est tout aussi présent qu’à Bulla Regia, des mouvements de montée et de descente par la toiture accessible et les multiples accès. La connexion entre terre et ciel par les fentes à travers le projet sont assurées lors du parcours à travers le centre d’interprétation, un lieu éveillant les sens de ses visiteurs. Il s’agit d’un projet traversant, en connexion avec ce qui l’entoure alliant histoire et contemporanéité. Projet traversant

Continuité extérieur intérieur

Fente à travers le paysage Immersion progressive

Toiture en tant qu’observatoire 125


Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée b. Museum and Archive, Jabotinsky center Chyutin Architects Ltd

Accès en immersion

Partie immergée du projet

Toiture continue, mouvement d’ascension et de descente

Figure 134, Jabotinsky center, Plans étages , Source : https://www.archdaily.com/, réinterprété par auteur

126


Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée

Ce musée prend tout autant en considération le paysage d’insertion lors de son implantation, il s’inscrit sous une forme volumétrique triangulaire dont la hauteur suit la topographie du site. L’accès à l’espace intérieur y est conçu par immersion à travers les escaliers descendants vers l’étage inférieur qui est totalement enterré dans la pente d’insertion.

Figure 135, Jabotinsky center, Emprise au sol et implantation , Source : https://www.archdaily.com/

127


Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée

Conception par ce qui est déjà la, le souci de préserver la végétation présente sur le site

Entre le vu et le caché

Figure 137, Jabotinsky center, Considération de la connexion extérieur intérieur dans le parcours de visite , Source : https://www.archdaily.com/

Accès valorisé Entre vu et caché, le jeu par la matière 128

Exposition intérieur extérieur


Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée

Figure 136, Jabotinsky center, Coupe et élévations, Source : https://www.archdaily.com/, réinterprétées par auteur

Hauteur du bâti suivant la topographie du site, le paysage au cœur de la conception

Figure 138, Jabotinsky center, Vue extérieure du projet dans son paysage d’insertion , Source : https://www.archdaily.com/

Parcours immersif

Continuité extérieur intérieur

Considération du paysage par la forme 129


Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée c. Musée d’histoire, Lucs de Boulogne PLAN.01 Architectes et associés

Figure 139, Musée d ‘Histoire aux Lucs de Boulogne, Plan général , Source : http://lepamphlet.com/

Logique de programmation

Accès

Accès

Réception - Espace de restauration

Administration

Archives Espace d’exposition constante

Bureaux de travail

Espace d’exposition temporaire

Hall de desserte

Hall de Rassemblement

Sortie

Parcours visiteurs

130

Espace livraison

Parcours personnel


Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée

Toiture végétalisée

Figure 140, Musée d ‘Histoire aux Lucs de Boulogne, Implantation et paysage , Source : http://lepamphlet.com/

Ce musée d’histoire montre une réelle considération du paysage par le souci de camoufler le bâti afin de l’insérer dans son contexte environnant par la toiture végétalisée. La matérialité est étudiée de manière à ce que le verre des façades reflète le végétal environnant et ne le brusque pas, l’accès qui se fait par une allée urbaine articulant les deux volumes est conçu afin de jouer sur les perspectives de vue des visiteurs.

Contraste des matérialités

Figure 141, Musée d ‘Histoire aux Lucs de Boulogne, Façade et matérialités , Source : http://lepamphlet.com/

131


Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée

Aspect enfoui

Toiture en continuité avec le paysage

Accès immersif Le projet s’inscrit dans la continuité du lieu qui l’abrite, comme peut le montrer l’esquisse de départ. Son implantation montre un jeu de niveaux par rapport au niveau initial du sol, le projet intègre une partie enterrée et une autre à la surface. L’accès interpelle les visiteurs par l’allée urbaine qui l’articule, jouant ainsi sur les effets de surprise et d’intrigue. La fonctionnalité intérieure joue sur une gradation au fur et à mesure de l’avancement du parcours à travers le musée, allant de la réception au premier espace d’exposition, le musée des enfants et l’espace d’exposition temporaire finissant par un hall de rassemblement à la fin du parcours.

Figure 142, Musée d ‘Histoire aux Lucs de Boulogne, Coupes et élévations , Source : http://lepamphlet.com/

132


Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée Accessibilité par immersion progressive

Figure 143, Musée d ‘Histoire aux Lucs de Boulogne, Accès en immersion , Source : http://lepamphlet.com/

Accès immersif

Toiture végétalisée suivant la topographie

Matérialités opposées Intégration dans le paysage

Parcours à travers le projet 133


Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée

4.1.3. synthèse Références

Parcours

Adaptation of The Roman Ruins of Can Tacó

Continuité des traces du passé

Volumes évidés

Installations éphémères

Matérialités opposées

Cave médiévale, centre Bombas Gens, Valencia

Réécriture de la matière

Entre transparence et opacité

Coverage of Archaelogical Ruins, The Abbey of St. Maurice

Valorisation de l’existant

Pierre locale

Filtration de la lumière naturelle

Requalification du parcours de visite

Parcours suspendu à travers les ruines du passé

Installations éphémères

Le site de « La chapelle » à Jau-Dignac et Loirac

Projet

Outils

Concepts

Lascaux IV, Internatio- Continuité lieu/ bâti nal center for cave art Museum and Archive, Jabotinsky center Musée d’histoire, Lucs de Boulogne

Considération du paysage

Camouflage du bâti

Projet traversant

Scénographie par la lumière

Fente à travers le paysage

Toiture Accessible

Multiplicité des accès

Forme immersive du bâti

Entre vu et caché, jeu par la matière

Toiture végétalisée

Immersion progressive Matérialités opposées

Figure 144, Bulla Regia, Concepts clés de l’intervention, Source: Auteur

134


Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée

Concepts dégagés par la théorisation

Concepts dégagés par l’esprit du lieu

Mitoyennetés contemporaines

Contraste entre surface et souterrain

Pérennité par la mémoire

Immersion progressive

Mémoire vécue et empruntée

Effets d’intrigue et de surprise

Regard Anachronique

Flânerie contrôlée à travers l’espace

Architecture atemporelle

Conception par la lumière

Poïétique des lieux

Contact entre ciel et terre

Interdépendance histoire et contemporanéité

Conception par les éléments de la nature

Les différentes références de valorisation du patrimoine se rejoignent dans l’idée de prêter l’attention du visiteur à ce que l’histoire reflète. Les ruines du passé représentent l’essence de ce qui est crée aujourd’hui. Le bâti contemporain complète ce qui existe déjà par une écriture nouvelle respectant parfaitement celle de l’histoire. Nous déduisons ainsi, à travers l’analyse de multiples exemples de valorisation des vestiges du passé, les concepts clés de l’intervention architecturale et urbaine sur le lieu de Bulla Regia. Ces différentes manières de révéler le patrimoine sont à allier à la notion de mitoyenneté contemporaine développée au cours du premier chapitre, que l’on mettra au service de l’esprit du lieu de Bulla Regia dégagé par le deuxième chapitre, l’art caché entre latent et manifeste, tout en prenant en considération les besoins et nécessités du site d’intervention, relevés à travers le troisième chapitre.

135


Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée

4.2.

Structuration, Émergence de l’art caché 4.2.1. Concepts clés

Le lieu de mémoire de Bulla Regia intègre donc les concepts dégagés de l’esprit du lieu et des références architecturales préalablement analysées. Il se structure comme suit:

Exprimer l’esprit du lieu historique de Bulla Regia: l’art caché entre latent et manifeste révéler l’art caché par les effets de surprise, les dispositifs d’accès.

Le projet comme aboutissement du parcours réinventé : Articulation selon les routes romaines du site afin d’assurer la connexion directe avec le site archéologique de Bulla Regia.

Projet traversant : l’idée de la continuité avec le site Permettre une vue panoramique à travers la toiture du projet (accessible)

Considération du paysage dans sa globalité: Le concept de la fente à travers le paysage : ne pas brusquer la nature accompagner ce qui est déjà la

Intégration des éléments de la nature dans la conception: . L’eau:

L’Oued en tant qu’élément articulateur

. Le végétal:

Les oliviers présents sur le site à préserver

. La matière:

La pierre romaine contemporanéisée

. La colline:

projet partiellement immergé dans la colline, l’aspect souterrain de Bulla Regia

- Connexion ciel et terre:

Aspect souterrain de la vie des romains d’autrefois 136


Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée

Figure 145, Schéma récapitulatif de l’action architecturale tentée sur le site de Bulla Regia, Source: Auteur

137


Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée

4.2.2. Programmation fonctionnelle Nous avons évalué les manques et nécessités de la ville romaine de Bulla Regia à partir de l’analyse préalable afin de réaliser une programmation fonctionnelle adéquate au futur lieu de mémoire. Les références architecturales nous ont aussi permis de saisir les fonctionnalités premières nécessaires aux espaces de mémoire comme les musées et les centres d’interprétation ainsi que leurs superficies approximatives afin d’évaluer la surface bâtie minimale du projet à concevoir. Ce qui nous mène vers la programmation fonctionnelle finale que l’on doit allier aux concepts préalablement établis.

Figure 146, Lieu de mémoire de Bulla Regia, Tableau récapitulatif des surfaces, Source: Auteur

138


Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée

Accès secondaire

Sortie principale Lieu de rassemblement

Sortie secondaire

Accès secondaire

Accès principal

Circuit des visiteurs Circuit de livraison Circuit du personnel administratif Circuit réunion/ Workshop

Figure 147, Organigramme du fonctionnement interne des espaces selon la fonction, Source: Auteur

Cet organigramme rassemble les différentes fonctionnalités afin de les lier entre elles et de visualiser les multiples circuits des différents usagers de l’espace. Il s’agit de penser la fonctionnalité ainsi que la scénographie spatiale sans y associer un aspect formel. Le projet étant traversant, l’idée des multiples accès permet au visiteur de le parcourir de multiples façons et de découvrir ses différents aspects. 139


Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée

4.2.3. Synthèse Notions dégagées Mitoyenneté Contemporaine

Lieu de mémoire Esprit du lieu Vécu personnel

Références Architecturales et urbaines

Figure 148, Paramètres à considérer dans la conception du lieu de mémoire, Source: Auteur

140


Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée

Après avoir dégagé les intentions premières de conception du projet à partir des références architecturales et de l’esprit poétique du lieu, il est primordial d’assurer la continuité de cellesci avec les notions préalablement étudiées. Le projet se doit d’être une expression de l’idée de la mitoyenneté contemporaine en architecture,et ce, par sa qualification spatiale, sa matérialité , son implantation. Il se doit d’intégrer une scénographie spatiale qui plonge le visiteur dans l’histoire d’’autrefois par un vécu contemporain.

141


Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée

4.3.

De la structuration à la transformation 4.3.1. Réécriture du parcours de visite : Révéler l’aspect caché du lieu

Signalétiques et descriptions

Mise en lumière du site archéologique Lumière artificielle en tant qu’élément articulateur

Requalification du sol Matérialités opposées

Il s’agit de révéler le parcours du visiteur par la lumière artificielle qui articule la trace des routes romaines d’autrefois et valorise l’accès au site par des signalétiques. Le pavé ancien est articulé par une alliance avec une nouvelle matérialité, des lamelles amovibles de parquet en bois qui suivent des lignes régulières complétant les portions manquantes de ce dernier, dans l’idée d’articuler le visiteur dans sa flânerie contrôlée à travers l’espace historique. Cette opposition de matérialités exprime pleinement la mitoyenneté entre ancien et nouveau par la matière.

Figure 149, Bulla Regia, accès et immersion, Source: Auteur

142


Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée

Toujours dans l’idée d’une intervention éphémère par respect au site archéologique, le parcours du visiteur à travers les vestiges du passé est valorisé par des signalétiques contenant une description de chaque monument de la cité romaine ainsi que son fonctionnement intérieur et sa particularité.

Figure 150, Bulla Regia, Parcours réinventé, Source: Auteur

Les routes romaines dissoutes par le manque d’entretien sont réinterprétées par les lamelles de bois articulées par les lumières faisant office de signalétiques tout au long du parcours de découverte. Figure 151, Bulla Regia, Mise en lumière des routes romaines, Source: Auteur


Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée a. Dispositifs d’accès

144


Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée

N

Lumière guidant le visiteur Requalification du sol

Maison d’Amphitrite

Signalétiques

Immersion progressive

Maison de la pêche

Maison de la chasse

Théâtre romain

Thermes memmiens

Figure 152, Bulla Regia, Plans détails de la valorisation des dispositifs d’accès aux monuments, Source: Auteur

145


Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée b. Aboutissement du parcours : l’observatoire

La colline adjacente au site archéologique représente un point observatoire idéal afin de visualiser la ville romaine dans sa globalité. Une vue panoramique sur l’histoire du site afin de clôturer le parcours de découverte. L’accès au point observatoire se fait dans la continuité du parcours toujours agrémenté par la requalification du sol et par la lumière artificielle guidant le visiteur à travers le lieu.

146


Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée

L’intervention éphémère sur le parcours de découverte de la ville romaine de Bulla Regia n’est que continuité de ce qui existe déjà. Tout en offrant une vue globale du site archéologique, la zone observatoire s’intègre dans le paysage par des installations en bois afin de permettre aux visiteurs ainsi qu’aux habitants de la région de s’installer et de profiter de la vue imprenable sur les traces de l’histoire du lieu.

Figure 153, Bulla Regia, Observatoire, prolongation du parcours vers le point de plus haut du site, Source: Auteur

147


Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée

4.3.2. Projet : Lieu de mémoire de Bulla Regia

Implantation ne mettant pas assez en valeur le site archéologique

Continuité de la route romaine Connexion avec le site archéologique

Mise en valeur de ce qui est déjà là

Continuité lieu/ Bâti

Mitoyennetés contemporaines: Conception par les éléments de la nature

Figure 154, Evolution de l’Implantation du projet, Source: Auteur

148


Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée N

Parking

50 m

Parcours de visite Site d’insertion du projet Hall de rassemblement Accès au projet Figure 155, Plan masse, Implantation projet selon le paysage et les routes romaines, Source: Auteur

Le projet s’insère par une percée à travers le paysage reliant le site archéologique à la colline adjacente, assurant ainsi la continuité du lieu de mémoire avec les traces du passé et le parcours du visiteur. Les routes romaines, le paysage et sa végétation ainsi que l’Oued qui articule le site d’insertion sont l’essence de son implantation orientée de manière à contempler le site archéologique de Bulla Regia dans sa globalité. L’allée urbaine l’articulant est orientée du Sud-Est au Nord-Ouest permettant ainsi la pénétration de la lumière naturelle de tout temps. Elle interpelle les visiteurs par les escaliers descendants représentant l’accès au projet. Le parking est situé en haut de la colline, de manière à ne pas brusquer la vue panoramique sur le site archéologique, en continuité avec le paysage environnant. Les oliviers présents sur le site au niveau de l’emprise du projet sont transplantés de manière à articuler l’aménagement extérieur du projet selon l’oued et à camoufler le parking dans son environnement d’insertion. Le reste des oliviers sont gardés dans leur emplacement d’origine articulant le projet. 149


Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée N

5m

Figure 156, Plan Sous-sol, Fonctionnement interne du projet, Source: Auteur

L’accès se fait à partir du parking par la percée urbaine articulant le tout. Cette dernière est traitée par une alternance d’ouvertures au niveau des deux murs qui la délimitent, Ces ouvertures sont de moins en moins larges afin d’accentuer l’idée de l’accès immersif. Elles ne montrent que partiellement les espaces intérieurs dans l’idée de l’immersion progressive et des effets de surprise à travers le projet. L’accès débute par la réception. Un espace de mise en condition progressive mène le visiteur vers un espace immergé sous-terre, véhiculant l’histoire de la ville romaine, créant un lieu de contact entre l’usager et la matière. La percée urbaine est articulée par un mur habité exprimant l’idée de la mitoyenneté par sa matérialité ainsi que par ses qualifications spatiales se différenciant des espaces qui lui sont adjacents. Cette fente habitée articule l’espace d’exposition dont la finalité donne sur une rampe permettant au visiteur de revenir vers l’allée urbaine ou d’accéder à l’extension extérieure de l’espace restauration. 150


Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée

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5m Figure 157, Plan Rez-de-chaussée, Implantation et accessibilité, Source: Auteur

151


Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée

La qualification spatiale intègre une scénographie allant du public au plus privatisé tout en assurant une continuité entre les différents sous-espaces, fidèle à la conception des romains à Bulla Regia. La connexion entre ciel et terre s’opère par l’alternance des espaces extérieurs et intérieurs, souterrains et à la surface, que le visiteur expérimente tout au long de son parcours à travers le projet. La lumière est étudiée de manière à assurer une gradation tentant de reproduire le vécu véhiculé par les dispositifs d’accès aux maisons souterraines de Bulla Regia. Le visiteur expérimente une progression allant de l’espace le plus éclairé, l’espace extérieur, à l’espace le plus sombre, l’espace de mise en condition, totalement immergé dans la colline. Le visiteur se retrouve ensuite dans l’espace d’exposition, en contact direct avec la lumière radicale pénétrant par des fentes ponctuelles. Le mur habité se distingue du reste du projet par sa qualification en béton brut. Le reste du projet reprend la matérialité de la pierre locale en y intégrant une écriture contemporaine par sa mise en œuvre. La massivité de la pierre est associée à la légèreté du verre des ouvertures tout au long du projet. Cette opposition des matérialités fait de l’allée urbaine traversant le projet une expression même de la mitoyenneté contemporaine. Les ambiances intérieures ainsi que la qualification de chaque élément reste à développer dans le but d’exprimer l’esprit du lieu de Bulla Regia par une réécriture contemporaine.

152


Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée

cc

7m

Figure 159, Coupe B-B, Mitoyennetés Contemporaines, Source: Auteur

Figure 160, Coupe C-C, Percée urbaine, Entre vu et caché, Source: Auteur

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Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée

154

Figure 161, Axonométrie montrant les différents circuits d’usage de l’espace, Source: Auteur


Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée

Figure 162, Lieu de mémoire de Bulla Regia, Conception par les éléments de la nature, Source: Auteur

Figure 163, Continuité lieu/ bâti, Percée urbaine en continuité avec les routes romaines de Bulla Regia, Source: Auteur

155


Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée

Figure 164, Sculpter la colline, Projet traversant en continuité avec l’oued, Source: Auteur

Figure 165, Espace de mise en condition par les outils médiatiques, conception par la lumière naturelle, Source: Auteur

156


Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée

Figure 166, Espace de mise condition immergé, contact avec la matière, du plus éclairé au plus obscur, Source: Auteur

Figure 167, Mur habité articulant l’espace d’exposition, Scénographie spatiale par l’épaisseur et la lumière, Source: Auteur

157



C

onclusion générale

Ce travail de recherche, toujours en cours de développement, représente une manière d’expérimenter le rêve d’une architecture atemporelle dans un contexte tunisien riche en histoire qui ne demande qu’à retrouver son identité architecturale. Bulla Regia, comme beaucoup d’autres richesses patrimoniales cachées, appelle une action architecturale et urbaine visant à mettre en lumière ce qu’elle a à offrir comme leçons, significations, émotions. C’est ce que nous avons tenté d’insuffler à un lieu des plus extraordinaires, allant de la théorie à la concrétisation, de la recherche à l’application, du rêve à l’action. Il est tout de même nécessaire de voir au delà de cette intervention ponctuelle pour arriver à une pensée plus globale d’un vécu quotidien d’une société fidèle à son histoire, portant son présent, haletant vers un avenir meilleur. L’architecture n’est que prétexte pour exprimer un engagement philosophique, émotionnel, mettant l’homme au centre des préoccupations.

159


B

ibliographie

Ouvrages

- ZUMTHOR Peter, LENDING Mari, Présences de l’histoire, 2019 - ORTELLI Luca, « Considérations sur la Pérennité en Architecture », Bruno Marchand, Pérennités, Lausanne : Presses polytechniques et universitaires romandes, 2012

- SCHULZ Christian Norberg, Genius loci, 1981 - SCHULZ Christian Norberg, L’art du lieu, Edition du moniteur, 1997 - RILKE Rainer Maria, Vergers, Gallimard, 1978 - Ovide, Les Métamorphoses d’Ovide, Tome quatrième, Édition: F. Gay, 1806

- LAPIERRE Éric, A quoi pense un architecte ?, L’imaginaire architectural entre poétique et politique, Cherbourg, 2008

- HUGO Victor, Les feuilles d’automne, dans La pente de la rêverie, 1837 - NOEL Yvon, dans Patrimoine immatériel - La mémoire des lieux, NADEAU Jessica, 2012 - CACHE Bernard, Terre Meuble, Orléans : HYX , 1997 - CONDOURET Patrick, Entre rêves et réalité, 2011 - ZUMTHOR Peter, Penser l’architecture, 2007 - CHAOUALI Moheddine, Bulla Regia, Ville Royale de la Tunisie Antique, 2019 - THEBERT Yvon, Bulla Regia, 1992 - BESCHAOUCH Azedine, HANOUNE Roger, THEBERT Yvon, Les ruines de Bulla Regia, Ecole Francaise de rome, Palais Farnèse, 1977

- BROISE Henri, THEBERT Yvon, Recherches archéologiques franco-tunisiennes à Bulla Regia, Les Thermes Memmiens, Ecole Française de Rome, 1993

- THEBERT Yvon, Vie privée et architecture domestique en Afrique romaine, dans Histoire de la vie privée, t-1, Le seuil 1985

Articles

- OUATTARA Azoumana, Ernst Bloch visionnaire de notre temps, 2007 Source: https://journals.openedition.org/leportique/1399

- DUJARDIN Philippe, De quoi sommes-nous contemporains ? dans Cahier Sens Public, 2009 Source: https://www.cairn.info/revue-cahiers-sens-public-2009-3-page-11.htm#

- NACHTERGAEL Magali, “Qu’est-ce que le Contemporain ?” De Giorgio Agamben, 2012. Source: https://contemporains.hypotheses.org/263

160


- MARTOUZET Denis, Introduction. Une ville, cinq sens, trois traitements : sensoriel, cognitif et affectif, 2013 Source: https://journals.openedition.org/norois/4635 - BEN AKACHA Walid, Le développement urbain de Bulla Regia, ville polycentrique de l’Afrique proconsulaire, 2016, Source : https://journals.openedition.org/mefra/3412

- FOUCAULT Michel, Des espaces autres, 2004

Source : https://www.cairn.info/revue-empan-2004-2-page-12.htm

Thèses et mémoires - HUMBERT Laure, La mémoire des architectes: La place des souvenirs dans le processus créatif architectural, 2017 Source: https://issuu.com/laure-humbert/docs/17.01.10-laure.humbert - BERTIN Alice, Peter ZUMTHOR, Du lieu à la réalité matérielle, 2015 Source: https://issuu.com/abertin/docs/miseenpage_memoire_pages - POLAT Charlotte, Lieu m(émoi)re, 2018 Source: https://issuu.com/charlottepolat/docs/tome01_lieu_m_emoi_re_pfe_design_gl

Webographie

-http://www.mesostudio.com/enseignements_recherche/2011/Les_univers_sensoriels_de_l_architecture.pdf -https://www.demainlaville.com/patrimoine-sensoriel-nouvelle-approche-de-lespace-urbain/ -https://www.arc.ulaval.ca/files/arc/Martin_Veronique_essai_Maitrise.pdf -https://www.photosetbalades.fr/galerie-d-hier/afrique-du-nord/proconsulaire-bulla-regia/ -https://docplayer.fr/48810346-Les-villes-romaine-revalorisation-de-le-ville-romaine-de-timgad.html - https://www.architonic.com/en/story/susanne-fritz-camouflage-architecture-underground-buil-

dings/7000497

-https://www.metalocus.es/en/news/lascaux-iv-caves-museum-snohetta# -https://contemporains.hypotheses.org/263 -http://dpea-archi.philo.over-blog.com/article-giorgio-agamben-qu-est-ce-que-le-contemporain-61190217.

html

-https://journals.openedition.org/noesis/1900?lang=fr -https://www.ledevoir.com/culture/362188/la-memoire-des-lieux -https://duportland.wordpress.com/travail-pratique-2-_-penser-la-ville-contemporaine/penser-la-villecontemporaine-sur-la-ville-ancienne/

-https://journals.openedition.org/leportique/1399 -https://gerflint.fr/Base/Europe11/cattant.pdf -https://issuu.com/letteraventidue/docs/kahn_ita_interno?fbclid=IwAR0rA6Y4pc8NunAeu7XqEEIGgMwWu16xlgg_jOu2nfb2fDpPz5AeRy5ex9Q

161


T

able des figures

Figure 0, Maison d’Amphitrite, Espace souterrain. Source: auteur...............................................................................................01 Figure 1, Traces du passé, Bulla Regia. Source: Auteur.................................................................................................................10 Figure 2, Kolumba museum, Peter ZUMTHOR. Source: https://voirenvrai.nantes.archi.fr?p=8052......................................16 Figure 3, Ville de Luxembourg, Patrimoine et contemporanéité, Source: https://www.vdl.lu/fr/visiter/art-et-culture/architecture-et-patrimoine................................................................18 Figure 4, Patrimoine im-matériel et naturel, Source: Auteur.......................................................................................................19 Figure 5, Grande mosquée de Kairouan, Entre histoire et signification, Source : http://booking.edentours.tn/....................20 Figure 6, Le merengue, danse nationale de la République Dominicaine Source : http://www.voyagerpratique.com/2016/12/le-merengue-au-patrimoine-immateriel-de.html.............................20 Figure 7, Patrimoine matériel et immatériel. Source: Auteur.......................................................................................................21 Figure 8, Paysage de Teboursouk, Tunisie, Patrimoine naturel, Source: https://fr.wikipedia.org/wiki/Téboursouk………...21 Figure 9, Coupes, Couvent de Sant Francesc, Source : https://www.muuuz.com/magazine/rubriques/architecture/44856-david-closes-couvent-de-sant-francesc...24 Figure 10, Couvent de Sant Francesc - David Closes, Alliance entre ancien et nouveau, Source : https://www.muuuz.com/magazine/rubriques/architecture/44856-david-closes-couvent-de-sant-francesc...25 Figure 11, Plans, Couvent de Sant Francesc, Source : https://www.muuuz.com/magazine/rubriques/architecture/44856-david-closes-couvent-de-sant-francesc....25 Figure 12, Pente de la rêverie - Victor Hugo, Villes du passé, Source : http://entendre-victor-hugo.com/xxix-la-pente-de-la-reverie/................................................................................26 Figure 13, La mémoire des lieux, Source : https://abduzeedo.com/daily-inspiration-1800......................................................27 Figure 14, Essence du caractère immatériel d’un lieu, Source : Auteur……..............................................................................28 Figure 15, La mémoire des lieux au service de la conception architecturale, Source : Auteur..................................................29 Figure 16, Caractère matériel et immatériel des Thermes de Vals, issus de la mémoire vécue et empruntée, Source : Composition réinterprétée par l’auteur……………………………………………………………………............30 Figure 17, Ancienne chapelle Saint benoît......................................................................................................................................30 Figure 18, Chapelle reconstruite par l’architecte Peter Zumthor..................................................................................................31 Figure 19, Ancienne vue intérieure..................................................................................................................................................31 Figure 20, Réinterprétation de la lumière et des formes intérieures, Source :https://www.cardis.ch/fr/magazine-immobilier/2017/peter-zumthor-la-matiere-l-ame-et-la-poetique-du-lieu..31 Figure 21, Signification du lieu, Source : Auteur…………………………..................................................................................32 Figure 22, Ville de Ghardaïa, Algérie, densité et mitoyenneté urbaine, Source : https://fr.freepik.com/................................35 Figure 23, Ghardaïa, La ville du désert, , Source : https://fr.freepik.com/...................................................................................35 Figure 24, Mitoyenneté architecturale, Source : Auteur……………………..............................................................................36 Figure 25, Mitoyenneté Homme-Bâti, Source : Auteur………………………………………..................................................37 Figure 26, Mitoyennetés, Source : Auteur……………………………………………................................................................37 Figure 27, Contemporanéité et signification selon Bloch, Source : Auteur……........................................................................39 Figure 28, Histoire et contemporanéité, entre rupture et continuité, Source : Auteur...............................................................40 Figure 29, Ville d’Amsterdam, Ville du passé Ville du présent, Source : https://www.lavoixdunord.fr/..................................41 Figure 30, Amsterdam, Articulation selon la vieille ville, Source : http://www.orangesmile.com/.........................................42 Figure 31, Musée du Château Barrière, Entre complémentarité et opposition, Source : https://www.la-architectures.com/................................................................................................................................43 Figure 32, Essence de la mitoyenneté contemporaine, Source : Auteur……………………………………………………..44 Figure 33, Interface entre présent et passé, Source : Auteur………………………………………………………………….45 Figure 34, Maison d’Amphitrite, Bulla Regia, Source : Auteur………………………………………………………………46 Figure 35, localisation d’exemples de cités romaines en Tunisie, Source : Composition interprétée par auteur.............................................................................................................................48 Figure 36, Vue axonométrique, Toulouse Romaine, Source : http://www.pearltrees.com/......................................................50 Figure 37, Ville romaine, composition, Source : Composition interprétée par auteur………………………………............51 Figure 38. Bulla Regia, Localisation, Source : Carte archéologique Tunisie, Schéma réinterprété par auteur………...........52

162


Figure 39. Bulla Regia et les cités romaines environnantes, Source : Carte archéologique Tunisie, Schéma réinterprété par auteur..................................................................................52 Figure 40, Bulla Regia, Paysage d’insertion, Source : Bulla La Royale, Moheddine Chaouali………………………............53 Figure 41, Coupe sur la ville romaine de Bulla Regia dans son contexte, Source : Auteur…...................................................53 Figure 42, Les fours des Thermes Memmiens de Bulla Regia, Source : Auteur..........................................................................54 Figure 43, Plan général de la cité romaine de bulla Regia, Source : Auteur……………………...............................................55 Figure 44, Plan de Bulla Regia, Winkler, 1885, réinterprété par auteur………..........................................................................57 Figure 45, Identité de Bulla Regia, Source : Auteur……………………......................................................................................58 Figure 46, Bulla Regia, Plan de situation, Source : Auteur............................................................................................................60 Figure 47, Accès au site de Bulla Regia, Source : Auteur...............................................................................................................60 Figure 48, Entrée du site archéologique de Bulla Regia, Source : Auteur....................................................................................61 Figure 49, Déambulation à travers les routes romaines, Source : Auteur ..................................................................................61 Figure 50, Début du parcours à travers Bulla Regia, Source : Auteur..........................................................................................61 Figure 51, Plan général du parcours à travers l’histoire de Bulla Regia, Source : Auteur ........................................................62 Figure 52, Délimitation du premier fragment du parcours, Source : Auteur..............................................................................64 Figure 53, Plan du 1er fragment, le Forum Central, Source : Les ruines de Bulla Regia, A. Beschaouch, R. Hanoune, Y. Thébert......................................................................64 Figure 54, Le Capitole, Source : Auteur..........................................................................................................................................64 Figure 55, Bulla Regia, Plan du Temple d’Apollon Source : Les ruines de Bulla Regia, A. Beschaouch, R. Hanoune, Y. Thbert………………….………………………...65 Figure 56, Le Temple d’Apollon, Source : Auteur………………………………………………………………......................65 Figure 57, Plan des Basiliques chrétiennes, Source : Les ruines de Bulla Regia, A. Beschaouch, R. Hanoune, Y. Thébert...65 Figure 58, Les basiliques chrétiennes, Source : Auteur..................................................................................................................65 Figure 59, Délimitation du deuxième fragment du parcours, Source : Auteur……..................................................................66 Figure 60, Plan du théâtre romain, Source : Les ruines de Bulla Regia, A. Beschaouch, R. Hanoune, Y. Thébert......................................................................66 Figure 61, Accès au théatre par le déambulatoire, Source : Auteur …………………...……………………………………..66 Figure 62, Dispositif d’accès au Théâtre Romain, Source : Auteur...............................................................................................67 Figure 63, Les Thermes Memmiens, Façade Sud, Source : Auteur………..................................................................................68 Figure 64, Plan des Thermes memmiens, Circuits de desserte, Source : Les Thermes memmiens, Y. Thébert,................... 68 Figure 65, Coupe sur les Thermes Memmiens, Source : Les Thermes memmiens, Y. Thébert, réinterprété par auteur.......68 Figure 66, Thermes memmiens, dispositif d’accès, Source : Auteur……....................................................................................69 Figure 67, délimitation du troisième fragment du parcours, Source : Auteur…………………...............................................70 Figure 68, Route menant vers les maisons souterraines, Source : Auteur...................................................................................70 Figure 69, Coupe de l’immersion progressive par les dispositifs d’accès aux maisons souterraines, Source : Auteur…......71 Figure 70, Vue globale de l’Insulae de la Chasse, , Source : Auteur.............................................................................................71 Figure 71, Maison de la chasse, dispositif d’accès à l’espace intérieur souterrain, Source : Auteur..........................................72 Figure 72, Plan Rez-de-chaussée de l’Insula de la chasse, Source : Les ruines de Bulla Regia, A. Beschaouch, R. Hanoune, Y. Thébert......................................................................73 Figure 73, Plan souterrain de la maison de la nouvelle chasse Source : Les ruines de Bulla Regia, A. Beschaouch, R. Hanoune, Y. Thébert......................................................................73 Figure 74, Plan souterrain de la maison de la chasse, Source : Les ruines de Bulla Regia, A. Beschaouch, R. Hanoune, Y. Thébert......................................................................73 Figure 75, Maison de la chasse, dispositif de climatisation naturelle à l’espace souterrain, Source : Auteur..........................73 Figure 76, Puit de desserte d’eau, Source : Auteur..........................................................................................................................73 Figure 77, Plan Rez-de-chaussée de la maison de la pêche Source : Les ruines de Bulla Regia, A. Beschaouch, R. Hanoune, Y. Thébert........................................................................74 Figure 78, Plan souterrain de la maison de la pêche Source : Les ruines de Bulla Regia, A. Beschaouch, R. Hanoune, Y. Thébert........................................................................74 Figure 79, Coupe sur la maison de la chasse et de la pêche, Source : Auteur................................................................................74 Figure 80, Vue globale de la Maison de la Pêche, Source : Auteur…………………....................................................................74 Figure 81, Maison de la pêche, dispositif d’accès, Source : Auteur………....................................................................................75 Figure 82, Plan RDC, maison de Venus

163


Source : Les ruines de Bulla Regia, A. Beschaouch, R. Hanoune, Y. Thébert …………………………………………...76 Figure 83, Plan sous-sol, maison de Vénus Source : Les ruines de Bulla Regia, A. Beschaouch, R. Hanoune, Y. Thébert......................................................................76 Figure 84, Mosaïque d’Amphitrite, Source : Auteur…………........................................................................................................76 Figure 85, Maison d’Amphitrite, Dispositif d’accès, Source : Auteur…………............................................................................77 Figure 86, Coupe de l’immersion progressive par les dispositifs d’accès aux maisons souterraines, Source : Auteur ............78 Figure 87, Coupe sur le parcours à travers les ruines de Bulla Regia , mouvements de montées et de descentes, Source : Auteur………………………………………………………………………………………………………….....79 Figure 88, Dispositif d’accès à la maison de la chasse, Source : Auteur…………………………………………......................79 Figure 89, Coupe sur les maisons souterraines, Source : Auteur……………………………......................................................79 Figure 90, Essence du caractère caché du lieu, Source : Auteur……….........................................................................................80 Figure 91, Bulla Regia, Vers une réécriture de l’histoire, Source : Auteur ....................................................................................82 Figure 92, Plan de situation de la route d’accès au site, Source : Google Earth réinterprété par auteur....................................85 Figure 93, Plan du circuit d’accès au site archéologique, Source : Google Earth réinterprété par auteur ............................... 86 Figure 94, Séquence spatiale d’accès au site archéologique, Source : Auteur................................................................................87 Figure 95, Plan de situation du musée de Bulla Regia, Source : Auteur .......................................................................................88 Figure 96, Coupe A-A, Articulation du musée au site archéologique, Source : Auteur..............................................................88 Figure 97, Façade du musée actuel de Bulla Regia, Source : Auteur..............................................................................................89 Figure 98, Musée actuel de Bulla Regia, Source : Auteur................................................................................................................89 Figure 99, Pancarte d’accueil au site de Bulla Regia, Source : Auteur...........................................................................................90 Figure 100, Plan de situation du début du parcours de visite de Bulla Regia, Source : Auteur..................................................91 Figure 101, Plan du premier parcours de découverte de Bulla Regia, Source : Google Earth réinterprété par auteur…........93 Figure 102, Plan du parcours de visite réécrit de Bulla Regia selon les accessibilités et routes romaines Source : Google Earth réinterprété par auteur.......................................................................................................................96 Figure 103, Plan du parcours de visite actuel de Bulla Regia, Source : Google Earth réinterprété par auteur.........................97 Figure 104, Plan du parcours de visite retenu à travers la mémoire vécue, Source : Google Earth réinterprété par auteur.. 97 Figure 105, Valorisation du parcours de visite de Bulla Regia, Source : Auteur..........................................................................98 Figure 106, Différences et similitudes entre musée et centre d’interprétation, Source : Auteur................................................99 Figure 107, Plan délimitant le périmètre du site archéologique, Source: Institut national du patrimoine, département d’Architecture, d’urbanisme et de classement, réinterprété par auteur..............................................................................................103 Figure 108, Coupe panoramique sur le site archéologique de Bulla Regia, Source : Auteur…………………………….….103 Figure 109, Plan des zones à bâtir par rapport au site, Source : Auteur ....................................................................................104 Figure 110, première zone d’insertion, Source : Auteur...............................................................................................................105 Figure 111, deuxième zone d’insertion, Source : Auteur..............................................................................................................105 Figure 112, coupe sur le site d’insertion, Source : Auteur............................................................................................................106 Figure 113, Plan de situation du terrain d’intervention, Source : Auteur...................................................................................106 Figure 114, Vue panoramique du site d’insertion, Source : Auteur.............................................................................................108 Figure 115, Coupe sur le site d’insertion, Source : Auteur............................................................................................................108 Figure 116, Plan analytique du site d’insertion, Source : Auteur.................................................................................................109 Figure 117, Accessibilité à l’échelle urbaine au site d’insertion, Source : Auteur.......................................................................110 Figure 118, Coupe B-B sur le site d’insertion, Source : Auteur ...................................... ;;..........................................................111 Figure 119, Terrain d’insertion, continuité avec le site archéologique, Source : Auteur............................................................111 Figure 120, Interventions urbaine et architecturale sur le site de Bulla Regia, Source : Auteur .............................................113 Figure 121, Mystère du théâtre romain de Bulla Regia, Source : Auteur....................................................................................114 Figure 122, Intervention architecturale sur les ruines de Can Taco, Source : https://www.archdaily.com/...........................116 Figure 123, Mise en évidence de l’emprise de l’intervention sur les ruines de Can Taco, Source : https://www.archdaily.com/.....................................................................................................................................117 Figure 124, Action contemporaine, Cave médiévale du Centre Bombas Gens, Source : https://www.valenciabonita.es/ ………………………………………………………………………….......118 Figure 125, Mise en évidence du dispositif de valorisation des ruines de St Maurice, Source : https://www.archdaily.com/....................................................................................................................................120 Figure 126, Coupe sur le dispositif de valorisation des ruines de St Maurice............................................................................120 Figure 127, Installation du parcours à travers l’histoire du site de «la chapelle »,

164


Source : https://www.gironde-tourisme.fr/patrimoine-culturel/site-archeologique-de-la-chapelle/.............................121 Figure 128, Plan et coupes du Centre international de l’Art Pariétal, Source : https://www.metalocus.es/...........................122 Figure 129, Centre international de l’Art Pariétal, Paysage et implantation, Source : https://www.metalocus.es/..............123 Figure 130, Centre international de l’Art Pariétal, Vue extérieure, Source : https://www.metalocus.es/..............................123 Figure 131, Immersion dans l’espace d’exposition des caves de Lascaux IV, Source : https://www.metalocus.es/...................125 Figure 132, Lascaux IV, Concepts, Source : https://www.metalocus.es/, schémas réinterprétés par auteur........................124 Figure 133, Lascaux IV, Vue sur les fentes à travers le projet, Source : https://www.metalocus.es/t......................................124 Figure 134, Jabotinsky center, Plans étages, Source : https://www.archdaily.com/, réinterprété par auteur.........................126 Figure 135, Jabotinsky center, Emprise au sol et implantation, Source : https://www.archdaily.com/..................................127 Figure 136, Jabotinsky center, Coupe et élévations, Source : https://www.archdaily.com/, réinterprétées par auteur......... 128 Figure 137, Jabotinsky center, Considération de la connexion extérieur intérieur dans le parcours de visite, Source : https://www.archdaily.com/...................................................................................................................................128 Figure 138, Jabotinsky center, Vue extérieure du projet dans son paysage d’insertion, Source : https://www.archdaily.com/...................................................................................................................................129 Figure 139, Musée d ‘Histoire aux Lucs de Boulogne, Plan général, Source : http://lepamphlet.com/.................................130 Figure 140, Musée d ‘Histoire aux Lucs de Boulogne, Implantation et paysage, Source : http://lepamphlet.com/.............131 Figure 141, Musée d ‘Histoire aux Lucs de Boulogne, Façade et matérialités, Source : http://lepamphlet.com/.................131 Figure 142, Musée d ‘Histoire aux Lucs de Boulogne, Coupes et élévations, Source : http://lepamphlet.com/...................132 Figure 143, Musée d ‘Histoire aux Lucs de Boulogne, Accès en immersion, Source : http://lepamphlet.com/...................133 Figure 144, Bulla Regia, Concepts clés de l’intervention, Source : Auteur...............................................................................134 Figure 145, Schéma récapitulatif de l’action architecturale tentée sur le site de Bulla Regia, Source : Auteur.....................137 Figure 146, Lieu de mémoire de Bulla Regia, Tableau récapitulatif des surfaces, Source : Auteur ......................................138 Figure 147, Organigramme du fonctionnement interne des espaces selon la fonction, Source : Auteur.............................139 Figure 148, Paramètres à considérer dans la conception du lieu de mémoire, Source : Auteur………................................140 Figure 149, Bulla Regia, accès et immersion, Source : Auteur …………………………………………………….……….142 Figure 150, Bulla Regia, Parcours réinventé, Source : Auteur.................................................................. ..................................143 Figure 151, Bulla Regia, Mise en lumière des routes romaines, Source : Auteur......................................................................143 Figure 152, Bulla Regia, Plans détails de la valorisation des dispositifs d’accès aux monuments, Source : Auteur...............145 Figure 153, Bulla Regia, Observatoire, prolongation du parcours vers le point de plus haut du site, Source : Auteur........ 147 Figure 154, Evolution de l’Implantation du projet, Source: Auteur...........................................................................................148 Figure 155, Plan masse, Implantation projet selon le paysage et les routes romaines, Source: Auteur..................................149 Figure 156, Plan Sous-sol, Fonctionnement interne du projet, Source: Auteur .....................................................................150 Figure 157, Plan Rez-de-chaussée, Implantation et accessibilité, Source: Auteur...................................................................151 Figure 158, Coupe A-A, Entre Ciel et Terre, Source: Auteur ....................................................................................................153 Figure 159, Coupe B-B, Mitoyennetés Contemporaines, Source: Auteur ...............................................................................153 Figure 160, Coupe C-C, Percée urbaine, Entre vu et caché, Source: Auteur ...........................................................................153 Figure 161, Axonométrie montrant les différents circuits d’usage de l’espace, Source: Auteur ............................................154 Figure 162, Lieu de mémoire de Bulla Regia, Conception par les éléments de la nature, Source: Auteur ...........................155 Figure 163, Continuité lieu/ bâti, Percée urbaine en continuité avec les routes romaines de Bulla Regia, Source: Auteur...155 Figure 164, Sculpter la colline, Projet traversant en continuité avec l’oued, Source: Auteur .................................................156 Figure 165, Espace de mise en condition par les outils médiatiques, conception par la lumière naturelle Source: Auteur.......................................................................................................................................................................156 Figure 166, Espace de mise condition immergé, contact avec la matière, du plus éclairé au plus obscur Source: Auteur........................................................................................................................................................................157 Figure 167, Mur habité articulant l’espace d’exposition, Scénographie spatiale par l’épaisseur et la lumière Source: Auteur........................................................................................................................................................................157

165


T

able des matières

Remerciements ..................................................................................................................................6 Résumé ..............................................................................................................................................7 Sommaire ..........................................................................................................................................8 Avant-propos ....................................................................................................................................9 Introduction générale .....................................................................................................................11 Problématique .................................................................................................................................12 Méthodologie ..................................................................................................................................14

Chapitre I : Mitoyennetés contemporaines en architecture

............................17

1.1 Le patrimoine d’hier et d’aujourd’hui ...................................................................................18 1.1.1 La notion de patrimoine : symbolique et signification ..........................................................18 1.1.2 Patrimoine matériel et immatériel .........................................................................................19 a. Patrimoine matériel, un patrimoine architectural.....................................................................19 b. Patrimoine immatériel, un patrimoine culturel ............................................................................20 c. Patrimoine naturel, un patrimoine matériel .............................................................................21 1.1.3 Synthèse...................................................................................................................................23

1.2 Pérennité im/matérielle d’un patrimoine..............................................................................24 1.2.1 La notion de pérennité.............................................................................................................24 a. Pérennité matérielle d’un patrimoine .....................................................................................24 b. Pérennité immatérielle d’un patrimoine..................................................................................26 1.2.2 La «mémoire « du lieu, une mémoire vécue et empruntée....................................................27 1.2.3. La «mémoire « du lieu selon Peter ZUMTHOR.....................................................................28 a. La mémoire au service de l’art de construire............................................................................28 b. Conception par la mémoire du lieu et la mémoire d’expérience vécue.................................30 c. Conception par réécriture de la mémoire du lieu....................................................................31 1.2.4 Synthèse....................................................................................................................................33

1.3 Mitoyenneté contemporaine en architecture.......................................................................34 1.3.1 Mitoyennetés............................................................................................................................34 a. Contexte général.......................................................................................................................34 b. Mitoyenneté à l’échelle de la ville ............................................................................................34 166


c. Mitoyenneté à l’échelle du bâtiment..........................................................................................36 d. Mitoyenneté entre Homme/Bâti..............................................................................................37 1.3.2 Contemporanéité............................................................................................................................38 a. Définition.................................................................................................................................38 b. Interprétations de la notion.....................................................................................................38 c. Contemporanéité architecturale..............................................................................................39 1.3.3 Contemporanéité par la mitoyenneté.....................................................................................39 a. Interface entre l’ancien et le nouveau.......................................................................................40 b. Mitoyenneté contemporaine à l’échelle de la ville...................................................................41 c. Mitoyenneté contemporaine à l’échelle du bâtiment...............................................................43 1.3.4 Synthèse..................................................................................................................................44

1.4 Conclusion....................................................................................................................................45

Chapitre II : Vers une conquête de l’histoire, Appréhension du lieu........47 2.1 Bulla Regia : Naissance d’une cité romaine..........................................................................48 2.1.1 Les cités romaines en Tunisie..................................................................................................48 a. Contexte d’implantation..........................................................................................................48 b. Éléments caractéristiques de la cité romaine ..........................................................................50 2.1.2 Cas de Bulla Regia...................................................................................................................52 a. Bulla Regia, Contexte urbain d’implantation..........................................................................52 b. Paysage d’insertion..................................................................................................................53 c. Ressources naturelles...............................................................................................................54 - Ressources végétales .............................................................................................................54 - Ressources en eaux................................................................................................................54 2.1.3 Structuration urbaine de Bulla Regia.......................................................................................55 2.1.4 Histoire du lieu, une mémoire empruntée ............................................................................ 56 a. Période numide........................................................................................................................57 b. Période romaine.......................................................................................................................57 c. Période vandale et byzantine ...................................................................................................57 2.1.5 Synthèse...................................................................................................................................59

2.2 Les sens aux aguets : Entre perception et imagination.................................................60 2.2.1 Appréhension du lieu ..............................................................................................................60 a. Premier contact......................................................................................................................60 2.2.2 Architecture publique, de l’adaptation au génie......................................................................61 167


2.2.3 Fragment 1, Monuments typiques romains.............................................................................64 a. Le Forum..................................................................................................................................64 b. Le capitole ................................................................................................................................64 c. Le temple d’Apollon..................................................................................................................65 d. Les basiliques chrétiennes........................................................................................................65 2.2.4 Fragment 2, Monuments atypiques romains............................................................................66 b. Thermes memmiens : Aspect enfoui........................................................................................68 2.2.5 Fragment 3, Architecture domestique souterraine : Cacher pour montrer..............................70 a. Maison de la chasse...................................................................................................................71 b. Maison de la pêche...................................................................................................................74 c. Maison d’Amphitrite.................................................................................................................76

2.3 Synthèse: Esprit du lieu, un art caché entre latent et manifeste.....................................78 2.3.1 Identité cachée du lieu.............................................................................................................78 2.3.2 Surface et souterrain................................................................................................................79 2.3.3 Essence du caractère caché du lieu..........................................................................................80

2.4. Conclusion...................................................................................................................................81

Chapitre III : Bulla Regia, du rêve à l’action..............................................83 3.1 Diagnostic : Etat des lieux ........................................................................................................84 3.1.1 Accessibilité à l’échelle urbaine........................................................................................84 3.1.2 Accessibilité à l’échelle architecturale...............................................................................86 3.1.3 Musée de Bulla Regia.......................................................................................................88 3.1.4 Parcours de visite.............................................................................................................90 3.1.5 Synthèse............................................................................................................................95

3.2 Choix de l’intervention...............................................................................................................96 3.2.1 Réécriture du parcours de visite.......................................................................................96 3.2.2 Lieu de mémoire de Bulla Regia ......................................................................................99 3..2.3 Synthèse..........................................................................................................................101 3.3 Choix de l’emplacement du projet .......................................................................................102 3.3.1 Périmètre de la cité romaine...........................................................................................102 3.3.2 Continuité avec le site archéologique..............................................................................104 3.3.3 Intégration dans le paysage.............................................................................................106 3.3.4 Synthèse .........................................................................................................................107 168


3.4 Analyse du site d’action ..........................................................................................................108 3.4.1 Paysage d’insertion et topographie................................................................................108 3.4.2 Voisinage environnant.................................................................................................. 110 3.4.3 Synthèse.........................................................................................................................112

3.5 Conclusion .................................................................................................................................113

Chapitre IV: Transformation, réécriture d’une mémoire contemporanéïsée.115 4.1 Références architecturales et urbaines................................................................................116 4.1.1 Parcours de visite.............................................................................................................116 a. Adaptation of The Roman Ruins of Can Tacó.................................................................116 b. Cave médiévale, centre Bombas Gens, Valencia............................................................118 c. Coverage of Archaelogical Ruins, The Abbey of St. Maurice .......................................120 d. Le site de « La chapelle » à Jau-Dignac et Loirac.............................................................121 4.1.2 Lieu de mémoire..............................................................................................................122 a. Lascaux IV, International center for cave art...................................................................122 b. Museum and Archive, Jabotinsky center.........................................................................126 c. Musée d’histoire, Lucs de Boulogne.................................................................................130 4.1.3 Synthèse...........................................................................................................................135

4.2 Structuration, Émergence de l’art caché..............................................................................136 4.2.1 Concepts clés.................................................................................................................136 4.2.2 Programmation fonctionnelle ......................................................................................138 4.2.3 Synthèse..........................................................................................................................141

4.3 De la structuration à la transformation.............................................................................. 142 4.3.1 Réécriture du parcours de visite : Révéler l’aspect caché du lieu ....................................142 a. Dispositifs d’accès..................................................................................................... 144 b. Aboutissement du parcours : l’observatoire..............................................................146 4.3.2 Projet : Centre d’interprétation de Bulla Regia..............................................................148

Conclusion générale.......................................................................................................................159 Bibliographie....................................................................................................................................160 Tables des figures.............................................................................................................................162 Tables des matières..........................................................................................................................166

169



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