Découverte
La Résistance
Dossier
Le Valais, paradis du vélo ?
Portrait
Yves Corminboeuf
Printemps 2018
Portfolio Les 24 heures vélo au Mans Vélo dans la ville Les vertus du vélo reconnues
édito
joakim faiss
Pour le meilleur et pour le pire... Passages de vitesses à commande électrique, électronique même depuis que l’on a retiré la connexion filaire, capteurs de puissance, de cadence, de fréquence cardiaque, de vitesse, de dénivelé, fourches télescopiques et amortisseurs électroniques sur le VTT, plateformes en ligne et sociales pour sauvegarder, compiler et partager le tout… Le vélo est décidément entré dans l’ère numérique, peut-être pour le meilleur, qui ne va jamais sans le pire. Telle cette idée d’un représentant de l’industrie du cycle qui veut équiper tous les cyclistes ou cycles d’une puce pour que les automobiles puissent mieux les « voir » à l’avenir… Pas de puce ? Pas de sécurité. Belle avancée au royaume de la bagnole. Au-delà de ce que l’avenir nous réserve, le plaisir que nous éprouvons aujourd’hui à enfourcher notre bécane (enfin, l’une de nos bécanes, soyons sérieux), passe-t-il par un alignement sans fin de chiffres, qui s’améliorent si tout va bien, des statistiques que l’on admire au coin du feu ? Ou est-ce pour cette sensation que l’on dit la plus proche du vol des oiseaux ? Cette liberté de rouler, de zig-zaguer, de partir, de voyager, sous la pluie qui nous fouette le visage, le soleil qui nous grille les avant-bras ou le vent qui nous fait pousser des ailes ? Poser la question c’est y répondre, soyons sérieux… Ce passage à l’électronique, au numérique, votre magazine le fait aussi, aujourd’hui. Après 44 éditions sur papier glacé, Vélo Romand s’affiche désormais sur vos écrans et nulle part ailleurs, mais toujours sous la forme d’un magazine mis en page. Et toujours avec la même envie de partager coups de cœur, belles histoires et images. Le site internet www.veloromand.com fera également cet effort au quotidien, le magazine offrant un temps d’arrêt deux fois par an. Parce que, électronique ou pas, le vélo n’est pas ce qu’il est, mais bien ce qu’on en fait. Pour le meilleur !
3
©Valais Wallis Pro
motion - David Car
lier
©Patrick Schreyer
SOMMAIRE
©David Malacrida
Impressum Vélo Romand No44 Printemps 2018 Société d’édition
Route de Vessy 38 CH - 1234 Vessy
Directeur de publication Jules Bellier jules@atelier-33.ch
Iconographie Jules Bellier
Rédaction Jules Bellier Didier Bender Bertrand Duboux Joakim Faiss Laurent Hennet Marcel Neuenschwander Philippe Roch Yves Terrani
Direction artistique Emmanuel Delale
Correcteur Daniel Forte
Rédacteur en chef Joakim Faiss joakim.faiss@veloromand.com
La rédaction décline toute responsabilité pour les manuscrits et les photos qui lui sont soumis. La reproduction même partielle, d’articles ou d’illustrations parus dans VéloRomand est interdite sauf accord écrit avec l’éditeur. © Atelier 33 / Genève Une proposition, une information, une question ? jules@atelier-33.ch
©Patrick Schreyer
4
sommaire
3
édito
Pour le meilleur et pour le pire. 6-11
PORTFOLIO
Les 24 heures vélo au Mans. 13-15
vélo dans la ville
Les vertus du vélo reconnues – Si le peuple le veut bien, le vélo sera inscrit dans la constitution, rappelle Yves Terrani. 16-25
évasion
20 spots – Alban Aubert descend 20 sentiers différents en une journée. La Résistance – Au départ d’Annecy, cette randonnée « gravel » a un savoureux goût d’aventure dans des paysages magnifiques, constate Laurent Grabet. 26-35
notre dossier
Un avenir radieux pour le vélo en Valais ? – Le Vieux-Pays ne manque pas d’atouts pour s’imposer comme destination de choix pour les cyclosportifs et cyclotouristes de la planète entière. Les acteurs concernés ne ménagent pas leurs efforts pour y parvenir, mais il reste encore du chemin parcourir, relèvent Yves Terrani et Patrick Délétroz. 36-38
Portrait/Interview
Yves Corminboeuf – En pleine ascension sportive, le jeune champion a dû livrer une course inattendue : celle de sa vie en luttant contre une leucémie aiguë. Retour sur le parcours d’un homme attachant et courageux toujours à la recherche de nouvelles idées, écrit Laurent Hennet. 40
humeur
Pas facile d’être poli en plein effort, s’inquiète Jean Amman.
> sur www.veloromand.com - Un site internet flambant neuf - Des articles « magazine » - L’actualité du vélo romand
5
6
portfolio
Les 24 heures vélo au Mans Les 24H Vélo PEARL iZUMi ont atteint un record de fréquentation en 2017, avec 500 équipes au départ
portfolio
7
8
portfolio
portfolio
9
10
portfolio
portfolio
11
vélo dans la ville
YVES TERRANI
Les vertus du vélo reconnues
©Christof Sonderegger
Le vélo sera à l’avenir mentionné dans la Constitution fédérale, au même titre que la randonnée pédestre. Les Chambres fédérales ayant opté sans modifications pour le contre-projet direct du Conseil fédéral à l’Initiative vélo, celle-ci a été retirée. Mais le peuple suisse aura le dernier mot.
Président de Pro Vélo Suisse et conseiller national socialiste bernois, Matthias Aebischer ne cache pas sa satisfaction : les Chambres fédérales se sont en effet accordées à mi-mars
pour inscrire la petite reine dans la Constitution, reconnaissant ainsi ses vertus en matière de mobilité douce. La Chambre haute et celle et peuple ont toutefois préféré sans modifica-
tions un contre-projet direct du Conseil fédéral à l’initiative de Pro Vélo Suisse déposée en mars 2016. Dans les faits, ce contre-projet reprend les buts de l’initiative. Il encourage
13
14
vélo dans la ville
la création d’un réseau de voies cyclables en Suisse, mais sans mesures contraignantes pour les cantons et les communes. La Confédération pourra, mais ne devra pas coordonner la promotion du vélo. Il reste qu’il appartiendra aux citoyens suisses (double majorité peuple/cantons) de dire – probablement d’ici la fin de l’année – s’ils approuvent cette nouvelle disposition constitutionnelle. « Nous aurions évidemment souhaité un plus grand soutien en faveur de notre initiative, affirme Matthias Aebischer. Il reste que le but est atteint : l’encouragement du vélo sera enfin inscrit dans la Constitution fédérale. » Membre du comité de l’Initiative vélo, le Genevois Rolin Wavre se réjouit lui aussi de la décision des Chambres fédérales. « Cela prouve qu’il y a un large consensus autour du vélo et que la question de ce mode de locomotion est sérieusement prise en compte, dit-il. Et d’ajouter : Nous avions l’adhésion d’associations qui n’ont pas un rapport direct avec la petite reine. C’est remarquable. » Il est vrai que l’objet disposait du soutien de nombreuses organisations, dont le Touring Club Suisse, l’Association transports et environnement, la Fédération suisse du tourisme ou encore hotelleriesuisse.
Surfer sur la vague positive Tant Matthias Aebischer que Rolin Wavre en conviennent, il s’agira d’aller plus loin. Et de pousser les cantons et les communes à des améliorations durables en faveur des cyclistes. Notamment les pistes cyclables. « Maintenant, doit-on le faire avant, pendant ou après la votation fédérale à venir ? », s’interroge Rolin Wavre. Pour lui, il faut de toute manière installer au plus vite le vélo dans le
paysage urbain. « C’est possible, estime-t-il. Ça fonctionne bien à Berne – moins à Genève, hélas – mais
pourquoi n’en irait-il pas de même partout ? ». Et celui qui est aussi membre du comité directeur du PLR
à inscrire dans la loi Lorsqu’un véhicule motorisé dépasse un cycliste à une distance insuffisante, cela conduit à une situation de danger. Les délégués de Pro Vélo Suisse ont ainsi adopté à l’unanimité une résolution exigeant que la distance minimale pour les dépassements (1,5 m) soit inscrite dans la loi.
Dialogue avec les villes Les vélos en libre-service (VLS) en flotte libre suscitent la controverse depuis leur récente arrivée sur le marché helvétique. Il en est ainsi à Zurich, suite au déploiement par une start-up singapourienne de plusieurs centaines de vélos sans concertation préalable avec les autorités locales. C’est pourquoi Pro Vélo Suisse a décidé de publier une série de recommandations à l’intention des villes suisses pour les aider à réagir de manière appropriée à l’arrivée des opérateurs de systèmes de VLS en flotte libre et leur proposer des solutions afin d’intégrer ces systèmes dans leur propre stratégie de mobilité.
Insuffisance de mesures Les mesures censées favoriser la mobilité douce annoncées récemment par les autorités genevoises sont insuffisantes selon les milieux genevois du vélo. « Des mesurettes. Un coup d’épée dans l’eau », estiment-ils, évoquant « l’absence d’une réelle volonté politique ». Ces mêmes milieux regrettent l’absence de dispositions d’ensemble pour un réseau cyclable « structuré, continu et sécurisé ».
Bourse aux vélos Le début du printemps annonce aussi la nouvelle saison du vélo. Le calendrier des bourses aux vélos renseigne sur les dates et les lieux des quelque 80 bourses programmées sur l’ensemble du territoire suisse en 2018. Infos : www.boursesauxvelos.ch
Cours de conduite cycliste Quelque 300 cours de conduite cycliste « à vélo en toute sécurité » sont à nouveau proposés en Suisse cette année. Infos : www.coursvelo.ch
Stations PubliBike modernisées à Sion La ville valaisanne de Sion fait partie des premiers réseaux de « bike sharing » de Suisse dotés des nouvelles stations PubliBike compatibles avec un smartphone. Les stations sédunoises ont ainsi été modernisées et adaptées aux nouvelles technologies. Aujourd’hui densifié, le réseau de la capitale valaisanne est en outre doté d’une toute nouvelle flotte de vélos, dont 16 sont électriques. YT
vélo dans la ville
suisse et municipal de la commune genevoise de Pregny-Chambésy de se réjouir qu’avec ce vote des Chambres fédérales, « on ait dépassé le stade des joyeux cyclistes avec une pâquerette dans la bouche qui vont pédaler le dimanche dans la campagne ». Pour mémoire, l’Initiative vélo réclamait que la pratique de la petite reine soit soutenue dans tout le pays. Au même titre que la randonnée pédestre. L’article 88 de la Constitution fédérale – qui traite des chemins et sentiers pédestres – fera donc désormais aussi mention du vélo. Le coût de cette nouvelle disposition constitutionnelle est modeste pour la Confédération : un peu plus d’un million de francs par an et 1,5 poste.
Nécessité d’agir 37 conducteurs de vélos ou d’e-bikes ont perdu la vie sur les routes suisses l’an dernier. De plus, 1042 personnes ont subi des blessures graves. Des chiffres qui ne s’améliorent pas d’une année sur l’autre et qui sont bien trop élevés. «Cela doit changer», affirme Matthias Aebischer, président de Pro Vélo Suisse. Pour lui, l’amélioration et le développement des infrastructures cyclables constitue le meilleur moyen de prévention. Au-delà de la question politique – définitivement réglée par le Parlement fédéral, mais sur laquelle devra encore se prononcer le peuple suisse – la faitière des cyclistes lance d’ores et déjà un appel aux cantons et communes pour qu’ils participent activement à cette dynamique en investissant dans des équipements routiers destinés à assurer la sécurité des cyclistes. YT
15
16
évasion
Alban Aubert
20 sentiers, 20 remontées mécaniques, 1 jour Depuis presque 20 ans, j’écume les différents spots d’Europe et du Monde et je me demandais combien de trails différents, avec des accès avec des remontées mécaniques différentes, il était possible de faire en un jour.
©Photos : www.patriceschreyer.com
Alban Aubert
Départ à 5h du matin à Bellwald…
Le choix s’est vite porté sur l’Europe qui a une densité très forte de stations et sentiers dans toutes les alpes. Ensuite, la Suisse doit être la championne au niveau des remontées mécaniques, car un bon nombre sont construites pour une utilisation journalière de monsieur tout le monde. Elles n’étaient à la base prévues pas prévues pour le ski et bien sûr pas pour le vtt à l’époque ! L’étau se resserrant, il ne restait plus que
4 régions à disposition, Uri, Valais, Tessin et Grisons. Après l’ouverture d’une carte, il m’a sauté aux yeux que la vallée du Rhône située dans le canton du Valais offrait des possibilités infinies. La limite concernait juste la durée d’une journée, avec si possible de la lumière pour y voir clair. Après une longue étude assis à mon bureau à étudier les heures d’ouvertures des différentes remontées, il était temps de passer aux
reconnaissances. En effet, le but était d’avoir de vrais sentiers praticables. Je voulais éviter les sentiers totalement abandonnés et inroulables ou les spots de possédant qu’une route comme possibilité pour la descente. Au final, c’est près de 25 spots qui ont été retenus. Le travail final a été de trouver un ordre logique pour l’enchainement de 20 sentiers. Mon but étant d’avoir 20 sentiers ayant des départs diffé-
évasion
rents, avec un accès à chaque trail avec une remontée mécanique différente, exit les bus postaux ou autres systèmes de shuttle. La deuxième question a été de savoir comment réaliser les photos. Comme le font certains alpinistes, on a réfléchi avec Patrice et Antonin de consacrer une deuxième journée pour faire uniquement les photos et le film. Au final, pour l’éthique et le défi, il a été décidé de tout faire le même jour. Challenge d’autant plus difficile, car en plus de mon planning, il a fallu calculer celui du photographe et cinéastes pour qu’il puisse me rejoindre à suffisamment d’endroits pour réaliser photo et vidéo. Je les félicite donc du résultat, car il fallait agir vite et précisément. La seule chose qu’il a été facile de choisir a été la date : je voulais profiter du jour le plus long, le solstice d’été s’est imposé de lui-même.
tion se fait en vtt et c’est tout en descente que je rejoins ce qui est mon quatrième spot, Fiesch (Fiescheralp) ! En effet, pour des raisons d’horaires, on descend un peu plus loin dans la vallée pour se rendre à Betten Stn pour prendre la deuxième et troisième remontée mécanique. De retour à Fiesch, il est 7h30 quand j’essaye d’embarque dans le téléphérique. L’employé des remontées mécaniques ne veut pas me laisser passer, car il est persuadé qu’à 7h30 il n’est pas possible d’avoir déjà acheté et utilisé une carte journalière VTT. Après avoir
vu que le billet n’est pas un faux, j’ai le feu vert pour embarquer ! Ce spot offre le seul trail officiel dédié aux vtt de tout le projet, mais c’est aussi celui qui me plaît le moins. Il y a peu de flow, a plusieurs transitions pas ludiques et les parties techniques sont simplement raides. Mais le panorama depuis le sommet est magique ! Les spots suivants se trouvent sur le même versant et offrent des sentiers très similaires. Ils sont situés à proximité du plus grand glacier des Alpes, le glacier d’Alesch.
Au final, c’est une équipe de 7 personnes qui se retrouve dans un petit hôtel de Bellwald, qui s’est fait connaître pour sa piste de descente. Il y a Floriane Boss (assistante photo/vidéo), Antoine Denis (mécanique) Patrice Schreyer et Antonin Pergod (photo/vidéo), Brice Wacker (chauffeur) et mon amie. Après un dernier briefing, on se couche tôt pour être prêt pour un départ prévu vers 5 heures du matin ! La première descente se fait dans une semipénombre et la lampe est la bienvenue pour les 5 premières minutes. Le sentier réveille, car après une section sur la route (sentier interdit aux vtt), la suite se passe sur une crête ou les racines de sapins centenaires me rappellent que je ne suis pas le premier à passer ici. La première transiLa première descente se fait dans une semi-pénombre et la lampe est la bienvenue.
17
18
évasion
En Valais, de nombreux transports à câble, parfois rustiques, permettent d’enchaîner les descentes d’un village à l’autre.
C’est le 8ème spot qui va m’offrir un peu de dépaysement et de calme. L’endroit est spécial, il est peu fréquenté, donne accès au village de Rosswald et offre une forêt de toute beauté. Il y a plusieurs options. Je
Un terrain de jeu incr pour un dé oyable fi qui l’éta it tout auta nt.
Plongeon de fin de journée sur la plaine du Rhône.
n’ai pas choisi la plus belle, qui part à lest du village, mais la plus rapide qui commence juste en dessous du village. Les virages s’enchainent et c’est avec plaisir que je retrouve toute mon équipe au pied tu téléca-
binne, prélassé au soleil. La suite se passe de l’autre côté de la vallée et me premettra de gagner du temps grâce à Brice qui a conduit parfaitement et on arrive juste à prendre la télécabine avant celle prévue. Du coup, j’annonce cela au reste du staff, qui finit de manger la fondue en vitesse pour être au lieu du rendez-vous, lors de la prochaine descente. C’est la magique vallée menant à Zermatt qui va m’offrir les 5 spots suivants (Grächen, Embd, Schalb, Gspon, Staldenried), avec entre autres un petit télécabine d’une autre époque oui il n’y a la place que pour 2 personnes et 2 vtt ! Le dernier rush se passe dans la paradis du singeltrail, Visp ! Depuis là, de nombreux spots sont accessibles, mais je n’ai sélectionné que ceux offrant un accès en remontée mécanique. Ces spots peuvent même s’en-
évasion
chaîner sans transferts en voiture pour ceux qui voudraient tenter l’aventure. On peut passer de Zeneggen à Unterems (15 km à vol d’oiseau) en enchaînant Unterbäch, Brand, Eischoll Jeizinen et Unterems. Ce qui nous amène directement au spot final : Vercorin qui donne accès au magnifique Val d’Anniviers. Il y a deux options : soit un chemin large, une route non-goudronnée ou un sentier très raide, réputé pour sa course à pied : le kilomètre vertical. Souhaitant faire du vrai vtt, j’ai choisi la deuxième option et je ne suis pas déçu. Je ne lâche pas les freins durant toute la première partie de la descente. La ligne est facile, droit en bas ! La suite est plus ludique et me donne l’occasion d’apercevoir une dernière vue
sur cette magnifique vallée du Rhône. Quelques instant plus tards, je retrouve tout mon staff, accompagné par mes parents et quelques amis. Quel plaisir de pouvoir partager de tels moments avec ses proches. Au final, un journée de plus de 16 heures de vtt qui restera dans ma mémoire à jamais ! vailles Les retrou h de VTT… 16 de us après pl
Les spots —> Bellwald —> Ried-Mörel —> Belap —> Gspon —> Eischoll
—> Bettmeralp —> Greicheralp —> Grächen —> Staldenried —> Jeizinen
—> Betten —> Riederalp —> Embd —> Unterbach —> Unterems
—> Fiescheralp —> Rosswald —> Schalb —> Brand —> Vercorin
19
©Photos : David Malacrida
20 évasion
évasion
LAURENT GRABET & DAVID MALACRIDA
Quand le « gravel bike » entre en Résistance
©Laurent Grabet
Sur le papier, nous peinions à comprendre l’engouement suscité par le « gravel bike ». En septembre dernier, « La Résistance », épreuve emblématique de la discipline, organisée du côté d’Annecy (F), nous ramenait à de meilleurs sentiments. Reportage.
« C’est bien du ’’vélo libre’’ », souligne Samuel Dixneuf, co-organisateur de l’épreuve et féru de gravel.
« Gravel Bike, vraie pratique ou lubie marketing ? » titrait un collègue dans le n°42 de ce magazine au printemps dernier. Même après avoir dégusté son enquête, nous penchions clairement pour la seconde option. Mais, histoire de ne pas mourir idiot, engoncés dans ce qui n’étaient peut-être que des préjugés, nous avions décidé de tester la chose. L’occasion s’est présentée le 16 septembre du côté d’Annecy (F) avec « La Résistance ».
Cette cyclosportive gravel non chronométrée jouit déjà d’une belle popularité. Pas moins de 200 passionnés ou curieux s’alignent sur cette seconde édition. L’épreuve a choisi, un peu pompeusement, pour devise : « Vélo libre et souvenir ». La chose en dit déjà un peu sur le « gravel bike ». « Cette manière de rouler consiste à sortir des sentiers battus pour chercher l’aventure et l’exploration sans vrai souci de performance. C’est plus léger et plus réactif que le VTT et permet de
s’inventer des itinéraires plus ambitieux. Bref, c’est bien du ʺvélo libre », soulignait doctement Samuel Dixneuf, co-organisateur de l’épreuve et féru de gravel, à l’heure du départ.
Britanniques venus en nombre Voilà pour le côté « libre ». Le côté « souvenir » faisait quant à lui allusion au fait que le grand parcours passe au plateau des Glières, haut
21
22
évasion
Vous avez
Avec un gravel emprunter la longue route caillouteuse qui succède au bitume et poursuivre l’aventure devient possible.
lieu de la résistance aux nazis lors de la Seconde Guerre mondiale. D’où d’ailleurs le nom, à double sens, de l’épreuve. Nos gambettes allaient s’en rendre compte : de la résistance, il en faut une bonne dose pour venir à bout de ces 130 km, de leur 3000 m de dénivelé positif et des quatre portions gravel, pour un total de 40 km... Le départ, aussi magnifique que roulant, le long de la rive Est du somptueux lac d’Annecy, ne laisse rien présager de la suite. Pas plus que les kilomètres de plat qui suivent, menant via une impeccable piste cyclable au pied de la première difficulté. À ce stade, mis à part sur les 20 km de la première portion gravel gadouilleuse du parcours, parler en roulant reste possible. Nous ne nous en privons pas en abordant notamment David Wilkins et son coéquipier. Respectivement dossard 5 et 6, les deux amis ont fait le déplacement depuis Londres ! Et ces très fringants
quadras ne sont d’ailleurs de loin pas les seuls Britanniques à participer. Un article de dix pages paru en avril 2017 dans la bible « Cyclist Magazine » a donné une certaine notoriété à la petite « Résistance » outre-Manche. Tout comme le fait que l’épreuve est très liée au magasin de cycle Basecamp, de Talloires, lequel est géré par quatre passionnés dont deux Britanniques. L’un d’eux est un certain Ross Muir, qui fut cycliste pro chez Crédit agricole.
Magnifique col de l’Arpettaz « Le gravel, c’est un peu marketing mais c’est convivial. On y déguste de beaux paysages et l’ambiance n’est pas prise de tête. On discute, on ne se tire pas la bourre. Ça change des courses habituelles ! », résume donc David Wilkins tout en emmenant son ami à 40 km/h vers l’Arpettaz
que ?
dit pittores
Au ravitaillement, on fait aussi tamponner son si désuet mais charm ant « passeport-souve nir ».
(1581 m). En un sens, ce genre de col légitime à lui seul l’invention du gravel. Sur un vélo de course classique, on ne peut le pratiquer qu’en mode aller-retour, ce qui reste plutôt dissuasif. En VTT, il se révélerait poussif. Avec un gravel en revanche, emprunter la longue route caillouteuse qui lui succède et poursuivre l’aventure devient possible. Et l’on se surprend à redécouvrir ainsi une région que l’on se targuait de connaître par cœur pour en être originaire et l’avoir longtemps sillonnée à vélo. Les 14 km à 10% de l’Arpettaz serpentent d’abord dans les champs, puis dans la forêt. On monte « à sa main » sans jamais être gêné par les voitures totalement absentes ici, ni pas le fait que notre compteur affiche une vitesse à un chiffre. En bas dans la vallée, s’évapore Ugine l’industrieuse tandis que devant nous se dessine peu à peu l’univers de la
évasion
montagne. « C’est l’un des plus beaux cols que j’ai vu, assène un participant en nous dépassant. Faut en profiter, le jour où la route s’effondre, ils la referont pas ! » La phrase a valeur d’encouragement car ici, jamais on ne dépasse en s’ignorant ou en se regardant de haut…
Fraises Tagada aux ravitos Sur « La Résistance », les ravitos aussi sont plus conviviaux qu’ailleurs. « Pour commencer, les gens s’y arrêtent ! Et puis ça papote, ça compare ses vélos et ça se prend en photo avec les chèvres », constate amusé David Malacrida, photographe officiel de l’épreuve, à l’heure de celui du sommet de l’Arpettaz. Et puis, on peut y faire tamponner son si désuet mais charmant « passeport-souvenir ». On y trouve surtout un étonnant cocktail fait de fraises Tagada, de goûteux reblochons et de chocolat. Le tout enrobé dans la bonne humeur de bénévoles, qui en revanche peinent à informer clairement sur la suite des « hostilités ».
Visiblement heureux d’être là, David Wilkins (dossard 5) et son coéquipier ont fait le déplacement depuis Londres.
Heureusement d’ailleurs car sinon, peut-être aurions-nous rebroussé chemin ! La suite constitue en effet le morceau de choix des deux parcours proposés par « La Résistance ». Cette « route de la soif » s’enfonce au cœur du massif des Aravis et les choses y prennent véritablement un
tour gravel. « Ça secoue, ça tabasse, c’est casse patte et les jambes piquent un peu, même pour moi qui vient du VTT, mais que les paysages sont beaux ! Et puis, ça nous change des journées passées devant un ordi au bureau », résumera ravi au final, Gérald Karzsnia, comptable lyonnais
23
24
compétition
de 32 ans, qui étrenne ici un vélo gravel flambant neuf. Véritable balcon donnant sur le mont Blanc, en 14,5 km de cailloux et de montagnes russes, la « route de la soif » nous emmène vers le col des Aravis (1487 m) sous l’œil de quelques randonneurs et vaches intrigués. C’est un peu la galère. En montée, ça n’avance pas. En descente, on fait du surplace à 15 km/h les mains crispées sur les freins alors qu’à VTT on avalerait la chose à 40 km/h.
Un parfum de cyclisme héroïque Sans compter qu’une crevaison vient corser le tout et que nous avons oublié nos démonte-pneus ! Un participant nous laisse les siens tout
naturellement. C’est avec grand plaisir et avec l’impression que la route de la soif nous a méchamment bizuté que nous retrouvons finalement le bitume. À ce stade, la célèbre citation de Bernard Hinault à propos de Paris-Roubaix nous revient et nous voilà tenté de l’appliquer telle quelle à « La Résistance » : « Cette épreuve est une belle cochonnerie ». Sauf que nous revient en mémoire au même moment cette vieille photo noir et blanc de Coppi et Bartali s’affrontant sur les pentes d’un col non goudronné. Et la conviction de goûter nous aussi une petite tranche de ce cyclisme héroïque d’un autre temps s’impose alors. D’autant que la monture cyclocross, de marque Specialized, gracieusement prêtée par le rédacteur en chef du Magazine
pour boucler ce reportage, se prête fort bien à l’exercice sur la fin du parcours. Lequel passe soit par le col de la Croix-Fry, bien connu des coureurs du Tour de France, soit par une redoutable route menant au plateau des Glières, selon la variante choisie. Autour de nous, de véritables « gravellers » arborent de véritables vélos gravel. Certains ont des pneus crantés section 35, d’autres des guidons aussi rétros qu’élégants. L’une des plus performantes de ces machines, l’Open Suisse 3T, accuse seulement 7,5 kg sur la balance. Certains cyclistes ont gardé leurs sacoches comme pour souligner qu’ici, l’autonomie fait partie intégrante de l’aventure. Parmi les adeptes du gravel, on trouve une bonne part de cyclotouristes amoureux d’aventures aux long cours et aussi pas mal de bobos esthètes à la culture cycliste plus récente. La plupart semble avoir des moyens à en juger par leur monture et leurs voitures alignées sur le parking. Il faut dire que l’inscription à « La Résistance » coûte 70 euros, une belle somme en France vu le contexte économique.
Engouement pour ce « vélo libre » Les femmes ne sont pas rares. Lauriann e Plaçais est l’une d’elles. Cette Chambérienne de 32 ans est championne du monde de cross-triathlon Xterra dans sa catégorie. Elle a découvert le gravel il y a quelques mois, et apprécie le dépaysement que cette discipline lui procure. C’est sa première rando gravel et, même s’il n’y a pas de classement, elle la termine première. Question de principe ! « Le gravel, ça secoue dans tous les sens à la descente ou ça permet d’aller n’importe où, de couper par les champs ou la forêt si ça nous chante, s’enthouQuand la beauté du paysage rend la chose (un peu) plus facile…
compétition
siasme l’athlète. Pour moi qui n’aime pas trop avoir du monde autour de moi, surtout à la montée, c’est idéal ! » L’incontournable Damien Bisetti, de son côté, a bouclé la petite « Résistance ». L’inventeur de la fameuse bière Vélosophe constate un véritable engouement autour de cette pratique. Dans son magasin de cycle genevois, il vend d’ailleurs pas mal de vélos de gravel. « Au-delà de 40 ans, les gens vont se diriger de plus en plus dans cette direction car beaucoup en ont marre de se retrouver sur des routes coincés par des voitures, pronostique le professionnel de 49 ans. Et puis à cet âge, la perf pure est derrière eux, ils ont écumé pas mal de routes et le gravel leur ouvre pas mal de perspectives et de nouveaux parcours… ».
En l’écoutant, nous réalisons « tristement » que nous entrons dans cette catégorie. Quelques sorties typées gravel dans les jours suivants « La Résistance », feront le reste. Nous avons compris l’essentiel : invention marketing ou non, le gravel séduit. Il permet de longues et inédites randonnées montagneuses que la lenteur et la lourdeur d’un VTT rendraient interminables et laborieuses et que la fragilité d’un vélo de course classique interdirait tout bonnement. La discipline a un savoureux goût d’aventure. Elle donne l’impression d’être un géant de la route escaladant un col poussiéreux, le confort d’une monture moderne en plus. Nous voilà convertis ! Infos : www.laresistance.cc
25
Les femmes ne son t pas rares et Laurianne Plaçai s est l’une d’elle s.
s ou curieux 200 passionné Pas moins de nde édition. co se tte ce e sur se sont aligné
tion
©Valais Wallis Promo
26 dossier
dossier
PAR yves terrani et patrick délétroz
Un avenir radieux pour le vélo en Valais ? Le lac, les montagnes, de petites routes sans trop de circulation, des routes de cols splendides, des parcours de VTT et des sentiers à foison, des images qui commencent à circuler dans le monde entier. Ajoutez-y un climat plutôt favorable, même si ce début 2018 semble être l’exception qui confirme la règle, et vous avez tous les ingrédients pour faire du Valais une destination de rêve pour de nombreux cyclotouristes et cyclosportifs. Les passionnés de vélo ne s’y trompent pas et les instances touristiques non plus. Les initiatives, détaillées dans les pages suivantes, se multiplient, nous expliquent Yves Terrani et Patrick Délétroz. Le moment semble venu pour saisir cette chance, pour le tourisme, mais aussi dans le domaine des transports au quotidien. « On part de tellement loin qu’on ne peut qu’être meilleurs », explique Vincent Pellissier, chef du Service cantonal de la mobilité. Même le conseiller d’Etat Christophe Darbellay s’impatiente, signe peut-être que les priorités vont, enfin, changer sur les routes du Vieux-Pays.
27
28
dossier
©Valais Wallis Promotion
Le vélo, un vrai pari pour l’avenir en Valais ?
Près d’une dizaine d’itinéraires à destination des barrages sont proposés par Valais-Wallis Promotion.
Le canton entend se positionner comme une destination de référence pour les adeptes de la petite reine. En soi, l’idée est louable, mais il y a encore énormément de travail avant que le rêve ne devienne réalité. Le vélo, produit phare du tourisme estival en Valais ? Directeur de Valais/ Wallis Promotion, Damian Constantin y croit fermement « Notre canton a une vocation prédestinée dans ce domaine », dit-il. Et de résumer : « une topographie unique entre plaine et montagne, la diversité de profils et de paysages, les possibilités offertes autant pour la pra-
tique du vélo de route que du VTT ». Une destination touristique valaisanne l’a compris, la région de Trient. Le 21 juillet 2016, via les écrans de télévision, le village de Finhaut se révélait au monde entier en accueillant l’arrivée d’une étape du Tour de France cycliste. Surfant sur la vague de cet événement, la destination Vallée du Trient Tourisme SA a ainsi annoncé récemment – en partenariat avec le cycliste valaisan de la FDJ, Steve Morabito – l’homologation de 9 itinéraires conçus pour la petite reine. « Nous souhaitons miser sur le domaine cyclosportif », explique Luc Pignat, le directeur de la destination.
Et de citer tout d’abord le vélo à assistance électrique. « La configuration de notre vallée est particulièrement propice à ce type d’engin », ditil à ce propos. Mais aussi le cyclo loisirs, en plaine, « avec un itinéraire de mobilité douce le long du Rhône ». Luc Pignat évoque enfin la tenue – le 16 septembre prochain – de la Reichenbach Désalpe, du nom d’un autre cycliste valaisan de la FDJ. Une épreuve (3 parcours à choix) à la fois cyclosportive et cyclotouristique conçue pour les familles et accompagnateurs et qui se déroulera, forcément… sur les traces du Tour de France 2016. Qui dit mieux ?
DOSSIER
Deux clientèles distinctes Il convient de distinguer deux clientèles « vélo » dans le monde du tourisme. Celle des loisirs – la plus nombreuse – et la sportive. « C’est cela qui est intéressant », assure Damian Constantin. Ce dernier rappelle que la fréquence moyenne de la pratique du vélo, en Suisse, est de 45 jours par année. Contre 20 pour la randonnée. Le cyclotourisme est assurément une tendance en plein essor. Ces dernières années, les régions alpines se sont imposées comme les plus visitées par les vététistes européens. Qu’ils soient récréatifs ou sportifs, ceux-ci participent largement à l’économie touristique où qu’ils passent. « Alors autant que ce soit chez nous », glisse le directeur de Valais/Wallis Promotion. Mais pour progresser, il faudrait une coordination mieux orchestrée entre les destinations touristiques. Car les pratiquants ne s’arrêtent pas aux frontières, qu’elles soient nationales, cantonales ou communales. Il faut donc tenir compte de ce facteur. Et proposer ainsi une offre structurée à l’échelle
cantonale, ainsi que des itinéraires homologués destinés au vélo de route, comme le suggérait il y a peu l’Observatoire valaisan du tourisme. Et puis il y a tout le reste. Le touriste à vélo étant itinérant, il faut penser à son confort, car il a par exemple des attentes spécifiques en termes d’hébergement. Lui permettre de se restaurer à 15 heures, quand il arrive à destination. Et non pas lui dire que la cuisine est fermée. Lui offrir des services annexes : massages, assistance mécanique, technique. Etc. « Autant d’éléments qui font encore par trop défaut en Valais », selon Damian Constantin.
L’exemple du Piémont « Tous les partenaires touristiques du canton doivent désormais s’investir pour inscrire le vélo dans la durée », espère le directeur de Valais/Wallis Promotion. Un constat que dresse aussi Christophe Clivaz, professeur associé à l’Institut de géographie et durabilité (Faculté des géosciences et de l’environnement) de l’Université de Lausanne, site de Sion. Pour ce
dernier, « le marché est en croissance. Il faut créer des destinations spécialisées. Fédérer autour du vélo, même si ce n’est pas gagné d’avance ». Et peut-être s’éloigner en Valais du concept « tout pour le ski », ajouterons-nous. Ce qu’a compris le Piémont. Une fois les JO de Turin 2006 passés, cette région du nordouest de l’Italie s’est aperçue que le ski ne suffisait plus. « Elle a alors pensé au vélo plus qu’à la randonnée pédestre pour booster le tourisme quatre saisons », explique Giacomo Pettenati, chercheur et post-doctorant à l’Université de Turin, présent récemment en Valais pour une conférence. « Cela a permis la pérennisation des remontées mécaniques désormais ouvertes l’été pour le VTT. Et la création aussi de l’Alpi Bike Resort. » A savoir un domaine de 3 vallées, 8 stations, 50 itinéraires freeride à différents niveaux de difficultés et des pistes dédiées au service des vététistes. « Un endroit unique où toutes les versions passionnantes de ce sport peuvent être pratiquées », assure Giacomo Pettenati. Une idée pour le Valais ? YT
29
30
dossier
©Valais Wallis Promotion
Le Valais : terre de cyclisme
Trop d’interdictions et des initiatives non concertées pénalisent encore le développement du VTT.
Ils sont nombreux à chercher des solutions pour améliorer l’offre touristique valaisanne et pour tenter de réunir des forces trop dispersées. Une solution passe par les offres en matière de parcours cyclistes pour tous, cyclosportifs ou cyclotouristes. En plus de huit cyclosportives, chaque station propose ainsi des parcours uniques ou faisant partie d’un concept global. Nous vous présentons ci-après trois possibilités parmi d’autres, qui offrent, du débutant au cycliste chevronné, des possibilités originales de faire « tourner les jambes » en visitant le canton. La première, le Cycling Pass, est purement Valaisanne, de son origine à sa réalisation. Les deux autres
font appel à des partenaires étrangers, permettant d’ouvrir le champ des possibilités et de faire du Canton une destination vélo connue et reconnue dans le monde. Car pour Jean-Claude Fischer, directeur exécutif du Tour des Stations, et participant régulièrement à des grandes cyclosportives à l’étranger, le Valais n’est pas encore considéré comme une destination « naturelle » pour les cyclosportifs. Cela pourrait très vite changer.
Cycling Pass « Faire découvrir un terrain de jeu idéal et de bonnes tables ». C’est ainsi que Steve Morabito définit l’idée de base du Cycling Pass, dont il est une cheville ouvrière en compagnie de
Jonathan Fumeaux et Guillaume Bourgeois. Ce produit vient compléter la stratégie cantonale en matière de cyclisme à travers, notamment, du Valais Vélo Tour, qu’il a déjà imaginé. « Quand je rentre de mes voyages, je me dis à chaque fois que nous avons un outil incroyable, et je veux faire découvrir le Valais. » Le pass se présente sous forme de petit carnet papier, intransmissible, vendu Fr. 49, et proposant à ce jour des rabais chez 29 partenaires. Hôtels, restaurants, magasins de cycles proposant des locations, de quoi attirer autant le cyclotouriste que le cyclosportif. Parmi ces partenaires, quatorze « bike hôtels » qui assurent, entre autres, le stockage et le nettoyage des vélos.
dossier
Le trafic : pas un problème L’obligation de partager la route est un problème dans la vie de tous les jours. Ajouter des cyclos sur les grandes routes de cols, par exemple, n’est-il pas de nature à faire renoncer les moins téméraires d’entre nous ? « La notion de trafic n’est pas la même pour un Valaisan que pour un Londonien », précise Steve Morabito « Il m’est arrivé d’emmener des personnes venant de grandes villes européennes sur la route du Col de la Forclaz. Je leur avais dit que le trafic allait être important. Arrivés au sommet, ils m’ont demandé où était ce trafic… Leur perception n’est pas la même que la nôtre, mais il existe tout de même de très beaux itinéraires bien moins fréquentés. »
La signalisation : un défi ! Pour que le service soit complet, les itinéraires doivent, idéalement, être balisés. Mais la Loi valaisanne sur les itinéraires de mobilité de loisirs est très contraignante à ce sujet : « Si l’on veut respecter la loi et faire les démarches nécessaires, il faut compter entre 500 et 1500 francs le kilomètre de balisage. Les Grisons n’ont, par exemple, pas le même type de loi et ont donc pu prendre les devants. Nous essayons de contourner le problème, ou de le minimiser, en réalisant un balisage minimum pour les cyclotouristes afin qu’ils soient orientés vers des itinéraires simples et sécurisés. Pour les cyclosportifs par contre, inutile de baliser les grands cols déjà connus et bien signalés. Nous nous conterons de quelques panneaux d’informations. Et, évidemment, nous ne nous passerons pas des indispensables données GPS. »
Les coups de cœur de Steve Morabito
ternational. Les stations partenaires en profitent également. Mais nous gardons tout de même la marque “Tour des Stations”, pour l’avenir », explique Jean-Claude Fischer, directeur opérationnel.
Des parcours de choix
deur o : un ambassa Steve Morabit lais. Va en lo vé le de choix pour
Les parcours d’entraînement du professionnel l’ont amené sur presque toutes les routes valaisanes et lorsqu’on lui demande d’en conseiller certaines il n’hésite pas une seconde : « Des routes à faible trafic comme celle du Sanetsch ou Moosalp, mais aussi le col de Crans Montana. Et pour ceux qui veulent aussi des routes non asphaltées, l’enchaînement col des Planches – col du Tronc – col du Lein est magnifique. » Infos : www.cyclingpass.ch
Le Tour des Stations 200 kilomètres et 7400 mètres de dénivelé : c’est le défi de taille proposé le 11 août prochain aux participants du grand parcours de ce Tour des Stations. Une course qui se veut déjà une référence, bénéficiant de l’expérience en la matière des organisateurs des Marmotte Grandfondo Series, qui annoncent que le Tour des Stations a pour ambition de devenir la course cycliste Grandfondo de référence en Suisse, à l’image de La Marmotte Alpes en France et du Marathon des Dolomites en Italie. « C’est la possibilité de bénéficier d’une énorme base de données à l’in-
Soutenue par Verbier, Crans-Montana, Nendaz, Ovronnaz, Anzère, Vercorin, Nax, Saint-Martin, Hérémence, Les Collons, Veysonnaz, La Tzoumaz, Conthey et Martigny, la cyclosportive se décline en plusieurs courses se terminant toutes à Verbier. - Le Tour des Stations ou Ultrafondo avec ses 220 kilomètres pour 7400 mètres de dénivelé entre Martigny et Verbier. - La Marmotte Grandfondo Valais entre Crans-Montana et Verbier sur 130 kilomètres et 4500 mètres de dénivelé - Le Tour des Stations Mediafondo entre Conthey et Verbier sur 50 kilomètres et 220 mètres de dénivelé. - Le E-fondo, « E » pour électrique, sur le petit parcours. Toutes emprunteront le col de la Croix de Cœur et ses six kilomètres non asphaltés. « C’est notre souci principal ! » précise Jean-Claude Fischer, « Nous travaillons avec le service des routes qui fera tout, dès la fin de l’hiver, pour préparer la route. Ce sera un billard le 11 août et, au pire, nous sommes prêts à parer à tout problème ».
Objectif 2500 Pour une première édition, les organisateurs se montrent optimistes en ce début de printemps. Leur objectif est d’accueillir entre 1500 et 2000 participants. À fin mars, 800 inscriptions
31
32
dossier
ont été enregistrées : « Si le rythme se maintient, nous pouvons estimer à 2000, 2500 le nombre de participants. Plus ou moins 500 sur l’Ultrafondo, 1000 sur le Granfondo et 1000 sur le Mediafondo. » Pour Jean-Claude Fischer, l’offre permet de développer le tourisme d’été en Valais en rendant la destination populaire à l’étranger : « 40 à 50% des inscriptions à l’heure actuelle, proviennent de l’étranger, principalement de l’Union européenne. » C’est un bon début, mais encore faut-il retenir le visiteur, le pousser à revenir : « Les stations jouent bien le jeu pour rendre l’expérience la plus agréable possible. Il y aura de l’ambiance dans toutes les stations traversée, le but étant que chaque participant se sente accueilli. »
Il y aura une deuxième édition Se lancer dans une telle organisation comporte des risques, le premier étant financier. Mais les organisateurs sont là aussi optimistes : « Nous avons trois piliers de financement : les stations, les sponsors et les inscrip-
tions. Nous sommes toujours en recherche de quelques sponsors, mais si les inscriptions sont à la hauteur, nous bouclerons le budget en essayant d’investir au maximum pour le confort des participants. Et nous avons la chance de pouvoir compter sur de nombreux bénévoles, la protection civile et le service des routes. » Jean-Claude Fischer et Grégory Saudan ont donc adapté ce qu’ils ont vu à l’étranger dans des grandes cyclosportives ou sur l’Etape du Tour. Cela fonctionne ailleurs, pourquoi pas ici, sur un terrain de jeu tout aussi intéressant ? Infos : www.tourdesstations.ch
27 milliards de tonnes de glace ! Proposer une activité VTT en promettant de la glace. Un concept qui peut paraître étonnant, mais c’est l’un des thèmes de communication de la Stoneman Glacaria cet été dans le Haut-Valais. Imaginé par l’ancien professionnel italien Roland Stauder,
le concept Stoneman est à la fois original et classique. « à la fin de ma carrière, je ne voulais pas être entraîneur ou formateur, je voulais faire quelque chose de nouveau, de différent ». Il imagine alors des routes proches de chez lui, dans les Dolomites, et crée la Stoneman, un raid VTT qui débouche sur un diplôme et un trophée selon que le parcours soit réalisé en un ou plusieurs jours. Mais Roland Stauder ne parle pas de compétition : « C’est tout le contraire d’une course. Pas de rendez-vous fixe, pas de stress, de concurrence ou de pensée compétitivité. Chacun le fait à son rythme, seul ou en groupe. Il s’agit d’une expérience sportive dans la nature. »
Des paysages et de la transpiration Le concept se développe donc à partir de la première Stoneman : 110 kilomètres pour 4000 mètres de dénivelé dans les Dolomites. Elle se poursuit sur deux pays, Allemagne et République tchèque avec la Miriquidi : 162 kilomètres, 9 sommets, 4600 mètres de dénivelé. D’autres versions pour enfants, dans la neige ou sur route ont été créées, puis est arrivée l’an dernier la Stoneman Glacaria : 4700 mètres de dénivelé pour 121 kilomètres dans le Haut-Valais. 124 participants pour la première édition, 124 « finishers », dont 55 ont remporté le trophée or, après avoir terminé le parcours en un jour.
©Valais Wallis Promotion
Loin encore des milliers de participants des cyclosportives, l’idée est d’apporter un « plus » dans l’offre VTT en Valais. PD Infos : www.stoneman-glaciara.com Ce ne sont pas les belles routes qui manquent en Valais.
34
dossier
L’impatience de Christophe Darbellay
, t exceptionnel Le terrain es core en e pp lo ve se dé mais le VTT cachette ». presque « en
Pour le ministre valaisan de l’Économie, le dossier vélo traîne dans son canton. La faute essentiellement à des procédures interminables et compliquées. Christophe Darbellay bouillonne à propos du dossier vélo dans son canton. L’homme est impatient. Il voudrait que les choses avancent. Or elles traînent. « Nous souhaitons vraiment travailler sur le tourisme quatre saisons. En ce sens, le vélo présente un potentiel économique intéressant. Mais pour homologuer le moindre parcours, le moindre bout de tronçon routier comprenant une partie dévolue à la petite reine, ça prend des “plombes”, explique le ministre valaisan de l’Économie. Et d’ajouter qu’il y a beaucoup de contraintes. Du coup, on n’a rien de concret pour le moment. » Le mouvement se dessine pourtant, assure Christophe Darbellay. « Il y a eu des mises à l’enquête ces derniers mois. Résultat ? Des oppositions, notamment des communes. » Le Valais offre pourtant des possibilités importantes en matière de mobilité douce. « Nous avons tout pour bien faire, mais il ne faut pas que la moindre avancée se retrouve engluée dans les bureaux des juristes en raison de procédures administratives complexes », peste le conseiller d’État martignerain. Il est vrai que les acteurs sont nombreux dans le dossier vélo valaisan. On y trouve Valrando, Valais/Wallis
Promotion, l’Antenne Région Valais romand, les destinations touristiques, les communes, les propriétaires de terrains, les milieux de protection de la nature. Entre autres. Du coup, mettre tout le monde d’accord – et rapidement – apparaît tout sauf évident. Or le temps presse. Car les pays voisins vont de l’avant. Ainsi, la Toscane (Italie) ou le Val de Loire (France) – pour ne citer qu’eux – soignent plutôt bien les cyclotouristes. Surtout les itiné-
rants. Lesquels représentent un impact économique important en raison du niveau élevé de leurs dépenses. « Je ne comprends pas que chez nous tout soit si compliqué, martèle encore Christophe Darbellay. Et je ne vous parle même pas du vélo comme simple moyen de transport pour se rendre au travail ou à l’école. C’est encore autre chose. Le fossé est décidément énorme entre les intentions et la réalité », conclut-il. YT
Le VTT, parent pauvre Les pistes homologuées destinées aux adeptes du vélo tout terrain sont trop peu nombreuses en Valais. C’est Laurent Savioz, président de l’association Pro VTT (www.pro-vtt.ch) qui l’affirme. « Peu des choses se font, regrette-t-il, même si certaines stations ont pris individuellement des initiatives. » Un projet existe pourtant qui vise à développer de manière coordonnée cette discipline sur l’ensemble du territoire cantonal. Cependant, ses effets tardent à se faire sentir sur le terrain. D’où la naissance de Pro VTT, une association qui promeut la pratique de cette spécialité sous toutes ses formes, et milite pour le libre accès des cyclistes sur les sentiers et hors des sentiers. La plus grosse difficulté actuelle a trait à la difficile cohabitation entre vététistes et randonneurs. Où il est question de respect des uns pour les autres. De sécurité aussi, sur les chemins étroits. « Il faudrait baliser mieux les sentiers, faire des guides », avance Laurent Savioz. Ce dernier déplore qu’il ait fallu attendre 2016 pour voir apparaître une volonté politique de faire avancer le navire. « Il suffisait jusqu’alors que trois marcheurs se plaignent pour que les choses prennent des proportions incroyables », poursuit l’intéressé. A l’écouter, il n’y avait pas jusqu’alors une vraie sensibilité aux besoins des pratiquants du VTT, la volonté politique faisant aussi défaut. Mais avec la stratégie Vélo 2020, des mandats ont été attribués. « Les choses bougent. Je suis content que ça avance parce que ça a pas mal stagné. Et durant trop longtemps », se réjouit le président de Pro VTT. Qui tempère immédiatement : « ça pourrait aller plus vite. Il y a encore trop d’interdictions. Et puis, rien ne se fait de manière concertée ni à grande échelle. » Selon Laurent Savioz, le bon exemple, en Suisse, c’est les Grisons. Un canton qui propose un réseau dense de chemins balisés pour le VTT et qui relie les stations. Avec surtout une signalisation très claire. Les randonneurs qui s’y aventurent savent ainsi qu’ils peuvent croiser des cyclistes. Ils ne sont pas surpris ainsi quand ces derniers surgissent au détour d’un virage. YT
dossier
35
« Il y’a tout à faire. On part de tellement loin qu’on ne peut qu’être meilleurs. » Chef du Service valaisan de la mobilité, Vincent Pellissier a pour le moins le sens de la formule lorsqu’il évoque la place du vélo dans la stratégie de mobilité 2040 de son canton. « Seuls 2 % de notre réseau sont adaptés au vélo, dit-il. C’est frustrant. » Pourtant, à croire l’intéressé, la volonté politique existe de faire avancer la cause de la petite reine. Manquent encore les moyens. Pour progresser, le Valais travaille actuellement sur trois axes. Les infrastructures tout d’abord. Elles doivent être largement développées. Notamment les pistes cyclables et les routes « pacifiées ». Le matériel roulant ensuite : vélos en libre-service, aides financières pour les personnes qui achètent des vélos, notamment électriques. Mais aussi le « bike check ».
Ce dernier vise les étudiants et apprentis qui sont domiciliés à moins de 2,5 km de leur lieu de formation. D’un montant de 100 francs, il peut être assimilé à un bon d’achat et/ou de réparation en lien avec la mobilité douce (vélo, vélo électrique, casque, pièces détachées, accessoires, réparations ou services). Enfin, troisième et ultime axe : les conditions-cadres. Comprenez l’apprentissage du vélo, les cours de formation, la prévention, la sensibilisation. « En gros, tout ce qui contribue à améliorer l’usage de la bicyclette et à favoriser les déplacements durables », complète Vincent Pellissier. Fait intéressant, le canton du Valais s’est doté en 2012 d’une loi sur les itinéraires de mobilité de loisirs. Cette LIML traite notamment des chemins pédestres, des itinéraires de voies cyclables, des itinéraires de pistes pour VTT et des itinéraires de chemins de randonnée hivernale. Les communes sont compétentes pour l’établissement des plans, l’aménagement, la signalisa-
Trop d’aménagem ents aberrants ou inexistants fre inent encore développement du vélo au quotidien .
tion, l’entretien et la conservation de ces parcours et des ouvrages qui y sont liés, excepté l’axe cyclable cantonal Oberwald - Saint-Gingolph. Le canton gère en outre la planification générale en collaboration avec les communes propriétaires des biens-fonds. « Tout se met en place gentiment, assure Vincent Pellissier. Simplement, il nous faut des moyens additionnels. Et c’est ce que nous évaluons à travers notre stratégie 2040. » Avec en toile de fond cette considération : la culture de la bicyclette est plus fortement ancrée aujourd’hui dans le haut que le bas du canton. YT
©Joakim Faiss
Encore tout à faire pour transformer le rêve en réalité
Portrait/Interview
Laurent Hennet
Yves Corminboeuf, une vie consacrée au cyclo-cross ! Le Fribourgeois Yves Corminboeuf fait partie des quelques anciens bons coureurs qui sont passés naturellement de compétiteur à organisateur. De multiple champion suisse à organisateur du Redbull Velodux, le jeune homme n’a pas été épargné par la vie. En pleine ascension sportive, il a dû livrer une course inattendue : celle de sa vie en luttant contre une leucémie aiguë. Retour sur le parcours d’un jeune homme attachant et courageux toujours à la recherche de nouvelles idées.
Le cyclo-cross comme une évidence
©Ldd
36
Avec un père ancien élite en cyclocross, le choix de pratiquer cette discipline s’est imposé comme une évidence dès son plus jeune âge. « J’ai participé à mes premières courses à 7 ans, déjà en cyclo-cross » lance Yves Corminboeuf qui ajoute en rigolant : « On peut dire que c’est la faute à mon père si j’ai débuté par cette discipline. A l’époque il était entraîneur, c’est donc tout naturellement que je me suis lancé dans cette discipline si particulière. Mon père a également joué un grand rôle dans ma carrière. Je lui dois beaucoup. » Très rapidement performant au niveau national, son premier titre de champion suisse espoir en 2004 provoque un déclic. « Au soir de cette victoire j’ai vraiment pris conscience de mes capacités. Je prenais vraiment goût aux émotions et à l’adrénaline provoqués par ce sport. Pour moi c’était clair que je voulais continuer et voir jusqu’où je pouvais aller. »
37
©Samuel Jacquat
Portrait/Interview
Jamais à court d’idées, Yves Corminboeuf a imaginé un cyclo-cross autour de la ferme paternelle avec le FarmCX.
Un troisième titre de champion suisse, puis tout s’écroule ! Une nouvelle fois champion suisse espoir en 2005, puis en 2006, un triplé inédit dans les anales du cyclocross helvétique, le Fribourgeois confirme qu’il faudra compter sur lui à l’échelon supérieur en cyclo-cross. « J’étais à présent sûr de vouloir faire carrière. Pour me donner toutes les chances d’y parvenir, je devais m’expatrier en Belgique ou en Hollande, deux pays où le cyclo-cross est une vraie religion. Mes contacts étaient déjà bien avancés pour partir vivre ma passion là-bas », se rappelle le citoyen de Greng, au bord du lac de Morat. À peine un mois après son titre de champion suisse début 2007, il mettait toutefois un terme à sa saison à l’issue des championnats du monde,
hors de forme. « J’étais anormalement fatigué et souvent victime de chutes. Au début j’avais juste mal à la tête. Puis un de mes bras ne répondait plus. Un matin mon visage était paralysé. C’est ce qui m’a décidé à aller consulter. Je n’étais pas inquiet, pourtant je découvrais que j’avais été victime d’une attaque cérébrale », explique le jeune homme de 33 ans. Dès lors tout est allé très vite. Il est héliporté au CHUV et débute la chimiothérapie le même jour, juste après avoir appris qu’il était victime d’une leucémie aiguë.
Le retour à la compétition comme objectif « Quand on est confronté à une maladie comme celle-là, cela remet les choses à leur place. J’ai relativisé beaucoup de choses. On devient plus humble, plus attentif aux événements simples de la vie. On se dit que le
cyclo-cross qui représentait tout jusqu’à présent, ce n’est que du sport. On découvre brutalement que tout peut s’arrêter du jour au lendemain. Que la vie est courte », se remémore le sociétaire du Vélo Club Payerne. Dès le début de son combat contre la maladie, durant lequel il a reçu énormément de soutien du milieu du cyclisme, il n’avait qu’un objectif en tête : remonter sur un vélo et redevenir compétitif. « Dès que les médecins m’ont affirmé que je ne devrais pas avoir de séquelles et que je pourrai remonter sur un vélo, j’avais cette objectif à l’esprit. » Il reconnaît aussi que cette épreuve l’a rendu plus fort moralement. « Remonter sur le vélo m’a beaucoup aidé à tenir le coup dans les moments difficiles. Avoir réussi à reprendre le vélo puis à raccrocher un dossard est ma plus grande fierté, ma plus belle victoire », assure Yves Corminboeuf.
Portrait/Interview
Un passage par le VTT Moins de deux ans après qu’on lui ait diagnostiqué cette leucémie, il remportait une manche de l’Omnium Romand de cyclo-cross. « Pour moi, reprendre en cyclo-cross était une évidence. La route, que je pratiquais pour m’entraîner, ne m’a jamais attiré. Les efforts sont trop longs et j’ai besoin du rapport avec la nature », souligne le Fribourgeois marié et papa d’une petite fille de 2 ans. « Je n’éprouve aucune frustration par rapport au niveau que j’ai retrouvé. Être au départ des courses était déjà tellement positif. Le reste c’était la cerise sur le gâteau. » Son courage et sa détermination n’ont pas laissé insensibles les dirigeants de l’équipe professionnelle VTT BMC qu’il intègre en 2010. « Durant 3 saisons, j’ai pris beaucoup de plaisir dans cette nouvelle discipline pour moi. Je pense avoir été au maximum de ce que mon corps pouvait faire. Dans tous les cas je ne suis ni déçu ni frustré », répète celui qui a mis un terme à sa carrière cycliste en janvier 2013 et qui s’épanouit depuis lors comme architecte d’intérieur.
De coureur à organisateur « À l’approche de la trentaine j’ai commencé à me remettre en question. Je ne progressais plus. Il fallait que je prenne une décision pour mon avenir. Mon salaire de cycliste ne suffisait pas pour envisager l’avenir avec sérénité. J’ai donc pris la décision de mettre un terme à ma carrière professionnelle »,
©Samuel Jacquat
38
Amener le cyclo-cross au public, c’est chose faite avec le parcours urbain du Velodux à Estavayer-le-Lac.
raconte le natif de Ménières. « Dans la foulée, j’ai ressenti le besoin de me couper du monde du cyclisme pendant une année », précise Corminboeuf. « Mais assez rapidement j’ai eu envie d’organiser des compétitions avec un objectif différent. Le postulat de départ était de proposer des courses plus attrayantes pour le coureur mais également pour les spectateurs. » En 2014, le premier Redbull Velodux voyait le jour à Estavayer-le-Lac. « Cette manifestation est une grande fierté. Cela nous demande énormément de travail et des mois de préparation. Je crois que nous avons atteint l’objectif d’attractivité », souffle Yves Corminboeuf. En 2016, absent du calendrier, le Velodux laissait la place à une autre idée du Fribourgeois, le FarmCX ou cyclo-cross à la ferme. Celle de son papa en l’occurrence. « Avec le Velodux, nous avions besoin de souffler. Le FarmCX est beaucoup plus simple à organiser, notamment en ce qui concerne les autorisations », raconte en souriant l’organisateur en annonçant le retour de cette épreuve pour cette année.
Toujours de nouvelles idées Véritable passionné de cyclisme et toujours friand des nouvelles pratiques, le triple champion suisse espoir de cyclo-cross cherche une nouvelle fois à proposer quelque chose d’inédit en Suisse avec des compétitions de gravel bike dans le cadre du Gravel Tour. « En 2017, nous avons créé ce mini championnat sur deux courses à l’occasion de la Bergibike et de l’Openbike. Mais dans notre tête, nous souhaitions développer le concept dès l’année suivante », assure-t-il. Avec respectivement 20 et 18 participants, ce ballon d’essai rencontre un joli succès sachant que cette discipline est relativement inconnue sous nos latitudes. « Cette saison, 4 courses proposeront une catégorie gravel. La Glânoise ainsi que l’Elsabike ont rejoint le championnat. Nous espérons réunir une trentaine de participants par manche », termine le bouillonnant organisateur qui fait preuve d’une belle énergie et d’un esprit décidément tourné vers l’avenir.
TOP SHOP
2018
V AUD Pro Cycles
s du magazine Les partenaire
ZI La Palaz C 1530 Payerne T 026 660 15 73 info@procycles.ch www.procycles.ch
fribourg
Rochat Cycles
Cycles Pache
R. des Fossés-Dessous, 2
Impasse de la Colline, 3
1170 Aubonne
1754 Avry-sur-Matran
T 021 807 18 04
T 026 402 17 18
info@rochat-cycles.ch
jloupa@bluewin.ch
www.rochat-cycles.ch
www.cyclespache.ch
Cycles Froidevaux
Cycles Tesag
Rue des Fossés, 47
La Planchettaz, 20
1110 Morges
1562 Corcelles-p-Payerne
T 021 802 62 25
T 026 660 57 63
cycles.froidevaux@bluemail.ch
info@cycles-tesag.ch
www.cycles-froidevaux.ch
www.cycles-tesag.ch
Dom Cycles Chemin du Sillon, 2
n e u ch â t e l
1860 Aigle
Cycles Prof Lüthi
T 024 466 93 88
Av.Bachelin, 15
info@domcycle.ch
2072 St Blaise
www.domcycle.ch
T 032 753 33 30
Wanner Cycles
georges@prof.ch
Rue des Remparts, 32
www.prof.ch
1350 Orbe
Passion Vélo
T 024 441 29 20
R. des Crêtets 99
olivier.wanner@wanner-cycles.ch
2300 La Chaux-de-Fonds
www.wanner-cycles.ch
T 32 968 09 00 info.alexandro@bluewin.ch www.alexandrovelo.ch
genève
jura Velosophe
Joliat Cycles
Chemin de Valérie, 19
Rue Saint Maurice, 17
1292 Chambésy
2852 Courtételle
T 022 758 00 81
T 032 422 94 18
velosophe@bluewin.ch
info@joliatcycles.ch
http://velosophe.blogspot.ch
www.joliatcycles.ch
humeur
JEAN AMMANN
©Ldd
40
Christophe Daniel.
Au risque d’être malhonnête Au début, j’ai cru qu’il avait un vélo électrique. Il avait de l’asthme. Cela faisait comme un ronflement derrière moi et ce ronflement s’approchait à une vitesse surhumaine, pour ne pas dire surnaturelle. C’était un soir de début mars, la nuit menaçait et je grimpais une courte mais méchante côte qui surplombe les environs. Deux kilomètres bien pentus, qui permettent au cycliste de traverser l’hiver sans hiberner : chaque semaine, j’essaie de m’en aller ahaner sur cette bosse qui rappelle Liège-Bastogne-Liège à 250 kilomètres près (on ne va pas chipoter). Donc, disais-je, c’était un soir de mars, au crépuscule, et je fus rattrapé par un cycliste, qui avait de l’asthme et dix ans de moins que moi. Je sais bien que nous ne sommes pas dans la même catégorie : il court le Grand Raid Verbier-Grimentz en 7h15. Il n’y a pas d’illusion à se faire, je lui suis inférieur, c’est la loi du sport. Il faut l’accepter quand bien même elle est injuste. Il m’a salué chaleureusement et m’a confié des problèmes d’allergie qui se répercutaient sur ses bronches. C’est la faute de l’hiver, du chauffage, de l’air sec, a-t-il énuméré. « Aaaah », fis-je. Ce bon cycliste est un gars charmant et malgré la côte qui cisaillait mes poumons, il entreprit une discussion empreinte de sympathie. Il me demanda si j’allais bien, je répondis « ouais ouais » ; si j’avais fait du ski de fond cet hiver, je répondis « hein hein » ; si mes enfants allaient bien, et là, il ne fut plus possible de m’en tirer par un soupir répété et vaguement articulé. Alors, je pris un grand souffle et je lui dis : « Vas-y seulement, je ne veux pas te retarder ». Mais cet homme est un chevalier de la route : « Mais non, j’ai le temps. Tes enfants vont bien ? » Comment lui dire, en ce moment précis, que mes enfants allaient bien mieux que mon souffle ? Comment lui dire qu’à partir d’un certain seuil que les scientifiques qualifient d’aérobique, il n’est plus possible de respecter les bonnes manières : l’organisme tente de sauver l’essentiel, à savoir l’oxygénation du cerveau et la circulation sanguine, et cela se fait au détriment de la conversation. J’ai soufflé quelques banalités monosyllabiques : « Ça va com’ça… » J’ai peur d’être passé pour un impoli, et même un malhonnête. Au sommet de la côte, il est parti à droite, je coupai la conversation par la gauche. Maintenant que j’ai retrouvé mes esprits et un taux de saturation proche de la normale, maintenant que j’ai à peu près récupéré de cet effort, je voudrais, cher Christophe, m’excuser d’avoir manqué de savoir-vivre mais c’était à ce moment-là une question de survie.