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Interview

Vanessa Schmitz-Grucker

Rencontre avec Marie Jung

 Des planches à la toile

Elle est à l’affiche du film luxembourgo-italien «Io sto bene» de Donato Rotunno -une aventure humaine à travers les frontières et les âges de la vie- qui vient d'être choisi par la Commission nationale de sélection pour les Oscars afin de représenter le Grand-Duché à la 94ème édition des Academy Awards, dans la catégorie meilleur film étranger. L’actrice luxembourgeoise Marie Jung revient sur son parcours et son propre vécu du déracinement.

Vous êtes née au Luxembourg mais avez grandi hors des frontières du Grand-Duché, dans un milieu baigné d’art et de cinéma. Pouvez-vous nous raconter votre enfance et le chemin qui vous a conduit jusqu’ici?

Mon père, André Jung, est assez connu au Luxembourg et audelà même, en tant qu’acteur de théâtre et de cinéma. Ma mère est professeur d’anglais et d’allemand. Je suis née au Luxembourg mais je n’y avais jamais vécu jusqu’à aujourd’hui. Mon père ayant longtemps travaillé aux théâtres de Zurich puis de Bâle, c’est là-bas que j’ai grandi. J’y suis restée jusqu’à mes 18 ans, j’ai fait une pause de quelques mois en France puis j’ai décidé de me lancer en tant qu’actrice. J’ai d’emblée été acceptée dans l’école à laquelle j’ai candidaté à Vienne.

Avez-vous hésité à embrasser cette carrière?

Oui! La plupart des gens ne voient que le côté magique du milieu. Moi, je vois l’envers du décor, à travers mon père, depuis que je suis toute petite. Mes parents nous

ont, d’ailleurs, beaucoup protégés. Ils n’ont jamais accepté de nous confier, à ma sœur et moi-même, des rôles d’enfants, ne serait-ce que des voix. Et puis, c’est un milieu très patriarcal, or l’injustice et les discriminations me révoltent. on est toujours venu me chercher. Quand de prestigieux théâtres vous demandent, vous ne pouvez pas dire non. Je n’ai donc jamais vraiment eu le temps de réfléchir à cette question, les choix se sont imposés d’eux-mêmes. des gens d’ici ni un luxembourgeois très moderne! Je suis en décalage avec ma génération. En Suisse, je me sens aussi chez moi mais, petite, mon suisse-allemand était parfois moqué. C’est peut-être pour ça qu’aujourd’hui j’ai cette flexibilité d’esprit et cette capacité à jouer des personnages.

Vous voulez dire que les choses n’ont pas beaucoup évolué pour les femmes dans ce milieu?

Oui et non. Bien sûr, la vague Me too a aussi balayé ces pays, et ça a changé beaucoup de choses. Mais pour ne vous donner qu’un seul exemple, en 2005, pour des auditions dans les trois plus prestigieuses écoles allemandes, il était imposé aux femmes un rôle en jupe. J’ai refusé, je ne me suis pas présentée.

Votre entourage a-t-il tout de même bien réagi à votre choix de carrière?

Oui! Ma sœur était soulagée pour moi, convaincue que je faisais le bon choix. Mes parents sont toujours restés neutres, distants mais bienveillants, respectueux de mes choix, sans me pousser ni me retenir.

Vous avez une longue carrière d’actrice de théâtre derrière vous, était-ce un choix de vous tourner vers les planches plutôt que vers le cinéma?

En fait, je suis très chanceuse, je n’ai jamais eu à chercher des projets,

Comment êtes-vous arrivée sur le projet de Donato Rotunno?

Là aussi, c’est Donato qui a demandé à me rencontrer. Il y a de suite eu une connexion humaine et artistique, c’était évident: nous allions travailler ensemble, sur ce projet ou sur un autre.

Où vivez-vous actuellement et quels sont vos projets pour l’avenir?

En quête de stabilité suite à la pandémie et parce que j’ai une fille de deux ans et demi, je vis maintenant et depuis un an au Luxembourg. Si j’ai beaucoup fait de théâtre, c’est vrai que je sens aujourd’hui le besoin d’explorer davantage le cinéma.

Qu’est-ce qui vous séduit dans le rôle de Mady?

Pour moi, le plus important, ce sont les gens avec lesquels je travaille. Si je me sens bien, je peux me fondre dans n’importe quel rôle. Pour celui de Mady, c’était encore plus facile parce que Donato l’avait écrit en pensant à moi.

Avez-vous trouvé des échos entre votre propre expérience de vie et celles de la communauté italienne au Luxembourg dévoilée dans le film?

Oui, je me sens aussi, en quelque sorte, comme un «outsider». Au Luxembourg, je suis dans mon pays, mais je me sens étrangère. Nous avons toujours parlé le luxembourgeois à la maison, mais je sens que je n’ai ni la mentalité  Agenda

« Io Sto Bene » Sortie en salle le 13 octobre 2021

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