ARTICLE SUR
L ’EXPOSI T I O N T HE F A M I L Y OF M AN D’EDW ARD S TEICH EN
A U CHÂT EAU DE CL E R V A UX PAR Joë l ROU RE
ROER PHOTOGRAPHIE ED. Paris, 2013
Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous les pays. © 2013, ROER PHOTOGRAPHIE ED.
I TH E FA M I LY O F MAN
A
près avoir souffert les affres de la guerre, le château de Clervaux, au Luxembourg, retrouve une mémoire qui témoigne de l’humanité, la famille de l’homme peut-on dire. Entièrement restauré et réhabilité à recevoir dans ses murs cette grande collection de plus de 500 photographies rassemblées par Edward Steichen alors directeur du MoMA en 1955, le château donne à nos contemporains un cadre exceptionnel, sobre, idilique pour redécouvrir l’exposition. Il domine la petite bourgade de Clervaux au côté de l’abbaye Saint-Maurice-et Saint-Maur. Sans en avoir les dimensions, le château médiéval de Clervaux peut rappeler sur certains points l’allure de celui de Colditz en Allemagne entre Leipzig et Dresde. Ce dernier rend le témoignage de l’ingéniosité de l’homme captif à retrouver sa liberté au travers de l’histoire des officiers alliés internés dans la forteresse durant la seconde guerre mondiale. Entre autre, The Family of Man permet au visiteur de se mouvoir dans deux perspectives: l’une dans
le champ de la vie en liberté avec ses rires et ses joies, l’autre dans le champ des conflits qui opposent souvent les hommes entre-eux avec leurs conséquences destructrices. Edward Steichen est l’un de ces talents dont les évènements de l’histoire vont opérer une transformation de fond. Sans renoncer complètement à son approche artistique de l’image, il passe du métier de peintre à celui de photographe. Cette mutation est progressive dans l’élaboration de son travail car il évolu avec les influences de son temps 1. Une transition notable s’effectua lors de son passage chez Condé Nast où d’un style hérité de la peinture, il modifie ses compositions et ses rendus en intégrant des éléments structurels résoluement modernes appris notamment grâce à son travail pendant la première guerre mondiale au sein du Signal Corps de la coopération américaine au service nouveau de photographie aérienne. Puis la mobilisation engendrée par l’entrée en guerre des Etats-Unis après Pearl Harbor en décembre 1941, déplaça sa vision de la photographique vers un aspect documentaire, en particulier à travers son film The Fighting Lady en 1944, 1 Il est intéressant de faire une étude comparative entre les personnages d’Edward Steichen et le compositeur Sergueï Rachmaninov; l’un dans son évolution musicale, l’autre au travers de son évolution picturale, les deux sur le plan esthétique vis-à-vis de leurs contemporains respectifs. On peut ainsi élucider la manière dont ils ont introduit chacun les éléments modernes dans leur œuvre sans pour autant prendre le même pas que leurs contemporains.
et enfin mémoriel avec la collection The Family of Man ou The Bitter Years. Là encore, Edward Steichen se laissa influencer par l’apport cinématographique; il en fît l’expérience en tournant The Fighting Lady. Ce film document s’apparente comme un ensemble d’éléments documentaires entre lesquels la caméra se fraie un chemin dans les différentes scènes. Pour l’exposition The Family of Man, Steichen reprend le principe mais cette fois c’est le spectateur - ou le visiteur - qui prend la place de la caméra, c’est-à-dire que c’est celui-ci qui se déplace entre les scènes repésentées tout autour de lui. D’où l’agencement si particulier des photographies de la collection. L’attrait fonctionne d’autant mieux que le spectateur cherche à construire son propre film en passant d’une scène à l’autre de manière fluide tout en posant d’avantage son attention sur celles qui l’interpelle tel une ponctuation, un commentaire ou un aparté vécu peut-être aussi.
Château de Clervaux, Luxembourg, by JoR., 2013.
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Exposition ‘The Family of Man’ d’Edward Steichen au château de Clervaux, Luxembourg, by JoR., 2013.