Enfants du Mékong N°167 MARS AVRIL 2011 2,40 €
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A S I A T I Q U E
BIRMANIE La pagode de Pierre Loti
Philippines Les paysans sans terre www.enfantsdumekong.com
> Sommaire n°167
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Éditorial Serviteurs et témoins
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Plan large Cambodge Le passage de la mer Rouge 4
Points chauds Philippines « Sacadas », les paysans sans terre
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Asie du Sud-Est En bref Vietnam Un projet social pour
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les « poussières de vie »
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Philippines Eliza, fleur d’espoir philippine
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Si Banteay Chmar m’était conté…
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Découvrir Chronique d’Asie Shwedagon, la pagode d’or de Pierre Loti
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Rédaction MAGAZINE 5, rue de la Comète 92600 Asnières-sur-Seine • Tél. : 01 47 91 00 84 • Fax : 01 47 33 40 44 • Fondateur René Péchard (†) • Directeur de la publication François Foucart • Rédacteur en chef Geoffroy Caillet • Rédacteur Jean-Matthieu Gautier • Couverture Île de Negros, Philippines © J.-M. Gautier Maquette Florence Vandermarlière • Impression Éditions C.L.D. 91, rue du Maréchal-Juin 49000 Angers • Tél. : 02 47 28 20 68 • I.S.S.N. : 0222-6375 Commission Paritaire n° 1111G80989 • Dépôt légal n° 910514 • Tirage du n°167 : 24 200 exemplaires • Publication bimestrielle éditée par l’association Enfants du Mékong • Président François Foucart • Présidente d’honneur Françoise Texier • Directeur général Yves Meaudre Abonnement (1 an, 5 numéros) : 12 euros
© J.-M. Gautier
Regards sur l’Asie
> Éditorial
Serviteurs et témoins D
ans notre action en Asie, nous sommes parfois confrontés à des situations déplorables, mais qui nous échappent parce que nous n’avons pas les moyens d’y remédier. C’est ainsi qu’on lira dans ce numéro l’impressionnant reportage sur l’île de Negros, aux Philippines. Il y a là véritablement une situation d’injustice qu’il faut dire, dénoncer, et notre rôle est d’aider, de soutenir les populations concernées, mais pour autant nous ne pouvons pas officiellement militer contre telle ou telle forme de pouvoir parce que nous sommes une association humanitaire et pas politique. Dans nombre de pays où nous intervenons, dans la plupart même, nous ne sommes pas forcément sur la même longueur d’onde que les gouvernements en place : pas question de les soutenir pour en obtenir des avantages, pas question non plus de se dresser contre eux, nous ne pourrions rester sur place. Nous ne voulons être que des serviteurs et des témoins. Pour les permanents dans le pays, les prêtres par exemple, la ligne de crête est très difficile, car s’il faut lutter pour la justice sociale – et fermer les yeux serait une lâcheté –, il n’est pas non plus question de devenir guérillero ou de s’appuyer sur des groupes marxisants. Ce serait verser dans un extrémisme violent qui n’a jamais rien arrangé. Le droit de propriété existe, il n’est pas anormal qu’il y ait des patrons et des ouvriers, mais quelle responsabilité ont les très grands propriétaires (qui sont aussi souvent des politiques) à refuser une réforme agraire pourtant si nécessaire ! Ils ne voient pas qu’ils dansent sur un volcan et qu’au lieu d’accepter une évolution harmonieuse leur laissant de la fortune et des droits, ils vont vers des violences qui, alors, les déposséderont totalement. Dieu sait qu’à Enfants du Mékong nous ne prêchons pas pour je ne sais quelle militance extrémiste, mais comment ne pas dire que c’est l’obstination et l’égoïsme de certains nantis qui conduisent finalement aux révolutions ! Souhaitons, vraiment, que le bon sens revienne et qu’une calme justice règne chez nos amis Philippins. ■ François Foucart Président d’Enfants du Mékong
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N°167 ❚ MARS - AVRIL 2011 ❚ 3
Plan large > Cambodge
LE PASSAGE DE LA MER ROUGE Photo Olivier de Fresnoye 4 ❚ N°167 ❚ MARS - AVRIL 2011
Ces moines traversant un gué à Siem Reap semblent tirés d’une geste biblique. Au Cambodge, l’histoire récente du bouddhisme est faite de feu et de sang. Persécutés par les Khmers rouges entre 1975 et 1979, les moines ont connu l’exil, les camps de redressement, les massacres et la destruction de leurs pagodes. De 65 000, leur nombre avait chuté à moins de 3 000 au début des années 80, avant de revenir à 55 000 aujourd’hui. Restauré comme religion d’État en 1989, le bouddhisme est la religion de 90% de Cambodgiens.
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Points chauds > Philippines
« Sacadas », les paysans sans terre 200 Km
Manille
PHILIPPINES Negros ●
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Malgré la réforme agraire en cours depuis la fin des années 80, l’île de Negros, entièrement dédiée à la culture de la canne à sucre, continue d’entretenir un système d’exploitations agricoles particulièrement injustes. Texte et photos : Jean-Matthieu Gautier
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uatre heures du matin. Mouches et moustiques viennent mourir en file indienne au contact de l’unique ampoule pendue à l’entrée de l’hacienda Ledesma. Sous le halo livide, une trentaine de sacadas attendent – on les appelle sacadas ici, parfois cargatapas, comme on parle de péons en Amérique Latine et comme, au Moyen-Âge, on les désignait sous le nom de serfs. Une heure passe vaille que vaille, quelques discussions d’hommes encore endormis prennent mollement corps, un rire fuse là, il rebondit là-bas, sur quoi le contremaître arrive avec une nonchalance à peine coupable. Il s’assied, bâille, pose un cahier sur ses genoux et commence à appeler. À contretemps, un gecko fait écho au rire de tout à l’heure.
Une règle simple et cynique Cinq heures et demie du matin. Une vingtaine d’ouvriers partent à l’assaut des immenses champs de canne à sucre de l’hacienda Ledesma, tandis que la dizaine de sacadas restants repartent chez eux bredouilles. L’équation est 6 ❚ N°167 ❚ MARS - AVRIL 2011
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La première sera apidement avalée en famille, la seconde vendue au marché par Sandra.
QUELQUES DATES 1898 : le traité de Paris met fin à la guerre d’indépendance des Philippines. Les Espagnols quittent Negros et les grands propriétaires terriens confient les clés de leurs haciendas à leurs fondés de pouvoir, qui deviennent les nouveaux maîtres de l’île. 1950 : avec plus de 450 000 hectares de plants de cannes à sucre, Negros devient la sucrière du pays. 60% de la consommation philippine de sucre provient de Negros. 1988 : après l’éviction du dictateur Marcos, la présidente Corazon Aquino lance une réforme agraire, le CARP, qui prévoit un partage plus équitable des terres agricoles philippines. 2010 : le CARP est reconduit pour une nouvelle période de cinq ans.
étrange, mais le contremaître en donne la solution sans trop se faire prier : « Ils connaissent le marché, ils savent qu’ils ne peuvent pas travailler plus de trois jours de suite, c’est comme ça », conclutil stoïquement. Pourquoi ne peuventils pas travailler plus de trois jours de suite est une question de trop pour le contremaître. Là encore, l’explication est aussi simple que cynique. Les lois sociales philippines prévoient la prise en charge de l’assurance maladie (le SSS, Social Security System) par un employeur à partir d’un nombre minimum de jours de travail cumulés. Si l’employeur ne veut pas payer cette assurance, il lui suffit de refuser aux ouvriers de travailler plus que le nombre de jours défini. La main-d’œuvre ne manquant pas à Negros, cette pratique ne leur pose aucun problème. Quant aux ouvriers pénalisés, ils ne peuvent même pas avoir recours à un système de roulement qui leur permettrait de travailler quelques jours dans une hacienda et quelques jours dans une autre. La taille de ces propriétés gigantesques interdit pratiquement MAGAZINE
tout déplacement à pied de l’une à l’autre. Et le coût des transports en commun représenterait un manque à gagner impossible à consentir.
Improbable réforme agraire Le long de la route, entre mer et montagne, les champs de canne à sucre ali-
gnent indéfiniment leur vert phosphorescent. En s’élevant vers les montagnes, cette même route est ponctuée de barrages de la police militaire, toujours à la recherche de membres du NPA (New People Army), la guérilla communiste, particulièrement active sur l’île de Negros. Arrivée au pied des premiers
Sur la porte d’entrée du personnel de l’hacienda Ledesma, un panneau rappelle les horaires de travail des ouvriers.
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Points chauds > Philippines
Les sacadas ont été autorisés à installer leurs maisons aux confins de la propriété, là où plus aucune culture ne pousse.
monts – modestes mamelons pelés – la voiture ne peut plus progresser : la route devenue piste est impraticable. Un groupe d’une demi-douzaine de maisonnettes de bois au toit de palmes s’accrochent au flanc du premier mamelon. Plus rien ne pousse à cette altitude et Edna Zamontesa y voit la raison pour laquelle le père de Julio Ledesma, l’actuel propriétaire du terrain que sa famille occupe, les a autorisés à s’y installer il y a une quinzaine d’années. C’était l’époque de la grande réforme agraire voulue par l’ancienne présidente Cory Aquino, la mère de l’actuel président des Philippines, Noynoy Aquino. En 1987, le CARP (Comprehensive Agrarian Reform Program) prévoyait un partage des 10,3 millions d’hectares de terres agricoles de l’archipel entre 4 millions de familles de paysans sans terre. Mais les clauses imposées par les sénateurs (souvent de grands propriétaires terriens eux-mêmes) ont eu raison de cette réforme dont le principe court toujours aujourd’hui. Vingt ans après, la proportion de terres redistribuées est 8 ❚ N°167 ❚ MARS - AVRIL 2011
Les grands propriétaires tiennent l’économie de l’île mais également les institutions politiques et judiciaires. extrêmement faible et le sentiment d’impunité des grands propriétaires s’est accru. Eux qui possédaient alors environ 80% des terres en possèdent encore aujourd’hui plus de 60%.
Bananes et guinamos Petite dame chétive à la dentition désordonnée, Edna ne sait plus à quel saint se vouer depuis que son mari Isidoro, 58 ans, a été contraint d’arrêter de travailler. C’est son fils aîné qui permet désormais à leur famille de sept enfants de survivre. Il travaille par tranches de demi-journées, plusieurs fois par semaine, « mais pas autant que nous le voudrions », déplore Edna. « Mon fils rapporte environ 1 500 pesos par mois [soit à peu près 24 euros]… 30 jours par mois, nous ne mangeons que des guinamos [de minuscules poissons
conservés dans des seaux avec beaucoup de sel, l’aliment du pauvre par excellence aux Philippines NDLR], un peu de maïs et du riz. Nous complétons notre alimentation avec des bananes cueillies ici et là. » Assise à côté d’Edna, une de ses amies prend la parole et brosse un portrait de sa situation – à peu près identique. La seule source de revenu à peu près stable des habitants de ce barangay (village) est la coupe de bois de chauffe, qui représente en moyenne 100 pesos par semaine et par famille. Un peu plus loin dans la vallée, c’est le début de l’après-midi, le soleil chauffe et sous un arbre tors, quatre hommes attendent la reprise du travail. Tous sont des employés réguliers de l’hacienda Ledesma. Ils touchent le SSS et gagnent 280 pesos par jour penMAGAZINE
Ces ouvrières perçoivent 96 pesos par sac de fertilisant répandu dans les champs de canne à sucre. Elles peuvent en répandre jusqu’à trois par jour.
dant la saison des récoltes (d’octobre à avril), 300 par semaine en temps normal. Leur rôle ? Surveiller le système d’irrigation de la plantation. Leurs vêtements sont miteux, ils ont l’allure de pauvres bougres et pourtant ils ne se plaignent pas, bien au contraire : « C’est une vraie chance pour nous de pouvoir travailler régulièrement », explique l’un deux d’un air convaincu et teinté d’un sentiment de résignation où toute idée d’injustice semble aboli.
Un problème « culturel » Dans un autre barangay également situé en lisière de l’hacienda, les maisons de bois construites il y a quelques années par les sacadas restent, de fait, la propriété des Ledesma. « Nous devons demander la permission avant de cou-
20 enfants SONT À PARRAINER
sur le programme de Toboso (Negros)
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per le bois dont nous nous servons pour faire chauffer nos aliments. Nous le payons. Et si une tempête, comme il y en a souvent durant la saison des pluies, emporte notre toit, nous devrons aussi payer pour le remplacer. » Une maison ceinte d’une clôture de bambou se distingue au milieu des autres habitations du barangay. Son toit présente une double couche de tôle et de palmes, ses murs sont en bambou tressé… C’est le contremaître du lieu qui l’occupe. Le contremaître ? « Oui, souffle Gregorio, il est aussi capitaine de notre barangay », un titre qui correspond plus ou moins à celui de maire. Et Gregorio d’expliquer que les propriétaires fonciers de Negros sont très impliqués sur le plan politique. C’est ici un petit capitaine de barangay, mais c’est parfois un parlementaire, comme Julio Ledesma, qui siège quant à lui au Congrès depuis de nombreuses années : « Nous sommes obligés de voter pour eux, avoue Gregorio sur un ton de plus en plus feutré. Si nous ne le faisons pas, nous devrons partir. »
Les grands propriétaires tiennent l’économie de l’île mais également les institutions politiques et judiciaires. Seule l’Église et quelques ONG continuent à lutter contre ce système, à la mesure de leurs moyens. Calme, posé, le père Rosario, prêtre du diocèse de San Carlos en charge des questions sociales, qualifie le problème de culturel : « Les gens imaginent avoir une dette vis-àvis des latifundiaires qui leur offrent après tout un travail, parfois un toit, parfois des soins médicaux, parfois des écoles… en somme qui leur permettent de vivre. » Sur le même ton de triste ironie, il ajoute : « Et il ne pourra pas y avoir d’issue politique à ce problème tant que les grands propriétaires resteront à la tête des institutions de notre pays ou que les hommes politiques auront partie liée avec eux. Nous sommes dans un contexte où les intérêts économiques des uns et des autres sont à la source d’à peu près toutes les décisions. Or il n’est pas dans l’intérêt des grands propriétaires philippins de légiférer… Dès lors, il n’y a pas de solution possible. » ■ N°167 ❚ MARS - AVRIL 2011 ❚ 9
Regards sur l’Asie > Asie du Sud-Est
Cambodge : les
pierres de la discorde
Trois ans après les échauffourées qui Bangkok CAMBODGE Golfe avaient rallumé une Phnom Penh de Thaïlande querelle ancestrale, le temple de Preah Vihear s’est retrouvé au centre de nouvelles tensions entre Cambodge et Thaïlande. Par Geoffroy Caillet THAÏLANDE
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elon l’armée thaïlandaise, un « malentendu » serait à l’origine des échanges de tirs survenus du 4 au 7 février sur ce petit territoire de 4,6 km2 que se disputent les deux pays depuis son attribution au Cambodge par les Français en 1907, puis par la Cour internationale de La Haye en 1962 (cf. EdM n°154). Si la Thaïlande semble bien avoir joué la provocation pour se donner un prétexte d’intervenir, le Cambodge a aussitôt riposté par une démonstration de force grâce à l’appui de chars vietnamiens. En juillet 2008, l’inscription du site sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco avait provoqué des mouvements de troupes de part et d’autre de la frontière. Cette fois, les violences ont fait huit morts et une soixantaine de blessés, en provoquant aussi la fuite de dizaines de milliers de villageois. Pour les deux
pays, dont les nationalismes s’opposent fréquemment, la souveraineté territoriale sur cette zone est un symbole fort. Hun Sen, le Premier ministre cambodgien, et Abhisit Vejjajiva, son homologue thaïlandais, se sont ainsi renvoyé la responsabilité des heurts de février, qui ont endommagé une aile du bâtiment. Pour les observateurs, la Thaïlande cherche surtout dans cette affaire un exutoire à la crise politique qu’elle traverse depuis 2006. L’appel de Ban Ki-moon, secrétaire général de l’Onu, « à observer un cessezle-feu et à rechercher une solution durable à la crise » a été suivi de la nomination, le 11 février, du Japonais Koichiro Matsuura au poste d’envoyé spécial pour régler cette affaire. Lors de son voyage en Thaïlande et au
Plus de centre d’accueil pour les montagnards du Vietnam
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l’initiative du gouvernement cambodgien, le centre d’accueil des réfugiés montagnards du Vietnam à Phnom Penh a fermé ses portes le 15 février dernier. Placé sous l’égide du Haut-Commissariat pour les réfugiés des Nations Unies, il accueillait depuis 10 ans ces populations originaires des Hauts-Plateaux et victimes de l’hostilité des autorités vietnamiennes. En 2001, un premier soulèvement durement réprimé avait entraîné leur fuite, ininterrompue jusqu’à ce jour (cf. EdM n°115). Si beaucoup ont trouvé asile dans un pays tiers (Canada et États-Unis surtout), une dizaine d’entre eux encore présents dans le centre n’ont pas obtenu le statut de réfugié et risquent d’être renvoyés au Vietnam. Une menace vivement déplorée par l’ONG Human Rights Watch. ■ G.C. 10 ❚ N°167 ❚ MARS - AVRIL 2011
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▲ TEMPLE DE PREAH VIHEAR
Cambodge du 25 février au 1er mars, l’ancien directeur général de l’Unesco a annoncé la visite prochaine d’experts chargés d’inspecter et de restaurer le temple de Preah Vihear. La paix autour de ce sanctuaire hindou du XIe siècle est désormais entre les mains de l’Asean, l’Association des Nations du Sud-Est asiatique, qui a accueilli fin mars en Indonésie des représentants des deux parties pour parvenir à une solution. ■
MékongExpress LA THAÏLANDE EN LICE POUR L’EXPOSITION UNIVERSELLE Après la Russie, le Qatar, l’Égypte, le Brésil et la Turquie, la Thaïlande a rejoint la liste des pays pressentis pour accueillir l’Exposition universelle de 2020. Les atouts de l’ancien royaume de Siam sont évidents : un tourisme varié, des infrastructures bien développées, une gastronomie appréciée. Quant à l’instabilité politique du pays, elle ne devrait pas, selon le secrétaire général du Bureau international des Expositions, Vicente Gonzales Loscertales, « nuire à sa candidature ». Il faudra attendre début 2013 pour connaître le nom du gagnant.
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Regards sur l’Asie > Vietnam
Un projet social pour les « poussières de vie » « Poussières de vie » : un nom douxamer donné aux enfants des rues vietnamiens. C’est aussi celui de l’association fondée par Patrick Désir pour leur venir en aide.
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© EdM
Propos recueillis par Geoffroy Caillet uelle est l’origine de votre engagement ?
Poussières de vie est née d’un constat d’urgence. Lors de mon retour au Vietnam en 1998, je voyais des enfants traîner partout dans les rues de Saigon. Or une association cherchait à former des jeunes de la rue à l’informatique et s’est adressée à moi pour réaliser un audit, car j’ai créé au Vietnam une société d’informatique et un institut de formation. Les cours m’ont semblé trop théoriques pour les enfants, surtout après une journée de travail. J’ai donc proposé un autre projet plus adapté qui est finalement devenu Poussières de vie en 2002.
Comment expliquer le phénomène des enfants des rues au Vietnam ? La principale cause est l’exode rural, lié au fort développement de Saigon ces dernières années, qui a exigé beaucoup de main-d’œuvre. Une main-d’œuvre non qualifiée, à la recherche d’un complément de revenu à travers ses enfants. Il y a aussi le phénomène des familles rurales endettées : leurs enfants sont envoyés en ville pour faire des petits boulots et logent chez un parent. Il y a enfin le cas des parents alcooliques ou joueurs. Les métiers sont variés : vendre des billets de loterie, ramasMAGAZINE
ser des canettes à recycler, travailler dans les marchés ou dans les restaurants.
commerce. Ce sont des enfants très doués pour l’apprentissage des langues.
Comment Poussières de vie leur vient-elle en aide ?
Quelle évolution constatez-vous ?
Notre objectif, c’est que ces enfants passent moins de temps dans la rue. J’avais constaté qu’après avoir vendu des billets de loterie, ils restaient dans les cybercafés à jouer à des jeux vidéos. Alors je leur ai dit : « Je vous offre gratuitement l’accès à l’ordinateur ! » Ils sont donc venus au centre où je leur ai expliqué que, pour aller plus loin, il fallait connaître l’anglais et bien maîtriser l’outil informatique. Ils sont ainsi devenus demandeurs. Dans chaque centre, des assistants sociaux suivent aussi les enfants et les familles au point de vue sanitaire et social. Il font un gros travail de pédagogie avec les parents. Aujourd’hui nous avons ouvert trois centres : deux à Saigon et un à Kontum, qui regroupent près de 250 enfants de 7 à 21 ans. À Kontum, nous accueillons des enfants banhar qui ont arrêté les études. Là-bas, l’agriculture décline à cause de méthodes traditionnelles qui ne fonctionnent plus bien. Alors on oriente les enfants vers les métiers de guide ou du
Nous ne faisons quasiment plus de tournée dans les rues car le bouche à oreille fonctionne et les enfants viennent d’euxmêmes. Les assistantes sociales visitent en revanche les parents, qu’il faut toujours convaincre, surtout en fin de mois lorsqu’ils ont besoin de joindre les deux bouts. Même après un séjour au centre, les enfants retournent souvent dans la rue, jusqu’à trouver un travail qui les en sorte définitivement. Aujourd’hui, nous jouons le rôle d’incubateur pour deux business. Le premier concerne des livraisons en vélo électrique, le second la vente de sandwichs en entreprise. Il faut gérer les commandes, les invendus, assurer l’hygiène et le marketing. Après deux ans d’accompagnement, on donne le matériel à l’enfant : un chariot équipé d’une plaque électrique et d’un frigo. Grâce à ses revenus, il pourra investir dans un deuxième chariot. Ce sont des enfants qui ont le sens du commerce et ont surtout besoin de contacts après l’isolement vécu dans la rue. ■ N°167 ❚ MARS - AVRIL 2011 ❚ 11
Regards sur l’Asie > Philippines « Un de mes rêves, me confie Eliza, c’était d’aller dans un restaurant, de m’asseoir et de me faire servir un vrai repas. Un jour, j’ai été serveuse dans un restaurant. Parfois, quand les clients ne mangeaient pas toute leur assiette, on s’asseyait après le service et on la finissait. J’étais contente, c’est comme si mon vœu se réalisait. »
philippine (2/2)
Filleule d’Enfants du Mékong, Eliza vit à Inayawan, à côté de la montagne d’ordures de Cebu. Suite du portrait d’un être rare. Par Yves Aillerie
E
liza met son visage sur ses genoux. Doit-on partir, doit-on rester ? Il lui devient difficile de parler. Il y a trois jours, le médecin a retiré presque un litre de liquide de ses poumons. Hier, il a enlevé encore un demi-litre. Elle est fatiguée. Parler la fatigue. Mais elle veut continuer. Eliza veut continuer pour exprimer la chance qui, selon elle, l’accompagne depuis plusieurs années. Quand la maison a été terminée, les murs montés, il a fallu imaginer un toit. Mais un toit de tôle, c’est 5 000 pesos. Comment trouver cette somme monstrueuse ? À Enfants du Mékong, Aliénor, la chargée de parrainage pour les Philippines, insiste pour qu’Eliza reprenne ses cours. C’est presque un miracle. Le parrain d’Eliza, contacté par Aliénor, accepte de financer le toit. La famille est maintenant au sec. Eliza reprend ses études. Pour sub12 ❚ N°167 ❚ MARS - AVRIL 2011
venir aux besoins de sa famille, elle continue de petit boulot en petit boulot. Vendre la nourriture cuisinée par son papa, vendre des bananes dans le centre commercial…
Et puis survient un autre miracle : la rencontre avec Anne, une autre volontaire d’Enfants du Mékong. Anne accepte de parrainer Elizao, le frère d’Eliza. Lui aussi peut ainsi poursuivre ses études. Elizao est aussi acharné qu’Eliza. Lui aussi, malgré son travail à temps partiel, arrive à progresser et à réussir, examen après examen. Seule la plus jeune sœur, Ellen, a dû arrêter ses études pour travailler à plein temps. Dans un an, quand Eliza et Elizao auront leur diplôme et un travail, Ellen pourra à son tour aller à l’école. J’apprendrai plus tard que c’est souvent le cas, dans les familles pauvres, aux Philippines. Quand tous ne peuvent aller à l’école, les enfants y vont chacun leur tour. Une année l’un, l’année suivante un autre. Aujourd’hui, Eliza est inquiète. Dans quelques jours, à la fin du mois d’août, elle doit passer son examen de fin d’études, le board exam, qui lui permettra enfin d’exercer. Mais la maladie l’affaiblit tellement. Elle ne peut pas étudier autant qu’elle le voudrait. Elle est tout de suite fatiguée. Elle a peur de cette
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Eliza, fleur d’espoir
© Y. Aillerie
Examens et maladie
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eau qui revient constamment dans ses poumons. Elle a peur de ne pas être en forme le jour de l’examen, peur même d’être trop malade pour pouvoir s’y rendre. Cet examen est si important, elle espère tellement réussir pour envisager enfin un vrai travail, un vrai salaire, tellement important pour sortir sa famille de la misère.
la plus petite enfance, s’est-elle tenue à cette discipline aussi stricte, à ces journées sans sommeil, à ces nuits si courtes ? Qu’est-ce qui l’a fait tenir sans plier ? « Ma famille est mon inspiration, me dit-elle. Je les aime tellement. Et je veux être leur inspiration aussi. Et il y a Dieu. Je lui parle, souvent. Dieu m’aide. Il me donne la force, tout le
« Mon parrain m’a tellement aidée ! Je le remercierai toute ma vie. » Eliza se tait. À nouveau, elle pose sa tête sur ses genoux, appuyée en boule contre le mur. Cette jeune fille est belle, gracieuse. Je ne vois pas très bien ses cheveux noirs, cachés dans son dos, qui réapparaissent à la hauteur de sa hanche. La fièvre qui ne la quitte pas fait briller des yeux qui remontent doucement vers les tempes. Sa voix faible, son corps menu emplissent la petite pièce. D’où vient que sa présence soit si forte et lumineuse quand son corps et sa voix sont si faibles ?
temps. D’ailleurs, quand ils m’ont opérée pour sortir l’eau de mes poumons, j’avais mon chapelet dans ma main. C’était important, pour moi. Avant, je rédigeais mon journal. Dans ce journal, j’écrivais à Dieu, je faisais le récit de mes journées, de ce que je pensais. Récemment, j’ai voulu le relire. Mais c’était tellement triste que j’ai pleuré tout le temps. Et ce n’est pas bien de pleurer sur son passé. Alors, j’ai brûlé mon journal. Le passé, c’est le passé. Je préfère regarder devant moi. »
Eliza m’a raconté sa courte vie. Dans sa petite maison, il y a beaucoup de silence maintenant, même entre nous. La discussion a changé de rythme. Mes questions me semblent parfois indiscrètes. Eliza les accueille avec le sourire. « Qu’aije oublié de vous demander ? » C’est Dorothy, l’assistante sociale, qui répond : « Les boy-friends ! » Les deux femmes, complices, rient de bon cœur. « J’ai eu un petit ami, avoue Eliza. Mais au foyer d’Enfants du Mékong, c’est interdit. Un jour, il m’a appelée. J’ai eu peur. Je lui ai dit : « Non, ne m’appelle pas. » Il m’a demandé de le rappeler, mais je ne pouvais pas, je voulais juste qu’il m’attende. Et puis un autre jour, j’étais caissière, je l’ai vu avec une autre fille. J’ai compris qu’il ne m’aimait pas vraiment. Ça a été un choc terrible, j’ai eu beaucoup de peine. » J’avoue être impressionné par la discipline que cette jeune femme s’est imposée toute sa vie. Comment, depuis MAGAZINE
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« Regarder devant moi »
Des projets et des rêves « Des projets, oui, j’en ai. Des rêves, plutôt. D’abord, j’espère que je vais réussir le board exam. Si je suis admise, alors je pourrai commencer à enseigner. Je veux enseigner aux enfants handicapés, spécialement les enfants sourds. J’ai appris la langue des signes dans les livres. Mais il faut que j’étudie encore beaucoup. À Enfants du Mékong, chaque enfant doit redonner un peu de ce qu’il a reçu, parce qu’il y a toujours des gens qui ont moins de chance que nous : des orphelins, des personnes âgées. Alors, le samedi, je travaille avec les enfants handicapés et sourds. J’aime bien ça. J’espère vraiment que j’aurai ces examens. Au début, je voulais partir travailler à l’étranger et j’y pense encore souvent. Làbas, on peut gagner plus d’argent et l’envoyer à sa famille. C’est important. Mais je serais malheureuse, loin d’elle. Et puis, si je réussis, je pourrai aider les enfants de ma communauté, ici, à Inayawan. Mon parrain a été important pour moi. Il m’a tellement aidée ! Je le remercierai toute ma vie. Il ne m’a jamais écrit. Je ne sais pas à quoi il ressemble. Certains étudiants ont des photos de leur parrain. Moi, non. J’aurais bien aimé savoir qui il est. Moi, je lui ai écrit souvent, il n’a jamais répondu. Je pense qu’il doit être très occupé. » Dans la rue, il y un peu plus de monde. C’est le retour du travail. Il va faire nuit, bientôt. Un dernier regard, un dernier sourire, nous laissons Eliza à sa fièvre, à sa fatigue. Demain, Enfants du Mékong reviendra voir si une visite chez le médecin s’impose. Dans le pédicycle, dans le tricycle motorisé, dans les jeepneys qui nous ramènent au foyer, Dorothy et moi laissons filer nos pensées en silence. Eliza est un être rare. Quelle fragilité et quelle force… « Quand même, me dit Dorothy, cette histoire de boyfriend, elle me l’avait bien cachée ! » Et elle part d’un grand éclat de rire. ■ N°167 ❚ MARS - AVRIL 2011 ❚ 13
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À quoi sert le parrainage ? S ur chaque parrainage mensuel (24 € pour un parrainage individuel, 39 € pour un parrainage étudiant), 6 € financent les frais de fonctionnement et les actions d’urgence d’Enfants du Mékong. Pour un parrainage individuel, les 18 € profitent au filleul et peuvent parfois aider aussi d’autres enfants non parrainés. Le solde couvre les frais de traduction et d’affranchissement des lettres des enfants et les dépenses d’urgence auxquelles le responsable doit faire face. Pour un parrainage étudiant, les 33 € profitent intégralement à l’étudiant qui en bénéficie. Le parrainage paie les frais de scolarité des enfants (inscription, uniformes, fournitures scolaires…) et sert à améliorer le quotidien de la famille (alimentation, produits d’hygiène…). Remis contre signature des enfants ou de leurs
parents, l’argent est réparti différemment selon les programmes : - Distribution en argent liquide : Birmanie, Chine, Laos, Thaïlande, Vietnam. Une partie peut être placée sur un compte épargne. - Distribution mixte, en argent liquide et en nature : Cambodge, Philippines, Thaïlande, Vietnam. - Avance sur devis ou remboursement sur facture : Philippines, Thaïlande. - Paiement des frais de scolarité, achat et distribution par le responsable local du matériel nécessaire aux enfants : dans certains programmes des Philippines et dans tous les foyers d’accueil. Ces informations restent générales. Si vous souhaitez connaître l’utilisation détaillée du parrainage dans le programme de votre filleul, contactez votre chargée de parrainage. ■
© EdM
VOLONTAIRES BAMBOUS DISCERNER… Les candidats à une mission d’un an de volontariat avec Enfants du Mékong sont très nombreux chaque année. Leur démarche témoigne pour la plupart d’une vraie générosité à l’égard des populations les plus pauvres. Mais il leur est parfois difficile d’exprimer les raisons exactes qui les poussent à vouloir s’engager. Les différentes étapes du recrutement les amènent à réfléchir sur ce qui a révélé ce souhait de volontariat : désir de voyager, velléités de changement professionnel ou personnel, ou volonté d’enraciner une année de leur vie dans l’humble service des plus pauvres. Trois entretiens sont destinés à les aider à exprimer leurs motivations ainsi qu’à vérifier les trois piliers d’une mission de volontariat réussie : capacité de travail, équilibre psychologique et esprit de mission. Enfin, grâce à l’intervention d’un coach, d’un psychologue, et à la mise en situation des candidats, une journée de rencontre (cette année le 16 avril) leur permet de nourrir leur réflexion sur les difficultés qu’ils rencontreront en mission et sur leur capacité à « tenir » dans la durée. Un projet mûri, des difficultés anticipées et une démarche réfléchie sont le gage d’une année qui sera certainement la plus belle de leur vie ! 14 ❚ N°167 ❚ MARS - AVRIL 2011
PROGRAMMES DE DÉVELOPPEMENT
Pour les enfants handicapés
© EdM
LE MOT DU PARRAINAGE
L
’association cambodgienne DYCFE se bat pour donner aux enfants handicapés les même chances qu’aux autres, dans un pays où le handicap est souvent source d’exclusion. Les activités sont variées : cours de khmer et d’anglais, achat de vélos, fauteuils roulants et matériel scolaire, artisanat, campagnes de sensibilisation sur le handicap… DYCFE soutient 195 personnes et a ouvert en 2008 avec Enfants du Mékong un programme de parrainage scolaire qui compte aujourd’hui 32 filleuls. Enfants du Mékong a voulu prolonger ce partenariat en finançant la construction d’une bibliothèque et de sanitaires pour un budget de 11 430 €. La construction a été rapide et les conditions d’accueil de la centaine de jeunes qui profitent du centre se sont depuis lors nettement améliorées. Alors que DYCFE ne possédait jusque-là qu’une seule pièce servant à toutes les activités, la nouvelle bibliothèque offre un espace supplémentaire, agréable et calme. L’ONG Room to Read, spécialisée dans la mise en place de bibliothèques, l’a dotée de 3 000 livres. Chaque semaine, une petite animation y a lieu pour expliquer l’importance de la lecture. Quant aux sanitaires, avec leurs portes larges et leurs barres de soutien, ils offrent aux enfants handicapés un lieu adapté, qui améliore largement leurs conditions de vie. ■ MAGAZINE
> Témoignage
Si Banteay Chmar m’était conté… Un conte khmer pour retracer la collaboration entre Enfants du Mékong et Espoir en soie au Cambodge. Par Bruno de La Maisonneuve, fondateur et vice-président d’Espoir en soie
À
« Merci, les barangs » « Alors, dit l’apsara, un jour j’ai vu arriver deux barangs, un jeune et un vieux. Souvent ils venaient dans le temple, le soir, peut-être pour se recueillir un peu. Le jeune, Greg, était drôle, car très vite il MAGAZINE
Tout cela était possible parce que le jeune, un « Bambou », vivant chez nous, suivait la réalisation de ces projets. Après l’eau, il s’attaqua à l’hygiène inexistante de nos villages en faisant réaliser des ensembles sanitaires et des douches qui améliorèrent radicalement le confort matériel des gens et surtout des femmes. Puis il se mit à construire des maisons, bien de chez nous, pour des familles qui n’avaient pour gîte que quelques tôles ondulées au ras du sol,
« Restez encore un peu avec nous, il y a tant à faire. » © esprit-photo
l’heure où le soleil descend se blottir au creux de la rizière cambodgienne, il est quelques instants de bonheur absolu que j’avais l’habitude d’aller savourer dans le temple tout proche. Alors qu’assis sur quelques pierres que l’outrage du temps comme des hommes avait fait s’écrouler j’écoutais descendre la nuit, émergea de la pénombre, sculptée dans le grès, une apsara, divine, gracieuse. « Eh ! Louk barang [monsieur le Français], me dit-elle, tu es fatigué ? » La conversation s’engagea sur le passé lointain qui avait fait de ce temple un sanctuaire majeur à l’apogée de l’empire khmer. Elle parlait, parlait. Elle se mit à me raconter Banteay Chmar, cette région qui de siècle en siècle n’avait cessé de s’appauvrir, abandonnée par les rois, ignorée de l’administration, dévastée par les hommes au krama rouge, occupée par l’étranger, prise et reprise par les uns, par les autres. Beaucoup de malheurs, beaucoup de misère. Enfin, récemment, le calme était revenu et la région avait semblé se pétrifier à nouveau dans son dénuement, son isolement, l’indifférence de tous.
faisait comme les Khmers en frôlant de sa main délicate mon buste de pierre. Le vieux, on l’appelait « Ta », voulait redonner vie à cette région ; il voulait lui redonner de l’espoir grâce à la soie, si précieuse dans notre culture. Alors ils construisirent une école pour former des tisserandes. Mais le « Ta » avait d’autres projets, notamment sur l’eau, qui fait grandement défaut plusieurs mois par an. Alors il fit forer des puits, nettoyer les douves du temple, creuser des bassins.
comme des bêtes. Tout cela était encore possible grâce aux successeurs de Greg, qui s’occupaient d’enfants sur les rives de notre grand Mékong. Enfin il eut à cœur de construire des écoles maternelles pour que nos enfants, dès leur plus jeune âge, puissent bénéficier du meilleur éveil avant d’accéder à l’école. » La nuit était tombée et, avant de disparaître, l’apsara me dit « Merci, les barangs. Restez encore un peu avec nous, il y a tant à faire. » ■ www.espoirensoie.com N°167 ❚ MARS - AVRIL 2011 ❚ 15
Agir > Dons
Ne payez plus votre ISF, donnez-le ! Les récentes mesures fiscales (loi TEPA n°2007-1223 du 21 août 2007, art. 16 du code général des impôts, art. 885-O V bis A) permettent aux contribuables assujettis à l’ISF d’affecter tout ou partie de cet impôt aux Fondations reconnues d’utilité publique. a Fondation Amanjaya a été créée par Benoît Genuini et Alain Goyé, fidèles amis d’Enfants du Mékong et initiateurs du projet d’école informatique (CIST) à Phnom Penh, au Cambodge, où de nombreux filleuls étudient. Abritée par la Fondation de France et bénéficiant du dispositif de réduction de l’ISF, la Fondation Amanjaya a pour objet de financer des projets visant à offrir un accès à l’éducation à des jeunes issus de populations défavorisées.
epuis 2008, la Fondation Amanjaya a sélectionné, parmi les initiatives qu’elle soutient, le projet d’Enfants du Mékong FOYERS ET CENTRES SCOLAIRES
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> 75% de votre don est déductible de votre ISF dans la limite de 50 000 € de réduction Ainsi, vous consentez à un effort supplémentaire mais vous choisissez vous-même l’usage qui est fait de votre ISF. Exemples :
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Votre ISF dû est de :
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Le coût net pour vous est de :
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> Concrètement, que faire ?
Envoyez votre don avec le coupon ci-dessous avant le 4 juin 2011, dans l’enveloppe ci-jointe ou à l’adresse suivante : Fondation Amanjaya – c/o M. Benoît Genuini – 4, avenue Girodet – 92500 RueilMalmaison. La Fondation de France vous fera parvenir votre reçu fiscal correspondant au don effectué.
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COUPON RÉPONSE ISF
Veuillez trouver ci-joint un chèque de :……………………………..… à l’ordre de Fondation de France - Fondation Amanjaya Merci de m’envoyer le reçu fiscal ISF à cette adresse :
Nom : ………………………………………………………………………………………………………… Prénom : …………………………………………………………………… Adresse : …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… Code postal : ……………………………… Ville : ………………………………………………………………………… Tél :…………………………………………………. Mail :………………………………………………….………………………………………………….………………………………………………….…………………………………………
Les foyers d’accueil et centres de soutien scolaire La mission d’Enfants du Mékong est d’éduquer, former et accompagner les enfants et les jeunes les plus pauvres d’Asie du Sud-Est afin de leur permettre de se construire intellectuellement, affectivement et moralement.
Où ?
1 177 jeunes bénéficiaires : une sélection ciblée mais non élitiste
> Cambodge > Philippines
> 1 126 jeunes bénéficient des foyers > 1 025 jeunes suivent des cours dans les centres de soutien scolaire
Budget
> 654 365 €
Tous sont issus de familles très pauvres, dotés de capacités d’apprentissage et motivés pour réussir leurs études. LES FOYERS D’ACCUEIL
Prise en charge du quotidien, vie communautaire, conseil d’orientation. L’objectif des foyers est d’offrir un logement et un lieu de vie studieux à des jeunes qui viennent de villages isolés où ils ne disposent pas d’école correspondant à leur niveau scolaire. Sans ces foyers, ils mettraient fin à leurs études. Cours dispensés par les étudiants du Centre Mérieux (Cambodge) à des enfants pauvres non parrainés
Marie et Édouard, volontaires Bambous, avec leurs étudiants du foyer de Butuan (Philippines)
LES CENTRES DE SOUTIEN SCOLAIRE
Formation académique, formation au monde du travail, formation humaine.
Pour avoir plus de renseignements, n’hésitez pas à demander la brochure sur les foyers d’accueil et centres de soutien scolaire d’Enfants du Mékong.
> Vous pouvez utiliser votre impôt sur le revenu pour soutenir le projet de ces foyers et centres scolaires
Envoyez votre don avec le coupon ci-dessous à l’adresse suivante : Enfants du Mékong, 5 rue de la Comète, 92600 Asnières. 75% de votre don est déductible de votre impôt sur le revenu dans une limite de 521€(revenu 2010). Au-delà, 66% de votre don est déductible dans une limite de 20% du revenu net imposable.
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COUPON RÉPONSE IMPÔT SUR LE REVENU
Veuillez trouver ci-joint un chèque de :……………………………..… à l’ordre d’Enfants du Mékong Merci de m’envoyer le reçu fiscal à cette adresse :
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Agir > Nos délégations AGENDA CAEN (14) Vendredi 15 avril à 20h30
CONCERT Église Saint-Jean Dans le cadre de la Saison Musicale, le duo François Letouzé, à l’orgue, et Pierre Evano à la trompette, donnera un récital d’œuvres de Bach, Albinoni, Purcell. Entrée libre. Contact : Odile Brochard Tél. : 06 74 29 46 46 delegation14 @enfantsdumekong.com
et petits objets d'artisanat. Contact : Sylvia Marzolf Tél. : 03 88 71 85 57 delegation67 @enfantsdumekong.com ASNIÈRES-SUR-SEINE (92) Mardi 10 mai de 9h à 20h
PORTES OUVERTES ET VENTE DE SOIERIES
Salle polyvalente Contact : Sarah Grimaud Tél. : 06 81 66 51 02 delegation05 @enfantsdumekong.com
5, rue de la Comète Venez nombreux rencontrer les permanents d’Enfants du Mékong et profitez-en pour découvrir la nouvelle collection des Soieries du Mékong et d’autres stands de produits artisanaux ! Au profit du projet de Banteay Chmar, au Cambodge. Contact : Valérie Jacquot Tél. : 01 47 91 00 84 vjacquot @enfantsdumekong.com
QUIMPER (29)
TOULOUSE (31)
Samedi 16 avril à 20h30
Samedi 14 mai à 20h30
CONCERT
CONCERT GOSPEL
LA ROCHE-DES-ARNAUDS (05) Samedi 16 avril à 19h
DÎNER DE PARRAINS ET AMIS
Théâtre Max Jacob Récital de flûte et piano, avec Alain Ehkirch et MarieAstrid Arnal, dans le cadre de la Saison Musicale d’Enfants du Mékong. Entrée gratuite. Contact : Anne-Marie Dallant Tél. : 06 21 03 85 04 delegation29@ enfantsdumekong.com
Église du Gesu – 22, rue des Fleurs (M° Carmes)
BRÉHAL (50) Dimanche 15 mai
GOLF Le golf de Bréhal, à proximité de Granville, organise sa compétition annuelle au profit d’Enfants du Mékong. Il donne sur la plage, avec une vue superbe sur les Îles Chausey. Renseignez-vous ! Tél. : 02 33 51 58 88 golf.de.brehal @club-internet.fr RENNES (35) Vendredi 20 mai à 20h30
CONCERT Cathédrale Saint-Pierre Maîtrise et chœurs de la Cathédrale se produiront au profit d’Enfants du Mékong. Différentes œuvres de Mozart sous la direction de Robert Hillbrand. Entrée libre. Contact : Marie-Andrée et Henry-Paul Roisné Tél. : 02 99 54 48 74 delegation35 @enfantsdumekong.com MONTPELLIER (34)
SAINT-HILAIRE SAINT-FLORENT (49)
Le Gospel Praise Family est un groupe toulousain dont le répertoire va du gospel urbain au gospel traditionnel où le groupe trouve son inspiration principale. L’argent récolté servira à financer la construction de trois salles de classe pour l’école primaire de Sras Reang au Cambodge. Contact : Christelle Jacaud Tél. : 06 58 15 43 80 christelle.jacaud@gmail.com
Samedi 14 mai
DRAGUIGNAN (83)
MONTPELLIER (34)
Dimanche 15 mai à 12h
Samedi 28 mai de 8h30 à 18h
ROU-MARSON (49) Samedi 7 mai
BROCANTE Videz vos greniers ! La recette aidera à financer un projet Enfants du Mékong. Dépôt les 18 et 19 avril chez Sophie Costes – 43, rue Léopold Palustre à Saint-Hilaire SaintFlorent (pas de vêtements). Merci de votre générosité. Contact : Sophie Costes Tél. : 02 41 38 95 90 delegation49 @enfantsdumekong.com SAVERNE (88) Dimanche 8 mai de 10h à 17h
2e SALON DE LA CONSOMMATION RESPONSABLE Château des Rohan, salle Marie-Antoinette Stand de Soieries du Mékong
PAELLA ET VENTE D’ARTISANAT ASIATIQUE Maison des Œuvres, allées d’Azémar Les parrains et anciens combattants de l’Union Française vous convient à une paella, dont les bénéfices iront à la création d’un Centre d’orientation et de formation de jeunes, dans la région de Sisophon au Cambodge. Repas complet (tout compris) : adultes, 20 € ; adolescents, 10 € ; enfants de moins de 12 ans, gratuit. Contact : Charles et MarieLouise Laude Tél. : 09 61 45 70 07 delegation83 @enfantsdumekong.com
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Vendredi 27 au dimanche 29 mai
COMÉDIE DU LIVRE Librairie des 5 continents, place de la Comédie En présence de May Kham, auteur de Journal d’une enfant survivante. Contact : M.-S. Achard Tél. : 04 67 59 40 12 delegation34 @enfantsdumekong.com
VIDE-GRENIER Château de Flaugergues – 1744, avenue A. Einstein Contact : M.-S. Achard Tél. : 04 67 59 40 12 delegation34 @enfantsdumekong.com CANNES (06) Samedi 18 et dimanche 19 juin à partir de 10h
5e FESTIVAL INTERNATIONAL DES DROITS DE L’ENFANT Esplanade de la Pantiéro – La Croisette Ce festival s’attache à promouvoir et défendre les droits de l’enfant. Activités
gratuites ludiques, éducatives ou sportives. Nous serons très heureux de vous accueillir sur le stand Enfants du Mékong. Entrée : 1 € en journée Contact : Irène Leblond Tél. : 04 94 76 48 59 delegation06 @enfantsdumekong.com
amis partager un repas asiatique dans la joie et l’amitié. 20 € tout compris, chèque à l’ordre d’Enfants du Mékong à envoyer avant le 10 juin à Claude Brandebourg – 319, rue du Mont des Oiseaux, 83000 Toulon. Tél. : 04 94 36 28 46 cnbrandeb@free.fr
AIX-EN-PROVENCE (13) Dimanche 19 juin de 7h30 à 18h30
GENÊTS (50)
VIDE-GRENIER
BAIE DU MONT SAINT-MICHEL
Place du Marché, Jas du Bouffan Contact : Georges Robert Tél. : 04 91 41 48 29 delegation13 @enfantsdumekong.com LA CRAU (83) Dimanche 19 juin à 12h
RENCONTRE DE PARRAINS ET AMIS Domaine des Mesclances – 3581, chemin du Moulin premier Venez en famille et avec vos
Samedi 2 juillet à 13h30
Parking de la baie devant la billetterie Parrains et amis sont conviés à une traversée de la baie du Mont Saint-Michel. Regroupement à 13h30, départ à 14 h. Le retour se fera en bus dans l’après midi. Tarif (traversée + bus) : 16 € par adulte. Inscriptions jusqu’au 1er juin. Contact : Georgette Mouchel Tél. : 02 33 40 29 64 delegation50 @enfantsdumekong.com
IN MEMORIAM quelques mois d’intervalle, nous avons dit adieu à deux fidèles amies et bénévoles d’Enfants du Mékong.
nourris, logés, soignés, éduqués.
Marie Bonnet se dévouait inlassablement depuis plus de 17 ans avec son mari Henri, délégué de la Sarthe, au service des enfants du Vietnam. Née à Hanoi, c’est là qu’elle a été rappelée à Dieu le 5 novembre, lors d’un voyage dans son pays d’origine. Son premier retour en 1992, après 38 années d’éloignement, l’avait beaucoup marquée et sa rencontre avec Enfants du Mékong en 1993 avait été le « déclic » pour venir en aide aux enfants vietnamiens. Efficace et discrète, elle épaulait son mari dans ses différentes actions (tri et envoi de médicaments, stages de cuisine pour financer des projets, organisation de voyages de parrains...). Elle s’était remise au vietnamien pour traduire les courriers de leurs interlocuteurs et servir d’interprète sur place entre parrains et filleuls. Grâce à elle, ce sont des centaines d’enfants vietnamiens qui ont été
Gérald, délégué d’Indre-etLoire et ancien membre du conseil d’administration d’Enfants du Mékong, nous a quittés le 5 janvier après une longue maladie. Elle était l’âme du grand marché de Noël de Tours organisé chaque année à l’automne avec son mari et des dizaines de bénévoles, dont le succès ne s’est jamais démenti. Cette année, l’argent récolté par ce marché a permis de financer la rénovation du collège Ban Sang, le système d’adduction d’eau du collège et lycée Na Done (Laos), la réalisation de vidéos pour les forums d’orientation de Sisophon (Cambodge), la restauration d’un dortoir de filles du camp de réfugiés karens de Mae Ramoo (Thaïlande), et enfin la construction du foyer d’accueil Legazpi pour les enfants des rues (Philippines).
À
Armelle Bruley des Varannes, épouse de
Merci à toutes deux pour votre immense générosité, les enfants d’Asie ne vous oublieront pas.
MAGAZINE
> Courrier
© D.R.
VISITE EN BIRMANIE C’est avec plein de souvenirs merveilleux que je reviens de Birmanie ! Bien sûr, le moment le plus émouvant a été la rencontre avec ma filleule, Yu Mon Kyaw, une jeune fille très jolie qui respire l’intelligence ! Le magnifique sourire qui illuminait son visage suffisait à exprimer combien elle était heureuse de m’avoir près d’elle. Je lui ai remis les petits cadeaux que je lui avais réservés. Comme elle aime beaucoup danser, j’ai improvisé quelques pas de danse avec elle et provoqué la risée de toutes les filles ! Yu Mon Kyaw m’a fièrement montré son cahier d’anglais très bien tenu et m’a serrée contre elle tout le temps de notre visite. Elle m’a offert un cadeau auquel je ne m’attendais pas du tout : une très belle ombrelle (pathin hti) ! Aider un enfant à être scolarisé et à se construire un avenir meilleur tout en tissant un lien affectif au fil des ans donne un sens concret aux dons versés. C’est à la fois motivant pour l’enfant et gratifiant pour le parrain ou la marraine. Aller à la rencontre de ma filleule m’a procuré un bonheur immense. Yu Mon Kyaw peut à présent mettre un visage sur cette marraine lointaine qui pense à elle et la soutient. ■ Nadine
VIETNAM CAMBODGE THAÏLANDE LAOS
MAGAZINE
DU DU DU DU
CORRESPONDANCE
« Dans l’article “Philippines : le mois des processions” de votre dernier numéro (EdM n°166), j’ai reconnu tout de suite la photo du Santo Niño. Il s’agit de la même statue que l’Enfant Jésus de Prague. J’ai été étonné de retrouver celle-ci dans beaucoup de nos églises des Vosges, mais encore plus de voir qu’elle s’était répandue à travers le monde, jusqu’en Extrême-Orient. Sans doute la statue a-elle été apportée par des missionnaires ? » René Villeminot, Vosges Ces deux statues si semblables ont bien en commun leur origine espagnole. Comme vous le mentionnez justement, la statue de Prague fut offerte en 1556 en cadeau de mariage à la duchesse Marie Manrique de Lara avec un prince tchèque. Le Santo Niño, lui, a été apporté par Magellan aux Philippines en 1521 et offert à la reine de Cebu, Juana, à l’occasion de son baptême.■ Vous pouvez nous adresser vos courriers au 5, rue de la Comète 92600 Asnières, en mentionnant « Courrier des lecteurs », ou par e-mail : magazine@enfantsdumekong.com
27 SEPT. AU 11 OCTOBRE - DU 6 AU 20 NOV. 2011 19 OCT. AU 1 NOV. - DU 14 AU 27 NOV. 2011 18 OCT. AU 1 NOV. 2011 18 AU 31 OCTOBRE 2011 PHILIPPINES SUR DEMANDE ER ER
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Découvrir > Chronique d’Asie
Shwedagon, la pagode d’or de Pierre Loti À Rangoun, Pierre Loti découvre en 1900 la pagode Shwedagon. Aujourd’hui encore, son attrait est intact. Visite de l’un des plus hauts lieux du bouddhisme birman, Les Pagodes d’or en main. Texte et photos : Jean-Matthieu Gautier
“E
t dans le lointain de ce pays plat, au fond de ces plaines trop vertes où rien d’humain ne se dessine, quelque chose d’unique arrête et déroute les yeux ; on croirait une grande cloche d’or, surmontée d’un manche d’or… C’est bien de l’or, à n’en point douter : cela brille d’un éclat si fin ! Mais c’est tellement loin qu’il faut que ce soit gigantesque ; cela excède toutes les proportions connues ; avec cette forme étrange, qu’est-ce que cela peut être ? » En février 1900, le navire de l’écrivainofficier de marine français Pierre Loti, alias Julien Viaud, fait escale à Rangoun pour 24 heures. De la passerelle, il aperçoit cette forme étrange décrite plus haut et décide
d’aller la voir de plus près. La Rangoun qu’il traverse pour se rendre à la pagode Shwedagon ne lui plaît pas. Il en fait un commentaire peu amène où pointe son ressentiment à l’égard de l’impérialisme : « C’est ici, hélas ! à Rangoon, que la pieuvre appelée “Civilisation occidentale” est venue appliquer sa principale ventouse pour tirer à soi les richesses et les forces vives de la Birmanie », écrit-il dans son très court récit Les Pagodes d’or.
De l’or, de l’or partout Faisons donc comme lui et passons sur Rangoun – bien qu’elle ne mérite probablement pas un tel dédain. Quel que soit
du reste le lieu où l’on se trouve dans cette ville, le regard porte vers la pagode Shwedagon, posée comme une offrande sur la colline Thainguttara. Arrivé au pied de la pagode, l’excitation manifestée pas Loti apparaît évidente. On y accède par des escaliers et des ascenseurs placés aux points cardinaux : « Je monte, je monte toujours », scande Loti. « Des dorures brillent aux poutres ciselées des interminables plafonds (…) Enfin, tout à coup, au débouché de la dernière porte, l’air libre, la grande lumière retrouvée, – l’éblouissement des pagodes d’or ! Et (…) il y a une minute de stupeur et d’arrêt, avec un imperceptible : “Ah !” que l’on n’a pu retenir. »
Ici, 5,6 hectares de marbre blanc, chauffé par le soleil de la fin du jour et « poli par le continuel passage des pèlerins aux pieds nus », sont une sorte de ville, « une ville en or, que le bois de palmiers enveloppait entre ses rideaux de larges éventails et d’immenses plumes. Au milieu trône cette pyramide d’or, en forme de cloche à long manche (…). De l’or partout ; auprès et au loin, de l’or se détachant sur de l’or. Alentour de cette pyramide centrale, se groupent en cercle une multitude de choses aussi follement dorées et aussi pointues, qui toutes s’amincissent en flèches dans l’air (…) ». La « pyramide d’or en forme de cloche à long manche » mesure 98 mètres de haut. Elle est surmontée d’un hti, une ombrelle, d’où teintent plus d’un millier de clochettes d’or et d’argent.
Les huit cheveux du Bouddha La légende de la pagode Shwedagon commence il y a plus de 2 500 ans par l’histoire de deux frères marchands qui, après avoir rencontré le Bouddha Gautama, lui demandent instamment des reliques qu’ils pourraient vénérer. Le Bouddha se gratte la tête, en tire huit de ses cheveux enroulés autour de son doigt et leur en fait présent. Un peu plus tard, revenus dans leur ville d’Okkalapa, les marchands racontent leur histoire et confient les cheveux au roi. Ni une ni deux, le roi ordonne que des recherches soient entreprises pour trouver un lieu digne de ces reliques. C’est là que la légende diverge. Une première version raconte que la colline désignée par le roi pour les accueillir n’apparaissait pas aux yeux des hommes et qu’il aurait fallu l’intervention de nats, des esprits bienveillants, qui auraient passé toute une nuit à la défricher pour la rendre visible. La seconde version est plus simple : le roi décide que le temple sera bâti sur la colline Thainguttara, une petite colline qui domine la ville. Point. L’amusant c’est que, malgré toutes ces inexactitudes ou plutôt toutes les difficultés pour relater avec précision ce qu’il faut bien appeler l’un des mythes fondateurs de la ville qui deviendrait plus tard Rangoun, une chose reste acquise pour tous : la date du début de la construction MAGAZINE
BOUDDHISTE THERAVADA Le bouddhisme theravada, littéralement « école des anciens », est une école qui reconnaît pour seule source d’enseignement les textes issus du tipitaka, soit les trois parties du canon pali. C’est la forme de bouddhisme majoritairement pratiquée en Asie du Sud-Est (Thaïlande, Cambodge, Laos, Birmanie…). Elle se distingue notamment par le fait que les moines seuls sont amenés à accéder à l’illumination et que les laïcs sont appelés à vivre plusieurs vies afin de pouvoir faire leurs preuves.
du temple, le mercredi 29 janvier 589 avant notre ère. La légende dit une dernière chose : au moment où le roi ouvrit le coffret contenant les cheveux du Bouddha, ceux-ci se mirent à étinceler et il se mit alors à pleuvoir toutes sortes de pierres précieuses. On s’empressa de les enchâsser dans la pagode.
Tout à coup, au débouché de la dernière porte, l’air libre, la grande lumière retrouvée, – l’éblouissement des pagodes d’or ! La Jérusalem du bouddhisme « Les Birmans, les Birmanes, en adoration souriante, avec des gardénias plein les mains, font lentement le tour de cet amas de joaillerie par une voie circulaire », relate encore Loti. La ferveur qui se lit sur les visages est étrange : elle est à la fois douce et résignée, en somme aussi mystérieuse que l’immense symbolique qui habite ces lieux, à la fois lieux saints et lieux de rencontre, c’est-à-dire de promenade ou simplement de vie. Au milieu des marchands, et nullement gênés par l’immense cohorte des touristes, certains viennent ici deman-
der des mérites, une vie meilleure, un karma plus favorable. Certains viennent simplement se prosterner devant les reliques des cinq Bouddhas qui cohabitent ici, et d’autres, en accomplissant le rituel de l’arrosage des planètes – quatre statues de marbre placées aux quatre coins du stûpa principal – viennent éliminer la souffrance… Des familles entières s’avancent, enfants en tête. Habillés comme des petits rois, ils vont accomplir le shin pyu, le rituel réservé aux novices qui, après s’être fait raser le crâne par un moine (leur parents recueillant soigneusement ces cheveux épars dans des linges de couleur blanche), s’en vont demander au supérieur du monastère d’être instruit en pali – la langue des écritures. Ils gagnent ainsi leur robe safran en promettant d’observer les dix préceptes moraux du Bouddha. Shwedagon, c’est un peu la Jérusalem du bouddhisme theravada. Tout au moins, c’est le plus haut lieu saint de Birmanie et la très grande majorité des Birmans (90% d’entre eux sont bouddhistes) rêvent de s’y rendre au moins une fois dans leur vie. Ascenseurs mis à part, peu de choses semblent avoir changé depuis le passage de Loti. La magnificence le dispute à la sérénité, et l’étranger qui se promène à la pagode Shwedagon muni d’un exemplaire des Pagodes d’or ne pourra que confirmer et comprendre l’enthousiasme de leur auteur. ■ N°167 ❚ MARS - AVRIL 2011 ❚ 21
Découvrir > Livres à lire
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L’Asie du Sud-Est 2011
Sous la direction d’Arnaud Leveau et Benoît de Tréglodé Éd. Irasec-Les Indes Savantes, 410 p., 20 €
2010 a été marquée par la bonne résistance des pays d’Asie du Sud-Est aux contrecoups de la crise économique mondiale. Mais la tentation des vieux démons menace la région. Recul devant les réformes nécessaires, notamment dans le secteur de l’éducation, crispations et fragilités politiques, problèmes de gestion des ressources naturelles : le chemin est encore long pour que l’Asie du SudEst puisse à la fois trouver un développement équilibré et jouer un rôle entre les blocs indien, chinois et occidental. Une somme indispensable, fruit de la collaboration de 20 chercheurs et experts de la zone.
Mendiants d’amour Matthieu Dauchez Éd. Artège, 152 p., 15 €
À l’école des enfants de Manille, précise le sous-titre de cet ouvrage rare, écrit par un jeune prêtre, directeur de la fondation Un pont pour les enfants. Des histoires sordides des enfants philippins, il a tiré des enseignements limpides qui forment un authentique traité spirituel. Ce que les enfants des rues apprennent à celui qui sait les écouter, c’est le sens du pardon, de l’espérance, de la persévérance et de la joie. La leçon formidablement exigeante de ces enfants meurtris par la haine et la misère est exactement celle que saint Vincent de Paul avait tirée de sa proximité avec les démunis, lui qui martelait que « les pauvres sont nos maîtres ». Magistral.
Journal d’une enfant survivante Les Hommes debout – Cinq combats pour la liberté
May Kham
avec un CD audio - Éd. du Toucan, 302 p., 20 €
Hmong du Laos, May est une « Enfant du Mékong ». Elle a connu notre fondateur dans le camp de Nong Khai et de Ban Vinai. Ce livre écrit avec pudeur est à lire par tous nos parrains. Ils rentreront dans l’histoire de l’œuvre de René Péchard par la main et le cœur de cette enfant exceptionnelle. Née heureuse dans l’élite laotienne, elle voit son bonheur fracassé en quelques heures par l’irruption du communisme dans le doux pays où Enfants du Mékong est né. Elle évoque la réalité de cette prise de pouvoir sanguinaire : les exterminations des femmes et des enfants froidement exécutés dans l’indifférence du monde occidental, la fuite éperdue d’une mère avec ses fils et ses filles, l’aboutissement après des marches angoissantes au camp de Nong Khai, la séparation des familles lorsqu’elles sont acceptées ou refusées par un pays tiers.
Propos recueillis par Sabine Carion « Je voulais rencontrer des hommes et des femmes heureux d’avoir été fidèles à eux-mêmes, fidèles à des valeurs, à la parole vraie. Qu’ils m’expliquent à la fois leur monde et notre monde. » Ces grands témoins rencontrés par Sabine Carion, ce sont Hélie de Saint Marc et Jacqueline de Romilly, qu’on ne présente plus, Wladyslaw Bartoszewski, résistant polonais, Jan Mojto, producteur audiovisuel né en Tchécoslovaquie, et N’Guyen Ky Suong, officier sud-vietnamien. « Se battre », « témoigner », « ne pas oublier », « espérer : c’est le lexique ordinaire de ces hommes et femmes extraordinaires qui, chacun dans sa voie, a fait de sa vie la preuve qu’« être fidèle à soi-même n’est pas une utopie de marginal ».
Routards en Asie Suzanne Lallemand
Éd. L’Harmattan, 300 p., 29 €
Suzanne Lallemand part d’un constat simple : l’industrie du tourisme et du voyage semble être la première du monde. Il manquait une étude sur l’un des acteurs majeurs de cette industrie : les routards. C’est donc en Asie – région du monde particulièrement touristique – et sur un mode essentiellement ethnologique qu’elle entreprend en 1990 cette intéressante enquête. Qui sont les routards et d’où viennent-ils principalement ? Quel est leur budget moyen ? Comment communiquent-ils avec les populations des pays visités ? Que lisent-ils ? Toutes ces questions prennent corps au hasard – pas si hasardeux que cela – des rencontres faites par Suzanne Lallemand.
Petite étoile khmère
Virginie Montefiore et Champey Peik Éd. Potentiel d’action, 160 p., 16 € - www.potentieldaction-editions.com
La petite étoile khmère, c’est Champey Peik, dont Virginie Montefiore raconte les souvenirs avec une émotion sobre, des Khmers rouges à l’arrivée en France puis à son retour au Cambodge. Comme toutes les histoires d’exil, un « livre de vie » riche d’enseignements pour le lecteur et pour Champey, qui conclut au terme de son récit : « Ce voyage à travers la mémoire m’a permis une réconciliation intérieure, une envie de construire, peut-être au Cambodge, mon pays natal. (…) Bâtir à nouveau et retrouver la fierté de l’identité khmère. »
22 ❚ N°167 ❚ MARS - AVRIL 2011
Éd. Les Nouveaux Auteurs, 250 p., 16,90 €
La tragédie vécue par ce peuple si digne racontée par l’enfant de huit ans étreint pathétiquement notre cœur. Tous les acteurs d’Enfants du Mékong en lisant ce récit évoqué avec une rare sensibilité revivront les heures tragiques où nous nous trouvions aux côtés de René Péchard – « le premier homme blanc qui m’a apporté mon riz », dit May – pour maladroitement aider ceux que nous avons appris à aimer. Dotée d’un vrai talent de narratrice, May Kham raconte la tragédie de son peuple à travers sa propre histoire avec une dignité qui fera de cette enfant déterminée et courageuse la jeune fille souveraine de la fin du livre. La confrontation avec la France idéalisée et la réalité sordide des barres qui entourent Avignon est brutale. Tête de classe, May Kham se fera reprocher par sa propre mère d’avoir volé la place de première de classe. Cette place étant – selon elle – réservée aux Français « qui leur ont fait l’honneur de les accueillir » ! De la première à la dernière ligne, on est frappé par sa détermination jamais démentie. À chaque situation impossible, elle oppose un courage aidé par une intelligence des situations, à chaque épreuve elle fait front. Sous ce caractère héroïque se révèle aussi une infinie tendresse, une délicatesse charmante qui font que tous les inconditionnels amoureux de l’Asie aimeront passionnément ce livre. Un livre à l’image de l’auteur : d’une rare et très grande noblesse. À lire pour comprendre « l’ADN » d’Enfants du Mékong. ■ Yves Meaudre MAGAZINE