Trénelle Citron Mise en lumière
Récit photographique des élèves de l’école Mireille Gallot Direction artistique /// Jean-Michel André & Jean-Louis Saiz ///
« …Et le morne est bien haut qui mène à leur école »… C’est ce que se disent souvent ceux qui pour la première fois empruntent les boyaux du quartier pour venir jusqu’à nous, dans cette petite école... Cette petite école nichée dans ce quartier qui ne cesse de crier de toutes ses entrailles, par delà le morne, sa soif de lendemains nouveaux, sa faim d’émancipation, sa faim de stimulis, sa faim de lumière, sa faim de connaissance, de reconnaissance aussi, sa faim de trouvailles, de retrouvailles, cette faim de gommer toutes les cacophonies pour que de nos différences, de toutes nos différences, libérées de l’insupportable indifférence, naisse la symphonie enfin retrouvée. Symphonie cousue d’efforts, de volonté, symphonie du succès partagé !... Dans notre petite école, si fièrement dressée dans ce quartier éclaboussé de désespoir, de faim, de misère, de routes cahoteuses qui attisent le babillage des vieilles voitures agonisantes, de bidonvilles. C’est dans cette petite école que se creusait cette faim famélique d’estime, d’estime de soi. En haut du morne l’espoir !… l’espoir d’un recommencement, l’espoir d’un espoir majeur, majoré de tous nos espoirs, de tous ces petits bouts d’espoir que portent en eux ces élèves, ces enfants, ces parents, ces adultes si fièrement campés au plus haut de l’espoir. L’espoir d’un autre demain, de lendemains plus doux, plus vrais, gisant comme un secret au fin fond de leur cœur comme l’estomac d’une mère que la lourdeur des seins ne saurait affecter. Pour échapper à tous ces clichés, nous avons pris comme béquille l’objectif et sous les conseils avisés de Jean- Michel ANDRE et de Jean-Louis SAIZ, dans un concert de promesses neuves notre projet a pris forme. Fiers d’emprunter d’autres chemins, de cristalliser autour d’autres clichés. C’est ainsi que par la magie de la photographie, d’autres objectifs sont venus éclairer nos espoirs. Et l’espoir est si vrai, tellement palpable que comme une poignée d’eau on voudrait le soulever. Et le cœur bat si fort, et la fierté exulte… Le doux et douloureux froufrou des souvenirs comme un ladja de formes et de couleurs se déchaîne. Ce faisant, nous avons choisis d’être les ambassadeurs de tous ces autres quartiers de Foyal ; c’est un travail que nous offrons comme un relais à tous ces enfants dans tous ces quartiers auxquels nous tendons et nos mains, et nos joues et nos cœurs dans un élan de fraternité brodé de tendresse, d’espoir sans cesse renouvelé, de solidarité, d’estime, d’estime perdue, d’estime avortée, désirée, rêvée, rafistolée, et cousue enfin, pour en faire telle une étole de soie, l’étoffe d’un (re) commencement. C’est ainsi que telle la grosse roche au cœur de notre quartier, le pas désormais plus sûr, le cœur gonflé d’une tendresse neuve, au sein de notre petite école, nous, citoyens du primaire, le cœur enrobé de madras, nos pas parfumés de citron, nous partons conquérir l’avenir. Pour nous, demain sera un autre jour. E zot ? Kitan ? Ki jou ? E zot ? Kitan ? Ki jou ? é nou ? Ki tan ansanm ?!!!
Daniel NAMRIT
Directeur de l’école Mireille Gallot, Trénelle-Citron.
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Inviter de jeunes enfants à écrire par la photographie l’histoire de leur quartier et de ses habitants : c’est la proposition que nous avons faite aux élèves de l’école Mireille Gallot. Les classes de CE2/CM1 et CM1/CM2 de Catherine Goma et d’Audrey Duranty ont relevé le défi et durant deux années scolaires, en 2010/2011 et 2011/2012, les élèves se sont faits reporters de leur quartier. Ils ont appris à exercer leur oeil de photographe en devenir, à regarder pour montrer ce qu’ils aimaient ou ce qui les touchait à Trenelle-Citron. Des ambiances, des lieux... loin des clichés répandus sur le quartier. Et aussi des sourires : ceux des habitants, ceux de leurs proches. Les élèves ont silloné les rues et les chemins et monté dans leur école un studio original pour photographier les habitants... Le coeur du quartier ! Ce livre est l’aboutissement de leur travail, enrichi par la poésie des mots de Malik Duranty, les témoignages d’habitants recueillis par David Redon et par les écrits du Club des Aînés ainsi que celui de Brunette Belfan. Il est un hommage à ce quartier en chantier, rendu par ceux et celles qui en sont les témoins et les acteurs. Un hymne à la vie ! Jean-Michel ANDRE & Jean-Louis SAIZ
Photographie - Jean-Louis Saiz
Auteurs Photographes.
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Nos quartiers, Citron, Berge de Briant et Trénelle, sont riches en images, en amours et en hommes. Cela se reflète à travers la qualité du travail qu’ont fourni les élèves de l’école élémentaire Mireille GALLOT de Citron, encadrés et accompagnés de personnes de grande valeur. Merci à tous de nous avoir offert ce grand et beau catalogue qui sera la fierté de tous. Fauvette BERTIN
Photographie - Jean-Michel André
Présidente du Comité d’Organisation de Quartier.
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CE2/CM1 - Ecole Mireille Gallot2010/2011
Enseignante Catherine Goma `
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Les
photographes
Jah’s-mine Lejuste, Steeven Martot, Anaïs Brigitte, Kassandra Monthieux, Océane Seleucide, Chloé Womba, Léa Mauriol-Roch, Andy-Thomas Labeau, Gaël Cheri-Zecoté, Gaëtan Riga, Meedhy Bombona, Yann Riga, Ludovic Desert, Matthias Ragald, Logan Cenille, Kellya Bombona, Emmanuel Jourdain et Willy Mambert.
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CM1/CM2 - Ecole Mireille Gallot 2010/2011
Enseignante Audrey Duranty `
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Les
photographes
Jah-Mael Lejuste, Djiohany Athala, Killian Sigere, Noel-Year Pascaline, Alexis Godert, Yoham Desert, Océane Belony, Johanna Silmar, Flora Tauliaut, Kurt Hyppolyte, Audrey Gabory, Maureen Desert, Millia Desert, Killian Monthieux, Alexa Claude, Frédérique Sainvil, Stephen Fordant, Cedric Corain, Nathan Claude, Soraya Gallot et Déborah Cheri-Zecoté. 9
Ecole Mireille Gallot - 2011/2012
CM1/CM2 - Enseignante : Audrey Duranty Les élèves photographes : Gaël Chéri-Zécoté, Maureen Désert, Millia Désert, Joham Désert, Shaynna Egouy, Stephen Fordant, Andy Labeau, Killian Monthieux, Gaëtan Riga, Frédérique Sainvil, Océane Séleucide, Flora Thauliaut, Kéran Bérénice, Anaïs Brigitte, Logan Cénille, Ludovic Désert, Emmanuel Jourdain, Léa Mauriol, Kassandra Monthieux, Matthias Ragald, Chloé Womba, Samuel Mépa.
CE2/CM1 - Enseignante : Catherine Goma Les élèves photographes : Francesca Bastel, Jérémy Cadot, Noé Cidalise, Hurtisha Cilpa, Manuel Désert, Thomas Emmanuel, Nathanyel Euphraïm, Mathias Icord, Kériane Marville, Florian Noël, Maélys Ponchâteau, Anderson Martot, Précillia Séleucide, Alyssa Vigilant, Kate Menal, Wendy-Anne Guilon, Jah’s mine Lejuste, Willy Mambert, Yann Riga, Steeven Martot.
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Une
maitresse
a CITRON
Mes élèves sont mes enfants. Ils ont besoin de moi, j’ai besoin d’eux. Au-delà des compétences, au-delà des savoirs enseignés, pour une maîtresse à CITRON, c’est le savoir AIMER qui prime. Français, mathématiques, oui, mais pas sans gestes tendres, pas sans regards confiants, pas sans petits mots rassurants. Ils sont mes enfants. Ceux que je prépare pour l’avenir, ceux qui sont mon pays en construction. Tout, tout afin qu’ils comprennent que c’est possible ! Qu’ils ont le droit de rêver à un brillant avenir. Tout, tout pour qu’ils soient fiers d’eux-mêmes et donc fiers d’être enfant du quartier CITRON. Être maîtresse à Citron, une chance ! Un cadeau qui m’a été fait. À Citron, on donne et on reçoit tellement plus, tellement plus de cet amour pur et infini que procure un simple : « je t’aime maîtresse, tu es belle comme une hirondelle ». Mes joues sont marquées à toujours d’innombrables baisers déposés inlassablement par mes enfants de Citron. Nos journées de rires, de pleurs, d’amour ont construit la maîtresse que je suis aujourd’hui. Alors, une pensée pour les élèves des promotions Madou-Citron et Fleur Soleil pour leur implication totale dans ce projet. Merci à mes amours de CITRON.
Audrey Tania DURANTY
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PORTRAITS Dans le quartier
La grande
Dame
de
mon
quartier
Elle s’y est naturellement installée, la grande Dame. Elle n’a convoité ni trône ni couronne, Même pas une lueur de compassion Du fait de l’éloignement de son compagnon Elle n’attendait pas non plus l’aumône De ceux pour qui elle représentait l’âme D’un site si intimement magnifique Qu’elle avait en plus rendu magique. Elle avait participé à toute la vie du quartier. Rempli tous les rôles ; construit les maisons, lavé le linge sale en famille, offert les écrevisses pour le souper, les titiris pour les acras du Vendredi Saint. A Pâques et Pentecôte, elle humait le matoutou crabe, à Noël et jour de l’an, elle laissait prendre le sable pour récurer casseroles et faitouts. Ah ! Il ne faut surtout pas oublier sa mission d’assainissement, lieu de rencontre des premières amours, et piscine d’initiation à la natation. Elle nous accompagnait partout notre Rivière Madame. Hélas ! Par nos agissements, nous avons mis son cœur en jachère et seulement quelques larmes ruisselantes, nous informent de sa présence. Parfois elle gronde pour nous dire que même vieillie elle peut encore se mettre en colère. Mais nous on t’aime Maman Rivière !
Brunette BELFAN
Conseillère municipale.
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LE QUARTIER Trenelle Citron En contrepoint des archives institutionnelles, les sources orales collectées en 2007 et 2008 auprès des habitants par Chorus permettent de restituer les milliers d’initiatives individuelles à l’origine de la construction du quartier, éloignée de tout schéma d’aménagement urbain, sous le parrainage et le soutien logistique et financier de « Papa Césaire ». A l’opposé d’une histoire urbaine présentant le caractère uniforme de l’action publique d’un État, d’une collectivité, seul aménageur, ces récits rendent à l’action individuelle sa place dans l’histoire des cultures matérielles et constructives de Fort-de-France. Ces paroles dessinent une géographie sensible : une rivière, lieu de vie et de sociabilité partagée avec les autres habitants foyalais, mais aussi une ligne de démarcation entre ceux qui vivaient en amont de l’égout et les autres. Elles racontent l’ingéniosité humaine dans les multiples manières d’exploiter les ressources de cet espace naturel. Elles renseignent sur ce que Aimé Césaire aimait à nommer le « génie constructif populaire ». Dans l’histoire de Trénelle, les paroles des anciens permettent de faire éclater le caractère incontournable pris par la solidarité entre les habitants et le milieu associatif dans la vie sociale et le fonctionnement du quartier. David REDON
« Je suis arrivée dans ce quartier à l’âge de 4 ans, petite fille allant à l’école maternelle du centre-ville car ma mère était revendeuse au grand marché. Nous sommes arrivés de nuit car mes parents avaient déménagé toute la journée. Vers les 19h, toute la famille est revenue nous chercher avec des flambeaux car à l’époque il n’y avait pas de lumière, ni de route, c’était un petit chemin qui sortait, la rue Pavila. Il y avait déjà quelques maisons mais pas beaucoup de personnes dans le quartier. Ma grand-mère sortait du Lorrain à l’époque et elle venait passer toutes les vacances avec nous pour nous fabriquer les vêtements de l’année. Les cousins et les cousines nous appelaient «les gens de la ville» »
Mme Brunette BELFAN
Née en 1948, conseillère municipale. Témoignage enregistré le 6 décembre 2007 et 19 mai 2008 par David Redon (142 minutes)
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«On lui a donné une parcelle à la mairie de Fort-de-France et il a fouillé à bras d’hommes l’emplacement, tout seul. Il a fait monter un mur puisqu’il y avait déjà l’emplacement de la rue à venir. Il a fait un mur de soutènement puis il a fait une citerne pour recevoir l’eau de pluie. La maison était au-dessus de la citerne. Nous construisions la maison le week-end. On charroyait les matériaux avec les enfants depuis le camion jusqu’à l’emplacement comme tous les gens qui ont construit rue du Bal Blomé qui allaient chercher aussi leurs matériaux au Pont-de-Chaînes.»
Mme Paulette BORDELAIS
Née en 1945, aide soignante à la retraite et présidente du club des Aînés. Témoignage enregistré le 5 décembre 2007 par David Redon (97 minutes)
«Césaire dit «papa Cézè» fait installer [à Trénelle] le siège de son parti politique, le PPM, Parti Progressiste Martiniquais, pour cette admiration qu’il a pour nous. De la reconnaissance pour l’intelligence du peuple : pour chaque personne, construisons en fonction de la forme de la parcelle qu’ils vont habiter, et qui donnera forme ensuite au bâtiment. Parce qu’il a vu des maisons en bois sur pilotis, en bambous, qui s’agrandissent, s’élèvent, à chaque fois qu’un enfant travaille et arrive dans la productivité familiale. Chaque fois qu’il y avait une main qui passe, il passait derrière pour finir ce que la main a commencé. Par exemple, la municipalité qu’il dirige a cimenté les routes que les habitants ont tracées à force de passage. On peut se demander comment il a pu laisser construire sans plan ? Il voulait dire tout simplement à la population «pour le moment habitez».» «Il est considéré comme un père pour la population. Un père qui nourrit, qui donne vie, qui balise les routes, qui encadre, qui éclaire et construit l’homme de demain. Il avait compris qu’il fallait un endroit où habiter pour accéder au savoir. Et que la liberté s’accompagnait de savoir et surtout de bien-être, d’où l’importance d’avoir un toit. «Car si les droits de l’homme, c’est le droit d’habiter, Césaire l’a fait. Et si les droits de l’homme, c’est manger, il l’a fait.»
M.Jean-Claude DUVERGER
Né en 1948, conteur et ami d’Aimé Césaire Témoignages enregistrés le 7 décembre 2007 et le 22 février 2008 par David Redon et Mickaelle Bazile-Bourgmeyer (231 minutes)
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«L’armée a demandé l’arrêt des travaux des carrières qui mettaient en danger la stabilité du morne. Les carrières ont dégagé l’accès aux cascades. Avant, grimper la cascade était un vrai rite initiatique pour les jeunes de Trénelle et des autres quartiers» M.Jean-Claude DUVERGER Né en 1948 Témoignage enregistré le 7 décembre 2007 par David Redon et Mickaelle Bazile-Bourmeyer (71 minutes)
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«Nous allions laver le linge à la rivière avec mon mari, comme les voisins. Dès 5 h du matin. À 6 h, on redescendait chercher le linge pour remonter s’occuper des enfants. Tout le village se retrouvait à la rivière autour des lavandières. Une certaine Man Sonson avait même voulu faire payer la place à la rivière. En ce temps-là, on jetait encore les tinettes, les toilettes, à la rivière. Un monsieur ouvrait les vannes pour tout nettoyer.» Mme Josephe Aurelie MIKART Née en 1925 Témoignage enregistré le 23 juillet 2008 par Mickaelle Bazile-Bourmeyer (71 minutes)
«Quand je n’étais pas là, les enfants allaient se baigner à la rivière. Quand il pleuvait, la rivière remontait puis redescendait. On ne pouvait plus passer de l’autre côté. Un voisin attachait une corde d’un côté et de l’autre de la rivière et tous les enfants se donnaient la main pour la traverser. Il n’y avait ni pont ni passerelle. Les gens venaient de là-haut pour regarder cela.» Mme Helene LABRANCHE Née en 1926 Témoignage enregistré le 25 avril 2008 par Mickaelle Bazile-Bourmeyer (93 minutes)
«Sur toute cette partie le long de la rivière, rien n’a été planté par les habitants, il y avait déjà des fruits, un caïmitier, un abricotier, manguier, tamarinier des Indes, pruniers, arbres à pain, campêche qu’on appelait ainsi car il portait des types de mangue qu’on ne trouvait pas ailleurs. Beaucoup d’arbres ont été coupés pour construire les habitations, ceux encore debout sont centenaires.» «C’était le centre de vie de Fort-de-France. Ici, chaque pierre de la rivière a une histoire. Chaque lavandière avait sa pierre réservée. Il y avait un esprit très familial. Il pouvait y avoir des coups de gueule entre adultes mais sans jamais que les enfants s’en mêlent. La rivière attirait des jeunes d’autres quartiers, de Citron, Détour Bourdin, Bord de canal, des centaines de jeunes par jour se retrouvaient à la rivière..» Mme Josiane BELLY Née en 1942 Témoignages enregistrés les 14, 22 et 25 avril 2008 par Vanessa Farge sous la coordination scientifique de David Redon/Chorus (133 minutes)
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Drive en Citron Réveillé en sursaut D’un rêve de somnambule Je me retrouve au Y De la Rue Chante Claire Et de la Rue de l’Escalade Rue de l’escalade ! Je l’emprunte et traverse C’est mon passage Je le sens La lumière du jour Ne teinte pas en corps le Ciel Je ne le vois pas Je rive alors les yeux au sol Et ne marche plus que pour La chorégraphie de mon ombre À la lumière jaune des lampadaires Je passe la Rue de La Butte Et continue mon escalade J’arrive à la Cascade de la Falaise… À cette falaise La roche est volcanique En un bloc de Pierre Qui dépasse la vue À son large critique
Sans panique cette face de roche Est ciselée comme à la main Celle d’un géant Des raies de gestes à l’outil métal Qui par expiration À vue de la volonté du géant Se réaliser de voir l’eau chuter Ici Chantant le chant De notre quiétude Et parfois même De notre inquiétude La rivière coule Sur son lit aux mille cicatrices De tentatives de la dompter Face à sa démesure qui marque son lieu Marque son lieu De mille fêlures De mille brisures De mille cicatrices Non aléatoires De notre lieu-dit aussi Non aléatoire Là où Les enfants font de la Rue Un merveilleux Aux milles histoires De foires d’amour En quête de joie De vivre Au plus simple D’un regard d’enfant Sans publicité
Je ramasse une roche Plus petite que ma main Elle doit être un outil D’avec lequel je trace Trace dans le vert de gris Le hiéroglyphe de mon passage Sa Bouche Voilà mon totem Je le bénis et le trace Tourne aux quatre cardinaux De ma destinée choisie Je fais pas après pas Calmement Sans précipitation T’occupes de ma vitesse Je salue des visages De corps et âmes Femme Elles me sourient Je retiens à la prudence mon pas Arrive face au banc rose Salue le Nègre Aux chaussettes blanches De marcheur Et je vais choisi sur la droite Passant devant chez la Grand-mère Chez la Gran Madanm Du Conteur Poète Le haut perché qui a choisi Toutes les échelles Pour y monter en quête de vie
Qui témoigne de l’Esprit Lui qui règne en des Mornes qui disent Par sa bouche à lui pour nous : « Il est beau Et bon Et légitime d’être un nègre »
Vibel La Rue Aurelie Dicarnot Est la plus grande du quartier Elle voudrait peut-être Être un lit à la rivière Tant elle trace à sa parallèle Dans le quartier Je vois l’école J’entends déjà se réveiller Les murs Et le mobilier Le Ciel bleuit Et la rivière chante Plus intensément un air Qui donne une sensation d’amour À la tendresse de la coulé Glisse dedans la vib’s Et puis Je choisis la Rue du Bal de Blome Les voix de Grande-Dame La boutique qui s’éveille Les premières nouvelles de la radio Les derniers qui se couchent Passe le camion emporteur d’odeur Une nausée matinale Il me faut un verre d’eau Je continue à marcher M’arrête à une fêlure de proximité
Je vois le sillon d’une ravine En mini chute de roches Où une poule cherche Son petit déjeuner Je passe la Rue de la Combite Je me retourne Je vois l’escalier Une brisure Où s’engouffrent Les marches Plus Bas Je me mets à courir Je vais sans frein Au pond de chaine Rattraper l’eau de la rivière À la limite de son mélange D’avec la voie du lit sur balata Toute l’eau va à la mer Comme nous tous Nous revenons à la mère Surtout que c’est la nature Famille Du quartier Mère imprenable Et là au plus bas Je la lis par visualisation mémorielle L’inscription d’une image à vocation Fidèle D’un panneau municipal Castro aux mots de l’Aimé De mémoire citant Césaire Je lis cette phrase claire D’un humanisme de chair et d’âme
D’être humain Toujours plus humain Et résistant Lié à la vie Ansanm Ansanm Militant de vibel Et là À cette lumière jou douvon jou Je m’en retourne par la fenêtre Me couche dans mon corps Lui se réveille S’étire Écoute et entend Les annonceurs du jour Je sors dans Lakou Ouvre l’eau du bassin Lave mon visage plissé D’une eau glacée Un visage plissé D’un drap maculé D’une salive en fuite D’une bouche de téteur de langue Et j’ouvre le cahier de mon détour Où sous le Fuyapen Je lance le geste d’écrire Par la main en geste dansant L’histoire sur le papier D’une drive à Citron À écrire en mémoire poétique Qui dit : À la genèse Ce qui se vit…
Malik DURANTY
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Drive en Citron Mona dit et nous écoutons : « Pa vini a taton, vini franchman » À l’assaut des Mornes Où mawonaj Rime sans frime avec l’adage « Sé lèspri kò ki mèt kò » Et dire Que mon quartier Est une galerie de visages Certains avec mass D’autres se faisant face D’autres se modelant grimace D’autres mimant dehors la menace D’autres lisses D’autres bis Des visages qui tous racontent Beaucoup de ces visages Se sont exposés dans l’école Et ses abords Cette école où les visages Sont portés par les espoirs De l’injonction du Morne qui dit : « Pa kité kò-w glisé ! » Des visages qui ne cachent rien Et qui racontent dignement À ceux qui savent entendre Ce qu’il y a à comprendre De l’écoute de ce lieu aux djoubakè
Di sé tala ki tou lé jou sé dé rouchachè Mona dit et nous écoutons : « Sa ki sav sav ; sa ki pa sav pa sav » Mon quartier est acidulé De « good intention » Car vivre ici c’est une intention positive Car le chant ici est un blues sans rides Qui cernent le regard d’une envie maladive De vivre le bonheur en âme soeur D’ici à la coulé fleuve de sueur de bâtisseur Là La première résistance Est celle de la relation Entre humain en négritude Entre Peuples de la Caraïbe sans habitudes Entre Mornes de notre créolisation en béatitude Morne sanctuaire d’un conservatoire du doux et rude Des mémoires vives avides de dire en concrétude Oui Entends-tu Les témoignages historiques Aux grands de notre histoire d’ensemble Des témoins qui vivent Ils vivent de proximité avec l’histoire Par le vécu intime d’avec la chose Que le quartier est à l’essentiel De la rencontre Du Ciel et de la Mer Du Soleil et de la Terre Où nous sommes les enfants D’une force qui force la ville À nous voir
Je vois mon quartier Comme un corps d’humain Au buste et ventre Qui font une pente abrupte À la descente au rivage de la mer D’où coule une rivière Madame ou Monsieur Allons donner « an bel bo lanmou » À l’embouchure Relationnelle des élémentaires J’entends mon quartier Comme un corps humain Où kay-nou menm serait le coeur où Bat percussif le rythme la fanmi Où s’écoulent nos gestes actes fondal solidaire où Sanguinairement oxygéné le sang bat notre pouls d’Ansanm Du fondal natal an ladestiné Où la boutique est l’estomac où Se discutent et se disputent les faims en corps Les faims en esprit depuis nanninannan Où la rue est l’intestin où Circulent les nutriments digérés Par les sucs gastriques de l’intérieur où Se rumine la volonté d’être Où se puisent et s’épuisent les dernières forces où À se dire Bò kay-nou sé fòs rasin-nou Là un sens pour les voyageurs De l’intérieur et de l’extérieur Et de leurs humeurs
Mon quartier est un corps humain Sans pied, ni jambe Sans main, ni bras Il ne bouge pas Assigné à résidence sur Morne Il nous ramène toujours à lui Il ne va nul part Si ce n’est avec nous Dans notre imaginaire Notre façon de nous dire Pour nous plaire Mon quartier est un corps humain Son visage trace un grand sourire Qui n’a pas d’âge Un regard profond et sage De ceux qui ont connu le passage D’aller-vers pour dire nos adages Dans le vent colporteur d’un message Sé mònn-nou ki la ! Sa bouche est la bouche De celui qui a la bouche De dire pour ceux qui n’ont pas de bouche Ce qui de nous est au souvenir d’hier Ce qui de nous est à l’actuel d’aujourd’hui L’organe du partage spirituel est donc une bouche Elle qui bâtit la relation de vivre-ensemble À toutes les dimensions d’être et de paraître Peuple-Famille Elle est au visage Son nez est un four à gros gâteaux Ceux du dimanche sempiternel Aux poumons gorgés d’odeur de levure chaude
Ses yeux sont les miens pour voir La beauté en toute chose naturelle De ce que j’écoute, je sens et ressens À la lumière de mes sentiments et À l’ombre de la tourmente des sentiers sombres De ce visage là Son crâne est l’abri bus De notre mobilité d’aller-vers fidèle Et élevé à palabrer dans la quiétude De ce quotidien rituel Nou ka monté Nou ka désann An Fidji ba nou Pour se retrouver pour Voir ensemble Entendre ensemble Comprendre ensemble Entreprendre ensemble De notre écoute de l’ansanm-ansanm Pou tjè Pa tjè Mi tjè an tjè Mon quartier est un corps humain Je te le dis Il est danseur de bonne musique De la musique de sé nou-menm Je le dis un visage Et alors Faisons du quartier Un corps de nous Qui par nos esprits Inspirateurs de son âme S’interroge S’interroge S’interroge Pour un OUI à la Vie… … En visage…
Malik DURANTY
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Les AINES Témoin phare de l’exode des femmes et des hommes de toutes les campagnes vers la ville, Romance des sources intarissables qui inondent nos maisons autour d’un Edifice élémentaire du savoir qui guide nos enfants vers le Complémentaire et le Supérieur afin
qu’ils deviennent des hommes et des femmes de demain.
Navette véhiculant la Culture, les Sports et autres loisirs en Espérant sortir du néant des addictions qui emprisonnent nos jeunes et nos enfants. Lutte incessante mais contre vents et marée pour garder le charme tranquille de notre quartier. Laboratoire expérimental de réussite menant à des Etudes certifiées pour l’avenir. Chapelle, lieu d’expression spirituelle Incontournable pour la vie de la cité, Transmission de la mémoire des aînés, Réveil des consciences, Organisation de rencontre de dialogues et d’échanges, Nectar pour la vie de tous ! Paulette BORDELAIS Présidente du club des Aînés 64
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Les AINES Photographies de P aulette Bordelais
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Les AINES Photographies par les enfants
Arrivé dans le quartier en 1965, la principale activité du quartier était la carrière municipale. Il y avait l’extraction des pierres passées dans le concasseur. Il y avait deux carrières. La première carrière a été abandonnée, la seconde carrière se faisait appeler “Carrière Noga”, maintenant elle se fait appeler “Place de la Cascade”. Des Dynamites étaient placées pour extraire les pierres. De ce fait, les maisons situées à proximité étaient évacuées. Il n’y avait pas d’eau potable dans les maisons, il y avait une borne fontaine à côté de chez M. MARVEAUX. Les femmes faisaient leurs lessives à la rivière Madame du Citron. Elles étaient appelées “les lavandières”. Le saint patron de quartier était Saint Martin de Porrès, nom de la chapelle. A cette occasion était célébrée la fête du quartier au mois de novembre. Le conseiller du quartier s’appelait Aurélie Dicanot, une rue porte son nom. Dans le quartier, il y avait une boucherie, une patisserie et des petites épiceries autrefois appelées “boutiques”. Ces boutiques étaient habitées par les propriétaries. Il y avait deux écoles, l’une était celle des filles et l’autre celle des garçons. Par la suite, il y a eu une maternelle mixte. Actuellement une seule école regroupe la maternelle et le primaire. Dans ce temps là, les voisins étaient notre plus proche famille, nous nous sentions en sécurité et les maisons pouvaient rester ouvertes. Il y a avait le sens du partage et de l’entraide.
Monsieur et Madame JEANNOT
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Trenelle-Citron
Au bout du chemin ancrée dans sa vallée une école siège assise en partage avec l’église, d’un terminus, d’une fin de route.
Ils sont nombreux les sentiments que j’éprouve en regardant vos photographies et ils s’entremêlent en regardant vos visages, en me remémorant ces précieux instants partagés, ces rencontres que nous avons su créer et la lumière que vous avez su écrire. Le mot juste, celui qui prend le dessus est le mot Amour ! C’est ce que je ressens en m’imprégnant de ce bel hommage que vous rendez au quartier.
Et oui j’ai dû m’arrêter et j’ai écouté pour mieux voir la rumeur de l’école s’élever. J’ai vu qu’elle brillait par ses lumières qui se sont mises à raconter, les couleurs du temps de ses enfants, celles qui me signifiaient les raisons, le sens, de mon être là.
Plus qu’un projet, ce que j’ai vécu avec vous est une aventure formidable, un bonheur immense et une expérience unique que je n’oublierai jamais. Toujours un peu plus loin, telle a été la devise pendant ces deux dernières années de création, de réflexion, mais surtout de partage et d’échange.
Trénelle-Citron est pour moi un de ces endroits, bout du monde, où l’on est obligé de se regarder, savoir si l’on est bien là, avec les autres, pour repartir un peu plus loin en soi. C’est un en dehors du voyage intérieur et ses couleurs enrichissent ceux qui ont la chance de s’y rencontrer.
Trénelle-Citron est pour moi un lieu magique, une bulle lumineuse qui s’élève au-dessus de la ville. Un lieu mystique où la nature et l’homme ne font qu’un, où Madame, la belle rivière au nom fécond, irrigue ses abords verdoyants, cette végétation exubérante qui observe et protège ses habitants. Un lieu où le temps s’est arrêté et où l’on sait prendre le temps… Un de ces lieux rares qui inspire avant tout le respect et la contemplation. Un quartier où la vie bat son plein, où le vide n’existe pas et où les couleurs exaltent et éclatent tout en haut du morne.
En marchant au bout de Trénelle, au bout de Citron, j’ai vu des restes de bidons attestant des temps où de bidons la ville était.
Et bien oui l’école Mireille Gallot à force de la regarder, j’y suis entré, la lumière celle des êtres qui la font est à jamais gravée, elle décrit les temps partagés que la photographie par sa mémoire sait toujours imposer. Les enfants se faisant miroirs de leurs réalités ont su décrire la lumière de leur vie à l’école, les porteurs du savoir que sont les enseignants et tous ceux qui font que l’école publique est un guide fondamental dans les chemins de nos vies. C’est pour cela que nos enfants ont voulu sortir et montrer leur quartier, traverser la rivière qui se fait appeler Madame, s’élever et figer la cascade, nous montrant les chemins du quotidien repère des identités. La ballade de tous les jours devient unique comme les personnes photographiées. Merci Trénelle, couleur Citron, de nous avoir permis de transmettre notre passion, notre savoir par la photographie. Jean-Louis SAIZ 72
Chers enfants
La photographie est pour moi plus qu’une passion, elle m’habite jusqu’au bout des doigts, c’est une longue histoire, un chemin qui se construit et se poursuit pas à pas. Ce chemin est passé par Citron et ma passion n’en a fait que grandir et mon esprit s’est enrichi de toutes ces rencontres, de nos échanges, de vos sourires et de tout ce que vous avez su nous donner à Jean-Louis et à moi-même. Merci d’avoir su nous écouter, d’avoir su vous réapproprier notre passion en captant la lumière des lieux et des habitants qui vous sont chers. C’est un bien beau cadeau que vous nous faites !
Jean-Michel ANDRE
Mon quartier Avec l’aide de notre grand poête toi qui était une terre de mornes et d’arbres en tous genres, tu nous as permis, après bien des efforts douloureux de nous épanouir aujourd’hui. plus besoin pour la lessive d’aller à la rivière, plus besoin de bougie pour avoir la lumière. Nous avons les arbres à pain Les goyaviers, les manguiers et pour couronner tout cela nous bénéficions d’une cascade que nous nous permettons d’appeler “les chutes du Niagara” Ces chutes méritent d’être visitées
Tout en haut du morne, C’est un petit quartier Où coule une rivière. Il a un petit pont, Une église et une école. Il n’a ni pharmacien, Ni avocat, ni médecin. Il n’a que des maisons, Il n’a que du soleil, De l’espace, du ciel Et du rêve… Il est rempli d’enfants. Il écoute l’eau, le vent Et leur rire… C’est un quartier perché, Pouvez-vous me dire Son nom… Il s’appelle : « Citron ».
Mme Raphaelle RISAL
Les élèves de l’école Mireille Gallot. Section des grands, année 2008-2009.
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MERCI A Daniel, Audrey, Catherine, Christiane et toute l’équipe pédagogique de l’Ecole Mireille Gallot, merci à l’association Le COQ, à Anelise, Joëlle et Myriam de la MOUS Trénelle (Chorus). Brunette, Paulette et tout le club des Aînés du quartier. Yvon, Dominique, Madame Nader et tous les gens du quartier qui nous ont ouvert leurs portes et leurs coeurs... Les enfants ainsi que leurs familles. Merci à Chantal Dardanus sans qui ce projet n’aurait pu voir le jour. Merci à Fauvette, à Brunette, à Malik, à David et à Alice. Merci à nos partenaires : l'ACSE, la DRJSCS, la DAC, le CUCS, le Conseil Régional, le Conseil Général et la Ville de Fort-de-France.
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Conception graphique : JMA