Céleste ou le temps des Signares - Extrait 2

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SECONDE PARTIE 1816 – 1890

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132 LE SÉNÉGAL AU XIXe SIÈCLE, LES MOMENTS CLEF Le retour de la France au pays des signares 1816 – 1880 Avènements de l’ère coloniale, la fin du temps des comptoirs 1816 – 1880 La grande mutation sociologique des mulâtres 1816 – L’arrivée honteuse du gouverneur Schmaltz au Sénégal 1819 – Théodore Géricault peint La Méduse 1815 – 1817 Les signares et les Anglais construisent la ville de Sainte-Marie-de-Bathurst 1816 – Schmaltz, le banni accepté à Gorée 1817 – 1822 1ere tentative de colonisation agricole par Schmaltz 1822 – Le baron Roger remplace Schmaltz et reçoit les recommandations d’usage 1823 – La lôge maçonique de La Parfaite Union 1822 – 2e Tentative de colonisation agricole par le baron Roger 1824 – 1843 Le temps des incertitudes économiques, création de la compagnie du Galam 1846 Barthélemy Durand Valentin, défenseur des notables nègres 1837 – 1844 Gouverneur Bouët Willaumez, l’ami des mulâtres et des nègres 1848 Napoléon III lance la colonisation de l’Afrique profonde 1854 Faidherbe, le choc

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LA FORTUNE DES SIGNARES AU XIXe SIÈCLE

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1594 – 1677 La fortune des signares de la petite côte du Sénégal 152 1777 Influente signare Caty Louet 152 Le gouverneur E. Bouët-willaumez décrit le rôle économique de Gorée au XVIIIe siècle dans l’économie locale 153 1837 La signare Anna Colas, la plus riche signare de Gorée au xixe siècle 154 1842 La signare Marie Anne Blanchot de Verly, l’une des plus riches maîtresses femmes de Saint-Louis 155 Mbotaye, une mystérieuse confrérie féminine signare 156 1853 – Un Mbotaye des signares décrit par l’abbé Boilat 157 1659 – 1848 La fortune des signares se mesurait aussi au nombre de captifs de case 159 1720 – 1848 La fortune des signares en moyenne cinq fois plus importante que celle de leurs époux 160 1822 – 1848 La fortune des signares transmise aux patriciens pendant le xixe siècle 161 1822 – 1860 De jeunes loups blanc épousent des signares de Saint-Louis et Gorée 161 La socièté ‘‘ Maison Devès ’’ 162 La socièté ‘‘ Gaspard Devès & Compagnie’’ 163 La socièté ‘‘ Maurel & Prom ’’ 165 La dynastie Prom au Sénégal 165 La dynastie Maurel au Sénégal 166 La socièté ‘‘ Buhan & Teissere ’’ 170 La socièté ‘‘ Cabeuil et d’Huvîller ’’ 170 1843 Saint-Louis, la fin des voyages à Galam, l’ère de l’arachide 171 1853 La banque du Sénégal, banque métisse 171 Rupture endogamique et perte du capital économique 174


133 GORÉE LA JOYEUSE AU XIXe SIÈCLE

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1786 Le point de vue du chevalier Stanislas de Boufflers sur Gorée 177 1825 La signare Boucher de Gorée au secours de l’explorateur René Caillié 178 1837 Le prince de Joinville croise Anne Pépin et les signares à Gorée 179 1838 Samuel Brunner au mariage de la signare Jouga et du Gouverneur 180 1840 Anna Colas et Benjamin Jaubert à l’origine de l’exploitation de l’arachide au Sénégal 181 1843 Le peintre Nousveaux peint la fête organisé par Anna Colas en L’honneur du prince de Joinville 181 La peintre Nousveaux 184 Iconographie partielle de Nousveaux 184 1843 Un prince chez Anna Colas 185 1840 La signare Anna Colas et son lobby familial 186 1843 Le prince de Joinville à Sainte Marie de Bathurst, rencontre The Ladies 188 1846 La signare Anna Colas et sa famille à l’origine de la fondation de la ville de Dakar 189 Le sursaut économique de Gorée 189 1848 Anna Colas et sa famille insistent pour créer la ville de Dakar 192 1848 Barthélemy Durand Valantin, beau fils d’Anna Colas, premier député du Sénégal 193 1851 Le commandant de Gorée visite Matar Diop ami du prince de Joinville et d’Eliman ‘‘ imam ’’ de N’Dacarou 194 1862 Renaissance de Rufisque, alias Rufisco ou le retour des enfants des Lançados 195 1894 Madame Paul Bonnetain décrit le crépuscule Goréen 196 1857 – 1900 Les causes du déclin de Gorée 197

SAINT-LOUIS, VILLE AU TROIS VISAGES 1872 Pierre Loti décrit son arrivée à Saint-Louis la roturière, devenue capitale d’empire La composante signare à Saint-Louis 1720 – 1848 Conditions de travail des captifs, chez les signares de Gorée et Saint-Louis Nature de la relation entre captifs et maîtresses, décrite par le Directeur de la compagnie des Indes, le sieur Pelletan 1846 – 1852 Le mulâtre Charles Picard, neveu de la Reine Ndété-Yalla, ouvre les portes de la cour du Wallo à l’abbé Boilat La composante nègre, maître nègre et captifs de case de Saint-Louis 1659 – 1848 Hiérarchie complexe des nègres de Saint-Louis 1848 Colére d’un maître nègre musulman, Agui Samba de Saint-Louis La composante petit et grand blanc intégrée par ‘‘ l’indigène ’’ de Saint-Louis 1872 – Saint-Louis principale base militaire des Spahis de l’empire colonial en Afrique Noire 1872 Le statut de captif domestique comparé au statut d’esclave de traite par le ‘‘ petit blanc ’’ Pierre Loti 1659 – 1854 L’instabilité culturelle de Saint-Louis la roturière, comparée à la rigidité de Gorée l’aristocrate

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134 SAINT-LOUIS DU SIMPLE VILLAGE À LA CAPITALE D’EMPIRE

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1786 Saint-Louis vu par le chevalier Stanislas de Boufflers 213 1816 François Valantin signale quatre vingt treize habitations en brique à Saint-Louis 214 1822 – 1828 Le baron Roger : de l’urbanisme à l’agriculture coloniale 215 1822 – 1828 Une fabrique de brique et une indigoterie à Saint-Louis 216 1828 Alignement des rues de Saint-Louis par le conseil communal 217 1830 Les grands travaux du centre-ville de Saint-Louis 217 1837 315 Maisons en brique et 1 186 cases à Saint-Louis 218 1841 Construction du tribunal par le gouverneur Montagniès de la Roque 218 Dèc.1842 Saint-Louis vu par le pitit prince de Joinville 219 1848 – 1853 La croissance externe de Saint-Louis, voulue par Barthèlèmy Durand Valantin, décrite par l’abbé Boilat 220 1848 Les villages de pêcheurs de Guet N’dar et N’dar Tout décrit par l’abbé Boilat 221 1853 Un troisième village côté continent : Bouët-ville décrit par l’abbe Boilat 222 1897 Installation du Pont Faidherbe par le conseil communal 222

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DE SAINT-LOUIS À GALAM

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MŒURS DES SIGNARES AU XVIIIe ET XIXe SIÈCLE

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Douces et redoutables signares Lettre à une signare xviiie siècle En 1759, le voyageur britannique J. Lindsay est subjugué par les signares de Gorée xixe siècle La signare au balcon, la boniche à la cuisine 1855 Le gouverneur Faidherbe au bal des signares de Saint-Louis 1873 Loti amant bafoué de Félicia Maurel, alias Cora du Roman d’un Spahi 1873 Loti décrit ses amis mulâtres, la famille Bancal 1890 Un bal des signares vu par le colonel Frey 1890 Une opinion sur les signares, citée par le colonel Frey 1890 Une opinion sur les signares citée par le colonel Frey xxe siècle Descendantes des signares et bourgeoisies urbaines Mulâtresses

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135 ART DE VIVRE DES SIGNARES 1789 D. Lamiral décrit les signares 1720 – 1848 Les sorties en ville des signares et rappareilles 1846 – La coquette Mary de Saint-Jean en costume national peinte par Nousveaux 1846 – Mary de Saint Jean en costume national peinte par Darondeau 1860 La fin du costume national signare décrit par Pierre Loti 1890 L’art de vivre des signares décrit par le colonel Frey 1872 – L’art de vivre des signares inspire Loti pour son personnage de Cora 1872 – Intérieur de maison mulâtre vu par Loti Les grands magasins parisiens fournisseurs des derniéres signares et leurs filles

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RELIGION DES SIGNARES AU XIXe SIÈCLE 1822 – L’Église signare, reprise en main par les ‘‘ petits blancs ’’ 1830 – Fin de l’avantageux mariage ‘‘ à la mode du pays ’’, mariage à durée de vie déterminé Le code civil français imposé aux signares déstructure la société mulâtre 1822 – 1848 – La signare Anna Colas coordonne le financement du catholicisme à Gorée et Saint-Louis 1843 - 1852 – Le métis l’abbé Boilat, l’un des trois premiers prêtres africains 1843 – Racisme et jalousie fraternelle 1843 – L’abbé Boilat froissé avec Anna Colas ou l’échec d’un métis sans racine 1846 – Charité des signares de Gorée pour les esclaves du brick négrier L’ilizia et d’autres 1847 – Pudiques et studieuses filles de signares, vues par l’abbé Boilat 1853 – L’abbé David Boilat, premier écrivain Africain, premier prix de l’institut de France 1848 – Anna Colas donataire d’un terrain à Dakar pour les religieuses 1851 – François de Saint Jean, donataire d’un terrain à Dakar pour les missionnaires. 1851 – L’éliman de Dakar, le remède et le malicieux jeune homme. 1858 – La signare Louise de Saint-Jean fonde une congrégation catholique 1869 – La maison d’Anna Colas à Dakar, objet de convoitises, de religieuses ingrates 1890 – Signare à la messe, vue par le colonel Frey ÉPILOGUE Le xxie siècle sera signare Déjà le xxie siècle ! Elégies pour des signares

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3 Carte d’Afrique


137 LE SÉNÉGAL AU XIXe SIÈCLE, LES MOMENTS CLEF

Le retour de la France au pays des signares Au début du XIXe siècle, les aventures napoléoniennes en Europe ont fait perdre les comptoirs du Sénégal à une France trop occupée à faire la guerre à l’Europe entière. Depuis 1677, la France occupe les comptoirs du Sénégal. De temps à autre, pendant le XVIIIe siècle, l’Angleterre s’en empare. En 1809, une escadre anglaise, commandée par l’amiral Colombin et le général Maxwell, prend les comptoirs du Sénégal à la France de Napoléon Bonaparte. Ils lui seront rendus en 1817. C’est l’amiral Schmaltz qui reprend pacifiquement au nom de la France les comptoirs du Sénégal. Il y découvrira avec stupéfaction l’existence d’une micro-civilisation matriarcale mulâtre (métisse) qui vit dans sa propre culture, mélange d’influence portugaise, anglaise, hollandaise, française et africaine.

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138 1816 – 1880 Avènements de l’ère coloniale, la fin du temps des comptoirs

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En 1816, le temps est arrivé pour les puissances européennes de commencer à coloniser l’Afrique. L’écart de puissance militaire à terre entre les nations européennes et les rois nègres a évolué en faveur de l’occident. Pour la France, la conquête de l’Afrique peut commencer grâce aux moyens logistiques ‘‘ modernes ’’. La conquête se fera en plusieurs étapes qui seront incarnées par des ‘‘ grands hommes ’’ de ce XIXe siècle, qui est aussi celui de la révolution industrielle. La conquête des comptoirs d’Afrique du Nord et d’Afrique noire sera aussi un acte de politique franco-français qui redonnera le sentiment de ‘‘ puissance ’’ au peuple français, moralement abattu après la glorieuse hystérie napoléonienne terminée par la défaite de Waterloo. La reprise en main du Sénégal en 1817 par le gouverneur Schmaltz, suivie des premières réformes du gouverneur Roger (1822-1828) feront de la modernisation du comptoir de Saint-Louis un embryon de ville. Gorée étant surpeuplée et Saint-Louis au stade de village traditionnel, le colonisateur se lancera avec le concours de la communauté mulâtre dans une politique de transformation radicale de l’urbanisme saint-louisien qui fera de ce comptoir une ville ‘‘ à la façon de la France ’’, dotée peu à peu des infrastructures civiles et militaires indispensables à la politique de conquête coloniale. C’est le deuxième passage du prince de Joinville en 1843 qui donnera un coup de pouce déterminant à la réorganisation de la colonie proposée par le gouverneur Bouët-Willaumez (gouverneur du Sénégal du 5 février 1843 au 8 décembre 1843). Mais c’est surtout la volonté de Napoléon III, vers 1848, de faire de Saint-Louis une véritable capitale d’empire qui marquera un tournant décisif dans la politique africaine de la France. La politique des comptoirs marchands disparaîtra au profit d’une véritable politique coloniale agricole (à ses débuts). L’arrivée du général Faidherbe, au service de Napoléon III, à Saint-Louis du Sénégal en 1854, donnera le point de départ de la conquête coloniale des royaumes nègres du

Sénégal et du Soudan (Mali) et à partir de là, de toute l’Afrique francophone. Les lois françaises (code civil) s’imposeront peu à peu au Sénégal dans tous les domaines, y compris le domaine familial. Ces lois feront perdre aux signares leurs droits de personnes majeures dans le domaine juridique et économique, en particulier. Elles seront contraintes de subir les lois incapacitantes appliquées à la gent féminine française. Leurs descendantes deviendront de simples femmes au foyer ‘‘ à la mode de la France ’’.


139 1816 – 1880 La grande mutation sociologique des mulâtres À partir de 1817, le développement de Saint-Louis déplacera lentement le pôle économique et politique ‘‘ communautaire ’’ des mulâtres de Gorée ‘‘ l’aristocrate ’’ où se trouve l’élite de cette petite communauté, vers Saint-Louis ‘‘ la roturière ’’. Le colonisateur français et les mulâtres investiront dans le développement économique du comptoir de Saint-Louis, second fief des signares depuis 1659 après Gorée. Le colonisateur incitera les hommes mulâtres à se polariser sur la nouvelle capitale de l’empire d’Afrique, par la création de postes administratifs et militaires taillées sur mesure pour eux. C’est essentiellement à partir de 1854 qu’à la civilisation signare se substituera une civilisation coloniale patriarcale en partie gérée par des dynasties d’hommes mulâtres issus en général des ‘‘ antiques ’’ familles goréennes. Le nouveau Sénégal qui se dessine dès 1854 n’a plus rien de commun avec le petit écosystème féminin signare des comptoirs du Sénégal. Habituées à être prises en compte dans les affaires politiques et économiques, elles seront peu à peu réduites au folklore. Leurs filles prises en main par l’éducation ‘‘ coloniale ’’ seront lentement acculturées, comme le suggère l’écrivain Pierre Loti dans Le Roman d’un Spahi. Les Français de cette fin de siècle ne seront plus des visiteurs de passage, comme à l’époque de la monarchie française, mais des colonisateurs. Ces derniers entendent bien s’enraciner durablement au Sénégal comme ils le font déjà en Algérie, et comptent imposer leur culture et leur mode de vie. L’agriculture, pensent-t’ils, permettra de rentabiliser la colonie du Sénégal qui leur coûte fort cher, depuis l’arrêt en 1816 de l’économie de la traite des esclaves, désormais interdite, suite au congrès de Vienne. La gomme arabique, première ressource du pays, ne suffit pas non plus à assurer la rentabilité des investissements en hommes et infrastructures de la France au Sénégal pendant la Restauration et le second Empire. Les Saint-Louisiennes, moins habituées à la conduite des affaires politiques que les Goréennes, ne pourront faire face au choc colonial (milieu du XIXe siècle).

À la fin de ce siècle, seuls les hommes mulâtres, véritables patriciens, seront séduits par ce nouveau monde, et eux seuls pourront relever les défis de la civilisation coloniale, jusqu’à ce que leurs descendances soient remplacées à leur tour au xxe siècle de l’administration qu’ils avaient en partie créée, par les nouvelles élites nègres.

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140 Source :

1816 L’arrivée honteuse du gouverneur Schmaltz au Sénégal

1819 Théodore Géricault peint La Méduse

Après la défaite de l’empereur Bonaparte à Waterloo, la monarchie est rétablie en France. Le gouvernement monarchique envoie l’amiral Schmaltz reprendre le comptoir du Sénégal avec l’accord des Anglais. Le 2 juillet 1816, le navire ‘‘ La Méduse ’’, commandé par le gouverneur Schmaltz, s’échoue sur un banc de sable aux abords de la Mauritanie. Le 5 juillet 1816, plusieurs chaloupes emmènent le gouverneur et une partie de sa suite, ‘‘ la France d’en haut  ’, vers Saint-Louis-du-Sénégal, tandis que cent quarante sept marins, ‘‘ la France d’en bas ’’, entassés sur un radeau sont lâchement abandonnés après que les cordes de tractions qui les reliaient aux chaloupes aient été tranchées par un officier de Marine sous la pression de Schmaltz. Une partie des survivants, partis sur des canots, furent capturés par des tribus arabes mauritaniennes lorsqu’ils abordèrent la terre. Ils eurent la chance d’être rachetés à leurs ravisseurs par les notables mulâtres de Saint-Louis, signares en tête, malgré les réticences du commandant anglais de Saint-Louis. Les naufragés du radeau seront retrouvés douze jours plus tard par ‘‘ l’Argus ’’, un navire de guerre français en route pour le Sénégal. Sur cent quarante sept marins, seuls quinze survivants furent retrouvés par les sauveteurs qui apprirent de la bouche de ces malheureux qu’ils s’étaient entre-tués et avaient même mangé des cadavres. Cette affaire provoqua un scandale en France, ce qui accentua le rejet de la monarchie (règne de Charles X) tout juste ‘‘ restaurée ’’. À Paris, le pouvoir monarchique eut la crainte que cette affaire provoque des insurrections populaires, encadrées par les républicains et les bonapartistes revanchards. La monarchie française de cette époque, que l’on nomme Restauration, aura beaucoup de mal à faire oublier cette triste affaire.

Le drame de la Méduse fut immortalisé par le peintre Théodore Géricault. Sur cette œuvre mondialement connue, on voit le brick L’Argus récupérant le 17 juillet 1816 au matin quinze survivants sur le radeau qui en avait contenu cent quarante-sept le 5 juillet 1816, date de l’évacuation du navire ‘‘ La méduse ’’*. L’Argus mouilla en rade de Saint-Louis le 19 juillet 1816 avec l’autorisation du gouverneur Anglais Schmaltz et les autorités anglaises firent une réception des plus brillantes aux survivants. Corréard et Savigny deux des survivants du radeau, relatent cette accueil : …l’un de ceux qui composaient ce nombreux cortège nous tendait une main, qui quinze jours auparavant, nous avait plongé le poignard dans le sein en larguant la remorque¹ . Les survivants font allusion à un officier qui exécuta les ordres du gouverneur Schmaltz en tranchant les cordes de tractions qui reliaient le radeau de la Méduse à sa chaloupe. Les malheureux furent conduits pour les cas les plus désespérés d’entre eux à l’hôpital de Saint-Louis, que le prince de Joinville décrira vingt ans plus tard comme l’antichambre de la mort. D’autres furent recueillis par des négociants français, mariés à des signares ou négresses libres comme messieurs Durécu, Lassale, Claude Potin, ou encore Barthélemy Valentin (le père de Barthélemy Durand Valentin, 1er député mulâtre du Sénégal) époux de la fortunée signare Rosalie Aussenac de Carcassonne. Au final, ne survécurent au drame du radeau de la Méduse que dix personnes. Cinq des rescapés moururent à l’hopital de Saint-Louis. Voilà, monsieur Géricault, un naufrage qui ne fera pas celui de l’artiste qui l’a peint.*

¹ Bordonove Georges Le naufrage de la méduse Paris, Édition Robert Laffont, 1873.

* Citation du roi de France Louis XVIII, lors de l’exposition, retranscrite dans Le Moniteur Universel du 30 août 1819. www.signare.com


141 LE SÉNÉGAL AU XIXe SIÈCLE, LES MOMENTS CLEF Iconographie Géricault Théodore Le radeau de la Méduse 1819, Huile sur toile Musée du Louvres, Paris. Carte du naufrage de La Méduse d’après Georges Dordonne Le naufrage de la méduse Paris, Robert Laffont, 1973.

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142 Iconographie : Vue de Sainte -Marie

1815 – 1817 Les signares et les Anglais construisent la ville de Sainte-Marie-de-Bathurst

de-Batrust in colonnel Frey, Op.cit.

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En 1816, le gouverneur anglais, le colonel Mac Carthy installé en Sierra Leone, tarde à rendre les comptoirs du Sénégal à Schmaltz qui patiente malgré lui sur la presqu’île du Cap-Vert (actuel Dakar) pour la raison, dit-il, qu’il n’a pas reçu d’ordre de Londres. Mais la vraie raison est que les Anglais entreprennent d’importants travaux de construction pour une nouvelle ville en Gambie (colonie anglaise), Sainte-Marie-de-Bathurst et pour cela, ils ont besoin de la main d’œuvre qualifiée des signares : les artisans-captifs (maçons, charpentiers, forgerons). Les Anglais considérant que les travaux conduits par le capitaine Alexandre Grant à Sainte-Marie-de-Bathurst n’étant pas encore assez avancés, ne veulent pas rendre Gorée dans ces conditions. Ils évitent ainsi de prendre le risque d’être coupés de ces précieuses ‘‘ entrepreneuses ’’ dont ils ne peuvent se passer. De plus, ils ont convaincu certaines signares de s’installer à Sainte-Marie-de-Bathurst. lls savent qu’elles seules seront capables de diriger les serviteurs, de travailler en bonne intelligence avec la population locale et de leur assurer la sécurité sanitaire face aux terribles maladies tropicales grâce à leur pharmacopée africaine.

Les familles mulâtres Lacombe (ou Delacombe), Lapolice, Turpin, Hamilton, Jouga (une signare Jouga venue de Gorée est l’épouse du gouverneur anglais Globstown en 1838) et bien d’autres feront souche à Sainte-Marie-deBathurst. Les signares goréennes et saint-louisiennes, qui construisirent la ville, emmenèrent avec elles de nombreux captifs de case wolofs. Installés par les maîtresses femmes dans cette ville, leur nombre fut si important que le quartier principal porta le nom de ‘‘ Wolof Town ’’.


143 1816 Schmaltz, le banni accepté à Gorée

1817 - 1822 1re tentative de colonisation agricole par Schmaltz

En cette année 1816, Schmaltz, après avoir été expulsé en douceur avec sa ‘‘ cour ’’ de Saint-Louis par les Anglais et certains notables mulâtres suite à l’acte honteux qu’il avait commis après le naufrage de ‘‘ la Méduse ’’, sera obligé d’attendre plusieurs mois sous une tente sur la presqu’île du Cap-Vert. Là, sa présence est tout juste tolérée par le chef lébou Matar Diop dit ‘‘ Elimane ’’, homme très à cheval sur les principes qui semble, lui aussi, avoir porté un certain mépris au ‘‘ honteux ’’ Schmaltz. Il ne lui donnera aucun secours quand les conditions de vie difficiles décimeront, un à un, les hommes et les femmes qui l’accompagnaient. En août 1816, les femmes de Gorée feront en sorte que le commandant anglais Mackensie consente à accueillir Schmaltz et sa suite sur l’île, où ils seront soignés et logés sur des bateaux dans le port. Schmaltz sera logé dans l’ancienne maison Laffitte & Dupuy avec sa femme et sa fille. Beaucoup de ces privilégiés mouront quand même, des suites des maladies contractées sur la presqu’île du Cap-Vert. Et ce n’est que le 15 février 1817, soit huit mois après son naufrage, qu’il pourra officiellement prendre ses fonctions de gouverneur français du Sénégal.

La traite des esclaves ayant été supprimée, le ministre de la marine Portal décide de faire du Sénégal une colonie agricole. En mars 1817, une société pseudo-philanthropique envoie deux cents émigrants pour cultiver la presqu’île du Cap-Vert. Les colons seront en partie décimés par les maladies, et les survivants seront rapatriés. Il s’agissait en fait du premier test à grande échelle, destiné à faire du Sénégal une colonie agricole au même titre que les Antilles françaises. Cette tentative de colonisation agricole s’appuyait en partie sur des hypothèses inspirées des travaux du savant Adanson qui vécut au Sénégal de 1749 à 1753 (voir première partie).

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144 Source : ¹ Lettre du ministre des

1822 Le baron Roger remplace Schmaltz et reçoit les recommandations d’usage

colonies du 9 janvier 1821 au gouverneur Roger. Archives nationales, Fond colonie, rue Soubise, Paris.

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Comme tout les gouverneurs qui se succèdent au Sénègal depuis le XVIIIe siècle, le baron Roger reçoit les recommandations d’usage.Avec lui, les populations métisses et nègres de Gorée et Saint-Louis ont toujours eu un statut privilégié grâce aux signares. En général la population de Saint-Louis et de Gorée doit être traitée avec beaucoup de ménagements. Composée en grande partie de nègres libres et de mulâtres qui ont joui jusqu’à présent de droits égaux à ceux des Européens et qui ont même le privilège d’avoir des maires pris parmi eux, il est très impor­tant de ne pas laisser introduire au milieu d’elle les distinctions de couleur et les préjugés qui exis­tent dans les autres colonies. Vous devez employer dans ce sens votre vigilance et tous vos soins, car c’est sur ces bonnes dispositions des naturels et sur leur fusion avec les Européens qu’est principale­ment fondée l’espérance de la colonisation.¹

1823 La loge maçonnique de La Parfaite Union La franc-maçonnerie française inspire de jeunes patriciens mulâtres et ceux-ci, certainement initiés par Le Grand Orient de France lors de leurs études en France, créent la premiere loge maçonnique d’Afrique avec l’aide du gouverneur Roger. Quelques indications nous sont données par le catalogue du fond orient-afrique de la bibliothèque Richelieu à Paris en 2005. On y relève le nom du gouverneur Jacques-François Roger en 1823, de négociants, de marins, d’officiers de santé, et les seuls membres nés au Sénégal sont des mulâtres pour la plupart.


145 Loge de la parfaite union Jean Batiste Aussenac-valantin commis de marine (descendant de la signare Caty Louet). François Michel Pellegrin maire de Saint-Louis. Nicolas d’Erneville (fils de signare et futur maire de Saint Louis) Louis d’Alsace (Louis Alsace fils de la richissime signare Marie Anne Blanchot de Verly, elle même fille du gouverneur Blanchot de Verly Charles-André, nègociant Pierre Kikou habitant Gorée (semble être un nègre libre chrètien, d’après le nom de famille) Pierre Yauyau commis auxiliaire de marine (semble être un nègre libre chrétien) Auguste, Joseph et Germain Crespin (fils de signares, ce dernier sera aussi maire de Saint Louis) Jerôme Aimé Barthèlèmy Valantin, négociant (fils de signare)

1823 – 1837 Correspondant avec le Grand Orient de France, règlement de la R : Loge de la Parfiate Union, à l’O de Saint Louis du Sènègal, impro,

1822 2e tentative de colonisation agricole par le baron Roger En 1822, convaincu lui aussi que le développement économique basé sur l’agriculture est l’avenir du Sénégal, le nouveau gouverneur du Sénégal, le baron Roger, qui succède à Schmaltz, persuade de nombreuses familles mulâtres de Saint-Louis et de Gorée d’investir dans ce secteur : beaucoup y perdront des plumes. Le baron Roger sera gouverneur du Sénégal de 1822 à 1827. Il distribuera des terres à vocation agricole dans la région de Saint-Louis grâce au mûlatre Charles Picard, neveu bien aimé de la reine du royaume du Wallo. L’expérience sera un échec en ce qui concerne le coton et des variétés de plantes importées d’Europe, mais il y aura des retombées, notamment dans les essais d’adaptation de plantes exotiques au Sénégal. Malgré tout, le baron Roger ne sera jamais renié par les Saint-Louisiens qui virent en lui un grand ami des nègres et des mulâtres, le seul qui alla jusqu’à écrire un livre reprenant les contes et légendes du Sénégal. Paradoxalement, au xxe siècle, on donna le nom de Faidherbe à la grande place de Saint-Louis, oubliant les gouverneurs Roger, Bouët et d’autres plus respectueux des ‘‘ indigènes ’’. Une erreur, qui, n’en doutons pas, sera réparée. Au final, seul le commerce de la gomme arabique, de l’indigo et de l’or seront encore à peu près rentables, jusqu’à ce qu’un ami d’Anna Colas de Saint-Jean, le Français Jaubert, découvre en 1840 le potentiel important de l’huile d’arachide. Les usines de la révolution industrielle française naissante seront des grandes consommatrices d’huiles industrielles, et l’arachide fera la fortune du Sénégal pendant la seconde moitié du XIXe siècle et de tout le xxe siècle.

LE SÉNÉGAL AU XIXe SIÈCLE, LES MOMENTS CLEF

33 cm 24 pages ....(la fin manque). Sources : Catalogue du fond Orient-Afrique, Bibliothèque Richelieu, Paris.

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1824 – 1843 Le temps des incertitudes économiques, création de la compagnie du Galam

1846 Barthélemy Durand Valentin, défenseur des notables nègres

Les hommes mulâtres de Saint-Louis se détournent de l’entreprise de colonisation agricole du baron Roger qui est un échec. Ils reviennent au négoce de la gomme et de l’or du Galam. Ils créent la Compagnie du Galam, à SaintLouis, et les actionnaires de cette société sont presque tous des hommes mulâtres ; leurs femmes ,‘‘ les signares ’’, ne comprenant pas l’utilité des ‘‘ sociétés ’’, concept occidental qu’elles jugent abstrait et inutile. Cette compagnie possède des comptoirs le long du fleuve Sénégal. Le président de cette compagnie est François Valantin, frère du futur premier député du Sénégal, Barthélemy Durand Valantin. Tous deux sont les fils de la signare Rosalie Aussenac de Carcassonne descendante d’une richissime signare du XVIIIe siècle, Caty Louet (Gorée). En 1824, la gomme représente 90 % des exportations du Sénégal. De la traite de la gomme dépend la prospérité de la communauté mulâtre et de la colonie. La compagnie du Galam existera de 1824 à 1843, date de la chute définitive du commerce du marché de la gomme, produit qui n’intéressera plus la France qui commence avec retard sur l’Angleterre sa révolution industrielle, la gomme étant remplacée par de nouveaux produits issus de l’industrie chimique. François Valantin est l’auteur d’un Mémoire sur le Sénégal, daté de 1819, dans lequel il décrit de manière précise les rouages économiques du Sénégal de cette époque. À noter que quelques traitants nègres d’importance commencent à apparaître. Ils préfigurent la naissance de la bourgeoisie nègre urbaine de la fin du XIXe siècle et sont issus en général de la caste des affranchis (ex-captifs de cases), signe de leur fortune. Ils possèdent aussi des maisons en brique. Tout ce système économique vieux de deux siècles disparaîtra en quelque mois en 1843 avec la chute de la demande de gomme en France. Les mulâtres s’orienteront vers le commerce de l’arachide.

Jusqu’en 1848, le Sénégal était considéré comme un simple comptoir. Les notables locaux n’étaient pas autorisés à envoyer un représentant en France, ce qui ne les empêcha pas de faire reconnaître leur maturité politique par des délégations envoyées en France en 1789 auprès de la convention, puis en 1791, 1827 et 1840. Cette reconnaissance politique a précédé et favorisé la reconnaissance politique des notables nègres de la fin du XIXe siècle par l’administration coloniale. L’existence de notables nègres dans la sphère politique existait au niveau local dès la fin du XVIIIe siècle. Les grandes familles mulâtres ont toujours défendu et encouragé l’évolution de leurs cousins nègres dans l’environnement colonial. Les mulâtres n’ont pas hésité a imposer au colonisateur cinq sièges pour des notables nègres sur la liste électorale de 1846 à SaintLouis. Ce n’était pas une nouveauté, puisqu’à Gorée, il y eût en 1763 un maire nègre, Antoine Kiaka. En ce milieu du XIXe siècle, Barthélemy Durand Valantin est véritablement l’incarnation des patriciens mulâtres qui prendront en main la destinée du Sénégal, et en particulier de la communauté mulâtre après la chute du pouvoir signare. Barthélémy Durand Valantin fut aussi le défenseur des intérêts des notables nègres de l’époque.


147 1837 - 1844 le gouverneur Bouët-Willaumez, l’ami des mulâtres et des nègres Bouët arrive au Sénégal en 1837. Il remonta avec un navire à vapeur le fleuve Sénégal jusqu’à Bakel. Atteint par les fièvres, il retourne en France. Il revient en 1838 pour remplir une mission d’exploration des côtes de l’Afrique occidentale, sur le brick ‘‘ La Malouine ’’. Capitaine de corvette en 1840 au Sénégal, il fut nommé gouverneur du Sénégal en 1842. À Gorée, où il fut commandant de la station navale, BouëtWillaumez compte parmi les amis intimes d’Anna Colas Pépin et de son mari François de Saint-Jean, avec qui il mit au point le projet de faire de l’île de Gorée une base navale de la flotte française susceptible de faire redémarrer les affaires commerciales, bien mal-en-point à cette époque. En 1843, il recevra à Saint-Louis et Gorée en grande pompe le prince de Joinville lors de son deuxième passage. C’est dans la maison d’Anna Colas que le gouverneur défendra auprès du prince le projet de base navale. Le prince soutiendra ce projet qui sera validé par l’administration à la fin de la guerre de Crimée en 1856, qui avait occulté tous les plans de développement des habitants des colonies. Ce gouverneur est aussi grand défenseur des intérêts de ses amis mulâtres de Saint-Louis. Il est à l’origine de la conquête militaire du fleuve Sénégal qui permit à la Compagnie du Galam, créée par des notables mulâtres en 1824, de continuer à prospérer. Malheureusement pour ces notables, le marché de la gomme européenne s’effondrera à partir de 1843, entraînant la faillite de la compagnie. Pour assurer la stabilité du développement économique de Saint-Louis, et en particulier de cette compagnie, il renforce la présence des troupes françaises le long du fleuve Sénégal et crée la première compagnie de spahis sénégalais. En 1856, à la fin de la guerre de Crimée où il occupe les fonctions de capitaine de vaisseau sous les ordres de l’amiral Hamelin, l’ex-gouverneur Bouët-Willaumez de retour en France, continuera à défendre les intérêts de ses amis mulâtres auprès du ministère de la Marine et des Colonies.

LE SÉNÉGAL AU XIXe SIÈCLE, LES MOMENTS CLEF Iconographie : Le Gouverneur BouëtWillaumez collection iconographique de Francis Bouët-Willaumez, année 2005, Saint Mandé, France.

3 Le Gouverneur E.Bouët-Willaumez Le prince de Joinville a eut comme mentor dans sa jeunesse l’amiral Willaumez, oncle du gouverneur Édouard Bouët-Willaumez. Le prince et le gouverneur ont donc quelques affinités qui ont facilité les projets de Bouët-Willaumez et de ses amis mûlatres. Le principale objectif de la Marine de Guerrefrançaise fut de combattre la traite négrière aboli depuis 1815. Édouard Bouët-Willaumez a participé en 1845, à la conférence de Londres sur la répression de la traite négrière. L’un des principaux résultat fut l’installation d’une flotte militaire française plus importante, sur les côtes d’Afrique occidentale, avec Gorée pour base. Dès 1845, chef d’état-major du contre-amiral Montagniès de la Roque, Édouard Bouët-Willaumez fit appliquer le traité de Londres sur la répression de la traite négrière. www.signare.com


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1848 Napoléon III lance la colonisation de l’Afrique profonde

1854 Faidherbe, le choc

En 1848, dans l’espoir de transformer les comptoirs du Sénégal qui coûtent fort cher à la France en colonies rentables à l’image des Antilles et de l’Algérie, Napoléon III, après avoir renversé la monarchie et banni la famille du prince de Joinville, se lance dans une véritable politique de colonisation poussé par des généraux en mal de conquêtes. Saint-Louis a beaucoup changé depuis l’arrivée du gouverneur Schmaltz en 1816. Elle est devenue une grande cité où l’on compte beaucoup plus de constructions en brique qu’à Gorée. À côté des maisons des mulâtres et des Français, s’intégraient les cases des nègres qui provoquaient beaucoup d’incendies à cause des toitures en paille. La France de Napoléon III s’apprête à imposer son ‘‘ nouvel ordre continental ’’ à ‘‘ l’axe du mal ’’ de l’époque, et Saint-Louis sera une base de départ des colonnes militaires et la capitale de l’empire français d’Afrique. Une Afrique que la France formatera presque à son image en moins cinquante ans, après avoir vaincu les rois nègres.

Au milieu du XIXe siècle les signares, contrairement à leurs maris, voyaient d’un mauvais œil les ambitions de conquêtes de leurs ‘‘ cousins ’’ d’Occident. Ce milieu de siècle est aussi le temps de la revanche de Saint-Louis ‘‘ la roturière ’’ sur Gorée ‘‘ l’aristocrate ’. En 1854, Faidherbe prend ses fonctions à Saint-Louis, capitale du tout jeune Empire colonial français d’Afrique noire, qui succède au temps des comptoirs royaux. C’est là que tout se décide, Gorée n’étant plus qu’une annexe de la capitale malgré quelques sursauts. La colonisation après Faidherbe amènera aussi une véritable invasion de ‘‘ petits blancs ’’ imbibés de racisme qui causeront bien des problèmes aux mulâtres comme aux nègres. Vers la fin du XIXe siècle, des nuages de ‘‘ petits blancs ’’ s’abattront sur le Sénégal. Cette fois les signares ne pourront pas les obliger à vendre serrures et gonds de leurs maisons pour survivre. Mais le temps des conquêtes s’incarnera à travers un ambitieux général Faidherbe. Le choc des civilisations commencera avec lui pour ne cesser qu’avec la domination complète d’une grande partie de l’Afrique au début du xxe siècle. L’occidental, au milieu de ce siècle, impose sa puissance militaire et sa culture imbibée de frustrations de toutes sortes à ‘‘ l’indigène ’’ mulâtre et nègre. Cette nouvelle situation provient, en ce qui concerne le Sénégal, du fait que le bien-être du ‘‘ blanc ’’ ne dépend plus de la bienveillance des nègres et mulâtres des comptoirs. Les progrès de la médecine et des moyens de transport plus rapides n’isolent plus le colon de son milieu d’origine. Il n’est donc plus ‘‘ acculturé ’’ par l’indigène qui avait su aux temps anciens lui inculquer la culture de la cohabitation respectueuse. Cette cohabitation, source du métissage sénégalais, était totalement différente du métissage des Caraïbes et des Amériques, fruit du viol et de l’abus de position dominante en général. L’agressivité et le manque de diplomatie des nouveaux ‘‘ grands blancs ’’ entraîneront des conflits avec les royaumes des environs de Saint-Louis. Le Wallo de la reine N’Dété Yalla sera le premier à faire partie en 1855 de cet ‘‘ axe du


149 mal ’’, bien qu’elle ait toujours entretenu de bonnes relations avec la France. Ces bonnes relations allèrent jusqu’à autoriser le baron Roger en 1822 à créer avec les mulâtres de SaintLouis les plantations de Richard-Toll. Cette grande reine du Wallo, morte en exil au royaume du Cayor, fut remplacée par son héritier le prince Sidia Diop qui sera l’âme d’une farouche résistance anti-française perdue d’avance. Toutefois, beaucoup de nègres des comptoirs ou de ces royaumes s’engageront dans les tirailleurs et spahis au service de la France, et constituront l’essentiel de la force militaire coloniale. Ces derniers voyaient dans l’avancée de la France conquérante un moyen efficace de régler des comptes avec leurs anciens maîtres, caste noble, rois négriers et tyrans, comme le décrit l’écrivain malien Amadou Amphaté Bâ dans son livre L’enfant Peul. Quant aux anciens comptoirs de Saint-Louis et Gorée, les préjugés racistes véhiculés par les congrégations religieuses, les administrations coloniales et le code civil déstructureront la société mulâtre et nègre urbaine. Faidherbe, dès le départ, incarne ‘‘ l’esprit raciste ’’, en déclarant être ‘‘ indigné ’’ de voir les libertés accordées aux ‘‘ gens de couleur ’’ à Saint-Louis et Gorée. Il critiqua la veille tradition du mariage ‘‘ à la mode du pays ’’. On était loin de l’état d’esprit du baron Roger qui écrivait, quelques décennies avant Faidherbe : Aucune des mille sottes vanités qui font honte à la raison humaine, n’est plus ridicule, plus méprisable que celle qui juge et classe les hommes par la couleur de leur peau, c’est une étrange maladie de l’esprit européen.³ Toutefois, le général une fois acclimaté à la culture tolérante saint-louisienne et père d’un enfant métis changea d’attitude et devint un peu plus ouvert d’esprit. Comme beaucoup d’occidentaux, Faidherbe était venu avec cette ‘‘ étrange maladie de l’esprit européen ’’ qui fut soigné par l’amour qu’il porta à sa belle et jeune compagne noire, trouvée aux abords du fleuve Sénégal, avec qui il se maria ‘‘ à la mode du pays ’’. Faidherbe tissa peu à peu des liens d’amitié avec certaines grandes familles mulâtres et en particulier avec la famille Maurel qui possédait la maison de commerce Maurel & Prom.

LE SÉNÉGAL AU XIXe SIÈCLE, LES MOMENTS CLEF

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150 Iconographie : Darondeau Signares 1842


151 LA FORTUNE DES SIGNARES AU XIXe SIÈCLE

La fortune des signares ne date pas du XIXe, mais du xviie siècle et certains voyageurs l’ont fort bien décrit dans leurs récits. Dès les origines apparaissent sur la petite côte des signares ayant le titre de gouvernante. Elles sont déjà fortunées grâce aux commerces qu’elles ont développés dans le secteur de cotonnades le long des côtes d’Afrique de l’ouest et des cuirs qu’elles exportent en Hollande. Ces maîtressesfemmes de la petite côte du Sénégal possèdent des serviteursartisans, tisserands, tanneurs, forgerons. Elles combattent avec leurs parents sérères et juifs la traite négrière qui n’en est qu’à ses balbutiements. Elles sont issues du métissage entre juifs portugais (ayant fui l’inquisition) et filles de chefs de villages sérères installés sur la petite côte. Une grande partie d’entre elles pratique un judaïsme à la façon du pays, d’autres un christianisme, souvent les deux à la fois, soupoudré certainement de croyances animistes sérères. Il y a d’ailleurs, au xviie siècle, dans les comptoirs de Rufisco, Saly et Portudal des synagogues construites par ces juifs portugais qui cohabitent avec les sorciers africains et qui s’accommodent fort bien du passage de quelques rares prêtres catholiques. Les rois nègres, très tolérants, autorisent la liberté de culte pour tous et châtient sévèrement toute forme d’intolérance religieuse. Ces juifs portugais sont surnommés lançados ‘‘ ceux qui se lancent à l’aventure ’’ par les autorités portugaises basées dans les îles du Cap-Vert. Beaucoup d’entre eux sont conseillers auprès des rois nègres ou de leurs beaux-fils. Ils sont à l’origine d’un développement économique majeur basé sur la traite des cuirs, cotonnades, de l’indigo, de la noix de cola et du sucre. La traite négrière n’existe pratiquement pas sur la petite côte à cette époque. Cette économie lançados fera l’objet de jalousie et de rivalité de la part des autorités portugaises des îles du CapVert qui tenteront de détruire à plusieurs reprises les comptoirs et les synagogues de la petite côte. Cette communauté mulâtre et leurs pères juifs sont à l’origine de l’installation des compagnies hollandaises, propriété de commerçants protestants et juifs. C’est donc ici* que naît au xviie siècle le temps des célestes signares qui marquera l’histoire du Sénégal.

LA FORTUNE DES SIGNARES AU XIXe SIÈCLE

* Sur la petite côte du Sénégal, dans les comptoirs de Joal, Saly et Rufisque. www.signare.com


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1594 – 1677 La fortune des signares de la petite côte du Sénégal

1777 Influente signare Caty Louet

En 1594¹, l’écrivain mulâtre Alvars d’Almada indique que les mulâtres, mulâtresses (signares) et leurs parents juifs portugais de la petite côte exportent vers la Hollande 6 000 à 7 000 cuirs/an. Ce volume augmenta rapidement à partir du moment où les Lançados et leurs enfants mulâtres furent de plus en plus nombreux. En 1606, le commerçant hollandais Van Den Broecke qui vivait sur la petite côte indique que les exportations de cuir ont un volume de 30 000 à 35 000 cuirs/an. En 1616, le père Manoel Alvares donne le chiffre de 50 000 cuirs/an. En 1647¹, Jao de Almeida, curé de Cacheu (Guinée) fourni le chiffre de 70 000 cuirs/an. En 1669, un autre écrivain mulâtre Cap-verdien, Coelho, donne le chiffre de 150 000 cuirs/ an, dont 60 000 qui partent du fort hollandais de Gorée, 35 000 à 40 000 de Rufisco et 50 000 des comptoirs sous contrôle anglais de Saint-James (Gambie). Coelho dit que l’on peut faire fortune dans le commerce des cuirs et cotonnades au Sénégal en trois années avec un petit capital de départ. Il dit aussi que les mulâtres, les mulâtresses et leurs pères lançados de la petite côte étaient si prospères qu’on les appelait ‘‘ les évêques de la côte ’’. Coelho confirme la ruine du commerce de la petite côte des mulâtres et de leurs pères juifs portugais par le blocus français de 1677. La France devient la puissance dominante au Sénégal après la prise des deux forts hollandais de Gorée. Les exportations de cuir chuteront en dessous de 20 000 peaux/an les années suivantes, car la France n’est pas intéressée par ce produit, mais par les esclaves. Le besoin d’esclaves des Européens et Américains pour leurs plantations provoquent des guerres entre royaumes nègres, devenus quelquefois négriers, pour le contrôle du marché. Cela provoque l’exode massif des mulâtres et juifs portugais de la petite côte. Les riches gouvernantes signares de la petite côte installeront peu à peu leurs descendances à Gorée et Saint-Louis, à l’abri des forts occidentaux.

Au XVIIIe siècle, un autre effet de la fortune, donc du pouvoir des signares, pouvait aller aussi jusqu’à influencer des nominations des gouverneurs du Sénégal ou leurs maintien en poste. Tout cela ne fut possible que grâce à leurs puissants liens de famille avec les milieux d’affaires aristocratiques et bourgeois français. Leurs importantes fortunes leurs permettaient de ‘‘ corrompre ’’ facilement les gouverneurs anglais et français. On découvre ainsi que la richissime Catherine Louet est si influente auprès de l’administration royale française qu’elle délivra en 1777 au gouverneur du Sénégal Le Brasseur deux attestations de bonne conduite qui lui permettront de rester en poste au Sénégal. Catherine Louet possédait une propriété bâtie de 4 000 m2 à Gorée et pas moins de 64 captifs des deux sexes. Elle est peut-être la fille ou petite fille de la non-moins célèbre signare Cattelina, gouvernante du comptoir de Rufisco. Les signares au XVIIIe et XIXe siècle surent démontrer qu’elles étaient des véritables ‘‘ entrepreneuses ’’ capables de diriger leurs équipes de captifs artisans pour construire leurs maisons ou fournir différents services aux autorités occidentales des comptoirs. Leur légendaire et réel pouvoir de séduction n’était donc qu’une corde de plus à leur arc.


153 Le gouverneur E. Bouët-willaumez décrit le rôle économique de Gorée au XVIIIe siècle dans l’économie locale D’après le gouverneur Bouët-Willaumez la compagnie de la gomme française disposait de caboteurs qui faisaient la navette entre Gorée et les comptoirs de Gambie et de Guinée (Bissago). Là-bas, les Européens échangeaient la verroterie contre de l’or vendu par des Portugais. Cette verroterie leur servait ensuite de monnaie d’échange dans leurs transactions avec les chefs mandingues à qui ils achetaient de l’or, de l’indigo et des esclaves. Enfin, les Portugais exportaient à partir des comptoirs de Gambie et de Guinée leurs esclaves directement vers leurs colonies. Les Français, eux, ramenaient l’or à Gorée dont une partie servait à payer les services et produits des signares (gomme, indigo, location immobilière, nourriture, médicament). Les signares fournissaient des services divers et vivaient donc de la captation des flux financiers engendrés en partie par la traite négrière, comme les habitants des villes portuaires d’Europe. Elles surfacturaient leurs produits et services et rétribuaient de manières illégales les fonctionaires français ou anglais qu’elles avaient corompus. Ces redoutables ‘‘ business woman ’’ ont suscité de nombreuses plaintes de la part de témoins comme le sieur Adanson. Ce n’est qu’à ce niveau que se situait la participation des maîtresses femmes de Gorée à l’économie nègriere, ni plus ni moins que les artisans et petits commerçants français qui fournissaient les navires en partance pour l’Afrique. Les marchandises qui servent aux échanges des produits détaillés ci-dessus sont françaises ou étrangères : les premières consistent en étoffes de France et de l’Inde, fusils, ambre, verro­teries, eaude-vie et tafia ; elles soutiennent maintenant, avec succès, la concurrence anglaise que l’on rencontre à chaque pas sur le littoral ; nos guinées indiennes y trouvent un grand dé­bit ; celles de Rouen, bien plus chères que ces dernières, y ob­tiennent cependant la différence de prix : nos fusils même com­mencent à être bien vendus ; nos spiritueux y sont supérieurs à tous autres, et quant aux verroteries, coraux, ambre, etc., notre commerce, qui les a de première main, peut les vendre à meilleur marché

que le commerce anglais. Au sujet des verroteries, nous ferons remarquer que le chiffre de leurs importa­tions a subi depuis quelque temps une assez forte dépression ; mais il n’y a pas lieu d’en regretter la cause : la plus grande partie de ces verroteries, coraux, ambre, etc., étaient portés par nos caboteurs dans les établissements des Bissagos, et, une fois là , vendus par des Portugais à des Mandingues marchands d’or, lesquels aboutissaient de l’intérieur à ces foyers de traite avec des esclaves à vendre comme complément de leurs mar­chandises de caravane ; mais, la traite des esclaves ayant gran­dement diminué dans ces parages, les marchands d’or ont cessé d’y aboutir, de même qu’ils ont depuis longtemps oublié la route de Gorée : il en est résulté que les importations de ver­roteries, dont le commerce de Gorée approvisionnait ces points, ont subi une dépression notable, de laquelle il y a lieu, selon nous, de s’applaudir.¹

LA FORTUNE DES SIGNARES AU XIXe SIÈCLE Source : ¹ BouËt-Willaumez É. Commerce et traite des noirs aux côtes occidentales d’Afrique. Lorsqu’en 1847, il acheva la rédaction de cet ouvrage sur la traite des noires, il n’était plus Gouverneur mais Capitaine de vaisseau. Bibliothèque Nationale de France, F. Mitterrand ou Archives Nationales, 1848.

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154 Sources : ¹ Recensement

1837 Anna Colas, la plus riche signare de Gorée au XIXe siècle

de la population captive en 1848 de Gorée Archives nationales, Paris. ² Cariou C. Promenade à Gorée Op. cit.

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En 1837, soixante années après que Caty Louet eut délivré des attestations de bonne conduite au gouverneur Le Brasseur, Anna Colas Pépin (nièce d’ Anne Pépin, maîtresse du chevalier de Boufflers, et fille de Nicolas Pépin, notable mulâtre, et de la signare Marie-Thérèse Picard) semble être, dans l’état actuel des recherches, la plus fortunée et influente signare de gorée. Sa richesse, comme nous l’indique des actes notariés, est surtout faite de matrimoine (patrimoine) immobilier et de nombreux navires, des cotres de six mètres qui lui servaient pour son commerce de cuir, de gomme, d’indigo, etc. Comme d’autres signares, elle louait une partie de ses biens immobiliers et serviteurs à l’administration coloniale. Anna Colas Pépin possédait des équipes de captifs de case spécialisés dans la charpenterie, la maçonnerie, la bijouterie, le tissage et autres métiers artisanaux. À Gorée, en 1848, il n’y avait pas moins de 70 tisserands, 56 menuisiers, 38 charpentiers, 87 maçons, 10 forgerons, 9 tonneliers, 6 tailleurs, 49 cuisiniers…¹ tous à leur service exclusif. La maison d’Anna Colas Pépin était connue au XIXe siècle de tous les voyageurs de marque sous le nom de ‘‘ maison d’Anna Colas ’’. Elle apparaît sur les dessins du peintre d’Hastrel en 1839 et dans la revue Le tour du monde (1861) de l’admirable d’Édouard Charton. Anna Colas y reçut de nombreux visiteurs de marque, notamment le prince de Joinville et la plupart des gouverneurs du Sénégal. Le rezde-chaussée de cette magnifique maison bourgeoise du XVIIIe siècle servait de domicile pour les captifs domestiques et de stock pour les outils des captifs-artisans. Une porte du rez-de-chaussée donnant sur la mer servait de vide ordures. Anna vendra sa maison aux alentours de 1848 pour s’installer à Dakar, ville dont elle est l’une des fondatrices. Une trentaine d’années après son décès, la maison fut achetée en 1921 par le bijoutier Jean Thiam, par l’intermédiaire de l’avocat-député Lamine Guèye. Thiam participa à plusieurs Expositions Universelles en France entre 1899 et 1910, coorganisées par Léopold Angrand, fils d’Hélène de Saint-Jean.

Au xxe siècle, après la seconde guerre mondiale, la ‘‘ Maison d’Anna Colas ’’ fut rebaptisée de manière fantaisiste de ‘‘ maison des esclaves ’’ par un ‘‘ conservateur ’’ à l’imagination débordante, s’appuyant sur la ‘‘ thèse ’’ d’un médecin français² quelque peu originale. Il n’y a jamais eu le moindre esclave de traite dans cette demeure mais de simples domestiques presque membres de la famille : une fantaisiste histoire pour touristes qui tournait au ridicule le travail de mémoire de la traite négrière. Aujourd’hui, cette manipulation est vivement condamnée par de nombreux chercheurs africains, américains noirs et européens.


155 1842 La signare Marie Anne Blanchot de Verly, l’une des plus riches maîtresses-femmes de Saint-Louis et de Gorée

‘‘ richesse ’’. Les processions catholiques (fanals) des signares de l’époque ressemblaient à de véritables défilés de couture parisiens.

LA FORTUNE DES SIGNARES AU XIXe SIÈCLE Source :

En 1842, une personnalité émerge parmi d’autres à SaintLouis : la signare Marie Anne Blanchot, fille du gouverneur Blanchot de Verly. Elle influencera de manière importante le destin de la colonie du Sénégal. Marie Anne Blanchot de Verly est, semble-t’il, la plus riche maîtresse femme de SaintLouis. Le nombre de cent onze captifs indique son rang dans la société mulâtre : il est le cumul de sa fortune personnelle considérable avec celle de son mari Georges d’Alsace. Cela explique pourquoi son fils héritier, Louis d’Alsace, se retrouvera en 1842 propriétaire de cent onze captifs. D’autres signares contemporaines comme Marie Laboure, … Dubois, Charlotte Pellegrin et la signare Wilcook dépassent à titre personnel la fortunée Marianne Blanchot de Verly, et peuvent aussi être comptées parmi les signares saint-louisiennes plus fortunées de cette époque. Quoi qu’il en soit, le rendement d’un captif étant très faible en 1836, 37 F par an d’après l’ordonnateur Guillet¹ et la plupart de ces captifs ou plutôt familles de captifs étaient dans la famille depuis parfois plusieurs générations, et beaucoup étaient âgés ou inactifs. On peut considérer que la fortune des signares est souvent surévaluée par les chercheurs, à cause du nombre impressionnant de captifs dont elles étaient propriétaires, car dans toute comptabilité concernant les fortunes des maîtresses-femmes, il faut tenir compte des nombreux inactifs qui leur coûtaient fort cher. Sans mettre en doute le rang de ces dames, il faut intégrer dans tout raisonnement concernant le système économique signare, le fait que le prestige comptait beaucoup plus que l’argent. On mesurait donc le rang d’une signare de distinction à ses biens : maisons, bijoux et surtout au nombre de captifs qui constituaient leur cour. Une signare se rendant à la messe ou à un bal était obligatoirement entourée de sa cour de captifs, tout aussi richement vêtus, ce qui pouvait provoquer une sévère compétition entre elles, chacune souhaitant afficher son ‘‘ rang ’’et sa

¹ Notes de l’ordonnateur Guillet sur la captivité du 29 janvier 1836.

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156 Source :

Mbotaye, une mystérieuse confrérie féminine signares

¹ Bâ Amadou Ampaté

L’un des secrets de la réussite économique et politique des signares provient de leur organisation sociale basée sur les confréries matriarcales, à caractère familial, dont le but était en dehors de l’aspect festif d’organiser la vie sociale et économique de leur petite communauté-famille, toujours en douceur. Les signares surent de tout temps, entre femmes exclusivement, mettre au point des stratégies de management communautaire qui allaient de l’arrangement de mariage destiné à maintenir le capital économique au sein des familles, à une politique de lobbying auprès des autorités des comptoirs royaux du Sénégal, puis de l’administration coloniale. Les hommes mulâtres, jusqu’au début du XIXe siècle, managés en douceur par les maîtresses femmes ne faisaient souvent qu’accompagner des décisions prises au sein de ces Mbotaye. Cette forme d’organisation en confrérie matriarcale provenait de leurs cultures ouest-africaines. De tout temps, il exista au sein des sociétés d’Afrique de l’ouest une place pour les confréries de femmes dans les organes de décisions collectifs des villages. L’écrivain malien Amadou Amphaté Bâ le décrit au xxe siècle dans L’enfant Peul¹, lorsqu’il raconte de manière autobiographique son enfance malienne où l’on voit apparaître des figures de femmes fortes, sa mère en particulier. Le matriarcat signare n’a rien de commun avec le fantasme occidental, souvent à connotation sexuelle, des ‘‘ amazones ’’ issues de mythes grecs : ce n’est en fait que la civilisation des mères, une civilisation non violente qui sut créer le juste équilibre entre hommes et femmes. Le code civil français rompra ce fragile équilibre au milieu du XIXe siècle. Au final, dans cette micro-civilisation, les hommes n’avaient pas grand-chose à faire, à part jouer le rôle de médiateur entre signares dans les rares cas où cela fut utile. Chacun s’occupant de ses affaires pour le plus grand bonheur de tous.

Op. cit.

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1853 Un Mbotaye des signares décrit par L’abbé Boilat Je n’ai point donné de costume ni de type d’hommes de couleur, appelés habitants du Sénégal ; leur type tient de la race caucasique, et leur costume est tout à fait français. Il n’en est pas ainsi des fem­mes connues sous le titre de signares, qui ont encore conservé leur costume particulier. Celle que l’on voit sur la planche no1(sa nièce de Saint-Louis peut-être), est telle qu’elles se trou­ve dans leur intérieur. Les dames signares sont logées à peu près comme en France ; leurs maisons sont bâties de brique ou de pierre, n’ayant qu’un seul étage (à SaintLouis)et parfaitement aérées. Les signares sont divisées par sociétés ou compagnies connues sous le nom de Mbo­taye. Sont de la même société toutes celles du même âge, même rang, et le plus souvent, du même quartier. Les jours de réunion, le mbotaye est convoqué dans la maison d’une des sociétaires où ces dames doivent passer toute la journée en réjouissance. Chaque mem­bre contribue, dans ce cas, aux frais des repas et des rafraîchisse­ments. Pour les mariages, les naissances et les sépultures d’une sociétaire ou d’un parent, le mbotaye est convoqué. C’est aussi dans ces réunions que les dames se consultent au besoin et se donnent des avis réciproques pour leur gouverne. Avant la promulgation du Code Civil, on ne donnait de nom aux nouveaux-nés que le huitième jour après leur naissance. Aujourd’hui, obligés de les déclarer le plus tôt possible à l’état civil, les habitants ont renoncé à une partie de l’ancien usage, mais il en reste toujours quelque chose : c’est ce qu’on appelle la première sortie de l’enfant. Les signares du même mbotaye envoient des plats recherchés, du vin vieux, des légumes et de la bière ; elles s’y rendent avec les parents et les amis, suivies chacune de plusieurs domestiques, vêtues richement de mboubes brodés avec finesse et avec art ; le cou, les oreilles, les bras et les pieds ornés de bijoux d’or. Autrefois, en ces circonstances solennelles, les hommes mangeaient dans une salle, les femmes dans une autre, et, après le repas, les griots arri­vaient avec leurs tamtams ; les dames dansaient et chantaient des airs wolofs. Ces usages se perdent par les progrès de la civilisation. La plupart des signares se mettent à table avec les messieurs ;


157 tous dansent à la française, quand il y a lieu ; s’il se trouve des musiciens, on les invite, quelquefois même on s’adresse à la musique du batail­lon, mais, faute d’amateurs, on se sert d’un orgue de Barbarie. Je dis que le plus grand nombre de ces dames mangent à table avec les messieurs ; mais cependant elles préfèrent prendre leur repas séparé­ment des hommes, pour être plus à leur aise. Alors elles étendent des nattes à terre, se placent en cercle, les jambes croisées ; une jeune domestique fait le tour du cercle, offrant de l’eau dans une calebasse pour se laver les mains, et une autre présente une ser­viette pour s’essuyer. Après avoir fait un signe de croix, elles emploient la cuiller que le père Adam leur a léguée en héritage, et le repas se passe gaiement. Lorsqu’il n’y a pas de danse après le dîner, elles entonnent ou improvisent quelques couplets, suivant les circonstances.¹

1659 - 1848 La fortune des signares se mesurait aussi au nombre de captifs de case

LA FORTUNE DES SIGNARES AU XIXe SIÈCLE

À Saint-Louis, seules les propriétaires de maisons en brique apparaissent sur le recensement des propriétaires de 1842. On y trouve vingt quatre maîtresses femmes, et treize maîtres seulement. À Gorée, l’écart est encore plus grand. La majorité des captifs des signares n’était pas ‘‘ achetés ’’, mais venaient en héritage. Ils faisaient partie de la famille depuis plusieurs générations. Il était courant de voir cohabiter des familles de maîtres et de captifs sur trois, voire quatre générations. La transmission du statut de signare, de la mère à la fille, allait de pair avec la transmission de la responsabilité juridique des actes des captifs et de la charge financière importante qu’ils représentaient. L’abolition de l’esclavage fut l’occasion pour certaines familles mulâtres de mettre fin à leurs obligations financières et morales vis-à-vis des captifs sans culpabiliser. Les liens affectifs et moraux qui existaient de tout temps entre maîtresses et captifs expliquent pourquoi les notables mulâtres avaient prévu pour ces derniers des solutions de reclassement, comme l’offre de terre et une aide financière pour ceux qui souhaitèrent s’installer dans les nouvelles dépendances de Saint-Louis (quartiers de N’Dar-tout, Bouët-ville, Sor) et celles de Gorée (ville nouvelle de Dakar et Rufisque ). À noter qu’il exista aussi de tout temps des maîtres nègres à Saint-Louis. Du côté des maîtres nègres musulmans, seuls Samba Agui et Massamba Sina, uniques propriétaires de maisons en briques à Saint-Louis, sont référencés, au milieu du XIXe siècle, car la plupart des autres maîtres nègres musulmans habitaient avec leurs captifs dans des cases. De plus, à Saint-Louis, ils interdisaient tout recensement par superstition, mais aussi pour échapper à un éventuel impôt fixé en fonction du nombre de captifs. Au début du XIXe siècle l’administration française, n’étant pas en position contrôler quoi que ce soit sans l’avis des chefs nègres et de la population, attendra quelques années avant de dicter ces règles, par la force de ses spahis* et tirailleurs*.

Sources : ¹ Abbé Boilat Op. cit. Planche 1 des esquisses Sénégalaise avec texte. ² Rosière Pierre La garde rouge de Dakar, saphis et gendarmes du Sénégal Dakar, Editions 2000, 1984 Iconographie : Mbotaye (détail) in Colonel Frey, Op. cit.

* Soldats de l’Empire colonial. www.signare.com


158

Maîtresses-femmes et maîtres* de Saint-Louis en 1842

Nombre de captifs de case

Maîtresses-femmes et maîtres* de Saint-Louis en 1842

Nombre de captifs de case

Signare Marie Laboure

115

Barthélemy Durand Valantin**

37

Louis Alsace (mulâtre) fils de la signare Marie Anne Blanchot de Verly (fille du Gouverneur Blanchot de Verly, voir portrait ci-avant)

111

Signare Marie Valantin

34

Signare Sophie Feuilletaine

31

Signare Dubois

79

Signare Magdeleine d’Erneville

29

Signare Charlotte Pellegrin

74

Signare … d’Erneville

29

Fils de la signare Wilcook , Joseph Crespin hérite des captifs de sa mère

64

Signare Herice

27

Maître nègre Samba Agui (logeur de Loti en 1872 peut-être)

57

Signare Betty Pellegrin

26

Fils de signare, Théo Dard

24

Signare Carpot

56

Signare d’Erneville

23

Signare Nanette Bouton

50

Signare Angélique Situane

23

Maître nègre Massamba Sina

47

Signare Hélène Porquet

22

Fils de signare, Pierre André

45

Signare Louise Carpentier

22

Fils de signare Jérôme Pellegrin

45

Signare Anna Malivoire

20

Signare Catherine Valantin

44

Signare Mac Namara

20

Signare Mariane Porquet

44

Fils de signare, M. Maurel

18

Fils de signare, Germain Crespin

44

Signare Elisa Pellegrin

15

Fils de signare, … Provost

41

Signare Sophie Audibert

15

Fils de signare, Charles André

40

Fils de signare Charles Pellegrin

10

* Seuls les maîtres nègres possédant des maisons en brique apparaissent sur le recensement des notables fait en 1848.

** Fils de la signare Rosalie Aussenac de Carcassonne, www.signare.com


159 1720 - 1848 La fortune des signares en moyenne cinq fois plus importante que celle de leurs époux Paradoxe de l’histoire, c’est au crépuscule de la civilisation signare que leur richesse est la plus mesurable et comparable à celle de leurs époux mulâtres ou blancs. Cette visibilité est due à l’application stricte des lois françaises en matière de succession. Au xviie et XVIIIe siècle, les héritages se transmettaient en grande partie à la suite d’engagements verbaux des parents faits en public dans la communauté mulâtre. Avec l’implantation des normes juridiques françaises, le code civil en particulier, seuls les écrits seront reconnus. La fortune des signares devient dans leur période de déclin subitement quantifiable au franc près. L’installation de notaires professionnels au Sénégal marque une étape décisive de la normalisation de la colonie du Sénégal. La fortune des maîtresses-femmes goréennes et saintlouisiennes apparaît dans les actes notariés au milieu du XIXe siècle comme étant, en grande partie, constituée d’un patrimoine foncier légué de mère en fille, et que l’architecte Xavier Ricou-Crespin appellera en 1984 dans son mémoire d’architecture¹ un ‘‘ matrimoine ’’. Cette visibilité apparaît au moment où s’amoindrit lentement la fortune et la cohésion de la communauté mulâtre. Dans les contrats de mariage conservés aux archives nationales du Sénégal et aux archives nationales de France, on peut constater quels beaux partis sont les femmes métisses. L’apport de l’épouse est toujours supérieur à celui de l’époux. Cet écart de fortune important entre hommes et femmes au XIXe siècle, au crépuscule des signares, l’était encore plus au XVIIIe siècle pendant leur âge d’or durant lequel elle firent la fortune de nombreux gouverneurs, officiers français et anglais mariés avec elles ‘‘ à la mode du pays ’’. De nombreux exemples le démontrent. En voici quelque-uns : la signare Anna Colas commence à vendre sa petite flotte en 1833 afin de financer l’achat de terrain à Dakar ; un navire est vendu 1 100 francs à monsieur François Fontenay, une somme importante à l’époque. Plus tard, la signare Anna Colas Pépin vendra aussi des maisons pour constituer la dot

de ses filles, à commencer par Marie-Thérèse de Saint-Jean qui utilisera une partie de sa dot pour aider son mari mulâtre Adolphe Cabueîl à démarrer son entreprise. 1. Le 26 mai 1842, Adolphe Cabueil (beau-fils D’Anna Colas) négociant mulâtre de Gorée, membre du conseil communal de Gorée, fondateur de la maison de commerce Cabueîl et d’Huvîller et Marie Thérèse de Saint-Jean, propriétaire, habitante indigène de l’île de Gorée, (fille de François de Saint-Jean, maire de Gorée et de Anna Colas Pépin) établissent un contrat dotal de mariage où sont mentionnés les apports respectifs: M. Adolphe Cabueîl, annonce une dot de 11 600 francs de biens contre 50 510 pour la dot de la signare Marie Thérèse de Saint -Jean. 2. Le 12 juillet 1871, Da Rosa Alvarez, employé des Messageries Nationales à Dakar et Laurence Bishopp, concluent toujours sous le régime dotal un contrat analogue : Laurence Bishopp, apporte 4 538,75 francs en valeurs mobiliaires et 12 863 francs en immeubles, « Le mari démuni n’a déclaré aucun bien ». 3. Le 30 octobre 1871, Louis François Begat, maître menuisier à Dakar reconnaît avoir reçu de sa future épouse Thérèse Anne Boucher « 6 000 francs constitués en dot ». 4. Lors du mariage de Pierre François Dagobert Dupuy en 1872, aide commissaire de la marine, délégué de monsieur le contrôleur colonial à Gorée et de demoiselle Marie Elizabeth Potin, la future reçoit de ses parents (Elizabeth Newton et Durécu-Potin Maire mulâtre de Gorée) une créance de 11 671 francs due par Marie Thérèse de Saint-Jean (fille d’Anna Colas).²

LA FORTUNE DES SIGNARES AU XIXe SIÈCLE Sources : ¹ Ricou-Crespin Xavier Mémoire de 3e cycle d’architecture de juin 1984, Sorbonne. ² Reyss Nathalie Thèse de Doctorat de IIIe Cycle 1982 - 1983. Université de Paris I Sorbonne, Histoire africaine et Archives Nationales de France, Fond Colonie.

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160 Sources : ¹ Zuccarelli François

1822 - 1848 La fortune des signares transmise aux patriciens pendant le XIXe siècle

La vie politique Sénégalaise (1789 - 1940) Paris, Publication de cheam, 1988. Diffusion : La documentation française. ² Wesley Jonhson G. Naissance du Sénégal contemporain Kartala, 1991.

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C’est dans la période qui suit l’arrivée du baron Roger, après 1822, que la petite société mulâtre du Sénégal va se transformer en passant lentement du ‘‘ matriarcat signare ’’au ‘‘ patriarcat à la façon de la France ’’. C’est essentiellement à partir d’une nouvelle vague d’union entre signares de Gorée et leurs cousins mulâtres de Saint-Louis, mais aussi avec des jeunes Français peu fortunés, que naîtront les grandes dynasties patriarcales saint-louisiennes de la seconde moitié du XIXe siècle. Leurs épouses signares leur apporteront un matrimoine vieux de plus d’un siècle, surtout à Gorée où l’endogamie forte et la culture de caste sévère permirent l’accumulation d’importants capitaux sous forme de matrimoine. C’est donc à partir de ces alliances que les patriciens mulâtres ou les jeunes loups blancs bâtiront leur propre fortune. À noter qu’il y eut de tout temps des unions entre mulâtres de SaintLouis et de Gorée, la généalogie démontre qu’il s’agit depuis le début du XVIIIe siècle des mêmes familles. La plupart des noms de famille mulâtres qui vont faire l’histoire du XIXe siècle sénégalais sont issus de ces mariages : ce sont les Angrand, Crespin, Dodds, Guillabert, Descemet, Devès, Potin, Valantin, Bancal… Les nouveaux noms de famille introduits au XIXe siècle dans cette communauté par des non-mulâtres, mariés à des signares, peuvent laisser croire à tort qu’il s’agit de nouvelles lignées. Il faut donc percevoir l’apport extérieur, comme un ajout d’une branche à un arbre déjà vieux de plusieurs siècles. Par l’effet du mariage, les noms de famille des hommes se superposent aux noms de famille des signares, souvent beaucoup plus anciens, et qui remonte au début du XVIIIe siècle : De Saint-Jean, Dupuy, Aussenac de Carcassonne, O’hara, Porquet, Blanchot de Verly, Touranjou, D’Erneville de Maubuisson, Boucher. Ce qui caractérise le XIXe siècle, c’est l’importante migration dans un court laps de temps (1822 - 1840,environ) de familles goréennes à Saint-Louis pour plusieurs raisons : la première étant que l’île de Gorée manque de logements

à cause de sa surpopulation, et l’autre, que le colonisateur souhaite faire de Saint-Louis une capitale d’empire et du Sénégal une colonie agricole. Les abords du fleuve Sénégal serviront de point de départ pour cette nouvelle politique grâce en partie à Charles Picard, neveu de la reine du Wallo, Ndaté Yala. Ce plan ambitieux se concrétisera en partie pendant la première moitié du XIXe siècle, ce qui amènera les familles goréennes à investir à Saint-Louis d’abord, puis sur la presqu’île du Cap-Vert (Dakar) et enfin à Rufisque sur la petite côte à l’aube du xxe siècle. Il est significatif de voir au milieu du XIXe iècle, le mulâtre (métis) François de SaintJean, maire de Gorée cofondateur de Dakar (avec sa femme Anna Colas) aux affaires, pratiquement en même temps que son beau-fils Barthélemy Durand Valantin qui lui est maire de Saint-Louis et 1er député du Sénégal. Le code civil français imposé aux femmes masque à partir de 1830 leurs rôles incontestables dans la politique locale. L’aquarelle du peintre Nousveaux de 1846 peut donner une idée du rôle fondamental qu’elles occupaient encore dans la société des comptoirs du Sénégal, jusqu’au milieu du XIXe siècle. En 1848, le premier député du Sénégal, le mulâtre Barthélemy Valantin devra sa réussite politique et économique en partie grâce au mariage qu’il contracte avec la signare Mary de Saint-Jean, sa cousine, fille d’Anna Colas. Tous deux sont issus de vielles lignées mulâtres qui remontent au début du XVIIIe siècle d’après la généalogie et certainement au xviie siècle si l’ont tient compte de la migration des signares de la petite côte à Gorée. C’est donc dans la seconde partie du XIXe siècle que débute le temps des hommes, temps des patriciens, que nous aborderons sans trop rentrer dans les détails. Cette période des patriciens qui s’étend à peu près de 1848 à 1920 mériterait à elle seule un livre. Je renverai les lecteurs à l’excellent livre de François Zuccareli, La vie politique Sénégalaise 1789 – 1940¹, ou à celui de Wesley Johnson, Naissance du Sénégal comtemporain 1900 - 1920.² Le crépuscule des signares et l’ascension des patriciens, leurs époux et fils mulâtres, correspond à un transfert des richesses accumulées quelquefois depuis plus d’un siècle. Une fortune qui passera de la mère au fils ou de l’épouse


161 à l’époux par une sorte de vase communiquant juridique imposé en douceur par le colonisateur français à partir de 1830. Le code civil interdit aux femmes de commercer à l’international sans l’autorisation de leurs époux et de l’administration.

1822 – 1860 De jeunes loups blancs épousent des signares de Saint-Louis et Gorée

LA FORTUNE DES SIGNARES AU XIXe SIÈCLE

Vers 1848, des sociétés de négoces bordelaises, créeront des entrepôts pour l’arachide et participeront à la création de docks modernes sur l’île de Saint-Louis, mais très peu réusiront à s’implanter durablement. De jeunes français à la recherche de la fortune, souvent venus de Bordeaux ou Marseille (France), les Devès, Maurel, Prom, Delmas et bien d’autres feront souche à Saint-Louis par le mariage avec une riche héritière signare. À leurs époux français, les signares apportèrent leur fortune et un réseau de contacts locaux pour le commerce et eux, leurs entrées auprès des huileries françaises de Bordeaux ou de Marseille.

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162 Source :

La société ‘‘ Maison Devès ’’

¹ De Lestapis Raoul

Justin Devès (no1) à la suite de la faillite de son père, JeanRaymond Devès, survenue à Bordeaux en 1806 et qui avait ruiné toute sa famille, résolut en 1807 à l’age de dix huit ans, de s’expatrier et de tenter fortune en Amérique. Il s’embarqua comme matelot à Bordeaux sur un voilier américain le 21 novembre 1807 et après une traversée longue, mouvementée et pénible, débarqua le 21 février 1808 à la Nouvelle Orléans qu’il quitta au bout de cinq mois pour s’établir à Philadelphie ou il séjourna, sans moyen financier, jusqu’à fin 1809. Le 1er décembre 1809 il s’embarqua sur un navire pour arriver le 15 mars 1810 à Saint Louis du Sénégal. Il y fut reçu, hébergé et employé par un certain Potin. (L’immeuble ou fut installé plus tard le siège de la société sur l’île de Saint-Louis porta le nom de Potin qui semble être devenu un ami de sa famille). En 1812, tout en restant chez Potin, il commença à traiter quelques affaires pour son propre compte avec l’assentiment de Potin et en 1815, il semble avoir volé de ses propres ailes.* En 1818 (28 octobre), il revint à Bordeaux ou il resta cinq mois avant de repartir pour le Sénégal le 15 mars 1819. Vers cette époque, il fut rejoint à Saint Louis par ses deux frères, Bruno et Édouard, avec lesquels il s’associa le 1er mai 1821 et auxquels il confia la gérance de ses affaires du Sénégal avant de rentrer cette même année (1821) à Bordeaux pour arranger les affaires de son père de plus en plus embarrassées et difficiles. Dès son retour à Bordeaux, il s’employa à mettre en ordre ces affaires et il eut la satisfaction, après avoir désintéressé au moyen des bénéfices de ses premières années de commerce au Sénégal tous les créanciers de son père, d’obtenir la réhabilitation paternelle par un arrêt de la Cour Royale de Bordeaux du 30 juin 1823. À partir de ce moment, seuls ses frères Bruno et Édouard séjournèrent au Sénégal et gérèrent les affaires de Justin. Le rôle de Justin à l’égard de ses frères ne semble avoir été que celui d’un commanditaire et d’un correspondant à Bordeaux. Cette situation parait avoir continué jusqu’en 1847-1848, époque à laquelle Bruno et Édouard décidèrent de quitter le Sénégal et d’abandonner les affaires.** En 1850, Justin Devès (no1) reprit les rênes en s’associant avec Polieucte Lacoste déjà établi au Sénégal et qui travaillait chez

Historique de la Société Devès & Chaumet & Cie de la fondation à 1937 (d’après une note du 18 avril 1944). Fournis par Olivier de Lestapis en 2005, Bordeaux.

* Le commerçant Potin est marié à la signare Aussenac, c’est eux qui hébergeaient une partie des naufragés de La Méduse. ** En réalité Édouard et Bruno Devès gérèrent leurs affaires avec leurs épouses signares. Le temps passant leurs fils métis René Justin (no2), Gaspard et Hyacinthe les épaulèrent jusqu’à la mort de Justin (no1) en 1866. *** C’est donc en 1866, après la mort de Justin Devès (no1) que la branche Devès bordelaise déclenche les hostilités à l’encontre de la branche métisse qui gérait les affaires au Sénégal. Une séparation à l’amiable aura lieu. www.signare.com

ses frères Bruno et Édouard, sous la raison sociale J. Devès & P. Lacoste (acte de société du 31 décembre 1850) avec adjonction à partir du 16 septembre 1851, comme associé de Gustave Chaumet et à partir du 1er mars 1860 de Paul Devès, sous la raison sociale J. Devès, Lacoste & Cie. En 1857, fondation d’un armement maritime et fluvial par voiliers. En 1859, fondation d’une société anonyme annexe de remorquage pour le passage des voiliers sur la barre du fleuve Sénégal. En 1861, création de l’huilerie de Bacalan à Bordeaux (une des premières huileries françaises triturant l’arachide). En 1866 (8 décembre 1866), après la mort de Justin Devès survenu en 1865, dissolution de la société Devès, Lacoste & Cie et création d’une nouvelle Société ‘‘ Devès & G. Chaumet ’’ entre Paul Devès, Gustave Chaumet, Gabriel Devès et veuve Justin Devès, commanditaire.¹***


163 Société ‘‘ Gaspard Devès & Compagnie ’’ Le mulâtre Gaspard Devès, née en 1826 est le fils de la signare Bishopp (fille d’un officier de l’armée britannique) et d’un commerçant français Bruno Devès originaire de Bordeaux. Àprès avoir développé la société Maison Devès avec ses frères au Sénégal pour le compte de son père Bruno, de ses oncles Justin (no1) et Édouard, il est écarté après la mort de ces derniers de la société par la branche bordelaise de sa famille. Il crée alors la société Gaspard Devès & Compagnie. Sa préférence pour les alliances matrimoniales avec sa famille mulâtre semble être l’une des causes de cette rupture. Gaspard contrairement aux métis Maurel qui s’allièrent avec des bordelaises pense qu’il est avant tout membre de la communauté mulâtre. Gaspard Devès & Compagnie emploiera plus de trois cents personnes dans ses comptoirs de SaintLouis, Sor, Rufisque, Karabane et autres lieux. Gaspard épouse la signare Catherine Foy (fille du mulâtre Guillaume Foy et de la signare Nancy Descemet) dont il aura une fille Élisabeth (1859-1900). Après le décès de Catherine Foy, il épousera Fatma Tamba Diop (dite Madeleine) négresse libre de caste noble. Gaspard Devès fatigué et malade cèdera la conduite de ses affaires à ces deux fils, Justin (no2) et François qu’il a eu de Tamba Diop Justin (no2) deviendra un important leader politique à la fin du xixe siècle. Il créera avec François et leur petit cousin Hyacinthe (no1) les deux premiers journaux privés du Sénégal, Le Réveil et Le Petit Sènégalais. C’est dans ses journaux très engagés politiquement qu’apparaîtra pour la première fois des textes à caractère indépendantiste, dont une phrase en particulier, ‘‘ Le Sénégal aux sénégalais ’’ qui lui vaudra bien des problèmes avec l’administration coloniale.

LA FORTUNE DES SIGNARES AU XIXe SIÈCLE Iconographie : Justin (no2) Devès (1860 - ....), fils de Gaspard, maire de Saint-Louis avec sa fille Élisabeth. Elisabeth Devès (1911 - 1997), religieuse dominicaine sous le nom de Marguerite Marie, enterrée au clos Notre-Dame de Melun (France). Collection privée de Madeleine Devès en

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164 Source : ¹ IGMS : Institut de généalogie mûlatre sénégalaise

3 Descendance de Jean Raymond Devès¹ Raymond Devès Bordelais 2

,

2

Bruno

Devès

Bordelais (.... – 1815) 2

Devès

(1826 - 1901) 2

Bishopp

Signare

Gaspard Édouard Pierre Bruno

Fille du commant Bishopp 2

Magdeleine Temba 2e lit 2

Justin no2

Devès

Maire de Saint-louis (1860 – ...) 2

Marie élisabeth Amélia

Devès

(1864 – 1865) 2

Virginie Marie Rose (1869 – ...) 2

François

Devès

Devès

(1870 – ...) 2

Catherine 1er lit 2

Justin no1

Devès

Bordelais (1789 – ....) 2

Foy

René Justin Devès (1814 – ...) 2

Magdeleine (signare) Philipp 2

Édouard

Devès*

Bordelais (1755 – ....) 2

Virginie (Signare)

Legros*

1er lit - Fille du chirurgien Legros 2

Chloé

Devès

2e lit (1755 – ....) 2

* Résident dans la maison Laffite/Dupuy à Gorée www.signare.com

Hyacinthe no1 Devès (1828 – 1853) 2

Charlotte Crespin 2

Élisabethe Delphine Marie

Devès

(1834 – 1834) 2

Élisabethe

Devès

(1859 - 1900) 2

Hyacinthe no2 Devès (.... – 1911) 2


165 Société Maurel & Prom¹ La dynastie Prom au Sénégal Lors de son arrivée au Sénégal en 1822, à quinze ans, le jeune Louis Hubert Prom était employé au service du commerçant français bordelais Potin installé à Gorée. En 1828, à vingt et un ans, il crée deux comptoirs, à Gorée et à SaintLouis. À l’origine de cette fortune, on retrouve, à nouveau, le mariage d’un occidental avec une signare aisée. Louis Hubert Prom épouse en 1828 la signare Sophie Laporte. Deux enfants naissent de cette union, dont LouiseMarie-Sophie (le 20 avril 1830), Sophie-Constance (juin 1832) et Louis avec une Signare (?) de Saint Jean après la mort de Sophie. Le 1er Janvier 1831, grâce au soutien financier de son épouse, Hubert Prom crée, avec son cousin Hilaire Maurel, Maurel & Prom, l’une des plus importantes sociétés de négoce qui dominera le commerce de l’arachide au xixe siècle. Sa première épouse, Sophie Laporte décède en 1832 à l’age vingt deux ans. Il se remarie en 1844 à Bordeaux avec Marie Coraly Boye qui lui donne deux fils. En 1842, Louis Hubert Prom, soutenu par des notables mulâtres (métis) est nommé président du conseil général du Sénégal, dont le siège est à Saint-Louis. Entre 1836 et 1875, la société Maurel & Prom armera cinquante huit voiliers gréés en trois mats friches pour le long cours et une goélette pour le cabotage. À partir de 1875, les voiliers sont remplacés par des vapeurs. En 1890, la société Maurel et Prom possède des établissements principaux à Saint-Louis et Gorée (ainsi que deux boulangeries)et des maisons de détail à Bathurst, Saint-Louis, Leybar, Guembar, Dialahkar, Gandiole, Dakar, Rufisque, Joal.

3 1er mariage de Jean Louis Hubert Prom Alexi Hilaire Prom Bordelais 2

Marie

Rivière

Bordelaise 2

Anne

Louis Hubert

Prom

Bordelais (1807 - 1890 ou 93) 2

Sophie

LA FORTUNE DES SIGNARES AU XIXe SIÈCLE Source :

Laporte

Signare de Gorée ( le 1er Juillet 1832 - Morte en couche en 1807 à Gorée)

Prom

¹ Mairie de Bassens Dossier thématique « Une famille de négociant

Madame Jean Maurel, Bordelais (1780 – 1847) 2

à Bassens - les Maurel », service communication, 2005.

Jean Louis

Prom

et

Bordelais (1780 - 1864) 2

De Luze Séverine La maison Maurel et Prom

3 2e mariage de Jean Louis Hubert Prom*

1828 - 1870 mémoire de maîtrise sous la direction du

Louis Hubert

Prom

Bordelais (1807 - 1896) 2

Marie Coraly

Henry Hubert Prom Bordelais (1846 - 1908)

professeur Dupeu, faculté de lettre de Bordeaux, 1965 et

Boyé

Guérin

Bordelaise, épouse J.L.H. Prom le 8 janvier 1844 à Bordeaux 2

Le monde des affaires en France de Louis Philippe au plan Monnet Louis Léon

Prom

Bordelais (1848 – 1921) 2

Éditions SEDJ, 1952. * Lydie fut semble-t-il la maîtresse de Loti en

Blanche

Bordes

Bordelaise 2

Louis Hubert

Prom

Bordelais (1807 - 1890 ou 93) 2

Louis Prom

Co-fondateur de la Compagnie Française de l’Afrique Occientale) 2

1874. Il s’inspira de cette redoutable séductrice qui l’avait fait souffrir, pour créer le personnage de Cora (déduction faite à partir de recherches basées sur les croisements de données

xxxx

De Saint Jean

Signare de Gorée ( ? - ? - ?)

généalogiques, économiques et lettres de Loti). www.signare.com


166 Source :

La dynastie Maurel au Sénégal ¹ Mairie de Bassens dossier thématique «une famille de négociant à Bassens - les Maurel» Service Communication Iconographie : Cartes postales du : Château de Beauval Château de Pommerol Château de Lagarde Mairie de Bassens

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Hilaire Maurel (1808-1884) épousa la signare Constance Laporte (sœur de Sophie). Ils auront trois enfants : Jean née le 29 juillet 1836, Émile né 9 décembre 1833 et Lydie née en 1839. En 1853 Hilaire Maurel reconnaîtra, Marie Justine, une fille naturelle qu’il a eu avec la signare Mery Tress (veuve Potin) à Saint Louis. Des enfants de signares à Bordeaux : 1- Lydie Maurel, fille de la signare Constance Laporte et de Hilaire Maurel deviendra avec son cousin Marie Joseph Ferdinand Prom, qu’elle a épousé, propriétaire du Château de Beauval à Carbon-Blanc (Bordeaux).¹ 2- Jean Maurel, fils de Constance Laporte deviendra propriétaire du Château Pommerol à Bassens(Bordeaux) et de la Villa Pédesclaux, rebaptisé Les Genêts (Archachon).¹ 3- Emile, fils de la signare Constance Laporte fera construire à Bassens (Bordeaux) le Château Lagarde en 1864. Il fut aussi juge au tribunal de Bordeaux (1865 - 1877), président du tribunal de Bordeaux (1877 - 1880), président de la société philomatique (1875 - 1876) et reçu la palme académique en 1876. Une rue de Bordeaux porte son nom¹. Pierre Maurel (1795 - 1865), frère lui aussi de Hilaire, épouse Melle Carrazal à Bordeaux. Il aura de cette alliance plusieurs enfants dont Marc, qui après avoir travaillé avec son oncle et les mulâtres, fondera la société Maurel Frères. Marc Maurel comptera aussi parmi les personnalités les plus importantes de la ville de Bordeaux.¹ Louis (1792-1852), un frère d’Hilaire à un fils, Jean Louis, qui rejoint son oncle Hilaire au Sénégal . Il a la bonne idée d’épouser ‘‘ à la façon du pays ’’ la fille du roi du Sine, premier producteur d’arachide au Sénégal. Il aura de cette alliance une fille métisse Justine. Cette alliance contribuera fortement a faire la fortune du clan Maurel et Prom. Jean Louis Maurel (1797-1869), frère d’Hilaire se marie en France avec Melle Lefort dont il a deux filles, Marie, Elisabeth et un garçon Camille. Marie et Elisabeth épouseront leurs cousins germains, les fils d’Hilaire.¹


167

3 Descendance de Hilaire Maurel¹ Jean Maurel

Bordelais (1757 - 1832) 2

Anne Prom

Bordelaise (1780 - 1847) 2

Hilaire Maurel

Bordelais (7 octbre 1808-1884) 2

Constance Louise Adélaîde

Laporte Épouse légitime 1807 ou 1810 2 28 avril 1847

LA FORTUNE DES SIGNARES AU XIXe SIÈCLE

Émile Maurel

Époux Marie Maurel (9 decembre 1833 - 1920) 2

Jean

Source :

Maurel

¹ IGMS : Institut

Époux Élisabeth Maurel (29 juillet 1836 - 27 juillet 1928) 2

Sabeau

Ndaye

Négresse libre à la mode du pays (1838 – 1914) 2

Lydie

Maurel (La Baronne)

de généalogie mûlatre sénégalaise Marie

Maurel

Fille de Sabeau Ndaye (le 6 octobre 1863 chez Fatime Sène, rue Potin à Saint Louis - ....) 2

(18 février 1839 à Saint Louis - 1919 ou 1820) épouse Marie Joseph Victor Ferdinan PROM son coussin le 23 mai 1960 puis Charles Marie Fernand PASTOUREAU du

Mery Tress

Veuve Potin de Saint Louis du Sénégal 2

Marie Justine

Maurel

Fille naturelle d’Hilaire (16 août 1852 à Gorée - ...), épouse un pharmacien de Perrigueux (France), monsieur Desnorus 2

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168 Source :

3 Descendance des frères Maurel¹

¹ IGMS : Institut de généalogie mûlatre sénégalaise

Jean Maurel

Bordelais (1757 - 1832) 2

Anne Marie Brigitte Prom Bordelaise (1780 - 1847) 2

Pierre

Maurel

Bordelais (1795 - 1865) 2

Carrazal

Bordelaise (.... - ....) Mariage le 26 août à Pont de Larn(81) France

Marc

Maurel

Fondateur de Maurel Frères (1826 - 1911) 2

Maurel

(1830 - 1889) 2

Louis Maurel (1854 – 1902) 2

Pierre Maurel (1856 – 1910) 2

Jean-Louis

Maurel

Bordelais (1797 - 1869) 2

Hilaire

Maurel

Bordelais (1808 - 1884) 2

Marc (l’oncle)

Maurel

Bordelais (1801 - 1893) 2

Louis

Maurel

Bordelais (1792 - 1852) 2

Jean Louis (? - ? - ?) Princesse du Sine Premier lit 2

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???

Maurel

Une fille Métisse épouse, à Bordeaux Un Pharmacien.


169

3 Descendance des frères Maurel¹ Jean Maurel

Bordelais (1757 - 1832) 2

Jean-Louis

Maurel

Bordelais (1797 - 1869) 2

Marie

Maurel

Bordelais 2

Maurel

Lucien

Bordelais (1867– 1938) 2

LA FORTUNE DES SIGNARES AU XIXe SIÈCLE Source : ¹ IGMS : Institut

Anne Prom

Bordelaise (1780 - 1847) 2

Lefort

Bordelaise, second lit 2

Émile

Maurel

Fils d’Hilaire, métis (1833 - ....) 2

Maurel

Daniel

Bordelais (1862 - 1916) 2

André

de généalogie mûlatre sénégalaise

Maurel

Bordelais (1864 – 1914) 2

Jean-Louis

Maurel

Bordelais (1869 – 1873) 2

Armand

Maurel

Bordelais (1874 - 1890) 22

Jules Maurel

Élisabeth

Maurel

Bordelais (1874 – 1890) 2

Épouse Jean Maurel, fils d’Hilaire, métis Bordelaise 2

Camille Maurel (garçon) épouse, une dame Picard dont il a deux fils Gaston (1862 - 1940) et James (1867 - 1934) Bordelais 2

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170 Source :

La société Buhan & Teisseire

Société Cabeuil et d’Huvîller

Auguste François Joseph Teisseire est né à Castellommore-le bousquat en Italie. Arrivé à Saint-Louis aux environs de 1830, il espérait faire fortune dans le commerce de plumes d’autruche et autres volatiles exotiques. Ses projets ayant échoué, il s’apprêtait à plier bagage sans un sou en poche quand il eut le coup de foudre pour une riche signare, Marianne d’Erneville. Ce redoutable séducteur napolitain semble s’être associé à celle-ci dans un premier temps avant de l’épouser en 1835 à Saint-Louis. Ce mariage lui apporta la fortune dont il manquait et l’accès aux réseaux communautaires mulâtres. Auguste Teisseire eut avec Marianne d’Erneville six enfants.

Le mulâtre Adolphe Cabeuil, fils du Lieutenant de vaisseau Cabueîl et de la signare Henriette Moneron fonde la maison Cabeuil & d’Huvîller. Il épouse sa cousine Marie Thérèse de Saint-Jean, fille d’Anna Colas et François de Saint-Jean (maire de Gorée) et ont six enfants.

¹ IGMS : Institut de généalogie mûlatre sénégalaise

3 Descendance de Marianne d’Herneville¹ Marianne d’Herneville

Omer Teisseire

Auguste Teisseire

Albert Teisseire

Signare (01/09/1813 - 19/12/1894) 2

(12/04/1817 - 05/07/1856) 2

Maire de Saint-Louis 2

(25/06/1843 - 01/09/1882) Fondateur de Baham & Teissere 2

Édmond Teisseire (1848 – 1921) 2

Louise Africa Teisseire 2

Marie Magdeleine Amélie

Teisseire 2

Marie Octavie Teisseire 2

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3 Descendance d’Adolphe Cabeuil¹ Adolphe Cabeuil (1728 – 1816) 2

Marie Thérèse de

Saint-Jean

(1811 – ....) 2

François

Cabeuil

(1829 - ...) 2

Alfred

Cabeuil

(1831 - ...) 2

Delphine

Cabeuil

Raymond

Cabeuil

(1834 – ....) 2

(1836 - ....) 2

Henriette Anna

Cabeuil

Alfred Auguste

Cabeuil

2

(1845 - ....) 2



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