Libre² - Numéro 21

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QUELLE MOBILITE POUR DEMAIN ? Claire Pelgrims est post-doctorante au laboratoire « Architecture et sciences humaines » de la Faculté d’Architecture de l’Université libre de Bruxelles. Cette dernière a réalisé une thèse sur l’évolution des infrastructures de mobilité à Bruxelles depuis les années ’50 et a donc une approche des questions de mobilité à la fois sociale et historique. Elle essaie de mêler les deux pour comprendre la profondeur historique des débats, des controverses et de la matérialité de la ville que l’on observe aujourd’hui. JEUNES & LIBRES : POURQUOI EST-CE QUE LA MOBILITÉ EST DEVENUE AUJOURD’HUI UNE QUESTION MAJEURE EN BELGIQUE ? Claire Pelgrims : Le thème de la mobilité émerge surtout au tournant des années 2000. Au sein du concept, on peut considérer à la fois les différents modes de déplacement et à la fois la question du déplacement et des changements sociaux qui y sont liés. En outre, les modes de déplacement concernent les personnes, mais aussi les biens et les idées. Il s’agit donc d’un concept récent, âgé d’une petite vingtaine d’années. Si l’on considère la mobilité seulement en termes de modes de déplacements, la question a alors près de deux siècles d’existence. Cet enjeu de la circulation dans la ville moderne, dès la naissance de l’urbanisme, correspond à un idéal moderne de la vitesse et du progrès technique. À travers la question de la circulation, ce sont surtout les thèmes de l’émancipation des individus et de leurs activités sociales et économiques qui sont en jeu.

Aujourd’hui, la mobilité est un thème central dans nos sociétés, mis en lumière et médiatisé par les enjeux environnementaux et sociaux qui s’opposent et qui redéfinissent la problématique. Dans le cas des enjeux sociaux, les problèmes sont l’inégalité d’accès à la ville mais aussi la contrainte dans le déplacement, c’est-à-dire les déplacements qui ne sont pas l’expression d’une liberté, mais une obligation qui pèse lourdement sur les emplois du temps. On peut également citer des inégalités entre ceux qui se déplacent pour servir ceux qui restent immobiles, et inversement. Par exemple, l’explosion des livraisons à domicile durant la crise sanitaire qui a vu une croissance phénoménale du travail des livreurs, car une partie de la population pratique le télétravail ; ou au contraire, le cas de zones touristiques qui voient leur population locale bloquée sur place pour accueillir les touristes pendant la haute saison. Les inégalités concernent parfois des groupes qui sont marginalisés. Si l’on s’arrête sur l’augmentation du nombre de voitures en ville, on constate qu’il y a moins d’espaces sécurisés pour les enfants, pour les personnes âgées ou handicapées. Donc, cette capacité à se déplacer ou à ne pas se déplacer est répartie différemment dans la population. 45


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