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Psycho au travail
Céline Molitor, psychologue
D’OÙ VIENT VOTRE MOTIVATION AU TRAVAIL ?
Si votre état d’esprit concernant votre travail, avant la pandémie, était de l’ordre: “Je n’ai pas envie d’aller au travail”, “J’ai hâte de finir” ou “Mon boulot manque de sens”, il y a fort à parier qu’avec le passage de la crise sanitaire ce sentiment se soit davantage accentué. Distanciation et télétravail n’aident en rien à vous sentir motivée et intégrée. Pour savoir comment renouer avec votre force motrice, il faut d’abord comprendre d’où elle vient. Coup de projecteur sur cette motivation au travail qui semble parfois si fragile.
QU’EST-CE QUE LA MOTIVATION ?
La motivation pourrait se définir comme une force intérieure qui nous pousse à agir. Diriger adéquatement et maintenir cette énergie nous permet d’accomplir nos tâches au travail. Une motivation de qualité repose, selon Stéphanie Austin (professeure titulaire en comportement organisationnel), sur trois grands piliers: «Selon la théorie de l’autodétermination, trois besoins fondamentaux doivent être comblés. En premier lieu, celui de l’appartenance ou de l’affiliation sociale à son équipe et à son organisation. En second lieu, le sentiment de compétence dans la réalisation des activités et la certitude d’apporter une contribution significative, donnant ainsi un sens au travail. Enfin l’autonomie, c’est-à-dire la perception que l’on bénéficie d’une certaine flexibilité ou de liberté dans l’accomplissement du travail.» Sans surprise, la crise sanitaire est venue ébranler ces piliers et compliquer la tâche des gestionnaires qui ont dû, à distance, trouver des façons de rallumer l’étincelle chez leurs équipes.
MOTIVER, C’EST PAYANT
Pourquoi est-il indispensable de maintenir ses troupes motivées? Parce que les retombées positives pour l’organisation sont palpables. Il existe un lien fort entre la performance et la motivation au travail, qui va même au-delà du rendement. Un employé motivé adoptera une attitude engagée et voudra contribuer par ses réalisations à la réussite de l’organisation.
Toutefois, il faut rester vigilant, s’il y a souvent un effet «lune de miel» au moment de l’embauche, grâce auquel le nouveau venu dans l’organisation est motivé, il aura aussi besoin de soutien pour éviter la baisse de motivation lorsque la routine s’installe.
LES SOURCES DE LA MOTIVATION
Selon le modèle développé par les chercheurs Edward Deci et Richard Ryan, son origine peut être intrinsèque ou extrinsèque. La motivation extrinsèque repose sur les raisons externes qui nous poussent à accomplir une activité: la rémunération, la pression sociale, la peur de la sanction, etc. La motivation intrinsèque fait plutôt appel à la satisfaction que génère la réalisation d’une tâche: le plaisir d’apprendre de nouvelles choses ou encore le fait d’éprouver un sentiment d’accomplissement. Les facteurs intrinsèques ont un impact plus positif et durable sur la motivation.
Il existe également un lien direct entre la motivation et le milieu de travail. En effet si le milieu du travail permet de vivre des expériences positives ou que la mission est alignée avec les valeurs de l’individu, cela favorisera la motivation intrinsèque. La façon dont l’organisation et le supérieur se comportent est également primordiale.
Enfin, ne l’oublions pas, la motivation commence avec la haute direction qui doit donner un sens, une mission, des valeurs et les maintenir vivantes. Cela redescend
Tim Mossholder | Unsplash
ensuite en cascade vers les autres piliers décisionnels jusqu’aux employés.
LES SOURCES DE MOTIVATION SELON LE MODÈLE DE L’HOMO EMOTICUS
Selon le modèle de l’Homo Emoticus développé par Thierry Paulmier (l’explication des comportements selon l’angle des émotions), quatre émotions seraient à l’origine de notre motivation: la peur, l’envie, l’admiration ou la gratitude.
Nous sommes motivés par la peur: le travail est une corvée, on travaille pour “survivre”. L’étymologie du mot “travail” va dans ce sens: tripalium renvoyant à un instrument de torture. Nous sommes motivés par l’envie: le travail permet de gagner de l’argent, on travaille pour la rémunération. Nous sommes motivés par l’admiration: le travail est un moyen de mettre de la beauté dans le monde. La figure emblématique est l’artisan. On travaille pour rendre un bel ouvrage. Nous sommes motivés par la gratitude: le travailleur est inspiré par l’amour. Le travail est un service (service aux autres notamment). Thierry Paulmier le résume ainsi: “Selon que l’on se trouve sous l’influence de la peur, de l’envie, de l’admiration ou de la gratitude, le travail est vécu comme un cauchemar, un calcul, un poème ou une prière”.
Bien sûr, nous pouvons être animés par plusieurs de ces émotions mais souvent une ou deux vont avoir tendance à dominer notre rapport au travail à un instant T. Dans tous les cas, selon Thierry Paulmier, pour maintenir dans le temps une satisfaction suffisante au travail, cultiver les émotions d’admiration et de gratitude serait essentiel pour l’Homo Emoticus. Cela fait sens dans un monde du travail globalisé où la performance est centrale.
La motivation est d’abord et avant tout intrinsèque à l’individu. Tout part de vous. L’employeur peut influencer cette motivation en offrant un cadre de travail adéquat et en insufflant jour après jour une motivation sans faille. Mais, si le salarié n’est pas aligné avec les valeurs de l’entreprise ou tout simplement avec les tâches qu’il effectue au quotidien, il y a de fortes chances que cela se ressente sur sa motivation et donc sur ses performances. Et vous Janette, comment est votre motivation au travail?