OUTILS JURIDIQUES POUR LA CREATION DE GRANDES AIRES MARINES PROTEGEES EN POLYNESIE FRANÇAISE
OUTILS JURIDIQUES POUR LA CREATION DE GRANDES AIRES MARINES PROTEGEES EN POLYNESIE FRANÇAISE DONATIEN TANRET, JEROME NOEL PETIT ET NICOLE AUSSEDAT
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OUTILS JURIDIQUES POUR LA CREATION DE GRANDES AIRES MARINES PROTEGEES EN POLYNESIE FRANÇAISE
CONTEXTE Face à l’appauvrissement de la biodiversité mondiale, la communauté internationale et scientifique se mobilise pour la protection des océans. La communauté scientifique internationale et l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) recommandent de protéger strictement au moins 30% de la surface des habitats marins et d’aboutir à un océan géré durablement sur l’ensemble de la planète (UICN, 2014). Dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique, tous les pays du monde se sont engagés à protéger d’urgence les zones marines par des moyens de conservation efficaces, notamment grace à la mise en place d’un réseau de grandes aires marines protégées (AMP) sur au moins 10% de la surface des océans (CDB, 2010). Le gouvernement de Polynésie française a annoncé en novembre 2013 vouloir protéger au moins 20% de la ZEE. Il s’est engagé 2 à créer une AMP de 700 000 km aux Marquises à Ajaccio en octobre 2013, puis une AMP de 1
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million de km aux Australes en novembre 2014 à Sydney. La ZEE de la Polynésie française est l’une des plus large au monde, avec près de 5 millions de 2 km , pour laquelle le Pays a la compétence juridique de gestion. Cette surface considérable abrite un stock halieutique relativement bien préservé car moins de la moitié de la ZEE est pêchée, les flottes internationales et les techniques de pêche destructrices y sont interdites. Moins de 0,05% des eaux polynésiennes sont protégées juridiquement aujourd’hui. La ZEE de Polynésie française présente donc un potentiel important pour la création de grandes AMP, notamment dans les zones qui ne sont pas ou peu exploitées actuellement. L’objectif de ce document est de présenter les outils réglementaires disponibles pour créer des grandes AMP en Polynésie française.
Vue du large de l’île de Raivavae. Les 5 communes des îles Australes ont demandé la création d’une grande réserve marine dans la zone économique exclusive des Australes au-delà des zones de pêche traditionnelle Crédits : CRIOBE
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1. DEFINITION D’UNE AIRE MARINE PROTEGEE
Selon l’UICN, « une aire protégée est un espace géographique clairement défini, reconnu, consacré et géré, par tout moyen efficace, juridique ou autre, afin d’assurer à long terme la conservation de la nature ainsi que les services écosystémiques et les valeurs culturelles qui lui sont associés » (UICN, 2008).
Le système de catégories de gestion des aires protégées de l’UICN fournit des lignes directrices internationales pour le classement des aires protégées en fonction de leurs objectifs de gestion :
Catégories UICN de gestion des aires protégées : Catégories UICN Ia Ib II III IV V VI
Caractéristiques et objectifs de gestion Réserve Naturelle Intégrale : aire protégée gérée principalement à des fins scientifiques ou de protection des ressources sauvages Zone de Nature sauvage : aire protégée gérée principalement à des fins de protection des ressources sauvages Parc national : aire protégée gérée principalement dans le but de protéger les écosystèmes et à des fins récréatives Monument naturel : aire protégée gérée principalement dans le but de préserver des éléments naturels spécifiques Aire de gestion des habitats ou des espèces : aire protégée gérée principalement à des fins de conservation, avec intervention au niveau de la gestion Paysage terrestre ou marin protégé : aire protégée gérée principalement dans le but d'assurer la conservation de paysages terrestres ou marins et à des fins récréatives Aire Protégée de ressources naturelles gérées : aire protégée gérée principalement à des fins d'utilisation durable des écosystèmes naturels
Selon l’UICN (2008), « sont considérées comme des aires protégées les aires dont le principal objectif est de conserver la nature. Seules les aires marines correspondant à cette définition et dont le principal objectif est de conserver la nature peuvent être considérées comme des aires marines protégées ». Selon l’UICN (2012), « les AMP de catégorie VI sont généralement vastes et la plus grande partie de leur superficie présente des conditions naturelles », ce qui implique qu’elle « soit définie comme une zone de non-prélèvement. Certains pays ont déjà fixé cette proportion aux deux-tiers » (UICN, 2008). « Une certaine proportion est soumise à une gestion durable ou une utilisation modérée et durable des ressources naturelles, non industrielle et compatible avec la conservation de la nature » (UICN, 2012). Les principaux objectifs des aires protégées de catégorie VI sont de : « encourager l’utilisation légère et durable des ressources naturelles ; encourager les bénéfices sociaux et économiques pour les communautés locales tout en conservant la biodiversité ; faciliter la sécurité intergénérationnelle des moyens de subsistance des communautés locales, et donc
s’assurer que de tels modes de vie sont durables » (UICN, 2012) ; et « collaborer à la distribution de bénéfices aux populations locales qui vivent dans ou à proximité de l’aire protégée classée » (IUCN, 2008). Les types de pêche autorisées dans une AMP de catégorie V et VI sont : « les pratiques locales de pêche et de récolte durable ; la pêche traditionnelle ou artisanale ; la pêche récréative ; et la pêche à des fins scientifique » (UICN, 2012). Selon les critères de l’UICN, la « pêche industrielle » n’est pas admise dans une AMP, même dans une AMP de catégorie V ou VI. Il n’existe pas de définition partagée de la « pêche industrielle » au niveau international. Mais la « pêche artisanale », autorisée dans une AMP de catégorie VI, est définie en France comme une pêche sur tout type de navire de moins de 24 mètres avec armateur embarqué (c’est-à-dire le propriétaire du navire travaillant à bord). L’exploitation minière est une activité industrielle non durable. Ce type d’activité n’est donc pas autorisé dans une AMP. 2
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2. COMPETENCE EN MATIERE DE CREATION D’AIRE MARINE PROTEGEE EN POLYNESIE FRANÇAISE De part son statut d’autonomie « la Polynésie française réglemente et exerce le droit d'exploration et le droit d'exploitation des ressources naturelles biologiques et non biologiques des eaux intérieures, en particulier les rades et les lagons, du sol, du sous-sol et des eaux sur-jacentes de la mer territoriale et de la zone économique exclusive dans le respect des engagements internationaux » (article 47 de la loi organique n°2011-918 du 1er août 2011). La Polynésie française a la compétence juridique en matière de protection et de gestion de la biodiversité marine dans l’ensemble de ses eaux, notamment pour la mise en place d’AMP. L’Etat concourt à la gestion de l’espace maritime de Polynésie française au travers de ses
compétences techniques en matière surveillance et de recherche scientifique.
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Différents textes réglementaires sont disponibles en Polynésie française pour la protection et la gestion du milieu marin, avec des objectifs variés : les espaces naturels protégés selon le code de l’environnement, les Plans de Gestion de l’Espace Maritime (PGEM), et les Zones de Pêche Réglementées (ZPR). Par ailleurs, des mesures traditionnelles de préservation collective des ressources naturelles, ou rahui, sont prises par certaines communautés locales, notamment à Rapa et Maiao.
Zones marines régleméntées existantes en Polynésie française : Nom Réserve naturelle intégrale de Scilly et Bellinghausen Rahui du Fenua Aihere
PGEM de Moorea
PGEM de Fakarava
ZPR de Tetiaroa ZPR de Tatakoto ZPR de Moana na’ina’i – Faa’a ZPR de Taaone Pirae ZPR de Matavai Arue ZPR de Muriavai Mahina
Type de classement Code de l’environnement Espace naturel protégé ; Réserve naturelle intégrale, catégorie I Code de l’environnement Espace naturel protégé ; Aire protégée de ressources naturelles gérées, catégorie VI
Commune
Année de classement
Superficie marine classée
Catégorie UICN
Maupiti
1971 : lagon de Scilly 1992 : atolls
116 km2
AMP de catégorie I
Taiarapu Ouest, Teahupoo
2014
7,7 km2
AMP de catégorie VI Différents type d’AMP : - AMP destinés à garantir la sauvegarde des habitats et des espèces, - AMP destinées à permettre la reconstitution d’un potentiel halieutique Site RAMSAR Différents type d’AMP : AMP destinés à maintenir la diversité biologique et la richesse du milieu Réserve de biosphère UNESCO
Code de l’aménagement
Moorea - Maiao
2005
8 AMP sur 10 km2
Code de l’aménagement
Fakarava, atolls de Aratika, Kauehi, Fakarava, Niau et Raraka
2007
18 AMP sur 51 km2
Arue, Tetiaroa
2014
ZPR
Tatakoto
2014
ZPR
Interdiction de pêche
Faa’a
2006
ZPR
Interdiction de pêche au filet
Pirae
2003
ZPR
Interdiction de pêche au filet du Selar crumenophthalmu, ature
Arue
2007
ZPR
Interdiction de pêche au filet
Mahina
1997
ZPR
Réglementation de pêche prise par arrêté du ministre chargé de la mer Interdiction de pêche du bénitiers Tridacna maxima
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3. CODE DE L’ENVIRONNEMENT : LES ESPACES NATURELS PROTEGES Le code de l’environnement de Polynésie française permet de créer des aires marines protégées au titre du classement en espaces naturels protégés. Il prévoit que : « certaines parties du territoire peuvent être classées en espaces naturels protégés dans le but de protection et de maintien de la diversité biologique ainsi que des ressources naturelles et culturelles associées ». Les espaces naturels protégés sont classées selon 6 catégories, en référence à la classification de l’UICN (délibération n°95-257 du 14 décembre relative à la protection de la nature) : • Réserve naturelle intégrale (Ia)/zone de nature sauvage (1b) • Parc territorial (II) • Monument naturel (III) • Aire de gestion des habitats ou des espèces (IV) • Paysage protégé (V) • Aire protégée de ressources naturelles gérées (VI) Un espace naturel protégé peut comporter plusieurs catégories de classement en son sein. Le code de l’environnement relatif à la procédure de classement des espaces naturels protégés prévoit : - Art D. 111-3) « Lorsque le bien, public ou privé, appartient au territoire, la décision
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de classement est prononcée par arrêté pris en conseil des ministres après consultation des communes concernées, de l’assemblée de la Polynésie française et de la commission des sites et monuments naturels.[…] Une enquête publique est menée comme en matière d’aménagement. La décision de classement intervient au plus tard quinze mois à compter de l’arrêté en conseil des ministres soumettant le projet de classement à l’avis de l’assemblée de la Polynésie française». (Art LP.111-4 : ) « L’acte de classement peut soumettre à un régime particulier et, le cas échéant, interdit à l’intérieur de l’espace naturel protégé toute action susceptible de nuire au développement de la faune et de la flore et plus généralement, d’altérer le caractère dudit espace, notamment la chasse et la pêche, les activitès minières et industrieles […]. L’acte de classement désigne les personnes physiques ou morales ou la structure chargée de la gestion et de l’administration de l’espace protégé. L’acte de classement est établi en tenant compte de l’intérêt du maintien des activités traditionnelles existantes dans la mesure où elles sont compatibles avec les intérêt définis ».
Aire marine protégée du Fenua Aihere, Tahiti Crédits : Donatien Tanret
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Les contraintes qui découlent du classement et la structure chargée de la gestion de l’espace protégé sont désignées dans l’arrêté de classement. Les statuts de cette structure de gestion et les moyens de gestion de l’espace naturel protégé (administration, réglementation, surveillance, contrôle, plan d’action, …) pourront être définis dans cet arrêté ou précisés ultérieurement. La procédure de classement d’un espace naturel protégé est supervisée par l’autorité administrative en charge de l’application du code de l’environnement, la direction de l’environnement (DIREN), et peut bénéficier du soutien technique d’organismes extérieurs. Le tableau ci-dessous présente la procédure de classement d’un espace naturel protégé selon le code de l’environnement. Il distingue les étapes de l’instruction recommandées par le service instructeur, la DIREN, des étapes réglementaires du code de l’environnement ; l’ordre logique des étapes du classement, par retour d’expérience des sites classés sous cette procédure, est proposé.
Les espaces naturels protégés selon le code de l’environnement visent à protéger et maintenir la biodiversité et les ressources naturelles et culturelles associées, selon différents objectifs de protection et de gestion considérés. La décision de classement d’un espace naturel protégé est prononcée par arrêté pris en conseil des ministres après consultation des communes concernées, de l’assemblée de la Polynésie française, de la commission des sites et monuments naturels et de la population par enquête publique. Le code de l’environnement permet de classer une grande aire marine protégée en Polynésie française, en concordance avec les critères définis par l’UICN, soit la conservation à long terme de la nature et des valeurs culturelles associées.
Procédure de classement d’un espace naturel protégé selon le code de l’environnement :
Etapes recommandées par le service instructeur, la DIREN : Evaluation écologique du site Proposition de classement
Information de la CSMN par la DIREN
Etapes réglementaires : 1. Avis des communes concernées
2. Enquête publique
3. Avis de la CSMN
4. Avis de l’assemblée de Polynésie française soumis par arrêté en conseil des ministres
5. Décision de classement prise par arrêté en Conseil des Ministres Au plus tard 15 mois après l’arrêté en conseil des ministres soumettant le projet de classement à l’Assemblée de Polynésie française
6. Publication de l’acte de classement
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4. CODE DE L’AMENAGEMENT : LE PGEM
Le code de l’aménagement de Polynésie française dispose de réglementations particulières pour la gestion des espaces lagonaires et en façade maritime. (Titre 3, Chapitre 3, Art. D. 133-1) « En sus des réglementations spécialisées en vigueur, les conditions d'utilisation, d'aménagement, de sauvegarde et de mise en valeur d'un lagon ou d'une façade maritime sont déterminées par un plan de gestion d'espace maritime. (Art. D. 133-1) Ce plan porte sur une partie du territoire constituant une unité géographique et maritime et présentant des intérêts liés, concurrents ou complémentaires, au regard de la protection, de l'usage, de l'aménagement ou de l'exploitation. » Le Plan de Gestion d’Espace Maritime (PGEM) est donc à priori destiné aux zones côtières. Procédure d’élaboration et de révision d’un PGEM selon le code de l’aménagement : -
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Proposition du ministre chargé de la mer et du ministre chargé de l'aménagement d’élaborer ou de réviser un PGEM Consultation du conseil municipal de chaque commune concernée sur l’élaboration ou la révision d’un PGEM Arrêté du Président du gouvernement lançant l’élaboration ou la révision du PGEM Elaboration, révision et instruction du projet de PGEM par une instance technique collégiale, placée sous l'autorité du ministre chargé de l'aménagement Consultation de la commission locale de l'espace maritime (CLEM), dont l’organisation et la composition est définie par un arrêté du conseil des ministres Consultation du comité d'aménagement du territoire Consultation du conseil municipal de chaque commune concernée Consultation du public par enquête publique de 2 mois ordonnée par arrêté du Président du gouvernement dans les mairies des communes intéressées. Avis de la CLEM, propositions d’adaptation Avis du conseil des ministres Arrêté pris en conseil des ministres rendant exécutoire le PGEM.
Le PGEM est composé de documents graphiques et d'un rapport définissant : -
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les caractéristiques du milieu marin ; l'utilisation des espaces maritimes ; les conditions de la compatibilité entre les différents usages de l'espace maritime et littoral la vocation des différents secteurs ; les espaces bénéficiant d'une protection particulière ; l'emplacement des équipements existants et prévus.
L’arrêté de constitution du PGEM définit le règlement et l’administration du plan, notamment les limites, le zonage, et le rôle et la composition du comité permanent. Le règlement du PGEM définit les activités et réalisation réglementées (pêche, plongée, nourrissage des raies et des requins, approche des cétacés, circulation, mouillage forain, extraction, réseaux), les aires marines protégées (à vocation touristique ou halieutique), les zones spéciales de pêche et les dispositions applicables à chaque zone. Les infractions aux dispositions d'un PGEM et aux réglementions en vigueur sur le territoire sont constatées et sanctionnées comme telles.
La procédure d’élaboration d’un PGEM comporte un nombre important d’étapes et d’instances de concertation. Le conseil des ministres est à l’initiative de l’élaboration du projet de PGEM et le rend exécutoire. L’Assemblée de Polynésie française n’intervient à aucun moment dans la procédure. Le PGEM peut constituer un outil réglementaire pertinent pour la protection et la gestion durable des zones côtières au sein d’une grande aire marine protégée.
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5. REGLEMENTATION EN MATIERE DE PECHE : LES ZPR En Polynésie française, la réglementation de la pêche permet d’établir des Zones de Pêche Réglementées (ZPR) (délibération n°88-183/AT du 8 décembre 1988 et délibération 96-151 APF du 5 décembre 1996) : « dans le but d’assurer la protection des ressources de la mer, des rivières et de l’aquaculture, et d’une manière générale de toute activité économique, éducative ou de recherche, le conseil des ministres peut, sur proposition du ministre en charge de la mer, et pour des parties du domaine public précisément délimitées, fixer par arrêté les restrictions ou les prohibitions permanentes ou temporaires concernant l’emploi de certains moyens et techniques de pêche. »
La création d’une ZPR fait généralement suite à des conflits d’usages liées à la pêche ou à des enjeux de diminution des ressources de la mer. La procédure de création d’une ZPR est simple et rapide, le Pays étant seul décisionnaire. La décision est adoptée par arrêté pris en conseil des ministres, sur proposition du ministre en charge de la mer. La définition de la ZPR est supervisée par l’autorité administrative en charge de l’application de la rélgementation de la pêche, la direction des ressources marines et minières (DRMM). Les infractions constatées sont sanctionées selon les dispositions prévues au titre de la réglementation de la pêche.
Zone de pêche réglementée de Tetiaroa Crédits : Donatien Tanret
Une ZPR est une mesure de restriction de l’emploi d’une technique de pêche pour le prélèvement durable des produits marins. Elle n’a à priori pas pour vocation la conservation de la nature et des écosystèmes sur l’ensemble d’un espace, mais plutôt la gestion d’une ou plusieurs espèces exploitées par la pêche. La pérennité d’une ZPR peut être remise en cause par simple arrêté du conseil des ministres. Une ZPR peut être considérée comme une aire marine protégée si les objectifs premiers sont la conservation de la nature et des services écosystémiques et valeurs culturelles associés sur
le long terme, au sens de la définition d’une aire protégée par l’UICN. La ZPR est un outil de gestion des pêches. Elle est créée par arrêté du conseil des ministres sans obligation d’implication des parties prenantes concernées et autres institutions publiques. Si la pêche constitue la menace immédiate sur le milieu marin de l’espace considérée, la création d’une ZPR pourrait être envisagée comme premier pas vers le classement d’une grande aire marine protégée pérenne. 7
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6. LE RAHUI TRADITIONNEL COMME MESURE DE PRESERVATION COLLECTIVE DES RESSOURCES MARINES Le rahui est un mode de gestion traditionnel communautaire des ressources naturelles observé dans l’ensemble du triangle polynésien (Bambridge 2015). Le rahui pratiqué par certaines communautés des îles de Polynésie française n’est pas toujours
enregistré, c’est-à-dire reconnu par la législation polynésienne. Cependant le rahui peut être reconnu comme une AMP selon la définition de l’IUCN, dans le sens où ces réglementations traditionnelles sont efficaces et reconnues par la communauté pour portéger la nature et préserver durablement les ressources marines d’une île.
Zone de rahui dans la baie d’Ahurei à Rapa Crédits : Jérôme Petit
A Rapa, un système de rahui a été rétabli par la mairie dans les années 1980. Un ensemble de mesures de protection sont appliquées sur toute l’île, avec des restrictions plus fortes dans la zone spécifique du rahui (Petit et al., 2015). Il est géré par le Tomité rahui, élu de manière démocratique par la population. Le rahui de Rapa est aujourd’hui bien compris et respecté par la population et les pêcheurs. Ce sytème est particulièrement efficace pour gérer collectivement et durablement les ressources marines de l’île. Un système de rahui est également en place à Maiao et dans certains
atolls des Tuamotu. Plusieurs communes souhaiteraient également remettre un rahui dans leur île.
Le rahui peut être reconnu comme une AMP selon la définition de l’IUCN, si les mesures de conservation de la nature sont efficaces et reconnues par la communauté de l’île.
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CONCLUSION
La communauté scientifique et internationale recommande de protéger d’urgence au moins 30% des océans par des moyens de conservation efficaces, notamment grace à la mise en place d’un réseau de grandes aires marines hautement protégées. L’objectif principal d’une AMP est la conservation de la nature sur le long-terme ainsi que les services écosystémiques et les valeurs culturelles qui lui sont associés. La compétence juridique en Polynésie française en matière de protection et de gestion de la biodiversité marine dans l’ensemble de ses eaux, notamment pour la création d’AMP, relève de la collectivité. Plusieurs outils règlementaires sont disponibles en fonction des objectifs de gestion et des zones marines concernées.
La création d’une grande AMP peut comporter plusieurs réglementations en son sein, selon les zones concernées et les objectifs de gestion, la conservation de la nature restant l’objectif principal. L’outil PGEM semble plus adapté aux zones lagonaires et côtières, tandis que la ZPR permet de gérer les ressources marines et les prélèvements de pêche uniquement. Le code de l’environnement semble particulièrement bien adapté à la création de grandes AMP reconnues localement et internationalement. Un classement avec le code de l’environnement permet une pérennité des mesures de conservation et des valeurs culturelles associées mises en place, et intègre la consultation des principales institutions et de l’ensemble de la société civile.
PGEM de Moorea, aire marine protégée de Tiahura Crédits : Donatien Tanret
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BIBLIOGRAPHIE Bambridge T., 2015. The rahui: legal pluralism, environment, and land and marine tenure in Polynesia, edited by T. Bambridge. Canberra: Australian National University Press. CDB, 2010. Plan stratégique pour la diversité biologique 2011-2020 et les objectifs d’Aichi. Conférence des parties à la convention sur la diversité biologique. Dixième réunion. Nagoya, Japon, 18–29 octobre 2010 UICN, 2008 - Dudley, N. (Éditeur) (2008). Lignes directrices pour l’application des catégories de gestion aux aires protégées. Gland, Suisse : UICN. x +96pp. UICN, 2012 - Day J., Dudley N., Hockings M., Holmes G., Laffoley D., Stolton S. & S. Wells, 2012. Application des catégories de gestion aux aires protégées : lignes directrices pour les aires marines. Gland, Suisse: UICN. 36 pp. IUCN, 2014. A strategy of innovative approaches and recommendations to enhance implementation of marine conservation in the next decade. December 16, 2014 Petit JN., Du Prel P. et Laitame T. 2015. – Le rahui à Rapa : une mesure de préservation communautaire des ressources marines. In : Salvat B., Bambridge T., Tanret D. et Petit J., 2015. Environnement marin des îles Australes, Polynésie française. Institut Récifs Coralliens Pacifique, CRIOBE et The Pew Charitable Trusts Polynésie française. ISBN 978-2-905630-08-7, EAN 9782905630087. Polynésie française, Tahiti, p. 190-199
CREDITS Le présent rapport a pu être élaboré grâce à un soutien financier de The Pew Charitable Trusts et du projet Héritage Mondial des Océans. Le projet Héritage Mondial des Océans est mené dans 14 sites dans le monde pour contribuer à préserver la santé des océans de la planète sur le long terme. Ce projet finance des activités de recherche, de sensibilisation, de communication, et travaille en collaboration avec les gouvernements et de nombreux partenaires locaux pour favoriser la création de grandes Aires Marines Protégées. En Polynésie française, Pew travaille avec le gouvernement, les élus des îles, les pêcheurs, les scientifiques, les associations et le secteur privé, pour contribuer à mettre en œuvre l’objectif ambitieux du gouvernement de protéger au moins 20 % des eaux polynésiennes d’ici 2020. À travers une approche participative et de nombreuses consultations, Pew et ses partenaires souhaitent proposer des scénarios de protection qui soient basés sur la science, soutenus par la société civile et qui respectent la culture traditionnelle polynésienne. Les opinions exprimées dans cette publication ne reflètent pas nécessairement celles de The Pew Charitable Trusts. Photo de couverture : Réserve naturelle intégrale de Scilly. Crédits : Donatien Tanret
CITATION Tanret D., Petit JN. et Aussedat N., 2015. Outils juridiques disponibles pour la création de grandes aires marines protégées en Polynésie française. Polynésie française.
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