Imperceptibles

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IMPERCEPTIBLES Jérémie Dru

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Les photographies présentées sont des surimpressions sur négatif, il n’y a pas de retouches numériques. Les tirages sont faits à l’agrandisseur sur papier baryté de manière à avoir une démarche analogique entièremment ancrée dans le réel.

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IMPERCEPTIBLES [fr] La ville est une matrice qu’on ne peut appréhender dans sa totalité, d’un coup. Comme le décrit Alain Mons, « Le réel urbain ne peut appréhender que par touches successives, il faut se laisser patiemment imprégner par ses dimensions car il est particulier au réel de se donner par profils, peu à peu, grâce à une pénétration temporelle ». La ville se donne à voir petit à petit, par morceaux. Il en revient donc au voyageur de multiplier les regards et les expériences pour mieux la comprendre. Parcourir les axes qui la traversent, les ilôts et l’architecture qui les composent, être attentif aux détails urbains qui racontent la ville, et aux expériences qui naissent de ces configurations. Je pratique la photographie avec l’intuition qu’il existe des réalités insaisissables, intrinsèques à la ville. Les plus anciennes civilisation pensaient que la ville étaient une réduction du cosmos à notre échelle. Ainsi, j’explore l’espace urbain à la recherche de ses visages imperceptibles par nos yeux, comme l’ont fait les artistes du surréalisme, ou de la Nouvelle Vision au début du XXeme siècle. Ils considéraient l’appareil photo analogique comme un moyen de parfaire et de compléter notre regard. Dans son livre «Peinture, photographie, film et autres écrits sur la photographie», László Moholy-Nagy nous dit que « l’appareil photo nous mène vers des vérités qu’on ne peut percevoir avec notre œil, qui ne peuvent être observées et qui deviennent visibles à l’aide de l’appareil photo. » En d’autres termes, la photographie nous mène vers des vérités qu’on ne peut percevoir avec seulement nos sens. Ces considérations ne sont pas sans rappeler les théories de relativité générale qui naissent à la même époque. Elles démontrent que « les lois qui soustendent l’Univers ne sont pas toutes perceptibles par nos sens, notre perception est construite à travers la lentille 5


qu’est la structure d’interprétation de notre cerveau ». Ainsi il est difficile de se représenter que le temps (et par conséquence l’espace) est un matériau qui peut se dilater ou se contracter sous l’influence de la gravité, ou même se tordre sur lui-même. Pour nous, le temps est linéaire, il est comme une droite qui file, immuable, sans jamais se retourner. L’appareil photo permet de stopper net la course du temps. Il permet de figer un instant plus ou moins long sur la pellicule, à la manière d’un souvenir. La photographie montre des morceaux de la ville qu’on a rencontré dans un certain état, à un moment donné, au cours de notre progression. En utilisant la surimpression, procédé qui consiste à photographier plusieurs fois sur le même négatif, je cherche à témoigner des différents états de la ville, et à la voir ville en simultané. Les « morceaux » de celle ci se superposent sur un même plan. Les axes, les bâtiments, d’ordinaire séparés dans l’espace et dans le temps, sont liés par les pas du voyageur. Ils coexistent au sein d’une même image, comme ils coexistent dans le subconscient de celui qui les a traversés. En découvrant la ville, certains lieux déclenchent chez le chaland des images mentales qui le renvoient à des impressions, ou à d’autres lieux. C’est cet état d’entredeux lieux que je cherche à provoquer à travers la photographie. Les lieux prennent la même matière que la lumière, et se fondent les uns sur les autres. Ils entrent en résonance, et entament un dialogue ; un poteau devient alors un arbre, dans une rue se creusent un chemin de fer. Ils forment une ville singulière et onirique. Elle semble tirée d’un rêve, car la constitution des lieux est cohérente, mais relève du fantastique. Une plaque de rue, une enseigne ou une silhouette apparaissent sur la photographie, telles des réminiscences et deviennent des indices sur les lieux parcourus. Ma démarche ne consiste pas seulement à superposer 2 images, mais à confondre les lignes et les points 6

de fuite qui les composent, de telle sorte que les 2 images deviennent indissociables l’une de l’autre, et qu’elles soient régies par une même perspective. Alors, l’architecture des lieux se métamorphose. En repliant les lignes architecturales sur elles même, elles recomposent des espaces-temps urbains aux propriétés multiples, parfois paradoxales. Un plafond peut être le ciel, le minéral peut être aussi végétal... L’architecture des lieux trompe le voyageur, et la ville prend des aspects de labyrinthe. La photographie permet de construire des mondes à la frontière entre la fiction et le réel. Elle permet de montrer la complexité du monde et du cosmos, inscrite dans la ville et dans l’architecture. Jérémie Dru

[eng] The city is a matrix that cannot be apprehended in its entirety at once. You cannot visit more than one place at a time. It reveals itself in successive stages and in fragments. In his book L’ombre de la ville: essai sur la photographie contemporaine, the French communications research specialist Alain Mons points to the cognitive consequences this has for the observer: “The urban real can only be apprehended by successive touches, it is necessary to be patiently impregnated by its dimensions because it is peculiar to reality to give itself by profiles, little by little, thanks to a temporal penetration.” It is up to the traveller to multiply the views and experiences in order to understand the city in depth and comprehensively: to pass through the axes which traverse it, to discern the blocks and the architecture which composes them, to be attentive to the urban details that tell the city’s story, and to be open to the experiments that arise from these configurations. As a photographer, I practice with the intuition that there are elusive realities intrinsic to the city. One of the oldest conceptions of the city, one by which


civilization has sought to explain itself to itself, is to see it as a reduction of the cosmos to the human scale. Thus, I explore the urban space in search of those faces that are imperceptible to our eyes, as did the artists of surrealism or the New Vision in the early twentieth century. They considered the analogue camera as a way to perfect and complete our eyes. In his book Peinture, photographie, film et autres écrits sur la photographie, László Moholy-Nagy says: “The camera leads us to truths that we cannot see with our eyes, which cannot be observed and become visible with the camera.” Photography, in other words, gives us access to truths that cannot be perceived relying on the perceptual apparatus of the human body alone. These considerations are not unlike the theories of general relativity which were born at the same time. Even Stephen Hawking and Leonard Mlodinow demonstrate in The Grand Design that “the laws that underlie the universe are not all perceptible by our senses, our perception is constructed through the lens that is the structure of interpretation of our brain.” It is difficult to imagine that time (and consequently space) is a material which can expand or contract under the influence of gravity, or even twist itself. For us, time is linear. It is like a straight line that runs, immutable, without ever turning. The camera stops the race of time. It makes it possible to freeze a moment of longer or shorter duration on film, in the manner of a memory. The photograph shows pieces of the city that we perceived in a certain state, at a certain moment, as we progressed with our work. Using the double exposure for my photo series, which consists of photographing several times on the same negative, I try to testify to the different states of the city of Paris, to see them simultaneously. These “pieces” are overprinted on the same plane. The axes and buildings, usually separated in space and time, are thus linked by the steps of the traveller. They coexist within the same image, in ways similar to how they coexist in the subconscious of the person who has

passed through them. As one discovers the city, certain places trigger mental images in the walker, which are sent back to impressions or to other places. It is this state of being between two places that I seek to evoke through photography. Places take on the same material quality as light, and “melt on top of each other”, so to speak. They enter into a resonance, and begin a dialogue. A pole becomes a tree, a street turns into a railway line running in a below-ground cut. Street signs, illuminated logos or silhouettes appear on the photograph, like reminiscences, fleeting pointers, catchy signals; and become clues to the places travelled to. Recomposed, fused, superimposed, the fragments form a singular and dreamlike city. One that seems to be drawn from a dream, for the constitution of the place displays its own logic and coherence. My approach consists not only in overprinting two images, but in confusing the lines and vanishing points that compose them. The two images become inseparable from one another, and they are governed by one perspective. In this way, the architecture of the place is transformed. By folding architectural lines on themselves, they recompose urban spaces-times with multiple properties, sometimes paradoxical. A ceiling can be the sky, the mineral can also be vegetal. The architecture of the places deceives the traveller, and the city takes on aspects of a labyrinth. Photography makes it possible to build worlds on the border between fiction and reality. It shows the hidden complexity of the world and the cosmos, inscribed in the city and in architecture. Jérémie Dru

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LE VOYAGEUR INCERTAIN

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Quai de métro, Paris Double exposition à la prise de vue Mamiya RZ67, Ilford plus Tirage à l’agrandisseur sur papier baryté Noir et blanc 50x40 cm 10


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Rame de métro, Paris Double exposition à la prise de vue Mamiya RZ67, Ilford plus Tirage à l’agrandisseur sur papier baryté Noir et blanc 50x40 cm 12


La petite ceinture, Paris Double exposition à la prise de vue Mamiya RZ67, Ilford plus Tirage à l’agrandisseur sur papier baryté Noir et blanc 50x40 cm 13


Rue Lafayette, Paris Double exposition à la prise de vue Mamiya RZ67, Ilford plus Tirage à l’agrandisseur sur papier baryté Noir et blanc 40x40 cm 14


Passy, Paris Double exposition à la prise de vue Mamiya RZ67, Ilford plus Tirage à l’agrandisseur sur papier baryté Noir et blanc 40x40 cm 15


Jardins du Palais Royal, Paris Double exposition à la prise de vue Mamiya RZ67, Ilford plus Tirage à l’agrandisseur sur papier baryté Noir et blanc 40x40 cm 16


Tolbiac dans le XIIIeme, Paris Double exposition à la prise de vue Mamiya RZ67, Ilford plus Tirage à l’agrandisseur sur papier baryté Noir et blanc 40x40 cm 17


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Rue de Rivoli, Paris Double exposition à la prise de vue Mamiya RZ67, Ilford plus Tirage à l’agrandisseur sur papier baryté Noir et blanc 50x40 cm 19


Pont de Bir-Hakeim, Paris Double exposition à la prise de vue Mamiya RZ67, Ilford plus Tirage à l’agrandisseur sur papier baryté Noir et blanc 40x40 cm 20


Rue Pierre Semard, Paris Double exposition à la prise de vue Mamiya RZ67, Ilford plus Tirage à l’agrandisseur sur papier baryté Noir et blanc 40x40 cm 21


Rue Pierre Semard, Paris Double exposition à la prise de vue, Mamiya RZ67, Ilford plus, Tirage à l’agrandisseur sur papier baryté, Noir et blanc, 85x68 cm 22


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LA CITÉ DES IMMORTELS

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Musée du Louvre, Paris Double exposition à la prise de vue Mamiya RZ67, Ilford plus Tirage à l’agrandisseur sur papier baryté Noir et blanc 50x40 cm 27


Musée du Louvre, Paris Double exposition à la prise de vue Mamiya RZ67, Ilford plus Tirage à l’agrandisseur sur papier baryté Noir et blanc 40x40 cm 28


Bibliothèque Albertina, Leipzig Double exposition à la prise de vue Mamiya RZ67, Ilford plus Tirage à l’agrandisseur sur papier baryté Noir et blanc 40x40 cm 29


Palacio de Carlos V, Alhambra, Granada Double exposition à la prise de vue Mamiya RZ67, Ilford plus Tirage à l’agrandisseur sur papier baryté Noir et blanc 50x40 cm 30


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Eglise des Jacobins, Toulouse Double exposition à la prise de vue , Mamiya RZ67, Ilford plus, Tirage à l’agrandisseur sur papier baryté , Noir et blanc, 80x68 cm 32


Ecole supérieure F.M. Bartholdy, Leipzig Double exposition à la prise de vue, Mamiya RZ67, Ilford plus Tirage à l’agrandisseur sur papier baryté noir et blanc, 85x68 cm 33


CV - JÉRÉMIE DRU

28 | 09 | 1986 à Paris XIV, France l 11 bis av de Lattre de Tassigny 94000 Créteil Contact t : +0033 6 64 00 12 13 e : dru.jeremie@gmail.com http://jeremiedru.com

Formation 2011 | Diplôme d’ARCHITECTE D.E. à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris Val de Seine, Paris XIII Résidence d’artiste: 2015.09 | Résidence d’artiste OFAJ/DFJW – Leipzig, Allemagne Interventions 2016.06 | RENCONTRE AVEC SYLVIE HUGUES | Présentation commentée de 13 photographies projetées, dans l’auditorium de la Maison Européenne de la Photographie 2016.02 | PECHA KUCHA #10 | le bruit de la conversation, au Connexion Live, à Toulouse. Présentation commentée de 20 photographies projetées. Expositions 2016.10 | NUIT BLANCHE 2016 [OFF] | Installation «Les Souvenirs de la ville» avec J. Bioley, 75013 Paris 2015.10 | SPONTANEOUS EXHIBITION | Exposition collective organisée dans la Projekt Raum de Fugitif, à Leipzig, Allemagne 2015.10 | RENAISSANCE | Exposition collective organisée à l’occasion de la 11eme édition du LINDENOW, dans l’atelier Fugitif à la Westwerk, Leipzig, Allemagne 2014.11 | MOIS DE LA PHOTO | Exposition collective à la Galerie Univer / Colette Colla 2013.06 | REVOIR LA VILLE | Exposition collective à l’Âge d’Or (Paris) à l’occasion du concours organisée par la Grande Masse des Beaux Arts Publications papier / Articles 2017.09 | TOPOS MAGAZINE n° 100 | Time, City Close Up 2016.11 | PARIS-MÉTRO-PHOTO | COLLECTIF, Anne-marie GARAT, Julien FAURE-CONORTON, Actes Sud Beaux Arts, Hors collection / 26,0 x 26,0 / 408 pages Publications web 2017.04 | LOMOGRAPHY | https://www.lomography.com/magazine/329196-perception-time-and-urban-space-an-interview-with-jeremie-dru 2016.05 | LUMIÈRES DE LA VILLE |https://lumieresdelaville.net/portfolio-view/jeremie-dru-le-photographe-de-linteriorite-des-paysages-urbains/ 2016.02 | IGNANT | http://www.ignant.de/submissions/dru/ 34


2015.11 | MUTANTSPACE | http://www.mutantspace.com/jeremie-dru-photographs-psychogeographical-pictures-paris/ 2015.09 | PARIS ZIGZAG | http://www.pariszigzag.fr/paris-insolite-secret/paris-en-surimpression 2015.01 | HI-FRUCTOSE MAGAZINE | http://hifructose.com/2015/01/08/jeremie-drus-dreamy-double-exposure-photographs/ 2014.09 | TÉLÉGRAMME MAGAZINE | http://hellotelegramme.co.uk/2014/09/photographer-spotlight-jeremie-dru/ 2014.05 | LE TEMPS IMAGINAIRE | http://www.le-temps-imaginaire.fr/interpretations/chronique-du-lien/article/photographier-l-ailleurs 2014.01 | KUNST MAG | http://kunstmag.typepad.fr/kunst-mag/2014/01/jeremie-dru.html 2014.01 | CURIOCITY | http://www.curiocity.fr/hello/?p=9274 2013.03 | HBA - WEBZINE DE PHOTOGRAPHIES ARGENTIQUES - N°3 | http://issuu.com/hba-photo/docs/ hba3/7?e=0/3466887 2013.10 | WIKILINKS | http://www.wikilinks.fr/galerie-les-decors-enchevetres-jeremie-dru/ Competitions, Workshops au sein du collectif d’architecture GVNG 2014.05 | Workshop organisé avec les étudiants de l’ENSAPVS dans le cadre de l’évenement «13 en fêtes», Paris XIIIe 2013.04 | Workshop organisé avec les étudiants de l’ENSAPVS dans le cadre de l’évenement «13 en fêtes» , Paris XIIIe 2013 | Concours acier 2013, ConstruirAcier, “Urbanité suspendue” 2012 | Appels à idées pour un clocher contemporain, Association de Tanaron | Finaliste 2012 | Concours international Fondation WILMOTTE PRIX W 2012 2012 | Concours ALGECO, «Hybrid containers» | Mention spéciale du jury 2012 - present | GVNG - collectif d’architectes, membre fondateur

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IMPERCEPTIBLES, par Jérémie Dru 2017 http://jeremiedru.com 36


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