MICHÈLE DUVILLET

L’ART ET LA MATIÈRE

DES ORIGINES DE L’ART AU PIQUÉ LIBRE

Depuis toujours Michèle dessine avec les yeux. Contemplative, l’artiste aime observer les gens, la nature, les couleurs, les ambiances, les humeurs de tout ce qui l'entoure. C'est à l’âge adulte qu'elle s'autorise à prendre le temps de la création artistique. Mère de famille et aide soignante de métier elle profite d'un congé de trois ans pour se consacrer à sa passion. Elle envahit le salon familial et en parfaite autodidacte elle étudie le dessin, le pastel sec et la peinture. « L'envie, le travail et la persévérance sont mes outils de base » me dit-elle en citant Bref : « Il n'y a pas de talent, il n'y a que du travail et de l'envie » deux choses qui ne manquent pas à l’artiste.

Pour celle qui a pris soin de tant de corps humains en exerçant son métier de soignante, c’est naturellement qu’elle s’essaye d’abord à des esquisses de nus et de portraits.

Montrant ses premiers travaux à un ami peintre professeur aux Beaux-Arts : il décide de l’exposer sans hésiter à la biennale de la ville en lui disant : « Tu as du talent. Continue de travailler sans relâche et dans quelques années tu auras trouvé ton essence. » On ne le contredira pas aujourd’hui !

Son essence : le piqué libre comme technique à apprivoiser à travers des matières à assembler, ses tissus à assortir et ses fils à faire danser sous l’aiguille de la machine…

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L'artiste aime les gens, les pays, les voyages qui se traduisent dans son art par différents tissus, textiles, matières. Du Japon au Cambodge en passant par le Mexique ce sont des pans de vie et d'histoire marquants pour l’artiste qui s'entrelacent dans ses bobines.

Au Japon c’est le Boro qui révolutionne sa façon de travailler la matière. Au 17eme siècle le Boro représente des guenilles que l’on a tissé entres elles pour confectionner un vêtement de fortune. Cette découverte nourrit le travail de l’artiste dans sa réinterprétation de l’original et dans l’association de tissus qu’elle en fait. Contrairement au patchwork où on empile les tissus, ici on assemble et le fil fait le lien. Les temples d’Angkor Wat au Cambodge et son tourisme de masse lui inspire un travail minutieux sur du chanvre où des centaines de points représentent les visiteurs de cet endroit sacré. D’autres lieux, d’autres ambiances, d’autres assemblages reflètent la vision unique qu’a Michèle Duvillet de son environnement, et sa façon de transcender sa perception des choses qui nous entourent et des évènements qui marquent notre siècle. Telle que sa représentation sous forme de quadriptyque des prisons cambodgiennes à l’époque des khmer rouges : « Toute cette violence m'a profondément atteinte et je me suis promise de peindre à l'aiguille des portraits pour ne jamais oublier. »

CETTE FEMME EST-ELLE MOI-MÊME OU BIEN UNE AUTRE ?

La représentation de la femme est quasi permanente dans l'œuvre de Michel Duvillet : « La femme revient perpétuellement au centre de mon travail parce que je parle aussi de moi. »

À travers ses œuvres l'artiste livre une partie très intime d'elle-même. Effectivement si les femmes qu'elles représentent sont toutes les Femmes en général, c'est surtout Elle en particulier qu'elle met en scène. Un des séries phares de son travail, acclamée à la Galerie de l’Art Factory en décembre dernier, est la série des Geishas. Là encore l’image de femme et du soin est intimement liée, cela renvoie à Michèle et ses fonctions de soignante dans sa vie professionnelle. « J'ai appris à laisser libre cours à mon inconscient. D'ailleurs je travaille intuitivement, cela me permet de libérer mes émotions pour ensuite mieux les comprendre. »

La bien nommée Picoreuse, un fil argenté ou doré dans l’aiguille, picore la matière qu’elle soit de chanvre, de mousseline ou de coton. Michèle Duvillet transcende notre réel grâce à son imaginaire, entre ombre et lumière où les détails sont infinis. Pour nous elle fait le point, entre le fil et l’aiguille et le monde qui nous entoure.

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