LE BÉTON HORS LES MURS
BRUTALIST ARCHITECTURE COLLECTION
MURALS WALLPAPER
Papier peint ayant pour motif la façade du parking londonien de Welbeck Street (Michael Blampied & Partners arch., 1971)
EAT THE RIVER
FCK, FREDERICK GAUTIER Plat transposant des détails de la Los Angeles River
BEIRUT HEAVY LIGHT
LINDSEY ADELMAN
Lampe réalisée pour la Carwan Gallery à partir de parpaings récupérés sur des chantiers de Beyrouth
Antidote à l’overdose de bois blond scandinave, le béton réveille le design par une note de brutalisme bienvenue. Dans un dialogue assumé avec l'architecture ou dans une recherche esthétique inédite, Konstantin Grcic, Iwan Pol et Bernstrand & Borselius signent le retour en grâce du matériau. Anne-France Berthelon
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Pour la plupart des designers attirés par le béton, le dialogue entre le matériau, l’objet et l’architecture semble incontournable. Une approche contextuelle qui se traduit, le plus souvent, par des pièces uniques ou des séries limitées, voire des expérimentations. « Le béton est si présent dans notre quotidien que nous ne prêtons parfois même plus attention à sa beauté », affirme Iwan Pol. Pour injecter, au sens propre comme au sens figuré, de la sensualité dans ce matériau qui le fascine, ce jeune designer hollandais formé à la Design Academy d’Eindhoven a imaginé une collection de « tapis » et « fourrures », façon bouclettes de laine ou d’éponge XXL élégamment colorées : Happy Concrete. Sous sa main, le matériau se montre particulièrement ductile, donnant lieu à de petits objets qui soutiennent des possibilités esthétiques inédites. Il est détourné en apparente pièce montée de macarons roses ou bleus, en éléments à la coloration intense dans l’esprit d’un terrazzo jusqu’à une n° 267 - mars 2018 - AMC
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D E S I G N
BORNE BÉTON
LE CORBUSIER
FCK, FRÉDÉRICK GAUTIER Théière, éditée par Serax
Omar Golli
Lampe conçue pour l'Unité d'habitation de Marseille, éditée par Nemo
T POT 556
MAGLIANA PROJECT
KONSTANTIN GRCIC
Table d'hôtes et assises, Giustini/Stagetti Galleria O. Roma
très légère pigmentation dégradée, ou le béton apparaît mou tel une pâte de guimauve. « C’est à Tadao Ando et sa façon si élégante de travailler le béton que je dois ma passion », explique-t-il. Autre source d’inspiration, la poignée de porte en basalte que Gottfried Böhm avait imaginée pour la « chapelle de la Madone des ruines », à Cologne, en Allemagne. « La tension entre la dureté physique et la forme accueillante de la découpe ne peut qu’inviter au toucher, poursuit-il. Et c’est ce type d’interaction que je cherche à susciter avec ma collection. »
Inspiration sensible L'esthétique brute de la matière infusée dans les utopies modernistes suscite en outre un véritable engouement. Tandis qu'à Londres le RIBA a décerné sa Royal Gold Medal 2017 à l’architecte moderniste Neave Brown (décédé le 9 janvier 2018), auteur, notamment, des logements AMC - n° 267 - mars 2018
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sociaux d'Alexandra road, à Londres, le MoMA, à New York, déroulera, du 15 juillet 2018 au 13 janvier 2019, la très pointue exposition « Toward a Concrete Utopia : Architecture in Yugoslavia, 1948-1980 ». Le brutalisme se révèle une source d'inspiration de plus en plus sensible, qui s’échappe du domaine de la construction. L’éditeur britannique Murals Wallpaper joue ouvertement la carte du trompe-l’œil immersif avec Brutalist Architecture Collection, cinq papiers peints de gros plans hyperréalistes de la cathédrale de Rio de Janeiro réalisée par Edgar Fonseca ou des voûtes du métro de Washington, d'Harry Weese. Nemo (la marque de luminaires du groupe Cassina) édite la Borne Béton conçue en 1952 par Le Corbusier pour l’Unité d’habitation de Marseille. En février, lors du Salon du meuble de Stockholm, la marque suédoise Bla Station présentait BOB Betong, un banc public en béton signé Borselius & Bernstrand qui pourrait passer pour un moelleux canapé de salon. 95
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D E S I G N
HAPPY CONCRETE
IWAN POL
Essai de pigmentation et matière
BOB BETONG
STEFAN BORSELIUS & THOMAS BERNSTRAND Banc, édité par Bla Station
HAPPY CONCRETE
IWAN POL
Essai de pigmentation et matière
Le plus : outre sa fonction d’assise, il fait office de borne qui bloque toute tentative de circulation automobile à l’abord des zones piétonnes. Le designer allemand Konstantin Grcic dotait déjà, en 2004, un modèle de sa Chair One d’un pied conique en béton verni (éd. Magis). Au printemps dernier, il a collaboré avec Giustini / Stagetti Galleria O. Roma au Magliana Project, exposé dans – et pour – le pavillon en béton ferreux érigé par Pier Luigi Nervi dans le quartier Magliana de Rome. Résultat ? Une longue table d’hôtes et des assises solidaires, surplombées d’un système de luminaires modulaires ; le tout, réalisé en Ductal. Ces pièces d’une très belle sobriété, sans pour autant être minimalistes, ont, depuis, intégré la galerie romaine. Des approches contextuelles se dessinent également, non pas avec un bâtiment, mais en écho à une ville. Par exemple, Beyrouth, écartelée entre des immeubles éventrés et l'effervescence de nouvelles construc96
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HAPPY CONCRETE
IWAN POL
Essai de pigmentation et matière
tions. A l'occasion de l’édition inaugurale de la Beirut Design Fair, en septembre 2017, la galerie Carwan a commandé à la designer newyorkaise Lindsay Adelman des lampes constituées d’un verre soufflé bouche, dont la base en parpaing a été récupérée sur les chantiers de la capitale libanaise. Margherita Abi Hanna rend quant à elle hommage à des bâtiments modernistes, dans sa collection de bijoux My Concrete City. Bagues, pendentifs ou bracelets en laiton, argent et béton reprennent des détails architecturaux d'édifices ayant survécu aux quinze années de guerre civile mais qui, au vu de l’actuelle frénésie du marché immobilier, sont aujourd’hui susceptibles de tomber sans préavis sous les chenilles des bulldozers. Parmi ses sources d’inspiration revendiquées figurent l’Holiday Inn d’André Wogenscky et Maurice Hindié (1974), l’immeuble Afeiche de Pierre Neema (1962), ou la Banque du Liban (BDL) d’Addor & Julliard (1964). n° 267 - mars 2018 - AMC
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D E S I G N
VASES À ARROSER MY CONCRETE CITY
MARGHERITA ABI HANNA
FCK, FREDERICK GAUTIER
Série en béton industriel éditée par Serax
Pendentifs inspirés de l’architecture de l’immeuble Nsouli (Karol Schayer, Bahij Makdisi, Wassek Adib, arch. 1956)
Relevé d'empreintes Passé par l’école du paysage de Versailles, le céramiste performeur Frederick Gautier (FCK) a fait du lien entre le site et le béton (véritable ou reproduit en grès ou faïence et ciment) le pivot de son travail. Il a investi pendant cent jours en 2015 la péniche Louise-Catherine à Paris, aménagée en 1929 par Le Corbusier, pour y produire 100 théières numérotées, dont deux modèles sont aujourd’hui édités en série par Serax. Puis il a écumé les rives bétonnées de la Los Angeles River pour en isoler des détails et motifs de formes simples, transposées en céramiques, toujours dotées d’une dimension fonctionnelle. L'été dernier, il s’est installé pendant trois mois aux Magasins généraux, à Pantin. De cette cohabitation avec les canaux et les dispositifs hydrauliques des écluses sont nées 100 assises Bornes d’amarrage, ainsi que la série de Vases à arroser. Réalisés en béton industriel (éd. Serax), ces derniers AMC - n° 267 - mars 2018
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ont été dévoilés en janvier à Maison & Objet. Jusqu’en juin, FCK (clin d’œil à son prénom, à la valeur de résistance du béton et au rebelle « fuck » anglais) est en résidence à l’espace Niemeyer-siège du Parti communiste français, place du Colonel-Fabien à Paris. Il y « effectue un travail d’empreintes des murs en béton banché ou du toit-terrasse, pour en transposer ensuite les reliefs sur des objets ». Façonné par les designers, le béton se révèle sous des aspects antagonistes. L'un, communément acquis de robustesse austère, de toucher brut et rêche ; l'autre, emprunt de qualités nouvelles : une sensualité inattendue, la douceur de tons pastel à même d’habiller murs et sols, jusqu'à une apparente fragilité. LA LUCE / CHARLOTTE PERRIAND ET LE CORBUSIER, du 15 mars au 24 avril, au nouveau showroom de RBC, 40 rue Violet, 75017 Paris 97
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