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COURTAGE IMMOBILIER 360°

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DROIT IMMOBILIER

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René Vézina

Journaliste

Rédacteur en chef du magazine Montréal économique et proche collaborateur d’Immobilier commercial, René Vézina pratique le journalisme depuis 40 ans. Il a travaillé tant dans les médias écrits, comme au journal Les Affaires dont il a été le rédacteur en chef au début des années 2000, que dans les médias électroniques, notamment à Radio-Canada, où il a passé 15 ans. Au fil du temps, il est devenu un expert reconnu pour sa couverture des actualités économiques.

L’IDÉE D’UNE ASSOCIATION REGROUPANT LES GRANDS JOUEURS DU COURTAGE IMMOBILIER REFAIT SURFACE

À lui seul, le marché immobilier résidentiel enregistre des hausses de valeur inédites. Les vendeurs applaudissent, les acheteurs s’en désolent. La hausse attendue des taux d’intérêt devrait contribuer à calmer le jeu.

Mais dans l’industrie du courtage commercial, tous ne profitent pas nécessairement autant de cette effervescence. Le catalogue des propriétés commerciales et industrielles à vendre ou à louer, mis à mal par la pandémie, demeure imposant. Il faut trouver des acheteurs ou renouveler des baux, souvent à rabais. La crise a laissé des traces, et le télétravail est là pour de bon.

SE FAIRE ENTENDRE

Dans ce contexte particulier, les grands acteurs du courtage commercial au Québec souhaitent être mieux entendus et ils sont motivés à agir en conséquence. L’idée d’une association a été régulièrement évoquée par le passé, mais au moins un événement récent vient de lui donner un nouveau souffle. C’est ce qui se dégage d’une série d’entrevues réalisées dans le milieu pour Immobilier commercial, à partir de demandes informelles qui, de toute évidence, s’intensifient.

«Il faudrait quelqu’un pour gérer le trafic qui nous concerne, mais pour l’instant, il n’y a personne», affirme Paul-Éric Poitras, associé principal chez NAI Terramont Commercial. Comme d’autres, il reconnaît le travail

PAUL-ÉRIC POITRAS

Associé principal NAI Terramont Commercial

NAI TERRAMONT COMMERCIAL

CETTE CHRONIQUE VOUS EST PRÉSENTÉE PAR

L’ALLIÉ DES COURTIERS, DEPUIS 1980

et l’utilité de l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ): «Son comité commercial a évolué au fil du temps, il est désormais plus à l’écoute du milieu.» Il souligne parallèlement la nécessité d’une formation mieux adaptée à la réalité des grands courtiers, qu’il s’agisse de connaissances financières ou technologiques, étant donné l’importance des transactions.

Mais il y a plus.

La dernière refonte de la Loi sur le courtage immobilier a ouvert une brèche qui fait mal. Dorénavant, quiconque le souhaite peut prendre en charge la location d’un espace commercial sans être nécessairement dûment licencié au Québec. «Il n’y a aucun endroit en Amérique du Nord où ça existe», déplore M. Poitras, en ajoutant que ce seul enjeu justifie la légitimité d’un regroupement.

«N’importe qui peut arriver de n’importe où, prétendre détenir l’expertise nécessaire et conclure ce genre de location», indique Christian Charbonneau, premier vice-président chez CBRE, à Montréal, la plus grosse firme de courtage immobilier commercial au monde.

DES RÉALITÉS DIFFÉRENTES

Par ailleurs, il met en évidence le fait que les cours offerts par l’OACIQ ne correspondent pas à la réalité de son industrie: «Nous n’avons rien à faire avec l’entretien des fosses septiques ou l’état des sols.» Il souligne en même temps que la définition d’un espace commercial, dans la Loi, est bien éloignée de sa pratique. «Il suffit qu’il comporte au moins cinq unités, précise-t-il. Nous en négocions des centaines à la fois. Nous ne sommes décidément pas dans le même créneau. Et notre voix n’est pas toujours entendue. Il nous manque une personne porte-parole.»

Il fait ainsi écho à cette autre remarque de Paul-Éric Poitras: «Nous sommes un peu orphelins, nous, du milieu commercial. Il nous est difficile de nous associer avec les courtiers résidentiels. Ce n’est simplement pas le même métier.»

Il prend bien soin lui aussi de ne pas remettre en question le rôle et l’utilité de l’OACIQ. C’est le problème de son adéquation avec les besoins réels du milieu commercial qui est soulevé. L’OACIQ a préféré répondre par courriel à une question touchant la pertinence, à ses yeux, de la mise en place éventuelle d’une entité vouée aux intérêts des grands courtiers. «Il appartient bien sûr aux courtiers immobiliers de décider de se regrouper au sein d’une association afin de représenter leurs intérêts, ce qui est tout à fait légitime», nous a-t-on répondu. La porte est donc ouverte.

En même temps, on ajoute ceci: «L’OACIQ collabore déjà avec divers acteurs du courtage commercial, dont les agences immobilières commerciales. La venue d’une association, dédiée au courtage commercial, n’y ferait pas exception. En effet, une nouvelle association serait accueillie avec ouverture afin de poursuivre les discussions bien amorcées sur les réalités de ce secteur d’activités et d’alimenter la réflexion dans une perspective d’amélioration continue […] Nous sommes confiants qu’advenant la naissance d’une telle association, la relation sera basée sur le respect de nos rôles respectifs et au final, profitable à la protection du public.»

CHRISTIAN CHARBONNEAU

Premier vice-président CBRE

CBRE

UNE ASSOCIATION SUR MESURE

La possibilité de la création d’une association liée aux besoins particuliers des grands courtiers commerciaux semble accueillie, tout au moins prudemment, par l’OACIQ. Il en existe déjà une à l’échelle de l’Amérique du Nord. «La seule affiliation qui existe présentement en ce qui nous concerne, c’est une adhésion volontaire à SIOR, ou Society of Industrial and Office Realtors, mentionne Jean-Marc Dubé, vice-président exécutif chez Colliers International, à Montréal. C’est là un organisme privé qui n’a aucune force de loi, mais qui rappelle les grandes règles à suivre.»

EST-CE SUFFISANT?

«Je crois qu’une nouvelle association aiderait autant nos professionnels que nos clients», estime-t-il, en ajoutant que dans plusieurs cas, les investisseurs appartiennent à des sociétés membres du Fortune 500, qui n’ont pas vraiment besoin de protection. «En 16 ans de pratique, je n’ai jamais utilisé les formulaires standards de l’OACIQ. Nos transactions ne sont pas aussi simples. Les besoins ne sont pas les mêmes que dans le résidentiel», témoigne le vice-président.

Même là, convient-il, on pourrait adopter des formules mitoyennes. Entre les immenses transactions et les ventes de bungalows, il y a là tout un espace à encadrer. «Oui, l’OACIQ joue un rôle stratégique,

JEAN-MARC DUBÉ

Vice-président exécutif Colliers International

COLLIERS

ne serait-ce que pour les assurances, mais ça touche plus le milieu résidentiel que le nôtre, au commercial, explique-t-il. Alors, pourquoi ne pas envisager le meilleur des deux mondes et mettre en place une division consacrée uniquement au commercial?»

ISTOCK PAR NASTCO

À LA FOIS COMPÉTITEURS ET COLLÈGUES

L’idée semble faire son chemin. Mais une association en bonne et due forme exige une structure, une organisation, ce qui veut dire un financement, donc des cotisations, une permanence avec des personnes ayant des habiletés pour faire du lobbying… ce qui n’est pas facile aujourd’hui, ne serait-ce que pour convaincre les intéressés de puiser dans leurs poches pour soutenir ce potentiel rapprochement à plus long terme. Intervenir le temps d’une loi est une chose, travailler le terrain pour défendre au jour le jour les intérêts du milieu en est une autre.

Mais par où faut-il commencer pour imaginer un regroupement de firmes qui, au départ, sont en concurrence? Une entité qui représenterait leurs intérêts supérieurs sans les empêcher d’être en compétition sur le terrain?

Paul-Éric Poitras fait une suggestion que d’autres ont évoquée: «Chaque année à Montréal se tient le Sommet immobilier sur les grands enjeux de l’industrie. Il touche à plusieurs questions importantes, autant les bonnes pratiques que les risques de dérive comme le blanchiment d’argent. Pourquoi ne pas mettre au programme l’importance d’une meilleure représentation du milieu commercial? Cela pourrait certainement y être discuté et susciterait un grand intérêt.»

Il reconnaît lui-même que ce ne sera pas facile. Présenter une proposition structurée lors d’un sommet demanderait des rencontres préalables, sans dévoiler des mandats en cours, tout en définissant les grands défis communs… Il faudrait alors trouver une façon de s’entendre dans ce milieu, où les acteurs ne sont pas reconnus pour se faire des cadeaux. «Peu importe sa forme, une association pourrait aider à défendre nos intérêts et aussi à les promouvoir, sans qu’on se marche sur les pieds», pense Paul-Éric Poitras. Il a toujours en mémoire cette refonte de la Loi sur le courtage immobilier où, de toute évidence, les grands courtiers commerciaux n’ont pas eu voix au chapitre.

Pourtant, l’enjeu demeure important, et il suggère une conciliation entre les promoteurs, les constructeurs et les courtiers, dans l’intérêt des clients. D’autant que le marché montréalais et québécois, longtemps sous-évalué à l’échelle de l’Amérique du Nord, attire maintenant la convoitise. À preuve, cette arrivée de la firme américaine CoStar, qui va rivaliser avec Altus, une référence bien établie pour l’évaluation des marchés immobiliers.

«Au bout du compte, il faut réaliser que le marché va reprendre malgré le télétravail et que la demande va s’intensifier», estime Jean-Marc Dubé, qui entrevoit de beaux jours pour le courtage immobilier commercial. Quand tout va bien, personne ne s’inquiète. Mais il y aura forcément d’autres soubresauts. «De là cet objectif au-delà des crises, dit Christian Charbonneau: il nous faut continuer à bien servir et protéger nos clients, et pour y parvenir, ce serait utile de pouvoir intervenir auprès des législateurs, ensemble.»

Le prochain Sommet de l’immobilier devrait se tenir au printemps 2022 à moins d’une autre crise sanitaire qui remettrait tout en question. Il sera intéressant de voir si la possibilité d’un quelconque regroupement pour les grands acteurs de l’immobilier commercial figurera à l’ordre du jour.

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