Libe.29.05.2010

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• 1,30 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO9033

SAMEDI 29 ET DIMANCHE 30 MAI 2010

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Ces juifs qui leMag critiquent Israël L’appel lancé en Europe au sein de la diaspora, qui dénonce la politique de colonisation de l’Etat hébreu, divise les communautés juives et relance le débat en Israël. PAGES 2­4

Quand Maurice Renoma habillait les Stones, les relations troubles du père Cantalamessa, l’electromystique de Gonjasufi, l’Eurovision et les sorties de la semaine

L’HEBDO DE «LIBÉ», 24 PAGES

UN PRÉSIDENT VERT POUR LA COLOMBIE? PAGE 6

REUTERS

EURO 2016

LE FOOT FRANÇAIS QUALIFIÉ PAGE 16

IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,10 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,40 €, Canada 4,25 $, Danemark 22 Kr, DOM 2,20 €, Espagne 2 €, Etats­Unis 4,25 $, Finlande 2,40 €, Grande­Bretagne 1,60 £, Grèce 2,40 €, Irlande 2,25 €, Israël 18 ILS, Italie 2,20 €, Luxembourg 1,40 €, Maroc 15 Dh, Norvège 25 Kr, Pays­Bas 2,10 €, Portugal (cont.) 2,10 €, Slovénie 2,50 €, Suède 22 Kr, Suisse 3 FS, TOM 400 CFP, Tunisie 1700 DT, Zone CFA 1 700 CFA.

AFP

RUE DES ARCHIVES.TALLANDIER

TROUPES INDIGÈNES: PARIS DEVRA PAYER PAGE 8


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EVENEMENT

LIBÉRATION SAMEDI 29 ET DIMANCHE 30 MAI 2010

Un jeune Palestinien près d’une colonie israélienne en Cisjordanie, en juin 2009. PHOTO AHMAD GHARABLI . AFP

MARC SEMO avec AUDE Lancé par des intellectuels juifs, l’appel JCall, Par MARCOVITCH (à Jérusalem) qui stigmatise la politique de Netanyahou, eur but était de lancer le provoque une intense polémique. débat et sur ce point ils

La diaspora s’écharpe sur la politique d’Israël REPÈRES

L

ont réussi. L’appel JCall pour «European Jewsih Call For Reason» (l’appel à la raison juif européen) veut faire entendre une voix différente des juifs européens et notamment français. «L’alignement systématique sur la politique du gouvernement israélien est dangereux car il va à l’encontre des intérêts véritables de l’Etat d’Israël» affirme ce texte qui souligne le «danger» lié à «l’occupation», dénonce «la poursuite ininterrompue des implantations en Cisjordanie ou dans les quartiers arabes de Jérusalem-est» qualifiées d’«erreur politique» et de «faute morale». Et surtout il appelle les Etats-Unis et l’Union Européenne à aider à imposer la paix: il ne peut y avoir de sécurité durable pour Israël sans un Etat palestinien stable. Parmi les signataires figurent Alain Finkielkraut, Bernard-Henri

L’ESSENTIEL LE CONTEXTE Un appel des juifs européens, intitulé «JCall» dénonce la politique «suicidaire» d’Israël.

L’ENJEU Le débat divise la diaspora et rebondit en Israël où la droite dénonce l’ingérence tandis que la gauche se réjouit. Lévy, la philosophe Elisabeth de Fontenay, l’historien Pierre Nora, la psychanalyste Elisabeth Roudinesco et des élus comme le député socialiste Serge Blisko ou le vert européen Daniel Cohn-Bendit. Présenté au parlement européen à Bruxelles le 3 mai ce texte a depuis recueilli depuis plus de 6 000 signatures. Le choc est d’autant plus fort que parmi elles figurent nombre de personnalités peu suspectes

UN FORUM DE LA DÉMOCRATIE

LA PÉTITION DE JCALL

L’ambassade de France à Tel­Aviv organise une rencontre d’intellec­ tuels, d’artistes et de personnalités politiques des deux pays les 30 mai et 1er juin pour débattre de la «démocratie» et de «ses nou­ veaux défis». Côté français des écrivains comme Pascal Bruckner ou Pierre Assouline, des philosophes comme Bernard­Henri Lévy, des politiques comme Anne Hidalgo ou Claude Goasguen, participeront au forum organisé en collaboration avec Haaretz et Libération.

La pétition «Appel à la raison» a été présentée par JCall («European Jewish Call for Reason») le 3 mai à Bruxelles au Parlement européen. Parmi les pre­ miers signataires figurent Serge Blisko (député PS), Elie Chouraqui (cinéaste), Daniel Cohn­Bendit (député européen vert), Boris Cyrulnik (psychiatre), Georges Kiejman (ancien ministre et avocat), Bernard­Henri Lévy (philoso­ phe), Pierre Nora (historien), Maurice Szafran (PDG de Marianne), etc. Plus de 6000 personnes ont depuis signé cet appel. Voir le site www.jcall.eu


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d’hostilité à l’égard d’Israël. Depuis la polémique fait rage. Un contre appel –«Raison garder»– lancé notamment par les philosophes Raphaël Draï, Shmuel Trigano et Pierre-André Taguieff clame que «l’idée d’une paix imposée à Israël sous la pression, voire

et le système politique israélien impose des coalitions instables», rappelle Barnavi. C’est l’un des points – avec Jérusalem– qui focalise la polémique. «Il y a un enseignement de la Shoah que nous ne devons pas oublier : c’est celui de l’absence des nations et de leurs représentants au mo«[La politique de Netanyahou] où leur voix risque d’entraîner la fin de l’Etat juif ment ou leur action tel qu’il a été rêvé et façonné par ses aurait pu éviter, ou pères fondateurs en le transformant au moins diminuer, le macabre compen un ghetto surarmé.» tage de l’extermiElie Barnavi ancien ambassadeur d’Israël en France nation» s’indigne l’intervention de puissances, est un Richard Prasquier, le président du déni de la démocratie et du droit in- Crif (Conseil représentatif des insternational aux relents colonialis- titutions juives de France) dans tes». Quelque 14 000 personnes une tribune au Figaro reprochant auraient signé cet autre texte. Ces aussi au texte de JCall «de faire initiatives «diasporiques» provo- porter sur Israël et sur Israël seul le quent des réactions contrastées en poids de sa propre délégitimation» Israël. La droite s’irrite contre cet en oubliant le contexte régional, acte de lèse-majesté alors que la «le rejet forcené de son existence par gauche et une partie des intellec- le Hamas» ou le rejet plus subtil tuels se félicitent de l’ingérence critique de leurs coreligionnaires européens et américains. Ces débats seront aussi au cœur du forum sur la démocratie et ses défis organisé lundi et mardi par l’ambassade de France avec le quotidien Haaretz et Libération.

par l’autorité palestinienne qui par son exigence du droit au retour des réfugiés «marque son constant désir de ne pas accepter un Etat du peuple juif». AIR FRAIS. En Israël même, la discussion autour de ces appels est tout aussi intense. A droite, certains comme Aryeh Eldad du parti Union nationale dénient aux signataires «tout droit de veto» sur la politique israélienne. Miri Regev, parlementaire du Likoud considère «inadmissible» que l’appel de Jcall préconise «des pressions sur Israël pour geler la colonisation». Le Premier ministre Benyamin Netanyahou en a de son côté tiré la conclusion que les signataires «s’égarent». Pour d’autres, la solidarité juive envers Israël revêt un caractère quasi-sacré et en s’y attaquant, les promoteurs de ces appels initient «un phénomène dangereux, même si les signataires peuvent avoir de bonnes intentions»,

selon Oriel Schneller député du parti Kadima (centre). A contrario, l’opposition de gauche et une partie des intellectuels israéliens se réjouissent de cette bouffée d’air frais venue de la diaspora. Pour Denis Charbit, professeur de sciences politiques à Tel-Aviv, l’intérêt majeur du Jcall est de «tordre le coup au mythe qu’il existe un monolithisme de la communauté juive» De même, l’ancien député du Maretz (gauche) Yogi Sari a félicité dans une tribune publiée par Haaretz «l’acte d’amour envers Israël» des signataires. «Les meilleurs amis d’Israël ne sont pas forcément ceux qui refusent de critiquer sa politique», a-t-il souligné. D’ailleurs, Haaretz a consacré début mai son éditorial à Jcall en percevant comme une bonne nouvelle «le fait que des milliers de juifs dans le monde, dont des intellectuels de renom, appellent à mettre un terme à près de quarante-trois ans d’occupation nuisible». •

Dans sa «Lettre à un ami israélien», l’écrivain s’inquiète de l’abandon par Israël de l’esprit de ses pères fondateurs.

Debray ou l’exigence d’un «sioniste propalestinien» R égis Debray aime déplaire : une fois encore, il atteindra son objectif. Républicain vigilant, il porte en lui, comme tant de progressistes de par le monde, un Israël rêvé qui le rend sévère avec la politique actuelle des dirigeants de Tel-Aviv. Tel est l’objet du livre court et brillant qu’il adresse à ses amis israéliens. Il ne manquera pas, au moment où un appel d’intellectuels juifs européens critique la politique de Benyamin Netanyahou, de susciter à son tour l’ire de la droite de la «communauté» dont la vigueur militante a redoublé ces dernières années. Point d’antisionisme, pourtant, chez Debray. L’intellectuel juge parfaitement légitime l’Etat juif fondé en 1948 avec l’onction de l’ONU. Toutes les nations, remarquet-il, sont nées dans l’affrontement et non d’un harmonieux décret de l’Histoire. Debray, selon sa formule, est un «sioniste propalestinien». Il souscrit au compromis qui reste en principe l’objectif de la politique israélienne : deux Etats viables, sûrs et reconnus, dans l’ancienne Palestine du mandat. Idéalisme. Debray en tient surtout pour l’idéalisme des pères fondateurs. Il s’agissait, dit-il, de construire une nation rationnelle et universaliste, appuyée sur la morale égalitaire des kibboutzim et des paysans soldats des premières années. Depuis 1967 et l’occupation de vastes territoires palestiniens gagnés dans un combat qu’Israël n’avait pas choisi et où il risquait son existence, la politique israélienne a changé de nature. Il ne s’agit plus de défendre le territoire fier et austère concédé par l’ONU, mais de conserver par la force des terres nouvelles que seul un antique déE. DESSONS . SIPA

«OCÉAN D’HOSTILITÉ». Le modèle de JCall est «JStreet», un mouvement crée à Washington en 2008 par des juifs démocrates proches de Barack Obama pour faire entendre une autre voix que celle de l’Aipac (American Israel public affaires comittee), le tout-puissant lobby aligné sur la politique du Likoud. «Nous avons voulu ratisser le plus large possible et dépasser les clivages politiques pour lancer le débat au sein des communautés juives européennes. Ce texte s’adresse avant tout aux juifs et aux amis d’Israël alors que la politique de ce gouvernement est suicidaire. Elle risque d’entraîner la fin de l’Etat juif tel qu’il a été rêvé et façonné par ses pères fondateurs en le transformant en un ghetto surarmé au milieu d’un océan d’hostilité», explique Elie Barnavi, historien et ancien ambassadeur d’Israël en France, qui fut, avec David Chemla (représentant en France de «La paix maintenant»), l’un des rédacteurs de ce texte… qu’il n’a pas signé «Cet appel est celui de juifs de la diaspora et moi je suis israélien…», justifiet-il. Mais il le soutient sans réserve, notamment sur le thème d’une indispensable intervention américaine et européenne pour imposer la paix. «On peut faire la guerre en étant faible mais il faut être fort pour faire la paix. Or, l’autorité palestinienne est aux abois

AP

«Ils s’égarent. […] Les juifs comme les non-juifs français devraient appeler les Palestiniens à revenir à un esprit plus pacifique plutôt que de condamner Israël.» Benyamin Netanyahou à propos de l’appel JCall dans une interview au Figaro le 27 mai

cret biblique attribue à Israël. Debray regrette en fait le sionisme plus laïque de Ben Gourion. Il se désespère de voir que les conceptions d’un Jabotinski, le concurrent nationaliste des travaillistes dans les années 30, imprègnent désormais une grande partie de la vie politique israélienne. Quoique fasciné par la pérennité immuable du sentiment religieux, la domination des catégories théologiques dans le débat public israélien lui semble encore plus dommageable. On passe «du kibboutz à la kippa», écrit-il. Si bien que finit par prévaloir une conception vitaliste, charnelle, irrationnelle de la nation qui détourne le message universaliste du judaïsme. Mises au point. Ainsi Debray s’emploie à réfuter point par point une certaine rhétorique en vogue au sein de la «communauté». Sur l’antisémitisme, la mémoire de la Shoah, sur la place des juifs de France dans la société, il délivre au passage quelques coupantes mises au point qui irriteront. A la suite de cette lettre exigeante, Elie Barnavi, historien et ancien ambassadeur d’Israël en France, amende sur plusieurs points son diagnostic. Il est frappant de constater que les deux protagonistes sont bien moins éloignés qu’on pourrait le penser. Rien d’étonnant: Barnavi est d’un des initiateurs du «JCall». Ce qui fait du livre une synthèse précieuse à tous ceux qui critiquent la politique israélienne au nom d’une haute conception d’Israël. L.J.

Régis Debray, «Lettre à un ami israélien», avec une réponse d’Elie Barnavi, Flammarion, 160 pages, 12 euros.

ÉDITORIAL Par LAURENT JOFFRIN

Une autre voix Un tournant ? Certes non, mais une inflexion. On s’était habitué, dans le débat public, à entendre les représentants de la communauté juive de France, à l’instar d’une évolution générale, reprendre les thèses de la droite israélienne. Le 11 Septembre, les intifadas, les agressions du Hamas et du Hezbollah en étaient la cause principale, en même temps qu’une affirmation identitaire qui est loin de toucher seulement la diaspora juive. Ainsi les juifs de France se sontils éloignés d’une tradition qui en faisait, depuis l’affaire Dreyfus au moins, les sympathisants de la gauche. L’appel «JCall», qui provoque aujourd’hui la polémique, fait résonner une autre voix. Signé par des personnalités proches d’Israël, il met fin à l’unanimité apparente qui prévalait jusqu’ici, même si cette sensibilité reste nettement minoritaire. Nécessité d’un compromis et critique de la colonisation des territoires : l’appel reprend les thèses classiques des partisans de la paix au Proche-Orient. Il y ajoute un zeste de provocation en demandant que l’Europe et les Etats-Unis fassent pression sur l’Etat hébreu. Très logiquement, le gouvernement israélien et ses soutiens en France dénoncent une incitation publique à l’ingérence. Ce à quoi on peut répondre que cette ingérence est une donnée constante du conflit proche-oriental… Cette controverse, en tout état de cause, donne du relief au forum organisé à Tel-Aviv par l’ambassade de France avec les quotidiens Haaretz et Libération. Le thème ? La démocratie, en France et en Israël. Laquelle suppose, sur tous les sujets, le dissensus et le débat.

290000 190000 C’est le nombre des colons israéliens installés en Cisjordanie selon le mouvement pacifiste israélien «la Paix Maintenant»

C’est le nombre d’Israéliens installés dans la partie orientale de Jérusalem reconquise en juin 1967. Les Israéliens ont proclamé Jérusalem comme leur capitale indivisible.


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Pouroucontrelapolitiquedugouvernementisraélien, avant-goûtdudébatorganiséparleforumdel’ambassadedeFrance Bernard-Henri Lévy, philosophe, a signé l’appel JCall.

Limor Livnat, ministre israélienne de la Culture.

«Netanyahou se fout du monde» V

«Ces attaques sont injustes» M

il reproche aux signataires de JCall de s’égarer. Que serait l’amour d’Israël s’il ne donnait à ceux qui s’en réclament le droit à la libre expression ? L’idée même du sionisme ne prescrit-elle pas que tous les juifs du monde, qu’ils vivent ou non en Israël, ont leur mot à dire sur la politique menée par le gouvernement israélien ? Dieu sait si j’aime ce pays. J’en soutiens inconditionnellement et l’existence et le principe. Simplement, je revendique le droit de dire ce que je pense. Je refuse que n’aient voix au chapitre que les juifs, ou les amis d’Israël, qui se trouvent proches du Likoud ou en défendant les positions. C’est idiot et contre-productif. J’ajoute que Benjamin Netanyahou est un adversaire. Cette histoire de poursuite des implantations est une faute politique. Et il se fout du monde quand, dans le Figaro [du 26 mai, ndlr], il dit qu’il attend, pour discuter avec les Palestiniens, que ceux-ci reconnaissent le «caractère juif» de l’Etat d’Israël. Comme si les Palestiniens avaient leur mot à dire sur le caractère, juif ou non, de l’Etat! Comme si on leur demandait autre chose (ils l’ont fait, il y a seize ans, à Oslo – et c’est, naturellement, la moindre des choses!) que de reconnaître l’Etat comme tel ! Mais bon. Netanyahou n’est pas non plus le diable. Il a changé au fil des années. Et je ne désespère pas de le voir bouger encore, évoluer, nous surprendre peut-être - comme Begin en son temps, ou Sharon, ces autres hommes de droite qui ont fait, à deux reprises, paradoxalement bouger les lignes. Wait and see ! Recueilli par BÉATRICE VALLAEYS

inistre de la Culture et des Sports, députée Likoud à la Knesset (le parlement israélien), Limor Livnat est considérée comme une ultraconservatrice du grand parti de droite. Elle explique pourquoi elle a souhaité débattre avec Bernard Henri Lévy au forum de l’ambassade de France. AP

AFP

ous allez ce weekend à Tel-Aviv, avec vingt autres intellectuels, artistes et politiques françaises, pour une rencontre entre personnalités israéliennes et françaises sur la démocratie aujourd’hui. Pourquoi est-ce un enjeu fondamental? Il y a, d’abord, le lien d’Israël et de la France. Un lien essentiel, un lien de vie, un lien ancien, et dont je suis très heureux que, grâce aux organisateurs de ce colloque, il soit ainsi réactivé. Et puis, il y a le thème : la démocratie. On entend tellement de bêtises sur Israël, il y a tant de désinformation, tant d’intellectuels en principe sophistiqués qui, dès qu’il est question d’Israël, perdent tout bonnement la raison et nous parlent d’«Etat d’exception» quand ce n’est pas d’«Etat fasciste», bref il y a une telle concentration de sottise ambiante autour de cette question que je ne suis franchement pas mécontent que l’on vienne parler, en Israël, et à propos d’Israël, de démocratie. Israël n’est pas seulement, comme on le dit toujours, la «seule» démocratie «de la région». C’est aussi, compte tenu de sa situation, de l’état de guerre larvée où le pays vit depuis soixante ans, de toutes les entreprises de satanisation et de délégitimation, une des démocraties les plus solides du monde, les plus vivantes, l’une de celles qui tiennent le mieux le coup. Les Etats-Unis, au bout d’un an de «guerre contre la terreur» ont sorti Patriot Act 1, puis Patriot Act 2. La France, pendant la guerre d’Algérie, a suspendu un nombre conséquent de libertés démocratiques. En Israël, la guerre dure depuis soixante ans et l’on n’a rien vu de pareil. Une sorte de miracle politique. Qu’ont en commun ces deux pays dans un contexte aussi différent? La démocratie, justement. Mais aussi des ennemis communs. Le fanatisme. L’islamisme radical. Les partisans de la guerre des civilisations. L’Iran possiblement nucléarisé. Les Frères musulmans en Egypte et ailleurs. Les Iranosaures du Hamas et du Hezbollah. J’en passe. Sur tous ces fronts, le combat est commun, les valeurs sont les mêmes. La bataille est la même. Vous discuterez notamment avec un membre du gouvernement Netanyahou, la ministre de la culture Limor Livnat (Likoud, parti de droite, lire ci-contre) qui a souhaité ce débat, en public, pour parler démocratie mais aussi -et surtout– de l’appel Jcall que vous avez signé. Qu’en attendez-vous? Rien de particulier, puisque c’est elle qui l’a souhaité. Sinon venir dire, face à face, à un membre du gouvernement Netanyahou que celui-ci s’égare quand

Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki­Moon, avec le Premier ministre palestinien, Salam Fayyad, à Ramallah, en mars. PHOTO MOHAMAD TOROKMAN . AP

«Le sujet de la démocratie est important dans le monde entier mais plus particulièrement au Moyen-Orient. La démocratie israélienne est la seule vraie démocratie de la région, entourée de régimes autocrates. La démocratie ne dépend pas seulement de l’organisation d’élections libres. Elle touche à tous les domaines de la vie publique et quotidienne : la liberté d’expression, la liberté de la presse, les droits de l’Homme, les droits des femmes, les droits des homosexuels et des lesbiennes. Nous allons discuter de tous ces sujets et je pense qu’il était extrêmement important d’organiser ce colloque. «J’attends avec impatience ma rencontre avec Bernard-Henri Lévy, car en plus d’être un grand intellectuel, il est un grand ami d’Israël qui se bat depuis de nombreuses années à nos côtés, parfois seul contre tous, pour ce à quoi nous aspirons tous : la paix dans la région. Je suis évidemment consciente qu’en tant que signataire de la pétition de JCall, il est critique vis-à-vis du gouvernement israélien. «Je vais essayer de lui expliquer, peutêtre de le convaincre, que ceux qui ont rédigé la pétition de JCall font une erreur. Je pense qu’accuser le gouverne-

ment israélien actuel du blocage dans les discussions avec les Palestiniens et faire peser sur lui toutes les demandes ne mènera à rien de positif. Les dirigeants palestiniens n’ont jamais saisi la main qui leur avait été tendue par les gouvernements précédents, qui ont fait d’énormes concessions pour parvenir à la paix. «Ehud Barak a proposé aux Palestiniens la division de Jérusalem, qu’Arafat a refusée. Après le retrait de Gaza, mené par Ariel Sharon en 2005, des milliers de missiles ont été tirés sur le sud d’Israël. En 2008, Olmert a fait des propositions sans précédent, notamment sur un partage de Jérusalem. Après deux ans de négociations, ses offres sont restées sans réponses. Aujourd’hui, malgré les gestes du gouvernement de Benyamin Netanyahou – allégement des checkpoints, gel des constructions en Cisjordanie–, la seule initiative des Palestiniens a été de tenter de bloquer l’entrée d’Israël dans l’OCDE. Pour toutes ces raisons, je pense que c’est une erreur d’analyse et une injustice du point de vue moral d’accuser le gouvernement israélien actuel du fait qu’il n’y a pas de paix dans la région. «Je me suis rendue en France deux fois récemment, la dernière fois pour le Festival du film israélien. J’ai d’excellentes relations avec le ministre français de la Culture, Frédéric Mitterrand. Il s’intéresse beaucoup à la culture israélienne, au cinéma, à la littérature, qu’il connaît très bien. La France et Israël ont signé depuis plusieurs années un accord de coproduction cinématographique et notre collaboration dans ce domaine est excellente. Nous avons décidé avec Frédéric Mitterrand de renouveler l’accord de coopération culturelle franco-israélien qui a expiré il y a six ans. Il doit venir en Israël dans un ou deux mois. Nous renouvellerons probablement l’accord à ce moment-là. «Je suis admirative de la culture française et du fait qu’elle a une place aussi importante dans la société et dans l’ordre des priorités du gouvernement. Je reconnais même que je suis un peu jalouse quand je vois, en France, le nombre de jeunes enfants qui fréquentent les musées et les budgets attribués à la culture. La façon dont le domaine culturel est géré en France et la fierté nationale que la culture inspire doivent servir d’exemples à Israël, même si cela est évidemment difficilement transposable ici en raison des budgets que nous sommes contraints d’allouer à la défense de notre pays.» Recueilli par DELPHINE MATTHIEUSSENT


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LIBÉRATION 29 ET DIMANCHE LIBÉRATIONSAMEDI VENDREDI 4 JUIN 2010 30 MAI 2010

DÉSINTOX

ALAIN BRILLON

Niveau des retraites: Eric Woerth préfère parler des hausses

«Le pouvoir d’achat des retraités va être préservé, il va même augmenter, selon le Conseil d’orientation des retraites, d’environ 20%.» Eric Woerth ministre du Travail, le 20 mai, sur France 2 est un des sujets d’inquiétude des Français: le niveau de vie des retraités va-t-il se dégrader ? Sur France 2, le 20 mai, lors d’un débat face à Benoît Hamon, Eric Woerth se montrait très rassurant sur ce point: «Le pouvoir d’achat des retraités va être préservé, il va même augmenter, selon le Conseil d’orientation des retraites (COR), d’environ 20%.» Un propos déjà tenu par le ministre INTOX du Travail dans une interview à France Soir un mois auparavant : «Je rappelle que le rapport du COR montre que la retraite moyenne va continuer de progresser de 20% en moyenne d’ici à 2030, c’est un point très important.»

C’

en croire Eric Woerth, il n’y a donc pas d’inquiétude à avoir : les retraites vont croître de 20%. Le ministre tire ce chiffre du dernier rapport du COR, qui fait effectivement état d’une progression, d’ici à 2030, de

A

20% du niveau moyen des pensions en termes réels (audelà de l’inflation) par rapport à 2008. A échéance 2050, la hausse serait même de 50%. L’explication principale de cette évolution est l’augmentation des revenus d’activité au fil des générations, qui entraîne une hausse des pensions des nouveaux retraités. Le rapport insiste aussi sur l’allongement de la durée validée par les femmes, qui vont rejoindre progressivement les hommes (et percevoir des pensions plus importantes). Cette projection a été calculée en fonction des règles actuelles, mais le COR estime que la réforme à venir, entraînant des modifications de comportement des Français, ne bousculerait guère cette tendance. Ainsi, dans l’hypothèse d’une durée d’assurance progressivement portée à 43,5 ans en 2050 et d’un report de l’âge légal à 63 ans, la hausse de la pension moyenne est toujours estimée à 20% d’ici à 2030. Voilà donc la statistique de Woerth validée. Le problème, c’est que ce chiffre, livré comme tel, ne dit pas tout. Et qu’Eric Woerth a la lecture sélective. Dans son chapitre consacré au niveau des pensions, le COR écrit aussi que cette hausse des pensions sera «moins importante que celle des revenus d’activité». Lesquels vont croître, selon les scénarios économiques, de 30 à 41% d’ici à 2030, et de 79 à 102% d’ici 2050. En clair, la retraite moyenne va continuer de décrocher par rapport au revenu d’activité moyen. Woerth n’en dit pas

SUR LIBÉRATION.FR

Tchat. «Au final, Jean Sarkozy a plus d’épaisseur que son père.» Jean­Marc Philibert, auteur de Jean Sarkozy, le Fils doré, a répondu à vos questions. Vidéo. Quand Silvio Berlusconi se compare à Benito Mussolini, ce «grand dictateur». Conférence. Quinze minutes de vidéo pour tout comprendre (ou presque) à la physique quantique, avec Jean­Michel Raimond, professeur à Normale sup. Diaporama. C’est le week­end: vos photos sur Libé.fr.

un mot. C’est pourtant un indicateur pertinent pour juger de l’évolution du niveau de vie des retraités. «Le COR prévoit une hausse des salaires réelle de DÉSINTOX 1,5% par an d’ici à 2030. Mais durant cette période, la retraite moyenne augmenterait, elle, de 0,8 %

par an», souligne Henri Sterdyniak, directeur du département économie de la mondialisation de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). En vingt ans, le rapport entre la retraite moyenne nette et le revenu d’activité moyen net va donc plonger de 9 %. Cette dégradation s’explique

par la chute du taux de remplacement (rapport entre le niveau de la première retraite et le niveau du dernier salaire) consécutive aux récentes réformes des retraites, ou encore par le fait que les retraites sont, depuis 1993, revalorisées en fonction des prix et non plus des salaires. Sur France 2, quand Woerth

se félicitait de la hausse à venir des retraites, l’économiste Daniel Cohen a bien tenté d’ajouter que cette prédiction devait être nuancée, relativement aux revenus du travail. Mais le ministre n’a pas jugé utile de le laisser développer: «On ne va pas rentrer dans les détails.» CÉDRIC MATHIOT

VENDREDI 4 JUIN NUMÉRO SPÉCIAL

AFRIQUE DU SUD A une semaine de la Coupe du monde en Afrique du Sud, «Libération» plonge au cœur de la nation arc-en-ciel . 28 pages de reportages, d’enquêtes et d’interviews.


MONDE Colombie:unVertetcontretous

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LIBÉRATION SAMEDI 29 ET DIMANCHE 30 MAI 2010

Dimanche, le premier tour de la présidentielle devrait sanctionner la droite au pouvoir. Par MICHEL TAILLE Correspondant à Bogotá

E

n découvrant des photos volées de ses enfants et de son épouse en octobre, Alirio Uribe a frémi. Dans les bureaux du parquet colombien, un enquêteur lui montrait le dossier que les services secrets présidentiels avaient accumulé sur lui en toute illégalité. Des journées entières de sa vie privée y étaient reconstruites, dans le plus pur style de la Stasi. «Dès que je me levais, à 4 heures du matin, ils suivaient à la trace le moindre mouvement dans la maison», raconte aujourd’hui cet avocat, dont le principal tort est de défendre les victimes de l’Etat colombien. Comme lui, des journalistes, des politiciens de gauche et des magistrats qui enquêtaient sur la complicité avec la mafia de proches du président conservateur, Alvaro Uribe (sans parenté avec Alirio), ont été victimes du Département administratif de sécurité (DAS): filatures, intimidations, montages… Malgré les menaces qui pèsent sur les témoins, la justice commence à établir que les ordres venaient au moins de l’entourage du chef d’Etat, sinon de lui-même. Cette affaire s’est ajoutée à toute une série de scandales qui pourraient peser dans les urnes dimanche, lors du premier tour de l’élection présidentielle.

Les partisans du candidat vert Antanas Mockus lors d’un meeting à Manizales le 10 mai. PHOTO MAURICIO DUENAS. EPA. SIPA

dit «le professeur Tournesol». Mais à quel prix ?» Le thème de campagne du «professeur», selon lequel «la fin ne justifie pas les moyens», aurait séduit au «RASOIR». Dans ce contexte, l’uni- moins un tiers de l’électorat, las des versitaire de centre droit Antanas abus de la fin de l’ère Uribe. Outre Mockus, ex-maire de Bogotá, a créé le «DAS-gate», les sympathisants la surprise : son discours «rasoir» verts rappellent la sanglante affaire de respect de la vie et des lois de- des «faux positifs» qui a éclaté le vrait lui assurer de se qualifier pour 2 septembre 2008. Ce jour-là, un le second tour du 20 juin. Son prin- étudiant en médecine légale découcipal adversaire, Juan Mavre par hasard, dans les finuel Santos, dauphin d’Alchiers de morts au combat RÉCIT varo Uribe et ancien non identifiés, le visage de ministre de la Défense, semble son cousin disparu quelques mois condamné à traîner les casseroles auparavant. Alertées, les autorités de plus en plus bruyantes du prési- locales réalisent vite que dix autres dent sortant. En huit ans d’offen- jeunes chômeurs de la banlieue de sive militaire contre la guérilla des Bogotá ont été enlevés, abattus par Forces armées révolutionnaires de l’armée et présentés comme guéColombie (Farc), «Alvaro Uribe nous rilleros tués pour faire du chiffre. a apporté la sécurité et il faut lui en Juan Manuel Santos, alors chargé être reconnaissant, reconnaît un de la Défense, parle de «cas isolés». étudiant lors d’un meeting du Par- Mais les langues se délient et les jutido verde (Parti vert) de Mockus, ges accumulent 1 700 cas de civils

COLOMBIE

400 km

PAN Océan Pacifique

REPÈRES

pauvres abattus puis revêtus de l’uniforme des Farc. L’impunité dont bénéficieraient 98,5% des militaires impliqués contraste avec les menaces de mort qu’ont reçues les mères des victimes. Santos affirme avoir entamé une purge de l’armée et obtenu une baisse drastique des cas. «Mais lui et Uribe ont-ils réagi quand ils se sont rendus compte, ou quand ils ont vu que tout le monde s’était rendu compte?», doute Antanas Mockus. Avec son slogan «la vie est sacrée», le candidat vert fait naître un enthousiasme presque mystique chez les déçus d’Uribe. Mais certains jugent encore son discours de civisme, plein de symboles, trop fumeux pour démanteler non seulement les Farc mais aussi les milices mafieuses qui subsistent dans de nombreuses régions. Nés sous l’aile des trafiquants de drogue pour combattre la guérilla, ces paramilitaires ont négocié avec Alvaro

COLOMBIE Bogotá

ÉQU PÉROU

BRÉSIL

Uribe une démobilisation controversée. Leurs chefs n’ont pas rendu les 5 millions d’hectares qu’ils auraient usurpés aux paysans expulsés ou assassinés, et des escadrons se sont reformés aux quatre coins du pays. «La mafia se trouve toujours sur ces terres et contrôle toujours un tiers du système politique colombien», affirme la politologue Claudia López. MILICES. La semaine dernière, Rogelio Martínez, dirigeant de paysans expulsés par ces mafieux, a été assassiné devant la ferme qu’il réclamait… comme 14 de ses voisins auparavant. Le candidat du parti de gauche Pôle démocratique alternatif, Gustavo Petro, a lui-même dénoncé avoir fait l’objet d’une tentative d’attentat de ces miliciens, «associés avec des sous-officiers». Les efforts des magistrats de la Cour suprême, malgré les écoutes et les montages du DAS, ont certes per-

ALVARO URIBE

Superficie 1 138 914 km2 44 205 293 Population (est. juillet 2010) 7 430 euros PIB par habitant (est. 2009) -0,1% Evolution du PIB (est. 2009) 12% Chômage (est. 2009) Pop. sous le seuil de pauvreté (2008) 46,8% Sources : CIA World Factbook

Cet avocat est président depuis 2002. Il a mené une lutte acharnée contre les Farc qui ont tué son père en 1983, alors l’un des chefs des milices paramilitai­ res. Uribe a baigné dans des scandales de corruption et de violation des droits de l’homme.

mis d’écarter près de 80 parlementaires ou suppléants de la majorité sortante, en raison de leurs liens avec les milices. Mais au moins un cinquième du nouveau sénat, renouvelé en mars au cours de législatives entachées de fraudes, est issu de ces clans. Alvaro Uribe lui-même a été rattrapé cette semaine par sa légende noire de complaisance avec les milices. Un officier de police «ripoux» l’a accusé d’être intervenu, alors qu’il gouvernait la région de Medellín, pour faire classer sans suite le dossier accusant son frère de diriger un groupe paramilitaire. Le parquet n’a pas écarté de rouvrir l’enquête. Dans ce panorama, s’attriste l’éditorialiste colombien Humberto de la Calle, la réussite du discours basique de Mockus sur le «respect des lois» montre une seule chose : «A quel point nous sommes tombés bas.» •

Les derniers sondages w Antanas Mockus (Parti écolo­ giste): 35% w Juan­Manuel Santos (Parti de droite): 35% w Noemi Sanin (Parti conserva­ teur): 6% w Gustavo Petro (Parti démocrate alternatif): 6%


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VU DE ROME Par ÉRIC JOZSEF

En mal de pouvoir, Berlusconi invoque Mussolini dans le texte l avait déjà affirmé en 2003 que «Mussolini n’a jamais tué personne, il se contentait d’envoyer ses opposants en vacances au loin». Jeudi, à l’issue de la réunion de l’OCDE, à Paris, Silvio Berlusconi a remis sa chemise noire de provocateur. Evoquant les carnets du Duce qu’il aurait lu récemment et se plaignant de ne pas avoir assez de pouvoirs, il a lâché : «J’ose citer une phrase de celui qui était considéré comme un grand dictateur : “Ils disent que j’ai du pouvoir mais ce n’est pas vrai. Peut-être les hiérarques en ont-ils, mais pas moi. Moi, je peux uniquement décider si mon cheval doit aller à droite ou à gauche, rien de plus.”» Et d’insister, assis à proximité du Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou: «Il m’arrive la même chose, à tel point que tout le monde se sent en droit de me critiquer et de m’insulter.»

I

L’opposition de gauche a immédiatement réagi à ce qu’elle dénonce comme la «nouvelle gaffe internationale» de Berlusconi qui, par le passé, a déjà parlé du «bronzage» d’Obama, traité l’eurodéputé allemand Martin Schulz de «kapo», joué à cache-cache avec une Angela Merkel déconcertée, ou encore mimé l’exécution de journalistes sous les yeux amusés de son ami Vladimir Poutine. «L’Italie a une histoire que personne ne peut se

ÉTATS­UNIS Un texte prévoyant l’abrogation de la loi qui empêche les militaires homosexuels de dévoiler leur orientation sexuelle, sous peine d’être exclus de l’armée, a été approuvé par la commission de la Défense du Sénat américain jeudi (lire aussi en dernière page ). RWANDA La police a annoncé avoir arrêté l’un des défenseurs de l’opposante Victoire Ingabire, l’avocat et professeur de droit américain Peter Erlinder, accusé de nier la réalité du génocide des Tutsis de 1994. HAÏTI Le président René Préval a demandé à l’ONU d’ouvrir une enquête sur le meurtre par balles d’une dizaine de détenus dans une

permettre de banaliser ou de réviser», a stigmatisé le responsable du Parti démocrate, Maurizio Migliavacca, qui a rappelé que «Mussolini n’avait pas un pouvoir faible et qu’il a imposé une dictature pendant vingt longues années, avec toutes les tragédies que cela a impliquées». «Que Berlusconi cesse de décrédibiliser le pays, a supplié l’ancien maire de Palerme Leoluca Orlando. Et qu’il nous épargne au moins le salut romain et la chemise noire.» «Silvio Berlusconi est un spécialiste de la communication, dédramatise le député de droite Giorgio Stracquadanio. Quand il sent que le politiquement correct ne fonctionne pas, il utilise la transgression pour catalyser l’attention et faire passer son message.» Selon lui, le Cavaliere a, par cette déclaration sulfureuse, réagi aux attaques de son allié, le président de la Chambre des députés, Gianfranco Fini, et à la présence encombrante de son ministre de l’Economie, Giulio Tremonti, qui lui aurait imposé la cure de rigueur économique: «En parlant de Mussolini, Berlusconi a repris la scène médiatique et politique. Il a mis Fini en difficulté par rapport à son passé fasciste et, en évoquant le Duce et ses hiérarques, il a voulu montrer à la population italienne qu’il n’était pas devenu le porte-parole de Tremonti, mais que c’est lui qui conservait la barre.» •

prison haïtienne en janvier. L’incident, révélé par le New York Times, est survenu une semaine après le séisme, qui avait provoqué de nombreuses évasions. BELGIQUE Un débat entre candidats flamands et francophones de Belgique, qui devait être diffusé dimanche, à deux semaines d’élections cruciales, n’aura finalement pas lieu, faute d’accord sur la place à réserver à l’extrême droite. JAPON Le Premier ministre japonais, Yukio Hatoyama, a annoncé vendredi s’être mis d’accord avec Obama sur le déménagement hors de la ville de la base militaire controversée de Futenma, dans l’île d’Okinawa.

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C’est le nombre d’années que l’Américain Thomas Whisenhant a passé dans le couloir de la mort avant d’être exécuté jeudi soir en Alabama à l’âge de 63 ans. Whisenhant avait été con­ damné pour l’enlèvement, le meurtre et la mutilation en 1976 d’une jeune femme de 24 ans, Sheryl Lynn Payton, qui travaillait dans une épicerie. Il avait égale­ ment avoué deux autres meurtres.

«Les pays qui critiquent cet accord sont jaloux.» Le président turc, Recep Tayyip Erdogan jeudi soir à Brasília, en compagnie de son homologue Brésilien, Lula da Silva. Tous deux sont agacés par l’accueil glacé des grandes puissances à l’égard de l’accord turco­brésilien sur le nucléaire iranien.

LES GENS

OTAGES APPEL POUR LES JOURNALISTES DE FRANCE 3 Pour le 150e jour de leur détention en Afghanistan, une centaine de personnes se sont rassemblées vendredi après­midi devant le siège de France Télévisions à Paris en sou­ tien aux journalistes de France 3 Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier. Des rubans bleus, portant l’adresse du site www.liberezles.net, ont été distribués pour être noués au poignet. Le rassemblement était organisé par Reporters sans frontières, le comité de soutien des deux otages, le SNJ et la Société des journalistes de France 3. Un autre ren­ dez­vous était prévu à Strasbourg à la même heure. PHOTO PHILIPPE WOJAZER. REUTERS

Laguérillamaoïste frappeencoreenInde ATTENTAT Le sabotage d’un train a tué 80 passagers. est l’un des pires sabotages commis dans l’est du pays par la guérilla maoïste avec 80personnes tuées et plus de 200 autres blessées. La cible était le Gyaneshwari Express, un train qui effectue la liaison Calcutta-Bombay. Selon les premiers éléments de l’enquête, les rails avaient été dévissés avant le passage du convoi vers 1 h30 du matin alors que la plupart des passagers dormaient. Comble de malchance, cinq wagons qui s’étaient couchés sur la voie opposée ont été percutés de plein fouet par un train de marchandises qui arrivait dans l’autre sens. Un choc d’une extrême violence, survenu dans une zone inaccessible par la route, ce qui a compliqué les opérations de secours. Les premières équipes ne sont arrivées sur place que trois heures et demie après la collision. Riposte. Les policiers ont retrouvé à proximité du site des tracts de revendication signés du Comité populaire contre les atrocités policières (PCPA), un groupuscule local directement affilié aux naxalistes, la rébellion maoïste. «Nous avions déjà demandé le retrait des forces de sécurité de Jangalmahal [le

C’ LE DR FOL À MORT OUVRE UN SUPERMARCHÉ De plus en plus morbide, l’inquiétant docteur Gun­ ther von Hagens vient d’ouvrir un «supermarché de la mort». Inventeur du procédé de «plastination» comparable à la momifica­ tion par imprégnation de substances chimiques, l’anatomiste allemand ne se contente plus d’exposer des cadavres plastinés. Il met désormais en vente des parties du corps humain. On trouvera des testicules à 360 euros, des poumons de fumeur à 3600 euros ou un corps humain à 57000 euros, chez celui qui, à force de préparer des cadavres, a fini par leur ressembler. Selon le site internet Plasti­ narium, ce «supermarché» macabre est destiné à des «utilisateurs qualifiés», comme les médecins. Le docteur avait été naguère accusé de s’être illégale­ ment procuré des corps de prisonniers chinois pour ses sculptures d’écorchés. PHOTO AFP

nom tribal de cette région, ndlr] mais nos demandes n’ont pas été entendues», pouvait-on y lire. La revendication a ensuite été démentie par le porte-parole du PCPA. Sans convaincre, d’autant que l’accident a eu lieu dans une région connue comme bastion de la guérilla. Celle-ci multiplie les attaques pour tenter de dissuader les autorités de poursuivre leur offensive anti-insurrectionnelle. Inquiet face à l’influence grandissante de la rébellion, le gouvernement a décidé de déployer 56000 paramilitaires dans la zone. Baptisée «chasse verte», l’opération antimaos est cependant pavée d’échecs et provoque une riposte sanglante. La semaine dernière, 35 personnes ont été tuées lorsqu’un bus transportant civils et policiers a sauté sur une mine dans l’Etat du Chattisgarh. Début avril, 76 paramilitaires ont également péri dans une embuscade en pleine jungle, lors d’une opération particulièrement mal préparée. Car si la détermination politique est forte pour mater ce mouvement, les paramilitaires ne sont pas entraînés contre la guérilla. Sous pression, l’Etat se refuse à déployer l’armée, ce qui reviendrait à recon-

CHINE CHINE NÉPAL

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naître de facto une situation de guerre. Fusion. Né à la fin des années 60, le discours des naxalistes remporte un certain succès auprès des laissés-pour-compte de la folle croissance indienne, petits paysans dont les terres agricoles sont menacées par des projets industriels, et tribaux qui voient leurs territoires donnés en concession à des groupes miniers. Plus active que jamais depuis la fusion des deux principaux groupes naxalistes en 2004, l’insurrection a fait l’an dernier plus de 600 morts et touche plus de la moitié des Etats de l’Union. Au point que, pour le Premier ministre, Manmohan Singh, cette guérilla, estimée à 15 000 combattants, constitue «la plus grande menace à la sécurité intérieure du pays depuis l’indépendance», en 1947. De notre correspondant à New Delhi PIERRE PRAKASH


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FRANCE

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long combat mené par les anciens militaires d’Afrique, combattants ou non. Lors des indépendances, les pensions avaient été bloquées à leur niveau du 3 juillet 1962. Cette décision, connue sous le nom de «cristallisation», s’appuyait sur la différence de pouvoir d’achat d’une même pension entre l’Afrique et la France. Le Conseil constitutionnel ne conteste pas au législateur le droit de «fonder une différence de traitement sur le lieu de résidence en tenant compte des différences de pouvoir d’achat». En revanche, il affirme que certains articles de lois de finances d’août 1981, décembre 2002 et décembre 2006 doivent être censurés car ils «sont contraires au principe d’égalité» figurant dans la Constitution. Pour les membres du Conseil, le législateur «ne pou-

Environ 10000 personnes pourraient être concernées par cette décision et voir leurs pensions revalorisées.

Des tirailleurs sénégalais, en permission à Paris, après le défilé du 14 juillet 1913. PHOTO ALBERT HARLINGUE. ROGER­VIOLLET

LeConseilconstitutionnel aurendez-vousdel’histoire En accordant des pensions revalorisées aux ex-soldats des anciennes colonies, les «sages», saisis dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité, ont pour la première fois censuré une loi déjà promulguée. Par JEAN­DOMINIQUE MERCHET

L

es troupes indigènes viennent de remporter une victoire. En vertu du «principe d’égalité», le Conseil constitutionnel a décidé vendredi d’accorder les mêmes pensions aux anciens militaires des ex-colonies, qu’ils soient aujourd’hui français ou non. Les «sages» ont ainsi fait droit aux deux requérants, Kheddi-

REPÈRES

dja et Moktar Labanne, qui les avaient saisis le 14 avril. Mais c’est surtout une décision sans précédent en France. Pour la première, le Conseil constitutionnel (dont les décisions «s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles») a censuré partiellement une loi déjà promulguée. Le Conseil a agi dans le cadre de la nouvelle procédure des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), rendues

La Cour de cassation a examiné une question prio­ ritaire de constitutionnalité polémique vendredi: l’absence d’avocat lors des interrogatoires en garde à vue porte­t­elle atteinte aux droits de la défense et à celui de bénéficier d’une procédure équitable, énon­ cés dans la Déclaration des droits de l’homme? Le pouvoir du policier de placer en garde à vue, sous le contrôle du parquet, est­il constitutionnel? La Cour dira lundi si elle transfère ces questions aux «sages».

possibles par la révision de la Constitution de juillet 2008 (1). Depuis le 1er mars, tout justiciable peut contester une loi ou une disposition législative en saisissant le Conseil, selon une procédure qui comporte plusieurs filtres. Le justiciable, qui soutient qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, doit en effet transmettre sa requête soit au Conseil d’Etat, soit à la Cour de cassation.

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dossiers ont déjà été transmis au Conseil constitutionnel en vertu de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC).

Les deux juridictions disposent d’un délai de trois mois pour examiner la QPC et la transmettre ou non au Conseil. Les onze «sages» doivent décider s’ils abrogent la disposition contestée dans le même délai. L’affaire des troupes indigènes a fait l’objet d’une audience publique mardi. CONSIDÉRABLE. La décision de vendredi du Conseil constitutionnel représente l’aboutissement d’un

L’Union nationale des associa­ tions familiales (Unaf) s’est réjouie vendredi de la confirma­ tion de son caractère représenta­ tif par le Conseil constitutionnel, saisi d’une QPC par une autre association, l’Union des familles en Europe (UFE), qui considérait qu’il s’agissait d’un «monopole».

vait établir de différences selon la nationalité entre titulaires d’une pension […] résidant dans un même pays étranger». Jusqu’à présent, un ressortissant français vivant dans un pays africain ne percevait pas la même pension que son camarade, ancien militaire lui aussi, mais de la nationalité du pays. La différence pouvait être considérable, allant de un à dix, selon Me Lyon-Caen, l’avocat des requérants. INÉGALITAIRE. Selon les premières estimations, environ 10 000 personnes pourraient être concernées par cette décision et voir leurs pensions revalorisées. Le coût pour le budget de l’Etat se chiffrera en dizaines de millions d’euros. Comme la censure de ces articles de loi risquait de renvoyer les pensionnés à un texte précédent encore plus inégalitaire, le Conseil constitutionnel a donc décidé d’accorder au Parlement et au gouvernement un délai de quelques mois pour adopter de nouvelles dispositions, en fixant au 1er janvier 2011 la date d’abrogation des articles censurés. Cette décision concerne les pensions des anciens militaires ainsi que celles, plus rares, des fonctionnaires civils. Il ne s’agit donc pas des retraites d’anciens combattants ou des pensions d’invalidité, même si elles peuvent se cumuler. Celles-ci avaient été «décristallisées» par Jacques Chirac en 2006, à la suite du film Indigènes de Rachid Bouchareb. • (1) Conseil­constitutionnel.fr.

«Une révolution dans la maison.» Jean­Louis Debré président du Conseil constitutionnel, mardi


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UN CACHOT MIS AU JOUR À L’ASSEMBLÉE Curieuse découverte à l’Assemblée nationale. Dans l’épaisseur du mur d’un escalier conduisant à la tribune de presse a été mise au jour, lors de tra­ vaux, une cellule de 2 mètres de haut sur 1,5 mètre de large, équipée d’un banc en pierre et d’une lucarne fermée de barreaux de fer. Elle aurait pu servir, pense­t­on, à mettre aux arrêts des spectateurs turbulents, ou des soldats qui, à diverses époques, ont été logés sous les combles du Palais Bourbon. Il existait, sous la IIIe République, une «cel­ lule de dégrisement» réser­ vée aux députés échauffés par l’excitation des débats. En tout cas, il n’est pas envisagé de remettre cette cellule en service, a promis le président de l’Assem­ blée, Bernard Accoyer, au député PS du Nord Patrick Roy, chahuteur invétéré lors des séances de ques­ tions d’actualité du mardi et du mercredi. F.W.­D.

LES GENS

FRANÇOIS FILLON RECADRE LUC CHATEL Le Premier ministre a déclaré vendredi que «toute mobilisation» était «importante» à ses yeux, au lendemain d’une journée d’action sur l’emploi et les retraites. Une manière pour François Fillon de se démarquer des propos du porte­parole du gouverne­ ment, Luc Chatel, qui avait jugé «faible» la mobilisa­ tion, estimant même qu’elle venait «valider la méthode du gouvernement». «La question n’est pas de comp­ tabiliser la mobilisation. C’est un message qu’envoient les Français ou qu’envoient les partenaires sociaux au gouvernement», a expliqué François Fillon, en marge d’une visite du Pôle Emploi de Poissy (Yvelines). «Mais il n’y a pas de lien entre la mobilisa­ tion et la détermination du gouvernement à conduire la réforme des retraites», a­t­il conclu. PHOTO AFP

L’ACTUSCOPE

Cumul:lebonuscaché «De là à dire qu’on n’est desministres plus sûr nulle part» Par DENIS MUZET

BUDGET Le député apparenté PS René Dosière dénonce les indemnités des membres du gouvernement. ené Dosière, c’est le cauchemar de ceux qui confondent démocratie et vache à lait. Député (apparenté socialiste) de l’Aisne, il avait après une enquête minutieuse (1), révélé en janvier 2007 que les dépenses de l’Elysée avaient, sous Jacques Chirac augmenté de 798%. Et depuis, chaque année, il traque les dépenses somptuaires, les gaspillages, les rentes de situation des élus et des gouvernants, qu’ils soient ministres, députés ou président de la République. Dans le collimateur cette année de l’incorruptible monsieur Dosière : le cumul des indemnités et les petits mensonges de l’Elysée. «Nous avons en France une particularité : des ministres à temps partiel, explique-t-il, certains membres du gouvernement passent une partie de leur temps à choisir l’assortiment des fleurs devant l’hôtel de ville ou la nature du revêtement des routes de leur département, alors qu’ils devraient s’occuper des affaires de la France. Et ils sont payés pour cela, en plus de leur traitement de ministre.» «Fleurs». Et de citer, sans les nommer, les situations de cumul les plus flagrantes : «Ministre et président du conseil général des Hauts-deSeine, ministre et maire de Nice, ministre et président de la communauté urbaine de Nice, ministre et maire d’une ville de Champagne, secrétaire d’Etat et maire de Toulon, ministre et conseiller de Paris.» On aura reconnu dans l’ordre Patrick Devedjian, Christian Estrosi, François Baroin, Hubert Falco et Christine Lagarde. Ils ne sont pas les seuls. Luc Chatel, Dominique Bussereau, Laurent Wauquiez, Jean-Marie Bockel, Alain Joyandet, Michel Mercier, Eric Woerth et quelques autres cumulent leur maroquin avec un mandat de maire, président de communauté d’agglomération, de conseil général, ou de conseiller régional. «C’est autorisé dans la limite d’une fois et demi leur traitement, rappelle René Dosière. Comme un ministre touche 14129 euros brut par mois, cela fait quand même 21 193 euros de cumul autorisé. Plutôt que de réduire

R

René Dosière, vendredi. PHOTO SÉBASTIEN CALVET de 10% le traitement des ministres comme le font certains pays européens, on pourrait commencer par interdire ces cumuls», suggère-t-il. Côté présidence de la République, le député de l’Aisne aurait volontiers applaudi la hausse affichée de 0,97% en 2009 par rapport à 2008, s’il n’avait décelé dans la présentation des comptes de

0,4%, rappelle Dosière, et quand on veut imposer aux collectivités locales une croissance zéro des dépenses en 2010, il serait plus crédible pour la présidence de la République de s’imposer la même rigueur.» Chasse. Le député de l’Aisne n’a pas perdu de temps pour lancer sa chasse au gaspi. Vendredi, lors du débat sur la réforme territo«Comme un ministre touche il a dé14129 euros brut par mois, cela riale, posé un fait quand même 21193 euros amendement de cumul autorisé.» plafonnant les René Dosière vendredi revenus d’un élu local au nil’Elysée une petite entour- veau de l’indemnité parleloupe. Au deuxième semes- mentaire de base. Une metre de 2008, Nicolas Sarkozy sure qui aurait contraint les occupait la présidence tour- ministres cumulards à abannante de l’Union euro- donner leur mandat local, ou péenne. L’Etat français a à se contenter de 5487 euros avancé les dépenses inhé- par mois. L’amendement a rentes à la fonction et s’est été rejeté. ensuite fait rembourser par Mais Dosière ne veut pas en Bruxelles. Mais cela a gonflé rester là. Il va demander aux artificiellement le bud- ministres de diviser par deux get 2008 de l’Elysée. le nombre de conseillers de Si l’on ne tient pas compte de leur cabinet. Et les voitures cette présidence française, qui vont avec. les dépenses ont en réalité FRANÇOIS WENZ-DUMAS augmenté de 2,5%. «C’est (1)L’Argent caché de l’Elysée, six fois plus que le budget de Ed. Seuil, 2007, 175 pages, l’Etat, dont la hausse a été de 17 euros.

a mort de la policière Aurélie Fouquet dans la fusillade de l’A4 a suscité une immense émotion : «J’ai été bouleversée, confie une mère de famille, elle était jeune, avec un enfant en bas âge. Suite à une arrestation d’un véhicule sans plaque d’immatriculation, ça s’est terminé en fusillade avec des armes lourdes, elle est morte.» «Je rentrais par l’autoroute ce jour-là, témoigne un habitant d’une commune proche, ça se joue à pas grand-chose, vous vous trouvez à un endroit et vous pouvez prendre des balles!» Dans l’actualité de la semaine, d’autres faits divers ont frappé les esprits : «A Grenoble, raconte un homme, une personne de 38 ans baladait son chien à 4 heures du matin, elle s’est trouvée nez à nez avec trois individus qui lui ont demandé sa carte bleue, ils lui ont mis le couteau sur la nuque, sont allés chez lui, l’ont séquestré et ont violé sa femme !» «Au Parc Astérix, témoigne un magasinier, deux types se sont pris le nez avec des jeunes qui voulaient leur passer devant, ils se sont fait tabasser; c’est incroyable, une simple altercation dans un parc le matin, et le soir ils sont à moitié morts !»

L

Soumis de façon répétée sur une courte période à des informations choquantes, l’être humain est tenté de généraliser : «On assiste à une violence de plus en plus présente au quotidien, s’émeut un homme, on n’hésite pas à tuer, c’est du lourd!» Certains font la part des choses : «C’est de la criminologie, re-

RÉFORME Les deux députés Nouveau Centre, présents vendredi lors du vote de l’amendement sur le mode d’élection des conseillers territoriaux (uninominal à deux tours), se sont divisés. Philippe Vigier, porte-parole adjoint du parti, a voté contre, tandis que Michel Hunault l’approuvait. Le NC réclame l’introduction d’une dose de proportionnelle. Pour Vigier, le mode de scrutin adopté est «un coup de poignard dans le dos de la démocratie locale». DISPARITION Pierre Marion, directeur du Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (Sdece),

lativise une retraitée. De là à dire qu’on n’est plus sûr nulle part, faut pas exagérer !» D’autres se demandent si le phénomène ne serait pas monté en épingle: «Les médias se focalisent sur ce genre de choses, témoigne un agent hospitalier, on a l’impression que l’insécurité grandit. Mais est-ce qu’elle grandit ou est-ce que ça reste une action isolée? Je me demande quel est le rôle des médias dans tout ça…» A l’hiver 2001-2002, déjà, notre pays avait été confronté à la montée de l’insécurité. Le visage tuméfié d’un «papy» sympathique agressé à Orléans la veille de la présidentielle avait fait le tour des télés. Lionel Jospin avait dû céder la place à Jean-Marie Le Pen. L’insécurité est un fait. La responsabilité des médias est de restituer les faits. Mais la façon dont ils le font est délicate et essentielle. Comment ne pas ajouter à l’insécurité réelle le sentiment d’insécurité? Réalité et imaginaire se mêlent et se renforcent mutuellement. Les conséquences politiques, elles, sont bien réelles. Vous voulez dire votre mot et participer au panel de l’Institut Médiascopie: www.liberation.mediascope.fr.

DR

L’HISTOIRE

Denis Muzet est le président de Médiascopie. Chaque samedi, il rend compte de l’actualité vue par un panel de l’institut qu’il dirige.

devenu Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) sous son mandat (juin 1981octobre 1982), est décédé à l’âge de 89 ans, le 17 mai à Louviers (Eure), a-t-on appris vendredi. Après son départ de la DGSE, ce polytechnicien a été président d’Aéroports de Paris. MÉDAILLE Les ressortissants étrangers, décorés de la Légion d’honneur ou du Mérite, comme l’ancien dictateur panaméen Manuel Noriega, seront désormais privés de leurs décorations en cas de condamnation par un tribunal français, selon deux décrets publiés vendredi au Journal officiel.


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Au tribunal correctionnel de Pontoise, vendredi, Olivier Metzner (à gauche), l’avocat de Continental avec Kenneth Burtt, responsable technique de la compagnie américaine (au centre).

Concorde:lajusticeaulongcours

Au terme d’un procès de quatre mois, dix ans après les faits, le procureur a clairement désigné Continental et un cadre du constructeur Aérospatiale comme responsables du crash. Par YANN PHILIPPIN Photo JEAN­MICHEL SICOT

Metzner, qui dénonce «l’incompé- la sécurité aérienne. Et questionné commandant de bord. D’où les tence» des experts. Il a recensé la manière dont les autorités et le deux ans de prison avec sursis re28 témoins qui ont vu l’avion s’en- constructeur ont traité les inci- quis contre Henri Perrier, responn procès-fleuve pour un flammer avant de rouler sur la la- dents. Le Concorde en a connu en sable du programme Concorde avion mythe. Après qua- melle. L’avocat a tenté de convain- rafale : 67 éclatements de pneus, chez Aérospatiale. «Il est celui qui tre mois d’audience, le cre que le pneu a éclaté à cause de dont 7 avec perforation du réser- avait la conscience des risques. Il procès du crash du Con- la surcharge de l’avion et de l’ab- voir. Le plus grave s’est produit à aurait pu empêcher l’accident», a corde, 113 morts en juillet 2000 sence d’une pièce du train d’atter- Washington dès 1979. Mais le car- asséné le procureur. Il a toutefois après son décollage de rissage, que les ouvriers burant n’a pas pris feu. Le crash est épargné le successeur de Perrier, Roissy, s’est fini venDÉCRYPTAGE d’Air France ont oublié évité «par miracle», écrit l’enquê- Jacques Hérubel. dredi avec les dernières de remonter. La com- teur du Bureau d’enquêtes et «Requérir une telle peine contre un plaidoiries de la défense. Et deux pagnie française s’en sort bien. d’analyses (BEA). Des mesures sont homme qui s’est défoncé toute sa vie coupables désignés par le procureur Cette grossière erreur de mainte- prises pour protéger les pneus. pour que cet avion vole, c’est inique», dans ses réquisitions: la compagnie nance n’a pas été retenue comme Mais le projet de renforcer le réser- s’indigne l’avocat d’Henri Perrier, aérienne Continental et Henri Per- cause de l’accident. Ce qui lui a valu voir est abandonné (il sera mis en Thierry Dalmasso. Pour la défense, rier, ancien directeur du pro- de siéger à l’audience comme partie œuvre après le crash de 2000). Et l’accident de Gonesse était technigramme Concorde. Retour sur les civile, du côté des victimes. les incidents continuent. «Le suivi quement différent des autres, donc enseignements du procès avant le du Concorde était défaillant à tous les «totalement imprévisible». Il est injugement, attendu en fin d’année. L’ACCIDENT AURAIT­IL PU niveaux et ses problèmes connus. juste de «juger les hommes et les faits ÊTRE ÉVITÉ ? Mais personne n’a osé clouer au sol d’hier avec les hommes et les faits QUI EST RESPONSABLE ? Rarement un tribunal s’était à ce ce symbole de la France», indique d’aujourd’hui», a plaidé Daniel SouLe procureur Bernard Farret arrive point plongé dans les coulisses de Roland Rappaport, l’avocat du lez-Larivière, avocat de Claude aux mêmes conclusions que l’enquête judiciaire: c’est bien une laLES CAUSES DU CRASH 3 Le réservoir se rompt. melle de 43,5 cm tombée d’un selon l’enquête judiciaire Du kérosène fuit et prend feu. avion de Continental qui a fait éclater un pneu du Concorde. Des dé1 Une lamelle en titane perdue par un DC10 de Continental Airlines entaille un pneu du train d'a errissage. bris ont perforé le réservoir placé Moteur n° 2 sous l’aile, provoquant une fuite de Des morceaux du pneu sont projetés 2 carburant, qui s’est enflammé. sur la partie intérieure de l'aile Bernard Farret a fustigé le «laxisme au niveau d’un réservoir. 4 général» et la «maintenance défecLogement du train La poussée des tueuse» de Continental. Il a demoteurs 1 et 2 d'a errissage mandé 175 000 euros d’amende est fortement contre la compagnie américaine et perturbée par le feu. dix-huit mois avec sursis pour deux L’avion devient incontrôlable et s’écrase. de ses salariés. Si cette réquisition était suivie, la facture serait lourde: Roissy Réservoirs Gonesse 1 Air France demande 15 millions de carburant Le Bourget d’euros de dommages et intérêts. Et Moteur n° 1 ses assureurs réclameraient le remPARIS 2 boursement des 100 millions versés aux familles des victimes. Lamelle métallique «Ce procès n’a servi à rien», déplore l’avocat de Continental, Olivier

U

Frantzen, un cadre de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) pour lequel la relaxe a été requise. En protégeant les auteurs de délits non intentionnels, la loi Fauchon de 2000 «organise l’impunité», regrette Stéphane Gicquel, président de la Fédération nationale des victimes d’accidents collectifs (Fenvac). L’Etat et ses administrations (BEA, DGAC) ne peuvent pas être poursuivis, tandis qu’Aérospatiale a échappé au procès grâce à sa disparition au sein d’EADS. D’où le sentiment que le chapeau porté par les prévenus était trop grand pour eux. Deux lanceurs d’alertes, au BEA et à Air France, ont d’ailleurs déclaré avoir subi des «pressions». «Ce n’est que foutaise, ces histoires de complot», s’est indigné Me Soulez-Larivière. LA SECURITÉ EN SORTIRA­T­ELLE RENFORCÉE ? Le procès a fait apparaître une fracture béante. D’un côté, l’ensemble des acteurs de l’aéronautique, persuadés de leur professionnalisme, invoquant «la fatalité» du drame et le fait que, malgré tous leurs efforts, le risque zéro n’existe pas. De l’autre, des parties civiles qui dénoncent la suffisance d’un milieu «consanguin». «Malgré l’échec du Concorde, je n’ai vu aucune remise en cause. Pour moi, parler de fatalité, c’est déjà du renoncement à la sécurité», affirme Stéphane Gicquel. Les récentes critiques des familles de victimes sur l’enquête du crash Rio-Paris montrent, dix ans après celui du Concorde, que la crise de confiance reste entière. •


FRANCEXPRESSO • 11

LIBÉRATION SAMEDI 29 ET DIMANCHE 30 MAI 2010

G

LE GRAPH

À CHAUD UN COFFRE­FORT DÉCOUVERT AU PÔLE ANTITERRORISTE

Tibéhirine: les aveux cachés d’un agent double

Contacté vendredi par Libération, Jean-Louis Bruguière a refusé de commenter les découvertes effectuées dans les placards du Palais de justice de Paris. Le site Mediapart.fr a révélé l’existence d’un coffre-fort installé par Jean-Louis Bruguière, prédécesseur du juge Marc Trévidic, au pôle antiterroriste du tribunal. Personne n’en avait parlé au nouvel occupant

des lieux. Marc Trévidic et sa greffière avaient procédé le 14 avril 2008 à l’ouverture du coffre. Or celui-ci contenait des CD en relation avec l’affaire du massacre des moines de Tibéhirine en Algérie. Les services de police mandatés pour écouter ces supports ont mis deux ans pour rendre leur copie. Elle comporte les aveux d’un repenti du GIA désignant, Abderrazak

el-Para comme l’auteur de l’enlèvement des moines. Présenté comme l’un des chefs islamistes au Maghreb, El-Para aurait servi d’agent double à la Sécurité militaire algérienne. Bruguière n’avait pas versé cette pièce à conviction au dossier pénal, pourtant distant de quelques décimètres du coffre-fort. Et un rien embarrassant pour les autorités d’Alger. G. Da.

Nombre de communes labellisées «Pavillon bleu» en 2010, par département Somme Manche Ardennes Côtes Oise d’Armor Ille-et- Calvados Vilaine Seine Eure- et-Marne Finistère et-Loir Morbihan Loir-etLoireCher Atlantique Jura Nièvre Vendée CharenteMaritime Gironde

95

tombes de soldats alle­ mands tombés pendant les deux conflits mon­ diaux ont été profanées à Guebwiller (Haut­Rhin). Nicolas Sarkozy a dénoncé un acte «révoltant et lâche» dans une lettre au prési­ dent allemand, Horst Köhler.

L’HISTOIRE

À CRÉTEIL, LES ABUS SEXUELS D’UN ANCIEN COMMISSAIRE Un correspondant du par­ quet de Créteil et ancien commissaire a comparu vendredi devant le tribunal correctionnel du Val­de­ Marne pour des abus sexuels sur trois femmes qu’il accompagnait dans leurs démarches juridi­ ques. Fustigeant «des ges­ tes et des propos déplacés», le ministère public a réclamé à son encontre deux ans de pri­ son avec sursis, estimant que le prévenu avait «transgressé les règles alors qu’il était lui­même chargé de les faire respec­ ter». A l’audience, une des plaignantes a affirmé que le prévenu l’avait contrainte à des attouche­ ments sexuels «pour faire avancer son dossier». Agé de 66 ans, le prévenu a rejeté ces accusations, niant le caractère sexuel de certains actes ou esti­ mant qu’ils étaient consen­ tis. «Elle ne m’a donné aucun signe qu’elle n’était pas consentante», a­t­il déclaré au sujet de la plai­ gnante. Son avocat, Me Jean­François Moreau, a estimé que le comporte­ ment de son client était «condamnable déontologi­ quement mais pas juridi­ quement». Le jugement a été mis en délibéré mardi.

ÉCOLE Polémique sur la présence de signes religieux

lors des épreuves du bac dans les établissements privés. e débat sur le niqab a fini par déraper sur les crucifix. A l’approche du bac, une polémique est en train de naître autour des établissements catholiques qui accueillent des épreuves avec des croix au mur. Pour le camp laïc, c’est la preuve du deux poids deux mesures de l’Etat. L’enseignement catholique réplique que la loi ne l’oblige en rien à dénuder ses murs et qu’il s’agit d’un mauvais procès. Tout a commencé avec la question posée à l’Assemblée nationale, le 4 mai, par le député socialiste du Nord Christian Bataille. S’inquiétant du fait que pour la pre-

lycées publics. Des incidents éclatent de temps en temps, avec des examinateurs que cela dérange d’interroger des élèves sous des croix. Mais généralement, le problème se règle dans la discrétion. En juin 2009, une affaire a toutefois fait du bruit: deux enseignantes de français, refusant de faire passer des oraux avec des crucifix au mur, ont été remplacées du jour au lendemain. En fait, il existe une ambiguïté sur laquelle surfe le camp privé. La loi de 2004 interdisant les signes religieux ostentatoires ne concerne que les établissements publics. «Nous répondons à une sollicitation pour organiser le La loi de 2004 interdisant bac, explique Eric les signes religieux de Labarre, secréostentatoires ne concerne taire général de que les établissements l’Enseignement catholique, nous le publics. faisons volontiers, mière fois dans l’académie mais dans le cadre de la loi qui de Lille, des établissements garantit notre “caractère spéprivés vont être des centres cifique”. Nous n’allons tout de d’examens, il interroge le même pas démonter les croix ministre de l’Education : que nous avons au fronton de «Quelles dispositions enten- nos établissements.» dez-vous prendre pour que les Mais avec les débats sur signes religieux soient retirés l’identité nationale et sur le ou recouverts pendant le dé- voile, les positions se crisroulement des épreuves du pent sur toutes ces quesbac?» Luc Chatel répond que tions. Le 21 mai, l’adjoint au «le recteur veillera au respect directeur diocésain de l’endu principe de neutralité», seignement catholique de rappelant que «les épreuves Paris a dénoncé dans un écrites et orales doivent se dé- communiqué «la volonté de rouler dans des salles où aucun certains laïcistes» de faire resigne religieux extérieur os- tirer les crucifix, revenditentatoire ne doit être mis en quant la présence de signes avant». «discrets» et «sans ostentaL’affaire aurait pu en rester tion» dans les salles d’exalà. Depuis une quinzaine mens. Interrogé par l’agence d’années, les écoles privées de presse AEF, le ministère a sous contrat, à 90% catholi- alors esquissé un pas en arques, organisent le bac car rière, ne parlant plus que de on manque de place dans les recteurs «devant veiller au

L

bon déroulement des épreuves». Vendredi, le syndicat majoritaire des chefs d’établissements publics, le SNPDEN, a protesté contre l’atteinte à la laïcité, ainsi que plusieurs syndicats. VÉRONIQUE SOULÉ

Tarn-etGaronne

Corrèze Lozère

Tarn

Aude

Source : Pavillonbleu.org

HauteSavoie

Haute- Vienne

Crucifixdansleslycées, lacroixetlabannière

Nord

Pas-deSeine- Calais Maritime

Hautes-Alpes

Gard

AlpesMaritimes

Hérault

Bouches- Var du-Rhône Pyrénées-Orientales

PAVILLON BLEU 2010 : 124 COMMUNES LAURÉATES Le Pavillon bleu flotte cette année sur 124 communes, soit 341 plages, récompensées pour la qualité de leurs eaux de baignade et leur respect de l’environnement, avec des nouveaux venus comme Cannes ou Honfleur. En 2009, 106 communes –310 plages– avaient reçu ce label qui fête cette année ses vingt­cinq ans d’existence. Le Languedoc­Roussillon arrive en tête des régions (25 communes), devant Provence­Alpes­Côte­d’Azur (20) et Pays de la Loire (14). Pour la première fois, le label Pavillon bleu a également décidé de décerner un Prix spécial de la biodiversité. Il revient aux communes de Saint­Jouin­Bruneval en Seine­Maritime et La Croix­Val­ mer dans le Var. Le palmarès 2010, avec les noms de tou­ tes les communes labellisées, figure sur Pavillonbleu.org le site de l’organisation,

MASTER II PROFESSIONNEL JURISTES DE DROIT SOCIAL EN FORMATION CONTINUE Formation sanctionnée par l’obtention du grade de Master Objectifs Formation de juristes spécialisés dans les questions touchant au travail salarié, aux relations professionnelles et à la protection sociale. La fonction implique l’aptitude à suivre les évolutions particulièrement rapides du droit social sous ses différents aspects.

Contenu Contrat de travail, Méthodes et Sources Travail, Emploi, Rémunérations Entreprises, Institutions représentatives du personnel Conflits, Négociations Dimension internationale

Durée 428 heures sur 12 mois Début de la formation : novembre 2010

Rythme Temps partiel : 2 semaines complètes + 41 sessions d’une journée par semaine (les vendredis)

Conditions d’admissions les candidats doivent justifier d’une activité professionnelle de 3 années minimum dans le domaine depuis l’obtention de leur diplôme et posséder un diplôme de niveau Bac + 4 en sciences juridiques. Les candidats qui ne sont pas titulaires d’un tel diplôme, peuvent être admis au titre du décret de 1985, relatif à la Validation des Acquis de l’Expérience.

Sélection - Examen du dossier de candidature - Entretien avec les responsables pédagogiques

Informations 01 44 07 79 81 - virginie.daniel@univ-paris1.fr


ECONOMIE BigApplecartonneàWallStreet

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LIBÉRATION SAMEDI 29 ET DIMANCHE 30 MAI 2010

Profitant du succès planétaire de l’iPad, la capitalisation boursière de l’entreprise californienne a dépassé pour la première fois celle de Microsoft, se hissant à la troisième place mondiale. Par CHRISTOPHE ALIX

Windows reste à ce jour écrasante, à 94%. Tout cela ne change rien au fait que la dynamique est passée du côté d’Apple. Ignorant la crise, même au plus fort de la récession, la création de Steve Jobs fait deux fois plus de chiffre d’affaires avec ses produits ultramobiles, qu’avec ses ordinateurs. En 2009, la progression du marché des smartphones au niveau mondial - et en tout premier lieu de l’iPhone - aura été cinq fois plus rapide que celle des ordinateurs. Face à l’offensive d’Apple qui ne cesse de se diversifier en s’ouvrant de nouveaux marchés, la bonne santé de Microsoft dépend avant tout de sa capacité à maintenir un statu quo sur ses places fortes qui tôt ou tard finiront par décliner. «Apple est un pari sur la technologie, analyse Peter A.Thiel, un des fondateurs de l’outil de paiement en ligne Paypal, le fait qu’il dépasse désormais Microsoft a une signification extrêmement forte.»

E

n plein lancement mondial de l’iPad, la nouvelle a été ressentie comme l’avènement d’une nouvelle ère dans l’informatique. Pour la première fois cette semaine, la capitalisation boursière d’Apple a dépassé celle de Microsoft à Wall Street, se hissant à la troisième place mondiale derrière les pétroliers chinois Petrochina et américain ExxonMobil ! Valorisée 222 milliards de dollars (contre 15 il y a dix ans), soit 180,8 milliards d’euros, la «tech company» de ANALYSE Palo Alto, Californie, père de la trilogie mobile iPod- iPhone-iPad valait pour la première fois mercredi trois milliards de plus que son concurrent de Redmond, qui en valait 400 il y a dix ans. DYNAMIQUE. Vendredi, au lendemain d’une ruée attendue sur l’iPad vendu dans neuf nouveaux pays, dont la France, l’écart s’est accentué. La firme à la pomme vaut déjà 10 milliards de plus, tandis que l’action du numéro 1 mondial des logiciels décroche malgré des performances honnêtes. Comme l’a résumé un financier de Wall Street, «incarné hier par la toute-puissance du PC trônant sur le bureau du cadre, le cœur du marché high-tech s’est déplacé vers les produits de quelques centaines de grammes tenant dans une seule main». A ce jeu, l’ex-petit poucet innovant Apple a fini par l’emporter sur le géant Microsoft, en quasi-monopole mais incapable, malgré de nombreuses tentatives (le baladeur Zune, le système d’exploitation pour mobiles Windows Mobile), de se renouveler. Piqué au vif, le PDG de Microsoft, Steve Ballmer, a contesté ce passage de témoin. «Je ferai plus de bénéfices qu’Apple», a-t-il déclaré en ajoutant qu’il n’y avait «aucune entreprise du secteur technologique qui soit aussi rentable que nous sur la planète». Na ! Il a aussi rappelé que, malgré la forte progression de la pomme croquée sur le marché des portables, la part de marché des PC

REPÈRES

CASH­MACHINE. En réalité, la bagarre pour le contrôle du marché de l’informatique personnelle, l’un des plus lucratifs et porteur du XXIe siècle, n’oppose déjà plus Microsoft et Apple. Le fabricant de l’iPad doit désormais affronter la concurrence très frontale d’un Google (120 milliards de dollars de valeur boursière, moins de la moitié que celle d’Apple) qui, avec Android, s’attaque à la mirifique cashmachine qu’est l’iPhone. Si le nombre de téléphones en circulation équipés d’Android reste bien inférieur au parc d’iPhones (11,6 millions contre plus de 40), il semble que le logiciel de Google offert gratuitement aux fabricants de mobiles refasse une partie de son retard. Ultradominateur dans la pub en ligne, Google compte aussi mettre à profit son expérience pour s’imposer dans la réclame mobile. Apple, qui vient de créer sa propre régie iAd, a aussi d’énormes ambitions. Grâce à la géolocalisation, la pub sur iPhone, iPad et autres Android est considérée comme un marché très prometteur. D’ici 2014, la publicité mobile pourrait peser entre 30 et 90 milliards de dollars, soit 3 à 10% du marché mondial. •

Un des premiers acheteurs de l’iPad, le 3 avril, jour de la sortie aux Etats­Unis. PHOTO KRISTA KENNEL. SIPA

APPLE RATTRAPE MICROSOFT Capitalisations boursières en milliards de dollars

Microso

Apple

Microso

Apple

JANVIER

NOVEMBRE

MAI

Si Apple tire la plus grande part de ses revenus de l’activité de fabricant, il est devenu un puis­ sant distributeur de contenus. D’abord avec iTunes, puis avec les dizaines de milliers d’applica­ tions payantes de l’iPhone et (demain) de l’iPad sur lesquelles il prélève une dîme de 30%.


Eglise Cantalamessa, prédicateur du Vatican et apôtre d’une secte Page IV Récit Le gène du criminel: aux origines d’une science très XIXe Page X Portrait Gonjasufi, l’electromystique américain sort de son désert Page XIV

leMag SAMEDI 29 ET DIMANCHE 30 MAI 2010 www.liberation.fr

Dans les années 60, Maurice Renoma a habillé Dutronc, Dylan ou les Stones. Quarante ans après, son style «minet» revient.

JEAN­MARIE PÉRIER

Renoma, tailleur de rock


Next_MAI_GRATUIT_avantle_05062010:ap next fin septembre 28/05/10 13:42 Page1

SAMEDI 5 JUIN, AVEC LIBÉRATION

NUMÉRO ÉTÉ Art Marina Abramovi envoûte New York Mode Shanghai, capitale du futur Idées Zahia, ni victime ni coupable

+ Fashion victims

un récit d’Ann Scott

kate moss animale NO 27

ET PLUS DE MODE, DESIGN, CULTURE ET PEOPLE SUR http://next.liberation.fr


SOMMAIRE LE MAG • III

LIBÉRATION SAMEDI 29 ET DIMANCHE 30 MAI 2010

LE CASTING DU 29 MAI 2010 PAGE XIV

PAGE VIII

PAGE XVI

PAGE XVIII

PAGE X

PAGE IV

PORTRAIT

PORTRAIT

SORTIR

REGARDER

PORTRAIT

ENQUÊTE

Gonjasufi Mystique et déjanté

Maurice Renoma «La mode n’a pas voulu de moi»

J.­M. Coetzee Au Marathon des mots

Keiichi Tanaami Œuvre mutante et tourbillonnante

Cesare Lombroso Le catalogueur de criminels

Le père Raniero Cantalamessa Oraisons sectaires

Après des années difficiles, le compositeur américain a trouvé un point d’équilibre. Entre vie de famille, yoga et electro.

Il a créé un archétype, le minet, et signé son époque : les années 60. L’homme qui a taillé des costards à Mick Jagger, Giscard… se confie.

L’Afrique occupe l’affiche du festival toulousain, le Nobel de littérature 2003 y lira Nietverloren, un texte inédit.

Pins difformes, forêts d’yeux, oreilles vulves aguichantes… Les films du poète cinéaste sortent en livre DVD.

Au XIXe siècle naît l’idée que la dangerosité pourrait être innée. Un concept repris aujourd’hui par la loi sur la rétention de sécurité.

Le prédicateur du Vatican, révélé par sa comparaison entre scandales pédophiles et antisémitisme, soutenait une psychosecte religieuse.

TOMAS MUSCIONICO

DR

JERRY BAUEUR

DR

MARY EVANS. RUE DES ARCHIVES

ALESSANDRA TARANTINO. AP

L'ŒIL DE WILLEM

ÉDITO Par BÉATRICE VALLAEYS

Pas très catholique Y a-t-il quelque chose de pourri au royaume de saint Pierre ? Sans aucun doute, et ce n’est pas la première fois. Aujourd’hui, c’est une affaire de mœurs qui secoue le Vatican, accusé d’avoir fermé les yeux sur les agissements pédophiles de certains de ses pasteurs. Benoît XVI a bien fini par les admettre, et les condamner sur un ton jusque-là inédit chez un pape. Il reconnaît que le péché est dans l’Eglise, mais autour de lui, les habitudes restent ancrées. Et donnent lieu à des débordements fâcheux : comme ce prédicateur de la maison pontificale osant comparer la pseudocampagne contre l’Eglise sur ces questions sexuelles aux horreurs commises lors de la Shoah. Le père Cantalamessa (on ne peut rêver patronyme si adapté à la fonction) est ainsi :

radical. Pas seulement : on lui reproche un soutien inconditionnel à une secte dont l’écrivain Giovanni Maria Bellu livre ici toutes les dérives, atteintes aux mœurs, corruption et autres joyeusetés. Tant de publicité n’arrange pas la réputation du Vatican, virtuose dans l’art de cultiver la religion du secret. Avec son chapelet de scandales. Et si Jean Paul II a pu donner l’impression que l’Eglise était redevenue un protagoniste de l’histoire, le fossé est à nouveau immense entre l’Eglise et le monde. Un grenouillage pas très catholique règne toujours au Vatican. Lequel a beau avoir statut d’Etat, son chef – le pape – ne risque jamais la destitution. La démission seule est possible. Mais l’histoire du Saint Siège n’en a jamais connue. •


IV • LE MAG ENQUÊTE

LIBÉRATION SAMEDI 29 ET DIMANCHE 30 MAI 2010

Apostoliquement

incorrect

Le prédicateur du Vatican a comparé les dénonciations des pédophiles aux persécutions des juifs, provoquant un tollé. En 2004, le père Cantalamessa avait aussi donné sa bénédiction au Sentier sacré, une secte jugée en Italie. Enquête.

L

e père Raniero Cantalamessa (1) est devenu une célébrité mondiale : le 2 avril, en présence du pape, il a comparé «l’attaque concentrique et violente» infligée à l’Eglise, suite à l’affaire des prêtres pédophiles, aux «aspects les plus honteux de l’antisémitisme». Cette gaffe a suscité l’indignation du monde juif – «un rapprochement indigne», a protesté Marvin Hier, rabbin du Centre Wiesenthal– et le Vatican a immédiatement pris ses distances. Pour finir, le père Cantalamessa – moine depuis 1958 et qui aura 75 ans en juillet – a courbé la tête et s’est excusé auprès de tout le monde : auprès des victimes de la pédophilie, et auprès des juifs. En revanche, il ne s’est pas encore excusé auprès des victimes de la «méthode Arkeon», un ensemble de rituels sinistres pratiqués par «Sacred Path» (Sentier sacré), une «psychosecte» qui, depuis la mi-mars, est jugée pour une longue série de délits, allant de l’association de malfaiteurs aux mauvais traitements sur mineurs. Pendant des années, le père Cantalamessa en a été l’un des sponsors les plus autorisés.

Guide spirituel et star de la télé Cette affaire embarrasse beaucoup le Saint-Siège. En effet, le père Cantalamessa – épaisse barbe grise, sourire éclatant – est, en Italie, une star du petit écran : de 1997 à novembre 2009, il a animé, chaque samedi après-midi, une émission de vulgarisation des Evangiles sur la première chaîne de la télévision publique. Et surtout, il occupe depuis trente ans la charge prestigieuse de prédicateur de la Maison pontificale. Il possède également un site internet fastueux doté d’une riche galerie de photos dans laquelle on peut le voir en compagnie de papes, de cardinaux, de bienheureux et de saints. On peut donc comprendre que le Vatican soit gêné par son soutien à une organisation dont la base

psycho-religieuse s’appuie sur la «théorie du pédophile». Petite précision: le rôle de «prédicateur de la Maison pontificale», également appelé «prédicateur apostolique», institué au milieu du XVIe siècle par le pape Paul IV, est toujours confié à un moine : c’est justement cette condition, liée à la pauvreté, qui lui confère l’autorité nécessaire pour «parler» au pape et aux cardinaux. Pour être leur guide spirituel dans la méditation sur les Evangiles.

cienne discipline orientale visant à l’harmonie du corps et de l’esprit. Avec quelques variantes significatives par rapport à l’orthodoxie. Le code éthique du Centre international Reiki interdit toute relation de dépendance entre maîtres et disciples et impose le silence. Moccia, au contraire, parlait sans arrêt. La police a saisi des films sur les «séminaires intensifs» : on y voit les participants hurler comme des possédés et s’insulter copieusement. «Dans le jeu des chaises, des tambours faisaient un vacarme de tous les diables, et on brûlait d’étranges substances qui embru«J’ai été étiquetée comme “perverse” parce maient l’esprit, raconte une ancienne que je ne me souvenais pas avoir subi adepte. Nous devions imaginer que la des abus. A en croire le maître, je protégeais personne assise en face de nous était le pédophile de la famille.» notre père ou notre mère, et nous lui hurlions tout ce qui nous passait par la Emanuela Fontana ancienne disciple du Sentier sacré tête.» Cette incitation à la haine à l’égard La méthode Arkeon, il s’agit, selon Vito Moccia, des parents était une conséquence de la «théorie son inventeur actuellement jugé, d’un «parcours du pédophile». «Selon la pensée de Moccia, 96 % de connaissance». Pour les magistrats, c’est un des gens, dans leur enfance, ont été victimes d’abus moyen de soutirer un maximum d’argent à des su- sexuels de la part de membres de leur propre famille», jets psychologiquement fragiles, totalement sou- confie un ancien maître devenu son accusateur. mis à l’emprise du «maître». Ce qui est sûr, c’est Et donc, à la fin du séminaire, le disciple rentrait que chaque étape de ce «parcours de connaissance» à la maison et regardait avec des yeux neufs son –trois niveaux pour passer du statut de «disciple» père, sa mère, son grand-père et sa grand-mère. à celui de «maître», entrecoupé de séminaires et Il devait absolument se rappeler lequel des quatre de cours intensifs– avait un tarif. Les enquêteurs l’avait violé, enfant. «J’ai été étiquetée comme ont calculé que chaque adepte pouvait ainsi dé- “perverse” parce que je ne me souvenais pas avoir penser jusqu’à 20000 euros, au total. Les adeptes subi des abus, explique aussi l’ancienne disciple du Sentier sacré étaient presque 20 000 : ce qui Emanuela Fontana, A en croire Moccia, je protégeais donne une idée du business représenté. le pédophile de la famille.» L’association a vu le jour en 1999, un an avant l’inRapport mimé à la perfection vention de la méthode Arkeon. Mais Vito Carlo Moccia, qui est âgé de 57 ans et se targue d’un cer- Il y avait aussi la transgression créative. En cas de tain nombre de diplômes inconnus en Italie, avait crise entre des adeptes mariés ou fiancés, Vito commencé à frayer, sous d’autres labels, avec le Carlo Moccia «autorisait» l’un des deux, presque monde de la médecine naturelle et des thérapies toujours l’homme, à coucher avec une autre psychocorporelles. Sa première société s’appelait adepte, habituellement plus jeune et plus belle que Reiki Sir et affirmait s’inspirer du reiki, une an- sa femme. A ce qu’il paraît, devant la menace

GIOVANNI MARIA BELLU

DR

Par GIOVANNI MARIA BELLU

Giovanni Maria Bellu est né à Cagliari en 1957. Il vit à Rome. Journaliste, il a été grand reporter pour le quotidien la Repubblica et travaille actuellement à l’Unità. En 2004, il a publié une enquête remarquable, «I fantasmi du Portopalo» (prix Vittorini). Son roman, L’homme qui voulut être Perón, vient d’être traduit en français aux éditions Actes Sud.


LIBÉRATION SAMEDI 29 ET DIMANCHE 30 MAI 2010

ENQUÊTE LE MAG • V

d’une trahison publique, la femme insatisfaite surmontait en un clin d’œil ses doutes sur son compagnon, et l’aimait comme au premier jour. Les séances «no limits» constituaient un moment de délassement. Des personnes des deux sexes se déplaçaient à l’intérieur d’un cercle, les yeux bandés. On se touchait, y compris au-dessous de la ceinture, on s’embrassait, et parfois, on mimait à la perfection le rapport sexuel. Un degré tel de perfection que l’un des maîtres du Sentier sacré est actuellement jugé pour viol.

Séminaires de la mort Pour expier ses péchés, il y avait les séminaires de la mort. Les disciples devaient rédiger leur testament et chercher un coin du jardin ou du parc (les séminaires se déroulaient dans des gîtes ruraux) pour leur sépulture. Dans certains cas, l’inhumation était simulée : le disciple était recouvert de terre, non sans avoir reçu, au préalable, par un individu qui lui était présenté comme un «prêtre catholique», l’extrême-onction, selon le rite de la sainte église romaine. Durant les premières années de son existence, la méthode Arkeon se répand discrètement, grâce au bouche à oreille. Il faut attendre 2004 pour que la presse en parle, dans le numéro de mars-avril de Via, Verità e Vita, bimestriel des «Paoline riviste catechistiche». On peut y lire un article intitulé «Arkeon, un parcours de croissance au nom du Père». L’auteur est un prêtre et théologien, don Angelo de Simone ; il décrit Vito Carlo Moccia comme une espèce de saint moderne, qui aurait découvert «le chemin du retour au Père», et définit l’activité du Sentier sacré comme une «véritable action de pré-évangélisation». La bénédiction définitive arrive quelques mois plus tard, et c’est ici que le père Cantalamessa entre en scène, dans cette histoire. Le 11 septembre 2004, le prédicateur apostolique consacre son émission de télé à Vito Carlo Moccia: il pénètre, avec ses caméras, dans la maison du maître, l’interviewe aimablement en compagnie de femme et enfants. Il l’invite même à réaliser une émission sur le pape Jean-Paul II.

Contre­attaque juridique Le scandale éclate le 20 janvier 2006, quand l’un des plus célèbres animateurs de télévision italiens, Maurizio Costanzo, accueille dans son émission diffusée sur Canale 5, la chaîne privée la plus importante, la psychologue Lorita Tinelli, présidente du Centre d’études sur les abus psychologiques, et deux anciens disciples de Vito Carlo Moccia. La dénonciation de la méthode Arkeon est précise et circonstanciée: les accusations, sur lesquelles repose le procès en cours, sont rendues publiques pour la première fois. Mais le père Cantalamessa persiste et signe. Un mois après l’émission de Costanzo, il se rend à Milan et célèbre une messe à laquelle assistent Vito Carlo Moccia et des centaines de disciples. Ce qui n’est pas sans surprendre tous ceux qui nourrissent des doutes sur la vraie nature de la méthode Arkeon. La vérité stupéfiante sur la relation entre le prédicateur apostolique et l’association de Moccia a explosé il y a un peu plus d’un mois. Paradoxalement, à cause du Sentier sacré qui, après les premières dénonciations rendues publiques, avait lancé une contre-attaque juridique en grand style. En exigeant, du Centre d’études sur les abus psy-

Raniero Cantalamessa, lors de son prêche du 2 avril, à la basilique Saint­Pierre de Rome. .PHOTO ALESSANDRA TARANTINO. AP


VI • LE MAG ENQUÊTE

APOSTOLI­ QUEMENT INCORRECT

chologiques, le versement de dommages et intérêts faramineux (4 millions d’euros) pour atteinte à l’image. Afin de soutenir cette requête et démontrer aux juges la considération dont jouissait la secte dans des milieux irréprochables, les avocats de Moccia ont versé au dossier des lettres du père Cantalamessa. Il ne s’agissait plus de simples déclarations de courtoisie, mais de la correspondance entre le prédicateur et des citoyens qui, «pleins de confiance en lui», lui avaient confié les inquiétantes bizarreries de la méthode Arkeon.

Inquiétude et désespoir Après la gaffe sur l’antisémitisme et la pédophilie, cette correspondance a ressurgi des actes du procès. «Révérend père», disait la lettre écrite en mars 2006 par un musicien catholique (2). Elle signalait le cas d’une de ses connaissances, mère d’un jeune homme qui, «depuis quelque temps, fréquente le mouvement.» «Elle est inquiète», écrivait-il, parce que son fils «croit aveuglément aux pouvoirs de Moccia ; il est devenu agressif, il a abandonné sa foi et sa paroisse, conteste la divinité de Dieu

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et le compare à divers prophètes et gourous de l’histoire». Puis, l’auteur en venait au point le plus embarrassant: ce malheureux jeune homme fourvoyé «soutient que le mouvement et Moccia ont votre bénédiction, père Cantalamessa». La réponse arrive le 24 mars 2006 : une défense émue de Moccia et de ses méthodes. Mais le plus déconcertant, c’est le contenu des dernières lignes, écrites de la main du prédicateur. Elles révèlent que le père Cantalamessa ne s’est pas contenté de rassurer le «musicien catholique»: il s’est aussi hâté de prévenir l’initiateur de la méthode Arkeon: «Cher Vito, je t’envoie une lettre que j’ai reçue, ainsi que ma réponse, car je pense qu’il est bon que tu sois informé. Je t’embrasse et te bénis affectueusement. P. Raniero.» Dans les actes remis aux juges civils par les avocats du Sentier sacré, on a découvert une autre lettre de demande d’aide. Une habitante de Magenta, petite ville du nord de l’Italie, l’a envoyée, «désespérée» par le comportement des deux enfants d’une de ses meilleures amies: «Depuis longtemps, ils ont adhéré à une organisation qui a totalement

bouleversé, dans un sens négatif, leur esprit, leur comportement et leur façon de vivre. Ils disent qu’ils doivent obéir à un certain maître, fondateur et chef, ils refusent tout contact avec leur mère et empêchent celle-ci de voir ses petits-enfants. Ils suivent des rites étranges et dangereux. L’organisation s’appelle Arkeon.» Les lettres démontrent que, au printemps 2006, le père Cantalamessa disposait de nombreuses informations qui auraient dû l’inciter à se méfier du Sentier sacré.

Luca était gay, il est «guéri» Cela jette un nouvel éclairage sur un épisode survenu à la fin de cette même année: dans son émission hebdomadaire, le prédicateur a diffusé l’interview d’un certain Luca. Ce dernier, tenant dans ses bras son enfant de 3 ans, a raconté «avoir été homosexuel» et «être guéri» grâce à la méthode Arkeon. Dans une émission consacrée à la vulgarisation des Evangiles, cette séquence n’était pas passée inaperçue: l’exhibition de l’enfant de Luca avait entraîné un avertissement du garant de la vie privée. Trois ans plus tard, en 2009, on se souvien-


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De 1997 à fin 2009, chaque samedi après­ midi, le père Cantalamessa a aussi animé une émission de vulgarisation des Evangiles sur la première chaîne de la télévision publique. PHOTO MAX ROSSI. CPP. CIRIC

dra de cette interview quand, au festival de San Remo, l’auteur-compositeur-interprète Giuseppe Povia déchaîne la colère des défenseurs des droits des homosexuels en interprétant une chanson intitulée Luca era gay, l’histoire d’un homme «guéri» de son homosexualité. Les analogies entre le texte de la chanson et le récit du fameux Luca étaient frappantes. Après la publication de ses lettres dans le quotidien l’Unità, le prédicateur a envoyé un communiqué. Il confirme avoir connu Vito Carlo Moccia («il m’a toujours donné l’impression d’être quelqu’un d’honnête») et son organisation («j’ai eu l’impression qu’il accomplissait un très beau travail»). Il confirme aussi avoir lu les lettres dénonçant les méthodes du Sentier sacré («Mais j’ai aussi reçu de nombreuses déclarations de personnes qui disent avoir été sauvées grâce à elles»). Enfin, il ajoute qu’il ne s’est jamais intéressé «à ce qui se passait dans et autour de l’association». Mais un dernier rebondissement est intervenu. On a découvert que le prédicateur apostolique avait menti, en affirmant qu’il n’éprouvait aucun intérêt pour les affaires internes à la secte. Une lecture attentive des lettres a suffi. Voilà ce qu’il dit au «musicien catholique» pour le rassurer sur le compte des arkéoniens: «Un prêtre qui les suit depuis longtemps, don Angelo de Simone, que vous pouvez contacter si vous le souhaitez [suit le numéro de téléphone portable dudit prêtre, ndlr], peut témoigner de tous les baptêmes, premières communions et confessions qu’il a personnellement célébrés, dans le cadre des séminaires conduits par Vito.»

ENQUÊTE LE MAG • VII

Un autel dressé par le Sentier sacré pour le rituel de la méthode Arkéon. A droite, un portrait du fondateur de la secte, le maître Vito Carlo Moccia. PHOTO DR

«Hugh!» répond le maître Mais oui, don Angelo de Simone. Le théologien, l’auteur du premier article élogieux sur la méthode Arkeon. A la mi-avril, lui aussi est devenu une célébrité internationale. Les vidéos, tournées à usage interne par le Sentier sacré et saisies par les magistrats, ont atterri dans une émission de télévision, Chi l’ha visto? (3). On y voyait Angelo de Simone. Il ne portait pas la soutane, mais un tee-shirt à rayures et un short. Voilà qui était le prêtre mystérieux qui administrait l’extrême-onction pendant les séminaires de la mort. Vito Carlo Moccia est à ses côtés. Autour d’eux, une vingtaine d’adeptes sont assis en cercle. Don Angelo prend la parole: «J’ai eu aussi quelques expériences sexuelles avec des femmes, parce que j’ai essayé de résoudre mes problèmes par tous les moyens. Malgré toutes ces expériences sexuelles, ma vie a été un conflit permanent, un calvaire.» Moccia intervient. Il raconte comment lui et don Angelo se sont rencontrés: «J’ai dit, Seigneur, bordel, envoie-moi un prêtre qui soit un mec. Sauf qu’il était aussi un peu musulman [il rit]. Musulman dans le sens qu’il a été secouru par C. et par G. [il cite le nom de deux religieuses, elles aussi adeptes du Sentier sacré]. Mais son problème était si gros qu’il a fréquenté C. pendant trente ans et, en même temps, G., pendant vingt ans.» Oui, une sacrée histoire. Don Angelo Simone se lève de sa chaise, rejoint le centre du cercle et s’agenouille devant Moccia: «Vito, je vous remercie, toi et tous les hommes d’Arkeon qui sont comme ceux-là, ou qui ont pris ce chemin, en mon nom personnel et au nom de Dieu.» «Hugh», répond le maître, comme un chef indien. Suivent des images enregistrées par erreur, sans doute destinées à être effacées. La caméra est pointée vers le sol. On voit des pieds en mouvement. Et on entend la voix de Vito Carlo Moccia: «J’ai vraiment eu une idée de génie, dit-il, pour m’inventer un tel boulot !» • Traduit de l’italien par Marguerite Pozzoli

(1) Ce nom, ironie du sort, signifie Chantelamesse (Ndt). (2) Pour d’évidentes raisons de discrétion, nous ne citons pas les noms des auteurs des lettres citées. (3) Emission sur Rai Tre, semblable à «Perdu de vue».

A Milan, en février 2006, Vito Carlo Moccia étreint le père Cantalamessa, qui vient de célébrer une messe en présence de 400 adeptes du Sentier sacré. A leur côté, le théologien Angelo de Simone. PHOTO DR

Angelo de Simone, lors d’une messe du Sentier sacré. Il a écrit, en 2004, le premier article paru sur la secte dans la presse italienne: «Arkeon, un parcours de croissance au nom du Père». PHOTO DR


VIII • LE MAG SAGA

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Renoma

star du costard

Dans les années 60, il a transgressé le dress-code masculin, habillé les célébrités, des Stones à Giscard en passant par Dylan. Maurice Renoma taille une bavette dans son Café Gallery des Champs-Elysées. Souvenirs, souvenirs Par ÉRIC LORET Photo MAURICE RENOMA

C

oup de tonnerre au pays de la mode. Les têtes à claques cintrées avec leurs pantalons slims et leur mèche dans la gueule ne datent pas d’hier. Non. On a retrouvé l’australopithèque du fils de bourgeois rebelle. Les chercheurs l’appellent le «minet Renoma» et le font approximativement remonter à 1963. On le reconnaît à son costard en velours pastèque écrasée et ses pulls en shetland remontant sur l’ombilic.

Chiner la veste Cette découverte ravira sans doute ceux qui sont nés après 1970, car ils apprendront l’existence de Renoma et iront chiner la veste de leur

grand-père sur ebay, redevenue trop tendance. Les plus de 40 ans, eux, cacheront difficilement leur joie quand ils sauront que non seulement Renoma n’est pas mort, mais que c’est un monsieur, qu’il va bien et que sa mythique boutique est toujours au même endroit,

l’ombre de son propre monument. «C’est la mode qui n’a plus voulu de moi», rigole-t-il, installé dans un des canapés savamment défoncés du 32, avenue George-V, au Café Gallery Renoma, où il tient déjeuners d’affaires et de presse. La salade aux gros pois frais n’est pas mauvaise et l’on a A l’époque de «Hara Kiri», Maurice sorti la cuvée «réserve de Maurice et Michel, qui sont d’origine juive Renoma». polonaise, demandent une pub au Donc, béotiens que r vous êtes, vous ne P Choron. Il leur pond une blague savez rien de Renazie avec des photos de Hitler en noma. Il vous aurait Renoma. Trois mille anciens pourtant suffi de déportés débarquent à la boutique. tapoter dans votre Google books 129 bis, rue de la Pompe, dans le «costume Renoma» pour trouver XVIe arrondissement de Paris. Cette tout un tas de références belles éclipse momentanée de l’étoile Re- comme des photos sépia : «… noma doit sans doute un peu à 27 ans, cheveux longs, boots et cosMaurice Renoma lui-même (Cressy tume Renoma» (dans un numéro de de son vrai nom) qui, n’en ayant à l’Express de 1973), «Jean-Pierre peu près rien à fiche de son passé, Soisson, très à l’aise, malgré son node la mode, ni du rock, ne vit pas à table empâtement, dans ses costumes

Renoma» (Politique Hebdo, 1977) ou encore«Il avait les épaules carrées et la mèche noire et raide, et je reconnaissais sur lui les costumes Renoma alors incontournables, à ses pieds les mocassins Weston qui donnaient à son regard noir et cruel son intensité menaçante. Du moins, moi, j’avais le cinéma, Heidegger et les poèmes…» La suite de ce texte manque hélas, car Google books n’affiche que des extraits tronqués, et on ne sait pas de qui il est, sinon qu’il est paru en 2004 dans le collectif Des nouvelles du cinéma tome II, au Seuil. Cette rapide carotte archéologique nous enseigne qu’il y a toujours un «dernier costume Renoma» après le dernier, que Renoma et Heidegger sont incompatibles, que c’est mieux avec des boots et des cheveux longs, noirs et cruels. Et surtout qu’on le porte jeune en 1973 et notable en 1977, avant d’en perdre définitivement la trace. Aujourd’hui, de Renoma qui roule, il ne reste en mode que quelques sous-vêtements masculins, dont raffole l’Asie. Renoma a pourtant signé son époque. «Mais je suis loin d’avoir habillé tout le monde, comme on le croit. Dix mille personnes, peutêtre», rectifie Maurice Renoma. Il n’a vêtu que les gens qu’il fallait : les fils à papa du lycée Janson de Sailly (nid à fric et à chic en face duquel il a sciemment établi sa boutique) et, côté star, tout le gratin pop : Dutronc, les Beatles, les Stones, Dylan, Gainsbourg, Nino Ferrer… Dans les années 70, ce seront Giscard ou Mitterrand et Peyrefitte qui porteront le costume obligatoire.

Casser du vieux S’il n’a pas le goût de la chaîne – «j’ai ouvert soixante boutiques, je les ai toutes refermées trois ans plus tard»–, Renoma a un sens très particulier de la com. Très tôt, alors que la maison est encore celle de son père, tailleur traditionnel auprès de qui il travaille avec son frère Michel, à la périphérie du Sentier, le futur styliste passe ses nuits à écrire des lettres pour inviter journalistes et autres faiseurs d’opinion à venir se faire tailler un costume COSTARD. «Le jour où j’ai vu débarquer Léon Zitrone, je me suis

dit que le pourcentage de retour était faible, mais que ça valait le coup.» A cette époque, comme à toutes les autres, les jeunes ont envie de casser du vieux, de faire les dandys. Sauf que contrairement à d’autres époques, certains en ont les moyens, idéologiquement et économiquement. C’est la fureur de vivre, la musique électrique et un choix cornélien : les Kinks ou le yéyé.

«Petits minets au Drugstore» Si l’on en croit l’ouvrage savant de Farid Chenoune, Des modes et des hommes (Flammarion, 1993), le «minet» est un de ces «adolescents entichés de musiques et de vêtements anglais qui les distinguent des yéyés dont ils méprisent les idoles artificielles et les tubes fabriqués. Jeunes gens de bonnes familles parisiennes en costume de velours cintré de chez Renoma ou fils d’employés banlieusards en imperméable de college-boy anglais, les minets seront des mods […], made in France, amateurs, comme leurs modèles, de rythm’n’ blues et du new sound des Rolling Stones, des Kinks, des Animals ou des Who, découverts en Angleterre pendant leurs vacances scolaires de lycéens privilégiés.» Jacques Dutronc, patron-minet et égérie involontaire de Renoma, en chantait une définition plus sexuelle due à Jacques Lanzmann: «J’ai pas peur des petits minets/Qui mangent leur ronron au Drugstore/Ils travaillent tout comme les castors / Ni avec leurs mains, ni avec leurs pieds.» Patrick Modiano, Patrick Eudeline ou François Armanet, les ont romancés. Ce dernier les a filmés dans la Bande du drugstore. Si Renoma devient leur couturier, Maurice s’en vante à peine et se contente d’expliquer son succès par un coup de bol : avoir été là au bon moment et être dans l’esprit du temps. La mode pour hommes existait à peine en France, il fallait l’inventer et il avait, comme le reste de sa génération, envie de tout fiche par-dessus bord. Les uns et les autres se retrouvèrent dans l’envie d’expérimenter. «On m’a collé l’étiquette rock, mais je ne m’intéressais pas spécialement au rock», déclare


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Page de gauche: Mick Jagger, image non datée. Ci­contre: Maurice Renoma, autoportrait, 2001.

tirer des balles dans le pied. A l’époque de Hara-Kiri, Maurice et Michel, qui sont d’origine juive polonaise, demandent une pub à Choron, gratos ou presque, en échange de costumes. Il leur pond une blague nazie avec des photos de Hitler habillé en Renoma. La boutique venait d’ouvrir, et «trois mille» anciens déportés et membres de la Licra sont venus manifester rue de la Pompe. «Je suis sorti pour dire qu’on n’y était pour rien, ça n’a pas trop mal marché.» Pierre Aidenbaum (aujourd’hui maire du IIIe arrondissement), un ancien camarade de classe qui était à la Licra, prend alors sa défense. «N’empêche que ma boutique aux Galeries Lafayette a sauté et que je n’ai plus pu acheter de tissus rue des Francs-Bourgeois pendant dix ans.»

Le caleçon parfumé

l’homme qui expose actuellement un choix de portraits des Rolling Stones dans sa boutique historique (1). «En revanche, je me reconnais dans le discours rock peut-être. Tout ce qui est écrit sur les Stones colle parfaitement à Renoma.» De toute façon, lui, il préférait les Beatles. Il avait eu l’occasion d’entendre les Stones en concert privé dans l’appart d’un pote, pour un anniversaire sélect. Ça lui avait cassé les oreilles. Agé officiellement de 69 ans, le

créateur reste sympathiquement foutraque et revendique son amateurisme, ou le plaisir comme maître d’œuvre. «Quand on crée, on est habité, on ne sait pas ce qu’on fait.»

Dylan se recoiffe Il n’a donc rien à dire sur le symbole social qu’a pu être Renoma. Ce qui l’intéresse depuis les années 90, c’est la photographie et, à présent, le design. Au Café Gallery, on vend des chaises ornées d’images de sa série Mythologies, on voit ses cli-

chés de Shanghai, façon reportage, les unes prises en 1994 et les autres en 2010, documentant la croissance fulgurante de la ville. «Quand on a appelé l’expo “Chine”, personne ne venait, maintenant qu’on a mis “Shanghai”, ça marche. Ceci dit, c’est sur Shanghai, donc ça tombe bien.» Les tentatives d’extorsion d’anecdotes sont vouées à l’échec. Bob Dylan ? «Je savais que tous ces musiciens venaient, parce que les gens d’art s’habillaient chez nous, y compris Yves Saint Laurent, mais je

ne les voyais souvent jamais. Un jour, j’étais dans mon bureau qui avait une paroi sans tain me permettant de contrôler un peu la fauche –parce que ça faisait partie des sports obligatoires pour les minets – et tout d’un coup, je vois Bob Dylan en train de se recoiffer devant moi, derrière le mur. Mais je n’ai pas osé sortir le saluer.» Et sinon ? «Vince Taylor, je l’ai hébergé trois jours, parce qu’il avait cassé la gueule à sa femme.» Si Renoma est finalement assez rock, c’est dans sa propension à se

Dans un registre moins grave, Maurice est aussi l’auteur d’un concept de génie, moins connu que son blazer remanié : le caleçon parfumé. Quand au bout de six mois, les produits ultra-coûteux arrivent enfin, sous emballage individuel, le parfum a tourné, le sous-vêtement sent la chèvre. «On a été obligés de le prendre avec humour, on disait qu’on avait inventé le caleçon qui pue.» Mais au moins, Renoma n’a jamais rien fait dont il n’avait pas envie. Au Café Gallery, il fait remarquer qu’il y a deux entrées, de chaque côté du bâtiment. A la belle saison, passe un courant d’air: «Il y a toujours eu deux issues dans tous les endroits que j’ai créés.» Syndrome de fuite, tentation du voleur ou traumatisme de l’enfant juif, cette architecture trouée lui semble comme un bon tour joué au destin. Et ce qui l’occupe le plus désormais, dit-il, c’est de faire du vide pour mieux créer. Il cueille un aphorisme perso dans son bouquet de pensées et l’offre en exclu à Libé: «“La vie est une arme mortelle.” Enfin, je crois que la phrase est de moi. Je ne le jurerai pas, mais je crois bien.» • (1) «The Story of». 10 photographes racontent les Rolling Stones (1964­2006). 129 bis rue de la Pompe, jusqu’au 17 juillet. Entrée libre.


X • LE MAG RÉCIT

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A l’occasion de l’exposition «Crime et Châtiment», au musée d’Orsay, à Paris, l’historien Renzo Villa disseque les origines dix-neuvièmistes du concept de dangerosité innée. Et dresse un portrait de son géniteur: le scientifique italien Cesare Lombroso

A la source du Cesare Lombroso, à la fin du XIXe siècle. COSTA/LEEMAGE

«C

Par VINCENT NOCE

rime et châtiment», au musée d’Orsay (1), sans doute l’exposition la plus passionnante du printemps à Paris, n’est pas toujours bien comprise. «Elle n’est pas consacrée à l’abolition de la peine de mort» : son concepteur, Robert Badinter, est le premier à le dire. «Il est totalement inexact de la qualifier ainsi», enchérit-il, soulignant qu’elle couvre une période allant de 1789 à 1939, à un moment où le crime change de dimension, en devenant crime contre l’humanité. Donc, bien avant 1981, quand, alors ministre de la Justice, il mit la guillotine au rencart par un vote du Parlement. L’exposition est donc placée sous l’œil de Caïn, plus que sous le regard de François Mitterrand. Même si l’itinéraire s’ouvre par un couloir conduisant à un échafaud, placé dans la pénombre sous un Lucifer ricanant, juste après un saisissant Calvaire de Gay, l’idée, beaucoup plus large, est de «saisir le regard sur le crime et, bien entendu, le châtiment, explique l’ancien ministre. Dans la mesure où, pendant cette période, le système judiciaire reste très stable, cela permettait de se pencher sur le traitement des artistes, en essayant d’aborder leur diversité d’approche».

Castratrice suprême La rencontre avec Jean Clair, auteur d’expositions érudites comme «Mélancolie, génie et folie en Occident» (au Grand Palais en 2005-2006), a fait le reste, pour une démonstration pensée initialement pour le Louvre, finalement accueillie par Guy Cogeval à Orsay. Il est vrai que le XIXe siècle, période de

mal

référence du musée, marqua une véri- modernité, chargée d’impiété, le surtable obsession pour le crime (plus que réalisme, qui débita les corps, l’abstracpour le châtiment : beaucoup moins tion, qui finit par les effacer (2). Le parpalpitant, il faut bien l’avouer). Cet en- cours aboutit à la naissance de la gouement morbide prit une ampleur criminologie, illustrée par les premiers inédite avec le romantisme. Les têtes pas de la police scientifique d’Alphonse coupées parlaient aux vivants, quand Bertillon. Et par l’extraordinaire théorie elles n’embrassaient pas l’amant perdu, d’un savant italien du tournant du les cheveux des spectres s’accrochaient au En 1871, lors d’une autopsie sur le corps passant. Ces cauchemars prenaient racine d’un brigand, le savant italien dans la Révolution. En Cesare Lombroso croit découvrir une 1789, le bon docteur «fossette» semblable à celle des Guillotin avait proposé primates. Le criminel va alors incarner à l’Assemblée l’adoption de l’échafaud, une forme de régression vers l’animalité. pour mettre fin aux supplices dégradants de l’Ancien Ré- siècle, Cesare Lombroso. C’est la partie gime, y voyant un instrument d’égalité la plus actuelle. Car, si personne ne «par l’effet d’une simple mécanique». Vi- propose le rétablissement de la peine sion d’une grande lucidité. La Terreur capitale, le retour aux dispositifs scienfit tomber 20 000 têtes, aristocrates, tistes de l’époque apparaît «indéniable» modérés et, pour finir, radicaux se suc- à Robert Badinter. cédant sur les marches fatales, Guillotin Pour mieux comprendre cette histoire lui-même y échappant de peu. L’assas- et ses enjeux, nous sommes partis à la sinat de dirigeants révolutionnaires, rencontre d’un historien à Turin, la ville comme Le Peletier, et Marat fut une dans laquelle Lombroso délivrait ses source inépuisable d’inspiration pour enseignements, et dont la faculté de l’art. Sorcière ou héroïne, Charlotte médecine vient de remettre au jour ses Corday, provinciale exaltée qui poi- collections. Renzo Villa est un humagnarda Marat dans sa baignoire, fut en- niste tranquille, qui apprécie les décore reprise en castratrice suprême par tours. Dans un parc, face à l’université, Munch et Picasso. S’il est bien une han- il montre un bourg médiéval au bord tise qui s’empara du siècle, c’est ce mé- du Pô, conçu par un collège d’intelleclange de sexe et de mort, prenant corps tuels et d’artistes pour l’exposition unidans une figure monstrueuse de la verselle de 1884. Alors au faîte de sa femme, qui inspira jusqu’au symbo- gloire, «Lombroso le fit visiter par les lisme et au surréalisme. participants qu’il avait invités, en 1906, Dans cette exposition, on trouve le au congrès d’anthropologie criminelle». meilleur de Jean Clair, un propos tou- Renzo Villa voit un parallèle troublant jours débordant, des tableaux peu ou entre cette pseudo-ville et cette science pas connus, des artistes oubliés… Et ses qui a toute l’enveloppe d’une vraie, outrances, les batailles jamais inter- faussée dans son contenu, jusqu’à acrompues contre ses vieux démons : la coucher de formes monstrueuses.

Le séisme, qui allait fracturer la pensée occidentale, peut être daté du 24 novembre 1859, jour de la publication à Londres de l’Origine des espèces de Charles Darwin. En Italie, sa théorie de l’évolution fut introduite par une conférence donnée, le 11 janvier 1864 à Turin, par Filippo de Filippi, titulaire de la chaire de zoologie, proposant d’insérer à l’appui de sa démonstration, entre le «crâne de la race caucasienne et celui d’un chimpanzé», celui d’«un Noir d’Australie, ou encore mieux d’un homme de la race de l’âge de pierre».

Dracula et Frankenstein En postulant que l’homme descendait du singe, Darwin ouvrait à l’infini le champ des possibles pour le devenir humain: du surgissement d’un homme nouveau au retour au bestial. Poètes et artistes se sont engouffrés dans cet imaginaire, sur lequel s’appuie l’exposition d’Orsay, jusqu’aux formes noires dessinées par Odilon Redon. Le surnaturel envahit gazettes, livres et tableaux, une littérature frénétique donnant naissance à Dracula, dont l’auteur, Bram Stocker, était pétri de l’œuvre de Lombroso, Frankenstein et Docteur Jekyll, aux vampires et loups-garous qui ressortent aujourd’hui de leur tombeau. Et, dans cette peur panique, la science a commencé à dévisser. L’homme n’était pas seulement tombé définitivement du paradis, il se retrouvait dans une dangereuse proximité avec le fauve: «tout os, tout muscle, toute protubérance cérébrale trouvent leur parfait identique dans le règne animal», proclamait le professeur Filippi, disant alors combien seule une «différence de proportion, et combien légère, entre le cerveau humain et celui du singe» avait pu permettre le passage de l’instinct à la


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RÉCIT LE MAG • XI

raison. Turin devint «le grand centre de diffusion du darwinisme en Italie», note Giacomo Giacobini, dans son introduction au fac-similé de cette conférence (3). Elle était alors la capitale de la nouvelle Italie, dont les députés avaient proclamé, trois ans plus tôt, l’unification dans un palais baroque, mitoyen de l’Académie des sciences. L’élite du nouveau royaume était prise d’une interrogation lancinante: la raison éclairée du nord du pays pouvait-elle triompher de l’instinct sauvage du Sud ? Cesare Lombroso fut un combattant de cette cause, bien avant de s’installer, à 41 ans, à Turin, ayant obtenu, fin 1876, la chaire de médecine légale. Il s’était engagé dans la guerre d’indépendance contre les Autrichiens, avant de participer, comme médecin militaire, à l’expédition contre le brigandage en Calabre, en 1862. Mal à l’aise au milieu des éprouvettes dans les laboratoires, il se passionnait pour l’étude des comportements, qu’il développa quand il prit la direction de l’asile régional d’aliénés de Pesaro. Il consacra une infructueuse recherche à la pellagre, maladie affectant les classes les plus pauvres qu’il pensait due à une intoxication alimentaire (il s’agissait, en fait, d’une carence vitaminique, qui ne fut comprise qu’en 1915).

Idiots du village

Photographie signalétique d’une «incendiaire». Collection Cesare Lombroso. PHOTO MUSÉE LOMBROSO, TURIN

La révélation qui lui était venue en 1871, il la décrit lui-même comme aussi éclatante qu’un «lever de soleil». Lors d’une autopsie conduite sur le corps d’un fameux brigand calabrais, il crut découvrir une «fossette occipitale médiane» semblable à celle des primates. «Le criminel allait incarner une forme de régression vers l’animalité», résume Renzo Villa. Cinq ans plus tard, Lombroso publia l’Homme délinquant. Comme le rappelle Laura Bossi dans le catalogue d’Orsay, dès 1790, l’anatomiste Franz Joseph Gall, comprenant que le cerveau n’était pas une masse indistincte, avait fondé la phrénologie – cette étude de l’individu d’après les formes de son crâne – exerçant son influence sur Hugo, Stendhal, ou le sculpteur romantique David d’Angers. Lui cherchait «l’instinct carnassier» du côté des oreilles. En 1857, Bénédict-Augustin Morel avait proposé de remplacer les stigmates du démon par ceux de l’hérédité, dans son Traité des dégénérescences. Comme lui, Lombroso était un infatigable homme de terrain, parti dans une quête vertigineuse, chez les condamnés, les hystériques, les alcooliques, les idiots du village ou les épileptiques, des signes d’un mal qu’il avait déjà qualifié. Pris dans un véritable vertige de la liste, il forma une collection d’alignements maniaques. Ce n’est pas un hasard si elle côtoie, à la faculté, un musée de «pommologie» créé par un agronome à la même époque, qui aligne un bon millier de fruits parfaitement reproduits en résine, peints à la main, dans tous les états de mûrissement, en un catalogage d’une superbe inutilité. En appliquant à l’espèce humaine les classifications de la botanique, des générations de scientifiques crurent fonder un nouveau positivisme.


XII • LE MAG RÉCIT

À LA SOURCE DU MAL

«Le bon sens organisé comme une observation systématique de la réalité», résumait un émule de Lombroso. Il professore sillonnait les morgues, les dispensaires militaires, tribunaux, pénitenciers et hôpitaux psychiatriques, rédigeant «une immense archive du crime… une mine inépuisable de passions, mystères, histoires – plus explosives, tonitruantes, ridicules, glaçantes, sanguinaires les unes que les autres» (4). Sa collection a ainsi pour noyau une suite impressionnante de crânes, plus ou moins édentés, de masques mortuaires en cire et de moulages effrayants de têtes en plâtre. Chacun avec sa petite étiquette: «taille, poids, indice céphalique.»

Orbites saillantes Il se finit par son propre squelette : Lombroso avait demandé à son gendre d’autopsier son corps, de garder le cerveau et la peau du visage (trop impressionnant pour être exposé). Il s’ouvre par d’inlassables instruments de mesure dont le stéréographe créé à Paris par Broca, qui permettait de dessiner les crânes. Mâchoires proéminentes, pommettes ou orbites saillantes, sourcils épais, strabisme: autant de preuves visibles pour Lombroso d’une prédestination au crime. Le menton imberbe aussi (à une époque où tout bourgeois portait une barbe fournie). On y retrouve la banalité des stéréotypes (front ou menton fuyant), mais aussi, plus inattendus, la ligne continue de la paume ou l’oreille sans lobe. Et le poil noir, propre aux méridionaux. L’agressivité, le manque de sensibilité, une libido excessive, une incapacité au travail continu désignaient enfin le criminel atavique. Donc incurable.

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Très tôt, les recherches de Lombroso sur la criminalité s’imbriquaient avec les préjugés raciaux: «Le type d’un Mongol ou d’un Lapon reproduit exactement celui d’un criminel-né italien.» Se fondant sur ses trois mois passés en Calabre, il distinguait la «noblesse du type grécolatin» des mauvais penchants des méridionaux, allant jusqu’à parler de «races maudites» dans la Stampa. A ses yeux, l’humanité se séparait en deux : «l’homme blanc et celui de couleur.» Le premier, reconnaissable à «la parfaite symétrie du corps», fondateur de la civilisation de l’écrit, le second en un état intermédiaire avec la sauvagerie. Paul Broca, qui avait fondé, en 1858, la Société d’anthropologie française, ne disait pas autre chose. Les deux hommes avaient le même avis sur «l’infériorité physique et intellectuelle de la femme». En 1893, dans la Femme délinquante, la Prostituée et la Femme normale, le savant italien enracinait la prostitution dans la faiblesse mentale et morale des femmes. En revanche, appliquant une panoplie de quatre anomalies physiques au moins (taille basse, surcharge pondérale, cheveu gris ou sombre…), il assénait des statistiques, un peu changeantes avec le temps, pour démontrer que seulement 14% à 18% des délinquantes étaient des criminelles congénitales, contre 31% des hommes. «Le vaste ouvrage de Lombroso peut ainsi se lire comme un inépuisable inventaire» des stigmates de la différence, résume Michele Nani (6).

Logorrhée de citations

Lombroso ne s’arrêtait pas à l’enseignement. Appelé comme expert par l’accusation suite à la défenestration d’une femme, dont on ne savait s’il s’agissait d’un suicide ou Emile Zola s’inspira des écrits d’un meurtre, il pouvait de Lombroso, pour écrire la Bête dresser un portrait à charge humaine. Le nazisme reprit du suspect à partir de «son son concept d’«art front irrégulier, son nez midégénéré»pour écraser les artistes. nuscule, son cheveu noir sans lustre, sa bouche torve…». LeLa matière ne manquait pas. En 1880, quel fut condamné aux travaux forcés les prisons dans la péninsule comp- en dépit de ses protestations d’innotaient 131 000 détenus, dont moins de cence. L’élimination lui semblait la 2000 exerçaient une profession, recru- seule solution pour le criminel tant dans les milieux les plus déracinés congénital. Il s’opposait ainsi à l’aboliet misérables. Le professeur s’emparait tion de la peine capitale, dont la Tosdes photos d’identité, fichant tout dans cane grâce à Cesare Beccaria était le des albums interminables, posant des berceau. Cependant, ses interventions têtes de chapitre comme : «Siciliens, dans les procès étaient diversement aptype sanguinaire». «Pour former sa préciées, dans la mesure où il finit par collection hétéroclite, Lombroso a obtenu opérer une distinction entre criminels pendant vingt ans le droit de garder le nés et criminels d’occasion. Dans le corps des détenus, de conserver les in- dernier cas, il n’était guère favorable à dices, les effets des morgues, des prisons l’emprisonnement, ce qui ne faisait pas ou des hôpitaux psychiatriques», raconte l’affaire des magistrats. «A ses yeux, ces Renzo Villa: du poignard traditionnel de délinquants devaient plutôt être soignés, la camorra à un couteau caché dans un souligne Renzo Villa. Il s’évertuait ainsi crucifix, des poteries ou des cartes à tant bien que mal à insérer ses enseignejouer fabriquées par les prisonniers, des ments dans un propos humaniste.» Car, photos de prostituées en Chine et de c’est, aujourd’hui, l’un des paradoxes bagnards en Australie, des meubles de les plus troublants de cette falsification schizophrène… Il développa une fixa- que d’avoir été élaborée par un intellection sur le langage criminel, recensant tuel juif, élu socialiste, et libre penseur. sans fin tatouages et graffitis. Tout ce Truffant sa logorrhée de citations laqui a trait à l’enfermement trouve ici tines, de phrases en français, allemand, une place, y compris un plan en relief vénitien ou piémontais, il n’était pas en du nouveau pénitencier de Philadel- mal de contradictions. Il n’adhérait pas phie, splendide exemple de panop- au racisme fanatique d’un Gobineau. Il tique (5) qui eut plu à Michel Foucault. fut l’un des premiers à délivrer une

charge contre l’antisémitisme (il est vrai que, pour lui, le peuple hébreu formait une des races supérieures). Il s’opposait à «l’avidité des conquêtes coloniales». A ses yeux, les fous tout comme les génies (auxquels il voyait des similitudes) étaient des facteurs de progrès, par les effets de rupture qu’ils pouvaient introduire. Médecin et psychiatre, il s’intéressait au sort des plus pauvres. L’échec de sa recherche sur la pellagre peut ainsi être vu comme une métaphore, celle d’une science à visée philanthropique, devenue folle d’impuissance devant la progression effroyable de la misère dans les centres urbains. En dépit de ses textes misogynes, Lombroso avait une fille qui conduisait de brillantes études. Marié à la synagogue, il vivait à l’écart d’une communauté pratiquante dont il voyait les coutumes comme une manifestation régressive. Son dernier texte, en 1909, entendait offrir une légitimation scientifique au spiritisme, autre grande invention de

l’époque, qui eut pour émules Victor Hugo, Arthur Conan Doyle, Henry James, T.S. Eliot, et, plus tard, André Breton. Lombroso se fit le promoteur de la «princesse de l’ombre», la «diva des savants», Eusapia Palladino, admirée par Flammarion et Bergson, dont «l’énergie rayonnante», et mélomane, réussit devant ses yeux incrédules à mouvoir une table à 1,50 mètre de hauteur, avant de faire retentir les notes du Don Juan de Mozart. Il enrichit sa collection de clichés prouvant l’apparition dans ces séances de visages ectoplasmiques, ou de mains de disparus, dont il laissa des moulages en plâtre… Pour Renzo Villa, «sa démarche, essentiellement cognitive, formait un réceptacle des idées du XIXe siècle, qu’il cherchait à intégrer dans un discours anthropologique». Son succès fut immense. Graphomane, il publia une cinquantaine de livres. Outre sa propre revue, Renzo Villa a dénombré plus de 1 600 articles en Europe ou aux Amériques. «En


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Portraits de criminels allemands et italiens regroupés par Lombroso. PHOTOS COSTA/LEEMAGE

Un ouvrage collectif, à l’occasion du centenaire de sa mort, souligne le dangereux retour de cette notion (6). Dans sa dernière allocution à l’Unesco, Claude Lévi-Strauss mettait ainsi en garde contre l’utilisation de la génétique en anthropologie pour réhabiliter la notion de «races», au lieu d’une appartenance commune à l’espèce humaine. Les scientifiques du XIXe siècle cherchaient la bosse du crime. Dans les années 60, ce fut le chromosome du mal. Aujourd’hui, l’imagerie cérébrale est mise à contribution. La pharmacologie a pris la place de la lobotomie. «Lombroso se trouve à l’origine d’une des récentes théories les plus controversées, la criminologie évolutive», qui fait du crime «une addiction maladive», entraînant automatiquement une récidive (6). Ces pseudosciences trouvent des disciples en France, comme le prouve l’étude de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale de 2005, associant une douzaine de pédopsychiatres, épidémiologistes, cognitivistes et neurobiologistes, qui recommandait de repérer «dès la crèche» les «troubles du comportement» de certains enfants, étant donné la «forte probabilité» qu’ils deviennent violents à l’âge adulte. Des troubles comme «l’impulsivité», «l’indocilité» ou un «bas indice de moralité»…

Rétention de sûreté

trente ans, il s’établit une envergure internationale, fondant une école qui lui resta fidèle», célébrait, en 1921, son héritier Enrico Ferri, le comparant à Lucrèce, Virgile, Dante ou Galilée comme héros «de la beauté de la pensée italienne». Il doit en effet y avoir quelque chose de spécial à la pensée italienne pour avoir donné au monde des systèmes comme le lombrosisme et le fascisme, semble penser Renzo Villa. Son école devint de plus en plus autoritaire. Ferri proposa un nouveau code pénal à Mussolini, mais une discipline fondée par un juif franc-maçon n’était pas du goût du nouveau régime.

Caractère complexe A l’étranger, ses thèses rencontraient un grand écho. Emile Zola, qui se vantait d’avoir lu tous ses ouvrages, s’en inspira pour écrire la Bête humaine, titre chargé de sens, et l’ensemble de la saga des Rougon-Macquart. Freud n’était pas insensible à la prédestination de l’inné.

Un autre médecin, Max Nordau, appliqua sa méthode à l’art, pour dénoncer la création fin de siècle. Dans son ouvrage publié en 1892, il donna naissance au concept d’«art dégénéré». Repris quarante ans plus tard par le nazisme pour écraser les artistes. Une des suites logiques de l’angoisse de la dégénérescence fut l’eugénisme. Prônant la sélection de l’espèce humaine, des congrès eugénistes dans les années 1910 et 1920 à Londres et New York trouvaient des partisans comme les écrivains H.G. Wells et George Bernard Shaw, l’économiste Keynes, les présidents américains Wilson et Roosevelt, le futur Premier ministre britannique Churchill. Elève de Lombroso, Giuseppe Sergi en dirigeait le comité italien. Depuis une vingtaine d’années, il réclamait de rompre avec un «altruisme sentimental», prônant «l’élimination rapide des tuberculeux, rachitiques, scrofuleux aux stades les plus avancés» et la fermeture des asiles de nuit et des maternités

afin d’organiser «l’isolement des dégénérés», délinquants et vagabonds dans une île déserte, l’interdiction de se marier et de procréer. Après les Etats-Unis, la stérilisation des malades mentaux fut introduite dans les années 30 au Canada, au Brésil, en Belgique, en Suisse. La lobotomie fut adoptée dans les hôpitaux psychiatriques. Dans les années 40 à Londres, le biologiste Julian Huxley vantait «le perfectionnement par la sélection» promis par «la science de l’eugénisme». Après la guerre, devenu le premier directeur général de l’Unesco, il pouvait encore publier à Paris un texte évoquant l’infériorité intellectuelle des Noirs. Caractère complexe, Lombroso ne fut pas directement coupable de toutes ces dérives, et des horreurs du nazisme qui euthanasièrent les malades mentaux. Mais il avait posé la base conceptuelle, un renversement radical dans la pensée et le droit: pour la première fois, il pouvait y avoir un criminel sans crime.

Cette confusion est entretenue, soulignent les auteurs de cet ouvrage, par la soif de «justice expéditive», qui a envahi le discours populiste. «La résurgence du concept de l’homme dangereux, qu’il faut dénoncer avec force, n’est pas discutable, appuie Robert Badinter, elle se retrouve dans la rétention de sûreté, dont Nicolas Sarkozy tire une grande fierté. Cette loi représente une révolution dans l’histoire de notre justice.» En effet, le concept lombrosien de «dangerosité» figure en toutes lettres au cœur du texte de Rachida Dati pour justifier sa loi sur la rétention de sûreté. Robert Badinter s’est retrouvé bien seul au sénat pour contester cette brèche dans la justice «qui ne peut que s’élargir sous la folie des émotions suscitées par les crimes les plus graves dans l’opinion publique». Significativement, alors qu’il avait été présenté comme limité aux criminels sexuels, le texte a été élargi à tous les auteurs de crime. En crise d’identité, l’Etat prétend offrir aux citoyens une protection absolue. Contre qui, sinon l’autre ? Et derrière l’autre, il y a toujours un autre. • (1) Musée d’Orsay. Jusqu’au 27 juin. Catalogue Gallimard, 49 euros. (2) Dont une attaque violente contre Georges Bataille. Pour une lecture plus subtile, du procès que l’écrivain voulait intenter non à l’homme mais à la raison, on renverra au manifeste paru dans sa revue «Acéphale» et à la lecture de Michel Surya. (3) «L’Uomo e le Scieme­Lezione di F. de Filippi» (Università di Torino, 2009). (4) Luigi Guamieri: «L’Atlante Criminale Vita Scriteriata di C. Lombroso» (Mondadori 2000). (5) Type d’architecture carcérale autour d’une centrale de surveillance, développé par le philosophe Jeremy Bentham au XVIIIe siècle, et qui servit aussi de modèle à la prison de la Roquette à Paris. (6) «Cesare Lombroso, Cento Anni Dopo», collectif (UTET, 2009).


XIV • LE MAG PROFIL

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Dans le désert de Las Vegas, en avril. Sumach Valentine, alias Gonjasufi a trouvé un équilibre entre yoga, vie de famille et musique.

De retour avec l’album electro A Sufi and a Killer, le compositeur mystique américain raconte ses années noires et sa résurrection. Par SOPHIAN FANEN E nvoyé spécial au Nevada (Etats­Unis) Photos TOMAS MUSCIONICO

L

e désert à droite, la même chose à gauche. Gonjasufi, assis dans la voiture qui file vers la Vallée de feu, un parc naturel à deux heures de route de Las Vegas, semble découvrir ce paysage qu’il habite pourtant depuis quatre ans. «J’aime cette nature, mais il ne faut pas oublier ceux qui sont morts ici pendant la conquête de l’Ouest. Comment pourrais-je composer de la musique sur ces terres sans rendre hommage à nos ancêtres?» Voilà une première piste pour décrypter A Sufi and a Killer, cinquième album de Sumach Valentine dans la sphère hip-hop et électronique, mais premier sous le pseudonyme Gonjasufi. Un disque hors piste, surgi d’une faille temporelle où discuteraient d’égal à égal la fierté triste de Billie Holiday, le free jazz de Pharoah Sanders, le blues revisité de Captain Beefheart et le rap subtil de J Dilla. Depuis quelques mois, cet album si particulier, disparate mais envoûtant, est devenu une obsession qui refusait de livrer ses secrets. D’autant que Gonjasufi s’est révélé un garçon très discret, présenté comme un mystique vivant dans une caravane dans le désert du Nevada. Pour en savoir un peu plus, il fallait faire le déplacement.

Drôle d’endroit pour une rencontre : le parking d’un centre commercial de Summerlin, une banlieue de Las Vegas construite sur des terres laissées par le magnat et aviateur contrarié Howard Hugues. Gonjasufi surgit ; la dégaine négligée, costaud, souriant, le visage envahi par une épaisse barbe noire. Pourquoi nous avoir donné rendezvous au milieu de l’Amérique des supermarchés ouverts vingt heures par jour? «C’est ici que j’habite, mec, à Summerlin.» Et la caravane? «C’est une vieille histoire.»

«Coran, Bible et Livre des morts» Nous laissons Las Vegas et prenons le temps de discuter. «Il y a quatre ans, j’ai dû quitter San Diego. Il fallait faire ce sacrifice. De 1998 à 2002, j’ai effectivement vécu dans une caravane. J’étais dans une situation assez désespérée. On dormait sur de vieux canapés, je donnais mon sang pour avoir de quoi m’acheter de la drogue. Un jour, sur la plage, j’ai

croisé une fille en train de photographier des pigeons. Je lui ai dit: prends-moi en photo plutôt, ça sera plus intéressant. On est sorti ensemble, puis elle est tombée enceinte. Et me voilà en 2010 dans un pavillon de Las Vegas, avec trois enfants et le meilleur album que j’aie jamais fait. Tout ça, c’est grâce à elle.» En observant notre homme,voûté par un passé trop pesant et un présent encore difficile à assumer, on découvre un regard étonnamment préoccupé. Le père de Sumach Valentine fut longtemps chauffeur de bus à San Diego avant d’être élu juge à la cour supérieure du comté. Un modèle de réussite à l’américaine pour ce fils d’immigrés éthiopiens.«Il écoutait beaucoup de jazz, continue le chanteur. Il m’a emmené voir Miles Davis en 1986. Ma mère est d’origine mexicaine, elle était plus dans la soul, genre Roberta Flack, Marvin Gaye.» Le cursus scolaire rectiligne du chanteur bascule à l’université: «J’ai commencé à fumer beaucoup, à ne plus trop aller en cours. C’est à ce moment-là que je me suis intéressé au soufisme. Je traînais avec les frères musulmans, mais je n’ai jamais vraiment adhéré à une religion. Ils m’appelaient le garçon sauvage parce que je lisais en même temps le Coran, la Bible et le Livre des morts tibétain.» Ce mysticisme agnostique traverse le disque, capable de mêler une cérémonie indo-américaine à une transe hindouiste

Gonjasufi,


PROFIL LE MAG • XV

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entre deux rythmiques electro. C’est le DJ Gaslamp Killer qui a produit la majorité des pistes musicales maltraitées par la suite. «Ce qui est important je crois, c’est que, pour Sumach, il n’y a pas de futur sans passé. Ça s’entend dans ce disque : je trouve qu’il y a beaucoup de blues dans sa façon de chanter.» «Il semble appartenir à une époque où les choses prenaient plus de temps», complète Flying Lotus, l’autre coproducteur du disque, récemment auteur d’un disque foisonnant qui s’emboîte à merveille avec l’univers de Gonjasufi.

Sheep. «C’est l’histoire d’un ego. Les lions se battent pour le meilleur siège, mais si tu prends le plus pourri tu es sûr de t’asseoir plus longtemps. Je veux en finir avec cet ego, être un mouton… Même si, au final, je reste un lion, parce que la société m’a fait comme ça.» Le soleil qui descend vite colore le paysage lunaire d’un rouge éblouissant. Sumach Valentine marche paisiblement dans ce décor de nombreux westerns et parle de sa vie dont il a repris le contrôle in extremis. Son job, dit-il, c’est avant tout de s’occuper de ses trois jeunes enfants. Il enseigne aussi le yoga de temps en temps. Il compose et enregistre Paysage lunaire et fleurs violettes le reste du temps, à domicile, dans l’une des villes La Vallée de feu apparaît tout d’un coup, pointant qui grossissent le plus rapidement aux Etats-Unis. ses roches roses vers le ciel. L’ombre et les pluies «Je ne vais jamais en ville du côté des casinos, dit-il. récentes y laissent poindre une végétation timide; Ce n’est pas pour moi. Quand je rentre dans un mades milliers de fleurs violettes tapies au ras du sol gasin, on me regarde comme un voleur de sac à main, nous ouvrent une route où les voitures sont rares. alors que je suis celui qui pourchasserait le voleur. Je «Les touristes qui viennent pour les casinos ne vien- suis fatigué d’être traité comme un ennemi par des nent pas ici», explique Gonjasufi. Pourquoi Las Ve- gens qui ne me connaissent pas.» gas d’ailleurs ? On imagine mal un type comme Sur la route du retour, cette colère rentrée prend une forme imprévue : celle d’une peur ancestrale, inattendue chez cet homme «Sumach semble appartenir à une époque capable de ne rien dire pendant de lonoù les choses prenaient plus de temps.» gues minutes pour réfléchir au sens Flying Lotus coproducteur du disque d’une réponse. «J’ai peur pour ma famille, affirme-t-il. Le monde nous Sumach Valentine choisir de s’installer dans ce pa- échappe en ce moment. Il y a eu ces séismes, puis cet radis de la superficialité. «J’adore Vegas, mec. Y astéroïde qui a frôlé la Terre… Je ne prends pas ça à suivre ma femme, c’est la décision la plus intelligente la légère, mec. J’ai des enfants et je ne veux pas qu’ils que j’aie prise dans ma vie. On dit que c’est la capi- aient à survivre sans moi.» Le chanteur mystique tale du péché, mais beaucoup de gens viennent aussi qu’on était venu chercher dans le désert du Nevada y chercher l’espoir. C’est une ville qui permet à tout passe ainsi une partie de ses soirées à écouter Coast le monde de disparaître et de se reconstruire. C’est to Coast, une émission de radio très influente larmon cas.» Les années qui se sont écoulées entre gement ouverte aux thèses alarmistes et conspirala fac, qu’il a abandonnée, et son arrivée dans le tionnistes qui ont connu un regain d’intérêt après Nevada restent floues. Il y a eu la drogue, «des cho- les attentats du 11 Septembre 2001. La personnalité ses graves» faites à des proches, «les amis de la de Sumach Valentine semble aussi riche en revirescène rap de la côte Ouest», et de bons albums faits ments que sa musique. maison. «C’est ma femme et le yoga qui m’ont sauvé. A l’heure de se quitter, il se montre avant tout Je suis venu au yoga asana vers 2005, ça a été le bout conquérant, «prêt aujourd’hui à défendre [sa] musidu chemin commencé dans la rue. Il m’a permis de que» atypique. A Sufi and a Killer est son disque comprendre qu’il ne faut pas permettre aux erreurs purgatoire, chargé de «faire sortir [ses] douleurs passées de contrôler le présent.» passées». «Las Vegas et cet album, c’est la même C’est le cœur de A Sufi and a Killer et l’explication chose, conclut-il. C’est le début d’une époque : j’ai de son titre : un combat entre la paix de l’âme et beaucoup changé, maintenant je veux profiter.» • la violence du quotidien, illustré par la chanson (1) «A Sufi and a Killer» (Warp / Discograph).

IDAHO

NEVADA

Carson City San Francisco

UTAH

sur sa route

OREG

Vallée de feu Océan Pacifique

200 km

CALIFORNIE Los Angeles Las Vegas


XVI • LE MAG SORTIR, ÉCOUTER, VOIR

le Guide

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Place du Capitole à Toulouse, lors du Marathon des mots 2009. PHOTO GILLES VIDAL

L’AFRIQUE COURT LE MARATHON DES MOTS Toulouse inscrit deux guest-stars à l’affiche de son festival littéraire : André Brink et le Nobel J.-M. Coetzee. Afrique occupe l’affiche de la sixième édition du festival littéraire du Marathon des mots qui investit Toulouse pendant quatre jours. Les bonnes raisons ne manquent pas : le vingtième anniversaire de la libération de Nelson Mandela en Afrique du Sud, le cinquantième anniversaire de certaines indépendances africaines, les trente ans des éditions Présence afri-

caine et les dix ans de la collection «Continents noirs» de Gallimard… Pour l’occasion, le plateau d’écrivains sera à dominante africaine (le Djiboutien Abdourahman Waberi, le Congolais Alain Mabanckou, la Camerounaise Leonora Miano, le Marocain Abdellah Taïa, l’Egyptien Gamal Ghitany…) et sud-africaine (Antjie Krog, Mandla Langa, Deon Meyer, Achmat

L’

DR

FESTIVAL LE NUMÉRIQUE S’AFFICHE À CHAUMONT

Dangor). Deux guest-stars sont annoncées avec la présence du prix Nobel de littérature J.-M. Coetzee –qui lira avec Muriel Mayette un texte inédit, Nietverloren (La Ferme) – et de l’auteur originaire d’une famille d’Afrikaners André Brink, dont les mémoires intitulées Mes Bifurcations (2009) seront lues par Jacques Martial. Lancé pour mettre en avant la lecture

«Ceux qui aiment l’affiche prendront le train.» C’est ainsi que, dès la gare de l’Est, le public est exhorté à se rendre à Chaumont (Haute-Marne) pour l’inauguration, ce week-end, du 21e festival de l’affiche et du graphisme. En conducteur de locomotive, Luc Chatel, le maire (et ministre) de la petite ville et, en chef de train, Etienne Hervy, nouveau

à voix haute qui ne cesse de conquérir un public de plus en plus large, le festival permettra d’écouter aussi des auteurs de Gallimard sur leurs derniers titres parus (Camille Laurens avec Romance nerveuse, Pierre Guyotat avec Arrière-Fond, Philippe Djian avec Incidences) ; l’éditeur Antoine Gallimard étant l’invité d’honneur de cette édition. Pour la première fois, le festival inaugure un marathon philo, qui se propose d’explorer le thème de la beauté avec, entre autres, la lecture des Cinq Sens de Michel Serres par Daniel Mesguich, un hommage à Yves Saint Laurent à la chapelle des Carmélites et un banquet philo rabelaisien concocté par la compagnie Ex-Abrupto au théâtre Sorano. F.Rl

LE MARATHON DES MOTS Du 2 au 6 juin, à Toulouse www.lemarathondesmots.com

délégué général du festival. Cet ancien rédacteur en chef de la revue Etapes s’appuie sur la valeur sûre de ce rendez-vous, soit une collection de 30 000 affiches. Aux Silos, on verra donc les affichistes constructivistes russes de 1920 à 1940; aux Subsistances, le Pop’lab Brésil de Toffe, et à la chapelle des Jésuites, Logorama de H5, film d’ani-

mation oscarisé. Car Hervy entend ouvrir ce festival, au-delà des affiches, à la création numérique notamment, en posant la question: «Qu’est-ce que le graphisme?» Ce qui devrait créer un vif débat. ANNE-MARIE FEVRE

Festival de l’affiche et du graphisme de Chaumont (52). Jusqu’au 20 juin. www.chaumont­graphisme.com


SORTIR, ÉCOUTER, VOIR LE MAG • XVII

LIBÉRATION SAMEDI 29 ET DIMANCHE 30 MAI 2010

PEINTURE LES FLOUS FURTIFS DE LI YONGBIN Troublant. C’est le terme, dans tous ses sens, qui convient le mieux pour définir les «Faces» de Li Yongbin. Car ses visages, toujours des autoportraits, sont vraiment troubles, comme si quelqu’un tournait la tête à toute vitesse devant nous. C’est ce mouvement et cet instant furtifs que l’artiste essaye de fixer, en jouant sur le principe de la persistance rétinienne. On pense d’autant plus à ce phénomène optique que, de la même manière que lorsqu’on a les paupières closes, les têtes de Li Yongbin sont floues et émergent de l’obscurité. Ses superbes toiles récentes –ici les cinq dernières peintes depuis un an– sont plus noires que les précédentes, pour donner plus de présence et d’aura à ses figures. Cette impression est d’ailleurs renforcée dans une vidéo où l’on voit des volutes de fumée qui, lorsqu’elles attrapent la lumière, font apparaître un visage au second plan. Contemplation et esprit es-tu là garantis. HENRI-FRANÇOIS DEBAILLEUX

FACES de LI YONGBIN JGM galerie, 79 rue du Temple, 75003. Jusqu’au 5 juin. Rens.:0143261205.

PARIS UN DESTIN

POST REPORT Par TRISTAN RANX

Globule, Biafine et dandy terroriste

«Le Fabuleux Destin du Nord­Est parisien». DR «Le Fabuleux Destin du Nord-Est parisien», c’est d’abord une expo au pavillon de l’Arsenal, à Paris, qui explore le passé et le futur de la plaine située entre Paris, Aubervilliers et Saint-Denis. Pas moins de 100 projets architecturaux y sont en cours. Mais cette présentation se délocalise in situ ce week-end, avec un «Rendez-vous avec la ville» de trois jours, dans un lieu phare de ce territoire: les entrepôts MacDonald, en reconversion, qui attendent 1000 logements sur leur toit. Conférences d’architectes, histoire gauloise, paroles d’habitants, interventions d’associations, débats avec les acteurs locaux, visites guidées… cette riche kermesse, gratuite, organisée par le pavillon de l’Arsenal veut prouver que «la métropole parisienne se dessine chaque jour, que la ville se fait sur la ville». En espérant qu’en dépit du titre «cliché», la manifestation ne sera pas trop «Amélie poulainisée». A.-M.F.

RENDEZ­VOUS AVEC LA VILLE

«Faces». PHOTO COURTESY. JGM GALERIE

EXPO PANACHÉ DU ROI HENRI À CHANTILLY Henri IV est tombé sous le couteau de François Ravaillac voilà quatre cents ans (et quelque : c’était un 14 mai), et figurez-vous qu’on a décidé de «célébrer» l’événement. Peu de chose sur Ravaillac, mais beaucoup sur l’assassiné, son panache blanc, sa poule au pot et ses fredaines. Le château de Chantilly, dont le bon roi fut un familier, ne pouvait se soustraire à cette commémoration, d’autant que son musée Condé regorge de dessins, gravures, miniatures, peintures, manuscrits sur le propriétaire du cheval blanc d’Henri IV et sa famille. Résultat: une centaine d’œuvres exposées, avec, en particulier, trois bustes en cire polychrome du roi, pour la première fois réunis. L’un appartient au musée Condé, les autres viennent de Carnavalet à Paris, et du musée Granet à Aix-en-Provence. Ainsi pourra-t-on, à Chantilly, s’incliner trois fois devant Henri IV en lui disant: «Très honoré, cire.» ÉDOUARD LAUNET

HENRI IV, PORTRAITS D’UN RÈGNE musée Condé, Château de Chantilly (Oise). Jusqu’au 16 août. Rens.: www.domainedechantilly.fr

Henry IV, entre 1600 et 1610. RMN. RENÉ GABRIEL

Les 28, 29 et 30 mai, de 10 à 19 heures. 155, bd MacDonald, 75019. M° Porte de la Villette. Entrée libre inscription en ligne pour les visites. Exposition au Pavillon de l’Arsenal, jusqu’au 29 août. www.pavillon­arsenal.com

Mathieu Diebler. PHOTO VINCENT GIGOT

A

vec une bouteille de rosé en terrasse, en face de la Bretagne, enfin, disons «la rue de Bretagne». Je repense à ce que me disait un spécialiste des pèlerinages à Cannes : «Le plus grand danger du festivalier, ce sont les ampoules aux pieds ! Après quelques jours, tu as les pieds en sang !» J’en apprends de drôles : «Je viens à Cannes avec mon fer à repasser.» Un chien du nom de Globule passe entre mes jambes. Je prends mon téléphone et appelle Hassen, histoire de savoir ce qui se passe au festival. «Merci pour la soirée Colette, me dit-il, c’était formidable ! J’ai fait du jet-ski. J’ai même mangé de la dorade.» Je me verse du rosé et j’appelle Sébastien. «A Cannes cette année, me dit-il, avec l’absence remarquée des grosses productions américaines, il y a beaucoup moins d’argent et moins de belles fêtes.» Fichtre ! J’ai vu Carlos d’Olivier Assayas à la télé, en buvant une bière. Personnellement, pour la scène d’anthologie où le terroriste dandy vénézuélien fume sous la douche, je lui décerne la palme d’or du festival des crânes ! Nul besoin d’aller à la plage pour attraper un coup de soleil. La butte Montmartre, c’est aussi la butte rouge ! J’ai un coup de soleil de camionneur. Lorsque je me rends à la galerie Chappe pour les lectures de haut vol, on n’aura de cesse de glisser le mot Biafine en s’adressant à moi. Georgina Tacou aux cheveux longs, superbe en robe blanche, entourée de deux chevaliers servants, va bientôt nous lire son texte et nous offrir les clés ardentes de sa fulgurante Apocalypse. La salle est comble, j’aperçois l’acteur et réalisateur Melvil Poupaud qui filme la scène, les écrivains Mishka Assayas et Boris Bergman ! Je lis un texte sur les services secrets anglais et je laisse la place à Pierre Escot, en veste de cuir orange et mèche rebelle. Il nous oblige à regarder vers ces nouvelles morts contemporaines : à crédit, financière, statistique, sociale. Mathieu Diebler, en état second, lit un extrait de la Vive Allure, son roman, prix du manuscrit 2010 de Technikart. C’est une lecture au long cours, faite à deux voix avec Mathilde Tixier, qui nous emporte dans une fuite sans fin ! Plus tard, enivré par ce vent romanesque, c’est le corps couvert de Biafine que je tente crânement de fumer sous la douche, sans succès ! •


XVIII • LE MAG SORTIR, ÉCOUTER, VOIR

LIBÉRATION SAMEDI 29 ET DIMANCHE 30 MAI 2010

JAZZ DEUX TROMPETTES UNIQUES Hasard de calendrier, deux as du piston foulent le sol parisien ce week-end. D’une part, le Franco-Libanais Ibrahim Maalouf, qui, avec son approche hybride du jazz et sa trompette à quarts de ton, a déjà séduit ici Arthur H et M, ailleurs Jacky Terrasson et Salif Keita. De l’autre, la légende d’Afrique du Sud, écho des townships, Hugh Masekela, exilé aux Etats-Unis pour cause d’apartheid trente ans durant, que Paul Simon recruta pour la tournée de son fameux Graceland. Deux voix uniques de trompette marquées, entre identités et vécus, par les destins déracinés de chacun. Contraints d’échapper au Beyrouth blessé par la guerre civile, pour l’un, et à la ségrégation raciale officielle pour l’autre. A l’aube de la première Coupe du monde de foot sur le sol africain, La Villette se met à l’heure du pays d’accueil et un autre symbole de la résistance à l’origine du style mbaquanga, le chœur féminin des Mahotella Queens. La musique avec supplément d’âme. DOMINIQUE QUEILLÉ

IBRAHIM MAALOUF à la Cigale, 120, bd

Youshi Kei, Another Rainbow City, 1979. ÉDITIONS DU CHALET POINTU

Rochechouart, 75018. Samedi, 20 heures. HUGH MASEKELA à la Grande Halle de La Villette, 75019. Samedi, 20h30.

UN TRIP VERTIGINEUX AVEC KEIICHI TANAAMI

FESTIVAL MUSIQUE ET BOTANIQUE

Dessins et films psychédéliques… l’œuvre du magicien du cinéma électronique rassemblée dans un livre DVD. eiichi Tanaami, sombre prestidigitateur du cinéma électrique. Keiichi Tanaami, magicien de la télévision en couleur. Keiichi Tanaami, gérant de la discothèque mentale…» Les mots sont du poète, dramaturge, cinéaste d’avant-garde Shuji Terayama, et introduisent à merveille le remarquable livre DVD que Chalet Pointu vient de consacrer à l’œuvre animée exubérante de Keiichi Tanaami. Quatorze films étourdissants, réalisés entre 1975 et 2009, par cet illustrateur, graphiste au cerveau vrillé, né en 1936 près de Tokyo et qui a profondément influencé la scène contemporaine japonaise, Murakami en tête. Keiichi Tanaami avait 9 ans quand les bombes incendiaires ravagèrent sa ville. Flammes orangées qui dansaient sur les écailles des poissons rouges, dans l’aquarium de son grand-père qui surplombait l’abri où ils se terraient. Poissons qui hantent depuis son œuvre mutante et qu’il s’amusait, petit, à écrabouiller entre ses doigts jusqu’à ce qu’ils rendent l’âme. Il réservera le même traitement à son cerveau quelques années plus tard, en 1969, lorsqu’il s’envole pour New York, fréquente Warhol et découvre le pop art et le cinéma

«K

expérimental (Mékas, Anger…) qui l’amène à tourner ses propres films. Avant de passer à l’Ouest, en pleine montée psychédélique, où il goûte à l’acid music et au LSD, et illustrera des pochettes d’album pour les hippies de Jefferson AirPlane. L’œuvre de Tanaami, «escamoteur d’objets volants non identifiés» est comme un long trip dont il ne serait jamais revenu. Amplifié encore par une embolie pulmonaire qui le cloue à l’hôpital en 1981, et lui colle des cauchemars et des hallucinations… sur les pins! Des pins difformes, des crânes et des éléphants, mais aussi des vagues, des flammes, des forêts d’yeux, des oreilles vulves aguichantes, des hommes avions, motifs récurrents qu’il incorpore dans ses œuvres troublantes où collisionnent rêves et souvenirs d’enfance, la culture japonaise de l’ère Edo et le pop art américain. Tourbillon de lignes colorées, créatures surréelles en perpétuelle métamorphose, et érotisme sauvage comme dans Fetish Doll –fusion cosmique des chairs réalisée dans le cadre de ses «duels d’animation» avec le dessinateur Nobuhiro Aihara– ou encore Shunga, où il donne vie aux estampes érotiques, remplaçant le visage d’une courti-

sane par une vulve vorace qui tente d’engloutir un phallus récalcitrant. Ses centaines de dessins superposés, dans lesquels on circule via des travellings très courts ou des zooms vertigineux, les morphings surréalistes à la Emile Cohl, l’aspect tremblotant du dessin, la répétition et l’emploi du flicker – technique en vogue dans le cinéma expérimental qui consiste à faire clignoter les images –, les pulsations rapides de ses images assorties de bandes-son bizarroïdes, provoquent un sentiment de vertige, censé mener à la transe et faciliter l’accès à un monde intérieur. «Si Keiichi Tanaami revient toujours aux même motifs, c’est pour les transformer et créer toujours de nouveaux univers fantastiques», analyse Helmut Herbst, spécialiste de l’animation, interviewé par Court-circuit. Le réservoir d’images de Tanaami semble inépuisable…

Le vert, une idée qui germe ces temps-ci jusque sur les Champs-Elysées. Bien que l’éloge des mauvaises herbes ne date pas d’hier, George Sand l’avait compris, les bons plants parsèment la culture de ses foisonnants rendez-vous de saison. Institutionnels comme le Rendez-vous aux jardins, qui rien qu’en Ile-de-France lève le voile sur plus de 170 espaces verts (2 000 dans l’Hexagone), avec des premières, entre autres, les deux hectares paysagers de Matignon. Les initiatives individuelles se multiplient également. Créé il y a 4 ans par le pianiste Patrick Scheyder, Musiques aux jardins, qui allie littérature, musique et botanique, a posé les jalons d’un dialogue fertile entre ces différents acteurs à travers un festival itinérant. L’initiative fédère une vingtaine de villes, avec des journées «Cultures aux jardins» où se joue, tel dimanche à Beauvais, la création Le Nôtre et Louis XIV, avec Michael Lonsdale, entre défilé de mode végétal et savoir topiaire en live. D.Q.

MARIE LECHNER

RENDEZ­VOUS AUX JARDINS A PORTRAIT OF KEIICHI TANAAMI de SHUJI TERAYAMA Editions Chalet pointu.

Les 4, 5 et 6 juin.

CULTURES AUX JARDINS Jusqu’en septembre. culturesauxjardins.over­blog.com


SORTIR, ÉCOUTER, VOIR LE MAG • XIX

LIBÉRATION SAMEDI 29 ET DIMANCHE 30 MAI 2010

Par OLIVIER SÉGURET

De la pratique à la théorie

D

e Mario à Gutenberg… voilà un signe qui ne trompe pas, l’édition de livres concernant les jeux vidéo connaît un petit emballement depuis quelques saisons. Certes, cette part est encore toute relative – une goutte dans l’océan éditorial français et sa moyenne de 60 000 titres annuels – mais elle témoigne d’un décloisonnement

progressif, d’une porosité nouvelle entre le monde des jeux et le monde tout court. C’est une nouvelle à prendre avec d’autant plus d’optimisme que le passage vers la sphère livresque a toujours représenté pour les arts jugés mineurs une forme de légitimation, de reconnaissance, d’installation irréversible dans la culture. Cette petite effervescence revêt toutes les formes. Celle, lointaine mais éloquente, de la littérature, avec l’apparition de plus en plus fréquente du thème du jeu dans le roman moderne. Les lecteurs français peuvent en découvrir le dernier exemple en date, même si le texte est ancien, avec la traduction chez Christian Bourgois de Troisième Reich, de l’excellent écrivain chilien défunt Roberto Bolaño. Autre

THÉÂTRE SHAKESPEARE ET PÉKIN À FOURVIÈRE Richement doté par le département du Rhône, le festival des Nuits de Fourvière réinvestit la colline lyonnaise et ses deux théâtres antiques. En ouverture, le metteur en scène Georges Lavaudant retrouve le plein air et Shakespeare. Vingt-six ans après Richard III au festival d’Avignon, il monte la Tempête et confie le rôle de Prospero, le magicien, à André Marcon. Et pour corser l’aventure, il mêle à la Tempête un bon morceau du Songe d’une nuit d’été, autre pièce «féérique» de Shakespeare. «J’ai eu une envie presque gourmande, explique-t-il, de faire se rencontrer ces deux pièces où la magie est à l’œuvre et où l’on retrouve des personnages extravagants, surnaturels, qui se promènent à leur guise, apparaissent, disparaissent.» D’autres extravagants hanteront le début des Nuits de Fourvière, où les élèves de l’école de l’opéra de Pékin reprendront leur spectacle inspiré de Au bord de l’eau, roman-fleuve de Shi Nai-An.

genre, les Maîtres du jeu vidéo de David Kushner (l’Ecole des loisirs), double biographie, bien conçue et bien écrite, des fondateurs d’ID Software, John Romero et John Carmack, créateurs géniaux de Doom et Quake, et dont les portraits servent de prétexte à un rewind de l’épopée virtuelle des années 80. Dans ce contexte, comment ne pas signaler aussi l’activité frénétique de la maison Pix’n Love Editions et son bombardement permanent de titres, dont récemment le très beau travail d’Alexis Blanchet Des pixels à Hollywood, étude universitaire copieuse mais enlevée qui synthétise l’inépuisable question des rapports entre jeux vidéo et cinéma. A signaler, chez le même éditeur, l’autobiographie de

Takahashi Meijin, premier volume d’une nouvelle collection vouée aux «grands noms du jeu vidéo». Enfin, dans un registre plus utile et on l’espère usuel, un guide des métiers et formations, complet et rigoureux, édité par le Guide du jeu vidéo. Il recense toutes les pistes et adresses de la filière à l’attention des jeunes aspirant à embrasser la carrière du jeu. Mais il offre aussi, pour le même prix modique (9,90 euros), quelques bonus épatants : une flopée de documents de travail inédits fournis par les studios et des interviews d’une poignée de prestigieux développeurs (Ancel, Miyamoto, Cage, Perry…). Avec autant d’hirondelles, pas de doute, au rayon jeu vidéo de l’édition, c’est le printemps. •

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XX • LE MAG CONNECTER

LIBÉRATION SAMEDI 29 ET DIMANCHE 30 MAI 2010

THE CREATORS PROJECT, DU «VICE» DANS LA CRÉA Le magazine s’associe à Intel pour lancer une plateforme rassemblant la crème des artistes multimédia.

L

The Creators Project. PHOTO DR

a crème des innovateurs en musique, art, cinéma, design, architecture, jeu vidéo, rien de moins… C’est l’ambition affichée du site The Creators Project qui redessine, en quelques clics, la carte mondiale de la culture, à la sauce Vice. Aux manettes, Vice, donc, fanzine irrévérencieux créé en 2004 à Montréal, devenu un empire médiatique présent dans plus de 20 pays. Aux cordons de la bourse, le géant du microprocesseur Intel, en mal de légitimation pop, qui fait au passage la nique à Apple. Drôle d’accouplement dont le dénominateur commun est le mariage entre créativité et technologie. Shane Smith, cofondateur de Vice, dit vouloir lancer «quelque chose qui s’inspirerait des salons parisiens des années 20» où convergeaient artistes, écrivains, musiciens pour échanger des idées. The Creators Project espère devenir la plaque tournante de la création numérique, agglomérer les talents de demain, casser les barrières entre les disciplines, stimuler les collaborations entre artistes. Le projet se décline en ligne mais aussi physiquement, lors d’une série d’événements combinant installations, projec-

tions, conférences et fiesta musicale autour du monde. Le premier a lieu aux studios Milk à New York, le 26 juin, avant de faire un crochet sur le Vieux Continent (Londres le 17 juillet) mais lorgne surtout du côté des scènes émergentes (et de leurs marchés), le Brésil (São Paulo le 14 août), la Corée du Sud (Séoul le 28 août) et Pékin où aura lieu le bouquet final, du 17 au 19 septembre. Pour l’instant, difficile de voir en quoi ces événements seront différents d’un autre festival d’arts électroniques. Le casting, en tout cas, est impressionnant et ne manque pas de flair. Parmi les 84 artistes de l’écurie, quelques pionniers emblématiques (Laurent Garnier, Stefan Sagmeister, Spike Jonze, Richie Hawtin, Chris Cunningham, etc.), mais surtout la génération qui monte «dans le ciné indé, les architectures futuristes, les musiques électroniques d’avant-garde et la mode» selon le communiqué. Le site dévoile peu à peu les vidéos présentant le travail de ses poulains, parmi lesquels le Coréen Hojun Song, qui veut lancer son propre satellite en open source, le Chinois Ray Lei et ses jolies animations dessinées main, les hypnotiques architec-

tures lumineuses du Brésilien Muti Randolph, les clips de Radical Friend, les robes de papier de Jum Nakao ou encore les impressionnantes installations interactives du collectif londonien U.V.A. Côté Frenchy: le réalisateur Ladj Ly de Kourtrajmé, les Versaillais de Phoenix, le collectif Exyzt… Chaque interview est aussi l’occasion de détailler les logiciels utilisés, les marques de matériel informatique, et de dire à quel point c’est chouette la technologie. Vice lui-même est un rejeton de la révolution numérique. «Vice a débuté en gros lorsque les idiots ont été autorisés à publier, a déclaré Shane Smith à Wired. La technologie nous a permis de lancer notre propre magazine, puis notre propre WebTV, VBS, grâce à des outils d’édition, des caméras, et des logiciels bon marché. La technologie a toujours été au cœur de ce que nous faisons.» Vice a d’ailleurs lancé récemment une autre plateforme de news qui brasse agréablement les cultures électroniques, Motherboard.tv, sponsorisée par Dell cette fois. MARIE LECHNER

www.thecreatorsproject.com www.viceland.com www.vbs.tv www.motherboard.tv

BLOG RHIZOME, L’ÈRE PRÉ-NET PAR LA RACINE

APPLI MES FANS TWITTER ONT ENFIN UNE TRONCHE

Culture underground née dans les années 80 quand sont apparus les ordinateurs domestiques (Atari Amiga, C64), la scène démo regroupe des surdoués du code qui se retrouvent lors de «demoparties», marathons de la programmation où ils rivalisent pour pousser toujours plus loin les limites de la machine. Rhizome, blog des cultures numériques, lui consacre une série de posts et s’attarde sur les Diskmags, fanzines numériques qui recensaient leurs exploits, publiés à l’origine sur des disquettes. Primordial pour se tenir au courant de l’actualité de la

Voilà de quoi satisfaire vos tendances narcissiques. La Twitter Parade, application développée par KDDI, opérateur de télécom japonais, propose d’entrer votre nom d’usager et génère une parade de tous vos followers, ceux qui sont abonnés à vos messages en 140 caractères maximum. Qui vous suivent ici littéralement, sous forme de mignons personnages, dont la tête représente l’icône de votre compte et sur lesquels on peut zoomer pour lire le dernier tweet publié.

scène démo à la fin des années 80, en cette ère pré-Internet. Les diskmags comprenaient des articles, des discussions sur les évolutions technologiques, des trucs de programmation, des invitations à des fêtes, des résultats de compétition… Mais également une musique de fond, une navigation interactive, etc. L’avènement des forums a fini par les éclipser, mais il reste quelques versions contemporaines comme le diskmag Hugi. M.Le.

www.rhizome.org/editorial/tag.php?tag= demoscene

Quelle infinie satisfaction de se faire porter sur un piédestal par des légions de partisans, même si, comme le relève un blogueur, la métaphore de la parade ou «suivez le leader d’opinion», suggère une sévère asymétrie qui caractérise certes un petit groupe de célébrités twitter fichées de leurs centaines de milliers d’aficionados, mais ne fonctionne pas pour la plupart des usagers. M.Le.

http://isparade.jp


REGARDER LE MAG • XXI

LIBÉRATION SAMEDI 29 ET DIMANCHE 30 MAI 2010

INSTANTS TÉLÉ

BOURRE­PAF Par RAPHAËL GARRIGOS ET ISABELLE ROBERTS

Faut-il sortir de la zone Eurovision? GINIES. SIPA

L LEMEUHNISTRE Ooooh! Mais avec les beaux jours, c’est le retour de notre grande série. Non, pas «Toi aussi pique une exclu exclusive à Jean-Marc-exclusif-Morandini», mais notre autre grande série «Un ministre de la Culture se cache dans cette image, sauras-tu le retrouver ?»

L’ERASMISME Ça y est, il a commis l’irréparable. Mickaël Vendetta a été interviewé dans Voici. Mais ce n’est pas ça l’irréparable. Il a été interviewé gratuitement. Ce n’est pas ça non plus l’irréparable. L’irréparable, il arrive : interrogé sur son manque de culture, Vendetta balance Erasme à l’interviewer : «Peu de gens comprennent l’immense avantage qu’il y a à ne jamais hésiter et à tout oser.» On en a une pour toi, Micka, d’Audiard, deuxième moitié du XXe siècle : «Les cons, ça ose tout. C’est même à ça qu’on les reconnaît.»

LASURFEMME Si après les jurés de Nouvelle Star, les pantins de la télé-réalité se mettent à la philosophie, maintenant… Tiens, on ne saurait trop recommander à la jeune (elle affiche 23 ans même si elle en fait 47) Cindy, coupable d’un strip-tease sur bord de piscine dans Dilemme (W9) de méditer ceci: «Notre caractère est déterminé par l’absence de certaines expériences, plus encore que par celles que l’on fait.» C’est de Nietzsche, un poto à Micka Vendetta.

LESURSOAP Aaah, on savait bien qu’on ne s’était pas inscrits au club France Télévisions pour des prunes ou même une photo mitée de Laurent Romejko. Un mail nous l’annonce, on va enfin pouvoir rencontrer les acteurs du soap Amour, gloire et beauté, «dans un cadre idyllique» à Monte Carlo. L’instant sera immortalisé par «une photo et des autographes». Quoi, c’est un jeu auquel il faut participer ? Amour, gloire et destin brisé.

BONNE NOUVELLE Après les gâte-sauces, les gâte-frifis: Un dîner presque parfait se lance le 14 juin sur M6 dans deux semaines séduction.

es périodes troublées que traversent nos concitoyens exigent des décideurs (ouais, gros, c’est de nous qu’on parle) un devoir absolu de franchise. Sinon, ce sont nos enfants (les vôtres) qui, demain, paieront les pots fracassés aujourd’hui par notre inconsistance politique. Alors nous posons la question : faut-il sortir de la zone Eurovision ? C’est brutal mais à l’heure où, un à un, les pays européens mettent en place des politiques qui de rigueur, qui d’austérité, qui de pas d’argent, la tenue même du 55e Concours Eurovision de la chanson, diffusé ce samedi à 21 heures sur France 3, est remise en cause. En 2002, l’Estonie a dilapidé l’intégralité de son budget tourisme dans l’organisation. Cette année, il en coûtera 25 millions d’euros à l’hôte du concours, la Norvège. Et prenez Malte : 400 000 euros pour envoyer à l’Eurovision sa candidate (dont le costume est, il est vrai, doté de grandes ailes de toute beauté). Tout ça pour échouer en demi-finale. Autant dire qu’à Malte, l’âge de la retraite est d’office repoussé à 92 ans. Afin d’évaluer les risques d’explosion de la zone Eurovision, le directeur du Fonds monétaire international Dominique Strauss-Kahn a demandé à Libération de vérifier si rigueur et austérité sont au menu de l’édition 2010. On va pas se mentir, Domichou, y a encore du boulot. Allez, on s’y attelle sur fond de Te deum.

Les bons élèves On en a connu, des Eurovision débordant de strass et dégueulant de la paillette sur de flamboyantes mises en scène d’un mauvais goût pharaonique. On a eu une Lady Gaga ukrainienne entourée de gladiateurs; on a eu Dana International, un trans israélien, on a eu les fabuleux hard-rockeurs finlandais de Lordi, on a même eu, il y a quelques années, un groupe d’hôtesses de l’air slovènes option poil aux pattes. Mais cette année, c’est un vent d’austérité qui souffle sur le gros gâteau de l’Eurovision. Prenez Lena, comme par hasard la candidate d’Angela Merkel : une petite robe noire de rien du tout et une petite chanson de pas grandchose, gentillette, sans fla-fla ni envolée dans les aigus. Ou le duo danois Chanée et Tomas. Les voilà dos-à-dos, séparés par une paroi translucide : quand l’un chante, l’autre fait des lapins en ombre chinoise avec ses doigts. Du coup, on guette le final façon Eurovision, celui où, après avoir hululé de langoureux «I wanna know, wanna know, wanna know», ils crèveront ce mur de papier pour savoir, enfin. Eh ben non, rien. La rigueur, quoi. Tout comme le candidat israélien. Si on omet les paroles un tantinet show off («Des larmes de sang me brûlent la gorge»), Harel Skaat est sobre comme un lama (dont il a d’ailleurs pompé l’air de Je suis malade). Ce brave Belge Tom Dice est à deux doigts, lui, de l’Eurovision faux-pas, tant il est simple et sans afféteries, réductible à sa chanson Me and my Guitar. Et ça paie, puisque les quatre mormons sus-cités affichent une très grosse cote.

L’Espagnol Daniel Diges n’applique pas la politique de rigueur. PHOTO I.NDREK GALETIN (EBU) Après, il y a la rigueur qui tient de la radinerie, tel ce Josh Dubovie pour lequel la Grande-Bretagne a tout juste consenti à recycler ce qui ressemble à une face B de Rick Astley datant de 1987. Enfin, il y a la France. D’accord, «Jessy Matador», ça ne fait ni austère ni sobre. D’accord, ni le couplet –«S’il suffit de rêver, fais bouger ton fessier»–, ni le refrain –«Allez, allez, allez… Allez, ola, olé»–, ni la choré toute en arrière-train chaloupé au rythme de ce zouk n’entrent tout à fait dans les critères d’une politique de rigueur tels que définis par le FMI et pourtant. Et pourtant, grâce à Jessy, la France est assurée de ne pas remporter l’Eurovision. Ça fera des économies de Michel Drucker en 2011. En plus, France Télévisions a choisi de faire d’Allez ola olé son hymne de la Coupe du monde. Troisen-un, Jessy, si on lui demande gentiment, pourra aussi faire président de France Télévisions pour remplacer Patrick de Carolis.

Les mauvais élèves Et puis, il y a les autres. Ceux qui se vautrent dans le lucre et nous creusent la dette, en étalant à l’Eurovision une indécence de moyens. Quand on voit la munificence déployée par l’Espagne, il n’est pas interdit de penser que la politique de rigueur annoncée là-bas, c’est de la flûte (ou plutôt du flûtiau, une des grosses tendances de cet Eurovision): ils nous refont carrément Casse-Noisette sur scène. Dans le genre débauche malséante, on pointera aussi la Biélorussie et ses choristes ornées d’ailes de papillon (malin, car la chanson, c’est Butterflies, hein). Et la Turquie qui tente de fusionner electro, hard-rock et rap à grands coups de guitare Black & Decker, le tout

battu comme plâtre par le dernier mec coiffé à l’iroquoise en Europe. Ah non, car il y a les Moldaves aussi où la crête, assortie du mulet dans le cou, est du dernier cri. Quant au cri, précisément, c’est «Juste vat-en de mon esprit/Juste va-t-en de ma vie» (on a traduit l’anglais d’arrière-cuisine en français d’avant-garde). En Serbie, visiblement, l’austérité, ils ne connaissent pas non plus. Voilà ce jeune gandin de Milan Stankovic qui, glissant des yeux de chatte en chaleur à la caméra, susurre: «Belgrade, Belgrade, je suis si vilain.» Car le bougre avec sa chanson This is the Balkans, tente de rallier la région à sa cause. Une vieille technique de l’Eurovision, où l’ancien bloc de l’Est continue d’afficher une solidarité toute soviétique. Mais c’est l’Azerbaïdjian, en tête chez les bookmakers, qui a tout accumulé: ex-coco, robe de la chanteuse incrustée d’ampoules LED, ballade d’un sucré à vous abattre un diabétique en trois minutes trente (l’autre grosse tendance 2010) et refrain eurovisionesque: «Drip-Drop» (remember Ding Dinge Dong, A Ba Ni Bi et autres Diggi-loo-diggi-ley). Et la Grèce, alors ? Pensez-vous que la Grèce aurait eu la correction d’envoyer un va-nu-pieds équipé d’un bouzouki éraflé? Pouit: voilà rien moins que Giorgios Alkaios & Friends (c’est le nom du groupe) qui entame son sirtaki bûcheronisé en affichant sans vergogne le drapeau grec devenu pourtant les couleurs des indigents du PIB. Provocation encore : la chanson s’appelle OPA, oui, vous avez bien lu. Comme l’OPA de la misère que la Grèce a lancée sur l’Europe. D’accord, ça se prononce «whoopa» et ça veut dire «allez», mais il y a des coups d’austérité aux fesses qui se perdent. •


XXII • LE MAG LIRE

LIBÉRATION SAMEDI 29 ET DIMANCHE 30 MAI 2010

AU CHILI, LES COCUS DE L’ÉTAT DE DROIT Un récit de l’évasion de 24 prisonniers politiques peu avant la destitution du général Pinochet.

Plan de l’évasion de la prison de Santiago: un tunnel de 80 mètres, creusé avec des fourchettes et des boîtes de conserve. DR pprenez-la par cœur, parce que dans trois minutes, je la bouffe !» Ce 24 décembre 1989, ce n’est pas le réveillon de Noël que Miguel et une vingtaine de militants du Front patriotique Manuel Rodriguez (FPMR, guérilla issue du Parti communiste) préparent dans une cellule de la prison publique de Santiago, au Chili. La liste de noms qu’ils doivent mémoriser dresse l’ordre précis dans lequel ils s’évaderont des geôles de la dictature. Dix-huit mois durant, ces prisonniers politiques de Pinochet, regroupés dans un quartier du centre de détention, ont creusé un tunnel de près de 80 mètres à l’aide de fourchettes et de boîtes de conserve. Bricolant un système d’aération pour progresser sous terre sans s’asphyxier, ils ont réussi à extraire, puis à cacher sous les toits de la prison, l’équivalent de dix camions de gravois. Un mois plus tard, le 29 janvier, ils seront 24 «frontistes» à ramper vers la liberté.

«A

LES ÉVADÉS DE SANTIAGO d’ANNE PROENZA et TEO SAAVEDRA Seuil, 300 pp., 18,50 €.

Sans violence ni coup de feu. Vingt-cinq détenus d’autres formations de gauche, appartenant au Mouvement de la gauche révolutionnaire (MIR), au Parti socialiste et au Parti communiste, s’engouffrent à leur suite dans le souterrain. Tous étaient lourdement condamnés. Alors que le Chili vient de voter pour le retour à la démocratie, en élisant quelques semaines plus tôt le démocrate-chrétien Patricio Aylwin à la présidence, cette évasion

sonne comme un ultime pied-de-nez au général Augusto Pinochet qui doit quitter le pouvoir en mars. Un certain nombre de militants du FPMR évanouis dans la nature ont d’ailleurs participé, le 7 septembre 1986, à la tentative d’assassinat contre le despote qui n’a eu la vie sauve que grâce à une chance insolente et… à la mauvaise préparation de la roquette censée l’éliminer. A l’annonce de cette belle rocambolesque, la classe politique locale s’affole. C’est «lamentable», estime, par exemple, le socialiste et futur président Ricardo Lagos, de concert avec d’autres dirigeants de la coalition des partis pour la démocratie (une union de partis du centre et de la gauche non communiste qui va gouverner le pays durant vingt ans). En fait, la démocratie renaissante craint la réaction du dictateur qui se retire à reculons. Elle refuse donc sa solidarité aux «terroristes» au point qu’un quart de siècle plus tard, la plupart des évadés de Santiago sont toujours

les cocus du retour à l’Etat de droit. Certains se sont exilés en France, en Suède ou au Mexique, d’autres vivent toujours dans la clandestinité ou sont morts dans l’anonymat, ils restent des parias dans leur pays. Ils y ont pourtant fait preuve d’une grande bravoure dans leur lutte contre les militaires, l’usage de la résistance armée se justifiant alors par l’intransigeance et la violence du régime. Le livre d’Anne Proenza, journaliste à Courrier international, et de Teo Saavedra, longtemps réfugié chilien en France, ne rend pas seulement compte de cette grande évasion version andine montée comme une expédition militaire. Il la remet dans le contexte politique et judiciaire du Chili de la fin du siècle dernier. Sans omettre de décrire l’incroyable énergie mais également les doutes, les peurs – notamment de la trahison– et les vilaines suspicions qui ont taraudé ces hommes sur le chemin de la liberté. GÉRARD THOMAS

DISCRIMINATIONS LES MOTS QUI FINISSENT EN «ISME» C’est un ouvrage très politique que livre Esther Benbassa, directrice d’études à l’Ecole pratique des hautes études, avec son Dictionnaire des racismes. C’est aussi un ouvrage daté, dans le sens où il se fait l’écho des mouvements qui ont agité la société française au tournant des années 2000. Ainsi, les Indigènes de la République. Leur thèse soutenant que les populations originaires des territoires jadis colonisés demeurent les victimes de discriminations en France trouve toujours un écho chez les jeunes issus de l’immigration. Egalement révélateur de l’époque, le chapitre sur les DICTIONNAIRE associations françaises conDES RACISMES tre le racisme. La Ligue ind’ESTHER ternationale contre le raBENBASSA cisme et l’antisémitisme Larousse, collection (Licra) et SOS Racisme voi«A présent» 2010, sinent avec leurs frères en728 pp., broché, 28 €. nemis, la Ligue des droits de l’homme et le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap). Les textes qui leur sont consacrés explicitent ce qui les divise: le Mrap «accorde une importance croissante au racisme touchant les populations originaires du Maghreb» et donne la «priorité» à la lutte contre l’«islamophobie». La Licra, elle, se montre très sensible au développement d’un «nouvel antisémitisme», dont les musulmans seraient responsables, accusant ses «consœurs d’en négliger la gravité». Autres entrées très actuelles, celles consacrées à l’islamophobie, à la judéophobie, à l’antisionisme. Egalement mentionné, mais dans le paragraphe sur l’antiracisme, le «racisme antiblanc» ou «antiFrançais», cheval de bataille de l’extrême droite. CATHERINE COROLLER

MÉMENTO

LES CHOIX DU CAHIER LIVRES Ce n’est qu’un combat, continuons le début, c’està-dire la compréhension du temps perdu. Avec Louis Calaferte, pour le Jardin fermé (Gallimard «l’Arpenteur»), aussi révolté au cercueil qu’au berceau. Avec la revue le Débat (Gallimard), qui fête ses 30 ans et lit le passé et l’avenir intellectuel dans le marc de cafés où l’on ne fume plus. Avec Velibor Čolić, qui raconte, dans Jésus et Tito, (Gaïa) une enfance dans un monde, la Yougoslavie, que le nôtre et une suite de guerres ont effacé. Avec Damon Galgut qui, dans l’Imposteur (l’Olivier), explore les démons sud-africains. Avec Louis Dumur, dont Un Coco de génie (Tristram), introuvable de 1902, rappellera Borges et sa mémoire des livres même à ceux qui ne l’ont jamais lu. Ce qui fut relève de la métaphysique et Jiri Benovsky nous l’explique drôlement dans le Puzzle philosophique (Ithaque), ses réponses ne tenant qu’à un cheveu.


LIRE LE MAG • XXIII

LIBÉRATION SAMEDI 29 ET DIMANCHE 30 MAI 2010

K, HISTOIRES DE CRABE de MARIE­DOMINIQUE ARRIGHI Editions Bleu autour et Libération, 440 pp., 17 €.

Lectrice impénitente, relectrice intransigeante, Marie-Dominique Arrighi aurait aimé que son blog devienne un livre. Journaliste à Libération, MarieDominique tint pendant neuf mois sur Libe.fr une chronique impitoyable du cancer qui eut raison d’elle, le 19 mars. Plusieurs posts par semaine jusqu’au dernier, écrit sous sa dictée par son ami Pierre Marcelle alors qu’elle entrait dans un hôpital spécialisé dans les soins palliatifs. De ces notes prises sur le vif, il reste un beau livre accompagné de petites photos prises par Marie-Dominique, de son chat, des couloirs de l’hôpital, de sa chaise roulante ou du doigt de sa généraliste soulignant une note datant d’une consultation de 2002 : «voudrait un K pour mourir vite fait». Il n’y pas pour autant complaisance dans ce blog qui réunit durant près d’une année une communauté de malades et de personnel soignant, par milliers. Les descriptions d’une redoutable précision peuvent paraître impudiques, surtout quand son corps couturé, affaibli, finit par lâcher. Mais, Marie-Do garde toujours une distance, un humour, un orgueilleux détachement qui fait de ce blog un vrai livre. On la voit sans illusions, sans pitié surtout pour elle-même mais aussi toujours prête à aider aussi bien ses compagnons d’hôpitaux que ceux qui avaient repris à Libération sa tâche de gérer les blogs sur le Web. Ceux qui l’ont connue retrouveront son foutu caractère, son intransigeance, mais aussi son humanité qui faisaient ses jeunes collègues du Web l’appeler «Maman». Ce blog est aussi drôle lorsque Marie-Do, de retour de soins, s’achète un crabe bouilli chez son poissonnier regrettant juste de ne pas avoir pu l’occire elle-même. Elle cite aussi un poème de Fernando Pessoa: «Je ne suis rien/ Je ne serai jamais rien / Je ne peux vouloir être quoi que ce soit / A part cela, j’ai en moi tous les rêves du monde.» FRANÇOIS SERGENT

LA SEMAINE DE

EMMANUEL DONGALA

Chez soi, partout SAMEDI ÉTONNANTS PROPOS

MARDI DU TENNIS ET DES HOMMES

Sept heures du matin. Je me trouve dans un taxi en direction de la gare Montparnasse pour prendre le train pour Saint-Malo et le festival du livre Etonnants Voyageurs. Le chauffeur prend les Grands Boulevards, je peux admirer Paris à ma guise. Une ville n’est pas seulement belle la nuit, elle l’est aussi tôt le matin. «C’est ça la France aujourd’hui ! Complètement foutue !» Ces propos me font sursauter et me ramènent brutalement sur terre. C’est le chauffeur de taxi réagissant aux informations que débite la radio. Je le regarde. Un Maghrébin, la soixantaine, cheveux grisonnants, léger accent. Est-ce un immigré de la première génération ? La nouvelle qui le met en boule n’est pas la condamnation d’une mère de famille pour l’absentéisme de ses enfants à l’école, mais c’est l’irresponsabilité de cette femme, probablement seule et débordée. «Le résultat, dit-il, c’est la violence. Même de la part des filles. Vous avez appris ça, qu’une fille a taillé une camarade à coups de couteau? Mes filles, tant qu’elles ne seront pas mariées, elles ne quitteront pas la maison. Comment voulez-vous que ça aille en France? Regardez ceux qui nous dirigent. Prenez le ministre de la Culture… Moi, les pédés et les cocus…». J’écoute mais que dire à ce personnage si sûr de lui ? Un immigré réactionnaire, raciste, xénophobe ! Un vieux con de mon âge, quoi. J’étouffe. De l’air!

J’adore les tournois du grand chelem et je regarde le match Rafael Nadal et Gianni Mina, le numéro deux mondial contre le… 655e ! J’aime beaucoup Nadal, mais cela me réjouit de voir ce jeune Noir de 18 ans faire son chemin et pour de bonnes raisons. Lorsqu’en 1968, pour la première fois aux jeux olympiques de Mexico tous les finalistes du 100 mètres étaient Noirs, on a lu dans la presse des explications dignes de Gobineau : les Noirs n’étaient bons que dans des sports qui ne demandaient que la force physique brute comme l’athlétisme ou la boxe; jamais ils ne pourraient exceller dans des sports nécessitant de l’intelligence, de la réflexion et de la tactique comme le tennis ou le golf. Tous ces soi-disant experts taisaient la raison pour laquelle à l’époque il n’y avait aucun Noir champion de tennis ou de golf : ces sports leur étaient tout simplement fermés. La preuve, dès que ces derniers se sont démocratisés, les champions n’ont pas manqué. Qui ne connaît Tiger Woods ou les sœurs Williams? Et la France en a une bonne réserve avec les Tsonga, les Ouannou, les Monfils et les Mina. Ceci dit, je décèle encore cette tendance quand certains commentaires imputent à la seule puissance de ses services et de ses balles les victoires de l’actuelle numéro 1 mondial, Serena Williams.

DIMANCHE DIEU N’EST PAS ENCORE MORT

Nicolas Copernic, l’astronome qui a placé le soleil au centre de notre système solaire, condamné par l’Eglise et enterré anonymement en 1543, a été réinhumé dans la cathédrale de Frombork en Pologne le 22 mai dernier, 467 ans après sa mort. Cette nouvelle me rappelle immédiatement le sort de Sawtche, plus connue sous le nom africaans de Saartje Baartman ou du sobriquet ironique de «la Vénus hottentote». A cause de sa callipygie, la jeune femme africaine fut expédiée en Angleterre pour être exposée dans des foires et des cirques avec des nains difformes, des géants, des femmes à barbe, des obèses. Elle finit par atterrir à Paris dans des musichalls et mourut dans la misère en 1815. On l’exposa nue au muséum d’Histoire naturelle, puis Georges Cuvier la disséqua et ce père de l’anatomie comparée, dans ses conclusions, l’assimila au chaînon manquant de l’humanité, une espèce tout en bas de l’échelle de l’évolution, quelque part entre l’espèce humaine et l’orangoutan. Ce ne fut qu’en 2002, 187 ans après sa mort, qu’elle fut enfin inhumée dignement parmi son peuple, en présence du président Mbeki.

«La première bactérie de synthèse est née» titre Libération, «Le vertige de la biologie synthétique» renchérit Le Monde. De quoi s’agit-il ? Simplifions au maximum. Le génome, l’ADN complet d’un organisme, contient les gènes qui donnent les recettes nécessaires à la fabrication des protéines, molécules qui assurent presque tous les besoins de l’organisme. L’on peut donc envisager la création d’un génome artificiel par synthèse chimique qui ne contiendrait que des gènes choisis pour leurs qualités spécifiques et qui, une fois introduit dans une autre cellule vivante jouant le rôle de «mère porteuse», en prendrait les commandes pour créer des bactéries ou d’autres organismes inédits produisant des molécules à la demande. C’est ce que viennent de réaliser les Américains Craig Venter et Hamilton Smith en synthétisant le génome d’une petite bactérie. L’exploit scientifique est indéniable, l’impact philosophique important. Cependant, ces chercheurs n’ont pas «créé la vie». Ils ont tout simplement donné de nouvelles instructions à des cellules vivantes, ce qui équivaut à modifier le logiciel d’un programme informatique d’un ordinateur qui fonctionne déjà, afin de résoudre de nouvelles tâches. Tant que l’on n’aura pas créé une cellule vivante à partir de molécules inanimées, nous serons encore loin du rêve nietzschéen : tuer Dieu.

LUNDI L’AFRIQUE ET LA MALÉDICTION «L’Afrique est-elle maudite ?» est le thème, ridicule, d’un des débats auquel je suis convié à Saint-Malo. La malédiction a une dimension métaphysique. Or l’on ne peut agir ni politiquement ni socialement sur une proposition métaphysique. Poser la question de cette façon, c’est déjà accepter que rien ne va en Afrique au moment où la plupart des pays fêtent leurs cinquante ans d’indépendance. Certes, la pauvreté n’a pas reculé, la corruption est rampante, l’éducation paraît même dans certains pays en perte de vitesse, mais il y a un élément que l’on oublie de prendre en compte, cette jeunesse urbanisée post-coloniale qui forme désormais la majorité de la population. Elle est à l’écoute du monde globalisé, elle maîtrise toutes les technologies de pointe, de la téléphonie mobile à Internet, de la télévision satellitaire à l’IPad. Ces jeunes sont en train de créer la nouvelle culture africaine sous nos yeux et il n’y a pas grand-monde pour y prêter attention.

MERCREDI DES SÉPULTURES DIGNES

JEUDI DES VOIX ET DES VISAGES Radio France Internationale m’a invité pour la promotion de mon dernier roman. C’est une radio que je connais bien, c’est avec elle que je me réveille tous les matins quand je suis à Paris ou au Congo car elle est devenue la première source d’informations en Afrique francophone, non seulement internationales mais aussi nationales, en particulier en période électorale, quand les radios locales sont plus que jamais à la botte du pouvoir. J’avais toujours imaginé un visage pour chacune de ces voix qui me sont si familières et j’étais curieux de les confronter avec les vrais. Eh bien, une fois sur trois, leur bouille n’était pas du tout ce que je m’étais représenté. Comme quoi la voix, le visage et l’habitus corporel ne se correspondent pas nécessairement.

VENDREDI UNE LONGUE MARCHE Quel est l’événement important prévu à Nice le 31 mai? On vous répondra: le sommet Afrique-France qui réunira une quarantaine de chefs d’Etats africains. On ne vous parlera pas de ces autres étonnants voyageurs, les sans-papiers partis de Paris le 1er mai pour une longue marche qui arrive à Nice le jour de l’ouverture du sommet. Je me trompe, vous croyez? Attendons de voir. •

DR

TÉMOIGNAGE UNE LUTTE IMPITOYABLE AVEC LE CRABE

EMMANUEL DONGALA Né en 1941 d’un père congolais et d’une mère centrafricaine, Emmanuel Dongala a quitté le Congo au moment de la guerre civile de 1997. Il vit aux Etats­Unis, où il enseigne la chimie au Simons’ Rock College, dans le Massachusetts, et la littérature africaine francophone au Bard College dans l’Etat de New York. Son œuvre est traduite dans une douzaine de langues et son roman Johnny chien méchant (Le Serpent à plumes, 2002) a été adapté au cinéma par Jean­Stéphane Sauvaire sous le titre Johnny Mad Dog. Il vient de publier chez Actes Sud, Photo de groupe au bord du fleuve. Tous les samedis dans leMag, l’actualité vue par un écrivain, un artiste… La semaine prochaine: Héctor Abad Faciolince.


XXIV • LE MAG RÉTRO

Dans les archives de «Libé», il y a vingtsept ans. Le Français, qui affronte Wilander, tenant du titre, en est à sa sixième participation à RolandGarros. Les paris vont bon train. Serge Daney a suivi sa montée en puissance sur le court et dans le public. Top chrono.

«Hip-hip-hip Noah!» Par SERGE DANEY (Libération du 6 juin 1983).

mais sans excès. Le Suédois essaie de distribuer le jeu du fond du court. out le monde savait tout sur le rasta et le blondinet 12e minute. «Et alors, sa première balle de service, elle passe qui allaient en découdre sur le central. Un Français ou pas ?», se demande le public. La balle de Noah, évidemallait peut-être gagner à Roland-Garros, chose jamais ment. Elle ne passera jamais vraiment d’ailleurs. C’est à vue depuis 1949. Un rêve se réaliserait peut-être et l’énergie et au filet que Noah gagnera le match. Wilander, de les médias avaient fait en sorte qu’il soit collectif. Les points son côté, avait promis de jouer des balles longues et profonforts de Noah et ceux de Wilander, on les connaissait. Leurs des pour empêcher son adversaire de monter au filet. Il a points faibles aussi. Victoire en trois sets pour le Français ou oublié de tenir parole. Il a dû s’en mordre les doigts. en cinq sets pour le Suédois? Sang chaud ou sang-froid, ser- 21e minute. Noah fait le break dans le premier set. vice et smash contre passing-shot et revers lifté, etc., etc. 24e minute. Le temps a des ratés et s’empêtre lui aussi dans Dans la tribune de presse, les paris allaient bon train. Sur les son jeu. Le soleil revient avec quelques grosses gouttes de gradins, résigné à cuire au soleil, mais prêt à vibrer au match, pluie froide. Pas étonnant: Wilander s’aventure au filet, mais le peuple de Roland-Garros savait qu’il avait son rôle à jouer. sans grand succès. Il le fit, sans trop cabotiner d’ailleurs. Pour tous, l’image prit 30e minute. Pour la première fois, le public se surprend à les dimensions d’un rectangle de couleur ocre; quant au son, scander : «No-Ah ! No-Ah!» Celui-ci a empoché le premier il y eut ce bruit de houle qui va et qui vient, cette rumeur set, facilement, par 6-2. Un journaliste, qui a parié pour une comme une chair sonore qui vient victoire de Wilander, dit qu’il s’enrouler autour du bruit des balles 1h1 mn: C’est athlétiquement n’est pas surpris, qu’on va voir et de la voix de l’arbitre. Pendant ce qu’on va voir. que Noah est en train de gagner deux heures vingt-quatre, cela a 37e minute. le public vibre inle match. Ses smashs sont ceux valu la peine d’ouvrir l’oreille autant térieurement, mais se décond’un sauteur en longueur.» que l’œil. Et de laisser son Bic. centre extérieurement. WilanPremière minute. Dès le premier der en profite pour réussir deux jeu, les acteurs se mettent en condition. C’est un peu la ban- lobs comparables à la fusée Ariane. Et à la quarantième mide-annonce du match. Chacun donne l’échantillon de ce nute, il remet un passing-shot croisé et mollasson sur une qu’il sait faire, et de ce qu’il fera peut-être. Première minute: balle impossible qu’il a reprise le dos au filet. C’est très joli, premier smash de Noah. Quatrième minute, sa première vo- ce sang-froid. lée gagnante. Cinquième : sa première balle «choppée». 56e minute. Au deuxième set, même scénario qu’au premier, 7e minute. Son premier ace. Le public, lui aussi, se met en Noah fait le break fatidique, sixième jeu. Retour dans les gravoix et crie tout de suite très fort, on entre en matière. dins, des cris bisyllabiques : «No-ah ! Noah !» 9e minute. Premier passing gagnant de Wilander, applaudi 1 h 01. Ce n’est plus le public, c’est Noah qui travaille son

T

LIBÉRATION SAMEDI 29 ET DIMANCHE 30 MAI 2010

«killer instinct». Cri de fauve, bras replié, poings crispés. Le Suédois, moins fauve, se contente d’un bref mouvement du coup déboîté vers l’avant. II y a deux esthétiques en jeu: celle du «Argh !» et celle du «Na !». En fait, il apparaît que c’est athlétiquement que Noah est en train de gagner le match. Ses smashs sont ceux d’un sauteur en longueur. Ses grands bonds en avant ont vraiment de quoi impressionner. 1h07. «No-ah!» scande-t-on, mais plutôt sous la forme d’un ban. On prépare le «hip-hip-hip Noah» final. 1h13. Dixième jeu. Noah sert pour le gain du set. Il s’y prend mal. Wilander lobe à un moment très important. Flottements dans les gradins. La peur de Noah au moment de concrétiser son avantage fait peur à son tour à la foule qui le soutient. Tout le monde se prépare pour l’éventuel scénario: «Wilander se règle, il se reprend, il joue de mieux en mieux.» 1 h 18. Un vague «ouf» parcourt le stade. En fait, le Suédois n’a pas profité du jeu UN REBOND précédent. Break et reDU TENNIS break. Il n’empêche que le À LA CHANSON match trouve enfin son rythme et son vrai visage. Il Ce titre à Roland­ suffirait que Wilander accéGarros devait être le lère ses coups et joue plus premier d’une longue long pour que l’impassible série. Il marquera en Suédois passe l’impassable fait le climax du Français. parcours d’un joueur 1 h 23. Noah sert pour le sequi n’avait «ni revers cond set. Wilander sort deux ni coup droit» mais un balles. Le Français conclut en physique exceptionnel rugissant à la volée. On crie et dont la personnalité moins son nom, mais on pourrait servir de l’applaudit toujours. mètre étalon. Yannick 1 h 27. Wilander prend des Noah mettra fin à sa risques, relance bien, fait le carrière en 1991, avec break d’entrée. Noah s’écoune esquisse de retour nomise un peu trop. Wilanen 1995, sans jamais der pourrait imposer son jeu. disparaître du paysage Il règne sans le stade un drôle tennistique hexagonal. de silence constipé. Capitaine de l’équipe 1h30. Wilander fait mine de de France de Coupe faire mine d’aller contester Davis ou de Fed Cup, une décision d’arbitrage. Il éternel recours du aurait tort. D’ailleurs, il tennis français ou de n’insiste pas, n’étant pas tout sportif tricolore McEnroe et soucieux qu’il est en panne de résultats, de sa jeune réputation de Yannick Noah reste joueur chevaleresque. comme l’un des très 1 h 42. Petits cris courageux très rares athlètes mais isolés : «Allez Wilanà avoir réussi sa der !» Mais personne n’ira reconversion dans un jusqu’à l’appeler Mats. Dédomaine totalement sarroi. différent de son sport 2 h 06. Deux jeux blancs du d’origine. Yannick Suédois suivi d’un jeu blanc Noah vient de fêter du Français. C’est très beau, ses 50 ans, il vend mais cela ne dure que trois des disques, il est la minutes. Noah sait qu’il faut personnalité préférée éviter à tout prix le quade ses compatriotes. trième set, et conclure sans Et il reste le dernier user ses longues et précieuFrançais vainqueur ses jambes: il aligne un pasà Roland­Garros. sing, un amorti, un smash et G.Dh. une volée croisée, tous gagnants. Le public hurle très fort : «No-ah !» et revient dans le match. 2h14. On commence à croire à la victoire de Yannick, mais le Suédois emporte le douzième jeu par deux retours dans les jambes de l’autre, qui donne une idée soudaine de ce dont il est capable. 2h19. Ça y est, c’est le tie-break. L’émotion est revenue, fidèle au rendez-vous. La fin du match se boucle sur le début du match. On a encore peur pour Noah qui est fatigué. L’arbitre Jacques Dorfman, dit souvent:«Un peu de silence, s’il vous plaît» et ajoute aussitôt, comme pour s’excuser, «merci». 2 h 21. La gorgée d’Orangina qui sauve. 2h24. La balle du match. Noah est devenu un fauve. Il a gagné: un homme dégringole des tribunes et tombe sur la terre battue. Son fils se rue vers lui. Noah père et fils s’étreignent. C’est très émouvant. Le public : «Hip-hip-hip, Noah !» •


ECONOMI • 13

LIBÉRATION SAMEDI 29 ET DIMANCHE 30 MAI 2010

À CHAUD LES INVESTISSEURS SE MÉFIENT DE LA CHUTE DU DÉFICIT PUBLIC

-0,29 % / 3 515,06 PTS 3 495 869 958€ -29,01%

CAP GEMINI ALCATEL-LUCENT VEOLIA ENVIRON.

DEXIA TECHNIP ARCELORMITTAL

10 208,65 -0,49 % 2 262,61 -0,66 % 5 188,43 -0,13 % 9 762,98 +1,28 %

LE GRAPH Nombre de demandeurs d’emploi en France métropolitaine, catégorie A, données CVS

AVRIL

3 millions

2,5

1,5

Source : Dares

JANVIER

2

LE CHÔMAGE REPART À LA HAUSSE La légère baisse du chômage du début d’année a fait long feu. Après 6600 demandeurs d’emploi en moins en mars, le nombre d’inscrits à Pôle Emploi en catégorie A (sans aucun emploi) est reparti à la hausse en avril: +15700 personnes (+0,6% sur un mois), soit 2677000 chômeurs en France métropolitaine. Sur un an, leur nombre augmente de 7,8%. Pour l’ensemble des catégories A, B, et C (comprenant ceux ayant exercé une activité réduite), l’augmentation est de 35200 chô­ meurs (+0,9% sur un mois, +10,5% sur un an). Les moins de 25 ans sont particulièrement touchés (+1,4% sur un mois), ainsi que les jeunes femmes (+2,5%). Ce qui n’a pas empêché la ministre de l’Economie, Christine Lagarde, de juger que si «les effets de la crise sur l’emploi n’ont pas dis­ paru, cette hausse n’interrompt pas la tendance observée depuis plusieurs mois à la stabilisation du marché du tra­ vail, notamment pour les jeunes».

4 à 5%

C’est la hausse que pourrait connaître le prix du gaz au 1er juillet, après celle de 9,7% en avril, conduisant ainsi les prix vers leur plus haut niveau historique. Le groupe GDF­Suez n’a ni confirmé ni démenti l’information, révé­ lée vendredi par les Echos et le Figaro, se contentant d’indiquer qu’il saisira la Commission de régulation de l’énergie (CRE) d’une éventuelle «proposition» de hausse. INSERTION Le contrat de transition professionnelle (CTP) va être expérimenté dans six bassins d’emploi, auprès de 600 à 900 chômeurs précaires (fin de CDD et d’interim). Il offre aux licenciés économiques un suivi personnalisé, assorti de 80% de leur ancien salaire brut pendant un an. AÉRIEN Le patron du groupe EADS, Louis Gallois, espère finaliser avant l’été le contrat de l’A400M, l’avion de transport militaire européen. «Nous avons signé début mars

un accord de principe, avec les sept pays clients de l’A400M. Il s’agit de le transformer en contrat. […] Aucun pays n’a indiqué son intention de remettre en cause l’accord de mars», indique Louis Gallois au journal Investir à paraître samedi. CHAMPS Le prix des terres agricoles a baissé en 2009 de 1,6% à 5090 euros l’hectare en France. Une première depuis quinze ans, selon la Fédération nationale des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural.

G Fitch baisse la note de la dette espagnole Après la Grèce et le Portugal, c’est au tour de l’Espagne de se trouver dans le viseur des agences de notation. L’agence Fitch a ainsi annoncé vendredi qu’elle abaissait d’un cran la note de la dette de Madrid, estimant que le nécessaire processus de réduction de la dette privée allait affecter les perspectives de croissance. «La dégradation reflète l’opinion que le pro-

cessus d’ajustement vers un niveau plus bas d’endettement privé et extérieur va matériellement réduire le taux de croissance de l’économie espagnole à moyen terme», estime l’agence, qui prive l’Espagne de la meilleure note possible «AAA», la rabaissant à «AA+». La dette privée espagnole regroupe les dettes contractées par les ménages, les entreprises et les banques.

L’agence maintient néanmoins la perspective de l’économie à «stable». L’Espagne est un des pays de la zone euro qui inquiète le plus les investisseurs en raison de la dégradation de son déficit public (11,2% du produit intérieur brut en 2009). Le pays a adopté d’impopulaires mesures d’austérité afin de le réduire à 6% en 2011 et 3% en 2013.

Mauvaisrendement pourlesheuressup TRAVAIL Les mesures censées augmenter le pouvoir

d’achat n’ont bénéficié qu’à une infime minorité. est une étude que le gouvernement a dû publier à reculons. Diffusée le 21 mai sur le site du ministère du Travail, une enquête réalisée par la Dares (service statistiques du ministère) à l’automne 2008 dresse un bilan assassin du dispositif sur les heures supplémentaires défiscalisées issu de la loi Tepa du 21 août 2007. Première chose : la mesure phare du candidat Nicolas Sarkozy sur le pouvoir d’achat, déclinaison du slogan «travailler plus pour gagner plus», n’a concerné qu’une très faible partie des salariés. Ainsi, selon l’enquête, entre le 1 er octobre 2007 (date d’application de la loi) et septembre 2008, «80% des salariés des secteurs concurrentiels étaient employés dans des entreprises déclarant ne pas avoir accru leur recours aux heures supplémentaires». Ce qui signifie, a priori, que seuls 20% des salariés travaillaient dans des entreprises qui ont déclaré avoir augmenté leur volume d’heures sup. Mais le chiffre réel est encore plus faible car, comme le dit la Dares, ces heures ne concernent «souvent qu’une fraction des salariés employés par les entreprises». Seule consolation pour l’immense majorité des salariés dont le volume d’heures sup n’a pas augmenté : ils ont pu bénéficier de l’exonération de cotisations prévue dans la loi, mais pour un montant moyen équivalent, selon nos calculs, à une dizaine d’euros par mois pour un smicard. Deuxième point : l’enquête casse le mythe des heures

C’

sup accordées par l’employeur à ses salariés à la suite d’une demande de ces derniers. Parmi les entreprises qui ont augmenté leur volume d’heures sup, 65% le justifient d’abord par une croissance de leur activité, 56% en raison de leur moindre coût, et 41% à cause de difficultés de recrutement. Mais le motif selon lequel «les salariés l’ont demandé» ne vient qu’en quatrième position (40%). Inversement, pour 82% des entre-

crutement en CDD ou CDI», même s’ils ont été moins fréquents (44% en terme d’effectifs). Ces proportions sont plus importantes quand le motif premier d’un recours accru aux heures sup est la baisse du coût. Dans ce cas-là, les entreprises sont 60% (en terme d’effectifs) à avoir moins recouru à l’intérim et 51% à avoir moins recruté. L’autre mesure destinée à augmenter le pouvoir d’achat des cadres, tout en mettant à mal les 35 heures Avec les heures sup, (rachat de des arbitrages ont été faits jours de RTT), «en défaveur du recrutement n’a pas non en CDD ou CDI», plus rencontré un franc sucnote l’enquête de la Dares. cès. Selon prises qui n’ont pas eu da- l’enquête, 16% à 17% des savantage recours aux heures lariés, cadres et employés, sup, c’est parce que «l’évolu- auraient adressé une detion de notre activité ne l’a pas mande de rachat de jours justifié». RTT à leur entreprise. Troisième enseignement de Reste que si ces dispositifs cette enquête, pressenti de- (heures supplémentaires et puis le début par les détrac- rachat de jours de RTT) ont teurs: l’effet de substitution peu fonctionné, ils ont tout à l’emploi. Plus de la moitié de même coûté, selon les des entreprises qui ont aug- chiffres fournis par menté leur volume d’heures l’Acoss (la banque de la Sésup (52% en termes d’effec- curité sociale), près tifs) déclarent avoir privilé- de 3 milliards aux finances gié cette option au détriment publiques en 2008, des intérimaires. De la même dont 700 millions au bénémanière, des arbitrages ont fice des entreprises. été faits «en défaveur du reLUC PEILLON

lundi 14 juin

LA PERF

LES SALARIÉS DE PTPM RÉEMBAUCHENT… L’équipementier automo­ bile Trèves s’est vu ordonner vendredi par les Prud’hommes de Reims la réouverture sous 48heures du site de sa filiale PTPM d’Aÿ (Marne), fermé «tem­ porairement» après la séquestration de trois diri­ geants fin avril. Trèves avait annoncé en avril 2009 la fermeture définitive de deux sites en France, celui d’Aÿ et celui de la Sodima­ tex, à Crépy­en­Valois (Oise). Les 130 salariés de PTPM ont multiplié les actions en justice pour faire annuler et sus­ pendre les procédures de licenciement.

LA CONTRE­PERF

…CEUX D’AIR FRANCE DÉTALENT Les salariés d’Air France sont partants: 1991 se sont portés candidats au départ volontaire dans le cadre du plan social lancé début 2010. La direction de la compagnie aérienne a indiqué vendredi que 1800 demandeurs ont obtenu satisfaction, confir­ mant ainsi une information du quotidien laTribune. Ces «1800 départs accep­ tés à ce stade correspon­ dent à 1684 équivalents temps plein», soit le nom­ bre visé, selon une porte­ parole. Air France aura réduit ses effectifs de 10% entre 2008 et 2011.


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LIBÉRATION SAMEDI 29 ET DIMANCHE 30 MAI 2010

Monique Barbut, du Fonds pour l’environnement mondial, revient sur son budget record:

«Pasdescentainesdemilliards maisdel’argentbienemployé» Par LAURE NOUALHAT Envoyée spéciale à Punta del Este (Uruguay)

C

Au Brésil, une équipe de l’Arpa dont la mission, financée par le FEM, est de répertorier les espèces menacées. PHOTO PETER FRIES.ARROW HEAD FILMS. GEF FEM finance 1000 éoliennes, c’est parce qu’un Etat aura dû répondre à un besoin énergétique. Ce pays aurait pu construire une centrale à charbon, puisque c’est la technologie la moins chère. En choisissant des éoliennes, il doit supporter un surcoût. C’est ce que nous payons. N’oubliez pas que le FEM est le mécanisme de financement de l’ensemble des conventions environnementales de l’ONU : celle du climat, mais aussi celles sur la désertification, la diversité biologique, les polluants organiques persistants… Nous sommes donc capables d’investir dans des projets à forte synergie, encore plus efficaces au niveau mondial. Un programme sur les récifs coralliens englobe ainsi diverses problématiques : la protection des océans et de la biodiversité, le captage du carbone, et le développement car la pêche côtière est vitale pour des millions de personnes. Certains réclament des centaines de milliards de dollars pour l’adaptation des pays les plus pauvres. DR

ombien pour sauver la planète ? 4,25 milliards de dollars (environ 3,5 milliards d’euros). C’est bien moins que ce qui a été mis sur la table pour sauver l’économie grecque mais c’est le montant que le Fonds pour l’environnement mondial (FEM) vient de INTERVIEW récupérer cette semaine lors de sa 4e assemblée générale. Méconnu et parfois décrié, ce fonds reste le principal mécanisme financier permettant de mettre en œuvre les conventions onusiennes sur l’environnement. Mais personne ne le connaît, ou presque. Créé en 1991, il dépend de la générosité de 30 pays donateurs qui, tous les quatre ans, doivent remettre au pot. Cette année, un montant historique a été dégagé grâce à l’engouement international pour la lutte contre les changements climatiques. Mais pour Achim Steiner, patron du Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue), cela reste inadéquat face aux enjeux. La Française Monique Barbut, qui préside le FEM depuis juillet 2006, revient sur les aléas de ce fonds et ses 4,25 milliards de dollars de budget. Après dix-neuf ans d’existence, le FEM souffre d’un déficit d’image. Comment l’expliquez-vous? C’est dû à notre fonctionnement. Nous donnons de l’argent à des agences – le Programme des Nations unies pour l’environnement, celui pour le développement, les banques de développement etc.– et ce sont elles qui encadrent la mise en œuvre des projets dans les pays. Le FEM n’apparaît pas et aucune de ces agences n’a envie de nous mettre en avant. Cet anonymat commence à peser: les pays donateurs s’interrogent sur l’intérêt de passer par nous et les pays en développement nous voient comme une boîte noire. Mon budget de communication est de 500 000 dollars par an, c’est ridicule ! Ces 4,25 milliards sont-ils suffisants au regard des enjeux environnementaux? Ce n’est pas lourd mais le FME ne finance pas la totalité des projets qui se montent à travers le monde: nous ne sommes qu’un «aspirateur» servant à attirer les fonds d’autres institutions. Si demain, le

Il ne faut pas des centaines de milliards, mais de l’argent bien employé. On veut aider les pays les plus pauvres. Or, ils ne peuvent pas gérer des sommes pareilles. On ne peut pas confier à des pays l’équivalent de leur budget juste pour les questions climatiques. Pour certains donateurs, rien ne vaut la Banque mondiale… C’est en train de changer. Depuis que le FEM existe, son budget n’a cessé de baisser car personne ne se retrouvait dans ce mécanisme. Les pays en développement estimaient que ce n’était qu’un «machin» de plus, un faux-nez de la Banque mondiale, et les pays donateurs trouvaient que le mix ONUbanques de développement n’était pas le comble de l’efficacité. Quand j’ai pris la tête du FEM, le moral était au plus bas. Parallèlement à cela, la Convention sur les changements climatiques a pris de l’ampleur et gagné une certaine autonomie politique. Mais il y a toujours une compétition

pour savoir qui doit gérer l’argent du climat… Certains pays ont profité de l’affaiblissement du FEM dans le passé pour discuter d’un mécanisme de financement différent. Par exemple, les grands émergents auraient préféré que l’on crée un grand fonds à l’intérieur de la convention climatique. Mais si les bailleurs ont accepté de mettre autant d’argent cette année, c’est qu’ils n’ont pas l’intention de le tuer et considèrent qu’il a un rôle à jouer. Certaines des promesses annoncées à Copenhague vont se concrétiser dans le cadre du FEM. Avec 575 millions de dollars de donations, les Etats-Unis amorcent leur participation. Le trio Brésil-Chine-Inde rafle la mise, ce qui agace les démunis. Ces trois pays ont eu les gros morceaux, certes, même si on oublie toujours que le deuxième récipiendaire est la Russie. Mais il faut arrêter d’être démago : si l’idée est d’atténuer les gaz à effet de serre, il faut aller où il y en a ! Avec nos programmes, on a évité l’émission de 3 milliards de tonnes de CO2 à un coût inférieur à 1 dollar la tonne. •

REPÈRES 180 délégations ont participé cette semaine à la 4e assem­ blée générale du Fonds pour l’environnement mondial, à Punta del Este, en Uruguay. La dernière s’était tenue en 2006 en Afrique du Sud.

«Les économistes doivent approfondir leur culture écologique et les écologistes leur culture économique.» Achim Steiner patron du Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue)

+52%

C’est la hausse que connaît le budget actuel du FEM par rapport au précédent, alloué en 2006.


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LIBÉRATION SAMEDI 29 ET DIMANCHE 30 MAI 2010

BALEINE L’Australie a annoncé vendredi qu’elle allait demander à la Cour internationale de justice de La Haye d’interdire la chasse à la baleine par le Japon et s’est voulu rassurante quant aux effets de cette saisine sur ses relations commerciales avec l’archipel. «Nous voulons faire cesser, dans l’Antarctique, la chasse à la baleine au nom de la science», a-t-elle déclaré. Les Japonais pêchent chaque année plusieurs centaines de baleines au nom de la recherche scientifique alors que la chasse commerciale est interdite depuis 1986.

Barack Obama, venu constater les dégâts sur les côtes de Louisiane, vendredi. JIM WATSON. AFP

Louisane:BPcolmate lafuite,paslescritiques MARÉE NOIRE Accusé de négligence et de mensonges, le

pétrolier est presque parvenu à boucher son puits percé. l faudra attendre dimanche pour savoir si l’opération «top kill» peut stopper la fuite de pétrole au fond du golfe du Mexique, indiquait British Petroleum vendredi. Depuis mercredi, le pétrolier injecte de la boue à forte pression dans les conduits menant à son puits et dit avoir provisoirement réussi à enrayer le flot de pétrole. Mais le bouchon n’étant pas étanche, BP voulait le compléter vendredi par un «junk shot», une injection de débris, avant de cimenter. Même si BP réussit à sceller son puits, cette marée noire aura étalé une belle suite de ratés, depuis l’accident jusqu’à la gestion de la crise. Anomalies. Le 20 avril, jour de la catastrophe, les équipes de BP et de Transocean, son contractant (propriétaire de la plateforme Deepwater Horizon), sont en train d’achever le forage d’un puits sur le gisement Macondo, à 80 kilomètres au large de la Louisiane. L’opération a plusieurs semaines de retard. BP, qui paie 533000 dollars par jour la location de la plateforme à Transocean, est pressé d’en finir. Il compte aussi sur Deepwater Horizon pour démarrer un autre forage le 8 mars. Dans les heures précédant l’explosion, plusieurs anomalies sont constatées par les ingénieurs à bord : le puits n’est pas étanche, sa pression trop élevée. Mais l’ordre est malgré tout donné de le sceller.

I

Lors des auditions parlementaires, BP a tenté de renvoyer la faute sur Transocean. Lequel a pointé du doigt Halliburton, un autre sous-traitant, chargé des travaux de cimenterie dans les jours précédant l’accident. Transocean était «responsable de la sécurité des opérations de forage», a accusé Lamar McKay, président de BP America. Transocean était aussi propriétaire du fameux BOP (Blowout Preventer ou bloc obturateur de puits), celui-là même que BP essaie de remplir de boue et qui aurait dû se refermer automatiquement en cas d’incident. «Le sujet clé, c’est la défaillance du BOP de Transocean», a lancé Tony Hayward, le patron de BP. Transocean se défend en rappelant que la responsabilité finale revient toujours à l’opérateur, BP donc. Dans les heures précédant l’accident, des disputes avaient déjà éclaté entre les responsables de BP et de Transocean sur la procédure à suivre face aux anomalies de ce puits, ont raconté les survivants de la plateforme. Jusqu’à preuve du contraire, c’est pourtant BP qui a eu le dernier mot et porte la responsabilité principale. Mais Tony Hayward signalait vendredi encore qu’il espère bien diluer cette responsabilité : «Il y a eu des problèmes d’équipement, des défaillances humaines et peut-être des erreurs de jugement.»

Le pétrolier et les autorités américaines ont réussi à cacher pendant plus d’un mois la quantité de pétrole réellement déversée dans le golfe du Mexique. La première estimation de BP faisait état de 1 000 barils de pétrole par jour (159 000 litres). Elle fut ensuite révisée à 5000 barils (800 000 litres). Il aura fallu attendre ce jeudi pour qu’un groupe d’experts, réunis à la demande du gouvernement fédéral, révèle que le flot avait été deux à trois fois supérieur durant toute cette période : 12 à 19 000 barils par jour (1,9 à 3 millions de litres). Ce qui fait de cette marée noire la pire de l’histoire américaine, mais aussi un modèle de dissimulation. Roseaux. L’objectif premier de BP était de combattre le pétrole au large, et cette bataille a été perdue. Les plages et les marais de Louisiane sont envahis par une nappe épaisse en certains endroits. Au moins 110 kilomètres de côtes sont contaminés. Le bayou, maquis impénétrable de roseaux qui abritait une faune très riche, «ne pourra pas être nettoyé», note Tamara Augustine, responsable du parc national de Grand Isle : «On parle de brûler le marais, mais le mieux serait de ne rien faire, laisser le pétrole plutôt que d’envoyer des nettoyeurs qui vont faire plus de dégâts.» Envoyée spéciale à Grand Isle (Louisiane) LORRAINE MILLOT

POLLUTION Une mesure multipliant par plus de quatre une taxe imposée aux compagnies pétrolières a été approuvée par la Chambre des représentants américaine vendredi, afin d’alimenter un fonds d’indemnisation des dégâts causés par les marées noires comme celles du golfe du Mexique (lire ci-contre). VÉLO Après Paris, Barcelone et beaucoup d’autres, Londres se met au vélo en libreservice. Le maire de la ville a présenté vendredi aux Londoniens les premiers modèles, qui seront disponibles en juillet.

«J’ai une mission qui est de multiplier par trois les transports ferroviaires en France, notamment les LGV [lignes à grande vitesse, ndlr], dans le cadre du Grenelle de l’environnement.»

CARNET naiSSance

Dimitri Makowski-Aiguier Vaison, 2 mai 2010 Et de deux...

Les Chapuis, chapeau ! Bienvenue à

Lucy

née le 23 mai. Bises à Marius et Maud.

Jean­Louis Borloo ministre de l’Ecologie, vendredi à Roquefort (Lot­et­Garonne)

809027 C’est, en euros, le montant des coûts de ramassage et de traitement des algues vertes pour les collectivités bretonnes en 2009, en très nette hausse par rapport à 2007 (345063 euros). Il faut dire que les volumes ramassés ont également augmenté, passant de 27150 à 60642 m3 sur la même période. La chambre régionale des comptes de Bretagne a souligné l’augmentation de ces dépenses dans une note interne publiée vendredi.

Charlie a le plaisir de vous annoncer la naissance de sa sœur. Pour le plus grand plaisir de ses parents, Frédérique et Vivien

GEORGIA MARCHAL

née le samedi 22 mai 2010 à Paris AUVRAY / MARCHALTUFFELLI 87 rue Bobillot - Paris 13e

DécèS Toute l'équipe de Libération a la très grande tristesse de vous faire part du décès de

Philippe MARCHESSEAU journaliste,

AREVA RENONCE À EXPÉDIER DE L’URANIUM APPAUVRI EN RUSSIE Areva va cesser d’envoyer de l’uranium appauvri vers la Russie à partir de juillet, a indiqué vendredi le groupe nucléaire, confirmant une information révélée par l’asso­ ciation écologiste Greenpeace. Areva expédie chaque année plusieurs tonnes d’uranium appauvri vers la Russie afin de le faire réenrichir dans les usines du consortium nucléaire russe Rosatom. Cet uranium avait vocation à être rapatrié en France où il devait servir à alimenter les centrales nucléaires françaises. Mais ces dernières années, la matière était tout simplement abandonnée en Russie, comme l’a révélé en octobre un reportage diffusé sur Arte, Déchets, le cauchemar du nucléaire, coréalisé par notre collègue Laure Noualhat. Le contrat d’Areva avec son partenaire russe Tenex (filiale de Rosatom) cou­ rait jusqu’en 2014, avec une renégociation possible pour la période 2011­2014. «Nous nous sommes mis d’accord sur une fin de contrat en 2010 à cause d’un désaccord sur les conditions commerciales», a déclaré Areva. PHOTO AFP

survenu le 28 mai, dans sa 48e année. Elle s'associe à la douleur de la famille et de ses proches. Une messe sera célébrée, mardi à 10h, à l'église de Montblanc (Hérault).

SouvenirS Tu es parti à l'aube du 29 mai 1988

Antoine,

le temps est resté immobile.

La reproduction de nos petites annonces est interdite

Le Carnet

Christiane Nouygues 0140105245

carnet-libe@amaurymedias.fr


SPORTS L’Euroévénementdufoot-business

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LIBÉRATION SAMEDI 29 ET DIMANCHE 30 MAI 2010

Le secteur espère beaucoup de l’attribution, vendredi, du championnat d’Europe 2016 à la France. Par SYLVAIN MOUILLARD et RÉMI DUPRÉ

4500 postes pour l’entretien des sites. Si l’organisation d’un tournoi international de foot n’a qu’un ime sport est une réponse à pact modéré sur le PIB du pays la crise.» Peu avant hôte, de nombreux acteurs profitel’adoubement, ven- raient de cet élan. Au premier rang dredi, de la France desquels figurent les clubs de Licomme pays hôte de l’Euro 2016, gue 1, dont le représentant, FrédéNicolas Sarkozy avait opté pour ric Thiriez, ne manque jamais de l’argument économique lors de son souligner le criant décrochage par plaidoyer prononcé à Genève de- rapport aux autres écuries eurovant le comité exécutif de l’UEFA. péennes. «Ce chantier permettra Une fois le triomphe hexagonal ac- d’augmenter la fréquentation des staquis, le raisonnement prédes du championnat à plus sidentiel mérite d’être ANALYSE de 30 000 spectateurs en ausculté. Bénéficiant d’un m o ye n n e [ c o n t re réseau de transports et d’hôtellerie 20 000 actuellement] et séduira de de qualité, la France s’attend déjà nouveaux sponsors», pense Christoà une évidente embellie touristique. phe Bouchet, directeur de l’agence Mais l’ambitieux chantier des sta- marketing Sportfive. Celle-ci avait des préfigure-t-il à long terme un évalué en janvier à 183 millions cercle économique vertueux pour d’euros annuels les ressources suple foot français ? «Donnez nous des plémentaires dégagées grâce aux beaux stades, on se charge du reste», rénovations des arènes. Des stades rabâchent ses dirigeants. A vérifier. remplis permettraient aussi aux clubs de «sortir de la dépendance LIFTING. Avec la construction de aux droits télé, qui représentent quatre enceintes modernes (Lyon, aujourd’hui environ 55% des budgets Lille, Bordeaux et Nice) et le néces- de L1 et L2», détaille Frédéric Bolosaire lifting de huit stades existants, tny, économiste au Centre de droit ce plan architectural contraste avec et d’économie du sport de Limoges. l’élévation solitaire du Stade de Son confrère Didier Primault renFrance en vue du Mondial 98. Selon chérit: «La billetterie des clubs pros la Ligue du foot professionnel, cet ne représente que 15% de leurs recetimmense chantier devraient géné- tes. L’objectif est de réhausser ce rer 15 000 emplois (BTP) et poste de leurs revenus.» L’exemple des enceintes allemandes bâties pour le Mondial 2006 sert de référence. Chaque week-end, la BunREPÈRES desliga rassemble près de 42000 spectateurs par match. «Les recettes de billetterie y sont trois fois supérieures à chez nous, notamment grâce aux loges, ajoute Didier Primault. Mais on est loin du modèle anglais aux tarifs prohibitifs. L’objecC’est le nombre d’équipes qui tif est de moderniser des enceintes participeront à l’Euro 2016, vétustes sans provoquer de flambée contre seize habituellement. des prix.» L’idée c’est aussi de transformer le supporteur en consommateur passant à la caissse pour boire, manger, acheter des LES 12 STADES produits dérivés. L’effet domino Neuf villes –plus trois dési­ devrait inciter les trois enceintes gnées comme stades de réservistes et les autres projets de réserve– accueilleront des stades (Valenciennes, Le Mans) à matchs pour l’Euro 2016. élever leur standing.

«L

24 w Déjà prêt

La Seine­Saint­Denis (Stade de France). w A rénover Paris (Parc des Princes), Lens (Félix­Bollaert), Strasbourg (La Meinau), Nancy (Marcel­ Picot), Saint­Etienne (Geoffroy­Guichard), Marseille (Vélodrome), Toulouse (Stadium). w A construire Lille (Grand stade), Lyon (OL Land), Nice (Grand stade), Bordeaux (Grand stade).

RÔLES. Malgré son volontarisme, l’Etat a fait preuve d’un interventionnisme modéré sur fond de récession. Sur le 1,7 milliard d’euros qu’engloutira le chantier des stades, il ne débloquera que 150 millions. Le reste sera à la charge des collectivités et, pour 60%, à celle d’investisseurs privés, surtout des entreprises de BTP. «Les pouvoirs locaux ont intégré que gérer et exploiter un stade est un métier à part entière, qui relève du privé», analyse Didier Primault. Les rôles sont clairement répartis: le public assure la

Le stade de la Meinau, à Strasbourg, pourrait accueillir des matchs de l’Euro 2016. JEAN­PAUL THOMAS. ICON SPORT maîtrise d’ouvrage et délègue la gestion du site au club en échange d’un loyer. Grand rêve de Jean-Michel Aulas, l’OL Land reste une exception avec un financement 100% privé. Ici, élus locaux et bâtisseurs peinent à s’accorder. «Les retombées économiques dépendront du contexte local. D’évidentes disparités apparaîtront entre les régions», prévoit Nicolas Fernandez, analyste du sport chez Ineum Consulting.

Certitude des décideurs , le business du ballon rond représente un marché durable. «Contrairement à l’impact économique éphémère des JO, un Euro de foot fournit un héritage sur plusieurs décennies», affirme Nicolas Fernandez. A condition de remplir les stades. «Il ne suffit pas qu’ils soient grands et beaux. Il y a une politique commerciale cohérente à mettre en place avec les supporteurs, mais je ne suis pas

sûr que les clubs de L1 soient les plus au point», avertit Didier Primault. Lille, qui évolue au Stadium de Villeneuve d’Ascq devant 15000 spectateurs, remplira-t-il son futur grand stade (48 000 places) ? «Le risque, ce sont les éléphants blancs dont on parle aujourd’hui au Portugal. Les enceintes construites à l’occasion de l’Euro 2004 sont surdimensionnées et à moitié vides», prévient-il. •


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L’HISTOIRE

EN PLEIN RALLYE, LOEB ÉVITE UN MOTARD VENANT EN SENS INVERSE On a peut­être frôlé le drame vendredi sur les routes du rallye du Portugal, mais Sébastien Loeb, sextuple cham­ pion du monde, a évité de justesse un motard venant en sens inverse. «Il y a une moto en face», a simplement dit Loeb, très concentré, à son copilote, Daniel Elena. «Oui, j’ai vu!» a répondu sans se démonter le Monégasque, qui a continué à lire les notes de cette spéciale de Santa Clara (22km), dans laquelle la C4 de Loeb s’élançait en premier, juste après les voitures ouvreuses. Vendredi, Loeb occupait la 3e place du rallye.

Jo­Wilfried Tsonga au service vendredi contre le Néerlandais Thiemo de Bakker. PHOTO PATRICK KOVARIK. AFP

Roland-Garros:Jo-Wilfried Tsongaaeuchaudauxfesses TENNIS Malgré une douleur au postérieur, le Français a battu le Néérlandais

De Bakker (7-6, 6-7, 6-3, 6-4). Ça passe aussi pour Marion Bartoli. près une journée de jeudi tronquée par la pluie qui avait obligé la direction du tournoi à annuler une quarantaine de rencontres, les cadences infernales ont été de mise dès vendredi matin à RolandGarros. Quelques têtes de série ont eu l’élégance d’expédier les affaires courantes histoire de redonner de l’air à la programmation. Rafael Nadal a réglé une formalité en sortant l’Argentin Horacio Zeballos (6-2, 6-2, 6-3) pour foncer sur Lleyton Hewitt qu’il retrouvera pour la 4e fois à Roland-Garros. Roger Federer n’a pas plus traîné en chemin, facile vainqueur de l’Allemand Julian Reister (6-4, 6-0, 6-4) qui a pourtant montré de très belles choses. Mais face à Roger… Grosse déception pour l’Italien Fabio Fognini, éblouissant tombeur de Monfils, mais inexistant et sorti en trois sets par le Suisse Stanislas Wawrinka (6-3, 6-4, 6-1). Revanche. Le gros match chez les garçons concernait le Français Jo-Wilfried Tsonga, qui retrouvait le Néerlandais Thiemo De Bakker. Tsonga l’avait battu en Coupe Davis en 2009, mais, il y a un mois, il n’avait pas pu empêcher De

A

Bakker de prendre sa revanche sur la terre de Barcelone, en trois sets. De quoi instiller une pointe de doute dans l’esprit du Français. Et le doute, ce n’est pas bon sur un court, surtout face à un joueur de la trempe de De Bakker, ancien numéro 1 mondial juniors, qui, outre une force de frappe impressionnante, sait à peu près tout faire sur un terrain. Si la tête de Tsonga a bien tenu, c’est sa fesse droite qui a eu des faiblesses dès la fin du premier set, perdu par le numéro 1 français. «Ça n’a rien à voir avec les efforts des matchs précédents. C’est juste que je me suis contracté», expliquera t-il à la sortie du court, qu’il a failli quitter prématurément tant la douleur était vive. Mais après avoir gagné le 2e set au jeu décisif puis le 3e (6-3), il paraît que c’est le public qui lui a donné la force de rester dans la partie. Obligé de varier son jeu, entre série d’amortis et gros échanges de fond de court, Tsonga a gratté une mini-faille dans le jeu bétonné du Néerlandais, pour lui chiper son service dans le 4e set et préserver on ne sait par quel miracle ce petit avantage (6-4). Serrat

et Mahut battus, Tsonga reste donc l’unique survivant tricolore du tableau masculin. Ecueils. Chez les filles, Marion Bartoli a été expéditive pour terminer le boulot face à sa compatriote Olivia Sanchez, à l’occasion d’un match d’un niveau indigent (7-5, 6-2). Aravane Rezaï, elle, a tellement traîné qu’elle reviendra samedi pour terminer son match contre la Russe Petrova, interrompu à 7-7au 3e set. Les sœurs Williams ont soigné le travail. A ce rythme, elles pourraient se retrouver en finale. Avec tout de même quelques écueils en chemin. Justine Henin, par exemple (côté Serena), qui a expédié Klara Zakopalova (6-3, 6-3).

Cette victoire offre une des belles affiches du week-end, puisque la Belge de 27 ans retrouvera Maria Sharapova, 23 ans (victorieuse de Kirsten Flipkens, 6-3, 6-3) samedi. Un choc entre deux ex-numéro 1 mondiales au 3e tour d’un tournoi du Grand Chelem, c’est rare. Il s’agira du dixième match entre les deux filles, mais surtout du premier depuis la cuisante défaite (6-4, 6-0) d’Henin en quart de finale de l’Open d’Australie 2008, qui avait contribué à la pousser, trois mois plus tard, vers une retraite dont elle est sortie l’automne dernier pour remonter dans l’ascenseur vers le sommet du tennis féminin. LIONEL FROISSART

LES PRINCIPAUX RÉSULTATS Simple messieurs (2e tour): Melzer (Aut. n°22) bat Mahut (Fra.) 6­1, 3­6, 7­6 (9/7), 6­4. Djokovic (Ser. n°3) bat Nishikori (Jap.) 6­1, 6­4, 6­4. Verdasco (Esp. n°7) bat Serra (Fra.) 6­2, 6­2, 0­6, 6­4. Dolgopolov Jr. (Ukr.) bat Gonzalez (Chi. n°12) 6­3, 6­4, 6­3. 3e tour: Murray (G.­B. n°4) bat Baghdatis (Chy. n°25) 6­2, 6­3, 0­6, 6­2. Berdych (Tch. n°15) bat Isner (E.­U. n°17) 6­2, 6­2, 6­1. Soderling (Suè. n°5) bat Montanes (Esp. n°29) 6­4, 7­5, 2­6, 6­3. Simple dames (2e tour): Stosur (Aus. n°7) bat De Los Ríos (Par.) 4­6, 6­1, 6­0. Wickmayer (Bel. n°16) bat Bammer (Aut.) 7­6 (7/4), 1­6, 7­5 . Wozniacki (Dan. n°3) bat Dulgheru (Rou. n°31) 6­3, 6­4.

FOOT José Mourinho au Real Madrid, c’est officiel. Le club madrilène et l’Inter Milan sont parvenus à un accord vendredi. Les deux clubs n’ont fourni aucune précision sur les modalités financières de la transaction. Selon les médias espagnols, l’Inter a accepté le paiement par le Real de 8 millions d’euros pour lâcher le «Special one», alors que le club italien exigeait jusqu’à présent 16 millions.

FOOT Philippe Lahm sera capitaine de l’Allemagne au Mondial. Le défenseur du Bayern a été choisi par le sélectionneur Joachim Löw après le forfait sur blessure de Michael Ballack. Le joueur de 26 ans, sélectionné à 64 reprises en équipe nationale, faisait figure de favori pour ce poste. Lahm a également choisi son gardien titulaire, ce sera Manuel Neuer, qui tient habituellement les cages de Schalke 04.

«Manchester United n’est pas à vendre. Nous n’étudierons aucune offre de rachat.» La famille Glazer propriétaire du club, après des articles lui prêtant l’intention de se retirer

LE GRAPH CIRCUIT D’ISTANBUL PARK DIMANCHE, HEURES TF

93 km/h 310 km/h

94 km/h

156 km/h 134 km/h

232 km/h 141 km/h LONGUEUR TOUR

KM

NOMBRE DE TOURS COURSE RECORD TOUR

KM ’

99 km/h 127 km/h

270 km/h (4,48 G)

Source : www.formula1.com

L’ÉQUIPE RED BULL EN PISTE EN TURQUIE POUR SE DÉPARTAGER Après le tourniquet monégasque, place aux grandes courbes rapides et dévoreuses de pneumatiques du toboggan turc. La 7e manche du championnat va au moins permettre aux pilotes de l’équipe Red Bull­Renault de se départager; après leurs doublés en Espagne et en Princi­ pauté, Webber et Vettel se partagent la première place du classement provisoire avec un petit avantage à l’Aus­ tralien au nombre de victoires. Fernando Alonso, toujours dans le sillage des pilotes de l’écurie autrichienne au championnat, après avoir limité les dégâts à Monaco en partant de la dernière place au volant de sa Ferrari, ne se fait pas beaucoup d’illusion sur la possibilité d’inquiéter les monoplaces du génial Adrian Newey. «Les Red Bull seront à nouveau très fortes, Elles sont devant tout le monde et je ne pense pas que cette piste va vraiment modifier la hiérarchie, se résignait l’Espagnol vendredi. Nous allons nous battre avec Mercedes et McLaren.» Des McLaren qui ont dominé la première journée d’essais, vendredi. L.F.


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LIBÉRATION SAMEDI 29 ET DIMANCHE 30 MAI 2010

Le pack de Clermont face à Montauban, 15e journée du Top 14. PHOTO MANUEL BLONDEAU. ICON SPORT

Jean-Marc Lhermet, manager de Clermont, évoque la finale du Top14 qui l’oppose de nouveau à Perpignan:

«L’histoiren’influerapassurlejeu» Par DINO DIMEO

travailler sur le mental. Cela s’est fait par petits groupes. En sport, le près trois échecs contre mental est tellement important le Stade français, le Stade aujourd’hui qu’on ne peut pas ne toulousain et l’Usap pas en tenir compte. Il a fallu anaPerpignan, Clermont- lyser pourquoi il y avait eu défaite, Ferrand dispute sapuis comprendre commedi, à nouveau contre ment ne pas recommetINTERVIEW les Catalans, sa quatre les mêmes erreurs. Il trième finale de Top 14 d’affilée. y a tellement de paramètres qui Jean-Marc Lhermet, directeur font que l’on gagne ou pas… sportif du club auvergnat, décrypte Comment vous êtes-vous remis au l’état d’esprit de son équipe. travail? Comment se refait-on un moral Avec beaucoup de cœur. Les après trois échecs consécutifs? joueurs avaient envie de se retrouPerdre un match, c’est déjà dur. ver. Ensuite, on a eu deux baisses de Quand c’est une finale, régime dans la saison, en c’est encore pire. On novembre et en février. s’est posé la question de Cela correspondait aux savoir comment périodes où beaucoup l’équipe allait réagir. Et d’internationaux étaient j’ai l’impression qu’on sélectionnés pour les en est ressortis plus tournées ou le Tournoi. II forts. Le groupe s’est y a eu jusqu’à dix absents renforcé au travers de ses trauma- sur un groupe de trente-six ! Et les tismes. Cela lui a donné encore plus meilleurs… Puis, l’équipe a repris envie d’y arriver. confiance, s’est aguerrie. Je pense Clermont a déjà perdu dix finales qu’elle est plus forte que l’an derquand même… nier. Tout le monde nous ressasse notre Le fait de rejouer contre Perpignan, histoire mais ce n’est pas la finale une équipe que vous connaissez par qu’on a perdue en 1936 ou 1937 qui cœur, est-ce un inconvénient ou un compte. Que cela ait marqué l’his- avantage? toire du club et que l’on ressente On préférerait jouer face à une cette identité, c’est vrai. Mais cela équipe inconnue. On ne se cassen’influera pas sur le jeu samedi. rait pas trop la tête pour savoir Avez-vous effectué un travail comment faire. On se connaît tellepsychologique? ment bien qu’on ne sait pas trop En début de saison, nous avons fait comment on va jouer l’un contre appel à une personne chargée de l’autre. On sait qu’elle peut chanAFP

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ger de jeu. Elle sait aussi qu’on sait et que nous sommes capables de changer aussi. L’Usap est une équipe complète, forte devant, derrière, et avec des qualités énormes. Cette année, même si ce sont les mêmes joueurs et entraîneurs que la saison dernière, leur jeu a évolué. Tout comme le nôtre. Cette année, vous l’avez rencontrée à deux reprises, une victoire et une défaite… Pour nous, c’est du passé. C’était un autre contexte, une autre équipe. Et on ne peut pas comparer ça avec une finale. Je dirais que les deux équipes se ressemblent beaucoup.

La force d’une équipe ce n’est pas forcément les quinze joueurs qui sont sur le terrain. C’est le groupe des trente-six et la façon dont il a été géré tout au long de la saison. Etre passé par les barrages, est-ce une bonne chose pour l’ASM? Sportivement, entretenir une dynamique en jouant, il n’y a rien de mieux. De ce côté-là, c’est un avantage. Ensuite, c’est plus fatiguant pour les organismes, ça fait un match de plus, un match à risque où on peut perdre. En plus, le match contre le Racing (21-17) a été très compliqué, très dur physiquement et mentalement. Mais il nous

REPÈRES

«Ce n’est pas grâce aux jetons de présence que l’on a le droit de toucher au gâteau.» Jacques Brunel manageur de l’Usap, à propos des finales perdues par Clermont.

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millions d’euros, c’est le bud­ get annuel de Montferrand, 3e «fortune» du Top 14. L’Usap affiche 12 millions de budget.

w L’AS Montferrand, fondée en 1912, a été dix fois vice­cham­

pionne de France entre 1936 et 2009, elle a remporté trois fois le challenge Yves­du­Manoir et deux fois le Challenge euro­ péen. Troisième du Top 14, elle a battu le Racing en barrage puis Toulon en demi. w L’Usap, née en 1933, a remporté sept fois le championnat de France entre 1914 et 2009 et trois fois le Challenge Yves­du­ Manoir. Première du Top 14, elle a battu Toulouse en demi­finale.

a endurcis. Nous n’aurions pas gagné face à Toulon si nous n’étions pas passés par les barrages. Cette montée en puissance semble assez liée à la forme de Morgan Parra. Il a notamment été mis en compétition avec l’ouvreur Brock James pour le jeu au pied. Comment avez-vous géré cette mini-crise? Morgan, c’est un leader naturel. Il a une influence importante sur la dynamique et sur l’état de l’équipe. Il est arrivé cette saison et il n’est pas évident de prendre ses marques rapidement, surtout lorsqu’on arrive blessé. Il lui a fallu quelques semaines pour s’adapter à un nouveau mode d’entraînement et trouver ses marques dans un groupe inconnu. La période internationale lui a fait du bien. Il est vraiment monté en puissance. Brock, lui, est passé à côté de quelques matchs importants. Il a eu ces passages à vide sur les tirs au but qui ont fait que tous les projecteurs se sont un peu focalisés sur lui. Mais sa présence reste primordiale. En terme de management, ce sont des moments compliqués car ça peut être traumatisant pour l’un et pour l’autre. Même critiqué, même privé du jeu au pied, Brock sort tout de même un match extraordinaire contre Toulon en demi-finale, avec ce drop extraordinaire de 55 mètres, sorti de nulle part. Ce drop, c’est un pied de nez. Ce sont des signes qui montrent que c’est un joueur de haut niveau. •


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LIBÉRATION SAMEDI 29 ET DIMANCHE 30 MAI 2010

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fête des Mères Bonne fête des mères Maman ! Plein d'amour et de gros bisous. ON A TON COEUR DANS NOTRE COEUR. Louise, Jeanne et Maud. Chère maman, tu viens sans doute de finir ta grille de sudoku de libé. Tu te demandes pourquoi papa t'a demandé de lire cette page. Tu devines maintenant que tes grands garçons vont te souhaiter la fête des mères... Merci : pour tout ce que tu nous as offert, tout ce que tu nous donnes, pour ta grande gentillesse, et comme beaucoup de messages à coté de celui-ci merci d'être la meilleure des mamans ... J'espère que les derniers mots seront à la hauteur de ce qu'on éprouve pour toi : On t'aime maman. Amaury et Denis "A toi, qui de tout temps, A été présente pour nous, tes enfants, Nous t'aimons tant, Thomas et Charlotte"

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Maman, Mamoune, Mamour, nous t'aimons et te souhaitons une bonne fête. Merci d'être là et de te battre pour nous. Amandine, Elias et Mélanie. Ma gentille maman Châmo je t'aime plus que les chamallows car tu es plus belle que Pomelo. Ta Nini Chérie. Maman, tu es une fleur dans mon coeur qui fleuri quand tu me souris. Tu resteras toujours la plus belle des mamans. Bisoux, je t'aime. Ta Crevette Maman, tu es la plus belle du monde. Aucune autre à la ronde. N'est plus jolie... De Gros gros Bisoux. Sophie et Karine Mamounette, Juste quelques mots, Des mots d'amour et de tendresse, Des mots tout court Des mots je t'aime. Laura et Fanny (Paris 75 pour fcd)

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Grille mortelle...

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Patriotes excessives

w LES MOTS D’OISEAU

I II III IV V VI VII VIII IX X XI

H. I. Mortes. - II. Tout le contraire de calme. - III. Un type de Split peut-être. N’est leader mondial dans le nucléaire qu’avec le premier du 4. - IV. N’a pu malheureusement garder sa place. Fort bien bâti. - V. Doit évidemment s’écouter en boucle dans la musique germanique, même si c’est un peu long. Un coin plus qu’accueillant. - VI. Telle la Vénus de Milo par exemple. - VII. Pronom. Remit en forme. - VIII. Infroissable résultat de la polycondensation d’un diacide et d’une diamide. Blocage en marche arrière. - IX. Fait sa toute première sortie. - X. Petit trou du côté de Bouillante. Petit cours du côté de Breteuil. - XI. Sont les premiers à passer. V. 1. Pas morte. - 2. Belle Vosgienne entre Epinal et Bains-les-Bains. En altitude. - 3. Ses fleurs sont blanches et ses baies noires entre deux champs. Bien engager. - 4. Cf. le deuxième du III. Membre éminent du conseil des anciens jadis. - 5. Ecrit pour mémoire. Passe pratiquement inaperçu chez la limande. - 6. Trouvèrent un excellent emploi. Bon indicateur de sensibilité pour Diane Arbus comme pour Sarah Moon. - 7. A savoir à l’envers. Caractère fort peu réaliste. - 8. Superpose. Ne peut avoir qu’une petite plante. - 9. Reprennent du service.

LIBÉRATION www.liberation.fr 11, rue Béranger 75154 Paris cedex 03 Tél. : 01 42 76 17 89 Télex : 217 656 F Edité par la SARL Libération SARL au capital de 8 726 182 €. 11, rue Béranger, 75003 Paris RCS Paris : 382.028.199 Durée : 50 ans à compter du 3-06-91. Cogérants: Laurent Joffrin Nathalie Collin Associée unique SA Investissements Presse au capital de 14 940 240 €. Coprésidents du directoire Laurent Joffrin Nathalie Collin Directeur de la publication et de la rédaction Laurent Joffrin Directeurs adjoints de la rédaction Paul Quinio Fabrice Rousselot François Sergent Directrice adjointe de la rédaction, chargée du magazine. Béatrice Vallaeys Rédacteurs en chef Stéphanie Aubert (édition) Ludovic Blecher (internet) Christophe Boulard (technique) Gérard Lefort Olivier Wicker (suppléments) Directeur artistique Alain Blaise Rédacteurs en chef adjoints Michel Becquembois (édition) Grégoire Biseau (éco-terre) Olivier Costemalle et Richard Poirot (éd. électronique) Mina Rouabah (photo) Marc Semo (monde) Sibylle Vincendon (société) Pascal Virot (politique) Directeur administratif et financier Chloé Nicolas Directeur commercial Philippe Vergnaud diffusion@liberation.fr Directeur du développement Max Armanet ABONNEMENTS & 03 44 62 52 08 sceabo@liberation.fr abonnements.liberation.fr PuBLICITÉ Directrice générale d’Espaces Libération Marie Giraud Espaces Libération 11, rue Béranger, 75003 Paris. Tél. : 01 44 78 30 67 Publicité commerciale, littéraire, financière, arts et spectacles. Publicité locale et parisienne. Amaury médias 25, avenue Michelet 93405 Saint-Ouen Cedex Tél.01 40 10 53 04 hpiat@manchettepub.fr Petites annonces.Carnet. IMPRESSION POP (La Courneuve), Midi-print (Gallargues) Nancy Print (Nancy) Ouest-Print (Bournezeau), Imprimé en France Tirage du 28/05/10: 156 123 exemplaires. Membre de OJD-Diffusion Contrôle. CPPP : C 80064. ISSN 0335-1793. CCP 2240185 Paris.W

MATIN Dégradation par le nord-ouest avec quelques bruines du Finistère au Cotentin. Ciel voilé à l'avant avec quelques nuages bas.

APRÈS-MIDI Temps gris et pluvieux de la Bretagne au Nord-Pas-de-Calais, plus sec mais très nuageux du Pays basque aux Ardennes.

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LES MOTS D’OISEAU G DCCE

H:I. Horoscope. II. Inaperçus. III. Edit. Arec. IV. Rudesse. V. Olé. Essam. VI. Géromé. No... VII. Lé. Vouent. VIII. Haussée. IX. Phalle. Lu. X. Halée. ...tes. XI. Ecossaise. V:1. Hiéroglyphe. 2. Ondulée. HAC. 3. Raider. Halo. 4. Opte. Ovales. 5. Se. Semoules. 6. Crasseuse. 7. Ocres. Es. Ti. 8. Pue. Annelés. 9. Escamoteuse. A

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yzyzyzoz Coupe du monde rapide 2010 Blancs jouent et font mat 7 zyzyzqzx Les B. Kariakine N. Chirov Coupe du Monde en jeu rapide à Odessa (Ukrai6 qzyzyzqz ne). Malgré toute son ardeur face au n°10 monAlexeï Chirov, Etienne Bacrot a été sorti dès 5 zyeyayzy dial, le premier tour. Pourtant, dans les deux premiè4 res parties rapides, il annule avec aisance face au yzqfyzyz n°10 mondial. Dans le premier blitz de départage, 3 prend un net avantage. Tout va très bien pour le zybyzwky ilmultiple champion de France, qui déroule un jeu 2 puissant. Mais il devient timide en finale et les wzyztzuz blancs, qui développent une activité grandissan1 par l’emporter. Dans la revanche, Etienzyzyzyzx nete, finissent perd toute inhibition et marque le point entier. 8

yzyzyzoz SOLUTION KMKL embyzqfq yeyzqayz zyzyzqjt ykwzyzyk kyzxzyzy yzyzykwz zyzyzsiy Au foot comme aux échecs, on paye toujours le prix d’un mauvais placement des «figures». Ici la tour noire en g7 est un peu gauche, et prête le flanc à des mats du couloir comme si elle n’était qu’un vulgaire peon. 1.Cxe6! Fxg2 (1... fxe6 2.De8 mat!) 2.Cxg7! (2.Cxç7 était aussi possible: 2...Ff3+ 3.Dg5!) 2... Fxf1 3.Ce8 1-0.

Après ceNe nouvelle égalité à la marque, le blitz ultime «mort subite» tourne en faveur des blancs, tenus par Chirov, qui se qualifie pour le tour suivant. Un match intéressant et combatif, où le n°2 tricolore n’a pas démérité. Movsesian (2717) - Naiditsch (2686) (2e tour) 1.e4 e5 2.Cf3 Cc6 3.Fc4 Fc5 4.0–0 Cf6 5.d3 0–0 6.Fb3 d5 7.exd5 Cxd5 8.h3 Cb6 9.Te1 a5 10.a4 Fd6 11.Cc3 Ff5 12.Cb5 Fg6 13.Fg5 Dd7 14.Ch4 Cd4 15.Cxd4 exd4 16.Df3 c6 17.Cxg6 hxg6 18.Te4 Fb4 19.h4 Tae8 20.h5 Txe4 21.dxe4 gxh5 22.Dxh5 c5 23.Ff6 Dc6 [23...gxf6 24.Dg6+ Rh8 25.Dxf6+ Rh7 26.Dxb6] 24.e5 Cd7 25.Fe7 c4 26.Fxf8 Cxf8 27.Fa2 Ce6 28.Td1 d3 29.cxd3 Cf4 30.Dg4 Dxa4 31.Fxc4 Dc2 32.Tf1 [32.Fxf7+ Rxf7 33.Dxf4+ Re6 34.Dg4+ Rxe5 35.Dxg7+ Re6 36.Dg4+ Re7 37.Dg5+ Rd7 38.Dc1] 32...Ce2+ 33.Rh2 Dd2 34.f4 1–0.

JACK JOHNSON “TO THE SEA” NOUVEL ALBUM

Disponible dès lundi

Nous informons nos lecteurs que la responsabilité du journal ne saurait être engagée en cas de non-restitution de documents

DIMANCHE

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La journée s'annonce maussade avec des pluies assez faibles sur la moitié nord, plus dégagé en allant vers le sud.

Une perturbation a énuée concerne les régions de l'ouest avec parfois quelques gou es. Dégagé à l'est.

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Extraits en écoute sur wwww.liberation.fr EN CONCERT LES 23 ET 24 JUIN (Zénith - Paris) www.jackjohnsonmusic.com


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LIBÉRATION SAMEDI 29 ET DIMANCHE 30 MAI 2010

A LA TELE SAMEDI

DIMANCHE

TF1

FRANCE 2

FRANCE 3

CANAL +

TF1

FRANCE 2

FRANCE 3

CANAL +

20h45. Les enfants de la télé. Le meilleur. Divertissement présenté par Arthur. 23h30. New York Unité Spéciale. Série américaine : Le sacrifice du parc, La voix du sang. Avec Christopher Meloni. 1h05. New York Police Judiciaire. Série américaine.

20h35. Rugby : Top 14 - Finale. Sport 22h45. Les héros de la biodiversité. 22h50. On n’est pas couché. Magazine présenté par Laurent Ruquier. 1h25. Retour à RolandGarros. Magazine. 2h15. Panique dans l’oreillette. Divertissement.

20h35. En route pour l’Eurovision. Émission présentée par Cyril Hanouna, Stéphane Bern 21h00. 55e Concours Eurovision de la chanson 2010. En direct d’Oslo. Musique présentée par Cyril Hanouna, Stéphane Bern 0h00. Météo, La minute épique. 0h10. Soir 3.

20h15. Rugby : Top 14. Finale Sport 23h00. U2 360° live at the Rose Bowl. Concert. 0h00. Hyper tension 2. Film américain de Brian Taylor et Mark Neveldine, 2009. Avec Jason Statham, Amy Smart, Dwight Yoakam. 1h35. Surprises.

20h45. Football : Tunisie / France. Équipe du France. Sport. 23h10. Les experts. Série américaine : Equipe de nuit, Un millionnaire malchanceux, Candidat au suicide. Avec William Petersen, George Eads. 1h40. L’actualité du cinéma. Magazine.

20h35. Quelques jours avec moi. Film français de Claude Sautet, 1988. Avec Daniel Auteuil, Sandrine Bonnaire. 22h40. Les héros de la biodiversité. 22h45. Faites entrer l’accusé. Frédéric Audibert, Violence à huis clos. Documentaire 0h05. Journal de la nuit, Météo.

20h35. Chabada. Spéciale tubes de l’été. Divertissement présenté par Daniela Lumbroso. 22h30. Météo, La minute épique. 22h35. Soir 3. Journal. 22h55. 7 à voir. Magazine. 0h00. Tout le sport. Magazine. 0h15. Thunderbolt. Film.

20h55. Le diplomate. Première partie. Téléfilm australien de Peter Andrikidis. Avec Dougray Scott, Rachael Blake, Jeremy Lindsay Taylor. 22h25. Vengeance. Film français de Johnnie To 2008. Avec Johnny Hallyday, Sylvie Testud. 0h10. Carlos. Deuxième partie. Série française.

ARTE

M6

FRANCE 4

FRANCE 5

ARTE

M6

FRANCE 4

FRANCE 5

20h40.Vraie Jeanne, fausse Jeanne. Documentaire de Martin Meissonnier. 22h15. Le péché selon Sébastien. Téléfilm allemand de Marcus Hausham Rosenmüller, 2006. Avec Marcus Krojer. 23h55. Metropolis. Magazine. 0h40. Philosophie : Mensonge. Magazine.

20h40. Les bleus, premiers pas dans la police. Série française : Sur la touche, Une affaire de famille. Avec Clémentine Célarié, Elodie Yung, Nicolas Gob. 22h40. Les bleus, premiers pas dans la police. Série française : 3 épisodes. 1h40. M6 Music.

20h35. Les sables du désert. Téléfilm 1/2 d’Alberto Negrin, 1998. Avec Romina Mondello, Peter Weller, Ben Cross. 22h10. Les sables du désert. Téléfilm 2/2 d’Alberto Negrin, 1998. Avec Ben Cross. 23h45. Montreux Festival du rire 2009. Best of.

20h35. Échappées belles. Le Massif central. Magazine. 21h35. Suède, la séduction du Nord. Documentaire. 22h30. L’Œil et la main. Magazine. 23h00. Cinémas. 23h55. Un film et son époque. Il était une fois… Les Tontons Flingueurs. Documentaire.

20h40. Un homme nommé Cheval. Film anglais d’Elliot Silverstein, 1970. Avec Richard Harris, Jean Gascon, Judith Anderson. 22h30. Hollywood et les Indiens. Documentaire de Neil Diamond, 2009. 0h00. Super-8. Chronique d’une disparition. Documentaire.

20h40. Zone interdite. Agences matrimoniales, jeunes romantiques, «no sex» : le retour de l’amour à l’ancienne. Magazine. 22h45. Enquête exclusive. Business, tourisme et kalachnikov : les mille visages de Beyrouth. Magazine. 0h05. Enquête exclusive. Magazine.

20h35. Thank you for smoking. Film américain de Jason Reitman, 2006. Avec Aaron Eckhart, Robert Duvall, Katie Holmes, Maria Bello. 22h10. La boîte noire. Film français de Richard Berry, 2005. Avec José Garcia, Marion Cotillard. 23h40. Gun 1748. Film de Jake Scott, 1999.

20h35. Cambriolage, les voleurs sous surveillance. Le doc du dimanche. Documentaire présenté par Claire Fournier. 21h30. Daniel Cordier, la résistance comme un roman. Documentaire. 23h05. Teum teum. Magazine. 23h55. Planète terre. Documentaire.

LES CHOIX

LES CHOIX

Prédédéfi

Prochoix

Antépari

Postprandial

Pro­Marielle

Antidéprime

France 5, 14h10 Teum­Teum emmène Dédé

France 2, Canal+, 20h45

France 3, 21heures

France 2, 14h50

France 2, 20h35

NT1, 20h35

Ah, faire des choix tout le temps… Pour la Finale du Top 14 de Rugby : France 2 ou Canal? Gratuit ou payant? Ange ou démon?

Drip drop de l’Azerbaïdjan (grand favori) ou Allez, ola, olé de la France (grand perdant)? L’Eurovision, c’est inratable (lire leMag).

Dimanche, paresse. On regarde, l’œil mi­clos, un postprandial Roland­ Garros : «pôk», «pôk», «pôk», «pôk», «pôk», zzzzz.

Paresse, donc, et pour la 25698e fois Quelques jours avec moi pour Jean­Pierre Marielle en génial débiteur de clichés.

Feignasserie enfin, Quand Harry rencontre Sally on est toujours là pour la 25698e fois: «It had to be you, it had to be you..»

Manoukian à Lille. Dédé, tu lis Libé tous les jours, hein? Le «Shower Posse» jamaïcain est le bonus.

PARIS 1ERE

TMC

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GULLI

PARIS 1ERE

TMC

W9

GULLI

20h35. Ciao amore. En direct. Théâtre. Avec Serena Reinaldi, Christophe Aleveque. 22h20. Miss USA 2010. Spectacle. 23h50. Paris dernière. Le road movie de la nuit. Magazine présenté par Xavier de Moulins 1h20. Portrait de Colleen Shannon. Érotique.

20h40. Navarro. Série française : Le parrain. Avec Roger Hanin. 22h15. Navarro. Série française : Graine de macadam. Avec Roger Hanin, Emmanuelle Boidron. 23h55. Navarro. Série française : Promotion macabre. 1h40. Coup de cœur. Téléfilm érotique : Liaisons à domicile

20h35. Les Simpson : le prime. Dessin animé 7 épisodes. 23h05. Dilemme best of. Émission présentée par Faustine Bollaert et David Lantin 0h05. Dillemme. Télé-réalité 0h45. Météo. 0h50. Clubbing. 2h25. Programmes de la nuit.

21h30. Intervilles juniors. Jeu. 22h00. La Panthère rose. La panthère au supermarché. Dessin animé. 22h05. La Panthère rose . Le complot. Dessin animé. 22h10. La Panthère rose. L’aimant.

20h35. La fille du puisatier. Film français de Marcel Pagnol, 1940. Avec Raimu, Josette Day, Fernandel, Fernand Charpin. 23h05. Satisfaction. Une Amy qui vous veut du bien, Une nouvelle Ho’tess. Téléfilm érotique Avec Diana Glenn. 0h55. Pigalle. Documentaire.

20h40. New York Police judiciaire. Série américaine : Le fanatique, Meurtre au lycée, Série noire. Avec Sam Waterston, Jerry Orbach. 23h05. Storm chasers : les chasseurs de tornades. Documentaire 1h30. Coup de cœur. Téléfilm érotique : Mille désirs.

20h35. Missing : disparus sans laisser de trace. Série américaine : L’image du père, Trafic. Avec Gloria Reuben. 22h10. Missing : disparus sans laisser de trace. Série amércaine : Entre rêve et réalité. 23h00. Intimité dévoilée : les filles de la fac.

20h35. Les enfants, j’adore ! Téléfilm de Didier Albert. Avec Claire Borotra, Yvon Back. 22h10. G ciné. Magazine. 22h15. L’instit. Série française : Le prix du mensonge. Avec Gérard Klein. 23h45. Les Zinzins de l’espace. Dessin animé.

NRJ12

DIRECT8

NT1

VIRGIN 17

NRJ12

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VIRGIN 17

20h35. Cadet Kelly. Téléfilm américain de Larry Shaw, 2001. Avec Hilary Duff, Gary Cole. 22h20. Génération mannequin 3. 3 épisodes. Documentaire. 0h00. Max les veut toutes. Émission. 1h30. Poker le duel. Jeu.

20h40. Présumé innocent. Spéciale : les célébrités au cœur de la tourmente. Magazine présenté par Jean-Marc Morandini. 22h30. Présumé innocent. Spéciale : Les grandes histoires non résolues. Magazine présenté par Jean-Marc Morandini. 0h20. Le zapping.

20h35. Catch américain smack down. Sport 22h25. True blood. Série américaine : Jusqu’à ce que la mort nous sépare, La fin d’un cauchemar. Avec Rutina Wesley Jonathan, Michael Raymond-James. 0h20. Films Actu. 0h35. JT NT1.

20h40. Supercopter. Série américaine : Jeu truqué. Les frères ennemis. Avec Jan-Michael Vincent, Ernest Borgnine. 22h25. Tonnerre mécanique. Série américaine : La naissance du faucon - 1/2. 23h10. The L Word. Série américaine.

20h35. Stargate SG-1. Série américaine : La loi du Talion, Un air de famille, La symbiose du mal. Avec Amanda Tapping, Richard Dean Anderson. 23h10. Stargate SG-1. Série américaine : 3 épisodes. 1h30. European poker tour. Jeu.

20h40. Sang chaud pour meurtre de sang-froid. Film américain de Phil Joanou, 1992. Avec Kim Basinger, Richard Gere, Uma Thurman. 22h40. Casino. Film américain de Martin Scorsese, 1995. Avec Robert De Niro, Sharon Stone. 1h40. Direct poker.

20h35. Quand Harry rencontre Sally. Film américain de Rob Reiner, 1989. Avec Billy Crystal, Meg Ryan, Carrie Fisher. 22h20. Films Actu. Magazine. 22h30. Les nuits chaudes de Justine. Téléfilm érotique français de Patrick Aubin, 1975. 23h55. JT NT1.

20h40. Futuresport. Téléfilm américain de Ernest Dickerson. Avec Dean Cain, Dale Godboldo. 22h15. Zap’17 la compile. Divertissement. 22h35. Glamour shootings. Téléfilm. 23h35. Love Battle. Téléfilm. 0h35. So 80’S.


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CULTURE

LIBÉRATION SAMEDI 29 ET DIMANCHE 30 MAI 2010

Judith décapitant Holopherne, le Caravage, 1599­1600. PHOTO POLO MUSEALE DELLA CITTÀ DI ROMA. GALLERIA NAZIONALE D’ARTE ANTICA — PALAZZO BARBERINI

EXPOSITION Pour le quatre-centième anniversaire de sa mort, l’Italie

rend hommage au peintre à la vie extravagante.

Caravage, célébration du beau voyou Par VINCENT NOCE Envoyé spécial à Rome

C’

est l’autre Michel-Ange. Michelangelo Merisi Da Caravaggio – le Caravage comme l’appellent les Français– est une comète au firmament de l’art. Un des plus grands peintres qui ait jamais existé, dont Rome, entre autres, célèbre le 400e anniversaire de la mort par une rétrospective qui attire la foule (1). Sa vie est un tissu de légendes. Le personnage s’y prête à merveille. Pour reprendre un terme de l’époque, l’homme avait la cervelle bien inquiète. Il mit autant de passion dans son œuvre que dans la des-

truction de soi. Certains chroniqueurs ont noirci le trait, si bien qu’il est difficile de démêler le vrai du faux. Même les récentes avancées ne dissipent pas sa part de mystère, souligne le commissaire de l’exposition, Claudio Strinati. Le peintre doit son nom au bourg de sa famille, dans le nord de l’Italie. Son année de naissance était inconnue jusqu’à la découverte, il y a trois ans à Milan, d’un acte de baptême daté 30 septembre 1571. Il est peut-être né la veille, jour de la saint Michel, dont il reçut le prénom(2). Il fut pris comme apprenti à 12 ans par un peintre maniériste, qui avait fait ses classes dans l’atelier du Titien. Il fit certainement passer chez son élève un goût véni-

tien de la couleur et du mouvement, auquel ce dernier ajouta la puissance de Michel-Ange. Orphelin avant 20 ans, il débarqua à Rome, cité qui avait retrouvé de sa gloire perdue, où il pouvait bénéficier de la protection de riches patriciens. Le cardinal Del Monte, ambassadeur de Toscane, le marquis Giustiniani, la famille Colonna furent parmi ses premiers mécènes. SENSUALITÉ. Il séduisit les Romains avec ses portraits de jeunes gens à la moue boudeuse devant des grappes de raisin, à mi-corps, procédé amené de sa Lombardie natale. Leur sensualité provocante lui établit une solide réputation d’homo-

sexualité qui lui valut de violentes attaques. Dans le catalogue, Barbara Savina souligne que certains musiciens pouvaient être des castrats, ce qui en expliquerait l’androgynie. L’explication vaut moins pour ses Jean-Baptiste, aussi alanguis que dénudés… Cela n’empêchait pas les grands de l’Eglise de compter parmi ses plus fervents amateurs. Ses détracteurs dénonçaient surtout «la vulgarité» de son traitement, et de ses modèles. Passe encore pour les tricheurs et diseuses de bonne aventure de scènes de taverne. Mais faire appel à ses petites amies, courtisanes connues de toute la ville, pour représenter des saintes, et même une Vierge, au décolleté généreux. Et

pour un tableau destiné à la basilique Saint-Pierre ! Pourtant, même si ses innovations pouvaient choquer, le Caravage était dans l’esprit de la réforme catholique, visant à rapprocher le message divin du peuple : Jésus prend ses repas sur des tables de campagne ; Marie est couchée sur la paille, elle a froid, elle a peur, elle est épuisée, elle protège son bébé. A l’opposé de l’idéalisation d’un Raphaël, ces personnages prennent la figure du petit peuple de Rome. L’exposition, où ses tableaux sont plus visibles que dans les églises, montre ainsi un extraordinaire portraitiste. Il a le don d’exprimer les sentiments mêlés qui assaillent ses acteurs, comme la belle Judith en train d’égorger Holopherne, se donnant du courage par une prière silencieuse. Quand les soldats viennent arrêter le Christ, on entend le tumulte, le cliquetis des armures, les cris. Le visage des bourreaux est dans la pénombre. Mais les pieds nus sont les mêmes que ceux des victimes, réunis dans une même humanité. La miséricorde se lit dans le regard des meurtriers. Claudio Strinati le voit ainsi comme un artiste des Lumières avant l’heure. A la fin du siècle, son langage s’articula ainsi en scènes violentes, concentrées autour de quelques figures en gros plan, avec une grande attention au détail de l’action. Le Caravage était lui-même toujours prêt à donner le coup de poing, voire à jouer du couteau ou de l’épée, avec sa bande de copains, des gauchistes dirait-on aujourd’hui, libertins et favorables à la France, contre le clan catholique hispanophile. FUIR. Ce contexte politique dut jouer dans sa condamnation expéditive, pour le meurtre d’un ancien de la garde, un sale type qui avait intimidé une de ses amies. Devenu le plus grand artiste de la cité pontificale, le Caravage dut s’enfuir. A son arrivée à Naples, il peignit une tête coupée de Goliath, dans laquelle se reconnaissent ses traits. Le peintre dut fuir encore et encore, laissant un sillage de peurs et de violences. Jusqu’à sa mort, absurde, de fièvre maligne à l’hôpital de Porto Ercole, le 18 juillet 1610, alors qu’il cabotait pour revenir à Rome obtenir la clémence du pape. Il n’avait pas 40 ans. Avec lui, il avait emporté son autoportrait grimaçant en tête coupée, qu’il comptait offrir pour son pardon. • (1) Qui compte quand même deux tableaux problématiques. Les Offices de Florence ouvrent une exposition sur son œuvre et son influence, jusqu’au 10 octobre. Ses chefs­d’œuvre sont visibles dans plusieurs musées et églises de Rome. (2) Laurent Bolard, «Caravage» (éd. Fayard).

CARAVAGGIO Scudiere del Quirinale, jusqu’au 13 juin. www.scuderiequirinale.it


CULTURE • 23

LIBÉRATION SAMEDI 29 ET DIMANCHE 30 MAI 2010

1,2

Takfarinas lâche sa«yal» au Bataclan

C’est, en millions d’euros, le bénéfice espéré d’une dispersion Hergé samedi au dépôt­vente Drouot­ Montaigne: 230 lots dont une édition originale de Tin­ tin au Congo (20000 euros) et un croquis Tintin et les coquillages (70000 euros). En 2009, une enchère Hergé belge avait fait 1,2 mil­ lion d’euros.

Ledit «Springsteen kabyle» est couru pour ses concerts bariolés et endiablés, spectaculairement accompagnés à la mandorle électrique double manche, en rupture avec l’austérité des aînés dylaniens. Entamé en 1987 à l’Olympia, le chemin parisien d’Hacène Zermani, dit «Takfarinas» en hommage à un bandit berbère des temps romains, passe par le Bataclan. L’homme du hit Zaâma Zaâma (1999), qu’il offrit à son idole Michael Jackson à Johannesburg en recevant la «kora d’or» de l’artiste nordafricain, excelle dans l’amazigh («la musique»), cocktail rock de cadence des montagnes, d’indolence chaâbi urbaine, de tempos afros et de langueurs caraïbes. Soit la yal music. Dont vibreront le prochain CD de Takfarinas, Lwaldine, et ses récitals du week-end au Bataclan. B.D. PHOTO YOURI LENQUETTE

L’HISTOIRE

DAGUERRÉOTYPE SIGNÉ DE 1839 À VENDRE

FESTIVAL Ce week-end, la science-fiction cède

du terrain à la manifestation littéraire vosgienne.

Les Imaginales d’Epinal au rayon fantasy LES IMAGINALES Jusqu’à dimanche à Epinal Rens.: 03 29 82 53 32

n dix ans, le festival des mondes imaginaires a prospéré, épousant le succès de la fantasy. Plus de la moitié de la programmation, qui compte cette année 120 auteurs, y est consacrée. Un deuxième Magic Mirror s’est monté pour abriter la kyrielle de débats émaillant les quatre jours. L’affiche – une jeune fille aux longs cheveux roux entourée d’une meute de loup avec licorne, château d’Epinal en fond (signée Krystal Camprubi, illustratrice lorraine) – ne ment pas. La gageure était d’agréger des genres variés. «Nous organisons des tables rondes avec des auteurs de tous les genres sur des thèmes transversaux», explique Stéphanie Nicot, directrice artistique, qui vante les romanciers historiques. De fait la maison Actes Sud est présente, une première, via Matthieu Dhennin : Saltarello a pour cadre la guerre de Cent Ans. Mais on peut aussi croiser Fabienne Ferrère (Car voici

E

que le jour vient, Denoël), Cristina Rodriguez (Meurtres sur le Palatin, Le Masque) ou Bernard Simonay (les Enfants du volcan, Presses de la cité). «Même le grand prix de l’imaginaire 2010 a été attribué à un livre fantasy qui aurait pu être un roman historique», renchérit Stéphanie Nicot. C’est en effet Justine Niogret, avec Chien du Heaume (Mnémos), qui a reçu le prix. L’accent est mis sur l’ouverture. «C’est-ce qui nous rapproche d’Etonnants Voyageurs», ajoute la directrice artistique, qui signe la préface «engagée» d’une deuxième anthologie de Fantasy épique des Imaginales, Magiciennes et Sorciers (Mnémos Fantasy). «Cette littérature-là est par essence une littérature de pouvoir, quand la littérature française blanche est presque toujours celle de l’impuissance, dont le symbole ultime est l’appétence des écrivains français pour l’autofiction», écrit-elle, très tranchée. La journée de samedi verra des débats sur le déclin de la SF et l’essor de la fantasy (10 h : avec Fabrice Colin,

Serge Lehman, Lionel Davoust, Stéphane Marsan), sur Alice au pays des merveilles (14 h), ou encore sur Edgar Allan Poe autour de sa biographie chez Leo Scheer (Isabelle Vieville-Degeorges, 16 heures). Dimanche, on parlera dragons (11 h), mauvais garçons (14 h) et pirates (16 h). Mais l’indéniable nouveauté de cette édition, c’est l’atelier d’écriture «à l’américaine» qui s’est tenu mercredi et jeudi. «L’écriture est un métier et s’apprend !» soulignait en substance la formation animée par trois auteurs (Jean-Claude Dunyach, Elisabeth Vonarburg et Lionel Davoust). «On va soulever le capot et vous montrer la mécanique», exposait Davoust à un parterre de débutants ayant déboursé 50 euros pour deux jours. Au vu de ce petit succès, Bernard Visse, de la mairie, qui pilote la manifestation, et Stéphanie Nicot, songent à prolonger l’expérience sur une semaine dans les éditions à venir; de même avec le dessin ; et de lancer une résidence d’écrivains vouée… à la fantasy.

Un «daguerréotype» por­ tant la signature de son inventeur, le Français Jac­ ques Daguerre (1787­1851), et daté de 1839, sera vendu samedi à Vienne. La galerie Westlicht, intéressée, compte en tirer un pactole. Un tel boitier, dont il n’existe qu’une dizaine de specimens, s’était placé pour 576000 euros en 2007. Selon le galeriste, l’appareil signé lui vient d’«une famille d’opticiens du nord de l’Allemagne». La caisse de bois de pin, en bon état d’origine, comme l’objectif d’époque, fabri­ qué dans l’atelier parisien des opticiens Vincent et Charles Chevalier, porte de manière visible la signa­ ture de Daguerre, ainsi que le sceau en cire de l’atelier parisien de fabrication Alphonse Giroux, son beau­frère. Les daguerréo­ types Giroux portent tous une étiquette dans un cadre en or avertissant: «Aucun appareil n’est garanti s’il ne porte la signature de M. Daguerre et le cachet de M. Giroux.»

«

DISPARITION

PHILIPPE MARCHESSEAU, SNIFF «Sniff», c’était le titre en une de Libé qu’il avait suggéré à la mort de Françoise Sagan, et qui n’avait pas été retenu, trop irrévérencieux pour une nécro. Mais pas pour celle de Philippe (sur la photo, en 1994), qui est mort vendredi des suites d’un cancer du poumon, à l’âge de 47 ans. Après des débuts on va dire tumultueux dans la vie, Phi­ lippe Marchesseau, grande silhouette de chat de gout­ tière efflanqué, cernes comme ça, les yeux qui se marrent, a débarqué à Libération au début des années 90 comme graphiste. Il est parti, revenu et reparti en 2007. On se souvient de ses dazibaos potacho­anars (et si ça pouvait railler la direction du journal, c’était pas plus mal) qui tapissaient les murs (sa série des «Fumer tue» recyclés en «Fumer, c’est juste pour t’emmerder» ou «Une femme enceinte peut nuire à votre entourage»), de ses détournements et de son talent de copiste. Certains ont ainsi obtenu toute la paperasse pour décrocher un appart grâce à «Botti», son surnom en hommage à son goût immodéré pour l’art. Philippe était fan de John Waters, d’une certaine forme de religion (Sœur Marie­ Thérèse des Batignolles et les Sœurs de la perpétuelle indulgence), de l’Eurovision, de Fassbinder. Ce qui entraîna l’irruption, un soir à Libération, de nazis en uni­ forme, un tournage en hommage au réalisateur allemand. Au journal, Philippe était un pilier de l’infographie dont il est devenu le chef de service, rebaptisé Soins palliatifs. Puis le roi d’une tribu élargie à celle du Ouipal –on en fai­ sait partie ou pas. Il pouvait passer des heures et des jours à la recherche d’une frontière oubliée qu’il voulait voir figurer sur une carte. Exigeant avec lui­même autant qu’avec les autres (qui a dit «emmerdeur»?), laissant la voie à des envolées pas toujours lyriques et des coups de gueule homériques, le pain quotidien d’un Libé tempé­ tueux qu’il s’était choisi pour famille. Philippe aimait tendrement ses amis, les écorchés, ceux qui ne poussent pas droit et les vieux objets qu’il rappor­ tait de voyage: sa statue balinaise, ses affiches est­alle­ mandes, ses souvenirs de San Francisco, sa Remington portative. Quoi, Philippe? C’était pas une Remington? Tu ne vas pas nous faire un droit de réponse, si? PHOTO DR STÉPHANIE ESTOURNET, RAPHAËL GARRIGOS, MARIE LECHNER, AYMERIC ROBERT et ISABELLE ROBERTS

➠ Le Pas-de-Calais félicite Xavier Beauvois

Le Pas-de-Calais est une terre de talents, y compris dans le septième art. Pour preuve, Xavier Beauvois vient de remporter le Grand prix du jury du festival de Cannes pour son film « Des hommes et des Dieux ». Le Département dont il est originaire félicite le cinéaste pour la qualité, l’originalité et l’audace de ses œuvres. Et il lui décerne un… Talent d’Or du Pas-de-Calais ! » Dominique Dupilet, Président du Département du Pas-de-Calais, Membre honoraire du Parlement

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LIBÉRATION SAMEDI 29 ET DIMANCHE 30 MAI 2010

PORTRAITJARROD CHLAPOWSKI

EN 7 DATES 6 mai 1982 Naissance à Southbridge (Massachusetts). 2000 S’enrôle dans l’US Army et fait son coming out. 2005 Quitte l’armée. 2006 Cofondateur de Servicemembers United. 2008 Election de Barack Obama qui a promis d’abroger la loi Don’t Ask, Don’t Tell. 27 mai 2010 Premier vote du Congrès sur l’abrogation. réalisé ainsi que je ne pourrais jamais faire carrière. J’ai préCet ex-GI vient d’obtenir que les homos aient, enfin, J’ai féré quitter l’armée, en 2005.» le droit d’exister ouvertement au sein de l’US Army. Le retour au civil lui réussit en amour: en cherchant comment

A vos droits, fixe! Par LORRAINE MILLOT Photo SYLVIE FRANÇOISE

L’

armée a fait de lui un homme, un vrai : un homme qui aime les hommes et qui s’assume. A son tour, il veut maintenant persuader l’US Army que toutes les formes de virilité doivent être les bienvenues dans ses rangs. Avec son boy-friend, Alex Nicholson, Jarrod Chlapowski est l’un des homosexuels américains qui ont mené le combat. Ils viennent d’obtenir un vote du Congrès visant à abroger la loi Don’t Ask, Don’t Tell (DADT, Ne demande rien, ne dis rien). Une loi de 1993, qui se voulait à l’époque un progrès: elle permettait aux homosexuels de servir dans l’armée… à condition qu’ils se cachent. Barack Obama avait promis d’y mettre fin. Le Congrès vient de faire un premier pas dans le sens de la révocation. Reste à l’armée à en tirer toutes les conséquences. A cause de cette loi, Jarrod a dû retourner à la vie civile : il a quitté l’armée en 2005 et entamé une carrière de lobbyiste. Il a gardé le cheveu court et le torse musclé, qu’il cache maintenant sous les chemises-cravates de son nouvel uniforme. Il est salarié de la Human Rights Campaign, le puissant lobby gay américain. Ses bureaux feraient tourner de l’œil bien des militants français : en plein centre de Washington, la HRC est propriétaire d’un immeuble de huit étages. Elle y emploie 135 militants à temps plein pour promouvoir la cause. Cette ambassade reflète bien la puissance du mouvement gay américain. Mais aussi les combats d’arrière-garde qu’il doit encore mener. A 18 ans, quand il s’est enrôlé, Jarrod n’était pas encore sûr d’être homosexuel. Son enfance dans une banlieue d’Atlanta, en Géorgie, et son éducation catholique l’encourageaient plutôt à réprimer ces pulsions étranges. «C’est aussi pour cela que j’ai voulu faire l’armée, avoue-t-il. Je me disais que je n’étais peut-être pas assez viril. Je voulais faire ressortir l’homme en moi.» L’effort lui réussit un peu trop bien: cette même armée

qui interdit aux homosexuels de se déclarer… le convainc qu’il est bien de ce bord et n’a plus de raison de se renier. «A la fin des classes –neuf semaines où l’on rompt avec la vie civile et on soude l’esprit militaire, en apprenant à manier les armes, à creuser une tranchée ou enfiler un masque à gaz–, j’ai compris que j’étais bel et bien gay, raconte Jarrod. Et je me suis enfin accepté. Car je me sentais bien à l’armée, je réussissais bien, j’étais bien noté. Cela a fini par me convaincre que je n’avais pas à réprimer le fait d’être homo, que ce n’était pas une faiblesse.» A l’armée, Jarrod choisit une carrière de linguiste. Son enfance a été bercée par la légende d’un grand-père officier qui parlait couramment six langues, et apprenait par cœur les dictionnaires à ses heures perdues. Ses deux grands-parents ont fait la Seconde Guerre mondiale, puis la fibre militaire a sauté une génération : son père est informaticien, sa mère conseillère fiscale. «C’était la génération de la guerre du Vietnam», explique Jarrod. Mais le souvenir du grand-père officier-linguiste, l’inspire. «Les gens oublient aussi que la tâche première d’une armée n’est pas de faire la guerre, mais de l’éviter», récite-t-il, pour expliquer ce choix d’une carrière plutôt «diplomatique». Doué en langues, Jarrod apprendra le coréen, décide l’US Army, qui l’envoie se former à l’Institut militaire d’apprentissage des langues étrangères, à Monterey, en Californie. Il est ensuite affecté en Corée, comme traducteur. Mais ne demandez pas à Jarrod ce qu’il traduisait : le militaire en lui ressort aussitôt : «Je traduisais des choses dont l’armée avait besoin.» Entre-temps, surtout, Jarrod fait son coming out. Ses parents l’acceptent avec moins de drame qu’il ne le redoutait. «Oh mon Dieu, je croyais que tu allais nous dire que tu avais mis une fille enceinte!» s’écrie sa mère. Ce n’est qu’à la caserne qu’il doit continuer à faire de son homosexualité quelque chose de honteux, de caché. «Je vivais dans la peur, décrit-il. A tout moment, je pouvais tomber sur un officier qui aurait appris mon homosexualité et me renverrait. Sur les huit condisciples gays que je connaissais à l’institut des langues, six ont été renvoyés.

s’engager pour faire abroger la loi Don’t ask, don’t tell, Jarrod fait la connaissance d’Alex Nicholson, un autre vétéran, renvoyé de l’armée en 2002. Ensemble, ils fondent Servicemembers United, une sorte de syndicat des soldats gays, qui revendique aujourd’hui pas moins de 21000 membres, vétérans ou actifs. «Ce qui m’a séduit chez Jarrod, c’est sa passion pour la cause, témoigne Alex. Il est ambitieux, il veut avoir un impact sur la réalité. Je le trouvais très philosophe, il parlait de Dieu, de son désir de faire quelque chose pour le monde.» Râblés tous les deux, et militaires contrariés l’un comme l’autre, Jarrod et Alex semblent coulés dans le même moule. Mais Alex assure qu’ils sont très différents. Lui n’arrive pas à déconnecter du travail et se détend en regardant les informations, Jarrod sait mettre fin à une journée de labeur et s’abandonner à la science-fiction. L’un (Jarrod) aime les vacances à la montagne, l’autre (Alex) préfère la plage. Jarrod voudrait visiter le Moyen-Orient, Alex préférerait l’Asie… Mais le combat contre Don’t ask, don’t tell les réunit. «Là, nous sommes très proches, sourit Alex. Nous avons souvent la même façon de raisonner, la même approche stratégique.» En bon lobbyiste, Jarrod a pour tâche de faire pression sur les élus au Congrès, et notamment les hésitants. Il sillonnait leurs circonscriptions et organisait des discussions publiques, avec des vétérans, homos ou hétéros, qui expliquaient combien cette hypocrisie sape le moral de l’armée. «Quand les gens ont un vétéran gay en face d’eux, c’est plus difficile de lui déclarer tout de go : non, nous pensons que ta place n’est pas dans l’armée», explique Jarrod. A la fin du meeting, le public était invité à écrire à ses élus pour demander qu’ils abrogent la loi DADT. Jarrod avoue avoir pris goût à ce lobbying politique. «Je me verrais bien un jour me présenter à une élection.» Son positionnement sur l’échiquier n’est pas encore très arrêté, mais ce n’est pas forcément un obstacle aux Etats-Unis : «J’ai voté Obama, explique-t-il, mais surtout par fascination pour ce phénomène, et aussi, bien sûr, car il avait promis d’abroger la loi DADT. Je dirais que je suis progressiste, mais par certains aspects aussi libertarien [mouvement qui glorifie la liberté individuelle et voudrait voir l’Etat réduit au minimum, ndlr].» Quand la loi Don’t Ask, Don’t Tell sera définitivement abrogée, Jarrod compte bien se réenrôler. «La culture militaire me manque, confie-t-il, je me sens bien à l’armée. Je pense que je n’ai pas fini de servir.» •


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