APRES SKI ENSAPB 2019 PFE architecture de reconquĂŞte Armand Nouvet et Cyril Ross Jean Leclercq
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Avant-propos : J’ai abordé le semestre de PFE en voulant poursuivre les réflexions menées lors du séminaire de mémoire. Je m’intéressais aux confrontations public/privé dans l’usage de l’espace urbain engendrées par l’arrivée des nouvelles technologies de la voiture autonome en m’appuyant sur des auteurs comme Matthew Crawford ou André Görtz. En poursuivant la réflexion sur la responsabilité de l’architecte dans l’emploi de la technique au détriment du savoir-faire humain, j’ai découvert Ivan Illich, Alberto Magnaghi, Bruno Latour puis les collapsologues Pablo Servigne et Raphael Stevens grâce aux recommandations de mes professeurs de PFE. J’ai ensuite découvert le travail des étudiants Adrien Perrin et Edouard Vermes mené lors du précédent PFE Architecture de la reconquête. J’y ai découvert la richesse des réflexions possibles engendrées par l’hypothèse de l’effondrement et ai cherché à y participer. C’est en écoutant à la radio le maire d’un petit village des Alpes que le territoire sur lequel j’ai mené cette réflexion m’est apparu. Après quelques recherches je me suis rendu sur place et y ai rencontré les différentes forces à l’œuvre sur le territoire. Dans ce carnet je vous expliquerai pourquoi ce territoire m’a semblé pertinent pour mener cette réflexion puis vous trouverez dans les autres carnets un portrait des différents récits présents sur ce territoire.
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Enfin, je vous exposerai les liens entre ces différents récits et nous aborderons ensemble lors de la soutenance les rôles possibles de l’architecte compte tenu de cette situation.
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Démarche d’approche : Une situation locale à résonnance globale
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La problématique que nous allons aborder ici est comment construire aujourd’hui avec la possibilité d’un effondrement à l’horizon ?
Effondrement : « c’est le processus à l’issue duquel les besoins de base (eau, alimentation, logement, habillement, énergie, etc.) ne sont plus fournis (à un coût raisonnable) à une majorité de la population par des services encadrés par la loi. » Yves Cochet 1.
Le territoire support de cette réflexion, la vallée de Briançon, est à la fois un exhausteur de l’effondrement à venir et une allégorie de notre addiction aux énergies fossiles. Un exhausteur car le réchauffement climatique y est amplifié avec un coefficient de 2,5. En effet, lorsque la surface de la terre s’est réchauffée de 0.87 degrés en moyenne au cours du 20ème siècle, ce fut 2 degrés à Briançon. Donc quand la planète se réchauffe d’un degré, l’arc alpin connait une augmentation de 2.5 degrés.
Web série : l'effondrement de notre civilisation, par Yves Cochet, ministre et collapsologue - [ next ] s01 e05, 2017, https://www.youtube.com/watch?v=3NCrj_fa2hU
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Loïc Giaccone, Nos montagnes se réchauffent, Effets et conséquences du changement climatique sur les massifs français, 2018, https://www.skipass.com/news/151739-nos-montagnes-se-rechauffent.html
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Le changement climatique a donc été amplifié sur ce territoire et ses conséquences s’observent dans différents domaines :
-démographique tout d’abord : le centre-ville de Briançon est en train de se métamorphoser, en témoignent les « éco quartier cœur de ville » composés essentiellement de résidences seniors. Ces résidences auraient été inimaginables il y a trente ans, à l’époque, la norme était que passé la retraite, on fuyait le froid de la vallée en s’installant en Provence3. Aujourd’hui le mouvement s’est inversé, de plus en plus de retraités viennent chercher la fraicheur de la vallée et échapper ainsi aux canicules estivales de plus en plus fréquentes dans le sud.
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Entretien avec Pierre Leroy, Maire du Puy Saint André
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A droite : images de synthèse d’un programme immobilier A gauche : photos prises sur le chantier pour ce mÊmoire
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-Les forets de mélèzes, espèce pionnière s’étant installée dans la vallée à la suite d’un déboisement intensif au siècle dernier dû à la surexploitation de la filière bois ainsi qu’au déboisement nécessaire à la pratique du ski, ne survit pas au réchauffement climatique à cette altitude. - Les parcs régionaux nationaux et communaux observent une chute de la biodiversité et une extinction de différentes espèces composant la faune et la flore5. -géologique : l’effondrement est physiquement à l’œuvre dans la haute montagne. En effet, le réchauffement climatique fait fondre « le ciment des montagnes » qu’est le pergélisol, plus connu sous son appellation anglaise permafrost. Cette couche de Roche gelée se situe entre la couche active et le sol hors gel. Sa fonte entraine chaque été des effondrements considérables de la montagne en haute altitude. Les accidents d’alpinisme y sont de plus en plus nombreux en saison chaude.
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Briançonnais : débat sur la transition écologique et solidaire, 2019, https://vimeo.com/328225633
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Réchauffement climatique et fonte du pergélisol Les crises, 11 décembre 2011 : Climat (22) : Conséquences (4) – Permafrost et Inlandsis https://www.les-crises.fr/climat-22-consequences-4/
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Enfin, ce territoire par son addiction à l’or blanc de la neige peut être perçu comme une allégorie de l’addiction de notre société productiviste à l’or noir que sont les énergies fossiles. La station de Serre Chevalier est à cheval sur 6 communes cumulant 15 000 habitants dont 3000 travaillent directement pour l’industrie du tourisme hivernal. Cette addiction à l’activité hivernale du loisir a fait disparaitre tout un pan de l’économie locale au profit de l’activité saisonnière, entrainant avec elle une perte d’autonomie : L’autonomie alimentaire d’abord; seules deux fermes sont en activité dans toute la vallée. Les agriculteurs ayant pour la plupart délaissé leurs activités pour devenir moniteurs de ski, l’autonomie alimentaire du pays du grand briançonnaise est de 48h7. L’autonomie du secteur du bâtiment. La mauvaise gestion des forêts et les normes de construction sont telles que la seule scierie de la vallée ne produit que du bois de chauffe. Dans les magasins de construction du fond de la vallée on trouve du mélèze de Sibérie, des poutres
en
lamellés
collé
d’Autriche,
des
isolants
venant
d’Allemagnes, les machines de la scierie viennent d’Angleterre et d’Italie.
Que fait le maire ? 1/ 4 Puy Saint André : un maire dans la transition écologique, La Série Documentaire, France culture, 13-09-2019
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En haut : à gauche des produits comme des poires, pouvant être produites dans les alpes sont désormais importées d’Afrique du sud, à droite une des deux seules fermes de la vallée En bas, le bois de mélèze importé de Sibérie et la seule scierie de la vallée produisant du bois de chauffe. 8
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La neige, l’or blanc auquel la vallée est économiquement dépendante et dont l’addiction a fait perdre toute autonomie et diversité d’activité, risque de disparaitre. Dans les scénarios le moins optimiste du GIEC9, le réchauffement climatique pourrait être de 5,4 degrés à la fin du siècle, donc de 13.5 degrés à Briançon… Face à cette possible disparition de la ressource naturelle de la neige, plusieurs récits coexistent sur ce territoire, et illustre assez bien les différents récits à l’œuvre face à la disparition de l’or noir des énergies fossiles.
Loïc Giaccone, Skiera-t-on encore à la fin du siècle ? 2019 https://www.skipass.com/news/189456-skiera-t-on-encore-en-2100.html
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Évolution supposée du front de neige entre 1950 et 2100 selon le scénario RCP8.5 du GIEC
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Yuval Noah Harari dans Sapiens 11 nous explique que l’homme se différencie des autres espèces par sa capacité à coopérer à très grande échelle par l’intermédiaire des récits. En effet, toutes les autres espèces ont une échelle maximum de coopération, quand une fourmilière ou une ruche d’abeille dépasse un certain nombre d’individu elle se scinde et un deuxième groupe se forme. Les humains peuvent coopérer grâce aux récits à travers les continents et les siècles. Nous allons voir dans ces quatre livrets colorés les différents récits présents sur ce territoire.
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Yuval Noah Harari, Sapiens une brève histoire de l’humanité, 2015, Broché
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Les Cornucopiens : Ce(ux) qui croi(ss)ent
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Le récit dominant actuellement sur ce territoire, que nous appellerons cornucopien
(du latin cornu copia signifiant corne
d’abondance) est celui qui a gagné la bataille des récits au cours du 20eme siècle face aux religions, au communisme et au totalitarisme. Ce récit croit en la ressource ultime de l’homme : plus nous serions nombreux plus nous aurons de chance de voir arriver un génie trouvant une solution technique à nos problèmes. Sa force est qu’il s’appuie sur la prospective auto réalisatrice de la croissance. Le simple fait de croire qu’il y aura de la croissance la provoque, on emprunte pour investir ou consommer ce qui crée de la richesse et la croissance se réalise. Ils se retrouvent dans la théorie d’Alberto Magnaghi sous l’appellation de technosolutionniste ou écocompatible12.
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Alberto Magnaghi , Le projet local, madraga, 2003
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Les cornucopiens sont représentés dans cette vallée par le président de la société Serre Chevalier Vallée, Patrick Arnaud et des investisseurs qui croient en une solution technique possible pour faire face à la disparition de la neige. La neige de culture représente actuellement 20% de la neige sur laquelle on skie dans la station. Aux Etats-Unis, certaines stations utilisent 100% de neige de culture. Ils continuent donc à investir dans des programmes immobiliers, la société Serre Chevalier Vallée estime qu’il manque 2500 lits 13 dans la vallée pour que l’activité économique soit optimale. Dans les pages suivantes nous évoquerons différents acteurs à l’œuvre sur ce territoire.
Claudine Usclat, serre chevalier voit loin !..., Alpes & midi, https://www.alpes-et-midi.fr/article/serrechevalier-voit-loin 13
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Depuis une remontée mécanique début avril. Seule la neige de culture permet d’assurer le retour à la station par les pistes 14
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Space Group, fond d’investissement londonien, qui selon les échos « veut faire de serre chevalier un resort britannique »15 en investissant 100 millions d’euros depuis 2011 dans des hôtels, des remontées mécaniques et des canons à neige. Le groupe investit aussi bien dans la construction neuve que dans la réhabilitation d’anciens bâtiments industriels, dans des gammes de luxe variées, et commercialise ces logements principalement à des résidents anglosaxon.
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Space Group veut faire de Serre-Chevalier un resort britannique, les echos, 22/04/2008
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Image promotionnel du Groupe Terre Sens « construire, vendre, créer », vendant les appartements du fond d’investissement Space Group
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Next Financial Partners, société spécialisée dans la défiscalisation en investissements dans les monuments historiques rachète le fort des têtes de Vauban 80 millions d’euros 17 pour en faire un complexe hôtelier luxueux comprenant entre autre spa, cave à vin, restaurants gastronomiques, commerce et remontées mécaniques reliant le site à la station.
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Aménagement du fort des Têtes à Briançon : le permis de construire va être déposé, le Dauphiné, 05/03/2019 18 Photos du Fort des Têtes, avril 2019 pour ce mémoire 17
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La folie Douce, chaine hôtelière investit 15 millions d’euros pour construire un hôtel de luxe en lieu et place d’un centre équestre au bord de la Durance19. Cet ensemble immobilier comportera des parkings en sous-sol sur toute sa superficie, des restaurants bars et boites de nuit ainsi qu’un total espéré de 1500 lits d’ici trois ans.
Aurélien Antoine, Après Chamonix, un hôtel Folie Douce ouvrira à Serre Chevalier en 2020, le06/07/2018 https://www.alti-mag.com/alti-actus/apres-chamonix-un-hotel-folie-douce-ouvrira-a-serre-chevalieren-2020 19
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Les transitionneurs : l’Êcologie optimiste
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Un récit alternatif présent sur le territoire est celui des transitionneurs. Ce récit s’emploie à opérer une transition écologique dans la région avec les moyens institutionnels légaux à leur disposition. Leur représentant sera ici le maire de la commune du Puy Saint André et président du Pays du Grand Briançonnais, Pierre Leroy.
Aide-
soignant de profession, il considère le territoire comme un patient dont il faut prendre soin, croit en l’empowerment et souhaite donner le pouvoir aux habitants pour qu’ils prennent soin de leur territoire. Il considère l’établissement humain comme un écosystème dont la stabilité et la résilience dépendent de sa diversité.
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Il a créé en 2011 la SEVE pour Soleil Eau Vent Energie, première société de production d’énergie à capital mixte CommuneHabitants ayant installé 16 centrales photovoltaïques dans la commune et prévoyant de turbiner l’eau potable et l’eau des torrents dans la vallée ainsi que des éoliennes dans les couloirs de vent de la montagne. Cette station de ski est un territoire propice à la production d’énergie, de par l’ensoleillement (300 jours par ans), les activités hydrauliques naturelles dues à la fonte saisonnière de l’enneigement et aux différences d’altitude ainsi qu’au vent de plus en plus présent dans la région à cause de phénomènes météorologiques dû au réchauffement climatique.
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Centrale photovoltaïque sur le toit d’un bâtiment communal
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Pour agir, Pierre Leroy utilise le foncier au travers de deux leviers: -La récupération de terres sans titres ni maîtres, il a réussi à prouver que 40 hectares de parcelles ne sont pas possédées par quelqu’un étant mort il y a moins de 30 ans donc elles reviennent à la mairie qui peut décider de les revendre au prix qu’elle veut à des gens motivés porteurs de projets. -L’Association Foncière Pastorale, qui permet à la Mairie de récupérer l’usufruit de toutes les parcelles non entretenues (souvent pour cause de spéculation foncière) elle peut donc les louer directement aux exploitants sans consulter les propriétaires de ces terrains, à un prix très raisonnable.
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Pierre Leroy devant les cartes des terres sans titres ni maître et les parcelles gérées par l’association foncière pastorale. Photo prise pour ce mémoire
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Le PLU de la commune a été décidé par les habitants en déambulant dans le village et en décidant ensemble les lotissements de demain. Ils ont travaillé avec des maquettes en lego pour décider quelles parcelles seraient constructibles, en respectant la loi ALUR et décidant de la densité de ces lotissements, choisissant pour certains site de l’individuel et d’autres du collectif. Ils ont désignés ensemble des parties de la commune qu’ils appellent « notre sacré joli coin » qui sont devenus inconstructibles, et ce malgré que certains décisionnaires
possédaient
des
terres
qui
était
jusqu’alors
constructible, acceptant de voir leur valeur foncière baisser au profit de la préservation du territoire.
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Maquette ayant servi à l’élaboration du PLU par les habitants, Photo prise pour ce mémoire
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La gestion des déchets a également été prise en main par la mairie, en mettant fin au contrat avec l’ancien prestataire et en créant un service public des déchets, en mettant en place des campagnes de sensibilisation et en créant une redevance pour les entreprises produisant des déchets : les résultats sont de 30% de déchets en moins dans la commune. D’autre projets sont en cours, comme la plantation d’arbres fruitiers de droit commun sur la commune, l’attelage de chevaux permettant un circuit court de récupération des déchets, leur méthanisation, compostage, alimentant en chaleur et en fertilisant des serres agricoles produisant la nourriture des cantines dont ils collectent les déchets…
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Les ĂŠfonndrĂŠs-eurs : ce qui nous attends ?
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Un autre récit traverse ce territoire : celui des effondrés. Ce sont des exilés qui ont connu l’effondrement de leur civilisation, parfois dû au réchauffement climatique ou aux guerres liées à l’addiction de notre société productiviste aux énergies fossiles. Ils traversent la frontière transalpine par le col de Montgenèvre et rencontrent sur leur chemin des réactions qui nous éclairent sur les différents comportements humains possibles en cas d’effondrement.
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Le repli identitaire d’abord, une traque sans merci s’opère à la frontière, des moyens considérables sont mis en œuvre pour empêcher le passage des exilés par les pouvoirs publics, parfois aidés par des initiatives privés comme celles du groupe Defend Europe qui a loué deux hélicoptères en avril 2018 et organisé des battues pour aider les autorités à traquer les exilés, comme on peut le voir sur l’image ci-contre.
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Z.L. et R. Bx., Hautes-Alpes : des militants d’extrême droite lancent une opération anti-migrants, 21/04/2018 Le Parisien 23
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Ces groupuscules identitaires s’opposent à une autre forme de réaction spontanée en cas d’effondrement : l’entraide. On trouve sur ce territoire différentes motivations parmi ceux qui viennent en aide aux réfugiés : Il y a des associations comme Refuge Solidaire qui sont animés par des motivations humanistes et bienveillantes d’aider les plus fragiles. D’autres, que nous appellerons les effondreurs, présents des deux côtés de la frontière portent un récit différent résumé par Nicolas (le prénom a été modifié) : « Pour faire très simple et mal résumé, au refuge solidaire ils agissent par ce que ce sont les amis des migrants, ils sont gentils ils les aident, tout simplement. Nous, nous sommes ici d’abord parce que nous sommes des ennemis de l’état et de la société productiviste actuelle et abolir les frontières fait partie de notre lutte. […] Au départ je suis entré dans cette activisme par réaction aux groupuscules identitaires lyonnais contre lesquels je me battais déjà qui été venu ici faire des frontières humaines à la frontière. »
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tract d’appel à manifester en bas des piste de la station de Montgenèvre
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Ces effondreurs viennent en aide aux exilés des deux côtés de la frontière et sont, encore plus que les effondrés, épiés par les autorités. Je vous parlerai ici de deux endroits où agissent les effondreurs et dans lesquels j’ai pu séjourner quelques jours. Le premier lieu, du côté Italien, à Oulx, est installé dans un ancien relais de cantonnier abandonné depuis les années 90. Son implantation est stratégique, la gare d’Oulx est le dernier arrêt de train avant la frontière sur cette route de migration. Cette route est l’une des seules empruntée par les exilés sans moyens, d’autres passages existent plus au sud vers Menton mais nécessitent de payer des passeurs. Les exilés arrivent donc à la gare et trouvent en ce lieu, en bordure du village, un refuge avant d’affronter la neige qu’ils découvrent souvent pour la première fois. Certains arrivent déterminés, empruntent quelques affaires de montagnes, se remplissent le ventre et repartent trois heures après traverser la frontière. D’autres s’attardent et finissent par y séjourner plusieurs mois, appréciant la vie locale.
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La Cantoneria à Oulx
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Cet endroit n’appartenant à personne et donc à tous, aucun ne se revendique comme légitime pour décider mieux que les autres des règles de vivre ensemble. J’ai été surpris de voir ma parole aussi consultée qu’une personne vivant ici depuis plusieurs mois, alors que je n’étais là que depuis quelques heures, sur des décisions aussi variées que l’installation d’un poêle à bois à tel endroit, l’attribution des pièces fumeurs ou non-fumeurs ou sur la mixité des dortoirs. Le mode de vie au sein de ce lieu est assez proche de la définition de l’effondrement d’Yves Cochet. Les moyens de subsistance y sont assurés par la mutualisation de denrées récoltés à la manière de chasseurs-cueilleurs, ou par l’entraide d’un réseau de squat européen. On trouve dans ce lieu des résidents de passage venus d’Afrique et du Proche Orient ainsi que des habitants éphémères venus d’Italie, d’Espagne ou de France.
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En haut à gauche : les barricades anti expulsion fermées chaque soirs En haut à droite : la cuisine, les stocks de conservent viennent d’un squat Lyonnais cuisinant des déchets alimentaires En bas à gauche : le free shop, les vétêments n’ont pas de propriétaire, tout est mis en commun En bas à droite : un dortoir, PAF= Police Aux Frontières
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Un autre lieu sur lequel agissent des effondreurs moins radicaux que ceux d’Oulx est appelé Chez Marcel. Il doit son nom à Marcel Amphoux, protagoniste d’un feuilleton judiciaire ayant secoué la région27. Il s’agit de l’histoire d’un vieux monsieur vivant comme un ermite dans un village reculé de la vallée de Briançon, dans une maison avec de la terre battue au sol, sans eau ni électricité, au visage déformé par une extraction au fer à la naissance, qui subitement épouse une ravissante parisienne de 30 ans sa cadette. Une après-midi de brouillard, la voiture qu’elle conduisait quitte la route avec Marcel à l’intérieur. Il ne survivra pas à l’accident, elle a réussi à s’extraire du véhicule avant qu’elle ne tombe dans le ravin. On se rend alors compte que ce Marcel avait en sa possession un patrimoine immobilier estimé à un million d’euros composé de plusieurs maisons dans le village. Après avoir été blanchie lors d’une enquête concernant l’accident de voiture, la jeune femme s’apprête à hériter des biens jusqu’au jour où l’un de ses occupants faisant ses cartons retrouve un bout de papier manuscrit de marcel « Mes maisons reviennent à ceux qui les occupent ».
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Julie Brafman, Marcel, un ours mal légué dans les Hautes-Alpes, libération, 16/11/2017
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Des jeunes ayant eu vent de l’affaire occupent une des maisons vides de Marcel. Le temps long de la bataille juridique a permis l’émergence d’un lieu d’accueil des exilés à la situation plus pérenne qu’à Oulx, où des embryons d’autonomie énergétique et alimentaires sont à l’œuvre. Y vivent des permanents dédicants entre eux de l’organisation du lieu, y sont accueilli des exilés et viennent participer aux différents travaux d’auto construction et d’agriculture des membres de la communauté Emmaüs.
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L’identité longue durée : vers une symétrie de l’histoire ?
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Au-delà de ces récits divergents, il existe sur ce territoire des éléments qu’Alberto Magnaghi qualifierait de composants de « l’identité longue durée du lieu ». La liste de ces éléments ne peut être exhaustive et nous renvoie à la pensée de Freud dans « malaise en civilisation » qui compare la ville de Rome à la mémoire du cerveau humain. La sédimentation des époques et des souvenirs est sélective, certains éléments sont effacés et d’autre mis en avant. On pourrait poursuivre cette réflexion en considérant que certains éléments du passé sont fantasmés et la représentation actuelle que l’on en a est très éloignée de la réalité passé. De la même manière les composantes longues durées de ces territoires sont sciemment sélectionnées et romancées.
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Tout d’abord la république des Escartons 28 de 1306 à 1789, un groupement d’Escartons, l’équivalent actuel des communes, trois français et deux italiens ayant racheté leur droits à leurs rois respectif et s’étant associé pour créer une république autonome. L’article final de la charte des Escartons est le suivant : « lorsque l’un de nos territoires s’effondre, les autres sont là pour le relever ». La notion d’effondrement était déjà présente et celle de l’entraide également. Sous la république des Escartons le territoire était autonome, une démocratie directe existait, un tribunal était en place pour faire respecter les lois, l’autonomie était également monétaire, la république frappant elle-même sa monnaie. Cette autonomie n’était pas synonyme de repli sur soi, la grande majorité des hommes étaient l’hiver venu des colporteurs, ils sillonnaient les routes d’Europe et échangaient des biens culturels, si bien que la monnaie de la république des Escartons avait un taux de change aussi bien au Portugal qu’au Pays Bas. Les ressources naturelles étaient des communs, en témoignent certain gisements de charbon qui était exploités par les habitants à conditions qu’ils les revendent à un prix raisonnables aux autres habitants.
Ouvrage collectif, La République des Escartons, autonomie communale dans le Briançonnais du Moyen Age à la Révolution française La République des Escartons, Boites à outils éditions, 2013 (1982) 28
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Carte de la république des Escartons modifiée, Originale : https://www.alpes-et-midi.fr/article/la-fin-des-escartons
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Une autre composante de l’identité longue durée du territoire est celle des communs, comme nous l’avons vu avec la république des Escartons et les mines de droits communs ou avec les espaces naturels sanctuarisés par l’élaboration collective du PLU, la considération comme commun de certains éléments du territoire est bien ancrée dans les mentalités. Peuvent en témoigner la présence de canaux, dont certains datent de 1500 ans, qui sont entretenus par des corvées collectives au mois de juin. On trouve également le long de la route des panneaux « servez-vous » proposant aux passagers de profiter d’un surplus de pommes, de foins, de fumier. 30
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Photos de biens communs prises dans le village du Puy Saint André
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La pédagogie Freinet a également marqué les écoles de ce territoire, Elise puis Célestin Freinet ayant donné classe dans les écoles de la vallée, se déplaçant à cheval de village en village et expérimentant ce qui deviendrait plus tard la pédagogie Freinet : une classe considéré comme une micro société ou chacun a le droit de vote, où une grande place est laissée à l’expérimentation en plein air et où l’entraide et la collaboration sont plus stimulés que la compétition.
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Grave d’Elise Freinet du village de Valhouise où elle a commencé sa carrière de professeur des écoles
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Ce territoire est également un terrain de lutte et de résistances, de nombreux grands projets jugés « inutiles » ont été malmenés, l’installation de lignes très haute tension dans la haute Durance a été annulée par une mobilisation citoyenne, le tunnel prévu pour la liaison Lyon-Turin en train est retardé par la mobilisation citoyenne des deux côtés de la frontière, et aujourd’hui, ces mêmes réseaux franco italiens qui se sont tissés durant les luttes contre le tunnel et les lignes haute tension aide les exilés en organisant leurs accueil, leur survie et facilitant leur transit dans la région. Cette lutte n’est pas de tout repos, les polices et armées française et italiennes étant particulièrement active pour décourager ceux qui viennent en aide aux exilés. On retrouve dans ces mouvements l’image que l’on a de la république des Escartons, des bastions autonomes de squatte solidaires les uns des autres, au sein des quel la démocratie participatives et la révolution permanente ne sont pas de simples concepts.
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En haut : rond-point de gilet jaune à Briançon En Bas : manifestation contre la frontière au pied des pistes de Montgenèvre
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D’autres composantes comportementales sur ce territoire sont observables, elles sont liées à la dimension insulaire de la montagne, un endroit inaccessible où les ressources sont rares et précieuses, surtout
durant
les
intempéries
qui
peuvent
gêner
leur
approvisionnement. On observe donc sur ce territoire un réflexe du stock, une multitude de tas disséminés sur le territoires, de pneus, de briques, de bois de taules … La construction de l’urgence est également observable sur les édifices, un effondrement ou une brèche est très vite réparée avec les ressources disponibles à proximité à un moment donné, si bien que l’on observe des façades et des toitures composites constituées de la sédimentations des urgences et des matériaux disponibles à l’occasion de cette urgence.
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Le repli sécuritaire/identitaire est également une composante très présente sur le territoire, en témoigne la typo morphologie des Puy (Saint-Pierre, Saint-André, Richard ..) ces villages tirent leur acronyme de l’occitan pue[ch], pech, puch désignant un lieu élevé, cette position permettait aux villages de se tenir éloigné des visiteurs traversant la vallée près du fleuve et durant les pillages, des Combes, habitations pastorales, encore plus élevés permettaient aux habitant de se réfugier durant les pillages. Ce repli sécuritaire est également illustré par la présence de nombreuses fortifications Vauban se protégeant les unes des autres. En témoigne également la présence ponctuelle dans la vallée de groupuscules identitaires effaçant les marquages des arbres permettant aux exilés de trouver leur chemin dans la nuit.
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Hybridité : à la croisée des récits
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Les deux schémas de couleur expriment les liens entre les récits, à gauche un lien chronologique (abscisse) et économique (ordonnée : production de richesse et extraction de ressources naturelles33) : la courbe jaune représente l’identité longue durée du territoire constituée par le passé, les trois autres courbes représentent les trajectoires vers lesquelles tendent les trois récits présents : en bleu les cornucopiens croyant en la croissance infinie, en vert les transitionneurs qui veulent opérer une transition douce vers l’écologie et la solidarité, en rouge les effondreurs prônant une décroissance et la déconstruction de nombreuses normes établies. Le deuxième schéma représente les liens complexes entre ces récits, qui ne sont pas étanches et s’alimentent les uns les autres comme nous allons le voir dans ce livret. Cette figure représente ce que Bruno Latour appelle des objets « hybrides » 34, qui relèvent à la fois du culturel, de l’économique et de la politique. L’étude de ces objets nécessite de convoquer des sciences humaines, techniques et politiques. Le récit de l’identité longue durée du territoire est volontairement détaché du récit cornucopien. En effet, les « prothèses techniques » comme les appellent Magnaghi qui sont apparues depuis la
Jean-Marc Jancovici :L’économie peut-elle décroitre ?corrélation entre extraction de ressources naturelles et croissance https://jancovici.com/transition-energetique/choix-de-societe/leconomie-peut-elle-decroitre/ 34 Bruno Latour, Nous n’avons jamais été modernes, La découverte, 1991 33
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révolution industrielle portée par le récit cornucopien ont déconnecté le territoire de son histoire. Les transitionneurs participent aux récits de l’effondrement et de la corne d’abondance. A l’effondrement indirectement en investissant dans le photovoltaïque 35 qui participe à l’épuisement des ressources en terres rares, dont l’exploitation pollue les rivières, dont les produits sont obsolescents au bout de vingt ans et que l’on ne sait pas encore recycler. La transition utilise de mesures légales pour agir et participe à faire croire en l’éco comptabilité du développement durable, par les mesures contraignantes des redevances, par l’acceptation du système en place. Et participe à l’idée que le réchauffement climatique pourrait avoir une solution technique sans changer le modèle économique cornucopien à l’œuvre.
Philippe Gauthier, L’énergie solaire plombée par les terres rares, 1/08/2016 https://voir.ca/philippe-gauthier/2016/08/01/lenergie-solaire-plombee-par-les-terres-rares/ 35
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Ibid. Exploitation d’une mine de terre rare en chine
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De nombreux éléments découlant de la politique du maire participent à l’effondrement car ils sont en dehors du pouvoir politique du maire. Les lotissements construits aux endroits désignés sur le PLU répondent aux logiques de marché de la construction, aux méthodes de construction usuelles, dépendantes elles même de normes en tous genres et en assurance. Ce marché de la construction utilise du béton dont les carrières ruines la biodiversité et l’écoulement naturel des rivières dans le creux de la vallée, les pièces de bois utilisés en parement proviennent de Sibérie, les machines consomment du carburants, les isolations sont en polystyrène …
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Ci-dessus : Logo de l’entreprise Briançon Béton Sur la page de droite : en haut la carrière de Briançon Béton (photo prise pour ce mémoire) qui construit les lotissements du Puy Saint André, en bas la page d’accueil du site de l’entreprise 37
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Les cornucopiens s’avèrent parfois sensibles au réchauffement climatique. Patrick Arnaud, directeur de la société Serre Chevalier Vallée, s’active pour diminuer la consommation énergétique de la station, en réduisant la largeur des pistes et donc l’enneigement artificiel en fonction de la fréquentation des pistes. Un projet d’installation d’éolienne est également envisagé, qui utiliserait les retenues collinaires d’eau servant à alimenter les canons à neige pour remonter l’eau de la Durance dans ces lacs d’altitude lorsqu’il y aurait un excédent de production d’énergie et en turbinant cette eau lorsque la production d’énergie serrait déficiente. Une campagne de sensibilisation des skieurs est également mise en place pour les informer des présences d’espèces menacées et leur interdire d’emprunter
des
chemins
qui
pourraient
nuire
à
leur
développement. La Compagnie des Alpes, maison mère de la société Serre Chevalier Vallée participe au reboisement des forets de mélèze mourant, près de 300 employés de la station ont participé à une opération en octobre 2018.
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Les cornucupiens participent à l’effondrement, de manière directe et non dissimulée avec la construction de résidences exploitées quelques semaines par an, très énergivore à chauffer et à construire, la plupart des matériaux étant apportés par camion à cette altitude. Mais également de manière moins visible. Les fonds d’investissement londonien présents dans la région et investissant dans des produits énergivores nous rappellent l’empreinte Carbonne de notre argent. Quoi que l’on fasse au quotidien, il suffit d’avoir de l’argent en banque pour que notre empreinte carbone soit grandissante, 10 000euros au crédit agricole consomment 10 tonnes de CO2 par an, ce qui correspond à la consommation énergétique d’une maison de 200m2 chauffée au fioul38. En effet les banques investissent notre argent dans des produits économiquement rentable, et aujourd’hui les énergies fossiles sont plus rentables que les renouvelables. Pour éviter cela il faudrait placer son argent dans des banques éthiques qui investissent dans des produits moins émetteurs de carbone mais au taux de rendement quasi nul. Avec une inflation de 2% par an il faudrait accepter de perdre chaque année son épargne pour être véritablement écolo, la décroissance le nécessite.
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http://www.epargneclimat.com/
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Ensuite, les cornucopiens participent à la possibilité de l’effondrement en achetant des produits dérivés climatiques 39. Les stations de ski comme Serre Chevalier achètent ces produits dérivés car les assurances ne s’en chargent plus, les compagnies de réassurances jugeant cela trop dangereux. La mutualisation des risques climatiques proposée auparavant par les assurances s’est transformée en pari sur les marchés financiers, les station de ski achètent des produits conditionnant un gain ou une perte en fonction de la hauteur de la couverture de neige à un temps et un lieu donné. La multiplication de ces produits dérivés, s’ils s’avèrent déconnectés des risques réels pourrait participer à un effondrement économique comme l’économie capitaliste en connait régulièrement.
Gaël Giraud : Tsunami financier, désastre humanitaire ? Interview Thinkerview, https://www.youtube.com/watch?v=2oFARgqG0NA&t=986s 39
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Enfin les effondreurs sont eux aussi plein de contradictions conscientes ou inconscientes, ils participent au récit cornucopiens en utilisant des outils numériques, en ayant des comptes en banque, en se déplaçant en voiture , en travaillant parfois pour le système économique qu’ils dénoncent. Tous ces récits ne sont donc pas étanches, ils s’alimentent, se confrontent et s’entremêlent. Pierre Leroy résume cette complexité en disant qu’il se retrouve dans les trois récits, transitionneur par l’action qu’il mène, effondrementaliste dans ses croyances profondes et cornucopien par opportunisme « que 80 millions d’euros soient injectés dans la réhabilitation du fort des têtes pour le transformer en hôtel 5 étoiles je ne suis pas contre, qui vous dit que dans 20 ou 30 ans il ne sera pas squatté par des réfugiés, et franchement s’il est squatté par des réfugiés, moi ça me va »40.
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Entretien avec Pierre Leroy
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Ces trois récits peuvent également être illustrés par leur rapport à la technique, dans la pratique de la neige ou dans les façons d’habiter.
Les cornucopiens ont un rapport à la technique très utilitariste, cette même technique productiviste qui a permis de libérer du temps humain et d’inventer les congés payés permettant à la classe moyenne d’accéder aux sport d’hivers, dans des stations en béton armé produites à la chaine41, remontant les pentes grâce à cette même technique parqués dans des remontes pentes, faisant du loisir une industrie fordiste. La dérive ultime de ce rapport à la neige étant symbolisé aujourd’hui par une classe de priviligiés possédant des chalets utilisés quelques semaines par an et se faisant déposer au sommet des montagnes par hélicoptère.
Page de droite : en haut Charlotte Perriand, Les Arcs photographie de David Philippon, en bas les remontes pentes de Serre-Chevalier 41
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Une approche plus puriste que l’on retrouve chez les transitionneurs serait celle des skieurs de fond remontant la montagne à l’aide d’une peau de phoque et appréciant une descente méritée. Il y a dans cette approche un coté Théodore Rousseau, de contemplation de la nature et un rapport à la technique proche de celui promu par Ivan Illich, qui prône une valeur des choses passant d’une valeur marchande à une valeur du réalisé. Dans les façons d’habiter, ce récit se retrouve dans les habitations auto construite sans planification préalables, ces bâtisses permettant d’observer une sédimentation des urgences successives de bricolages aléatoires. Enfin, les exilés ont un rapport à la neige qui relève de la survie, cette ressource synonyme de loisir ou de contemplation pour certain étant un danger mortel pour d’autres, s’équipant avec des vêtements de fortune et vivant dans des habitations d’urgence Là encore ces récits et ces rapports à la neige et à la technique ne sont pas étanches, la possibilité d’un effondrement excitant les cornucopiens. Des stage de « survie froid » sont proposé dans la région ; moyennant la somme de 500euros, on peut passer 4 jours dans le froid encadré par un ancien chasseur alpin nous apprenant à faire un feu et à s’abriter dans des conditions météorologiques extrêmes 42.
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Publicité Pour un stage survie froid proche de Briançon
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Les relations entre les différents récits sont conflictuelles et méfiantes. Les effondreurs jugent les cornucopiens comme des criminels écologiques et sociaux et pensent que les transitionneurs ne font que rendre le système plus dissimulé et manipulateur, l’action politique des transitionneurs servant de vitrine à un système dont la priorité n’est pas la cause écologique. La visite de la ministre déléguée à la transition écologique et solidaire, Emmanuelle Wargon, (ex lobbyiste en chef chez Danone) à Pierre Leroy en témoigne. Les Transitionneurs voient d’un mauvais œil les effondreurs, les considérants comme des êtres perdus et fainéants, persuadés que le dialogue est impossible avec un mouvement qui les juge comme des vendus du système. Les transitionneurs portent un regard méprisant sur les cornucopiens les considérant comme des gaulois réfractaires pensant comme au siècle dernier. Les Cornucopiens voient dans l’action des transitionneurs des contraintes économmiques pouvant de temps à autres leurs servir de vitrine écologique leur permettant d’avancer la conscience libérée et observe les effondrementaux avec incompréhension et crainte. C’est dans ce contexte que nous allons aborder ensemble lors de la soutenance les différents rôles que pourraient avoir l’architecte au milieu de ces récits hybrides.
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Les rôles de l’architecte
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Compte tenu de cette situation, l’architecte pourrait selon moi jouer plusieurs rôles : Illustrer : par sa formation graphique, sa capacité à se projeter dans un état des choses non encore existant et de restituer cet état des choses, l’architecte a une responsabilité dans le chaos d’ordre 2 de l’histoire selon Harari. Un chaos d’ordre 1 est une situation dans laquelle les choses sont imprévisibles, un chaos d’ordre 2 signifie que non seulement les faits sont imprévisibles mais que le fait de les prévoir modifie leur déroulement. Ainsi le récit cornucopien s’appuyant sur la prospective autoréalisatrice de la croissance, l’architecte pourrait par l’intermédiaire du récit, proposer des alternatives autre que des mesures contraignantes au récit cornucopien, en utilisant l’utopie ou la dystopie pour s’éloigner ou se rapprocher
d’un
récit.
Servir Ensuite, l’architecte pourrait comme c’est majoritairement le cas actuellement choisir un récit, y croire et le servir. Médiateur : un autre rôle tient du fait que l’architecte a la capacité de dialoguer avec différents protagonistes du territoire, grâce à cette hauteur de vue, il pourrait tisser des liens entre ces récits. C’est le travail que j’ai commencé à entreprendre entre d’une part le maire transitionneur disposant d’hectares de terres qu’il souhaiterai allouer à des projets innovants pour mettre en œuvre la transition sur son territoire mais ne trouvant pas de personnes motivés porteurs de 78
projets et d’autres part les effondrés débordant d’énergies et de volonté, installés dans des situations très précaire. J’ai commencé un travail de dédiabolisation entres les uns et les autres afin qu’ils puissent trouver des points de convergence pour servir des intérêts communs. Enfin, un dernier rôle que j’appellerai celui du Cheval de Troie : Ce rôle s’appuie sur le fait que les choix de l’architecte, ce qu’il dessine et décide, se matérialise par un déplacement de matière qui survivra au récit pour lequel ils ont été conçus. Il s’agirait pour l’architecte de faire un pari de Pascal de l’effondrement. C’est-à-dire agissons aujourd’hui comme si l’effondrement allait venir, mettons des choses de cotés qui pourrait être utiles, au cas où cela arrive. Comme nous l’avons vu la situation est si complexe sur un territoire de 10 km2 qu’il est impossible, dans une économie globalisée, pour quiconque de prédire ce qu’il va arriver, à ce degrés de complexité on parle de croyance. Il s’agirait pour l’architecte de croire que nous sommes en trains de vivre la décadence de la société productiviste, comme à la fin de l’empire romain ou de l’empire vénitien, une période de fête durant laquelle l’inconscient collectif sentait bien que l’ordre établi n’était pas immuable. Il s’agirait de se dire participons à la grande fête de fin du capitalisme, faisons l’architecture une dernière fois, mais profitons des formidables moyens techniques que nous avons à notre disposition aujourd’hui pour constituer un stock d’énergie et de matière qui s’adresse au récit suivant. C’est ce dernier rôle de l’architecte qui sera illustré par la suite.
Le village Vacance
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S’installant dans une mairie cornucopienne, sur un site à la croisée d’un route et d’un piste de ski, le village vacance est à l’image des cornucopiens
aujourd’hui,
greenwashé
par
des
labels
d’écoconstruction utilisant les mélèzes et les ressources du sol local pour édifier les murs de soutènements, et en même temps un petit peu excité par l’effondrement, les séjours s’y vendent comme une expérience, « vivez une semaine dans une botte de foin sou une grange ». Les fermettes industrielles constituées de plats d’aciers galvanisé perforé griffé et de section de bois invariables permettent de constituer différentes typologies de bâtiments.
La communauté agricole En cas de fonte des neiges, de changement de politique municipale ou d’effondrement de la station de ski, le site choisi s’avère propice à l’agriculture. En effet, les terrassements, en plus d’être situé à la croisé d’une piste et d’une route, se trouve dans le prolongement d’un canal historique en pierrée. Les sols ont été travaillés de manière à réduire au maximum leur étanchéité, les fermettes industrielles sont composées d’éléments manuportables, manipulables, démontable et interchangeables. Les parapets peuvent être déconstruit pour servir de structures à des bottes de permaculture, les bassins de piscine et de jacuzzi s’avèrent propices à la collecte, à la distribution des eaux et à la production en permaculture. Les chambres démontées sont remontées en serres agricoles ou en attelages sous les logements permettant de récupérer la chaleur des bêtes.
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L’imprévisible
En cas de réchauffement climatique accéléré, d’effondrement de la civilisation que nous connaissons actuellement, d’exodes, de fin de la paix sociale, le village vacance ou la société agricoles pourraient devenir ce que la montagne a toujours été : un lieu de refuge pour les dissidences.
Comme
Fernand
Braudel
l’explique
dans
« la
méditerranée » les vallées et les plaines ont toujours été le lieu des échanges du développement des civilisation tandis ce que les montagnes étaient un lieu à part un refuge, le massif central pour les protestants, le Vercors pour la résistance, les montagnes de l’atlas pour les Kabyles… Ce site pourrait devenir un lieu ou des effondréeurs s’installeraient, cessant de courir après un mode de vie productiviste, en interdépendance avec son milieu. Les essences nouvelles sortiraient des serres avec le réchauffement, les terrassement s’affaisseraient par endroit, des habitations troglodytes et autres sédimentation des urgences de l’bris au grès des ressources disponibles verraient le jour.
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Bibliographie Paul Ariès, Ecologie et cultures populaires : les modes de vie populaires au service de la planète, éditions Utopia, 2015 Collectif, préface de Bertrand Piccard, Rétrofutur : une contre-histoire des innovations énergétiques, éditions Buchet/Castel, 2018 Collectif, La république des Escartons, autonomie communale dans le Briançonnais du Moyen âge à la révolution française, Boites à outils éditions, 2013 (1982) Matthew B Crawford, Eloge du carburateur. Essai sur le sens et la valeur du travail, Editions la Découverte, 2009 Matthew B Crawford, Contact. Pourquoi nous avons perdu le monde et comment le retrouver. Editions La Découverte, 2016 Elise Freinet, L’enfant artiste, CEL, Cannes, 1963 Consacré à Elise Freinet : Bulletin des amis de Freinet, n°105, décembre 2018 André Gortz, Métamorphoses du travail : quête du sens, critique de la raison économique, Folio essais, 1988 Yuval Noah Harari, Sapiens, une brève histoire de l’humanité, Albin Michel, 2011 Ivan Illitch, La convivialité, (publication originale 1973), réédition Points Bruno Latour, Nous n’avons jamais été modernes, Editions La Découverte, 1991 Alberto Magnaghi, Le projet local, éditions Mardaga, Liège, 2003 Mathieu Rivat, Ces maires qui changent tout : le génie créatif des communes, Actes Sud, 2017 70 Pablo Servigne et Raphaël Stevens, Comment tout peut s’effondrer, petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes, Seuil, 2015 Emission radiophonique Que fait le maire ? ¼ Puy Saint André : un maire dans la transition écologique, La série documentaire, France Culture, 13 février 2019 Webographie
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Web série : l'effondrement de notre civilisation, par Yves Cochet, ministre et collapsologue - [ next ] s01 e05, 2017, https://www.youtube.com/watch?v=3NCrj_fa2hU Loïc Giaccone, Nos montagnes se réchauffent, Effets et conséquences du changement climatique sur les massifs français, 2018, https://www.skipass.com/news/151739-nos-montagnes-se-rechauffent.html Briançonnais : débat sur la transition écologique et solidaire, 2019, https://vimeo.com/328225633 Réchauffement climatique et fonte du pergélisol Les crises, 11 décembre 2011 : Climat (22) : Conséquences (4) – Permafrost et Inlandsis https://www.les-crises.fr/climat-22-consequences-4/ Loïc Giaccone, Skiera-t-on encore à la fin du siècle ? 2019 https://www.skipass.com/news/189456-skiera-t-on-encore-en-2100.html Claudine Usclat, serre chevalier voit loin !..., Alpes & midi, https://www.alpes-et-midi.fr/article/serre-chevalier-voit-loin 71 Aurélien Antoine, Après Chamonix, un hôtel Folie Douce ouvrira à Serre Chevalier en 2020, le06/07/2018 https://www.alti-mag.com/alti-actus/apres-chamonix-un-hotel-foliedouce-ouvrira-a-serre-chevalier-en-2020 Carte de la république des Escartons modifiée, Originale : https://www.alpes-et-midi.fr/article/la-fin-des-escartons Jean-Marc Jancovici :L’économie peut-elle décroitre ?corrélation entre extraction de ressources naturelles et croissance https://jancovici.com/transition-energetique/choix-de-societe/leconomiepeut-elle-decroitre/ Philippe Gauthier, L’énergie solaire plombée par les terres rares, 1/08/2016 https://voir.ca/philippe-gauthier/2016/08/01/lenergie-solaire-plombeepar-les-terres-rares/ http://www.epargneclimat.com/
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Gaël Giraud : Tsunami financier, désastre humanitaire ? Interview Thinkerview, https://www.youtube.com/watch?v=2oFARgqG0NA&t=986s 72
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Remerciements Je remercie chaleureusement mes enseignants Armand Nouvet et Cyril Ros pour leur accompagnement très stimulant et encourageant tout au long de ce semestre de PFE Architecture de la reconquête à l’ENSA Paris Belleville
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