DOSSIER THEMATIQUE
Lumière sur la
12 JANVIER - 8 AVRIL 2005 Frédérique DARRAS
SOMMAIRE
1. La couleur intuitive : symbolique des couleurs. LES COULEURS DE L’EXPOSITION …. EXEMPLES de COINCIDENCES et/ou de CONTRESENS
2. Se questionner sur la couleur : le programme de collège. • CYCLE d’ADAPTATION : 1. PEINDRE et COLORIER ( et plus tard, DECOUPER A VIF DANS LA COULEUR ) 2. Le TON LOCAL et la couleur au-delà de son rôle d’identification ( couleur tonale ) • CYCLE CENTRAL : 1. La MATIÈRE de la COULEUR. - Fabrication de la couleur. - Effets et gestes. 2. La QUALITÉ de la COULEUR - Quantité = qualité. - Teintes, intensité, nuances : l’espace par la couleur.
3. Plan du site : 31 artistes / 36 œuvres. 4. Aide à la visite : scénographie de l’exposition. 5. Suggestion de séquences. 6. Références.
1. La couleur intuitive :
symbolique des couleurs. Le symbolisme des couleurs est présent dans notre quotidien de la signalisation routière au packaging publicitaire, des traditions les plus anciennes aux religions les plus diverses. Selon les temps et les lieux, les réponses sont semblables ou différentes, voire contradictoires, car chaque civilisation, chaque groupe, s’est forgé un symbolisme émanant de sa propre culture. Cependant, l’action de la couleur sur l’organisme humain et sur les comportements a été étudiée au travers de nombreuses études scientifiques et test psychologiques. Des données se recoupent et étayent ce que certaines pratiques ont établi de façon intuitive :
Il est une notion souvent utilisée par les coloristes ou les peintres que l’on peut prendre en compte, c’est la sensation de chaud ou de froid que l’on peut ressentir devant une couleur. Est-ce parce que le bleu d’un glacier est proche du cyan et que la flamme d’un brasier est proche du vermillon que ces deux couleurs sont réputées représenter le mieux ces deux sensations ? Les robinets d’eau chaude et froide sont repérés dans le monde entier par le bleu et le rouge. C’est dire que ce lien est bien établi... LES COULEURS DE L’ EXPOSITION …. Jaune
Emblème de l’or, associé au miel, le jaune était la couleur de la lumière céleste révélée aux hommes et de la doctrine religieuse enseignée dans
les temples.
Le jaune lunaire, couleur de l’or terni et du soufre symbolise l’inconstance, la jalousie, les passions dépravées, l’adultère, la culpabilité, la trahison : Judas est vêtu de jaune; dans plusieurs pays, les
juifs devaient porter des vêtements jaunes – ou une étoile; en France, on barbouillait de jaune la porte des traîtres, les "briseurs de grève" étaient appelés des "jaunes"...)
Du point de vue psychologique, et dans les rêves, le jaune est la couleur de l’intuition et symbolise la capacité de renouvellement,
l’entrain, la jeunesse et l’audace, mais aussi souvent l’instabilité et la vanité. Il révèle un besoin de supériorité et à l’extrême, la volonté de puissance aveugle. Rouge C’est la couleur du sang frais et du feu qui, selon les anciennes croyances a créé le monde et le détruira. Il symbolise la vie, la chaleur et la régénération, mais aussi la destruction.
Le rouge vif, ou clair, est la force vitale.
C’est le signal du danger ( marquer à l'encre rouge, corriger au stylo rouge, chiffon ou drapeau rouge pour signaler le danger) car associé aux forces vitales du sang et du feu. C’est aussi la richesse et l’amour, la passion et l'érotisme (rouge à lèvres, les sous vêtements rouges, femmes rousses) probablement parce que associée aussi au luxe (la pourpre antique était couleur impériale). Mais, sous son aspect infernal, le rouge correspond à l’égoïsme, à la haine et à l’amour infernal. Couleur des généraux, de la noblesse, des patriciens et des empereurs à Rome, les cardinaux ont hérité de ce symbole de la souveraineté. Au Pérou, elle était liée à la guerre et désignait les soldats. Du point de vue psychologique, le rouge représente la joie de vivre, l’optimisme, la vigueur, l’instinct combatif et ses tendances agressives, la pulsion sexuelle, le désir amoureux, la passion, le besoin de conquête... Bleu Le bleu serait la couleur préférée de plus de la moitié de la population occidentale (50 %) devant le vert (20 %) et le rouge (10 %).
Le bleu couleur froide du vide, est celle de la vérité ( pour les Égyptiens, de la vérité éternelle, de l’immortalité ) la fidélité, la chasteté, la loyauté
(et la justice dans la tradition chrétienne).
Le bleu clair reflète l’inaccessible, le merveilleux, l’évasion : identifié à
l’air, au vent, il symbolise la spiritualité, la contemplation, la passivité.
Sur le plan psychologique et dans les rêves, le bleu est la couleur de la tolérance et représente l’équilibre, le contrôle de soi, les tendances à la générosité, à la bonté, un comportement réfléchi et le besoin de sérénité. Plus que toute autre, cette couleur a fait l'objet d'une véritable vénération : il est d'abord la couleur obligée du manteau de la Vierge, protégée par le ciel, comme doit être rouge sa robe, préfiguration de la passion du Christ. Puis il est concurrencé par l'or, couleur de la lumière privilégiée par le baroque et par le blanc, couleur de la virginité largement diffusée lorsque s'établit le dogme de l'immaculée conception en 1854. Au XIX ème siècle, le bleu est estampillé couleur froide et selon une tradition qui remonte à Léonard de Vinci, se doit de creuser la perspective. Même William Turner l'utilisera principalement pour le ciel alors que la mer sera plutôt représentée verte avec, au premier plan, une bande sablonneuse jaune ou marron. Turner structure avec ses couleurs, une grande partie des fonds de ses aquarelles en plein air. Il faudra attendre Yves Klein (Monochrome bleu, 1960) pour redonner au bleu la valeur mystique qu'elle avait au moyen âge.
Noir Dans le monde occidental, le noir, négation de la lumière, est le symbole du néant, de l’erreur, de ce qui n’est pas et s’associe à la nuit, à l’ignorance, au mal, à ce qui est faux.
Couleur du charbon, il évoque le processus de la combustion, prélude à la régénération et renferme une idée de résurrection.
Les rites initiatiques de l’antiquité comportaient des épreuves nocturnes : le postulant traversait une mort symbolique dans un lieu obscur, pour devenir un homme nouveau et renaître à la vie spirituelle. Sur le plan psychologique, il est l’expression du complexe d’abandon, inséparable de la mélancolie et souvent accompagné de la peur de la vie et du désespoir, ainsi que le besoin d’indépendance.
Blanc Synthèse de toutes les couleurs, le blanc est la lumière. Les Egyptiens enveloppaient les défunts dans un linceul blanc pour montrer que la mort délivre l’âme pure de son enveloppe charnelle périssable. Chez les Hébreux, la tunique de lin blanc représentait la pureté du Sacrificateur et la justice divine. A Rome, le blanc était la couleur des chastes vestales, des druides, des initiés...
Participent de la symbolique du blanc et emblèmes de pureté, vertu et chasteté : la robe blanche de la communiante et de la mariée, le bouquet de fleur d’oranger, le lis, la colombe, le lin, l’ivoire, le diamant, la neige... Par extension, c’est aussi parfois la couleur du deuil d’un enfant, d’un être pur... Sous son aspect maléfique, le blanc lunaire est celui de la lividité cadavérique et du linceul. Le gris est l’union du blanc de l’innocence et du noir de la culpabilité : c’est la tonalité de la tristesse, de l’anxiété, de la rêverie vague. Dans la Bible, c’est la couleur de la cendre, symbole de pénitence et de deuil. Couleur équivoque, le gris traduit le manque de vigueur des déprimés, l’égoïsme, le refus de l’engagement, l’enclos narcissique, et, dans les rêves, l’excès d’indifférence, l’ennui, la froideur, le besoin de tranquillité.
EXEMPLES de COINCIDENCES et/ou de CONTRESENS : Au Japon... Les Japonais
significations particulièrement délicates dépassant ce que l’homme est capable de décrire" : reconnaissent
aux
couleurs
"des
Noir et Violet
Nord - Primitif, origine, paradis.
Bleu ou Vert
Est - Vie, création.
Rouge
Sud - Harmonie et expansion.
Blanc
Ouest - Intégration et propulsion.
Jaune
Centre - Créateur, unité
Lorsque l’Empereur faisait à un dieu un don d’étoffes, il devait y en avoir au moins une pièce de chaque couleur ; les bannières sont composées de bandes de cinq couleurs ; les bandelettes de cinq couleurs pendent aux grelots portés par les danseurs lors de certaines danses sacrées...
L'Egypte ancienne... Le noir est une couleur bénéfique associée à la fertilité ou à la renaissance. C'est la couleur du Nil chargé de limon.
Le blanc rappelle la couleur de l'aurore mais aussi les bandelettes des momies, et donc la mort. L'or ou le jaune est la chair même des dieux, inoxydable, splendide comme le soleil à son zénith. Le rouge est une couleur aussi inquiétante que celui qui la porte habituellement : Seth, le destructeur, le fratricide. Le rouge est étroitement associé à la mort, à la destruction. Le bleu correspond à trois symboliques différentes : le bleu clair évoque l'air, le ciel. Amon, dieu du vent à l'origine, est parfois coloré en bleu. Le bleu sombre du lapis-lazuli rappelle la nuit ou le monde d'en bas. La cavalerie divine est faite de cette pierre. Quant au bleu turquoise, il évoque l'univers aquatique du Nil.
2. Se questionner sur la couleur : le programme de collège. LE CYCLE D’ADAPTATION. La couleur : 1. Distinction entre peindre et colorier 2. Le ton local et la couleur au-delà de son rôle d’identification. 1. PEINDRE et COLORIER ( et plus tard, DECOUPER A VIF DANS LA COULEUR ) Il nous arrive de colorier … avec de la peinture. Ce n’est pas une question d’outil ou de médium mais de démarche de création : quand la couleur est au service d’une forme pré-définie (dessinée) et que l’on fait du remplissage, il s’agit de colorier. fin !
Quand elle jaillit de la matière picturale dans un geste qui donne naissance tant à la forme qu’au fond, il s’agit de peindre. Ce n’est plus le dessein intellectuel qui n’offre à la couleur qu’une coque fixe et contraignante à remplir mais la chair de la peinture qui trouve sa place au fur et à mesure de l’accouchement de l’œuvre…
etc.…
L’intérêt accordé à ce point par le programme est une réminiscence de la Querelle de la ligne et de la couleur : A Florence sous Laurent de Médicis, Marcel Ficin propage auprès des peintres du Quattrocento les théories de Platon pour qui le monde n'est que le reflet de la beauté qui est une idée spirituelle. Les peintres de Venise sont plus proches de l'Université de Padoue et d'Aristote pour qui la beauté est substantielle, inhérente à la matière. Le quattrocento florentin est ainsi dominé par la ligne alors que Venise et les Flamands de la fin du 15ème privilégient la couleur. En 1646, les peintres français obtiennent la création de l'Académie Royale de Peinture qui leur donne un statut intellectuel comparable aux auteurs littéraires. Cette promotion s’accompagne d’une évolution en faveur du primat du dessin sur la couleur, de l'idée sur la matière, de l'essence sur la substance.
Une controverse philosophique agite l'Académie en 1670 et donne lieu à la célèbre Querelle du colorie. Roger de Pil, théoricien de l'art français, publie en 1673 "Dialogue sur le colorie", où il fait l'éloge du colorie au travers de l'œuvre de Rubens. Il conseille à Richelieu de céder ses Poussin à Louis XIII et de se constituer une collection d'œuvres de Rubens. En 1690, la révolution s'est opérée, le renouvellement des générations sacre Rubens génie de la peinture. La voix est libre pour la Fosse, Boucher, Watteau et, plus tard, Delacroix. Valorisation des couleurs vives, du travail de la couleur, de l'empâtement. Retour à la ligne avec l'académisme du début du 19eme qui privilégie le dessin et la composition. La couleur est utilisée pour remplir l'espace entre les lignes. Elle n'a guère de valeur expressive. Les règles qui prévalent préconisent l'emploi des tons chauds pour les premiers plans et des bleus pâles à l'horizon. Constable puis Delacroix et les Romantiques se dégagent de ce carcan. Les Impressionnistes et les Fauves font à nouveau éclater la couleur… puis la ligne reprend le pouvoir avec les Cubistes...
L’artiste qui réconciliera les deux points de vue au 20ème siècle est Henri Matisse au travers de sa pratique du collage : « découper à vif dans la couleur », telle sera sa façon de procéder et de donner naissance à la forme, considérant la couleur comme une étendue pré - existante et autonome à l’intérieur de laquelle ses ciseaux déterminent la forme au fur et à mesure qu’ils la dégagent. S’il ne pré – définit pas la forme en la dessinant, il se laisse la possibilité de la rectifier en re découpant le contour ou en rajoutant des fragments de couleur sur le collage. Si le résultat peut sembler être identique et la démarche plus complexe ou ardue, celle-ci est une véritable philosophie de l’art qui rend sa totale liberté à la pratique de la couleur. 2. Le TON LOCAL et la couleur au-delà de son rôle d’identification ème
( couleur tonale )
Le programme de 6 inclut la distinction entre ton local et couleur tonale. Il s’agit pourtant d’une subtilité qui ne peut être véritablement comprise qu’en 4ème lorsque le programme de Sciences Physiques aborde la question de la perception de la lumière. Car lumière et couleur ne font qu’un. Et même si tout un pan de ce programme scientifique trouble ce qui a été appris en arts plastiques concernant le classement et le mélange des couleurs, l’essentiel est non seulement corroboré mais surtout enfin expliqué :
Partons de ce principe établi que la lumière blanche est l’addition de toutes les couleurs du spectre ( le noir, à l’inverse du blanc, étant l’absence de couleur) … La couleur n'a pas de réalité physique. Mais quand on attribue une couleur à une matière, on considère qu’elle est DANS celle-ci. Or, pour percevoir une couleur il faut : un œil + une lumière + une matière.
Le rayon de lumière éclaire la matière qui, selon ses propriétés, absorbe tout, une partie ou pas du tout la lumière. Les couleurs contenues dans le rayon lumineux qui sont absorbées sont dans le même geste annulées. Celles qui sont refusées sont renvoyées vers l’œil. La couleur perçue par l’œil regardant cette matière est donc, à l’opposé de ce que l’on pense, EXTERIEURE à la matière.
Les couleurs sont toute absorbées sauf le rouge
Confusion possible : les mélanges de couleurs Arts Plastiques / couleur-pigment : La synthèse soustractive Il s'agit du principe consistant à composer une couleur par soustraction de lumière. Lorsque vous mélangez deux couleurs au pinceau, la couleur obtenue est le résultat d'une synthèse soustractive. En synthèse soustractive, on nous apprend que les trois couleurs primaires sont le bleu (cyan), le rouge (rose magenta) et le jaune. • • • •
3 couleurs primaires: cyan, magenta, jaune. 3 couleurs secondaires: violet, vert, orange. L'addition des trois couleurs primaires donne du noir. Le blanc est une absence de couleur.
Sciences Physiques / couleur-lumière : La synthèse additive C'est le principe consistant à composer une couleur par addition de lumière. Lorsque dans une pièce plongée dans le noir, vous éclairez un mur blanc avec un spot rouge et un spot vert, à l'endroit où les deux faisceaux se coupent, la tache lumineuse sera jaune: c'est le résultat de la synthèse additive de la lumière rouge et de la lumière verte. La télévision, l'écran d'un ordinateur, les rayons lumineux suivent ce principe. Notez qu'en synthèse additive, le mélange de deux couleurs donne toujours une couleur plus lumineuse. La synthèse additive est propre aux objets émetteurs de lumière. • • • •
3 couleurs primaires: rouge, vert, bleu. (« remplacement » du violet et de l’orangé) 3 couleurs secondaires: cyan, magenta, jaune. L'addition des trois couleurs primaires donne du blanc. Le noir est une absence de couleur.
Cas de figure n°1 : la lumière est blanche. • Premier exemple : si on perçoit une tomate rouge, cela veut dire que la tomate absorbe toutes les couleurs sauf le rouge (seule couleur qu’elle nous renvoie). • Deuxième exemple : si le fromage est blanc c’est parce qu’il renvoie toutes les couleurs du spectre ; comme le résultat de l’addition de toutes les couleurs du spectre est le blanc, le fromage sera blanc ! • Troisième exemple : un chat qui de par la matière de son pelage, absorbe tous les rayons lumineux, nous paraîtra noir… Cas de figure n°2 : la lumière est colorée. • Premier exemple : Si l'on plonge la tomate dans le noir, et qu'on l'éclaire avec un spot jaune ou magenta, le fruit nous semble toujours aussi rouge. En effet, la lumière jaune est formée de rouge et de vert, la lumière magenta de rouge et de bleu. La tomate absorbe tout sauf le rouge: son apparence n'a donc pas changé.
Notez que la queue de la tomate - verte - apparaît noire sous un éclairage magenta, éclairage qui ne contient pas de vert. •
Deuxième exemple : Par contre, si l'on éclaire la tomate
avec un spot vert ou bleu, elle semble noire. Pourquoi ? Parce que ni la lumière verte ni la lumière bleue ne contiennent de composante rouge. La tomate absorbe donc toute la lumière qu'elle reçoit, et ne réfléchit plus rien: elle paraît noire. Conclusion : Vous avez donc compris qu'une même matière présente des couleurs différentes suivant la constitution de la lumière qui l'éclaire. Sa couleur
n'est pas la propriété immuable d'une matière, elle est le résultat de l'action de la lumière sur sa surface. Alors quelle est la vraie couleur de cette matière ? (Y-a t-il une vraie couleur…)
Longtemps, la prédominance du ton local (couleur de la matière perçue sous une lumière blanche, neutre) a faussé l’intégrité de la perception. Il s’agissait avant tout d’utiliser une palette somme toute codifiée puisque liée à l’idée d’identification, de compréhension, de lisibilité de l’œuvre. Les ombres noires ? Une construction de l’esprit pour signifier la profondeur, l’absence de lumière…alors qu’aux yeux de tout spectateur attentif les ombres sont colorées. Il faudra attendre la fin du 19 ème siècle, les théories de Chevreul sur la couleur et la rigueur scientifique des Impressionnistes pour que les ombres colorées apparaissent au grand étonnement du public, qui, un siècle plus tard, continue à considérer ces palettes chromatiques « poétiques » ou « esthétiques » ! Notre perception est trop souvent faussée par ce que nous croyons savoir. La couleur tonale d’une matière est perçue par ceux qui tiennent compte des différentes qualités de la lumière selon l’heure, la saison, la source d’éclairage mais aussi les reflets et les éclairages multiples. Il est plus facile d’admettre son existence quand on a digéré les principes de base de la couleur-lumière. LE CYCLE CENTRAL. La couleur : Matérialité 1. Matière (fabrication / effets et gestes : giclure, empâtement…) 2. qualité (teintes, intensité, nuances / équation matissienne quantité=qualité) 1. La MATIÈRE de la COULEUR. La matière est une substance ayant une existence physique, étendue dans l'espace et agissant sur les sens. Une matière en tant que mise en oeuvre est un matériau. Les couleurs sont un des matériaux du peintre
Fabrication de la couleur
Ce sont des matériaux composites puisque constitués de différentes substances, telles que les liants, les pigments, diluants et les siccatifs :
Le PIGMENT : est une poudre qui donne sa couleur à la peinture. Elle est naturelle ou chimique.
Le LIANT : est une poudre ou un liquide transparent qui donnera au pigment la capacité de coller au support. Le DILUANT ou SOLVANT: est un liquide transparent qui mêle le pigment et le liant poudreux en rendant la préparation fluide. Si le liant est liquide, le diluant permet de rendre encore plus fluide un mélange trop épais. Le SICCATIF : est un produit qui accélère le séchage des liants huileux.
Le peintre du 21ème siècle peut acheter sa peinture toute prête ou reprendre les gestes de l’artiste de la Renaissance - rituel qui a perduré jusqu’à l’invention de la peinture en tube au 19ème siècle - et préparer ses mélanges lui-même. Ainsi il peut, tel Yves Klein, se servir de ce matériau d'une manière particulière : « (...) j'ai toujours cherché à préserver chaque grain de
pigment poudre d'une quelconque altération, qui m'éblouissait de son rayonnement à l'état naturel, en le mélangeant à un médium pour le fixer sur la toile. L'huile tue l'éclat du pigment pur, mon médium ne le tue pas, ou beaucoup moins, toutefois ». La sensation colorée dépend de la matière, de ses qualités physiques. Le brillant, le satiné, le mat, le velouté, dépendent des ingrédients utilisés : les pigments de couleur ont des origines minérales, végétales et animales précises. Mélangés à des médiums de nature différente, ils produisent des sensations colorées très diverses.
Effets et gestes
La sensation colorée dépend également de la façon dont la matière colorée est appliquée.
JUS : mot décrivant la texture de la préparation. Il s’agit d’additionner plus de liant que de pigment afin d’obtenir une préparation transparente qui produise l’effet du même nom. TRANSPARENCE : aspect de la peinture. La densité des pigments sur la surface n’est pas assez importante pour couvrir le support et révèle soit la présence de celui-ci soit la couleur qui est en dessous en les mêlant simultanément (optique). GLACIS : préparation et aspect de la peinture. Il s’agit d’un effet de transparence obtenu par un mélange propre à la peinture à l’huile. Le procédé est laborieux et long mais le résultat donne un effet de profondeur et de finesse inégalée.
EMPÂTEMENT : aspect de la peinture. La densité de la préparation est obtenue en augmentant la quantité de pigment mais aussi en mêlant des poudres, comme le sable, qui ont pour fonction d’épaissir la pâte. Le but est créer des reliefs sur la surface de la toile, dans la matière picturale. APLAT : aspect de la surface colorée le plus neutre possible. On ne distingue ni trace de l’outil ni variations ou nuances dans la couleur. Le geste doit être extrêmement maîtrisé. GICLURE : geste produit par l’artiste et qui consiste à projeter la peinture sur le support afin d’obtenir de fines gouttes dont la disposition, dynamique, est relativement aléatoire. LA TOUCHE : trace laissée par l’outil sur le support. L’aspect varie selon l’outil, la texture de la peinture et le geste de l’artiste.
2. La QUALITÉ de la COULEUR
Quantité = qualité
L'équation matissienne ? C’est une évidence d’une troublante simplicité qui fut utilisée de manière intuitive par les artistes pendant des siècles et deviendra le fer de lance des peintres du 20ème siècle à partir du moment ou Matisse l’aura énoncée : "1 cm2 d’un bleu n’est pas aussi bleu qu’un mètre carré du même bleu" ou, de façon plus ironique, "Un kilo de vert est plus vert qu’un demikilo"[… c’est à dire « Quantité = Qualité » C'est l'aspect sensoriel de la couleur qui est sollicité, même si elle semble être rabaissée au niveau des kilos de plume et de plomb. Notre perception est souvent flouée par le rapport qu’il existe entre la surface couverte par une couleur et sa force. Il nous arrive de trouver une surface colorée plus vibrante que ce qu’on attendait et de penser qu’il y a eu erreur dans le mélange entre l’échantillon sélectionné et la teinte fabriqué par le marchand de couleur…. alors qu’en superposant l’échantillon et la surface peinte les deux se confondent. Clé de compréhension pour une partie des oeuvres de ce siècle, cette considération appelle les grands formats, les plages colorées, la couleur comme environnement.
Teintes, intensité, nuances : l’espace par la couleur
La couleur est sensation et est perçue physiologiquement : les couleurs ont des longueurs d'ondes différentes, que l'on mesure en microns. La longueur d'onde du rouge, par exemple, varie entre 650 et 800 microns, celle du bleu entre 460 et 480 microns. Or les couleurs qui ont les plus grandes longueurs d'ondes sont perçues plus rapidement.
C'est pour cela que le rouge crée l'impression de "sauter aux yeux", alors que le bleu est plus discret. Il est établi que : - les teintes froides (bleu, vert, le violet en général et certains jaunes acides ) donnent une sensation de fraîcheur, de calme mais aussi de recul et creusent l’espace. - les teintes chaudes (rouge, orange, certains violets et le jaune en général ) donnent une sensation de chaleur, d’énergie mais aussi d’avancée des plans. RAPPEL : Au XIX ème siècle, le bleu est estampillé couleur froide et selon une tradition qui remonte à Léonard de Vinci, se doit de creuser la perspective. Même William Turner l'utilisera principalement pour le ciel alors que la mer sera plutôt représentée verte avec, au premier plan, une bande sablonneuse jaune ou marron. Turner structure avec ses couleurs, une grande partie des fonds de ses aquarelles en plein air.
De même que : - les valeurs claires donnent du relief et les valeurs sombres marquent la profondeur, l’arrière plan : Le « trou » indique un arrière La « bille » plan est devant noir le fond noir. - les couleurs saturées (pureté du mélange, absence de gris nuisant à sa vivacité) viennent au premier plan tandis que les tons rompus (mélange cassant et assombrissant la couleur) reculent. - Les jus marquent le lointain par leur discrétion tandis que les préparations denses suscitent plus vivement la rétine.
3. Plan du site : Reinhardt Martin MULLER
Dominique LABAUVIE
Judith REIGL
31 artistes / 36 oeuvres Marc Jean Marc Aurélie PESSIN SCANREIGH NEMOURS
Francis EDELYN
Anne GOUJAUD
Bruno HEITZ Albert AYME
Pierre Louis BRECHAT
Sigmar POLKE
Stéphane DARRAS
Anne GOUJAUD Philippe COGNEE Edda RENOUF
Shirley JAFFE
TING
Jan VOSS
Klaus RINKE Pierre Louis BRECHAT Christophe ROBIN
Françoise MORAND
Anne GOUJAUD
Ilya KABAKOV
José Manuel BROTO Alain SECHAS Claude VIALLAT
Frédérique LUCIEN Jacques MAILLARD
Olivier DEBRE
Charles BELLE
Jean Pierre SERGENT Bernard MONINOT
Anne GOUJAUD
Daniel NICOD
4. Aide la visite :
scénographie de l’exposition
La sélection des œuvres : C’est une série de quatre estampes d’Anne Goujaud, Printemps, Eté, Automne, Hiver, qui a servi de fil conducteur et qui offre la palette : jaune, rouge, bleu et noir (voir la symbolique des couleurs). Le signe n'est pas plaqué, extérieur à la manière picturale : il naît d'elle et s'en nourrit. Il s'inscrit sur la surface de la toile certes mais aussi dans la durée. "La poésie, comme l'aurore, risque tout sur les signes". La peinture d'Anne Goujaud aussi. Louis BARNIER Chez Anne Goujaud, on retrouve une retenue dans ses gravures. Là apparaît un signe à son point d'équilibre, souligné par un léger filet ocre rouge auquel répond à la verticale ou à l'horizontale un trait ocre jaune. Ses gravures sont habitées de la même pudeur, la peur de trop en dire imprégnant l'ensemble d'une atmosphère intime. Françoise SEINCE Arts Métiers du Livre
Les trois couleurs primaires sont représentées dans des œuvres quasiment monochromes. A la frontière du jaune et rouge ainsi qu’à celle du rouge et bleu, se trouvent des œuvres dans lesquelles les deux couleurs dialoguent sans se mélanger ( ce qui aurait donné une secondaire qui serait dans ce cas l’orangé et le violet). C’est l’effet de masse de chacune des trois familles de couleur qui a été privilégié au détriment d’une lecture individuelle des œuvres, afin – appliquant l’équation matissienne ! – de forcer l’impact coloré de chacune d’entre elle. Cette disposition offre la possibilité de prendre de la distance et de réfléchir sur la perception spatiale (température, luminosité) des trois familles de couleur, la question de la quantité et de l’étendue (il y a plus d’œuvres jaunes que d’œuvres rouges ou bleues) et du rapport de contraste avec le fond (le jaune, malgré son étendue, a du mal à exister sur le blanc des murs ; la preuve en est l’impact du jaune dans La chèvre de M. Seguin, Bruno Heitz). L’œuvre d’Anne Goujaud n’est pas forcément au centre de sa famille de couleur pour des raisons d’équilibre des masses, d’accords de style ou de
contrastes délibérés, et souvent parce qu’une autre oeuvre - de grand format (Sans titre, Judith Reigl et Sans titre Bernard Moninot)dominait le groupe. C’est à nouveau l’occasion de se questionner sur l’impact de la couleur par rapport à son étendue (format). Par ailleurs, des œuvres de petit format « avancent » par rapport aux autres et se détachent du groupe : à l’intérieure d’une même famille (jaune), la couleur saturée (Ombelles, Anne Goujaud) l’emporte sur le ton rompu (Sans titre, Philippe Cognée). Ressortent aussi les variations de valeurs : entre rouge sombre (Sans titre, José Manuel Broto et Sans titre, Christophe Robin) et rouge pur (Géraniums, Charles Belle) ou Bleu pur (Sans titre, JP Sergent) et bleu clair (Sans titre, Frédérique Lucien). Enfin, la matière de la couleur varie de l’aplat (Sans titre, de JP Sergent), à la touche brossée (Sans titre, Alain Séchas), la giclure (Sans titre, Ting), la transparence obtenue par des jus (Sans titre, Olivier Debré) ou l’empâtement (Composition, Jacques Maillard). Il est alors aisé de commenter la fabrication de la couleur, la gestuelle utilisée et les variations de la couleur dans l’effet obtenu. Le mur consacré au Noir fait apparaître des oeuvres grises et notamment des gris colorés (Mélodie mélancolie, Marc Pessin- voir la symbolique du gris par rapport au titre) ainsi que des œuvres subtiles jouant sur des qualités de noirs différents -mat et brillant- (Sans titre, Francis Edelyn et Sans titre, Judith Reigl) Coté fenêtre, deux parenthèses « nues » offrent une respiration à cet ensemble et le séparent de la seconde partie : Les polychromes fonctionnent en duos qui peuvent être questionnés selon ces trois points : - L’expression d’un univers joyeux et sensuel par la couleur(Les mots dans le ciel, Ilya Kabakov et Sous l’écorce, Françoise Morand). - La juxtaposition d’aplats rappelant les papiers découpés (Sans titre, Shirley Jaffe et Sans titre, Jan Voss - pochoir). - La superpositions des formes et les variations de valeurs afin de creuser l’espace en multipliant les plans (Morceaux composés, Stéphane Darras et Les éclats pour de rire, Pierre-Louis Brechat).
5. Suggestions de séquences « Je n’ai plus de peinture ! » On pourra demander aux élèves de fabriquer ce matériau couleur en utilisant diverses ressources, de l'expérimenter et d'évaluer les effets produits. Exemples : •
Cours de Thiebaut Lardier (collège) Incitation :
Naufrage en pleine mer : vous vous retrouvez sur une île déserte sans crayon, sans stylo, sans feutre, sans pinceau : pas de craie grasse, pas de peinture, pas de papier…. sinon vos mains et la nature qui vous entoure. Chercher, fabriquer des matières colorantes : testez les, créez vos outils et votre trousse de peintre naufragé. Faites nous parvenir de vos nouvelles. Autre suggestion : (après l’étude d’un texte sur la Préhistoire permettant de donner une « recette type »). Incitation :
Vous êtes des hommes préhistoriques télé portés dans notre société actuelle. Inventé votre peinture avec ce que vous trouvez autour de vous pour communiquer.
• « Rouge de colère » et « voir rouge »… utiliser ces expressions pour exprimer un sentiment fort ou pour montrer une réalité subjective : comprendre l’impact de la couleur sur nos réactions mais aussi sa force expressive. •
« Un outil, une couleur : la jungle ! » (possibilité de fournir un document de référence – une œuvre du Douanier Rousseau ou une photographie par exemple) Sujet propre à utiliser une seule famille de couleur en exploitant soit les nuances par mélanges, soit les textures de la peinture et les valeurs (dilutions), soit les outils et les gestes (empreintes, touches), soit les différentes qualités de la couleur selon le médium (technique mixte) • « J’aime cette couleur, je le prouve et j’essaie de vous convaincre ! » Réaliser un travail d’expérimentation rapide à partir de cette incitation. Observer ensemble les réponses pour constater les qualités de la couleur visibles selon les propositions et selon la couleur choisie. Ré-exploiter des acquis mais par groupes composés selon la couleur choisie dans le premier exercice. • « Le musée en noir et blanc » Partant d’un vieux livre d’art ne comportant que des reproductions en noir et blanc, se mettre à la place des lecteurs de l’époque et donner sa propre interprétation des valeurs de gris.
Si c’est possible, photocopier les réalisations et comparer les valeurs avec le modèle avant d’échanger une lecture plus personnelle de la palette choisie (symbolique des couleurs/recherche de lisibilité par le ton local/réalisme par la couleur tonale) Vous avez la possibilité de travailler avec les reproductions N&B des œuvres de l’exposition avant la visite et de mesurer les écarts d’interprétation au cours de celle-ci. • « Deux : duo / duel ». Partir de deux couleurs différentes posées sur la feuille dans les angles opposés et demander à l’élève de les faire se rejoindre en inventant leur relation (juxtaposition / superposition/ mélange). Commenter les éventuelles transformations qui en résultent (nuances ou complémentaires). • « J’en ai mal aux yeux » Demander aux élèves d’exprimer plastiquement ce qu’ils ressentent après avoir regardé le soleil ou quand ils allument brutalement la lumière. Observer l’utilisation des contrastes formels aussi bien que les contrastes colorés (chaud-froid, clair-foncé, saturé-rompu) • « Découper à vif dans la couleur »
Fabriquer des aplats soi-même ou utiliser des feuilles de papier coloré.
Découper sans dessiner. Raconter une histoire de transformation qui oblige à retoucher la découpe au fur et à mesure : Alice au pays des merveilles diminuant de taille, l’éléphant qui devient une souris, la fleur qui se fane, le meuble qui se démonte, le vase qui se casse… Jouer en second temps à utiliser les « négatifs » pour compléter le collage. Mettre en commun les chutes pour multiplier les couleurs. •
« La machine à laver les couleurs »
Partir d’une reproduction d’œuvre (Mondrian par exemple) ou d’un tableau de l’exposition.
Imaginez que le tableau passe à la machine à laver et commence à déteindre : perte des couleurs (éclaircissement des valeurs) ou mélange des couleurs (nuances et complémentaires).
6. Références Sites Internet de l’Education nationale :
• artic.ac-besancon.fr/arts_plastiques • www.ac-nantes.fr
Sites Internet consacrés indirectement à la couleur ou à la lumière: • www.pourpre.com • www.dynalum.com
Site sur l’art :
www.discipline.free
Programme et cahier d’accompagnement des arts plastiques au collège (consultable en ligne sur www.cndp.fr/secondaire/arts/ ou www.educnet.education.fr/arts/texte.htm )
Bibliographie :
Michel Pastoureau : Dictionnaire des couleurs de notre temps. Michel Pastoureau : Le bleu, histoire d'une couleur.
Dernière zone d’ombre :
…et le noir ?
• Le noir naît de l’absence de lumière. La lumière donnant la couleur, le noir est donc une non-couleur. Mais en peinture, il est obtenu grâce à la réunion des trois couleurs primaires mélangées en égale quantité : c’est le noir trichrome. Il s’agit de rompre les teintes pures par accumulation de pigments jusqu’à la perte de toute luminosité. Il arrive qu’une des trois primaires ressorte, domine le mélange et donne à la surface noire des reflets froids ou chauds.
Le noir coloré est –il la valeur très sombre d’une couleur ?
• La lumière blanche est la synthèse de toutes les couleurs mais en peinture le blanc en est l’absence. Le blanc est donc une non-couleur lui aussi. Additionné de blanc, le noir devient gris*. Passer d’une non-couleur à une autre non-couleur donne…une non couleur. Mais il arrive que le gris se colore, soit parce qu’il est obtenu à l’aide d’un noir trichrome « coloré », soit par ajout d’un supplément de couleur. Il se réchauffe, se refroidit, s’illumine …
Le gris coloré est –il la nuance très rompue d’une couleur ?
Ça vous éclaire ? *
ou rendu transparent par dilution et passé sur un fond clair.