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Couverture: Alec Soth, Broken Manual, 2008_08zl0086
L’errance dans la photographie contemporaine
Julie Masson - MĂŠmoire - 2014
Plan Introduction p. 7 1 Prémisse d’une démarche créatrice
p. 13
p. 15
1.2 Dans la tradition Américaine du Road trip
p. 17
1.1 Définitions
1.3 Le territoire p. 25 1.3.2 Principe régulateur p. 29
1.3.3 La chambre grand format
1.4 Motifs et codes spécifiques
p. 35
2 Le Dispositif, dans une tentative de transmission
p. 43
2.1 Le dispositif livresque
p. 49
p. 33
2.1.1 Alec Soth: Sleeping by the Mississippi p. 51 p. 57 2.1.2 Alec Soth: Broken Manual 2.1.3 Roe Ethridge: Rockaway, NY p. 61 2.2 Le dispositif d’exposition p. 65 2.2.2 Victoria Sambunaris: Taxonomy of a Landscape, 2013 MOCP, Columbia collège, Chicago
p. 67
Conclusion p. 71 Bibliographie p. 75 Annexes
p. 87
Introduction Ce travail de mémoire porte sur la question de l’errance dans la Photographie. Bien qu’elle constitue une part non négligeable de la production du 20ème siècle, le terme errance se veut quelque peu ambigu. Il reste un sujet propice à la discorde, compte tenu de ses multiples racines étymologiques. Par conséquent, il s’agira dans un premier temps, de clarifier le propos avec un chapitre de définitions. L’errance peut être appréhendée de différentes manières, à pied, en transport public, en voiture ou simplement par la pensée. Pour ce travail, je m’intéresserais à l’usage de la voiture. S’inscrivant dans la tradition du ‘’road movie’’ ou des ‘’road trip’’ photographiques comme par exemple ceux de Robert Frank. Le travail de trois photographes, Alec Soth, Roe Ethridge et Victoria Sambunaris constitue un corpus privilégié pour aborder la question de l’errance. Bien que ces trois photographes américains utilisent tous la chambre grand format comme dispositif de prise de vue ils abordent le sujet de manière singulière. Mon choix s’est immédiatement porté vers Alec Soth. Puis l’option à été de confronter son travail à deux autres photographes de la même nationalité afin de circonscrire mon analyse sur le territoire américain. Par ailleurs, il semble intéressant de regrouper des personnes issues de la même génération. Tous nés dans les années 1960, ils présentent des démarches originales dotées d’un riche potentiel de comparaison. Utilisant l’errance comme concept de production, le voyage peut être perçu comme un processus de création. Cependant les motivations des photographes peuvent être très variées: souvenir du passé, voyage intérieur, reportage, interrogation sur le territoire, interrogation quant au médium photographique etc. Pour Alec Soth ainsi que pour Victoria Sambunaris, l’errance constitue une méthode de travail, et peut également contribuer à la définition de certains sujets. Il s’agit d’une démarche solitaire basée sur l’introspection. En effet, le cheminement qu’opère la pensée dans le même temps que le corps, nourrit un questionnement continuel et une réexamination d’eux-mêmes ainsi que de leurs travaux. Le choix du dispositif englobe également des notions d’errance. Un point d’honneur sera mis sur le lien entre l’expérience et la manière dont, elle sera ensuite reçue par le spectateur. Comment le photographe s’y prend-t-il pour faire passer le message? Un tel voyage ne pousse-t-il pas le lecteur à errer à son tour? Dans le cas de Roe Ethridge, l’expérience erratique se tiendra uniquement au niveau du dispositif. L’errance peut être transmise ou générée suivant les choix que l’artiste préconise pour présenter son œuvre.
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La première partie du présent mémoire sera guidée par le cheminement physique de l’artiste, ce qui permettra d’évoquer les questions concernant la démarche de production. Quelles motivations poussent l’auteur à prendre le large? Est-ce un besoin d’être stimulé par le paysage ou un moyen de nourrir son imagination. L’errance est un voyage physique certes, mais où «l’auteur.poursuit également une quête sensible et intellectuelle qui lui appartient en propre (…), la posture technique qu’il utilise le met, au début tout du moins, dans une position d’écoute visible. Il trouve à se régénérer de la rencontre avec les réalités nouvellement rencontrées. »1 L’Amérique, dans la tradition du Road Trip et de la conquête des ses grands espaces, constitue le terrain favori des artistes choisis. Lors de mes recherches, j’ai constaté que le plus grand pourcentage des photographes voyageurs était des hommes. J’ai dès lors pensé qu’il serait judicieux d’inclure le travail de Victoria Sambunaris. Depuis maintenant plus de dix ans cette photographe adopte un mode de vie nomade pour la réalisation de ses projets photographiques. Prenons Alec Soth, tous ses projets sont mis sur pied avec l’idée préexistante d’une future diffusion. La phase de production de Victoria Sambunaris est au contraire totalement indépendante des choix qu’elle opérera pour la transmission de ses œuvres. Le choix relatif au dispositif de prises de vues est également à prendre en compte puisque qu’il va imposer un certain rythme à la déambulation du photographe. Dès lors, il renforcera la part de mystère liée à l’imprévu du voyage puisque l’image se fera latente jusqu’à la fin du périple. Nous verrons ainsi comment ces photographes cadrent leurs errances. Alec Soth se servira par exemple du fleuve du Mississippi mais d’autres moyens seront abordés dans un chapitre dédié ‘’au principe régulateur’’2. La deuxième partie traitera du travail de post production. Comment le photographe s’y prend-t-il pour partager l’errance vécue avec le spectateur? Le désir estil de transmettre l’expérience dans sa globalité ou de n’en livrer qu’une partie? Le livre a toujours été un support privilégié pour raconter un voyage ou un déplacement. Il est bien connu que les livres de voyages sont nos meilleurs alliés dans la manière de se forger une idée du monde. «Depuis 1860, le recours des voyageurs à la prise de vue manifeste un désir d’assimilation des expériences vécues (…), et non plus uniquement l’archivage de certains monuments et terres inconnues »3. L’errance étant un voyage, physique et psychologique, il nous faudra trouver un support susceptible de retracer au mieux l’expérience. Composé d’aller et retour, de recherches, de questionnements, de rencontres ainsi que d’une approche psychologique et anthropologique de la société américaine, «le Voyage de pho1 p.11. 2 3
Méaux Danièle, Voyages de photographes, France, Publications de l’université de Saint-Etienne, 2009, Ibid., p.20.w Ibid., p.9.
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tographe se présente comme un espace singulièrement enclin à susciter le sentiment d’homologie entre cheminement du praticien et le cheminement du lecteur»4; un cheminement immobile dans le cas du spectateur/lecteur. Roe Ethridge base ses recherche sur une technique ‘’d’anti-narration qui, comme le cite Brian Sholis, «semble vouloir s’étendre sans savoir précisément où aller car elle se trouve partout à la fois.5». Roe Ethridge vise la création de sortes de ‘’fugues’’ visuelles, qui entraîneront le lecteur hors des sentiers battus. La question du passage, entre l’expérience vécue et l’expérience retranscrite, flirte avec les questions entre le réel et la fiction. Tout photographe partant à l’aventure avec en tête l’idée d’une quête, va automatiquement poser son regard sur des choses en y imposant une manière de voir et de percevoir le monde. Il va donc faire ressortir certains aspects du pays qui constitueront inévitablement une vision nouvelle, il racontera une expérience et dans celle-ci on y trouvera une histoire. Celle qu’il aura choisit de nous livrer.
4 5
Ibid., p.34 Sholis Brian, Vitamine Ph, New Perpective in Photography, Londres, Phaidon, 2006, p.92
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1 Prémisse d’une démarche créatrice
1.1 Définitions En préambule, afin d’imposer de bonnes bases, il est nécessaire de passer en revue les différentes significations et racines du terme afin de bien cibler le propos. (Annexe 2)
La notion d’errance est ambiguë, «elle peut être liée au pire, à la perte de soi, comme au meilleur, à l’éloge de l’imprévu»6 Le sens qui suscite l’intérêt pour ce présent travail, est lié à la racine latine issue de l’ancien français ‘’iterare’’. Un sens orienté vers le voyage, l’évasion, avec l’idée d’un retour toujours programmé. Il s’agit d’une sorte de quête avant tout guidée par la notion de but, qui peut être physique où immobile (mentale), comme celle du ‘’chevalier errant’’7. Ici l’errance est délibérée et active. Elle fait partie des choix conscients qu’opère le créateur de l’œuvre. Sans oublier que l’errance, toute consciente qu’elle puisse être, reste une action qui pousse à l’abandon et à l’imprévu. Précisément, l’intérêt de la réflexion porte à savoir comment les photographes utilisent cette errance et dans quel but. Sachant tout du moins que dans les cas des photographes choisis, cet aspect est délibéré et volontaire.
6 Laurent Béatrice, Ailleurs intérieurs : L’errance chez Thomas de Quincey, Figures de l’Errance, Paris L’Harmattan, 2007, p.118. 7 Le chevalier errant datant du Moyen âge, sa caractéristique essentielle est la maîtrise de l’espace et du temps. Chevalier qui ne cesse de parcourir le monde à la recherche d’exploits à accomplir, de tort à redresser, notamment au service d’une dame ou d’une bonne cause. Jadis les chevaliers errants allaient malgré les enchantements et les périls, à la conquête d’un talisman d’amour et d’immortalité. www.cnrtl.fr.
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1.2 Dans la tradition du road trip américain. Walker Evans (1903-1975) et la Farm Security Administration8 à partir des années 1930, Robert Frank (1924) avec le livre The Americans sorti en 1958 en France, Robert Adams (1937) avec The New Topographics dans les années 1970 ou encore William Eggleston (1939) constituent des références en matière de road trip photographique. Ils forment le pilier d’une démarche en plein essor, de photographes qui arpentent les routes américaines avec leurs voitures. Cette tendance photographique pourrait trouver son origine dans le septième art et ses road movie. Se définissant comme le genre idéal pour dépeindre des traumatismes sociaux en même temps que d’un cheminement psychologique, le road movie constitue également une sorte de voyage initiatique. Voyage symbolique d’une construction ou d’une reconstruction, le véhicule, donne forme à une errance qui en cheminant conduira à des rencontres de divers genres (humaine ou paysagère) comme on le voit au cinéma. Qu’il soit orienté de manière historique, sociologique, légendaire ou vers une quête identitaire, les caractéristiques principales du road movie en sont «l’expérience de l’espace, dans le sens spatial et symbolique et la quête identitaire.»9 En général, le road movie a comme structure, un personnage principal qui s’enfuit vers une destination mythique ou inconnue. La notion de quête et d’aventure y est essentielle. Elle est d’autant plus marquée qu’elle est menée hors des sentiers battus, into the wild10. Walter Moser rappelle que «le cinéma est apparu comme l’automobile à la fin du XIX ème siècle. Pour lui l’automobile est l’outil qui permet la mobilité individuelle, tandis que le cinéma permet de représenter la mobilité du monde.»11 Dès lors, la photographie se trouverait-t-elle dans une dynamique similaire?
8 La FSA est un organisme américain crée par le ministère de l’agriculture en 1937, chargé d’aider les fermiers les plus pauvres touchés par la grande dépression. C’est par sa section photographique, dirigée par Roy Stryker de 1935-1942, que la FSA marque l’histoire : le projet consiste à faire un bilan objectif des conditions de vie et de travail des Américains ruraux. Walker Evans fait alors partie des photographes recrutés par Roy Striker. http://fr.wikipedia.org/wiki/Farm_Security_Administration. 9 Revue d’études cinématographiques sous la direction de Walter Moser: Le road movie dans le contexte interculturel africain: http://www.erudit.org/revue/cine/2008/v18/n2-3/018552ar.html 10 ‘’Into the wild’’ est une expression de langue anglaise qui signifie : ‘’dans la nature (sauvage)’’ 11 www.Erudit.org, Walter Moser, Le Road movie : un genre issu d’une constellation moderne de locomotion et de médiamotin: revue d’études cinématographiques, vol.18, n 2-3, 2008, p7-30 http://www.erudit.org/revue/cine/2008/v18/n2-3/018415ar.pdf
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Par ailleurs, le road trip tient une place très importante dans la mémoire collective du peuple américain. La conquête des grands espaces, l’ouest légendaire semble être un sujet inépuisable. Cette tradition a été illustrée par le cinéma12mais également dans la littérature. C’est dans les années 1950 que le mouvement ‘’ Beat’’13 fit sont apparition. «Pour comprendre ce mouvement et sa place dans l’avant garde, il convient de rattacher sa révolte à la tradition libertaire et individualiste qui remonte au XIX ème siècle américain, (…) La Beat Generation d’une part cherche à redécouvrir l’immense territoire américain, tel qu’il s’est offert aux premiers colons ainsi qu’à retourner aux sources de la liberté». 14Parmi les sujets récurrents, ont retrouvera entre autre, la route, la drogue, le sexe et la mort, tous en rapport avec la notion de mouvements, voire d’errance. Ces sujets seront souvent traités «à bord de vieilles voitures, la plupart du temps abandonnées à la fin du périple ou en auto-stop, les poètes beat sillonnent les États Unis (…) ayant comme chantre de libre errance, Jack Kerouac».15 Ses notes de voyages commencées en 1948 donneront naissance au fameux On the Road publié en France en 1960 par les éditions Gallimard et qui deviendra la source d’inspiration que l’on connaît. Alec Soth et Victoria Sambunaris ont tous deux choisis de s’aventurer sur les traces de leurs prédécesseurs en privilégiant la voiture. Nés dans les années 1960, ils ont connu l’effervescence de la Beat Generation et l’engouement du road trip. Devenus adultes, l’envie de prendre la route à leurs tours afin d’explorer leur terre natale est devenue irrésistible. Le rapport entre le mouvement et la création ainsi que la figure de l’arpenteur ne sont pas nouveau mais la notion d’errance dans l’art a jusqu’à présent plus facilement été associée à la marche plutôt qu’aux trajets en voiture, «depuis la renaissance au moins, l’iconographie de l’art occidental est traversée par ‘’des hommes qui marchent’’, dotés d’une signification mythologiques, religieuse, sociale ou politique, qui en scandent les modifications stylistiques.»16 Bien qu’elle soit également symbole de liberté, et d’évasion, la voiture, au contraire de la marche, n’aborde pas la problématique de l’épuisement physique.
12 Le terme road movie fait sont apparition dans les années 1960 aux États-Unis avec la sortie en 1969 du film Easy Rider de Dennis Hopper, néanmoins Bernard Benoliel et Jean Baptiste Thoret considèrent que le road movie s’inscrit dans une histoire beaucoup plus ancienne et assimilent par exemple, Le magicien d’Oz réalisé en 1939 par Victor Fleming comme précurseurs du genre. http://www.cineclubdecaen.com/analyse/livres/ thoretbenolielroadmovieusa.htm. 13 Beat generation: Mouvement littéraire et culturel américain qui a regroupé durant les années 1950 à 1960 des jeunes, des écrivains comme A.Ginsberg, J. Kerouac, W. Burroughts, des artistes peintres et un poète éditeur L.Ferlinghetti. http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/Beat_generation/107994. 14 http://www.larousse.fr/encwwyclopedie/divers/Beat_generation/107994. 15 Ibid. 16 Davila Thierry, Marcher, Créer, Déplacements, flâneries, dérives dans l’art de la fin du xx e siècle, Paris, Editions du Regard, 2002.
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#1 Soth Alec, Rachel, 1992
Elle impose un rythme différent, plus rapide lors des déplacements. En tel cas, c’est le paysage qui s’épuise rapidement. Ainsi il s’agit d’un témoignage, d’une démarche qui fonctionne plus par fragments, relevant en même temps de la rencontre hasardeuse et d’un goût pour la contemplation. Pour Alec Soth, tout commence lorsqu’il découvre le livre de Robert Adams Summer Nights.17La révélation se fait quand, au fil de sa lecture il découvre «le pur amour de l’errance solitaire. I was so excited about the idea of walking alone and wandering».18Ce livre a été sa première révélation et a une influence majeure durant la période de ses études. «For me, photography was much about moving through space as it was about documenting space».19 Par la suite les road movies prirent une place prépondérante, avec des films comme Kings of the Road (1976) ou encore Paris Texas (1989) de Wim Wenders qui devinrent pour lui des références incontournables. «The road trip is such a fondamental thing in American culture. It’s irrésistible».20 Sa première expérience fut de partir accompagné de sa petite amie de l’époque, Rachel ‘’ for a Small Mississippi trip’’. Il décrit cette première expérience comme un pur ‘’ frisson de voyage’’. Les images de ce premier ‘’trip’’ n’ont jamais étés publiées. Elles constituent uniquement une référence pour Alec Soth quant à l’idée du voyage voir du ‘’note book’’ (fig.1). Malgré des références bien ancrées dans le road movie, il confie avoir préféré le médium photographique pour l’aspect solitaire qu’il impose au contraire de la production de film. «The wandering that takes him out into places he would otherwise never know and into the lives of people whom he would not in the course of things have reason to encounter.21» Victoria Sambunaris, semble porter avant tout le besoin de prendre la route pour expérimenter le monde: «My subject matter is out in the world, there is a restlessness and a need to go out and hit the road». 22Guidée par sa curiosité, elle ressent le besoin de partir le plus longtemps possible afin de s’intégrer au paysage et de le comprendre: «It’s going out into the world and searching for something that’s hard to explain and discribe».23
17 Adams Robert, Summer nignts, walking, Aperture, Yale university art Gallery ; Rev exp edtion, 2009. 18 SOTH Alec, ZANOT Francesco, Ping Pong Conversations, Editions Contrasto, 2013. P.13. 19 Ibid., p.13. 20 Ibid., p.13. 21 Schwabsky Barry, A wandering art, From Here to there: Alec Soth’s America, Walker art center, Minneapolis, Minnesota, Hatje Cantz Verlag, Ostfildern, 2010, p.163. 22 Masson Julie, Interview filmé de Victoria Sambunaris, Vevey CEPV, 2014. (Vidéo en annexe) 23 Ibid.
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Elle semble également, en dehors de son travail photographique, être guidée par une quête plus personnelle24. On y retrouve ici la notion de voyage initiatique. De surcroît, elle nous confie elle aussi, que le film Paris-Texas fut une de ses premières sources d’inspiration. La durée de ses voyages varie entre trois et sept mois au maximum: «I am integrated into the landscape and become a part of it».25La voiture est d’une importance capitale puisque dans son cas elle ne sert pas seulement à se déplacer, mais aussi de maison, de bureau, et de garde-manger. Durant son interview, elle me confie combien le choix de la voiture est essentiel, selon les routes de campagnes ou de montagnes, le modèle choisi peut limiter les accès.
24 Victoria Sambunaris est descendante de la première génération Gréco- Américaine, de parents immigrants venus aux États-Unis à la recherche du rêve américain. Ses souvenirs de la tradition familiale, de la conduite à travers la campagne Amish de Pennsylvanie, son souvenirs de s’émerveiller à la vue des fermes, des routes et autres structures rencontrées ont profondément influencé sa vie et son travail en tant qu’artiste. (Traduit de l’anglais par Julie Masson) http://www.mocp.org/exhibitions/2013/01/taxonomy-of-a-landscape.php. 25 Sambunaris Victoria, op.cit. (Vidéo annexe 3).
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1.3 Le Territoire Le mot ‘’territoire’’ est utilisé pour définir les terres dépendantes d’un état. Il est également utilisé pour décrire «le domaine qu’une personne s’approprie, où elle tente d’imposer ou de maintenir son autorité, ses prérogatives».26 Dès les débuts de la photographie jusqu’aux années 1970 aux Etats-Unis, une tendance paysagère, imprégnée de spiritualité et marquée par la subtilité d’immenses espaces vierges, constitue la tradition photographique du «paysage sublime».27 Alec Soth développe un intérêt particulier pour la photographie de ces années et particulièrement pour Robert Adams qui jusqu’alors visait comme ces compatriotes à faire perdurer la beauté encore sauvage du territoire américain. En 1975, au Rochester International Museum of photography, George Eastman House, William Jenkins met sur pied une exposition collective nommée New Topographics: photographs of a Men- Altered Landcape. 28 Huit photographes américains furent sélectionnés, dont Robert Adams, Lewis Balz Stephen Shore. Les Allemands Bernd et Hilla Becher, furent également conviés. Cette exposition représente un tournant dans l’évolution de la photographie paysagère et aura un impact durable sur l’œuvre d’Alec Soth. Tandis qu’à l’époque, les photographes s’appliquaient à restituer une nature intacte, les photographes comme Victoria Sambunaris se focalisent désormais sur les possibilités d’intégrer de nouvelles figures telles des autoroutes, voies de chemins de fer, traces de chantier ou autre sillons implantés par l’homme. Comme pour New Topographics, ces photographes visent à faire prendre conscience à chacun de leur responsabilité fasse aux changements dus à l’activité humaine. D’une certaine manière il s’agit là de nouvelles conquêtes, celles de territoires modifiés par l’homme. Un paysage non enjolivé qui dévoile d’une part, ces failles et d’autre part nous invite à mieux comprendre notre place en son sein.
26 Le petit Larousse illustré 2006, Paris, Editions Larousse, 2005, p.1048. 27 Baqué Dominique, Photographie plasticienne, L’extrême contemporain, Paris, Editions du regard, 2004, p.122. 28 En 1975 L’exposition New Topographics, Photographs of a Man-Altered Landscape, signala l’émergence d’une nouvelle approche de la photographie de paysage. Les photos de paysages naturels transcendants et romantiques cèdent alors leurs places à des vues de paysages austères réalistes, industrielles qui dévoilent l’étalement urbain. http://www.sfmoma.org/exhib_events/exhibitions/407 # ixzz31QlZVhP9.
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«La culture américaine s’est toujours nourrie de ces grands espaces qui seront également l’objet privilégié du Land Art et perpétue la mythologie d’une terre vierge à conquérir, d’une frontière qui sans cesse recule et dont le pionnier entreprend la conquête».29 Alec Soth qui après s’être destiné à la peinture, pratique ensuite le Land art30. C’est finalement en documentant ses œuvres dans la nature qu’il arrivera à la photographie. Entre 1989 et 1991, il côtoie comme professeur, Joel Sternfield au Collège Sarah Lawrence de New York. Alors que ce dernier documentait la manière dont l’ordre social se révèle à travers le paysage américain, Alec Soth opèrera une relecture de la tradition photographique de ce même territoire par des voyages. Il s’imprégnera des lieux, guidé par la liberté de ses errances au fil des hasards rencontrés.
29 Baqué Dominique, op.cit.,p.122. 30 Né dans les années 1960, le Land Art est une tendance de l’art contemporain. Les artistes utilisent les matériaux de la nature (bois, terre, pierres, sable, rocher, etc.), ils creusent, déplacent, transportent, accumulent, plantent… Cette tendance se caractérise le plus souvent par un travail dans la nature même. Souvent il s’agit d’un art éphémère voué à sa disparition sous l’effet des éléments naturels. Les artistes travaillent souvent dans des lieux éloignés et c’est alors que la photo retrouve un rôle essentiel pour montrer, témoigner, garder le souvenir et financer ces projets. http://www.etudier.com/dissertations/Le-Land-Art/150267.html.
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1.3.2 Principe régulateur D’habitude associée à une absence de limites, l’errance telle que nous la traitons dans ce travail, n’est pas indépendante d’une certaine délimitation dans le territoire. Il est question de démontrer ce qu’elle interdit mais aussi ce qu’elle exprime. Ainsi, elle est généralement attribuée à un principe régulateur que chaque photographe définira selon ses besoins. Il s’agit ici de couvrir un territoire délimité afin d’expérimenter des états de perception variés et de cadrer l’errance, soit, être libre dans un espace choisi afin d’éviter l’égarement. Le choix d’Alec Soth quant au Mississippi a été de cet ordre là. Le photographe suggère les lieux de ces projets comme le sujet général. En réalité, ils constituent uniquement le canevas. Originaire du Minnesota, cette partie du territoire demeure les racines de l’artiste comme d’ailleurs la source du fleuve. Métaphoriquement ces deux informations agrémentent parfaitement la notion de voyage initiatique. La figure du fleuve comme guide et limite de l’errance convient entièrement. Le personnage, né à sa source, effectue le voyage du Nord au Sud. L’apogée du périple de Soth se trouve à la Nouvelle Orléans, soit à l’endroit où le fleuve se jette dans le Golfe du Mexique. Ce symbole d’expansion marque la fin d’un périple introspectif et coïncide aussi bien avec le début de la brillante carrière d’Alec Soth. Broken Manual d’Alec Soth ainsi que les images du corpus de Victoria Sambunaris se rattachent à un autre processus. A l’instar de leurs travaux respectifs, ils furent préalablement guidés par leur curiosité suite à leurs recherches ou à une découverte marquante. Ce guide pouvant être par exemple une pièce de littérature, elle les mènera à la conquête du territoire associé. Un facteur clé semble également lier nos deux photographes: les rencontres. Elles constituent un point central de leurs aventures et soit dit en passant supprime l’idée de ‘’perte’’ car elle dirige l’errance. Ainsi, le fil des rencontres définit le périple, l’influence, voire modifie la direction initiale. Bien que ce processus soit solitaire et introspectif, les rencontres sont essentielles. Pour Broken Manual, Alec Soth s’est inspiré des textes de Lester B. Morrison, un personnage reclus et qui durant des années rassembla une grande quantité d’informations, formant un document qu’il appellera his big manual. Ce manuel fut décrit par lui même comme un guide destiné à tout homme désirant fuir une vie monotone. Ce texte ainsi que les entretiens avec l’auteur, ont guidé Alec Soth vers la recherche de ‘’ the perfect place to go to dream’’.31 31 Flammarion Laure et Uyttenhove Arnaud, Somewhere to disappear, avec Alec Soth, Mas films, 2011, documentaire, 57 min.
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Une liste d’éléments qu’il désire trouver est placée sur son volant de voiture. Cette liste rappelle l’idée de chasse au trésor, ou celle du chevalier en quête du Graal. Les images ont d’une certaine manière été prédéfinies; «Je veux pouvoir me sentir porter, même si le voyage est planifié, on ne sait jamais ce qu’il peut arriver. Alors il faut laisser une chance au hasard. «Ok je cherche l’aventure, mais j’ai besoin de points de repère, avec un peu de chance, le hasard te porte, mais parfois il ne t’arrive rien. C’est tellement frustrant».32 L’errance c’est aussi cela, accepter que parfois il n’arrive rien. Au fond, pour reprendre le terme emprunté à Alexandre Laumonier, le deuxième but serait la quête du ‘’lieu parfait33’’, celui ou l’on va y rêver. Suite à la lecture du livre de géologie de John Mcphee, Annals of the former world 34 , Victoria Sambunaris décide quant à elle de s’aventurer dans la réserve de Yellowstone. Par chance, elle y rencontrera un géologue qui la soutiendra dans ses recherches. Le livre constitue une structure, celle qui cadre l’errance de la photographe. Comme l’a décrit Alec Soth, c’est cette limite qui permettra ensuite de se laisser porter par les heureux hasards qui croiseront sa route.
32 Traduction reprise du sous-titre français d’une citation d’Alec Soth tirée du film Somewhere to disappear. 33 Laumaunier Alexandre, L’errance, ou la pensée du milieu, article, Le Magazine Littéraire 1/2004 (n°427), p.20. URL : www.cairn.info/magazine-le-magazine-litteraire-2004-1-page-20.htm. 34 En francais: Annales de l’ancien monde, de John Mcphee, journaliste et romancier américain né en 1931.
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1.3.3 La Chambre grand format La manière d’utiliser la chambre 20x25 peut varier selon son utilisateur. Alec Soth préfère garder le mouvement, il n’attend pas des heures pour des conditions idéales, «i am a relatively fast moving large-format photographer»35,et accueille le temps comme il se présente. En revanche, Victoria Sambunaris, s’autorise à rester parfois plusieurs semaines au même emplacement afin d’obtenir la lumière désirée. Pourquoi ont-ils préféré ce procédé à un appareil plus compact? Contrairement au petit format, la chambre ne permet pas de produire des instantanés. Elle impose de prendre son temps. Le grand format demande de la patience pour le modèle et le photographe, ce qui en fin de compte produira une image plus détendue. La chambre provoque, malgré elle, l’insertion du passage du photographe dans le territoire. Pendant que les trois pieds marque le sol de par le poids du dispositif, le photographe a maintenant disparu sous le grand drap noir, il appuiera finalement sur le déclencheur afin de fixer l’instant. La lenteur du processus constitue une manière d’apprécier ainsi que de participer au paysage. Les appareils 24x36 utilisés par exemple par Robert Frank ou encore par Gary Winogrand, étaient si légers qu’ils permettaient l’instantané sans même devoir s’arrêter et descendre de leurs voiture. Le choix de la chambre dissimule une sorte de contradiction latente. L’errance dont nous parlons suggère la mobilité, or un trépied monté d’une chambre 20x25 n’est pas très mobile. Comme le souligne Alec Soth, «The large format camera imposes a patience of composition and selectivity that is in keeping with the slow drift of a river ». Il y a effectivement là, une volonté d’être dans la lenteur en référence au fleuve. L’imprégnation qui est recherchée à travers le 20x25 tant par exemple, à éviter de se laisser aller sur l’autoroute.
35 .
Soth Alec, Zanot Francesco, Ping Pong Conversations, Editions Contrasto, 2013, p.63.
33
#2
#4
# 2 Sleeping by the Mississippi, Alec Soth, Text Anne Wilkes Tucker et Patricia Hampl, Steidl, 2004 # 3 Soth Alec, Sleeping by the Mississippi, Charles, Vasa, Minnesota, 2002 # 4 Soth Alec, Sleeping by the Mississippi, The Farm, Angola State Prison, Louisiana, 2002 # 5 Soth Alec, Sleeping by the Mississippi, Helena, Arkansas, 2002
#3
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1.4 Motifs et codes spécifiques Sleeping by the Mississippi, Livre, Alec Soth. (Fig2) Pour établir une comparaison entre les travaux d’Alec Soth et de Victoria Sambunaris, il est intéressant de mettre en regard deux de leurs corpus, Slepping by the Mississippi et Taxonomy of a landscape. Le choix d’utiliser la première monographie d’Alec Soth semble judicieux, car elle marque également le commencement d’une démarche nomade pour l’artiste. Dans le cas de Victoria Sambunaris, ce corpus constitue la synthèse de sa carrière. On ne saurait évoquer le monde de Soth, sans parler de l’eau et plus particulièrement d’un fleuve, le Mississippi. Pour les civilisations antiques, le fleuve offrait un passage mythique vers ‘’l’autre rive’’36, rapport alors à l’idée de mort. «Cours d’eau coulant entre deux rives, comme le temps lui-même, (…) les fleuves sont d’une fluidité vitale, ils s’écoulent à la fois dans les mondes supérieurs et inférieurs , en surface et sous terre, à l’intérieur et à l’extérieur.(…) Le fleuve parle de la vie en terme de liberté, de mouvement, de courants dangereux, de noyades, de courses sans fin, de tracer son chemin, d’inondations, mais aussi d’enfermement, de direction, de retenues, de canalisations».37Presque jamais présent sur les images de Sleeping by the Mississippi, le fleuve guidera cependant le récit. Ses apparitions se feront en arrière-plan mettant en avant d’autres aspects sociaux comme la foi, le temps qui passe, le fantasme de l’envol (Fig.3) ou des problématiques liées par exemple à l’esclavage (Fig.4). Dans tous les cas, le fleuve reste inscrit en filigrane. Il guide le récit comme le flux vital se faisant le berger de l’errance du photographe par delà les terres du Mississippi. En dehors du sillon que dessine le fleuve, l’auteur dresse un fil rouge et nous guide à travers des notions oniriques, qu’il suggère également dans le titre en usant du verbe dormir, (sleeping en anglais) métaphore relative à la figure du lit. A sept reprises, Alec Soth illustre cette emblème du lit porteur d’un fort potentiel significatif (fig.5). Le lit, la chambre à coucher sont de l’ordre de l’intime, c’est le lieu où se déroule le rêve. Il représente une certaine vulnérabilité, puisque c’est l’endroit où nous nous abandonnons. «Il est possible ici de s’approcher au plus près de son soi intime, de se débarrasser de ses frusques, de s’endormir et de s’en aller rêver, peutêtre de faire l’amour ou simplement de se reposer pour récupérer des contraintes du monde extérieur».38
36 ‘’ L’autre rive’’ est une métaphore pour décrire le monde des morts. 37 Arm Karen (dir.), Le Livre des Symboles, réflexions sur des images archétypales, Köln, Editions Taschen, 2010. Fleuve, p.40. 38 Ibid., p.598.
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# 6 Soth Alec, Sleeping by the Mississippi, Herman’s bed, Kenner, Louisiana,2002 # 7 Soth Alec, Sleeping by the Mississippi, Adelyn, Ash Wednesday, New Orleans, Louisiana, 2000 # 8 Soth Alec, Sleeping by the Mississippi, Cemetery, Fountain City, Wisconsin, 2002
Les lits apparaîtront au fil des pages comme une respiration, une impression que l’auteur nous autorise à nous reposer quelques instants avant de continuer la route. La dernière image du livre (fig.6) représente un lit, et plus particulièrement une chambre. Par cette photographie, l’auteur conclut le périple et termine le livre. Incluant ici la notion de retour, la chambre reflète l’idée du logement, «la chambre suggère également la matrice féminine, en tant qu’expérience à la fois régressive et reconstituante.»39 On peut y voir une sorte de régénération avant un potentiel nouveau départ, ou la veille d’une renaissance. Bien que dans ce corpus le symbole de la croix tende à s’identifier dans la foi et les croyances religieuses, il serait tout de même intéressant de l’analyser au-delà de ce premier signifié. On notera sa présence sur cinq images. A trois reprises, on distingue la croix religieuse mais sur deux autres images le symbole et plus proche d’un simple carrefour. «La croix signifie le temps qui s’écoule, les quatre éléments, ce symbole est une fonction de synthèse et de mesure (…) sa symbolique peut se rattacher à l’arbre de vie, au monde dans sa totalité. (…) Pour les alchimistes, la branche verticale, dressée symbolise le principe masculin, et la branche horizontale couchée, le principe féminin. Leurs conjonction est signe de vie».40 De plus, le carrefour est l’endroit où se rejoignent plusieurs chemins. Il est intimement lié au voyage. Il représente l’endroit même où affrontent union et séparation, rencontre et adieu. Il devient un carrefour de vie, le paradigme des questions existentielles. (fig.7)
Les symboles se multiplient dans beaucoup d’images du récit. On y décèle plusieurs couches, toutes propices à diverses analyses. Malgré les représentations évidentes liées aux multiples mouvements, au voyage, pouvant relever du rêve ou de la mort, l’auteur n’impose pas de notion autobiographique.(fig.8)
39 40
Ibid., p.598. Julien Nadia, Le dictionnaire des symboles, Köln, Marabout, 1989, p.94-96.
37
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# 9 Victoria Sambunaris, Untitled (potash mine distant view Wendover Utah) 2004 # 10 Victoria Sambunaris, Untitled (distant stream vents Yellowstone) 2008 # 11 Victoria Sambunaris, Untitled (Train on salt flats great salt lake desert Utah) 2001
Taxonomy of a landscape, corpus d’image, Victoria Sambunaris (Fig. 9) Les images de Victoria Sambunaris sont uniquement constituées de paysages. On reconnaît la présence de l’homme par les traces qu’il laisse sur un territoire presque vierge. Sa manière de photographier tand à comprendre notre place dans la nature. Victoria Sambunaris utilise une échelle totalement différente de celle d’Alec Soth, lequel se trouve plus proche de ses sujets, et se sert de détails pour raconter l’histoire d’un état, voire d’un pays. A contrario, la photographe se sert de tracés entiers, de cadrages panoramiques afin de dépeindre cette même population sans pour autant la faire apparaître directement dans les images. Comme nous l’avons vu avec les images d’Alec Soth, l’eau est omniprésente et exprime très bien l’idée de l’errance et du cheminement que nous analysons dans ce travail. Alors que le fleuve est décrit précisément dans le travail d’Alec Soth, l’eau adopte des formes variées dans le corpus de Victoria Sambunaris comme par exemple une mare, parfois de la taille d’un lac ou au bord de l’assèchement (fig.10). Par sa présence, l’étendue d’eau nous rassure, et symbolise la vie. Parce qu’elle nous compose à septante pour cent environ mais aussi parce que «de toute les masses, l’eau est celle qui nous reflète le mieux.»41 Par ces différents états, elle nous informe d’une nature qui vit, évolue au gré des saisons et du climat. Bien connues des clichés du road trip, les routes et autres chemins42sont de loin les figures les plus représentées lorsqu’il s’agit d’illustrer le voyage ou l’errance. Par ce corpus, la photographe fait le choix de mettre en lumières des tracés entiers suggérant ainsi une échelle portée sur l’homme et ses mouvances par delà la nature. La photographe se place de manière à obtenir une vue d’ensemble où elle se tient en tant qu’observatrice. Surplombant la scène, elle donne à voir une réalité vécue et observée. De part ces vues panoramiques, elle renforce l’aspect collectif plutôt qu’autobiographique. Les chemins dépeints dans ses images ne sont pas uniquement des routes. On y voit aussi des voies de chemin de fer ou des tracés engendrés par diverses exploitations (fig.11). Ces différentes empruntes sont les nôtres. Elle nous informe sur les déplacements effectués ainsi que sur les différents moyens mis en place par l’homme afin d’acheminer les victuailles nécessaires à toute une population.
41 Ibid.,p. 44. 42 Figures très présente dans les livres: The Americans de Robert Frank et Errance ou la solitude heureuse du voyageur de Raymond Depardon.
39
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# 12 Sambunaris Victoria untitled (Train on salt flats great salt lake desert Utah) 2001 # 13 Sambunaris Victoria untitled (farm with workers Jacumba California) 2010
Les véhicules présents dans ces images sont cadrés avec minutie, alignés. Cela suggère une grande organisation et de la rigueur, reflètant probablement la manière de travailler de l’auteure. Ces véhicules représentent des trains de marchandises ou des camions (fig.12). En général, le véhicule est signe de modernité et de liberté comme de mouvement. Sambunaris ne cherche pas à suggérer sa propre errance en montrant ces moyens de transports. Elle parle ici d’une problématique de plus grande échelle, celle de l’approvisionnement de l’homme par la nature. Bien qu’ils soient les signes d’une exploitation de la nature, les photographies ne les montrent pas comme des éléments perturbateurs. On aurait presque l’impression qu’ils ont toujours fait partie du paysage. Victoria Sambunaris nous pousse à regarder ses images comme un ensemble, la beauté naturelle de l’Amérique associée aux anomalies causée par l’être humain. Elle donne à voir, un paysage photographique le plus uniforme possible, qui intègre la présence de l’homme (fig.13). Elle nous pousse à l’analyser comme un tout.
41
2 Le Dispositif, dans une tentative de transmission.
43
Dans ce chapitre, nous verrons avec le travail de Roe Ethridge, que l’errance peut être principalement vécue par le rapport qu’entretiennent les images entre elles. Dans quelle mesure le médium photographique permet-il une transcription efficace du déplacement, de la recherche? Par le dispositif, l’artiste donne à imaginer différents chemins possibles. Suivant les choix opérés, l’editing, la narration, la séquence, parfois le texte contribuent à redéfinir l’histoire. Une histoire qui emmènera le regardant à revivre une expérience donnée ou au contraire à en créer une nouvelle. C’est probablement parce que la photographie possède un fort lien avec le réel, qu’elle favorise la narration. C’est d’ailleurs pour cette raison que ce medium a toujours été privilégié lorsqu’il s’agissait de raconter une expérience vécue. Différentes manières sont à envisager afin de suggérer le mouvement dans un livre de photo, parfois c’est l’ouvrage dans sa forme, ou l’histoire, quelquefois le commentaire social mais aussi le récit. Les différentes possibilités de narration seront également abordées au travers des œuvres sélectionnées. C’est au début du processus de production, voire même avant, que certains artistes envisagent et pensent en terme de dispositif. La volonté de créer une œuvre dans l’idée de la transmettre en est la cause et est représentée ici par Alec Soth. Dans le cas de Victoria Sambunaris, la quête personnelle est le moteur principal, le choix du dispositif se fera après la période de production. Roe Ethridge, s’intéresse et travaille essentiellement sur la réception des images par le spectateur. Tout l’intérêt d’une telle démarche se situe uniquement au niveau de l’editing. L’editing, dans l’élaboration de l’œuvre photographique, est crucial. Mais comment ces photographes s’y prennent-ils pour raconter une histoire de mouvement et de passage du temps au moyen d’images fixes? Comme cité par Alec Soth, «Editing is as much a créative act as photography».43 Il y a des images qui sont plus ouvertes que d’autres et d’autres qui fonctionnent sur plusieurs niveaux de significations. Plus les images sont ouvertes et plus les possibilités s’offrent pour le lecteur de s’imaginer une histoire. La part de fiction est inévitable. De manière à stimuler le spectateur à la création de nouveaux possibles, elle est même nécessaire. «Cette tendance s’accompagne rarement d’une fermeture réflexive du photographe sur sa propre démarche, elle amène en revanche, assurément, une mobilisation de la vision du monde qui est proposée».44
43 44
Soth Alec, Zanot Francesco, op.cit., p.141. Méaux Danièle, op.cit., p.20.
45
Pour terminer, il est important de considérer la notion de ‘’finitude’’45. Comment les œuvres dont nous parlons peuvent-elles se terminer ou non? L’œuvre voyage estelle un modèle interminable? Nous verrons que les artistes que j’ai choisis ont tous une manière différente de finir ou non leurs œuvres. Le fait d’analyser si une œuvre par cette notion de ‘’finitude’’ se termine ou non, est essentielle pour comprendre notamment les rôles de chacun des protagonistes.
45 «Dans la philosophie grecque, fini et infini forment un couple; ils rendent compte de deux aspects du réel. Le fini, c’est le degré de détermination d’une notion ou d’une chose, ce qui fait qu’elle a un caractère précis, achevé dans son ordre. L’infini, c’est le degré d’indétermination d’une notion ou d’une chose, ce qui fait qu’elle comporte une part d’inconnu, de mystère, par excès ou par défaut, après tous les efforts de l’analyse pour cerner sa signification ou son essence». www.universalis .
47
2.1 Le dispositif livresque De par sa forme, par la manière dont les pages sont généralement assemblées, le livre est l’objet parfait pour évoquer un parcours dans le territoire. Il évoque le cheminement, il est également un des symboles de l’éducation. «Le monde a souvent été comparé à un livre au sein duquel chacun pouvait y faire son apprentissage».46 Le livre a d’abord uniquement servi de support aux images qui étaient disposées les une après les autres afin de pouvoir aisément les présenter. Depuis la fin des années 1950, des démarches nouvelles qui explorent puis exploitent l’espace du livre, se développent de manière significative afin de traduire l’expérience itinérante. Le livre d’images obtient une place plus importante puisqu’il est maintenant considéré comme une œuvre en soit. L’exemple le plus marquant est sans nul doute The Americans de Robert Frank. Malgré qu’il ait mis du temps à être reconnu, ce livre constitue aujourd’hui un des ouvrages de photographie les plus cités. Sans nul doute car il a bouleversé la conception que l’on se faisait de ce type d’ouvrage. C’est probablement le premier livre ayant été considéré dans son ensemble, comme étant une œuvre en soit. Il a dès lors ouvert une nouvelle porte aux techniciens de la photographie. L’ouvrage photographique pourrait alors être apparenté à un morceau de musique ou encore à un ouvrage littéraire. La différence étant, que ces derniers contraignent le lecteur à une progression linéaire imposée par l’auteur. L’ouvrage photographique autorise les parcours diversifiés même s’il est conçu de manière linéaire. Beaucoup de projets photographiques ayant été reconnus comme historiques ont débuté sur la route et se sont terminé par un livre. Parmi toute cette bibliothèque, une sous catégorie importante porte sur l’identité américaine. L’idée du chemin, associée au tracé de l’auteur, se présente comme un espace fortement susceptible d’être associé au cheminement du lecteur. Dans le cas d’œuvres cinématographiques, l’auteur détient un contrôle élevé sur le cheminement du spectateur. Avec le livre, une notion de liberté supérieure est octroyée au lecteur. Celui-ci détient le pouvoir de suivre l’ordre des pages ou d’effectuer une lecture aléatoire, il peut également, interrompre la lecture après deux pages. Pour l’analyse des œuvres qui vont suivre, la signification d’ensemble tiendra une place plus importante que celle de chaque image prise séparément. Pensée en fonction de sont insertion dans un tout, nous verrons l’œuvre, la forme livre comme un acte esthétique global.
46
Méaux Danièle, op.cit., p.34.
49
# 14
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# 14 Alec Soth, Cover, Sleeping by the Mississippi, Cover, Steidl, 2008 # 15 Alec Soth, Sleeping by the Mississippi, Sheila, Leech Lake Indian Reservation, Minnesota, 2000
«Anyone can take a great picture, but very few people can put together a great collection of picture. This is my goal.47»
2.1.1 Sleeping by the Mississippi - Alec Soth (Vidéo, Annexe 3)
N’ayant malheureusement pas pu me procurer un exemplaire du livre, je me suis servie pour cette analyse d’une version filmée de la troisième édition publiée par Steidl en juin 2008. La couverture est d’apparence rigide, je l’imagine plutôt rugueuse. Elle contient une image apparemment dotée d’une texture proche du papier photographique lequel impose un léger relief. Les dimensions du livre sont de 28 cm par 29 cm (fig.14). Ce format presque carré a sans doute été choisi pour de meilleures qualités symbolique et d’agencement quant au 20x25 du négatif. «Cette forme symbolise la terre et l’homme, le carré peut également être associé au quatre points cardinaux, aux quatre éléments, aux quatre saisons ou aux quatre périodes de la vie (l’enfance, la jeunesse, la maturité, la vieillesse).»48 Il est intéressant de constater que dans passablement de cas, la nature humaine ainsi que notre terre est régie par le chiffre 4. Ceci n’est peut-être qu’un hasard, mais comparé aux différents thèmes abordés par Alec Soth dans Sleeping by the Mississippi, le parallèle est intéressant. Après une première observation du livre, nous sommes tentés de constater que sa composition est plutôt classique. Classique, dans le sens où son assemblage rappelle la manière dont on construit un ouvrage de littérature. La couverture est exempte de titre. Celui-ci est inscrit après une page blanche et est suivi par une citation ainsi que des dédicaces. La séquence d’images sera constituée d’une image sur les pages de droite accompagnée de leur légende sur les pages de gauche (fig.15). En conclusion, nous trouvons les remerciements et enfin la biographie de l’auteur. Il s’agit là d’une narration linéaire qui suit non seulement géographiquement la ligne du Nord au Sud du Mississippi mais aussi chronologiquement puisque le récit commence en hiver pour se terminer en été. On constate ainsi le soin apporté à la création d’une séquence qui dépeint parfaitement le passage sinueux du photographe à travers le temps et les lieux.
47 Soth Alec, interviewed by Aaron Schuman, Seesaw: an Online Photography magazine:Observation Full and Felt, August 2004, http://seesaqmagazine.com/soth_pages/soth_interview.html.Also. 48 Symbolique du carré: http://www.rose-croix.org/Documents/articles_revue_pdf/rc_227_aut_08.pdf.
51
# 16
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# 18 # 16 Alec Soth, Sleeping by the Mississippi, Cristal, New Orleans, louisiana, 2002 # 17 Alec Soth, Sleeping by the Mississippi, Green Island, Iowa, 2002 # 18 Alec Soth, Sleeping by the Mississippi, Luxora, Arkensas, 2002
Dès lors, comment raconter une histoire qui se déroule sur plus d’une année en 46 images seulement? Voici tout le sens et l’art de la séquence. Une image en amenant une autre, on oublie souvent l’importance des espaces. Une photographie montre parfois moins qu’une seconde de ce qui a été vécu. C’est à ce niveau que l’interprétation et l’imagination du spectateur sont sollicitées. L’espace entre chaque image permet alors le vagabondage imaginaire du spectateur/ lecteur. Lorsque le photographe nous confiait avoir besoin de limites pour pouvoir se laisser porter par le hasard, il reproduit avec son livre le même schéma. Ainsi, le spectateur se trouve guidé à son tour par une certaine structure et peut se laisser porter par les mystères de son esprit. Par la séquence, les portraits ainsi que les natures mortes travaillent de pair pour suggérer ce que l’on pourrait appeler, un ’’flux d’errance consciente’’ rappelant ainsi la phase de production. La durée sera éprouvée par le processus de déroulement de l’œuvre et dans le rythme engendré par les pages qui se tournent. L’histoire, le commentaire social, englobent des sujets comme; la beauté, la maladie, le crime, la détérioration, la musique, la mort, la religion, le sexe, les différentes races d’individus ou encore la jeunesse (fig.16 et 17). Le récit, soit une représentation par le fleuve, se base sur l’idée du cheminement, du passage du temps à travers l’Amérique (fig.18). Comme le classique de Robert Frank The Americans, le style documentaire de Sleeping by the Mississippi s’accompagne d’une sensibilité poétique. Gardant la même référence, un rapprochement d’une autre nature peut-être fait. La cohérence du livre réside dans la manière quasi cinématographique dont les séquences ont été réalisées. «Dans un fondu enchaîné, des motifs se retrouvent et se métamorphosent. Comme le nomme Pasolini, ‘’le cinéma de la poésie’’, c’est à dire une forme ou la caméra, le style et les effets ne se laissent jamais oublier pour que puissent se lire les obsessions de l’auteur (…).»49 Chez Robert Frank, les drapeaux américains reviennent comme un leitmotiv tout comme plusieurs autres thèmes:les voitures, les croix, les cimetières. Chez Alec Soth, la récurrence du lit suggère le rêve. Faisant partie des symboles utilisés couramment dans ce genre de récit (voir chapitre 1.4), le drapeau américain ainsi que les cimetières ou encore les croix sont également présents dans Sleeping by the Mississippi.
49
Sur le livre de Robert Frank, The Americans: www.deslivresetdesphotos.blog.lemonde.fr.
53
# 19
# 19 Alec Soth, Sleeping by the Mississippi, Fishermen, Wickliffe, Kentucky, 2002
Bien que linéaire, la narration peut être perçue à plusieurs niveaux. Dans la globalité de la séquence ou par l’histoire elle-même, soit la toile de fond, représentée dans cet ouvrage par le cheminement du fleuve. Enfin, il faut aborder brièvement un autre niveau de narration: celui pouvant se trouver dans une image unique. L’histoire y sera concentrée pour qu’elle fonctionne de manière autonome, en tenant compte du fait qu’il y a toujours un avant et un après à imaginer. Défini par Charlotte Cotton, «ce champ de la pratique photographique est souvent appelé ‘’Photographie tableau’’ ou ‘’tableau photographique’’.»50 Bien entendu, la perception ou non de ces histoires dépend de notre imaginaire et de notre état d’esprit. Je pense que pour Sleeping by the Mississippi, l’image la plus susceptible de provoquer cet effet est la photo présentée sur la couverture. Particulièrement active, contrairement aux images plus posées du livre, elle introduit bien la notion de mouvement généré par l’entier de la séquence. En choisissant de montrer une voiture sur la couverture, le photographe présente sa démarche où le choix d’un véhicule est prédominant.(fig.19)
50
Cotton Charlotte, La photographie dans l’art contemporain, Paris, Thames et Hudson, 2010, p.49.
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# 20 Alec Soth, Broken Manual, Cover, Steidl, 2013 # 21 Alec Soth, Broken Manual, 2008_08zl0107 # 22 Alec Soth, Broken Manual, Roman, the nocturnal hermit
2.1.2 Broken Manual - Alec Soth (Vidéo, Annexe 3) Intrigué par le style de vie reclus de Lester B. Morrison, Alec Soth se mit à sa recherche. Cette rencontre suscitera une découverte, The Big Manual. Les textes contenus dans cet ouvrage, constituent un véritable mode d’emploi pour toute personne désireuse de vivre en marge de la société. Sur la base de ces textes, Alec Soth se met en quête du ‘’lieu parfait’’. Celui que quelques individus, ermites, hippies, moines et autres survivalistes ont déjà investi. Le photographe se met en quête, dans la peau de cette autre personne, son double en somme, celui qui fantasme sur l’idée de fuir. Le thème principal du livre n’est alors pas la fuite mais l’idée de la fuite. Au regard de l’objet, le titre choisi Broken Manual ainsi que la forme du livre, démontrent la nature de l’ouvrage. Il est plus aisé de penser qu’il s’agit d’un vieux manuel retrouvé au fond d’un tiroir plutôt qu’un livre de photo. Tout a été pensé pour que l’effet soit optimal, des fausses taches jusqu’à l’imitation du papier usé par le temps (fig.20). Reprenant le terme emprunté par Anne Golaz, le style narratif de cet ouvrage peut être considéré comme ‘’expérimental’’51. L’auteur a voulu attribuer ‘’un rôle’’ au livre photo. Celui d’un livre éducatif pouvant être mêlé à l’esthétique et parfois aux intentions d’un ‘’notebook’’. La séquence est construite sur une alternance d’images couleurs et d’images noir et blanc, ponctuée par des textes. Ces dernières images peuvent rappeler les premières images d’Alec Soth et suggèrent ainsi son passé. Les portraits découlant d’une telle démarche offrent au spectateur un aperçu intime d’une vision isolée et inconnue de l’Amérique (fig.21). Par ce biais, l’auteur accorde moins d’importance à la notion de temps que ce n’est le cas dans Sleeping by the Mississippi ou le cheminement physique est sensiblement suggéré. Pour Broken Manual, il s’agit plus d’aborder les enjeux d’un cheminement intellectuel. Le livre se base sur un principe de retrait et de distance mais dans plusieurs cas les images ont été zoomées (fig.22). Elles nous forcent à regarder de plus près. Un jeu de distance entre le proche et le lointain est mis en place pour désorienter le spectateur. Par ailleurs, les légendes constituent généralement une courte description de l’image ou du lieu. Ces légendes n’informent pas sur le temps qui passe si ce n’est qu’elles mentionnent à deux reprises la saison. La manière d’annoter les images n’est pas régulière, afin de maintenir une dynamique instable. L’ouvrage est considéré comme expérimental au même titre que la démarche de l’auteur. Durant la phase de production, Alec Soth emprunte un rôle, celui d’une personne qui recherche, ‘’sa cave’’. Guidé par le fantasme du refuge, il serait possible d’imaginer que la personnage qui réalise les images serait la fusion imaginée de deux personnes: Alec Soth et Lester B. Morrison. 51
Golaz Anne, On Photobooks and narratives, Mémoire de Master, Helsinki, 2013
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# 23
# 24
# 23 Alec Soth, Broken Manual, Text by Lester B. Morrison, Step1 # 24 Alec Soth, Broken Manual, Back Cover, Steidl, 2013
Mais revenons au livre. Dès la deuxième page, nous voyons un croquis précédant un texte de l’écrivain Lester B. Morrison. Puis par intermèdes, des textes visant à guider le lecteur sur la manière de fuir le monde moderne (fig.23). C’est lors de la lecture de l’introduction que l’union de l’auteur et du photographe en un seul personnage est soupçonnée. Le texte est signé par Morrison mais tout laisse à penser qu’il s’agit également d’Alec Soth. «You feel like you’re living two life right? In one life you haul yourself out of bed each day to fulfill another seer of dreary obligations. In the other life you dream.52» Plus tard dans cette même introduction, L’auteur utilise la forme ‘’je’’ puis ‘’nous’’ pour finalement revenir à ‘’je’’. Cette modification nous fait douter de l’identité du protagoniste. Pour terminer Lester B. Morrison cite Alec Soth comme ayant collaboré à la création de l’ouvrage,«Along with my steps to disappearing, i’ve included a number of photos by my comrade Alec Soth.53». Or nous savons que l’auteur principal de cet ouvrage est Alec Soth (fig.24). L’expérience de la phase de production tout comme la construction du livre photo représente une période de transition et d’expérimentation pour l’artiste. Le désir du photographe pour ce travail a sans doute été de transmettre au lecteur un manuel lui donnant la possibilité d’imaginer sa propre fuite. De par son œuvre, l’artiste ne cherche pas directement à transmettre sa propre expérience, mais plutôt la possibilité de s’imaginer une expérience similaire. Ce manuel constitue le compte rendu de ce que l’auteur a compris et mis en place durant le périple. Il n’englobe pas l’expérience mais les réflexions quant à cette dernière. D’ailleurs, le message relatif à l’usage du livre a été clairement défini dans l’introduction. «When you look at these scènes, try to put yourself in the picture. Visualize your new life on the lam. Before you know it, you might just make the break.»54
52 Soth Alec, Broken manual, Londres, Steidl/interarart, 2013, Introduction. 53 Ibid, Introduction. 54 Ibid, Introduction.
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# 25 Roe Ethridge, Rockaway, NY, cover book, 2007 # 26 Roe Ethridge, Rockaway, NY Utitled, 2007 # 27 Roe Ethridge, Rockaway, NY Utitled,2007
2.1.3 Rockaway, NY - Roe Ethridge (Vidéo, Annexe 3) Comme l’a écrit Anne Golaz dans son mémoire On Photobooks and narratives, «le livre photo vise d’habitude à mettre des images ensemble pour ainsi créer un sens. Cependant, certains d’entre eux semblent chercher le non-sens.»55 La démarche de Roe Ethridge en est l’exemple parfait. Il incarne l’anti-narration. Le but de l’auteur sera de désorienter le spectateur, pendant que ce dernier tente de se frayer un chemin parmi les images. Roe Ethridge confie au public sa propre expérience du monde. Son corpus oscille entre prises de vue personnelles et travaux de commande. Si bien qu’il est parfois difficile de démêler le vrai du faux. Artiste éclectique, il se décrit comme étant ‘’éditeur de ses propre images’’. William Eggleston constitue une des principales références de Roe Ethridge quant à son travail d’editing. Ce travail repose non pas sur ce que l’image porte en elle, mais plutôt sur le lien que plusieurs images peuvent proposer, au moyen d’une séquence, ou comme nous le verront plus tard, lors d’un accrochage au mur. Roe Ethridge représente une sorte de nomade des temps moderne. Il confie avoir toujours aimé réaliser des travaux de genre variés, et cela depuis le temps où il était assistant. Photographe, éditeur, surfeur, il l’est dans la réalité comme dans sa manière d’éditer les images. Son travail circule dans le monde de la mode et celui de l’art. Une sensation quasi schizophrénique pourrait être ressentie lors de la lecture de ses différents travaux. Il n’est pas toujours évident d’y trouver sa part entre les notions de ‘’vie réelle’’ et de fiction. De taille A4, le format du livre est plutôt classique. Un fond dégradé dans les tons rouges, constitue une couverture imprimée sur un papier standard, d’apparence ‘’bon marché’’. Le Titre Rockaway, Ny ainsi que le nom de l’auteur y figurent également (fig.25). Le titre mentionne un village côtier où l’artiste réside en période de loisirs. Aucun texte ni légende n’apparaît dans le livre, hormis le titre. Trois images en guise d’introduction, c’est ce que l’artiste nous livre. Je pense que cette première séquence est primordiale dans le sens où elle informe de la position de l’auteur par rapport à l’ouvrage et par rapport au spectateur. La première image représente un paysage de bord de mer. Un ‘’skate parc’’ se distingue avec en second plan, sur fond de couché de soleil, l’océan (fig.26). La deuxième photographie, représente aussi un bord de mer, mais l’ambiance est différente, plus stricte. La lumière est celle du matin. La dernière vue est un autoportrait de l’artiste. Là encore, Roe Ethridge nous fait douter de la spontanéité du cliché. Cet ensemble constitue la seule clé de compréhension qu’il nous offre. L’uniforme de capitaine que porte Roe Ethridge indique que c’est lui qui dirige ‘’le navire’’(fig.27).
55
Golaz Anne, op.cit.,p.11
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# 28 Roe Ethridge, Rockaway, NY, Utitled, 2007 # 29 Roe Ethridge, Rockaway, NY, Utitled, 2007 # 30 Roe Ethridge, Rockaway, NY, Utitled, 2007
Le mouvement de ‘’au revoir’’ qu’il effectue pousse à penser que dès cet instant, il nous laisse nous débrouiller. En bon capitaine, il a désormais posé les bases. ‘’Le navire’’, sous entendu le livre, est désormais sous notre responsabilité. A mon avis, le surf, la mer et ses courants constituent le leitmotiv de cet ouvrage (fig28). Par ce premier livre, Roe Ethridge introduit sa manière de surfer parmi les photographies et ses différents styles. Certains aspects, comme la proximité des sujets ou la sincérité de certaines images, rappellent certains caractéristiques d’un journal intime. Cette remarque n’est pas si anodine puisqu’il s’agit en partie d’images récupérées de sa collection personnelle (fig.29+30). Même si le sens précis de l’ouvrage reste insaisissable, une possibilité incalculable de rapprochements intellectuels sont engendrés par la multitude d’échos sémantiques potentiellement exploitables. En bon surfeur, l’auteur utilise à la fois le rôle original de l’image ainsi qu’il renouvelle ses possibilités signifiantes. Des images pouvant sembler familières, adoptent soudain un rôle étrange lorsqu’elles sont juxtaposées dans la séquence. Mais la subjectivité de l’ouvrage tout en autorisant une lecture aléatoire, permet à chacun de se frayer ses propres chemins. L’interprétation et l’imagination du spectateur sont fortement sollicitées, d’autant plus que la place qu’il tient, est presque celle d’un co-auteur. Suivant le propos d’Anne Golaz, il s’agit là d’une ‘’anti-narration’’ ou d’une ‘’contre-narration’’, soit l’élaboration d’une technique s’opposant à une conversation stable. Cet art contribue également à la négociation et la transformation de nouvelles réalités. Dans le cas d’exposition, bien que Roe Ethridge utilise le même corpus, le travail sera différent de l’œuvre publiée. Les recherches de l’auteur se basent sur des notions d’editing, par conséquent, toute nouvelle tentative d’accrochage, produira une nouvelle œuvre. Dans la mesure où l’auteur ne cherche pas à imposer de ligne au spectateur, il le pousse à errer au rythme de son imagination. Dès lors, par la forme du livre, Roe Ethridge impose des limites ainsi qu’un cadre. Le lecteur se trouve plongé dans une sorte d’errance consentie, une flânerie pouvant être assimilée, comme le décrit l’artiste: au surf sur internet. Lors de nos escapades sur le web, il est rarement possible de s’en tenir au but fixé. Les possibilités innombrables de cette technologie vont développer une succession de ramifications qui souvent nous porterons au hasard. Pour conclure, ce travail semble n’avoir aucune cause et pas de fin. Rockaway, NY à été conçu sur un principe de flottement et d’errance à travers les images. A titre de comparaison, avec Sleeping by the Mississippi la notion de fin est bien présente et réfléchie par l’auteur afin de clore l’histoire. Pour Rockaway, NY, c’est le lecteur qui décidera de terminer le récit, par le mouvement de fermeture du livre. 63
2.2 Le dispositif d’exposition L’œuvre s’inscrit dans le temps de manière temporaire puisqu’elle est généralement soumise à une planification. Parce qu’il offre une vue d’ensemble plus prononcée que le livre, le dispositif d’exposition permet le vagabondage visuel ainsi que la mise en relation erratique. De plus, les notions d’épuisement physique et d’espace apparaissent. Elles permettent un rapprochement plus prononcé avec le cheminement du praticien. Le choix d’utiliser la chambre grand format lors des prises de vues, d’une part permettra de bonnes qualités d’agrandissements ainsi qu’il autorisera le lecteur à prendre connaissance des plus petits détails de l’image. Le livre est de nature plus intime, il invite d’ordinaire une seule personne à le consulter à la fois. Le dispositif d’exposition est plus social, il ne refuse pas l’interaction entre les spectateurs. Au contraire il se plait à recevoir les mouvances qui se produiront suivant la nature du groupe qui occuperont l’espace.
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# 33 # 31 Sambunaris Victoria, Taxonomy of a Landcape, Installation view9 # 32 Sambunaris Victoria, Taxonomy of a Landcape, Prints study room grid of snapshots # 33 Sambunaris Victoria, Taxonomy of a Landcape, Installation view3
2.2.1 Victoria Sambunaris - Taxonomy of a Landscape - 2013 - MOCP Columbia collège, Chicago. Taxonomy56of a Landscape constitue la plus importante exposition de Victioria Sambunaris à ce jour. Après 13 ans sur la route, le besoin de transmettre son œuvre intégralement devint nécessaire pour l’artiste. C’est en décembre 2000, sur la frontière du Texas, qu’elle débutera son premier voyage et c’est sur cette même frontière qu’elle le terminera en décembre 2013. Cette exposition clos un chapitre qui devrait transmettre un sentiment d’accomplissement. Je n’ai malheureusement pas eu l’occasion de me rendre sur place lors de l’exposition au Columbia College de Chicago. C’est pourquoi j’ai basé mon analyse sur des reproductions de l’exposition. Les échanges entretenus avec l’artiste ainsi qu’une copie du Viewer’s guide ont également contribué à conduire mon propos.(fig.31) Lors de ces précédentes expositions, Victoria Sambunaris a toujours révélé le corpus réalisé à la chambre, ce dernier étant considéré comme ‘’officiel’’. Or, durant ces voyages, l’artiste ne se cantonne pas uniquement à photographier de la sorte. Elle alimente régulièrement un blog (http://victoriasambunaris.tumblr.com) composé d’images spontanées qui documentent ses périples. Si les images prises à la chambre restent modestes quant au fait de rendre compte des journées de la photographe, le blog et ses images compensent cet aspect. Parmi ces photographes du mouvement, Victoria Sambunaris intègre également un autre groupe. Suivant l’expression de Thierry Davila, il s’agit des ‘’historiens archivistes’’. Elle collectionne et accumule au fil de ses voyages, des souvenirs, des objets, des preuves qui témoignent de son passage par des terres inconnues. Ces sortes de ‘’butins’’ constituent également l’objectif des voyages de l’artiste. L’exposition est essentiellement constituée des magnifiques clichés que l’artiste a réalisé à la chambre 20x25. En outre, Taxonomy of a landscape présente des images issues du blog de l’artiste (fig.32) ainsi que des objets et autres documents. On y trouve, des cartes géographiques, les journaux de routes de l’artiste, les souvenirs qu’elle a recueillis et plus de 1500 petits croquis photographiques (fig.33). Dès lors, cet ensemble constitue l’archive complète de Victoria Sambunaris. De par son choix de tout montrer, l’artiste emmène le spectateur sur les routes qu’elle a empruntées, au fil de ses rencontres. Elle propose une exposition liée à sa propre expérience au travers une vue de sa vie sur la route.
56 Taxonomy: en français, la taxonomie est la science des lois et des principes de classification des organismes vivants (science de la classification). C’est également une suite d’éléments formants des listes qui concernent un domaine, une science. www.cnrtl.fr.
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# 34 Sambunaris Victoria, Taxonomy of a Landcape, Print study room grid of snapshots details # 35 Sambunaris Victoria, Taxonomy of a Landcape, Installation view4
Les objets exposés permettent au spectateur de comprendre la manière dont travaille l’auteure. De surcroît, l’artiste présente une vidéo documentant ces voyages et ces processus de travail. Un mur entier de l’exposition accueille une mosaïque composée des photographies du blog de l’artiste. Sur ces images, on y voit les personnes rencontrées, les routes empruntées et encore des paysages, tout ce qui fait parties des voyages de l’artiste. Cette mosaïque soutient également la compréhension des images prises à la chambre 20x25. Elles constituent de potentiels hors champs. (fig.34) Bien que les photographie prise à la chambre ne represent pas vraiment d’œuvres fixées dans la durée, elle symbolisent une somme d’informations lisibles sur plusieurs niveaux. Victoria Sambunaris relate souvent l’importance des couches qui constituent ses photographies: «I resist approaching a landscape strictly as an expanse of scenery, but view it as an anomaly with an abundance of information to be discovered.57» Dans certains espaces de l’exposition des images ont été exposées de manière plutôt aérée. Un fauteuil se tient au centre de la pièce incitant le spectateur à prendre son temps devant les vastes étendues proposées (fig. 35). Lors de son interview, Victoria Sambunaris m’a confié ne pas penser durant la phase de production à la manière dont ses œuvres seraient reçues par le public. De ce fait, elle ne cherche pas vraiment à léguer de place au spectateur, elle se contente de transmettre son expérience. Bien entendu, le spectateur est guidé à travers différents types de récits. Celui contenu dans chaque image, où la notion de finitude est absente puisque le récit est potentiellement extensible à l’infini. D’un point de vue global, c’est l’histoire de treize années passée sur les routes qui se termine dès lors que le spectateur pousse la porte du musée pour sortir.
57 http://www.albrightknox.org/news-and-features/press-releases/article:09-20-2011-em-victoria-sambu69 naris-taxonomy-of-a-landscape-em-opens-october-21/.
Conclusion L’errance peut être perçue comme une démarche en soi. De par sa capacité à générer les hasards, elle a le pouvoir d’élargir le champ des possibles. L’errance est un outil concret qui participe dans certain cas à la définition du sujet mais également à l’établissement d’une démarche et au positionnement du photographe. Comme cité dans l’introduction, ‘’l’auteur trouve à se régénérer des réalités observées’’et construit sa démarche au fil des hasards rencontrés. La notion d’espace ainsi que les personnes rattachées à celui ci constituent des facteurs fondamentaux après celui du hasard. L’errance est indissociable de ces trois éléments. La principale capacité de l’errance est d’incité à un certain lâché prise, à se laisser porter par les événements. Fait reconnu par les sciences neurologiques, la créativité a plus de chance d’être stimulée dans un contexte comme la voiture ou le voyage. Les motivations qui engagent nos photographes à utiliser l’errance dans leurs démarches sont variées. Tout d’abord, on identifiera le besoin d’être stimulé par les hasards rencontrées. Ces derniers constituent l’essence de la démarche photographique. Ensuite pour Victoria Sambunaris, la démarche est rattachée à des racines, à une histoire familiale qui pousse la photographe à interroger et à comprendre sa place sur un territoire apparenté. L’errance ou l’expérience du photographe n’est pas toujours rapportée au spectateur. Dans sa manière de photographier, Roe Ethridge se positionnera uniquement comme l’initiateur des errances du spectateur. Sa démarche artistique se situe strictement au niveau du dispositif. Chez lui, le questionnement sur l’image elle-même constitue l’étincelle qui déclenche le processus de création. Il se préoccupe de la capacité de la photographie à générer de nouvelles significations, à créer de nouvelles routes suivant une séquence choisie. Il cherche à se perdre au mieux parmi les images afin de faire surgir des histoires fortuites. Le choix de l’auteur quant au fait de montrer ou non le processus de production est liée à la place qu’il cède au spectateur. Plus le cheminement de l’auteur est visible, plus le spectateur tiendra rôle de regardeur. La dimension autobiographique dans le travail de Victoria Sambunaris est centrale. Pour cette raison, le spectateur n’occupe pas une grande place si ce n’est que cela pourrait le renvoyer à sa propre expérience. Plus le photographe s’éloigne de l’œuvre, plus le spectateur est propice à occuper la place d’un co-auteur comme dans le cas des œuvres de Roe Ethridge. Alec Soth, propose une œuvre passablement extensible pour que le spectateur y trouve sa place. Toute œuvre se rattache à une expérience personnelle et intime de son auteur, mais il peut ensuite choisir de la révéler ou de la cacher. Les notions autobiographiques empruntent d’habitude plus facilement la forme d’une affirmation que d’un questionnement. 71
Aucune expérience n’est similaire comme aucune vision n’est semblable. Le produit de ces deux éléments constituera indéniablement une nouvelle œuvre à chaque tentative. L’errance du photographe est un choix, dans le cas du spectateur c’est le même. Partant de ce fait, je dirais que l’errance analysée dans ce travail découle essentiellement de mes perceptions et de mon attirance pour le sujet. Les œuvres analysées ont touché ma sensibilité à ce niveau. Mais qu’en est-il de vous? Faut-il des personnes réceptives à tel ou tel sujet pour que la magie opère? Dès lors, il aurait été intéressant de sélectionner un public de dix personnes, pour ensuite analyser les œuvres suivant les perceptions et ressentis de chacun. L’œuvre a-t-elle un pouvoir universel quant au fait de raconter ce pourquoi elle est destinée? Dans ce sens, la démarche de Roe Ethridge s’avère être au centre de la question. Quelles sont les possibilités du medium photographique et jusqu’où est-il extensible?
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Biographie
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Ouvrages généraux BAQUE Dominique, Photographie plasticienne, L’extrême contemporain, Paris, Regard, 2004. BERTHET Dominique, Figure de l’errance, Paris, Editions L’harmattan, 2007. COTTON Charlotte, la photographie dans l’art contemporain, Paris, Thames et Hudson, 2010. DAVILA Thierry, Marcher, Crée: Déplacements, flâneries, dérives dans l’art de la fin du xx e siècle, Pampelune, Regards, 2002 MEAUX Danièle, Voyages de photographes, France, Publications de l’université de St Étienne, 2009. MEAUX Danièle (dir.), Protocole et photographie contemporaine, France, Publication de l’université de St Étienne, 2014 A New American photographic dream, us today after, Préface de Gilles Mora, Introduction de Gilles Vernerer, Lyon septembre de la photographie, Milan, Silvana éditoriale, 2010. ROSINI Marc, Road Movies: fragments, Marseille, Images en marges, 2012. VITAMINE PH, Nouvelles perspectives en photographie, Paris, Phaidon, 2007. ARM Karen (dir.), Le Livre des Symboles, réflexions sur des images archétypales, Köln, Taschen, 2010. GOLAZ Anne, On Photobooks and narratives, Mémoire de Master, Helsinki, 2013. SOTH Alec, ZANOT Francesco, Ping Pong Conversations, Rome, Contrasto, 2013.
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Monographies KEROUAC Jack, Sur la route, Paris, Edition Folio, 1972. SOTH Alec, Sleeping by the Mississippi, Allemagne, Steidl Verlag, 2008. SOTH Alec, Broken manual, Allemagne, Steidl/Interarart, 2013. ETHRIDGE Roe, Rockaway,NY, Allemagne, Steidl Mack, 2007. ETHRIDGE Roe, Le luxe, Allemagne, Mack, 2012. STERNFIELD Joël, American Prospect, Allemagne, Steidl/Interart, 2005 FRANK Robert, The Americans, Allemagne, Steidl, 2008.
Catalogues d’expositions From Here to there: Alec Soth’s America Catalogue d’exposition, Walker art center, Minneapolis, Minnesota, du 12 Septembre 2010 au 2 Janvier 2011, Edité par Hatje Cantz Verlag, Ostfildern, 2010.
Interviews MASSON Julie, Interview filmé de Victoria Sambunaris, CEPV, 2014. (Annexe 3)
Articles LAUMONNIER Alexandre, L’errance, ou la pensée du milieu, Le Magazine Littéraire 1/2004 (n°427), p.20. URL : www.cairn.info/magazine-le-magazine-litteraire-2004-1-page-20.htm SOUNDARAMOURLY Radjou, De l’errance, comme expression pulsionnelle soutenue par un fantasme, Analyse Freudienne Presse, 2002/2 no6, p.90-100. ROCHE Delphine, Magasine Médium, Le luxe, sur Roe Ethridge, N°7, Editions Mack Books, 2013. 79
Filmographie Somewhere to disappear, Laure Flammarion et Arnaud Uyttenhove avec Alec Soth, Mas films, 2011, documentaire, 57 min.
Webographie Alec Soth Site officiel: http://alecsoth.com/photography/ (consulté le 02 octobre 2013) Little Brown Mushroom: http://www.littlebrownmushroom.com/blog/ (consulté le 03 octobre 2013) Blog Alec Soth: http://alecsothblog.wordpress.com (consulté le 03 octobre 2013) Interview magazine: http://www.interviewmagazine.com/art/alec-soth-broken-manual-sean-kelly#_(consulté le 18 décembre 2013) Site du jeu de paume à Paris : http://www.jeudepaume.org/?page=article&idArt=486 (consulté le 03 octobre 2013) Roe Etridge Site officiel : http://www.roeethridge.com (consulté le 03 janvier 2014) Gagosian gallerie: http://www.gagosian.com/artists/roe-ethridge (consulté le 03 janvier 2014) Charles Riva collection:http://www.charlesrivacollection.com/index.php?act=artist&id=7 (consulté le 03 janvier 2014 Site du 1000 words magasine : http://www.1000wordsmag.com/roe.swf (consulté le 01 avril 2014) Site cargocollective (interview de Roe Ethridhe par Fionn Meade)http://cargocollective.com/fionnmeade/Roe-Ethridge-SPIKE (consulté le 01 Avril 2014) Site, les presses du réel : http://www.lespressesdureel.com/ouvrage. php?id=2892&menu= (consulté le 05 avril 2014) 81
Victoria Sambunaris Site officiel: http://victoriasambunaris.com (consulté le 05 décembre 2014) Blog personnel: http://victoriasambunaris.tumblr.com (consulté le 05 décembre 2014) Blog: Women in Photography: http://www.wipnyc.org/blog/victoria-sambunaris (consulté le 05 décembre 2014) Blog: 6th floor (NYtimes): http://6thfloor.blogs.nytimes.com/2011/11/ (consulté le 18 février 2014) Blog: The picture show: http://www.npr.org/blogs/pictureshow/2012/06/20/155281976/this-is-the-border (consulté le 18 février 2014) Site: The designer observer group: http://places.designobserver.com/feature/victoria-sambunaris-william-henry-jackson/37979/(consulté le 18 février 2014) Site: PMC magazine: http://pmc-mag.com/2011/02/victoria-sambunaris/(consulté le 18 février 2014) Site: Mocp Chicago (Musée de photographie contemporaine): http://www.mocp. org/exhibitions/2013/01/taxonomy-of-a-landscape.php (consulté le 25 mars 2014) Site: Albright-Knox Art Gallery: http://www.albrightknox.org/news-and-features/ press-releases/article:09-20-2011-em-victoria-sambunaris-taxonomy-of-a-landscape-em-opens-october-21/ Divers Viméo: Conversation entre Roe Ethridge et Alec Soth: https://vimeo.com/66086787 (consulté le 4 octobre 2013) Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales : www.cnrtl.fr (Consulté le 27 décembre 2014) L’errance, fuite ou sauvegarde? 24 mai 2013/ café philo à Apt par Catherine Pageart/ http://www.catherinepageard.blogspot.fr/2013/06/lerrance-fuite-ou-sauvegarde-telle.htmlC (Consulté le 19 janvier 2014) 83
Article: Le monde .fr, à propos du livre du philosophe Frédéric Gros, marché, une philosophie / http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/06/24/frederic-gros-philosophe-la-marche-est-un-authentique-exercice-spirituel_1540510_3232.html (consulté le 12 avril 2014) Article: Le temps, sur l’art du livre d’art / http://www.letemps.ch/Facet/print/Uuid/ ae8cc39c-4ae4-11e3-91dd-98dfd3121682/Lart_du_livre_dart (consulté le 12 avril 2014) PD: Mémoire par Benoît Pype: Voyage et déplacement, L’artiste contemporain et ses expéditions. http://www.benoitpype.net/pdf/memoire.pdf/ (Consulté le 24 novembre 2013) Site: Esprits nomades: http://www.espritsnomades.com/artsplastiques/evanswalker/evanswalker.html (consulté le 05 décembre 2013) www. Erudit.org, Présentation. Le Road movie: Par Walter Moser: Revue d’études cinématographiques, vol.18, n 2-3, 2008, p7-30 http://www.erudit.org/revue/cine/2008/v18/n2-3/018415ar.pdf (consulté le 1 avril 2014) A propos du livre de Bernard Beneliel et de Jean-Baptiste Thoret: Road Movie, Editions Hoëbeke, en 2011 : http://www.cineclubdecaen.com/analyse/livres/thoretbenolielroadmovieusa.htm (consulté le 12 Avril 2014) Blog: Des livres et des photos (le monde.fr): www.deslivresetdesphotos.blog.lemonde.fr (consulté le 21 avril 2014) Blog: La précarité du sage (le monde.fr): http://laprecaritedusage.blog.lemonde. fr/2011/07/10/le-flaneur-et-le-psychogeographe-paris-et-londres/ (consulté le 20 avril 2014) Site: Photophiles magazine, à propos de New Topographics: http://www.photophiles.com/index.php/les-articles-archives/evenements/1466-new-topographics. html (consulté le 11 mai 2014)
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Annexes 1 Biographie p. 2 Définition p. 3 Dvd
Annexes 2 Définition 1 Biographies
3 DVD (Livres filmés + Interview de Victoria Sambunaris)
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Alec Soth – Biographie Photographe né en 1968, il réside à Minneapolis dans le Minnesota. Alec Soth est membre de la prestigieuse agence Magnum. Depuis 2004, il a étudié la photographie au Collège Sarah Lawrence à New York. Ses photographies ont été présentées dans de nombreuses expositions individuelles et collectives, y compris aux biennales de Whitney en 2004 et de São Paulo. En 2008, une grande exposition sur son œuvre a été présentée au Jeu de Paume à Paris puis au Fotomuseum de Winterthur. En 2010, le Walker Art center produit une grosse exposition monographique intitulé From Here To There. Sa Première monographie, Sleeping by the Mississippi, a été publiée par Steidl en 2004 et acclamée par la critique. Depuis, Alec Soth a publié Niagara (2006), Fashion Magazine (2007) Dog Days, Bogotá (2007) The last days of W (2008), et Broken Manual (2010). Soth a été détenteur de nombreux prix et bourses, dont la bourse Guggenheim en 2013. En 2008, il inaugure sa propre maison d’édition, Little Brown Mushroom. Il est représenté par les galeries, Sean Kelly à New York ainsi que Weinstein Gallery à Minneapolis. Roe Ethridge – Biographie Né à Miami, en Floride, en 1969, Roe Ethridge a grandi dans la région d’Atlanta, en Géorgie. Il a étudié à la Florida State University et a obtenu un BFA en photographie du Collège d’Art à Atlanta. En 1997, il s’installe à New York où il commence sa carrière de photographe commercial, il travaille essentiellement pour des catalogues, et pour la mode. Il contribue notamment à des publications pour le New York Times Magazine, Allure ou Spin. Sa première exposition monographique se trouvera à Zurich. Depuis, il a notamment participé à la Biennale d’Atlanta, au Nexus Centre d’Art Contemporain. Puis il obtient la Deutsche Börse Photography Prize en 2011. Victoria Sambunaris - Biographie Photographe née en 1964 à Lancaster elle est actuellement, losqu’elle ne voyage pas, installée à New York. En 1999, elle reçoit un master de l’université de Yale. Durant les treize dernières années, Victoria Sambunaris a voyagé en voiture afin d’explorer la transformation du paysage Américain. Elle obtient une bourse de la Aaron Siskind fondation en 2010 puis la même année un prix de la femme. En 2011, une exposition monographique lui à été consacrée, marquant onze années de son travail, exposé à la galerie Albright-Knox Art de Buffalo et plus récemment au musée de la photographie contemporaine de Chicago, au musée des beaux arts de Houston, à la National Gallery of Art et au San Francisco Museum of Modern Art. Les Editions Radius Books publieront sa première monographie qui devrait sortir en avril 2014.
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2 Définition Errance: n.f Litt. Action d’errer. Errant: adj. 1. Qui erre ; qui n’a pas de demeure fixe. 2. Qui est propre aux personnes nomades. 3. Litt. Qui voyage sans cesse (Chevalier errant) Erratique: adj. (du lat. errare, errer) Qui n’a aucune régularité ; instable, inconstant. Erre: nf. (De l’ancien français errer, du lat. iterare, voyager) Vitesse résiduelle d’un navire sur lequel n’agit plus le dispositif propulseur. Errer: v.i. (lat. errare). Aller ca et là, à l’aventure, sans but.1 L’errance, est d’ordinaire associée au mouvement, plus particulièrement à l’idée d’égarement, à l’absence de but voire à la perte de soi-même. D’un point de vue étymologique : Le mot errant cumule les signifiés de ‘’iterare’’ et de ‘‘errare’’. Selon Dominique Berthet, errer, «venant du latin, ‘’errare’’ signifie aller de côté et d’autre, au hasard, à l’aventure ; c’est ce verbe qui, au figuré, signifie s’égarer, se perdre. Référence à la pensée qui ne se fixe pas, qui vagabonde. Laisser errer signifie alors laisser en toute liberté. Mais ce verbe signifie aussi se tromper, avoir une opinion fausse, s’écarter de la vérité. Bien qu’il porte en lui une connotation négative ce dernier ne doit pas être confondu avec la deuxième racines venant de l’ancien français, ‘’iterare’’ qui signifie, aller, voyager, cheminer», qui inclut également la notion de retour associée à l’idée du voyage. «En référence à ce second verbe, être errant c’est être , à un moment donné, sans attache particulière, allant d’un lieu à un autre, en apparence sans véritable but. En apparence seulement car l’errance, est une quête ; une quête d’autre chose2» peut-être celle d’un «lieu acceptable3»
1 Le petit Larousse illustré 2006, op.cit., p.427. 2 Berthet Dominique, op.cit., p.27. 3 Laumonier Alexandre, L’errance ou la pensée du milieu, Le magazine littéraire, n 353, «Errances», avril 1997, p20./Le «Lieu Acceptable».
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Merci à Ariane Pollet, qui a dirigé ce mémoire, pour les pistes de réflexion et les conseils prodigués tout au long de la rédaction. Je remercie également Léonore Veya pour les conseils et pistes de réflexion lors de la détermination du sujet et de son développement. Merci a Nassim Daghighian pour la relecture et les conseils associés. Un grand merci à Yves Paudex pour son accompagnement et ses relectures effectueés tout au long de ce travail.
Julie Masson - CEPV - info@juliemsson.ch