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Julie Diéval Domaine Matérialité, culture et pensée constructives Ghislain His Printemps 2015
Avant-propos : De l’envie de réel Reprise des questionnements principaux par rapport à la présentation du semestre et du domaine matérialité. Introduction de la notion de temps comme outil / matériaux d’architecture Présentation du semestre, du sujet, des réflexions en fonction du sommaire.
Réflexions personnelles L’architecture, l’art de construire des bâtiments ? Réflexion sur une définition personnelle de ce qu’est l’architecture Matérialité fonction du temps Mise en avant de la notion de matérialité, comme contextualisée. Un lieu, un moment, un état d’esprit, caractéristique éphémère de la sensation.
A la rencontre d’un objet Approche de la maison 1930 Mise en avant d’une démarche d’archéologie prospective de la maison 1930 Contextualisation de la maison/îlot. Mise en avant d’une technique, d’une démarche, d’une multiplicité d’acteurs. Note sur l’intemporalité des besoins fondamentaux de l’Homme Importance de la dimension humaine et sociale de l’architecture. Parallèle entre l’Homme au sens biologique du terme et l’évolution de sa façon de vivre. Considérations du patrimoine Questionnements sur la dimension patrimoniale de l’architecture et sa place dans le monde contemporain.
Enjeux contemporains comme contexte Leroy Merlin Expérience d’un mode de consommation contemporain. TRI, Troisième Révolution Industrielle Réflexion sur différents enjeux de la société contemporaine et importance de la place de l’architecte.
Expression d’un processus de travail Solar Décathlon et multiplicité d’acteurs Aventure Solar Décathlon et importance de l’émulation commune. Postures Explication d’un processus, d’une démarche, de la mise en place d’un protocole commun.
Ouverture : Vivre la maison selon les temporalités Réflexions sur les rythmes de vie dans la maison et l’intégration de l’habitat aux préoccupations énergétiques.
Table des illustrations Bibliographie
Avant-propos : De l’envie de réel
L’architecture est un domaine complexe, et le projet peut être nourri de nombreuses façons. Il peut selon moi refléter une culture architecturale et théorique juste et indispensable, mais aussi une expérience plus intuitive, de la vie et de l’espace qui induisent une sensibilité et une manière d’appréhender l’architecture et d’en comprendre son essence. L’espace et le temps s’éprouvent à chaque instant, et c’est à nous de mettre à profit l’expérience du quotidien afin de faire évoluer notre pensée constructive. Être curieux, pour investiguer, pour disséquer, pour mettre en avant les atouts ou les problématiques d’une situation donnée, pour être dans ce que l’on appelle le réel justement, pour comprendre le mode de vie des gens, la réalité de la matière, de la mise en œuvre, des sensations que transmet une architecture, des besoins, sans vue de l’esprit ou idéalisation. L’émulation constante et le croisement des domaines d’actions et de réflexions font partie de la raison de mon envie d’implication dans ce métier. Le rapport au réel se fait aussi, selon moi, par l’approche de la matière. L’expérience sensible du toucher, de l’odeur, du goût, de l’ouïe, associés à la vue reflètent une complexité de chaque matériau et de juste sa mise en œuvre. La poésie de la matière, la « magie du réel » mise en avant par Peter Zumthor, me pose la question constante de l’atmosphère, du ressenti, du sensitif1. Le choix de questionner l’architecture dans le domaine matérialité résulte donc de plusieurs réflexions et attentes majoritairement en relation avec cette notion du réel. L’envie, notamment, de me rapprocher du réel en terme de mise en œuvre. Le passage entre la conception et le développement d’un projet par le biais du chantier est un questionnement qui m’intéresse. Les notions de processus, d’organisation et de mise en œuvre renvoient automatiquement à des questionnements à se poser en amont et à une élaboration du projet en cohérence avec son développement. J’imagine le projet dans une temporalité. Il n’est pas figé, mais bel et bien résultant d’un temps de réflexion associé à un temps d’action et d’un temps de pratique. Ces périodes ne sont elles-mêmes pas figées et peuvent se chevaucher. La pla 1
Peter ZUMTHOR, Atmosphères, Bâle, Birkhäuser, 2008.
nification ou la non-planification, sont alors indispensables. Dans chaque cas il faut penser ces évolutions et savoir ce que l’on projette dans le temps. Cette notion de temps, sous différentes formes, constitue l’un des éléments les plus présents de ma réflexion. Le temps comme partie intégrante d’un processus de conception, comme outil de planification, d’organisation. Le temps comme matériau, comme acteur en architecture. Le temps comme souvenir, comme instabilité. L’ancien - le nouveau, la technologie - la tradition, le patrimoine - l’innovation, mais aussi la façon dont un projet évolue, comment sa matérialité, son occupation, ses usages se transforment ou non. Enfin, le réel passe pour moi avant tout par l’Homme, et par son ressenti propre. Bien loin de l’architecture « événement » et spectaculaire, de l’architecte tout puissant tel qu’il a pu l’être, mes préoccupations sont axées sur la société et sur l’implication de l’architecte dans les problématiques sociales et sociétales contemporaines. Je pense que chacun de nous possède des expériences propres de la vie, de l’habitat, de l’espace en général qui sont des richesses. Ce qui était un « besoin d’utilité » en rentrant à l’école s’est transformé au fur et à mesure des années en une réelle conviction de l’importance de l’architecture dans la vie quotidienne, de la place sociale de l’architecte dans la société contemporaine, de la valeur de l’architecture du commun. C’est précisément de ce type d’architecture dont on parle lorsqu’on évoque la maison 1930. Ce type d’habitat, dont on se rendra vite compte que la dénomination est très large, représente environ 40% du parc immobilier du Nord Pas-de-Calais, et constitue un terrain d’action riche et varié. La base de réflexion de ce domaine d’études est une prospection liée à la préparation du Solar Décathlon auquel participera l ‘ENSAPL en 2017. Le questionnement de la mise en œuvre et des matériaux, le co-design, alliant les capacités de différents acteurs et différents points de vue et la conscience d’une responsabilité engagée par rapport à la rénovation thermique de masse font partie des objectifs engagés.
RĂŠflexions personnelles
L’architecture, l’Art de construire des bâtiments2 ? _ L’art de l’architecture _ Construire l’architecture _ Les bâtiments d’architecture
_ L’art de l’architecture On peut se demander premièrement la relation qui existe entre art et architecture. L’art renvoie pour moi à une définition très large d’un acte de l’être humain faisant appel à la créativité, à l’imagination et qui, au-delà de l’esthétisme simple, renvoie à une sensibilité particulière, à des émotions et/ou à des réflexions. En ce sens, l’architecture se positionne en tant qu’art. Cependant, cette définition n’est pas suffisante à l’expliquer. Selon Peter Zumthor, « L’architecture est faite pour notre usage. Ce n’est pas un art libre. C’est la plus haute mission de l’architecture que d’être un art appliqué. » 3 En effet, je pense que l’architecture est une réflexion, une pensée du lieu, de son usage, de son influence sur l’être humain. C’est une recherche d’harmonie, de justesse, de cohérence spatiale, entre la spatialité et la matérialité, la sensation et la mise en œuvre. Dans de nombreux domaines, l’architecture est synonyme de structure : Ce qui constitue l’ossature, les éléments essentiels d’une œuvre ; structure : L’architecture d’un roman. Cette seconde définition renvoie à la réflexion, à la logique, à la pensée structurée essentielle à cet art de l’espace.
2 3
Définition du mot « architecture », Larousse Peter ZUMTHOR, Atmosphères, Bâle, Birkhäuser, 2008, p.69
_ Construire l’architecture L’automatisme existant qui consiste la plupart du temps à considérer l’architecture comme simplement ce qui est bâti, me pose question. Se dissocient alors deux définitions de l’architecture. La première définit l’architecture en tant que bâtiment. La seconde, au-delà de l’architecture comme masse bâtie, reflète l’idée d’une mentalité, d’une discipline. Le rôle de l’architecte, l’intérêt de l’architecture est aussi de se questionner, de se positionner, de participer à son environnement et de s’y impliquer. L’architecture est une sorte d’engagement, au-delà du bâtiment lui même, qui questionne directement les modes de vie, la société. Je pense que l’on peut construire des bâtiments toute sa vie sans pour autant produire d’architecture, mais à l’inverse, je pense que l’on peut ne pas construire du tout et cependant toucher l’architecture. Je prends pour exemple le collectif des Saprophytes4 , qui au-delà de la construction, travaille constamment l’architecture en questionnant les modes de vie, en expérimentant, en travaillant avec les populations par exemple. Regarder, comprendre, questionner, c’est déjà s’investir dans l’architecture. Autrement que de simplement construire, l’architecture est également pour moi l’ensemble d’un processus. Il s’agit alors d’anticiper, de projeter une réflexion. S’il s’agit d’un art, c’est un art inexact, un art d’exploration qui contrairement à d’autres n’engendrera pas d’objet fini, immuable. L’architecture possède des composantes directement liées à la temporalité, mais également au regard de l’usager. Selon Renzo Piano, « Les bâtiments, nous les aimons parce qu’ils font partie de notre histoire personnelle, l’architecture est plus belle avec des rides, une patine, une pratique »5. Un projet d’architecture se développe, évolue, grandit, suivant la vision du, ou des, concepteurs. Il pourrait alors, au moment ou il sort de terre, représenter un objet fini que l’on pourrait appeler enfin architecture. Mais paradoxalement à son statut d’immobilier, il restera en perpétuelle mutation. Les marques du temps, les appropriations, les modifications, les rénovations, les destructions, sont autant d’évolutions qui conservent l’architecture comme étant un phénomène mouvant, vivant.
4 5
Les Saprophytes sont un collectif lillois d’architectes et paysagistes. « Renzo Piano, l’éclaireur », Le Point, rubrique Société, 24 décembre 2009
_ Les bâtiments d’architecture Les photos ci-contre présentent des habitats traditionnels du plateau de l’Altiplano, sur la Cordillère des Andes. Le climat étant extrêmement vigoureux, la forme et la composition du bâti se fait en fonction des usages des habitants de ces régions isolées. Ainsi, on remarque une architecture basse, faite principalement de terre, un matériau très disponible dans ces régions isolées, et de chaume. Les différents bâtiments composant une propriété sont organisés et hiérarchisés autour d’une cour. Le bâtiment central abrite les parents, les bâtisses périphériques servent aux enfants, aux grands-parents et pour le matériel. Les andins considèrent, qu’il y a plusieurs sphères d’intimité. La première, l’extérieur est la partie publique. Le mur d’enceinte cache la partie semi-publique et enfin la maison est la partie privée. La cour permet de recevoir des invités aussi bien pour le travail que pour des moments de détente. La seconde photographie montre plus en détail une maison qui possède un toit de chaume. Le matériau est spécifique, et utilisé afin de permettre l’évacuation de la fumée provenant du foyer qui brûle à l’intérieur de ces maisons très peu ouvertes sur l’extérieur. Cette construction, ayant une réflexion quant aux modes de vie, à une mise en œuvre, à un site, à un besoin a été construite sans architecte, mais forme, selon moi, une architecture complexe et organisée. On peut alors se demander où commence l’architecture ? Est-ce qu’une tente, une cabane est une architecture ? Peut-être que deux planches posées l’une contre l’autre sont une architecture, dès lors qu’elles mettent en place une spatialité raisonnée ? On peut penser que l’architecture est partout ? C’est le lieu de vie de l’Homme, elle l’entoure. Elle le protège, l’abrite, le sécurise. « Il faut rester humble, nous ne sommes que des constructeurs d’abris »6, déclare Renzo Piano.
6
Ibidem
Matérialité fonction du temps «Les gravillons crissent sous mes semelles, de pas sautés à pas de bourrée, j’évite les flaques rouillées. Derrière la broussaille, ils se dressent : les Grands Moulins de Paris. Je me sens tout petit face à ce château industriel de briques et de béton... Le béton suinte, se couvre de flaques, s’enduit de mousse vert vif, se pare de graffitis multicolores. Semblant inanimé, le bâtiment vit toujours. Le bois respire au rythme des rafales qui s’engouffrent en son sein. Des marbrures de farines sont encore présentes dans la partie incendiée. Le bois pourri ploie comme un avertissement avant de céder. Tous les stades de son cycle de vie sont visibles ici : de l’arbre qui pousse jusqu’à la planche sortant de la scierie, en passant par la sciure et les cendres... La seconde aile, possède des salles majestueuses où béton et lumière paraissent se confondre. L’odeur du froid nous pousse à avancer. Nos pas nous mènent dans des salles de toutes tailles : certaines semblent s’être vidées il y à quelques minutes. Étrange impression que ce bâtiment provoque en moi : un géant qui fabriquait de la poussière de céréales et qui se fait maintenant ronger par la rouille et les lichens.»7
7
Guillaume Campion, De rouille et de songes
Comment parler de la matérialité ? Comment la définir ? Je parlerai de matérialité en relatant l’expérience que j’ai vécue dans un lieu bien précis. Pour moi, la matérialité est dépendante d’un contexte qui lui est propre, et plutôt qu’en donner une définition précise, je préfère relater les moments où je l’ai, selon moi, éprouvée. Le bâtiment des Grands Moulins de Paris8 , à Marquette-lez-Lille, est l’exemple personnel d’un lieu qui me touche tant son atmosphère est prenante et forte. Créée en 1921, cette ancienne minoterie9 est un immense bâtiment de style néo-flamand, construit sur huit niveaux. L’activité s’étant arrêtée en 1989, ce lieu de production est aujourd’hui une friche, où la végétation a repris partiellement ses droits. La vie semble s’y être arrêtée, nous rappelant une fois encore le caractère mouvant du lieu selon le temps, l’utilisation qui en est faite et la conservation qu’on lui accorde. On pourrait, selon la notion de Gilles Clément, qualifier cet endroit de délaissé. En effet, « le délaissé procède de l’abandon d’un terrain anciennement exploité. Son origine est multiple : agricole, industrielle, urbaine, touristique, etc. Délaissés et friches sont synonymes. »10 . Aujourd’hui partiellement en ruines, on retrouve un bâtiment pratiquement désossé, dont la carcasse tente de subsister aux assauts du vent et des intempéries. Il n’y a plus de vitres, de réseaux ou de meubles. Ne demeurent que la structure en béton, les façades de briques, et quelques parties d’anciens planchers de bois. On ressent immédiatement dans ce lieu, la poésie du temps qui s’est dérobé. Le calme est impressionnant et tranche avec l’immensité du bâti. On tente alors d’imaginer l’agitation et l’activité foisonnante qui a du à un moment, faire vivre ces espaces. Le silence ne sera troublé que par le vent qui fait siffler le métal et craquer le bois, ou par quelque visiteur anonyme, un pigeon, un marcheur qui s’aventure ou se réfugie dans cette cathédrale de béton. La matérialité passe par ces expériences de la sensation intérieure, qui bouleverse ou apaise, mais qui en tout cas provoque quelque chose. La matière est à nu. Le béton est ici froid et mat. Il accroche la lumière qui s’infiltre sans la renvoyer. En tant qu’élément de mur ou de plancher, il offre une lecture homogène du bâti. Cette monochromie a du être parfaite à un moment donné. Aujourd’hui, la végétation, les flaques et les tâches la font fluctuer 8 9 10
Architecte : Vuagnaux Lieu de transformation du blé en farine Gilles CLEMENT, Manifeste du Tiers paysage, éditions sujet/objet, Paris, 2004.
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en étendant la palette grise aux verts, bruns et noirs. Les graffitis s’accrochent aux parois et interpellent le regard de leurs couleurs vives. L’eau qui jonche le sol vient refléter cette matière mate et rend le tableau encore plus vivant. Une seule matière, un même matériau possède donc plusieurs matérialités, plusieurs aspects, plusieurs vies en fonction de son histoire. L’architecture est un processus, et il semblerait qu’ici, l’on soit arrivé à une étape qui n’a peut-être même jamais été envisagée par les concepteurs. De près, les aspérités du matériau sont visibles. L’humidité se lit sur les murs, le grain de la matière est ombré par la lumière et la froideur du béton provoque des réactions sensorielles pour qui va le toucher. Toucher la matière c’est aussi l’éprouver, en sentir sa matérialité, sa rugosité, sa finesse, voire sa sensualité. La matérialité dépasse la matière, prend bien plus en compte que le matériau, et ne considère aucun vide. De façon scientifique, l’atmosphère est l’enveloppe gazeuse entourant la terre solide. Certes elle existe sous différents états, mais la matière est présente partout dans un rayon de 1000km autour de la terre. Ainsi l’air est une matière. Il bouge, il rafraîchit, il oxyde, il tourbillonne, et il participe au même titre que n’importe quel matériau à composer la matérialité. Comme l’indique Cyrille Simonnet, « L’air élément est donc autant un espace qu’une substance, et c’est peut-être cette ambivalence qui en fait sa spécificité. D’être à la fois matière et milieu le dote d’un pouvoir de transformation permanent. A la fois ou tour à tour contenant et contenu, c’est un élément instable. »11 En quelques points, on se sent dans ce bâtiment comme dans une forêt. L’intérieur est profond et abrité, et les ombres projetées de la façade et des planchers participent à cette atmosphère fraîche et solennelle. La mise en œuvre du béton répond également à cet imaginaire. En levant les yeux, c’est un croisement presque infini de fines poutres et de poteaux de béton qui s’offre à nous. Cet ouvrage rend le matériau aérien, et montre alors que la matérialité dépend autant du matériau et des éléments extérieurs que des choix de sa mise en œuvre. L’impression de légèreté ressentie contraste avec la massivité des épais murs de briques de l’enceinte. L’impression est une réaction qui se dégage de chacun en fonction de sa propre subjectivité. Elle prend toujours en compte une part de relativité. L’impression d’être petit, grand face à une structure, l’impression d’être opprimé, ou libéré, angoissé ou apaisé. Toutes ces perceptions dépendent de la structure de chaque individu, de ses conditions physiques, mentales et psychologiques et participent à la beauté de la diversité des sensations existantes.
11
Cyrille SIMONNET, Brève histoire de l’air, Versailles, Editions Quae, 2014, p.17
Ainsi, la matérialité pour moi, correspond à toutes les causes de ce que je ressens dans cet endroit. Elle représente tous les éléments de réponse aux questions que l’on se pose sur l’état de ce que l’on voit : Pourquoi ai-je cette impression profonde d’être dans un lieu singulier, froid, beau, mystérieux, voire féerique ? Pourquoi la dégradation d’un bâtiment, (souvent perçue comme un acte négatif), procure autant de sensations et de force ? Pourquoi le fait que les plantes se développent, les graffitis se multiplient, l’eau s’infiltre semble figer cet endroit dans une magie hors du temps ? Dans Stalker12 , film d’Andreï Tarkovski, le protagoniste emmène des visiteurs à l’intérieur de la zone, vaste espace abandonné dénué de toute présence humaine. Là aussi, la nature a repris ses droits et la civilisation n’apparaît plus que sous forme de ruines englouties par la végétation. L’eau et la végétation, omniprésentes, sont filmées tels des êtres vivants. A leur rythme, avec leur sonorité, leur mouvement, leur respiration. Tarkovski rend très bien compte de cette suspension du temps, de l’atmosphère de ces lieux qui inspirent à la fois sérénité et inquiétude. Le rythme lent de la contemplation s’oppose alors au brouhaha et à l’agitation constante du monde quotidien, rendant ces lieux déstabilisants. Contre la rigidité et le contrôle que l’homme tente d’instaurer, la beauté de l’abandon et du temps qui efface perturbe les perceptions. De là, apparaît cette magie. Le temps ne laisse pas la place à l’anecdotique. Comme dans les Grands Moulins de Paris, quand la nature reprend ses droits, il ne reste que la carcasse, la structure, le « solide ». La dégradation est alors révélatrice de la stabilité du bâti. Le temps qui passe déconstruit le processus qui fait passer la matière au statut de matériau. Il existe un paradoxe entre la « mort » du bâti et la force vive de cette nature apparemment immobile. L’imaginaire convoqué dans ce film est très fort et les domaines du rêve et de l’introspection sont omniprésents. Ressentir la matérialité à travers un film, est bien la preuve que l’on peut la retranscrire. Sans jamais l’éprouver réellement, la sensation d’humidité est constante. A travers l’eau des reflets, les bruits, on voit l’humidité, on l’entend, on la devine. Une matérialité forte qui passe par la retranscription du son. Le bruit de l’architecture est très présent. Bruits sourds, échos, grincements, résonances, on rend aussi compte de la matérialité par les sons. 12 Stalker, (Сталкер), film russe de Andreï Tarkovski, sorti en 1979 et adapté du roman d’Arcadi et Boris Strougatski
Encore une fois, je pense que même si la majorité des phénomènes est explicable de façon très rationnelle en étudiant les matériaux, leur matière, leurs caractéristiques, l’environnement, les données climatiques et hygrométriques, etc. il semble qu’une part de mysticité demeure et appartienne à chacun. C’est en ce point que la matérialité est également intéressante. Les matières composantes du béton sont des données objectives, c’est le mélange d’agrégats et d’un liant. Le matériau l’est aussi, nous parlons toujours de béton. Là où les choses se séparent c’est dans l’interprétation que chacun en fait selon des références plus ou moins explicables du vécu ou de la sensibilité. Une matérialité peut être ressentie à des instants très furtifs, au moment où le vent souffle et où les nuages laissent passer les rayons du soleil, révélant alors l’espace de quelques secondes, la présence de la poussière, la rugosité d’un mur ou la brillance d’un métal. Certes, je ne connais pas les intentions du début, je n’ai pas fait l’analyse détaillée de ce bâtiment, je n’ai qu’une idée inventée de comment il devait être à son origine. Pourtant, je peux parler d’une matérialité, d’une ambiance de ce lieu à un moment donné. Cet exemple met en avant à la fois l’importance de la prévision et de l’élaboration des ressentis qui pourront être éprouvés dans un bâtiment en fonction de tous les choix de matière, de matériaux et de mise en œuvre que nous ferons, et soulève en même temps le caractère imprédictible de l’utilisation humaine, de l’appropriation, de l’abandon. Savoir mêler ces deux idées, c’est savoir prendre en compte la mutation de l’architecture, qui de toute façon nous échappera, c’est savoir accepter une part d’imprédictible dans la conception d’un espace, quel qu’il soit.
A la rencontre d’un objet
Approche de la maison 1930 Le terme « maison 1930 » fait partie de ce que l’on peut appeler l’architecture du commun. Un ensemble de maisons construites entre 1870 et 1950, la plupart du temps en lien avec le patronat, pour loger la population ouvrière grandissante et les cadres des usines, très présentes dans la région. Leur construction croît fortement avec la Société française des habitats à bon marché, qui, par la loi Siegfried13 de 1894 facilite l’accession à la propriété . C’est un objet d’étude assez fascinant au sens où chacun de nous, pour peu qu’il connaisse un peu le Nord de la France ou la Belgique y a surement déjà été confronté, l’a déjà éprouvé. Dès le départ, nous nous sommes raccrochées à des souvenirs personnels, des maisons, des habitants que nous connaissions. L’approche de ces maisons s’est faite dans un premier temps en convoquant l’expérience. Comment pouvons-nous à partir des connaissances générales que nous en avons, définir ce sujet qui semble si vaste ? Les recherches historiques, presque archéologiques, les visites, les entretiens, alliés aux récits et aux anecdotes des personnes que nous rencontrions, nous ont permis, petit à petit de cerner les caractéristiques de la maison, de la comprendre dans son individualité et dans son contexte, de tracer des relations de cause à effet entre le récit des habitants et les découvertes faites par nos prospections. Malgré l’apparente banalité de ces maisons, il n’est pas évident d’en dresser un « portrait » type. On remarque très vite en faisant cet exercice qu’au-delà d’un modèle commun, il existe presque autant de variations qu’il existe de maisons, rendant le travail de recherches très complexe mais très intéressant. D’origine, c’est un modèle de maisons principalement en briques, alignées sur rue en bandes constituant ou non des ilots fermés. La configuration en ilot ne tient pas compte de l’orientation, ce qui est un premier facteur de diversité rencontré dans les habitats. Les industriels les ayant construites par séries, il n’est pas rare de voir dupliqué plusieurs fois un modèle unique de maison, toutes construites en même temps. Elles varient du R+1 au R+3, possèdent des combles et souvent une cave. La plupart du temps sur des parcelles allongées elles ont une largeur inférieure à leur longueur et ont régulièrement un espace extérieur attenant. 13 http://www.union-habitat.org/les-hlm-de-%C3%A0-z/l%E2%80%99histoire-des-hlm/il%C3%A9tait-une-fois-le-logement-social, consultation le 25 Mai 2015.
C’est par ces largeurs et par la profusion ou non d’ornement des façades et à l’intérieur du logement que l’on peut tenter de classer ces maisons en trois types distincts. Les maisons ouvrières possèdent souvent une largeur inférieure à 4m. Entre 4 et 5m on parle de maison semi-bourgeoise, et au-delà de 5m de façade, de maison bourgeoise. Le nombre d’étages augmente en fonction de ces critères. Ces extérieurs étaient autrefois des cours techniques, regroupant diverses fonctions telles que le potager, le stock du charbon s’il n’y avait pas de cave, les clapiers, mais aussi les cabinets d’aisances, extérieurs à la maison. L’intérieur est basé sur un fonctionnement commun. Les escaliers, encloisonnés, se situent généralement dans l’axe de la porte et desservent les étages ainsi que la cave. Le rez-de-chaussée regroupe la ou les pièces à vivre, le point d’eau et la cour extérieure. Les étages renferment les chambres donnant soit sur rue, soit sur cour. Avec le temps, l’apparition de marteaux, excroissances longitudinales à l’arrière de la maison, ainsi que d’extensions diverses et variées, faites parfois de bric-à-brac, différencie depuis l’intérieur de l’ilot, chaque maison de sa voisine(fig). Les salles de bains sont ramenées dans les extensions, les cuisines sont aménagées, les escaliers sont parfois décloisonnés. La façade de la maison 1930, apparemment immobile, est en fait l’expression très forte d’une multitude de d’énergies qui circulent et irriguent la maison. Que ce soient les fils électriques, les descentes d’eaux de pluie, les chéneaux, la cheminée ou les plaques d’égouts, de gaz ou d’arrivées d’eau parsemées sur les trottoirs, la façade de la maison est le théâtre de ses réseaux. Différentes couches de l’histoire sont visibles et les habitants, qui possèdent ces maisons parfois depuis des générations, connaissent bien leur habitat et ses particularités. Leurs récits nous sont d’une grande aide pour comprendre l’évolution des usages dans ce modèle d’habitat centenaire, et c’est à partir de l’intérieur de la maison que partent nos constatations. Les fragments de récits, les scènes de vie nous révèlent autant de points problématiques, que d’attachement de la part des habitants à leur modèle de maison. La consultation de permis de construire aux archives municipales nous permet certaines fois de compléter et de retrouver les dates et le contexte des différentes extensions(fig).
Les matériaux utilisés sont principalement la brique pour les façades porteuses et les murs mitoyens, parfois aussi pour les cloisonnements intérieurs. C’est lorsqu’on étudie la construction de ces maisons que l’on se rend compte du point auquel elles sont solidaires les unes aux autres. Les habitations ne sont séparées que par un unique mur de 22 cm, soit une épaisseur de brique. Tous les murs sont isolés grâce à une couche de torchis, mélange d’eau, d’argile et de fibres naturelles, telles que la paille, ou le crin de cheval. Cette découverte fait écho aux récits d’habitants qui nous parlent de la façon dont les bruits des voisins sont transmis, mais que grâce à l’alternance espace de vie / circulation, la gêne n’est que minime la plupart du temps. Il n’est pas rare de remarquer, sur les maisons construites au même moment, que les façades et les toitures sont des éléments continus qui recouvrent plusieurs habitations en même temps (fig). Les planchers, escaliers et charpentes sont en bois, et les éléments sont directement ancrés dans les murs mitoyens (fig). Tout ceci rend ces maisons interdépendantes constructivement mais pas seulement. Certains habitants consultés nous parlent de la différence ressentie dans leur maison, à une époque où celle des voisins n’était plus occupée, et donc plus chauffée. L’interdépendance est aussi thermique. On chauffe moins lorsque son voisin chauffe aussi. La question de l’interdépendance est liée à celle de l’usage et plus largement à la question sociale.
Ayant traversé les époques, ces maisons représentent aujourd’hui 40% du parc immobilier du Nord Pas-de-Calais, un chiffre non négligeable qui justifie totalement leur prise en compte. La thermique est effectivement un problème récurrent dans ces habitations. La consommation énergétique visée étant à 130 kWhEP/m²/an, les maisons 1930 s’élèvent en moyenne à 282 kWhEP14 / m²/an à l’état initial. Sur les sur 545 maisons testées par la région entre 2009 et 2011 en l’état actuel, la moyenne est de 317 kWhEP/m²/an15 . Mais la précarité énergétique n’est pas un simple problème physique. On se rend compte que ces déperditions viennent aussi de la façon dont les usages ont peu à peu transformé les maisons. Les combles sont maintenant souvent aménagés, faisant gagner de l’espace pour des chambres, ou un bureau, mais n’ayant plus le rôle d’espace tampon qu’ils opéraient autrefois entre la toiture et le reste de la maison. En habitant ces espaces, on se rend compte qu’il y fait souvent froid l’hiver, et chaud l’été. De même pour les extensions. Ajoutées au fur et à mesure des années, elles sont souvent faites de structures légères, très peu isolées, et très vitrées dans le but de ramener le plus de lumière possible. Le choix des matériaux, la mise en œuvre, les infiltrations d’air et d’eau en font la principale source de déperdition thermique, mais également des lieux où la ventilation est mal gérée. De même pour l’ouverture de la boîte aux lettres, faisant communiquer directement l’extérieur à l’intérieur de la maison (fig). La rénovation ne peut pas être simplement thermique, mais doit considérer la façon dont les usagers utilisent leur maison, la façon dont eux aujourd’hui conçoivent la vie dans une maison 1930 et comment ces modifications de comportement influent sur le fonctionnement physique de la maison. C’est en prenant en compte toutes ces considérations que nos recherches se sont naturellement orientées vers ces usages, vers l’intérieur de ces maisons et les situations très concrètes qui en émergent.
14 Le kWhep (kilowatt/heure d’ énergie primaire ) est l’unité de mesure utilisée dans la réglementation thermique ou lors d’undiagnostic de performance énergétique . Contrairement au kWh électrique facturé, le kWhep tient compte de l’énergie nécessaire à la production et au transport de l’électricité. Par convention, 1 kWh facturé par le fournisseur d’électricité correspond à 2,58 kWhep. Ce coefficient varie selon le pays et selon le mode de production de l’électricité. Cet indicateur doit être pris en compte puisqu’il signifie que lorsque laRT 2012 exige une consommation maximale de 50kWhep/m²/an, il s’agit en réalité d’une consommation de 19 kWh/m²/an d’électricité facturée. Pour le gaz, le fioul et le bois, ce coefficient est égal à 1. 15 Chiffres issus d’une étude énergétique menée de 2009 à 2011 par la Région Nord Pasde-Calais sur l’habitat individuel ancien, Fiche habitat de ville / Maison de ville « 1930 », consultée le 24 Mai 2015 sur le site https://www.nordpasdecalais.fr/upload/docs/application/pdf/2012-10/ fiche-conseil_maison_de_ville.pdf
Note sur l’intemporalité des besoins fondamentaux de l’Homme
Le réel évoqué en avant propos comme condition de l’architecture passe pour moi avant tout par l’Homme, et par son ressenti propre. La notion de projet a toujours été pour moi associée à ces questionnements : l’Architecture, oui, mais pourquoi ? Pour qui ? La lecture de Construire pour Survivre16 , de Richard Neutra, a renforcé la considération que j’avais de l’être humain dans le projet. La dimension sociale de l’architecture est pour moi évidente, et l’approche de Neutra, physiologique, quasiment scientifique renvoie aux besoins de l’homme, mis en avant par la notion du bioréalisme. Bien qu’étant apparue dans les années 1950, ces notions renvoyant aux nécessités primitives de l’Homme sont plus que jamais valables aujourd’hui. Il remet en question la simple notion du « beau », en tentant de mettre en avant l’essentiel. La lumière, le bruit, l’air, sont autant d’expériences quotidiennes de l’Homme, dans son habitat notamment, influençant son être tout entier par l’intermédiaire, par exemple, du système nerveux. Le bien-être de l’Homme passe par la stéréognose, où la coordination des sens. Neutra relate l’importance des aspects non visuels de l’architecture. Prenant l’exemple des cathédrales gothiques, il raconte le son de l’architecture, qui comme la lumière, « met en relief des espaces et les corps architecturaux et laisse des parties dans l’ombre »17. Au même titre, il nous fait nous questionner sur l’odeur de l’architecture. Ces odeurs si caractéristiques de certains lieux, qui sont conditionnées par la rencontre de différents paramètres, tels que le matériau, sa porosité, l’hygrométrie de la pièce, sa température, son aération, sa composition, sa fonction. Ces expériences sensorielles de la matérialité, font partie, je pense, des références propres à chacun, enrichies par la pratique de la vie.
16 17
Richard NEUTRA, Construire pour survivre, Tournai, Casterman, 1954, éd. 1971. Ibidem.
Selon Neutra, « Pour qui a le sens de la biologie, dominer la nature ne signifie nullement contrarier ses formes et ses attributs, mais plutôt accorder le comportement de l’Homme à son ordre. »18 . Il existe une réelle corrélation entre la place de l’Homme dans la nature, en tant qu’être humain, et la manière de penser l’architecture. L’Architecte possède un rôle primordial dans le développement « L’homme fabrique des outils, et avec ceux-ci, il fabrique d’autres outils pour changer de plus en plus notre environnement naturel, et chaque produit engendre son propre essaim de sous-produits. C’est grâce à cette activité en éternel mouvement que sont crées les habitations, les réseaux de routes, les villes, en un mot, tout un nouvel environnement. Cet environnement, œuvre de l’homme, agit sur le système nerveux de chaque membre de la communauté. Plus encore : l’architecte est aujourd’hui, en état d’exercer une influence considérable sur le système nerveux de générations entières. » 19. Le rôle de l’architecte en tant qu’acteur engagé du cadre de vie et du bien-être des populations est mis en avant dans cette pensée, et me questionne constamment. Le mémoire de recherche que j’ai effectué dans le séminaire de Bénédicte Grosjean à propos de L’image et la revalorisation des quartiers miniers, m’a fait me pencher sur cette question de la considération de l’homme et du patrimoine, ainsi que sur leur place dans le remaniement de quartiers tel que ceux étudiés. Cette recherche a permis la rencontre et l’approche du travail du collectif des Saprophytes, dont le local est situé à Lille Fives. «Un organisme est dit saprophyte (du grec sapro pourri, phyte plante) s’il est capable de se nourrir de matière organique en décomposition. La plupart des bactéries saprophytes sont inoffensives pour l’Homme. Leur action principale est le recyclage de la matière (surtout végétale) qui participe au maintien de l’équilibre biologique dans la nature. De nombreux champignons se développent selon un mode de nutrition saprophyte et poussent sur des arbres ou des feuilles mortes. Ils participent ainsi à la formation de l’humus.» 20
18 Ibidem, p.55 19 Ibidem 20 Site internet des Saprophytes, consulté le 04 Mars 2015 : http://www.les-saprophytes.org/ index.php?cat=sapro
Cette définition est la description scientifique de ce que l’on peut considérer comme un organisme saprophyte. Elle nous renvoie à l’image de l’Homme au sens biologique, l’Homme qui vit, qui possède des besoins propres et nécessite un habitat, un milieu où vivre et s’épanouir. Apparaît également à travers cette définition l’idée du recyclage, de la renaissance, de la transformation plutôt que de l’abandon. On y devine l’envie de mettre en avant ce que d’autres dénigrent, ce qu’habituellement on jette. En s’intéressant à des objets d’étude dénigrés ou considérés comme rejets, ils se questionnent sur la relation de l’Homme à son milieu à travers l’expérimentation de la ville. Ils travaillent toujours dans une démarche de partage et d’échange avec les habitants, qu’ils considèrent acteurs de leur milieu de vie. Il s’agit de faire renaître, mettre en valeur ce qui paraît inexploitable à première vue. L’idée du mouvant, du changeant, de l’incertain, se retrouve dans la métaphore organique de l’organisme saprophyte. On ressent l’idée de partager des savoirs, d’apporter sans imposer, de suggérer, d’attiser la curiosité, de provoquer des réflexions et des prises de positions. Ils tentent de concrétiser les attentes des acteurs présents sur le site. Ils rentrent dans un mouvement commun de plusieurs architectes qui préfèrent, au-delà d’être inscrit à l’ordre des Architectes, acquérir une plus grande liberté d’action et de décision dans les projets abordés. J’ai compris grâce à eux, qu’il était possible d’avoir une autre vision de l’application de l’architecture, et leur travail à renforcer mon envie de continuer à faire de l’architecture, à la penser, plus qu’à appliquer le métier d’architecte-bâtisseur comme il peut être vu aujourd’hui.
Considérations du patrimoine
Le mémoire de recherche que j’ai effectué dans le Séminaire « Urbanisme et urbanisation », a également été l’occasion pour moi de poser la question de la place du patrimoine et de sa conservation. Quelle place laisser à l’ancien par rapport au nouveau ? Quelles positions adopter par rapport à la conservation du patrimoine ? Il y a plusieurs définitions du terme patrimoine. Ainsi, un simple dictionnaire définit ce terme comme étant les « Biens d’une famille », ou encore « ce qui constitue l’héritage commun d’un groupe, d’un pays. Patrimoine artistique »21 . On perçoit alors déjà avec cette définition générale que le patrimoine engendre la notion d’héritage, et donc de mise en relation entre passé et présent. Une opposition entre un passé révolu, moment de vécu de l’objet, et un présent où il aura une place différente. Cette notion de temps est primordiale dans la définition du patrimoine. Autrefois il était, selon des caractéristiques propres ; aujourd’hui il subsiste, selon les caractéristiques qu’on lui accorde. C’est précisément cette notion d’évolution selon le temps qui donne l’importance à la notion de patrimoine. Dans Colères, ou la nécessité de détruire, Claude Parent nous fait nous questionner sur la place de ce que l’on considère comme étant un patrimoine, sur cette systématisation de la rénovation, sur ce besoin continu de « remettre à neuf » une architecture qu’il considère ancrée dans une temporalité forte. « L’architecture est une personne ! Elle est vivante. Elle a le droit de vieillir et de mourir. Pour elle, point de cure de rajeunissement, pas de chirurgie esthétique, pas de greffes, pas d’hormones. Cela ne rappellerait que trop les visages de ces très belles femmes dont la beauté conservée à coup d’artifices successifs n’exprime plus, à tout jamais, le moindre sentiment authentique, dont l’expression figée ne permet plus, sur la peau trop tendue, le passage même furtif d’une seule émotion.» 22 Pourquoi on ne détruit pas les 1930 ? Il serait sûrement plus simple de tout raser et de les remplacer par des logements neufs directement plus efficients. Cependant, la question ne s’est pas posée dans la réflexion engagée. Pourquoi on conserve? Qu’est ce qu’on conserve ? 21 Dictionnaire Hachette Encyclopédique, 2010. 22 Claude PARENT, Colères ou la nécessité de détruire, Marseille, Michel Schefer editions, 1982, p.36
Ces maisons, par leur histoire, leur symbole de l’industrialisation et de la culture régionale demeurent dans le tissu urbain d’aujourd’hui. Ces longs fronts de rue de briques, ces décors de façades en briques vernissées sont ancrés dans l’imaginaire collectif, et nous ont été largement relatés par les habitants consultés. Mais ce n’est pas, selon moi, la seule raison de cette conservation. Ce sont des habitats qui possèdent un caractère fort. La diversité d’habitants rencontrés, de structures hétéroclites de familles, autant que d’usages multiples de cette maison, en font un objet qui traverse le temps, qui s’ancre toujours dans le présent et se projette dans le futur. « Par sa fixité, par sa résistance, par sa rigueur, par son refus de s’adapter, par son refus de trop facilement disparaître, l’architecture permet à l’homme de prendre conscience de ses besoins authentiques, en engageant sa responsabilité dans l’acte de détruire. » 23 Dans sa leçon inaugurale « Projeter pour la ville », Luigi Snozzi met en évidence la conception « dynamique » du paysage : « Il ne s’agit donc pas pour l’architecture de s’intégrer à un site, mais bien plutôt de construire un nouveau lieu dans un rapport de confrontation et non de soumission à l’existant. » Cette réflexion met en avant une pensée désacralisée du patrimoine dans une société occidentale qui a une tendance à la « mise sous verre » de ses monuments. Ne pas le sanctuariser, mais le questionner. L’existant n’est pas passif, mais bien acteur du projet d’architecture. Le considérer comme intouchable, le mettre sous cloche sans le questionner, le laisser totalement à part du projet est peut-être la meilleure manière de ne pas le respecter. Je pense que l’on peut voir le projet comme nouvelle couche apportée à l’histoire. Il y a un côté présomptueux à dire que ce que l’on va faire maintenant ne rentre pas dans le cadre de ce qui existe. Comme si tout ce qui s’était passé depuis la création des maisons était un tout et qu’aujourd’hui au point ou nous sommes, notre architecture n’est pas apte à pouvoir se superposer à ce qui existe. Alors que toujours sur l’exemple de la maison 1930 d’origine, elle a été modifiée à chaque fois qu’elle a été sujette à une intervention. Une extension, deux, trois, une nouvelle toiture, de nouvelles fenêtres. Le patrimoine est vivant, l’architecture subi les assauts du temps. Je me pose la question de l’entre-deux qu’il existe entre la disparition d’un patrimoine et sa cristallisation. Faut-il conserver ? Détruire ? A quel degré peut-on intervenir ? Comment respecter un milieu ? 23
Ibidem, p.38
Enjeux contemporains comme contexte
TABLEAU COMPARATIF DU COUT DES ISOLANTS : Pan laine de verre Thermocoustic 38PP Kraft URSA 1.35x0.6m Ep.45mm : Panneau en laine de roche Rockmur ROCKWOOL 1.35x0.6m, Ep.45mm : Panneaux en fibre de bois AXTON 1.2x0.6m, Ep.40mm : Panneau en chanvre & lin AXTON 1.25x0.6m, Ep.45mm :
1,99€ /m² 4,77€/m² 6,25€/m² 6,95€/m²
Leroy Merlin L’évolution des usages de l’Homme est en lien avec les mutations observées dans les modes de production et de consommation. A ce niveau, je dois certains de mes questionnements et une certaine approche de l’architecture au poste d’hôtesse de caisse que j’occupe depuis deux ans dans la cour des matériaux du magasin Leroy Merlin de Béthune. Avant tout alimentaire, ce travail m’a permis de développer une approche de l’architecture et du matériau autre, bien loin de la théorisation que l’on en fait souvent, mais cependant très ancrée dans le réel. J’ai pu y mettre en évidence les matériaux courants proposés dans ce magasin, et ce que trouve tout particulier lambda qui décide d’opérer des modifications dans son logement. C’est une réelle source d’exemples et de mise en application des questionnements que peuvent avoir les gens sur leur logement et la manière de l’améliorer. Cette confrontation au monde du commerce, très présent en architecture, m’a permis d’ouvrir également les yeux sur l’état actuel des techniques utilisées, des coûts et de l’intégration des produits innovants dans la vie courante. En effet, sur l’exemple de l’isolation, la laine de verre, la laine de roche, le polystyrène, sont systématiquement proposés et vendus aux clients recherchant une isolation performante pour leur logement. A l’inverse, la fibre de lin, le chanvre, la fibre de bois, pourtant présents, aux qualités sanitaires et environnementales bien supérieures, ne sont quasiment jamais vendus. Comment expliquer la vente massive de ces types de laines ? Comment imaginer une autre répartition du marché ? Il existe une sorte de relation entre l’importance du prix de ces matériaux et leur intégration dans les mœurs. Comme représenté sur ce tableau, les laines bio-sourcées doublent le coût de l’investissement en isolant. Même si leur performance est plus élevée, je pense d’expérience que les conseillers dirigent très naturellement les clients vers des laines « classiques », laines qui sont d’ailleurs intégrées à tous les modèles d’exposition disponibles en magasin. Rockwool®, Ursa®, Isover® (marque du groupe Saint Gobain), sont autant de marques leader du marché. La question du lobbying et des possibilités de les dépasser est alors posée. En discutant avec les conseillers de la cour Matériaux, on ressent une relation de cause à effet entre le manque de demande des isolants bio-sourcés, et leur prix élevé. Il apparait que les clients achetant ce genre d’isolants ont déjà cette décision en tête en arrivant au magasin. C’est un achat reflétant d’un engagement, soit dans un souci de performance maximum, soit dans celui d’un logement respectant la santé et/ou
l’environnement. Ces lieux correspondent à une évolution sociétale où chacun peut s’investir dans son confort de vie et où tout est accessible. Enseigne créée en 1923, démocratisée dès les années 60, Leroy Merlin est la première enseigne française ou l’on peut se fournir en matériaux sans passer par une entreprise de construction. Cette enseigne ouvre la porte à une nouvelle façon de penser l’architecture et la construction. Le « faire soi-même ». Chacun peut décider de refaire une partie de sa maison, de réaménager, de repeindre, agrandir, équiper et accéder à tout le matériel nécessaire de façon très simple. L’auto-construction participe à l’implication et à la responsabilisation de l’individu face à son logement. Parallèlement, travailler dans le milieu de la grande distribution est une expérience assez étrange. On comprend, en y étant, comment se tirent certaines ficelles d’un monde consumériste. Comment plaire pour mieux vendre ? Comment modeler l’image d’une enseigne ? Comment créer des nécessités chez les gens ? Comment faire passer le statut de la personne lambda qui rentre dans le magasin, à celui de client à qui l’on prétend « rendre un service » en lui vendant « ce dont il a besoin » ? Ces considérations questionnent déjà beaucoup lorsque l’on travaille dans n’importe quelle grande surface. Mais transposer ça à un magasin de bricolage questionne sur ce qu’est le business de la construction, sur la place de ces enseignes dans la vie courante, sur la façon dont la demande module les offres et vice-versa. Il existe une érotisation de la construction. On observe une assimilation entre la construction, la rénovation, les travaux et le sexy, le cool, le joli. L’enseigne joue sur la tendance du foyer comme lieu personnalisé où chacun souhaite s’investir. Les outils sont féminisés, roses pour les filles, bleus pour les garçons. Ils deviennent de plus en plus légers, de plus en plus ergonomiques, de plus en plus « design ». Cependant, il semble que Leroy Merlin fasse le lien avec l’architecture par la mise en place de différents medium pour les clients. (Vidéos Du côté de chez vous, magazines d’aménagement, partenariats avec Architecture à vivre ‘fig.)) Les ateliers, les vidéos visibles sur le site internet du magasin mettent tout en place pour faciliter le travail du client, et lui montrer qu’il est « facile » de poser des plaques de plâtre, de maçonner, ou de changer une fenêtre. Autant d’activités professionnelles que l’enseigne s’efforce de vulgariser.
Ces enseignes s’insèrent dans un contexte politico-économique où les préoccupations énergétiques sont grandissantes. En même temps qu’est votée la loi de transition énergétique visant à réduire les consommations d’énergie et les gaz à effets de serre, l’accessibilité aux travaux est facilitée. Prêts, primes énergie en fonction des produits choisis, facilitation de la pose, tout est fait pour inciter le consommateur à initier ces démarches. Cette adaptation au marché se ressent également dans la mise en avant des produits en fonction des rythmes saisonniers. Ces temporalités modulent l’offre. Alors qu’au printemps ce sont les lames de terrasses et les toitures polycarbonates qui sont mis en avant, la fin de l’été est le moment où les isolants et les granulés de bois font leur retour. Une autre interrogation est celle de la norme. On remarque que les produits vendus possèdent des dimensions standard. Les poutres, bastaings, chevrons font trois, quatre, cinq ou six mètres. Un parpaing peut avoir une épaisseur variable allant de cinq à vingt centimètres mais sa hauteur est de vingt centimètres et sa longueur de cinquante. Les plaques de plâtre font généralement treize millimètres d’épaisseur, deux mètres cinquante de long sur un mètre vingt de large. Cette automatisation des dimensionnements prend en compte le plus grand nombre et les normes de constructions actuelles, mais s’adapte aussi à un besoin de transport et de portabilité des éléments de la part des clients. La question de l’enfermement dans ces normes se pose alors. Quelles sont les conséquences de ces pré-dimensionnements constants ? Quelles libertés offrent-ils ? Comment peut-on imaginer détourner ou inciter d’autres normes, d’autres standards, et ainsi s’émanciper d’une certaine prédétermination des éléments ? Cette standardisation des produits engendre un autre phénomène. Celui d’une recherche de perfection formelle. La question du standard crée des déchets dès la sortie de l’usine. Pourquoi lorsqu’un produit est différent, il est considéré directement comme un déchet ? L’association de l’esthétique à la qualité semble être à l’origine de la dépréciation de ces produits. Selon la standardisation mise en avant par la grande distribution, le caractère unique, particulier, hors-norme renvoie à l’imaginaire d’une mauvaise qualité.
Cette homogénéisation de l’esthétique des matériaux de construction fait écho à la façon dont les briques utilisées dans la maison 1930 sont mises en œuvre. Elles sont triées, mais toutes utilisées. Les plus belles sont mises en façade, les moins belles sont utilisées à l’intérieur des murs ou en cloisons. Enfin, les briques vraiment très inégales ou trop cuites sont utilisées dans les murs des combles ou en fondations. Chacune à son rôle, et l’on se rend compte qu’un déchet est alors déchet lorsqu’on lui confère ce rôle. Enfin, la question de la norme rejoint également la notion de détermination des produits. Dans la cour des matériaux, on trouve des éléments bruts. Des bastaings, des dalles de béton, des plaques de polycarbonate, autant de matériaux vendus pour un ou des usages spécifiques mais qui pourraient finalement être l’occasion de détournement des fonctions habituelles et d’innovations.
TRI – Troisième Révolution Industrielle L’importance du nombre de maisons 1930 dans la région place le projet de leur réhabilitation dans un cadre plus global d’inscription du Nord Pas de Calais dans ce qui s’appelle la Troisième Révolution Industrielle (TRI). Ce concept développé par l’économiste américain Jeremy Rifkin, est basé sur les révolutions industrielles précédentes où le développement technologique était toujours lié à une innovation énergétique. La première allie au XIXème siècle l’exploitation du charbon et de la machine à vapeur à l’industrialisation de l’imprimerie et la large diffusion des savoirs requis par le capitalisme industriel. La deuxième révolution industrielle correspond à la rencontre au XXème siècle de l’énergie électrique et des moyens de télécommunication (téléphone, radio, télévision) 24. La troisième, quant à elle, serait selon Jeremy Rifkin « Le fruit d’une synergie détonante entre les énergies renouvelables et les technologies internet, qui modifiera les modes de distribution de l’énergie au XXIème siècle. Dans l’ère à venir, des centaines de millions de personnes produiront leur propre énergie verte à la maison, au bureau et à l’usine, et elles se la partageront via un système « d’internet de l’énergie », distribuée, tout comme on crée et on partage aujourd’hui des informations en ligne » 25 Ces prédictions se basent sur la disparition progressive des énergies fossiles en croisement avec l’expansion des énergies durables. Jeremy Rifkin met en avant la progression des réseaux de production et de consommation communautaires, à une échelle réduite, rendant obsolètes la production et la consommation à grande échelle. Il a été sollicité par la région Nord Pas-de-Calais pour établir un masterplan qu’il a présenté en octobre 2013 à Lille et qui permettrait à la région de s’inscrire dans ces transformations. En effet, le Nord Pas-de-Calais a été une région moteur de la dernière révolution industrielle, mais a également subit de plein fouet la désindustrialisation. Les maisons 1930 font partie des traces de cette industrialisation, et les faire perdurer, c’est aussi les considérer dans un contexte contemporain. 24 Site internet : http://www.latroisiemerevolutionindustrielleennordpasdecalais.fr/jeremy-rifkin/, consulté le 23 Mai 2015. 25 Jeremy RIFKIN, La Troisième révolution industrielle. Comment le pouvoir latéral va transformer l’énergie, l’économie et le monde. Editions des liens qui libèrent, 2012.
Selon Rifkin, la (re)construction d’une économie durable se fait grâce à 5 piliers qui doivent être mis en œuvre simultanément : - Le développement des énergies renouvelables à grande échelle - La généralisation des énergies renouvelables à l’échelle de chaque bâtiment transformé en mini-centrales électriques. - Le déploiement des technologies de stockage, par le biais de l’hydrogène ou d’autres moyens, dans chaque bâtiment et dans toute l’infrastructure, pour emmagasiner et réguler la production de ces énergies intermittentes. - L’utilisation de la technologie de l’Internet pour transformer le réseau électrique en système intelligent de distribution décentralisée de l’énergie. - La transformation de la flotte de transport en véhicules électriques rechargeables ou à piles à combustible, pouvant acheter ou vendre de l’électricité sur un réseau électrique intelligent.
Innovation «… Alors que Rifkin accorde relativement peu d’importance à l’architecture dans son livre (note: La Troisième Révolution Industrielle), son argument a de profondes implications pour le futur de la profession : comment allons-nous planifier nos villes, concevoir des bâtiments, pratiquer l’architecture et former les architectes ? La Troisième Révolution Industrielle ‘va fondamentalement transformer chaque aspect de la façon dont nous vivons et travaillons’, écrit Rifkin. La fabrication à petite échelle et financée participativement va graduellement remplacer la production de masse exigeant de forts capitaux ; des organisations agiles et en réseaux vont rapidement prendre le dessus sur les grosses entreprises hiérarchisées ; et le mouvement global des données informatiques va de plus en plus remplacer les échanges marchands planétaires des biens. Si la machine à vapeur devint la technologie iconique de la Première Révolution Industrielle et la chaîne d’assemblage celle du second, l’impression 3D pourrait bien devenir celle du troisième… » 26 En effet, ce travail est l’occasion de poser la question de l’influence de ce contexte économique et politique sur le rôle de l’architecte et sur l’architecture elle-même. Comment les préoccupations contemporaines en lien avec l’environnement et les énergies peuvent-elles participer à la notion de projet, à la matérialité de l’espace ? Comment ces événements peuvent-ils créer et moduler des atmosphères ? 26 Fisher Thomas, Architecture and the Third Industrial Revolution in www.architectmagazine.com
Comment nous, architectes, pouvons-nous traiter ces questions environnementales, sociétales et économiques liées à la TRI ? Malgré le « succès » et la médiatisation de Rifkin, des questions se posent quant à la plausibilité du déroulement de ce qui est pour lui une révolution. En prenant l’exemple de l’imprimante 3D, qui est vue comme la solution de production de demain jusqu’à l’intérieur du foyer, on se demande dans quelles mesures cette solution serait accessible au plus grand nombre. La pensée du coût des technologies, de la connaissance minimum qu’il faut avoir en termes d’informatique pose la question de l’impact sur les inégalités sociales déjà existantes. A quel point ces techniques peuvent-elles se démocratiser ? Cette réflexion questionne alors sur la place de la technologie dans ces idées d’innovation et de gérance énergétique. Le bâtiment 22/26 (fig.) par baumschlager eberle situé à Lustenau, en Autriche se prête à cette réflexion. Cet immeuble de bureaux, entièrement géré de façon électronique, n’intègre aucun système de chauffage, de ventilation ou de climatisation, et possède cependant des températures comprises entre 22 et 26°C, et ce, peu importe le moment de l’année. Ce bâtiment est la démonstration d’une architecture programmée, qui optimise les dépenses d’énergie par des systèmes de capteurs contrôlant entre autre l’ouverture des fenêtres. Si ce ballet de technologies est très efficace techniquement parlant, la sensation de lourdeur que j’ai ressentie à l’intérieur me pose question. L’atmosphère se fait pesante, les hautes baies offrent une vue déployée sur les montagnes mais sont également inouvrables, comme scellées au mur, provoquant au premier abord une sensation de frustration. Se posent alors plusieurs questions : Qu’est ce qui est vraiment nouveau ? Indispensable ? La domotique, par exemple, est en effet une technique nouvelle, qui découle de l’essor de l’électronique. Mais lorsque ce procédé est mis en œuvre pour commander automatiquement l’ouverture d’une fenêtre, peut-on réellement parler de nouveauté ?
L’aphorisme de Luigi Snozzi datant de 1973-75 le démontre. « Quel gaspillage d’énergie, quelle dépense pour aérer, chauffer, éclairer... Lorsqu’il suffit d’une fenêtre ! » Alors que les conditions technologiques étaient différentes dans les années 70, cette phrase aurait pu être écrite aujourd’hui. Il me semble même qu’elle prend encore plus de sens dans le cadre d’une société où la domotique et l’imprimante béton semblent vues comme les optimums de l’architecture de demain. La question de la pertinence de la complication s’ajoute dans cette phrase à celle plus induite de l’intelligence de la conception architecturale. La question se pose alors de la technologie face à la conception de l’espace, face au bon sens, face à la cohérence spatiale. La technologie rend-elle les gens assistés ? Fait-elle perdre à chacun tout le bon sens que l’on trouve déjà dans les architectures les plus anciennes ? Ouvrir une fenêtre manuellement, ouvrir une fenêtre en appuyant sur un bouton sont deux actions où l’être humain intervient et décide du geste qu’il entreprend. Programmer une fenêtre pour qu’elle s’ouvre de façon automatique en fonction de la température ou du taux d’humidité, c’est déléguer l’instant de décision, supprimer le moment où consciemment l’on se dit « Je vais ouvrir cette fenêtre car j’ai chaud », ou « j’ai besoin d’air ». Même si la domotique est programmée par quelqu’un, les usages de la maison s’en trouvent contrôlés pour tous les utilisateurs. Qu’est ce que ça veut dire en termes d’usages ? En termes de conscience, de morale, de place de l’homme dans son environnement ? La maison entièrement gérée par des systèmes électroniques s’apparente, pour le visiteur, à un écosystème indépendant, qui se régule seul, qui n’a plus besoin de l’intervention humaine. Cette absence évite les faiblesses de l’être humain tels les « oublis » ou « erreurs » éventuels qui empêchent l’optimisation des dépenses énergétiques. En contrepartie, cette rationalisation totale de la vie du logement ne prend pas en compte les différentes subjectivités que l’on peut trouver dans un foyer. Par exemple, la température optimale, qui n’est pas la même pour tous, ou le panel des sensations liées au bien-être dans la maison.
Production Dans un monde où les innovations techniques fleurissent chaque jour, se pose toujours la question de l’opposition entre l’artisanat et l’industriel, entre le particulier et le générique, entre l’innovation et la tradition. La Question du temps en tant qu’évolution des techniques de production et de consommation est au cœur de la réflexion architecturale. Comment réinventer les modes de production, conception, invention communs ? Cette réflexion s’appuie sur la rencontre de différents acteurs de la construction, à visions, objectifs et convictions très différentes : L’intervention de R.Deborre, du groupe Rabot-Dutilleul, nous a permis de mettre en avant les objectifs de l’Etat en matière de rénovation de l’habitat. La technique d’action du groupe est liée à la rénovation de masse, de préférence lors d’un changement d’habitant. La mise en œuvre est alors facilitée quand les occupants ne sont pas présents. La phase de préparation en atelier est importante afin de minimiser la durée de chantier. On peut alors se poser la question de la place de l’occupant ? De son implication ou non dans les travaux, de l’organisation de tels chantiers et de l’éventuelle prise en charge de son logement temporaire. Une autre question est celle de l’industrialisation. La diversité et l’inexactitude des côtes de ces maisons complexifient énormément le travail d’usine. Quel moyen serait le plus judicieux pour être le plus efficace ? Travailler en usine des éléments ayant une marge possible afin de pouvoir les ajuster plus facilement ? Travailler avec une machine, dans laquelle les côtes exactes seraient rentrées afin de profiter de la programmation en usine et créer des pièces uniques ? La conception et la planification du chantier sont des éléments décisifs dans ces projets de rénovation. R. Deborre met en avant la recherche d’une solution « esthétique, financière et marketing ». Quel est le rôle de l’architecte dans cette démarche ? Décorateur ? Aménageur ? La question de l’architecte face aux grands groupes de construction fait le parallèle avec l’image de l’homme d’art, que l’on prend plus pour une simple plus-value esthétique qu’un réel concepteur.
Smart module concept, filiale de Rabot-Dutilleul, représenté par Thibaut Leroy donne a réfléchir sur l’industrialisation du logement. Les maisons construites sont crées à 95% en usine grâce à des modules qui sont ensuite assemblés sur site. L’intérêt de cette technique vient de la planification du projet dès la conception qui permet de bâtir une maison en environ 3 semaines. La rapidité, le coût, la meilleure gestion des déchets en sont des atouts. La pré-isolation des poutres, le chantier sec, l’utilisation d’éléments usinables, la rationalisation totale du chantier (lotissements…etc.) rend cette technique très efficace. En construction neuve, ce procédé pose la question du rapport au site, au sol et à l’environnement de la maison. Cette rationalisation totale de la conception et du chantier se combine avec une utilisation optimum de la technologie, notamment au travers du BIM, logiciel de maquette 3D de représentation détaillée d’un projet avec tous les corps de métiers. En ressort une vision à la fois effrayante et fascinante. Quelle place a l’architecte dans le monde de la construction ou les constructeurs sont capables de bâtir des lotissements entiers grâce à l’industrialisation et aux nouvelles technologies ? Questionnement sur la rapidité de la prise de décision et du processus de projet dans ces constructions. Quelle prise en compte des besoins de l’usager ? Quelle prise en compte du site ? Quelle prise en compte de l’immatériel ? L’air, la lumière, sont des matériaux non industrialisables de l’architecture
Un autre point de vue serait celui d’Axel Swistek, représentant les compagnons du devoir. C’est une formation basée sur l’apprentissage, la transmission du savoir-faire et le respect du matériau ou de la technique. Elle dure un ou deux ans, suivis par un tour de France de trois à cinq ans. Les 28 métiers présents représentent autant les métiers du bâtiment que ceux de l’industrie, du goût et du vivant. Les métiers se croisent et l’apprentissage se fait aussi en fonction des autres corps de métier. Cette application à respecter les savoir-faire, tout en y intégrant les innovations et les applications contemporaines mettent en avant l’importance pour l’’architecte, de connaître et de comprendre le processus de mise en œuvre. Même si jamais il ne sera possible d’égaler les connaissances techniques et surtout manuelles de ces corps de métier, un réel échange est nécessaire si l’on veut pouvoir optimiser l’emploi d’un matériau, et lui donner sa juste place. Ces différents acteurs ont soulevé de nombreuses questions et leur intervention est matière à beaucoup de réflexion. Premièrement, quelle est la place de l’architecte au cœur de tous ces différents techniciens, ces différentes visions de ce que sont la construction, le savoir-faire et l’architecture ? La collaboration entre ces différents acteurs est nécessaire et je pense que l’architecte doit être au cœur de ces différentes évolutions, innovations, savoir-faire. Il doit être capable de tirer le meilleur parti de chacun d’eux en fonction de ses propres convictions et de ses propres objectifs de projet. Il existe un important paradoxe entre une maison construite en trois semaines et l’étude d’un métier qui peut prendre jusqu’à dix ans. La différence de vitesse est impressionnante. Comment se place-t-on parmi ces rythmes et ces vitesses ?
Expression d’un processus de travail
Solar Décathlon et multiplicité d’acteurs
L’inscription de ce projet dans l’aventure Solar Décathlon, fait sens dans l’idée de penser l’architecture de façon durable. Ce concours universitaire importé des Etats Unis où plusieurs écoles s’associent dans le but de réfléchir à la notion d’habitat durable et de construire un pavillon de 70m² travaillant uniquement les énergies renouvelables. Le concours se faisant traditionnellement sur des pavillons neufs, l’application de ses critères sur de l’existant est un défi relevant de problématiques différentes mais nécessaires à questionner étant donné l’impact territorial que représente ces maisons. Les 1000 points représentant les dix critères jugés prennent en compte l’architecture, l’ingénierie et la construction, l’efficience énergétique, l’innovation, la durabilité, le projet urbain, la mobilité et le coût, la communication et la sensibilisation sociale, le confort, le bilan énergétique ainsi que le fonctionnement des équipements. C’est un projet qui demande une préparation importante et qui s’étalera sur plusieurs années. Alors que nous en commençons aujourd’hui les recherches, il ne devrait être présenté qu’en 2017. Dans chaque école partenaire, les équipes vont changer, évoluer au fil des années. Ce procédé révèle alors plusieurs choses : premièrement, la notion de processus évoquée plus tôt. Le projet d’architecture s’inscrit dans des temporalités, plus ou moins longues qui se chevauchent ou s’entrecroisent parfois. Plusieurs étapes seront nécessaires à la réalisation de ce concours et l’ont se rend vite compte en travaillant à ce sujet que le projet a besoin d’une planification rigoureuse sur les deux années à venir afin de coordonner les différents acteurs de cette recherche et les différentes étapes de travail. Avancer de façon efficace c’est aussi savoir mettre en place un phasage des différentes étapes de recherche et de conception. Mais le point sur lequel ce travail m’a le plus questionné est en lien avec le grand nombre d’acteurs gravitant autour de cette réalisation. Nous avons eu l’occasion de travailler pour le moment principalement avec quatre écoles d’ingénierie et de design (Les mines de Douai, l’ENSIAME, l’ENSAD, l’ISD.). Il est très intéressant de voir à quel point l’organisation fait partie intégrante de la conception d’un projet. Nous nous sommes très vite rendu compte des difficultés que l’implication d’un grand nombre d’acteurs engendrait et de la nécessité de comprendre et d’écouter chaque partie que ce soit dans le fond ou dans la
forme.
Nous n’avons pas tous les mêmes disponibilités, le même regard sur la maison 1930, les mêmes outils de recherche et de conception, les mêmes objectifs personnels parallèlement à ce concours, parfois même le même vocabulaire, et cependant nous tentons de nous comprendre et de tous apporter notre contribution et nos savoirs à l’entièreté du groupe. Encore une fois, ce premier semestre de recherches fait partie d’un tout et les problèmes de communication et de coordination mis en avant lors des différents échanges peuvent être assimilés et corrigés lors des futurs échanges. L’émulation commune est sans doute le plus grand moteur de cette aventure. Le sujet de la maison 1930 et encore plus celui du Solar Décathlon, sont des projets qui appellent à un travail commun. L’organisation mise en place dans l’atelier pendant la phase de recherche, les réflexions, les nombreuses investigations, la compilation de données a été efficace notamment grâce à une répartition réfléchie des différentes recherches à mener ainsi qu’à un croisement et une mise en commun des avancées de chacun. On peut mettre en avant quatre différentes échelles de travail qui pour moi se nourrissent toutes mutuellement. Les trois premiers niveaux mettent en avant la notion d’équipe. L’équipe participante au Solar, les différentes écoles, qui cherchent à se créer une identité commune au travers d’un travail commun, mais aussi d’un nom, d’un logo, d’un graphisme, encore à définir, et supposant la recherches d’autres partenaires, telles que des écoles de communication et de graphisme. C’est l’échelle la plus large et peut être la plus difficile à coordonner. Puis existe l’échelle de l’école, pour nous de l’atelier, qui est d’une grande richesse. Nous sommes une équipe et depuis le début, malgré les complications que cela peut engendrer, nous avons toujours pensé à la mutualisation comme réel outil de travail et déroulement logique de ce sujet. S’est également développée au fur et à mesure du temps une échelle de groupe, plus restreinte, en fonction d’affinités et d’envie de réflexions communes. A ce niveau, les discussions sont plus faciles, l’approfondissement est plus évident et les débats peut-être plus constructifs.
On peut, au-delà des recherches, commencer à tester des choses, à mettre en place une autre méthode, à rentrer dans les hypothèses de travail, toujours en se nourrissant en parallèle d’un travail à plus grande échelle. Enfin existe une dernière échelle, ou chacun en tant qu’individu, s’implique et nourrit le travail commun en fonction de questionnements, de références et d’expériences personnelles. Des allers-retours constants entre ces différentes échelles sont je pense indispensables, et à aucun moment je n’arrive à imaginer de légitimité à tout ce qui a été fait sans l’apport de ces différents groupes. Il y a réelle excitation dans le fait de réfléchir de façon commune et même si l’on ne fait jamais un projet tout seul, je pense que ce sujet appelle particulièrement au croisement des méthodes, des points de vue et des savoirs. La question de la transmission est également récurrente. Comment « passer le relai » aux équipes du semestre prochain ? Comment réussir à rendre compte de toutes les recherches les méthodes de travail et les hypothèses qui ont été mises en place depuis février ? Là encore, la mise en commun joue un rôle important, au même titre que la communication et les supports de restitution utilisés.
Postures Ce travail est le fruit d’une réflexion commune. Notre intervention sur la maison 1930 s’inscrit dans un cadre de travail collectif en lien avec l’ensemble de l’atelier ; mais également à une autre échelle, celle de notre groupe de travail. Si nous sommes convaincues que l’on ne fait jamais un projet tout seul, nous voudrions affirmer la façon dont ce travail est dépendant des interactions entre nous. Ce sont d’abord les cultures de chacun qui ont orienté la démarche. Un ensemble d’individualités qui permettent de structurer des positionnements de projet. Notre univers s’enrichit des expériences interprétées au travers du prisme de nos personnalités. La « maison 1930 » est un objet familier pour beaucoup d’entre nous. Ce dernier est augmenté de toutes les recherches, les visites qui sont souvent vécues en fonction de la subjectivité de chacun. Ce sont tous ces moments de partage, de discussions, ou parfois de débats qui auront permis de définir notre démarche et d’affirmer notre propos. Ainsi, nous pourrons partir d’attentions parfois différentes mais d’intentions communes, fortes de cette émulation. Le court texte qui va suivre, nous l’avons rédigé ensemble, pour signifier cette dynamique collective et un projet qui n’est pas celui d’une seule personne. Au départ, le sujet de la maison 1930 était quelque peu déstabilisant. Malgré le fait qu’à son annonce nous étions chacune capable de nous représenter ou de convoquer des exemples de maisons de ce type, il fût difficile d’exprimer clairement en quoi nous définitions un « type 1930 » par rapport à tout autre habitat de faubourg lambda ou à tout autre maison ouvrière. Lorsqu’on habite la région, il s’agit d’une forme si commune, côtoyée au quotidien, qu’elle peut paraître très générale. De cette difficulté à définir, nous avons pris la décision de nous confronter au sujet en conscience des problématiques de la rénovation thermique de masse, ainsi qu’en considérant que nos expériences personnelles seraient insuffisantes au sens où elles sont sûrement trop subjectives. Nous sommes allées à la rencontre de ces maisons et de leurs habitants. Des personnes inconnues chez qui nous toquions, et qui partageaient, avec nous, le récit de leur maison, de leur vie dans ces lieux.
Tout d’abord, nous nous sommes rendues compte que ces récits étaient constitués d’un vocabulaire qui était très défini, à la fois par son aspect technique et dans l’affect, que chaque personne pouvait entretenir avec son propre lieu de vie. Souvent, les personnes qui nous ont reçues, exprimaient facilement un sentiment d’appartenance à leur logement. Il faut dire que la plupart sont propriétaires. Ces habitats touchent tous types de personnes, des primo-accédants aux familles nombreuses. A écouter ces habitants, nous nous sommes rendues compte qu’ils sont des spécialistes de leur logement, et ce bien avant l’architecte. Cette prise de conscience nous a permis de requestionner notre mission en tant qu’architecte. Nous avons alors remarqué que le sens de leur pensée au sujet de la réhabilitation était tout autre : économies, esthétique et usages sont leurs premières préoccupations. C’est ainsi que nous avons considéré que notre démarche d’architecte doit prendre en compte ces préoccupations. Les récits du présent, qui souvent évoquent un passé, nous ont incité à replacer la maison dans son histoire. La recherche d’archives nous a permis de prendre conscience des évolutions successives de la maison et de ses usages, jusqu’à retrouver une forme originelle. A l’image d’une archéologie de la maison 1930, nous avons manipulé des documents qui appartiennent à un autre temps. De ce fait, nous avons inscrit notre démarche dans une continuité historique, nous rendant compte que nous nous établissions dans un patrimoine, un patrimoine du commun, de l’ordinaire, en perpétuelle mutation. A la suite de ces recherches, le projet a pris une dimension plus concrète, et la question de l’innovation s’est enrichie des réalités sociales, budgétaires, juridiques et urbaines. Nous avons su appréhender la réhabilitation de la maison 1930 à plusieurs échelles Conscientes de l’équilibre à trouver entre patrimoine et innovation, individuel et collectif, nous avons pu définir une certaine approche du projet. L’un des enjeux de la réhabilitation de masse est de comprendre comment un architecte est capable d’être productif, dans un temps très restreint, en proposant des solutions de qualité.
Ayant conscience de nos savoirs et de notre bagage de spécialiste, notre propos n’est pas une déqualification de l’architecte mais plutôt la redéfinition d’une pratique positionnée au sein du large éventail d’acteurs de la réhabilitation thermique. Notre objectif est donc de trouver une méthode efficace prenant en compte la diversité des maisons et de ses habitants. Cette réflexion est attachée aux notions du réel qui nous permettent de définir un processus d’intervention particulier. Ainsi, nous définissons l’innovation pouvant être de l’ordre de la démarche ou de celui des solutions. Dans l’envie de rendre notre projet le plus concret possible, nous choisissons de bâtir notre étude sur trois maisons existantes représentatives d’un ensemble de maisons 1930. Cependant nous ne prétendons pas le rendre exhaustif.
Vivre la maison selon les temporalités Penser la réhabilitation thermique à travers la maison 1930, c’est aussi comprendre comment les gens l’habitent et quels rythmes de vie on y trouve. A quel moment utilise-t-on la cuisine ? Combien de temps reste-t-on dans la salle de bain ? Lors des entretiens avec les habitants, il était intéressant de voir que certains utilisaient leur maison différemment selon les temporalités. Le jardin que l’on habite plus l’été, peut servir à faire sécher le linge. La véranda se transforme en refuge de plantes l’hiver. Le bureau des combles ne sert pas l’été tant il fait chaud. Une réflexion se fait alors sur cette donnée variable qu’est le temps. Les saisons, les jours, les nuits, offrent différentes caractéristiques que l’on s’efforce parfois d’homogénéiser. Comme l’explique Philippe Rahm dans L’architecture météorologique, l’apparition de l’éclairage publique au gaz au XIXème siècle et celle, plus tard, du chauffage central, ont permis à l’être humain de moduler ses propres environnements au fur et à mesure du temps, et ce, peut importe le moment de la journée ou les conditions climatiques. Pour répondre à cette homogénéisation du climat intérieur, la maison est de plus en plus décontextualisée de son environnement. « Augmentation de l’épaisseur de l’isolation, emploi de doubles, voire de triples vitrages, impossibilité de d’ouvrir les fenêtres dans le système de renouvellement d’air contrôlé : les mesures les plus efficaces aujourd’hui pour lutter contre le dégagement des gaz à effet de serre dissocient encore plus l’espace intérieur de l’environnement extérieur, isole la maison de son contexte. 1» Se pose alors la question de la dépense continue en chauffage, mais également en ventilation mécanique. En effet, comme l’indique Cyrille Simonnet, « L’air domestique se ramène à une sorte d’ambiance neutre, indifférence, tiède pour ainsi dire, supposée répondre aux besoins de notre animalité frileuse. Mais passer de la maison à l’automobile, puis au bureau ou au centre commercial dans un même flux de 22°C est un luxe qui risque bien de se voir remis en cause dans les décennies à venir. Des économistes commencent à estimer le coût faramineux de ce caprice humain de l’ère postindustrielle. Car, outre le phénomène de l’hyperconsommation des ressources naturelles pour alimenter une technologie toujours plus gourmande en combustible, celui des effets climatiques conséquents constitue un problème que l’on commence tout juste à évaluer. » . 2
1 Philippe RAHM, L’architecture météorologique, Archibooks + Sautereau Editeur, Paris, 2009, p.57. 2 Cyrille SIMONNET, Brève histoire de l’air, Versailles, Editions Quae, 2014, p.115.
On se demande si l’économie d’énergie peut passer par une utilisation moins homogène, mais prendre en compte deux types de temporalités. Premièrement, les rythmes naturels des saisons, le déroulement des journées sont des rythmes influant à la fois sur la luminosité, la chaleur, l’hygrométrie. Ces rythmes engendrent des caractéristiques hétérogènes qui mettent en place des atmosphères, des ambiances différentes à l’intérieur de la maison. Le second rythme à prendre en compte reflète des usages de la maison. Selon l’activité effectuée, on ne nécessite pas le même besoin en lumière, ni en température. Ce sont des besoins propres à chacun et difficiles à généraliser. A certains moments, souvent, toujours, ponctuellement, rapidement sont autant de qualificatifs entendus dans le discours des habitants et qualifiant l’utilisation de lieux spécifiques de la maison. La maison 1930 possède certaines caractéristiques inhérentes à sa forme, à sa construction, aux matériaux employés. Les nombreuses visites ainsi que les récits des habitants nous ont permis de renforcer les données techniques issues des matériaux de construction. L’inertie des murs de briques permet de garder une température intérieure stable selon les saisons. La cave est un endroit frais et tempéré en toutes circonstances, contrairement aux combles qui sont en surchauffe l’été et trop froids l’hiver. Les extensions sont elles aussi un lieu de fortes déperditions thermiques. Ces caractéristiques sont un axe d’entrée dans la recherche de solutions thermiques, supposant l’écoute des modes de vie des habitants, en prenant en compte une fois encore, les effets des phénomènes extérieurs sur le métabolisme. Comment arriver à une justesse de l’usage des lieux en fonction de ces temporalités ? Comment travailler l’espace en termes d’atmosphères habitables ?
Table des illustrations L’architecture, l’Art de construire des bâtimnts? Page 12 : Habitatins de l’Altiplano : http://www.6climats6habitats.com/altiplano. htm Matérialité fonction du temps : Pages 14, 16, 18, 20 : Les Grands Moulins de Paris, Marquette, Collection personnelle Page 22, 24 : Extraits du film Stalker, de Andreï Tarkovski. Approche de la maison 1930 : Page 28 : Toits de maisons 1930, rue des Martyrs de la Résistance, Lambersart. Collection personnelle Page 30 haut : Photo de maquette, ilot rue de rivoli, Lille. Collection personnelle Page 30 bas : Extension au 77 rue de Rivoli. Photographie prise au archives municipales de la ville de Lille. Page 32, 34 : Photos d’une maison 1930 à Croix. Collection personnelle. Leroy Merlin : Page 46 : Cour des matériaux de Leroy Merlin Verquin. Photographie personnelle Tableau de prix comparatifs : Site internet leroymerlin.fr Page 48 : Affiche des «Journées d’Architectures à vivre», page facebook de Leroy Merlin Verquin TRI, Troisième révolution industrielle : Page 54 : Bâtiment 22/26 à Lustenau. Collection personnelle Page 59 : Smart Module Concept, http://www.smartmoduleconcept.com/ Solar Décathlon et multiplicité d’acteurs : Page 66 :Journée Workshop aux Mines de Douai, Photographie : Ghislain His Vivre la maison selon les temporalités : Page 76 : Valladolid, Photomontage personnel.
Bibliographie - Gilles CLEMENT, Manifeste du Tiers paysage , Collection l’autre fable, Paris, Editions Sujet/Objet, 2007 - Aldous HUXLEY, Le meilleur des mondes, Pocket, Paris, 1932, éd. 1977. - Richard NEUTRA, Construire pour survivre, Tournai, Casterman, 1954, éd. 1971. - David WRIGHT, Soleil, Nature, Architecture, Paris, Edition Parenthèses, 1979. - Claude PARENT, Colères ou la nécessité de détruire, Marseille, Michel Schefer editions, 1982. - Philippe RAHM, L’architecture météorologique, Archibooks + Sautereau Editeur, Paris, 2009 - Jeremy RIFKIN, La troisième révolution industrielle, Comment le pouvoir latéral va transformer l’énergie, l’économie et le monde Actes Sud, 2012 - Cyrille SIMONNET, Brève histoire de l’air, Versailles, Editions Quae, 2014. - Jun’ichirō TANIZAKI, L’éloge de l’ombre, Verdier, 1933 - Peter ZUMTHOR, Atmosphères, Bâle, Birkhäuser, 2008.
Filmographie - Stalker, (Сталкер), film russe de Andreï Tarkovski, sorti en 1979 et adapté du roman d’Arcadi et Boris Strougatski
DE Matérialité, Culture et pensée constructives Ateliers de Projet Printemps (Master)
La matérialité comme récit
Contenu et Organisation La matière induit-elle la forme architecturale ou est-ce la conception de la forme qui détermine la matière ? Si l’intuition précède la raison, peut-on raisonner le sensible dans le processus de création ? Cet atelier vise à décloisonner les savoirs. Il appelle à la fusion du sensible et de la raison, de l’art et de la technique, des dimensions esthétiques et éthiques de l’architecture, de l’intuitif et de la connaissance. Pour ce faire, il propose des méthodes de travail permettant de déployer un sujet – la matérialité de l’architecture et sa mise en œuvre contemporaine - depuis une situation, prétexte à expérimentations poétiques et polémiques. L’objet de l’atelier est volontairement cerné – pas de complexité fonctionnelle ou de grande échelle - pour centrer le sujet vers la capacité de l’architecte à penser conjointement construction, atmosphère et énergie en parallèle des autres enjeux de l’architecture. Elle permet de concentrer son attention sur la conception du projet à partir de sa réalité concrète (la matière, le matériau) ou de ses effets (la matérialité), en prenant en compte les dimensions immatérielles de l’architecture : flux et qualité de l’air, lumière, température, confort (ambiance, climat, acoustique), éco-responsabilité, etc. Il s’agit d’ouvrir un faisceau de questionnements, depuis la phénoménologie architecturale jusqu’à la découverte des logiques, limites et potentiels de l’industrie du bâtiment, et la place de l’architecte dans celle-ci. Sera favorisée la mise en œuvre des processus innovants d’invention du projet, par des modes de partage collaboratifs avec des partenaires divers; universitaires, économiques, techniques, etc. Les futurs architectes devront trouver les outils et les moyens de la démonstration et vérification de leurs hypothèses dans le réel (dont prototypes).
Les séances d’atelier sont essentiellement des séances de travail sur place animées régulièrement par des compléments : cours, séminaires, laboratoire d’expérimentations, questions de représentation. En lien étroit avec le TD STA, des conférences, visites (lieux de production, de transformation ou de distribution de la matière, chantiers, etc.), workshop (y compris inter écoles), voyage à l’étranger, contribuent à expérimenter physiquement l’architecture, à analyser les modes de construction et de production, et à enrichir la culture architecturale. Les étudiants sont fortement invités à articuler les notions abordées lors des exploratoires ou lors des séminaires d’initiation à la recherche, avec leurs connaissances accumulées et leurs expérimentations personnelles. Les étudiants en PFE peuvent proposer un objet d’étude propre répondant aux paramètres du semestre. Les deux ateliers de V. Ducatez et G. His fonctionnent ensemble, celui d’A. de Bellaigue en parallèle. L’atelier de V. Ducatez est bilingue franco-anglais.
Principales références bibliographiques GOODMAN Nelson, L’Art en théorie et en action, L’éclat, 2001, Gallimard, Paris, 2009 JUDD Donald, ‘specific objects’ in Complete Writings, 1975-1986, Eindhoven, NL: Van Abbemuseum, 1986 MERLEAU-PONTY Maurice, La phénoménologie de la perception, NRF, 1945, Gallimard, Paris, 1976 PICON Antoine (ss. dir.), L’art de l’ingénieur, constructeur, entrepreneur, inventeur, éd. du Centre G. Pompidou, Paris 1997 ZUMTHOR Peter, Atmosphères, Birkhäuser GmbH, Bâle, 2008
DE Matérialité, Culture et pensée constructives Ateliers de Projet Printemps (Master) : groupes de Vincent Ducatez et Ghislain His
De 1930 à 2030 “… Although Rifkin pays relative little attention to architecture in his book, his argument has profound implications for the profession’s future: how we will plan cities, design buildings, practice architecture, and educate architects. The Third Industrial Revolution “will fundamentally change every aspect of the way we work and live,” Rifkin writes. Small-scale, crowd-funded fabrication will gradually replace large-scale, capital-intensive manufacturing; nimble, networked organizations will steadily prevail over big, hierarchical companies; and the global movement of digital files will increasingly supplant the global trade of goods. If the steam engine became the iconic technology of the First Industrial Revolution and the assembly line that of the second, 3D printing may well become the icon of the third...” «… Alors que Rifkin accorde relativement peu d’importance à l’architecture dans son livre (note: La Troisième Révolution Industrielle), son argument a de profondes implications pour le futur de la profession : comment allons-nous planifier nos villes, concevoir des bâtiments, pratiquer l’architecture et former les architectes ? La Troisième Révolution Industrielle ‘va fondamentalement transformer chaque aspect de la façon dont nous vivons et travaillons’, écrit Rifkin. La fabrication à petite échelle et financée participativement va graduellement remplacer la production de masse exigeant de forts capitaux ; des organisations agiles et en réseaux vont rapidement prendre le dessus sur les grosses entreprises hiérarchisées ; et le mouvement global des données informatiques va de plus en plus remplacer les échanges marchands planétaires des biens. Si la machine à vapeur devint la technologie iconique de la Première Révolution Industrielle et la chaîne d’assemblage celle du second, l’impression 3D pourrait bien devenir celle du troisième… » Fisher Thomas1 , Architecture and the Third Industrial Revolution in www.architectmagazine.com Selon certains chercheurs, la Terre serait entrée avec l’ère industrielle dans une nouvelle ère géologique : l’anthropocène. L’implication de cette prise de conscience fut partiellement explorée mi-octobre 2014 à Toulouse lors du colloque-performance 1 Thomas Fisher est architecte, professeur d’architecture et doyen de l’école de Design de l’Université du Minnesota.
‘Anthropocène-Monument’ organisé par Bruno Latour2 et Bronislaw Szerszynski 3 Voir : www.lesabattoirs.org/evenements/anthropocene-monument-un-colloque-performance L’objectif de l’atelier de projet de cette année est résolument prospectif. a) Matériaux et mises en œuvre : Il s’agit d’interroger et de réévaluer les systèmes de mise en œuvre et les matériaux utilisés, en particulier en étudiant les conséquences et la pertinence des imprimantes 3D dans la construction d’architectures. Sans moule, sans coffrage, que permettent aujourd’hui les «imprimantes» 3D en béton ? La possibilité de digitaliser une façade permet t elle ensuite «d’imprimer» un textile innovant 3D sur mesure ? b) Co-design : Il s’agit de mettre en place de nouveaux systèmes de co-conception du projet, de design collaboratif avec des échanges inter écoles (écoles d’ingénieurs, écoles de design) visant à une plus grande diversité, efficacité et gestion des complexités multiples des projets contemporains. c) Responsabilité énergétique : S’il est relativement aisé de concevoir un logement passif neuf, voire à énergie positive, il en est tout autrement pour la transformation/réhabilitation énergétique d’un logement existant. Pourtant c’est là que réside la vraie différence : au taux de remplacement des logements existants de l’ordre de 1 à 2% par an, il faudra donc 75 ans pour remplacer 100% du parc par des logements RT2012 ! Comment mettre au point des techniques ou conceptions à impact massif pour l’existant ? Terrain d’études : Le prétexte de cette année est ce qu’on appelle «la maison 1930». L’objectif est de la transformer en «démonstrateur de la 3° révolution industrielle». Les règles de cette transformation sont inspirées du concours Solar Decathlon Europe. Méthode et organisation : Plusieurs visites et rencontres avec les centre de recherches et développement d’entreprises intéressées seront mises en place, ainsi que des ateliers intensifs, type 2 Bruno Latour, sociologue, anthropologue et philosophe des sciences est professeur à Sciences Po Paris. Il est connu pour ses travaux portant sur l’analyse des situations contemporaines analysées depuis les multiples connections entre la sociologie, l’histoire et l’économie des techniques. 3 Bronislaw Szeszynski est responsable du département de sociologie à l’Université de Lancaster. Ces principaux centres d’intérêt s’appuient sur les sciences sociales, les arts et les sciences naturelles pour explorer les relations changeantes entre humains, environnement et technologie.
workshops, permettront de travailler des questions multiples comme, entre autres : comment construire léger ? Comment construire rapide ? Comment construire éco-responsable ? Comment construire en site occupé ? D’autres questions plus liées à l’énergie seront travaillées, comme en particulier celles qui étudient les différentes temporalités (jour/nuit, occupé/inoccupé, été/hiver, etc.). Les ateliers poursuivent évidemment les objectifs pédagogiques énoncés dans le carnet de l’étudiant pour les ateliers de printemps du Domaine d’études Matérialité, pensée et culture constructives. La semaine intensive sera opérationnelle dès 9h le lundi 16 février. Chaque jour donnera lieu à une production spécifique, des rencontres ou des visites. Un voyage d’études est prévu du 10 au 15 mars à Stuttgart ,Tübingen, Bregenz et le Vorarlberg.
Matérialité et culture constructive Responsables : Ghislain His, Didier Debarge, Vincent Ducatez La spécificité de ce domaine d’études est de travailler la problématique des relations entre architecture et matière ou, pour le dire autrement, des liens qui articulent l’architectural (qui serait de l’ordre du penser) à l’architectonique (qui serait de l’ordre de la réalité matérielle). L’hypothèse sous-jacente est que le réel est une condition de la poésie, mais aussi que le fait architectural fait coïncider le manuel et l’intellectuel. Ce domaine d’études est le lieu de l’élaboration progressive d’une pensée critique en actes qui mobilise divers domaines : - L’histoire de l’architecture mais aussi l’histoire de l’art en lien avec l’histoire des sciences et des techniques (épistémologie). L’origine de l’architecture est toujours en débat entre la structure (abbé Laugier) et la texture, le tissage (Semper). Le matériau lui-même est-il un récit ? La création architecturale passe t-elle par une invention technique ? - L’art, et particulièrement les interactions entre la forme et la matière. La forme peut-elle être pensée indépendamment de la matière ? Si oui, quelle est sa substance ? Si non, la matière induit-elle une forme ? Quelle est l’échelle de la matière ? La construction peut-elle être un art ? La lumière est-elle un matériau d’architecture ? - La philosophie, avec par exemple la question de la technique si chère à Heidegger, mais aussi la phénoménologie (Hegel) et ses questionnements sur l’expérience et l’intuition sensible (Husserl, Dewey). Comment penser la matière ? La matière peut-elle être une représentation ? Le matériau est-elle une culture ? Les enseignements y développent par conséquent des démarches fortement liées aux aspects physiques de l’architecture. Ils travaillent selon diverses modalités des questionnements similaires: - sur les questions constructives (structure, enveloppe, assemblages) - sur la mise en oeuvre de la matière dans le projet d’architecture (chantier) - sur la matière elle-même (économie, texture) Les enseignements proposent par conséquent d’affronter le réel sans l’idéaliser pour mieux le transformer, l’inventer, en apprenant par l’expérience, par l’action (s’engager, faire, défaire, refaire). La matière est pensée ici dans ses dimensions technique et sensible autant que sociale. Les studios de projets concentrent leurs préoccupations sur les mutations progressives de la matière, éventuellement spécifiques par les architectes (par rapport aux industriels en amont) et qui est peut être une des caractéristiques fondamentales de la discipline architecturale. L’étudiant est dès lors confronté aux cycles de production, de transformation et de
distribution de la matière : du sol ou sous-sol agricole à l’industrie, du paysage à l’infrastructure, du sol à la couverture, de la matière au matériau. Il découvre alors les problèmes de stockage, de transport, d’outillage qui y sont associés. Il peut ainsi se poser concrètement des questions de mise en oeuvre, d’organisation de chantier, d’assemblage, de montage et de démontage, de sécurité ou de délais de fabrication en connaissant les dimensions, les poids, les coûts des matériaux. Ainsi, les critères de validation concernent l’efficacité, l’élégance et la justesse d’un projet matérialisé. Des compléments théoriques et historiques viennent compléter l’hypothèse de la spécificité matérielle de l’architecture dans les séminaires, manière de construire progressivement des doctorats en architecture intimement liés à cette question. «Dans un café, communication de travail entre deux types qui se communiquent leurs sentiments et réflexions à partir de documents divers. L’un part plutôt d’un système d’explication du monde qu’il démontre à l’aide d’images et de sons assemblés dans un ordre certain. L’autre part plutôt d’images et de sons qu’il assemble dans un certain ordre pour se faire une idée du monde.» Jean-Luc Godard
Je tiens à remercier : Ghislain His et Vincent Ducatez, pour leur pédagogie et leur implication. Simone :Alexia, Myriam et Raquel, pour tous les moments de discussions, de débats et de team building. Adrien, Alice, Denis, Lola, Myriam, Simon, et l’ensemble de l’atelier matérialité pour la richesse de nos échanges. Les nombreux habitants qui nous ont ouvert leur porte.
Mes trois parents, mes deux frères et ma soeur, pour m’avoir toujours soutenue, écoutée, supportée dans mon parcours et dans ma vie. Adi, Amandine, Augustin, Aymeric, Baptiste, Guillaume, Lolita, Lucie, Nouts, Victor, parce que rien ne serait pareil sans eux.