Alice Anderson_Fred Bred_Fancy_The Futurheads_Thomas Lélu_David Lynch_Jean-Pierre Mocky_Andrew Orr_Sébastien Thoen_Zazon
édito
Ça y est, l’été est là. Dernier numéro avant de partir (un peu) en vacances. Mais ne vous inquiétez pas, Keith fera son grand retour dès le mois de septembre. “Grand retour”, “mois de septembre” ? Ça vous dit quelque chose ? Dans un numéro Spécial agitateurs, on ne pouvait pas ne pas en parler. Le “suprême nikoumouk”, Kool Shen et Joey Starr reviennent pour trois concerts exceptionnels en septembre ! Vous ne pouvez pas être passés à côté de cette info de premier ordre. D’ailleurs, tout le monde, de la petite caillera de Saint-Denis au trentenaire bobo du Marais, a déjà sa place. Moi, je n’irai pas à ce concert. “Mais t’es ouf !” me direz-vous. “NTM, le plus grand groupe de l’histoire reformé enfin, en pleine crise du rap français, ça ne se rate pas !” Eh bien si. Car depuis l’annonce de leur retour, ce sont les mêmes phrases qui tournent en boucle dans la bouche de tout le monde. - “Le 13 mars, un duo mythique s’est reformé. Incroyable !” Mais pourquoi lancer ça au Grand Journal de Denisot ? Devant un public de trente personnes ? Devant Clotilde Courau, Ramzy et Olivier Besancenot ? Excusez-moi d’être sceptique, mais si ce n’est pas de la promo ça… L’étrange sensation qu’on a voulu me la faire à l’envers s’empare de moi. Et se confirme quand je les vois quelques jours plus tard chez Fogiel… - “Enfin on va pouvoir les revoir après dix ans d’absence !” Dix ans d’absence ? Attendez une seconde. Ils ne se sont pas arrêtés dix ans. Chacun des deux compères a même sorti un solo. Dernier Round pour Kool Shen, Gare au Jaguarr pour Joey Starr. Et, soyons honnête, les deux albums étaient pourris. Mais bon, on préfère les oublier pour ne pas ternir la légende. - “Le rap français est mort en 98.” Voilà la phrase préférée des trentenaires blasés qui avaient vingt piges à l’époque. Mais faut vous réveiller les gars ! Le rap français n’est pas mort, vous avez juste arrêté de vous y intéresser. C’est trop facile de cracher sur Sinik et Diam’s en regrettant le bon vieux temps. Moi, je l’affirme haut et fort : le rap français n’est pas mort ! Il faut accepter le fait qu’il ait continué de grandir, que NTM n’ait été qu’une étape et que depuis, il y en ait eu d’autres. Hocus Pocus, Rocé, Abd Al Malik, ATK, Tryptique… TTC même ! Ils ont tous inventé des choses. Personne ne peut le nier. - “NTM, meilleur groupe de rap français de tous les temps.” Je respecte ce point de vue. Mais si on accepte cette idée, ça ne sert à rien de continuer à faire du rap et de continuer à en écouter. On est arrivé, on ne fera plus jamais rien de mieux. C’est triste ! Pourquoi n’ose-t-on jamais comparer un groupe d’aujourd’hui aux “intouchables” ? Il y a eu IAM, il y a eu NTM, mais aujourd’hui, il y a aussi La Caution, à placer au même rang, voir au-dessus. La preuve vivante que l’on peut toujours aller au-delà de ce qui existe. Alors pour moi, aller au concert de NTM, c’est regarder en arrière, c’est accepter que le rap français soit mort. Ce ne sera pas un concert, ce sera un enterrement auquel vous assisterez les 18, 19 et 20 septembre. Moi, je préfère regarder devant.
illustration : designJune
Basile de Bure.
KEITH 37, rue des Mathurins – 75008 Paris www.whoiskeith.com Direction : directeur de la publication Benjamin Blanck, benjaminblanck@keith-mag.com Rédaction : directeur de la rédaction Basile de Bure, basiledebure@keith-mag.com directeurs artistiques / illustrations Julien Crouigneau (designJune), julien@designjune.com Alexandre de Lamberterie (Double-echo Création), alex@double-echo.com rédacteurs en chef adjoints Léonard Billot, leonardbillot@keith-mag.com Clémentine Goldszal, clementinegoldszal@keith-mag.com
Rubriques : - cinéma : Stan Coppin - musique : Mateusz Bialecki, Donatien Cras de Belleval, Clémentine Goldszal, Benjamin Kerber, François Kraft - théâtre : Nicolas Roux - littérature : Léonard Billot, Augustin Trapenard - art : Dorothée Tramoni - mode : Clara Piaton - design : Edouard Michel Ont collaboré à ce numéro : Judith Allenbach, Charles de Boisseguin, Olivia de Lamberterie, Gilles de Bure, Alphonse Doisnel, Mathilde Enthoven, Camille Gabella, Juliette Morice, Eric Pellerin, Muntz Termunch, Kenza Verrier Photographes : Billal Taright, Laure Bernard, Sophie Jarry, Lisa Roze K?-04
Special Thanks : Simon Battaglia, Philippe Blanck, Christine Borgoltz, Delphine Brunet, Aïna de Bure, Eglée de Bure, Brigitte Bury, Barbara Dumas, Nicolas Meneux, Sébastien Moreu Le magazine KEITH est édité par la société WHO IS KEITH ? SARL au capital de 1000€ RCS Paris 492 845 714 ISSN en cours. Dépôt légal à parution. imprimé en France ne pas jeter sur la voie publique
sommaire • A l’antenne :
Sébastien Thoen p.6-7 Zazon, tout azimut p.8-9
• Art :
Patchwork : les expos à voir / Jacques Pelissier p.27-31 Alice Andeson p.32-33
• Cover Story :
Les agitateurs Thomas Lélu Jean-Pierre Mocky Andrew Orr p.10-19 • Cinéma :
Let’s Get Lost, Children, Sparrow, Seuls Two, Tous les garçons aiment Mandy Lane, Broken English, Las Vegas 21, La troisième partie du monde, Clémence Poésy p.21-25
• Théatre :
Bien des choses, La vie devant soi, Voltaire folies, Mon cadavre, Les 3 coups de l’été p.54-55
Islands, Sporto Kantes, Domingo, The Presets, Vandaveer, Herbaliser, Al Green, Alphabeat, Cajun Dance Party, Tindersticks, Tricky, The Ting Tings p.34-39 Fancy p.40-41 The Futuheads p.42-43-44-45 • Littérature :
Qu'a-t-on fait du nabisme ? p.46-47 Siri Hustvedt, Ira Ishida, Jay McInerney, Lolita Pille, Pulsatilla, In the Arab World… Now P.48-49 David Lynch p.50-53
Danseuse étoile : Marie-Agnès Gillot p.72-73 • Rétroviseur :
• Design : • Musique :
• Profession :
Le feu au cul ! p.56-57
1983 p.74-75
• minuscule : • Mode :
Lost Highway p.59-65 Street style p.66-67 • Ailleurs :
Cuba p.68-71
Fred Bred p.76-77
• Keith by night
p.78-79
à l’antenne
Agitateur
discret
Lui et sa bande d’Action Discrète sur Canal+ sont les dignes descendants des Guignols et de Groland. Entre sketch, caméra cachée et plateau en direct, ils vont animer l’été. Provocateur, agitateur, Sebastien Thoen*, est une sorte de Borat à la française. Et son secret, c’est de ne jamais se prendre aux sérieux. La preuve.
Keith : Qu’est-ce que tu regardais quand tu étais petit ? Sébastien : Téléchat et Thalassa. En fait toutes les émissions qui commençaient par T, comme mon nom. Téléchat reste peut être l’émission la plus subversive de l’histoire de la télé, puisque c’était soi-disant pour les enfants, mais c’était aussi destiné aux adultes, avec une critique de la société de consommation, des média… Et moi, je n’étais pas très intelligent à l’époque, mais je sentais quand même qu’il y avait un second degré. Ça n’était pas des blagues simples ! Et Thalassa, parce que ça marche toujours : des Noirs, des Chinois, de la misère, dans leur pays en plus : ça c’est beau ! Et des barrières de corail, parce qu’il en reste encore deux ou trois dans le monde, ça fait un peu préhistoire. C’est rigolo. Keith : Quel est ton premier souvenir télé ? Sébastien : Ça. Et les fondamentaux. Sexy zap, Narcisso Show et les Dossiers de l’écran. Et puis Intervilles évidemment. Moi je n’ai pas de souvenir de match de foot, les seules rencontres sportives que je connaisse c’est Jonzac contre Collioure. Y avait que ça. Tous les ans, tous les mois Jonzac contre Collioure ! Keith : Tu étais un gros consommateur de télé ? Sébastien : Oui et je le suis toujours. Même si je le suis un peu moins. Mais j’ai toujours pensé qu’il y avait 10% de réellement intéressant à la télévision, comme dans tous les média, et donc ça ne m’a jamais choqué qu’il y ait autant de merde ! C’est pour ça que je l’ai toujours beaucoup regardée. Tôt le matin, ou tard le soir parce que sinon je préférais rester dehors. Donc c’était soit Sexy zap, soit les mangas sur la 5. Cathy la petite fermière, Robotech… Je me levais tôt pour regarder ça, et après j’allais faire du bicross. Keith : De quel animateur étais-tu fan ? Sébastien : Comme toujours : Thierry Beccaro. C’est un modèle. Déjà je pense qu’il est vraiment drôle. Mais surtout il a la belle vie ! Il enregistre un mois d’émissions en trois jours, et après il lui reste trois semaines dont une pour jouer dans genre “Viens dans mon slip on est déjà trois” ! C’est une vie de rêve. Keith : Il y a une animatrice qui te faisait un peu rêver ? Sébastien : Je vois pas… Peut-être Marie-Laure Augry au début éventuellement. Et Arlette Chabot au tout, tout début. Et puis Simone d’Intervilles, bien sûr ! D’ailleurs pour finir sur Intervilles, qui est quand même l’émission référence, je tiens à dire que j’étais contre Jeux sans frontières ! D’ailleurs, à l’époque, j’avais écrit aux directeurs de chaînes pour leur dire.
Keith : Quelle est l’émission à laquelle tu rêverais de participer ? Sébastien : Les Zamours… mais avec mon mec. . Keith : Quelle est l’émission qui te fait marrer ? Sébastien : La TNT ! J’ai acheté une télé il n’y a pas longtemps, et j’ai découvert la TNT. Le jour où tout le monde aura la TNT, il n’y aura plus de sketchs sur la télé. C’est à tomber par terre. C’est déjà de la parodie ! Du coup, je regarde de moins en moins la télé. Je suis trop sur pornotube ! Keith : Est-ce qu’il y a une émission que tu as honte de regarder ? Sébastien : Action discrète ! Ce sont des escrocs ! Ils tournent avec une caméra VHS ! Rendez l’argent ! Non sinon je dois reconnaître que le dimanche chez ma mère je regarde Vivement dimanche. Je zappe sur Action discrète pour faire de l’audience, mais je reviens vite sur Vivement dimanche. Le mieux, c’est quand il invite Bernadette Chirac ! Keith : Quel animateur rêverais-tu de rencontrer ? Sébastien : Ça m’embête, parce qu’il est plus à l’antenne, mais j’aimais bien Pascal Brunner de FA SI LA Chanter. Mais il paraît qu’il a un camping vers Argelès, donc je vais peut-être louer une tente par là-bas… Il imitait Colombo, c’est la marque des grands.. Keith : Quelle est l’émission que tu dis que tu regardes alors qu’en fait tu ne la regardes jamais ? Sébastien : Y en a plein. Les Thema, sur Arte, France 0 en général, les opérettes, et Le Jour du Seigneur. Keith : Est-ce qu’on peut encore faire des émissions subversives à la télé ? Sébastien : Il y en a forcément. De toutes manières, toutes les émissions qui ont un propos sont subversives par rapport au reste. Taddeï, c’est subversif. Sinon, il ne faut pas être dupe, il n’y a que sur Canal qu’on peut faire de l’humour politique. Mais on est les seuls comiques subversifs de droite. Vous allez me dire Bigard, mais non ! Bigard n’est pas de droite. C’est du marketing tout ça. D’ailleurs tout est marketing. Nous au début, on voulait s’appeler les Inconnuls. Pour que ça rappelle quelque chose aux gens. Mais la chaîne n’a pas retenu notre proposition. Ils n’ont rien compris. Keith : Une dernière question, vitale, pour ou contre la télé dans la chambre ? Sébastien : Pour. En même temps j’ai un 8 m2, donc j’ai qu’une télé, mais elle est à la fois dans la chambre, dans la cuisine, et dans les toilettes. Je n’ai pas le choix.
Keith : Qui est, selon toi, le plus mauvais animateur du paf ? Sébastien : J’aurais presque envie de dire Denisot. Mais en même temps les gens l’aiment bien. Je crois qu’en fait il n’y a pas de mauvais animateur, il n’y a que des mauvais téléspectateurs ! Ça c’est bien comme réponse…
Propos recueillis par Nicolas Roux.
Keith : Est-ce qu’il y a un animateur ou une animatrice que tu aimerais voir revenir ? Sébastien : Michel Drucker. Il nous manque vachement. Ou Patrice Laffont. Parce qu’il est quand même plus drôle que sa fille. Elle on la voit tout le temps, on sait pas trop pourquoi, et lui on le voit plus.
* à noter aussi, la sortie du DVD Brigitte et moi, montage d’images de films de Brigitte Lahaie, doublé par Sébastien Tohen. Immanquable
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illustration : designJune
“J’ai toujours pensé qu’il y avait 10% de réellement intéressant à la télévision, comme dans tous les média, et donc ça ne m’a jamais choqué qu’il y ait autant de merde ! C’est pour ça que je l’ai toujours beaucoup regardé.”
photo : Eric Vernazobres.
à l’antenne
photo : Eric Vernazobres.
Zazon, tout azimut.
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Véritable ovni du PAF, Zazon tire sur tout ce qui bouge et s’est imposée en maître dans l’art du sketch façon happening dans son émission Toutaz (France 4). La jolie brune qui s’amuse à jouer les écervelées rentrera cet été en guerre symbolique contre le nouveau totem de notre époque, le bio, avec Miss Green (à découvrir à partir du 24 mai sur France 4). Total respect et zéro limite pour Zazon : rencontre du troisième type.
Keith : Salut Zazon ça va ? Zazon : Ça va très bien, et toi ? Keith : Tranquillement (à base de tranquillade). Qu’est que tu fais dans la vie ? Zazon : Actrice, réalisatrice, perturbatrice… Plein de trucs quoi ! Keith : Est-ce que t’habites toujours chez tes parents ? Zazon : Nan, j’ai réussi à partir mais parfois je régresse et j’y retourne.
Est-ce que, comme Steevie, tu as dû coucher avec Ruquier pour rentrer dans le service public ? Zazon : Non, mais je me suis beaucoup masturbée ! Keith : Tu es plus brochette de limaces grillées version Koh Lanta ou pina colada sur la plage de l’Ile de la Tentation ? Zazon : Tu tombes bien, j’ai deux passions dans la vie : les brochettes de limaces grillées et les beaux gosses bodybuildés enduis de Monoï, donc je te répondrais un mix des deux.
Keith : Tu regardes quoi quand tu rentres de boîte à trois heures du mat’ ? Keith : Tu regardais quoi comme émissions à la télé quand t’étais Zazon : Je ne regarde pas la télé, je mange des céréales. petite ? Zazon : Club Dorothée, comme tout le monde. “Maïtena Biraben, elle Keith : Lesquels ? Zazon : Des trucs bios évidemment. Je suis Miss Normal. est méga bonne !” Green ! Keith : Ta série préférée ? Zazon : Six Feet Under, Keith : Miss Green ? C’est qui ? humour grinçant, trente-cinC’est quoi ? “J’ai deux passions dans quième degré sur fond de Zazon : Miss Green, c’est l’amla vie : les brochettes de bassadrice du bio, mon propompes funèbres. J’adore ! chain projet. L’idée, c’est de limaces grillées et les reprendre, façon Toutaz, le beaux gosses bodybuidés concept des petits sketchs Keith : Avec quel animateur passerais-tu enduis de Monoï.” urbains mais cette fois-ci c’est volontiers la nuit ? l’écologie qu’on détourne. A Zazon : Je suis vraiment nulle en partir du 24 mai sur France 4 et animateurs, mais je dirais Maïtena “Je me suis beaupuis tous les dimanches de juin Biraben. et de juillet. coup masturbée !” Keith : Maïtena Biraben, celle de Nous ne sommes pas des anges Keith : Pourquoi l’écologie ? sur Canal ? C’est ton dernier mot ? Zazon : Parce que c’est un thème qui commence à Zazon : Grave, elle est méga bonne ! nous envahir et que ça va avec notre rapport névrosé au monde. Miss Green est une façon rigolote de sensibiliser les gens au bio. Keith : Des influences pour Toutaz ? Des émissions, des persos ? Je trouve qu’il y a un côté un peu sectaire et consumériste dans Zazon : Nan, je ne regarde pas trop la télé, c’est surtout la vie qui la façon dont les gens appréhendent l’écologie. Aujourd’hui, m’influence. Le quotidien et ses petites aventures… quand on rentre dans un magasin bio, c’est comme si on allait s’acheter des fringues. Keith : Es-tu d’accord avec les gens qui disent que tu es un Michael Young ou un Jean-Yves Lafesse avec les nichons en plus ? Keith : T’es donc plutôt vélib’ que vespa ? Zazon : Ça ne me dérange pas, mais je ne suis pas totalement Zazon : En fait, je suis plutôt “covélibage”. d’accord. On fait les mêmes choses, c’est le même principe. Keith : C’est quoi ? Mais je suis pas pour autant leur copie conforme en fille. Zazon : Tu sais quoi, rendez-vous à partir du 24 mai sur France 4, Keith : Est-ce que tu prends des trucs avant tes émissions pour Miss Green t’expliquera tout. être aussi “jobar” ? Zazon : Eventuellement une petite tisane. Ou peut être du GHB, Keith : Et sinon Sarko dans tout ça ? mais alors je ne m’en souviens plus. Zazon : Sarko… J’en pense pas que du bien, mais à mon avis il doit bien s’éclater. Keith : Comme tu passes ton temps à emmerder les gens dans la rue, on se demandait si tu t’étais déjà mangée une droite dans la Keith : Ok Zazon, merci, a plus. gueule ? Zazon : A plus Keith ! Zazon : Nan, parce qu’en même temps, j’arrive à peu près à doser. Si je vois que j’emmerde trop les gens, je lâche l’affaire. Propos recueillis par Léonard Billot et Mathilde Enthoven. Je n’ai pas encore eu d’embrouille avec les flics ou de truc comme ça.
cover story
Oùpassés les
agitateurs
sont
Où sont passés les agitateurs ? Les iconoclastes ? Les provocateurs ? Le conformisme ambiant semble avoir découragé tout le monde. Plus personne pour balancer, critiquer, attaquer. Les Coluche, Desproges, Gainsbourg, Bowie, Dylan ne semblent pas avoir trouvé de descendants. Et ça nous manque ! En comparaison, les Stéphane Guillon et autres Guy Carlier font figures de jouvenceaux froussards. Ils sont silencieux, ne résonnent pas. Alors que leurs aînés étaient de véritables bruits de fond. Pourquoi plus personne n’ose hausser le ton ? Les agitateurs sont-ils morts et enterrés ? Discussion avec le philosophe Charles Pépin*.
“Un agitateur est quelqu’un qui jette des pavés dans la mare, qui sème des idées ou des tendances, et qui trouve son plaisir, non pas dans une logique de vérité, mais dans une logique de test. Il teste des idées et s’amuse de voir leur devenir” nous explique
Charles Pépin. Et pour comprendre la disparition des agitateurs, il faut partir de cette définition. Son souci premier n’est pas le vrai. Il aime le mouvement pour le mouvement et le changement pour le changement.
“La modernité, c’est le mouvement (par opposition à la tradition, qui est la recherche d’un ordre immuable). L’agitateur est donc un moderne par définition.” Par
opposition au penseur, qui a besoin de calme, lui est animé par une éthique de modernité. Mais il a besoin que son message soit relayé. En son temps, Coluche était un média à lui tout seul, capable de réunir une manifestation, de provoquer une grève. Aujourd’hui, la peur de la censure, du procès, de la perte d’audimat, limite son écho. C’est l’air du soupçon. “Il y a toujours des agita-
teurs, personne ne se cache, ils ont juste moins d’écho, moins de succès, à cause du conformisme généralisé.” Alors s’ils sont toujours là, où sont-ils ? Où plutôt que font-ils ? Car si certains réussissent à l’être dans leurs actions, d’autres ont besoin d’exister à travers leur œuvre. Ainsi,
deux écoles s’opposent. On pense d’une part à Socrate qui parlait avec les gens dans la rue, provoquait les notables, les hommes de pouvoir, sans jamais rien écrire. Mais d’autre part, et plus généralement, l’agitateur est tenté par la création. “On peut d’ailleurs se
demander s’il ne s’agite pas le temps de ne pas oser être un vrai artiste. Je ne dis pas que les agitateurs sont des artistes ratés ! Mais je pense qu’il y a un rapport entre agitateur et créateur. Très souvent, il commence par être juste un trublion, un peu dandy. C’est un moment où il se refuse à être artiste.”
Et puis il se lance, et devient Dylan, Bowie, Gainsbourg… Avec, bien sûr, toujours le risque de se faire rattraper par le système, de perdre son message en route. ”J’ai retourné ma
veste quand je me suis aperçu qu’elle était doublée de vison” déclarait le beau Serge avec ironie. Bon
résumé de la situation. Mais si on tente de les fondre dans le paysage, ils repartent automatiquement vers autre chose. Ils lancent les idées, les mouvements, les modes, les tendances, puis se détournent une fois que les gens les ont acceptés. Leur force réside dans le fait de pouvoir changer.
“Coluche, Gainsbourg, Bowie… Ils avaient des masques, des identités multiples. C’est aussi ça un agitateur. Quelqu’un qui est capable d’offrir successivement différents visages. Mais aujourd’hui, les gens veulent savoir qui parle, avec quel visage, quelle position et en
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? quel nom. L’inconnu s’est perdu.” Voila peut-être l’explication. Autrefois, les gens étaient capables de croire quelque chose tout en sachant qu’ils n’allaient y croire qu’un temps. Cette subtilité n’existe plus.
“Aujourd’hui, les gens sont tellement perdus, pour des raisons sociales, idéologiques, historiques, qu’ils veulent à tout pris savoir qui ils sont. Les gens veulent des discours sérieux. Les émissions de télé qui marchent sont des émissions sérieuses, dans lesquelles les gens parlent de leur identité, de leur choix… Les agitateurs d’aujourd’hui ont peu d’écho car la majorité des gens est animée par l’esprit de sérieux. Pas au sens premier, mais au sens de la recherche de la prestation identitaire partout. Ils veulent savoir qui ils sont.” Il est question de l’identité. L’agitateur joue avec cette idée très moderne, très lacanienne, d’identité multiple. Mais les gens n’en veulent plus, ils ont peur. “C’est ambigu : d’un côté,
on peut déplorer que les gens soient si sérieux. Mais de l’autre, ils ont soif d’une vérité. C’est bien joli de balancer des idées pour voir ce qu’elles valent, mais au fond, qu’est ce qui est vrai ?” Alors serait-ce l’époque qui fait fuir nos agitateurs ? Bien sûr, il existe des périodes propices à l’agitation. On pense à mai 68, date clef de la libération des mœurs. Mais aussi à 1981 et l’arrivée de la gauche au pouvoir. Alors que dire de la société actuelle ? “Les
périodes propices au mouvement sont soit très calmes, soit un peu conservatrices. Nous sommes dans une période ou l’idéologie dominante, c’est l’agitation. Peut-être que dans un période comme celle-la, c’est
plus dur pour l’agitateur d’exister.” Forcément, l’agité Nicolas Sarkozy en a même fait son programme politique. Sa volonté de réformer plus, travailler plus, agir plus ont plongé la France entière dans une logique d’émulation (pas forcément positive), qui fait de l’agitation l’idéologie dominante. Il est difficile de bouger encore plus que le mouvement imposé par l’époque. Alors que faire ? “Aujourd’hui, la subversion, c’est de chercher le calme. Il faut dire les choses à partir d’un lieu calme, d’un lieu d’étude, de pertinence. La vraie subversion vient de ceux qui savent cesser de s’agiter et avoir sur leur temps un regard un peu pénétrant.” Ne cherchez donc plus. Les agitateurs n’ont pas disparu. Ils réfléchissent, attendent. L’action et la provocation sont laissées, un temps, de côté. Les agitateurs renouent avec leur statut de penseur. Mais sans oublier de bouger. “Il y a quelque chose de riche, c’est l’alter-
nance. Il faut des phases d’agitation et d’autres de calme. L’agitateur trouve sa place dans les périodes ou l’idéologie dominante est le calme.” En attendant que ce calme revienne, ne cherchez plus les agitateurs. Devinez-les. Basile de Bure.
*Une semaine de philosophie, de Charles Pépin (Flammarion).
cover EDITO story
Des agitateurs, on en a trouvés trois. Rencontre avec Thomas Lélu, Jean-Pierre Mocky et Andrew Orr, qui nous livrent leur vision de l’agitation aujourd’hui.
Thomas Lélu
L’agité du zguègue.
Thomas Lélu est un habitué de la polémique. Son dernier roman, Jacques Daniel Nick Oussama (Léo Scheer), ne déroge pas à la règle, et fait débat dans les chaumières. “Débile” diront certains, “novateur” oseront d’autres, “agitateur”, c’est une certitude. Thomas, lui, s’en fout, et prône “l’esthétisme du cool”. Mais il s’insurge aussi contre une société “pépère mémère”. Rencontre. Keith : Dans Jacques Daniel Nick Oussama, tu casses les codes de la littérature… Thomas : Je ne cherche pas à casser les codes de quoi que ce soit. Je ne suis pas revanchard, je n’ai pas de compte à régler avec la littérature. J’ai un grand respect pour elle, mais je pense qu’aujourd’hui on peut se sentir suffisamment libre pour faire des propositions différentes. En fait, j’aborde la littérature comme une expérience et pas comme un concept. Je ne pars pas d’une idée pour aller au bout et me dire : “j’ai réussi à résoudre ce problème mathématique”. Keith : A l’heure où les académiciens se prennent la tête avec la suppression du point virgule, tu n’as pas l’impression que ton livre est une provocation, un pied de nez ? Thomas : Pour l’instant, je n’ai pas eu de réaction. Peut-être que certaines personnes, dans leur coin, s’arrachent les cheveux, mais je m’en fous un peu. Je ne reçois pas de lettre de menace des académiciens… Ni de Ben Laden, d’ailleurs. Les académiciens et Ben Laden main dans la main pour me faire chuter, ça serait marrant !
“Nous vivons dans un pays mou du zguègue.” Keith : Y a-t-il des gens qui vont dans le même sens que toi ? Thomas : En ce moment, il faut dire que c’est assez médiocre. Les gens n’ont pas envie de prendre de risques. Le danger, aussi, c’est le confort : les mecs pensent trop à la thune ! Pour faire un film, finalement, t’as besoin de quoi ? Juste d’une caméra et de potes. Tu peux toujours te démerder. Le sens de la démerde, du bricolage n’existe plus. Celui qui, à mon sens, a réussi - et c’était pas gagné - c’est Michel Gondry. Il a réussi à inventer un cinéma de la bricole.
“Alors je suis responsable de tout et je ne sors plus de chez moi et je mange du maïs parce qu’ils crèvent de faim en Afrique.” Keith : Dans le bouquin, tu rends Ben Laden quasiment sympathique. Est-ce une manière de repousser les tabous ? De dire : regardez ce que je fais de votre ennemi public numéro 1 ? Thomas : Bien sûr, il y a un côté provoc. Quand je dis que Ben Laden est un terroriste hype, que c’est le terroriste le plus branché du moment, je joue avec les codes. On est dans une société d’image, de représentation. Tout le monde veut être connu, à tout prix, et finalement le plus connu c’est Ben Laden ! Keith : Mais tu ne penses pas que faire passer Ben Laden pour un chanteur de karaoké, c’est un peu “border” ? Thomas : On peut rire de tout, hein. Et plus c’est grave, plus il faut rigoler. De toute façon, ça me concerne en quoi ? Je n’étais pas dans les deux tours. Après, peut-être que si toute ma famille s’y était trouvée, je n’aurais pas écrit ce bouquin. Mais moi ça ne me concerne pas cette histoire. Ou alors je suis responsable de tout et je ne sors plus de chez moi et je mange du maïs parce qu’ils crèvent de faim en Afrique. Y’a un moment où il faut arrêter quoi !
“Tout le monde s’est dit que j’allais me faire buter un soir en rentrant chez moi.” Keith : Tu te sens plus agitateur ou provocateur ? Thomas : Provocateur, je n’aime pas trop ce mot. Un agitateur, c’est quelqu’un qui arrive à susciter des idées, des réactions. Dans mon cas, je m’attendais à avoir des problèmes avec ce livre, mais en fait j’ai l’impression qu’il y a comme un soulage-
ment. On est tellement en rétention, il y a tellement d’ennui et de pression, que l’oisiveté, l’amateurisme, le dilettantisme n’ont plus vraiment de place. Et l’un des lieux où l’on peut encore faire ça, c’est la littérature et l’art. On peut prendre le temps, quoi ! Prendre le temps de réfléchir, de faire des aberrations. Il y a une phrase très juste de Bertrand Lavier : “Une bonne expo, c’est une expo où on arrive et on fait : Oh le con ! Il a osé”. Sur Jacques Daniel Nick Oussama, avant qu’on sorte le bouquin, c’était un peu le genre de réaction qu’on avait. “T’es sûr du titre ?”, “T’as pas peur d’avoir des problèmes ?” Tout le monde pensait que j’allais me faire buter un soir en rentrant chez moi par un fanatique barbu.
Keith : Et en littérature ? Thomas : Des vrais inventeurs, il n’y en a pas énormément. (Silence) Je crois qu’il n’y a que moi en fait ! (Rires) Nan, pour moi, les plus grands agitateurs, ça va de Gilles Deleuze à Jim Carrey. Ça se joue dans l’énergie. Un que j’aime beaucoup, c’est Sébastien Tellier, parce que lui, il se met en danger. Keith : Qu’est ce qui t’inspire dans la vie ? Thomas : Il y a un truc qui me fait rire, c’est les blogs ! Tout le monde veut parler de tout et dire des trucs évidents, genre : “Je trouve vraiment que la pollution c’est horrible, ça me donne envie d’aller vivre à la campagne” ou “Mon personnage de dessin animé préféré, c’est Zorro” ou encore “Moi, j’aime bien me faire prendre les fesses avec un gode ceinture”. Et tu passes d’un truc à l’autre, comme ça, sur le même plan ! L’important ça n’est pas les choses, c’est l’espace qu’il y a entre elles. Keith : Tu inventes des expressions dans tes livres. Est-ce que tu en as une préférée ? Thomas : J’aime beaucoup “Allah life”. Ou “mou du zguègue”. Parce que je pense que nous vivons dans un pays mou du zguègue. On a les pieds collés au sol dans notre petit village et on n’arrête pas de se plaindre. OK, mais dans ce cas, il faut bouger. Le lieu idéal pour faire les choses, c’est l’avion, le train, la voiture. C’est la phrase de Nietzsche : “Seules les pensées que l’on a en marchant valent quelque chose !” L’agitation, c’est ça. C’est un corps en mouvement. Propos recueillis par Léonard Billot et Basile de Bure.
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Jean-Pierre Mocky
Profession : agitateur.
Dans son immense bureau aux murs recouverts des affiches de ses films, Jean-Pierre Mocky nous reçoit comme de vieux copains. Curieux, c’est d’abord lui qui pose les questions. Il se renseigne sur nous, sur Keith. Et se scandalise, presque par réflexe, que nous ne touchions pas de subventions ! Grande gueule, il nous parle ensuite de ses films, de ses combats, sans que nous n’osions l’interrompre. La contestation, il connaît. Rencontre avec un agitateur professionnel. Keith : Y a-t-il des périodes propices à l’agitation ? Sommes nous dans l’une d’elles ? Jean-Pierre : Je pense que nous sommes dans une période assez similaire à celle de mai 68. On est déjà au mois de juin, donc il n’y aura pas de mai 2008, mais ça flambe. On sent que les gens bouillonnent. L’autre jour, je revenais d’un gala, j’étais sur le quai d’une gare. Un chef de gare s’approche et me demande : “Alors Mocky, c’est quand la révolution ?”. Le problème, c’est que l’agitateur est impuissant pendant certaines périodes. Quand les circonstances ne sont pas réunies, les gens comme nous peuvent s’agiter, personne ne les suit. C’est seulement à partir du moment où tout le monde se mobilise que l’agitateur retrouve sa place. Et il devient comme un mec qui n’aurait pas baisé depuis longtemps et qui se met à baiser à tour de bras !
Keith : As-tu été victime de la censure ? Jean-Pierre : Oui, dès mon premier film, La tête contre les murs, en 58. Rebelote pour Les dragueurs, en 59, puis pour Le couple, Snob, Le Paroissien, La Grande Lessive, L’étalon, Solo, L’Albatros…
“C’est Jack Lang qui a libéré le cinéma français de la censure, en 81.” Keith : Comment tu expliques ça ? Jean-Pierre : J’ai été maudit ! A l’époque, les gars bien pensants avaient créé des commissions de censure qui ne laissaient rien passer. Ça n’est qu’en 81, quand la gauche est arrivée, que Jack Lang a libéré le cinéma français de cette censure. Les seules interdictions, c’étaient les films racistes et les films pédophiles. En dehors de ces deux interdictions, tout passait.
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“Le rôle d’un agitateur, ça n’est pas seulement de dénoncer, c’est aussi de proposer des solutions.”
Keith : Tu n’as pas peur, à la longue, de devenir agitateur professionnel ? Jean-Pierre : C’est une profession de toute façon. L’agitateur ne peut pas être agitateur qu’une fois tous les trente-six du mois. L’agitation, c’est un métier ! Mais je m’agite toujours pour quelque chose de valable. S’il n’y a rien pendant trois mois, je ne m’agite pas. Mais aujourd’hui, il y a de quoi hurler ! Le racisme, la religion, la politique, les armes… Sans parler de ce qui se passe dans les banlieues. Keith : Ton engagement continue ?
“Je ne fais pas assez d’audience pour provoquer une révolution.” Jean-Pierre : Oui, et il continuera jusqu’à ma mort. Je ne vois pas pourquoi j’arrêterais. Vous savez, ce n’est pas dans mon intérêt de faire ça. Ça me ferme énormément de portes. Il y a des gens qui ne veulent pas travailler avec moi à cause de ça. Ça ne rapporte rien, ni argent, ni notoriété, que des emmerdements. En plus, les gens qui sont d’accord avec moi – et il y en a beaucoup – n’osent pas le dire. Keith : Pourquoi le fais-tu alors ? Jean-Pierre : Je ne sais pas. C’est comme ça. C’est mon caractère. Je suis contre l’injustice. Quand je vois des enfants qui meurent en Afrique, alors que nous on laisse des steaks sur la table, ça me révolte. Je sais que je ne suis pas assez populaire, je ne fais pas assez d’audience pour provoquer une révolution. Mais je fais ce que je peux.
Keith : Tes agitateurs de référence ? Jean-Pierre : Au cinéma, Yves Boisset et Costa-Gavras. En France, il y avait aussi Pierre Desproges que j’adorais. Ou Francis Blanche, qui agitait à sa façon. Lui, il luttait contre la connerie des gens. Il y a aussi Jean-Luc Godard, mais ce n’est pas un agitateur dans le sens où il serait incapable d’être le chef d’un mouvement révolutionnaire. Parce qu’il est trop individualiste. Mais d’une certaine manière, il a fait sa révolution à lui. Aujourd’hui les agitateurs sont surtout dans les pays hispaniques ou africains. Dans des pays où la misère est très grande. Je pense aussi aux réalisateurs palestiniens, israéliens. Keith : Les sujets qui te touchent particulièrement en ce moment ? Jean-Pierre : Les SDF. On ne peut pas laisser ces gens dehors. Mais il ne faut pas non plus qu’on les mette dans des camps. Ce sont des gens qui ont choisi une liberté que la société leur refuse. C’est pour ça qu’ils ne veulent pas aller dans ces horribles centres d’accueil. On n’a pas trouvé de solution. Personne ne s’est penché là-dessus. On n’a pas mis un type au gouvernement pour essayer de résoudre ce problème. Le rôle d’un agitateur, ça n’est pas seulement de dénoncer, c’est aussi de proposer des solutions. Un mec qui dit juste “Tout va mal !” mais qui ne dit pas ce qu’il faut faire, c’est un anarchiste. Keith : Le PS est anarchiste alors ! Jean-Pierre : Oui, le PS a un côté anarchiste en ce moment. Il détruit tout ce que l’autre fait. Moi, je préfère dire : “Pourquoi pas ?” Avant j’étais socialiste, mais maintenant ça n’est plus possible avec toute cette bande de cons… Propos recueillis par Léonard Billot et Basile de Bure.
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Andrew Orr
Ancien NOuVeAu.
De prêcheur itinérant à membre des Irlandais de Vincennes, des manifs de l’INA aux ateliers de création de France Culture, Andrew Orr a, comme il le dit lui-même, toujours cherché à explorer les territoires de l’expérimentation radicale. En 1981, il crée Radio Nova avec Bizot “et les autres !”, insiste-t-il. Il ne cesse alors de remettre en cause les codes de la radio, et d’utiliser les ondes pour réveiller les endormis et ouvrir les Français au monde. Rencontre avec un agitateur de sons. Keith : Parle-nous de tes débuts… Andrew Orr : J’ai commencé à l’atelier de création de France Culture, une espèce de Mecque de la prise de risque radiophonique. On pouvait tout se permettre, prendre tous les risques, casser tous les formats. J’ai tout appris là-bas. A partir de l’arrivée de la gauche au pouvoir, on s’est dit qu’il y avait une volonté d’ouvrir les territoires et qu’il fallait qu’on se positionne. J’ai donc rencontré Jean-François Bizot et les gens d’Actuel pour leur proposer de créer notre radio. En une réunion, ils étaient convaincus. C’est comme ça que Nova est née. Keith : Quel était ton but ? Que voulais-tu inventer de nouveau ? Andrew Orr : On voulait mélanger les musiques et les ouvrir sur le monde. Au début des années 80, il y avait plein de gens qui n’avaient jamais écouté de musique noire. Ils avaient entendu un peu de jazz, mais pas de musique traditionnelle africaine. Et c’est ça qu’on a voulu proposer. C’était un acte contestataire pour l’époque, un acte d’intelligence sociale. On voulait casser les codes. Personne ne donnait son nom, personne ne signait, c’était une véritable volonté de manifeste. On voulait dire “Ouvrez vos oreilles !” Keith : Avec le temps, est-ce que cet esprit, cette radicalité ne se sont pas estompés ? Andrew Orr : Il faut reconnaître que l’esprit s’est banalisé. Je ne dis pas ça de manière dépitée. Il y a des obligations. Nous sommes tombés dans des schémas plus normaux, mais toujours avec cette notion d’invention et de découverte de personnes, de voix. On a aidé beaucoup de gens, comme Jean-Yves (Lafesse), Edouard (Baer), Ariel (Wizman) ou plus tard Jamel. Cette notion de découverte perdure. La prise de risque continue.
“Nous, au début, on n’hésitait pas à faire fuir tout le monde. On s’en foutait.” Keith : Malgré tout, vous avez donc réussi à garder votre identité très marquée… Andrew Orr : Oui, surtout sur la musique, qui reste une des bases de Nova. Il y a eu des hauts, des bas, des vagues, des styles différents. Elle a été franco-française, puis elle est repartie vers les U.S ; elle a était trip pop, hip hop, electro… Il y a eu des évolutions en fonction des courants. Aujourd’hui, Max est arrivé, je pense, à un bon dosage, qui reste extrêmement inventif mais qui ne fait pas fuir le public. Nous, au début, on n’hésitait pas à faire fuir tout le monde. On s’en foutait. Aujourd’hui, ce type d’attitude n’est plus possible. Keith : Penses-tu qu’il y ait des périodes propices à la contestation ? Andrew Orr : Moi, il y a un truc qui me chiffonne horriblement en ce moment, c’est le buzz autour de l’anniversaire de mai 68. Je trouve ça insultant pour les gens qui vivent aujourd’hui. Keith : Pourquoi ? Andrew Orr : Quand on voit dans Paris Match, qui n’est pas une gazette révolutionnaire à ce que je sache, deux pleines pages de photos de femmes et d’hommes fouillant dans les poubelles pour nourrir leurs enfants, et bien moi, je trouve que ça, ça mérite une journée spéciale. Beaucoup plus que de parler de Kouchner ou Cohn-Bendit. Keith : Que leur reproches-tu ? Andrew Orr : Je pense qu’il faut apprendre à vieillir. Et il faut apprendre que quand on a vingt ans, trente ans, quarante ans,
cinquante ans, soixante ans, on n’est pas la même personne. On ne parle pas pareil, on ne réfléchit pas pareil. On est dans un rôle de “sage” et d’accompagnateur. Là on agit. Mais jouer à l’éternel jeune en disant : “Oui, en 68, j’étais sur les barricades”, moi je dis bullshit !
“Le contestataire, c’est celui qui assume aux yeux des autres la réalité de sa vie, qui ne subit pas en pleurant, et qui rentre chez lui avec dignité.” Keith : Qui sont les agitateurs d’aujourd’hui ? Andrew Orr : Pour moi, la mère de famille qui ose aller en plein jour fouiller dans une poubelle pour prendre la bouffe de ses enfants est une contestatrice. Parce qu’elle accepte de devenir l’incarnation de notre époque, elle accepte cette humiliation et elle ne se cache pas. Ça, c’est une contestatrice ! Il faudrait que tout le monde se bouge autour de ces poubelles. Il faudrait qu’il se passe un truc. Le contestataire, pour moi, c’est celui qui assume aux yeux des autres la réalité de sa vie, qui ne subit pas en pleurant, et qui rentre chez lui avec dignité. Keith : Et dans le monde de la culture ? Andrew Orr : Je ne voudrais pas faire de name-dropping… (long silence) Je vais vous répondre par le creux. Je trouve, par exemple, que l’engouement autour de Camille est assez surprenant. C’est des trucs qu’on entend depuis des années, qui ont été faits par des groupes africains, puis par des groupes français. Il n’y a rien de nouveau là-dedans. C’est confortable. Pour moi, c’est la non-contestation ! On fait croire à une nouveauté alors qu’il n’y en a pas. Voilà le creux. Keith : Te considères-tu toujours comme un agitateur ? Andrew Orr : J’espère que je le suis… Dans mes propos, dans les projets que je soutiens. On continue de faire des films assez culottés. On en prépare un sur l’élection du pape du vaudou au Bénin, même si on sait que c’est extrêmement casse-gueule en terme d’audience, car peu de gens s’intéressent à l’Afrique et à la spiritualité. Voilà. C’est ça ma radicalité aujourd’hui. Je ne produirais pas la Star ac’ par exemple. Keith : Pensez-vous qu’il y ait encore des tabous ? Andrew Orr : Oui, je crois qu’il en reste plein. Par exemple, il n’y a plus de politesse. Aujourd’hui, si tu es poli, c’est que tu n’as pas de couilles. C’est débile ! C’est tabou d’être poli. Je pense qu’il y a eu un retournement des tabous. Mais c’est normal, c’est toujours comme ça. Il y a un va-et-vient.
“Je pense que la voix intéressante à suivre aujourd’hui, c’est celle du slam et de Grand Corps Malade.” Keith : Quel est le mouvement de contestation que tu soutiens ? Andrew Orr : Je pense que la vraie radicalité de notre époque sera le retour à la parole. Donc tout ce qui va encore au-delà du rap, dans le respect des mots. C’est le grand retour de la poésie. Je pense que la voie intéressante à suivre aujourd’hui, c’est celle du slam et de Grand Corps Malade. Mais pour aller vers du Verlaine, vers de la vraie littérature. Ça, ça sera le bonheur ! Propos recueillis par Léonard Billot et Basile de Bure.
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photo : Laure Bernard.
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Agitateurs : les 7 familles.
Aujourd’hui, la provoc’ est devenue une attitude. Les média se sont “guignolisés”. Pas une émission de radio ou de télévision qui n’ait son trublion. La provocation est devenue une profession. Dans cette massification du rebelle, pour savoir distinguer le vrai du faux, le provocateur du mauvais esprit, le rigolo du sérieux, Keith a dressé pour vous les 7 familles des agitateurs. B.B.
Les clowns. Chef spirituel : Coluche. Les clowns n’ont pas de discours, pas de manifeste, ne font pas école. Ils agissent seul, au moment où on les attend le moins. Ils n’obéissent qu’à leur propre logique. Ce sont les électrons libres des agitateurs. C’est Michel Serrault qui, plutôt que de fustiger l’académisme du 20 heures, baisse son caleçon en direct. C’est Jean-Paul Gaultier qui fait porter des jupes aux hommes. C’est Thierry Le Luron qui épouse Coluche. C’est Edouard Baer qui philosophe pendant 10 minutes sur le sens de la vie quand on lui demande s’il va bien. C’est Alain Chabat qui se “petit-suicide” en direct avec les Nuls… Bref, à l’image des bouffons du Moyen-âge, les clowns font rire les puissants pour dénoncer leurs travers. Ils vivent dans les média, qu’ils détournent et secouent. .
Les dandys.
photo :Maxime Bruno.
Chef spirituel : Oscar Wilde. Aujourd’hui, cette famille ne pourrait compter qu’un unique membre : Serge Gainsbourg. On aurait pu le mettre dans les provocs, ou même dans les intellos, mais il est bien mieux ici. Son élégance, sa nonchalance le placent au rang de vrai dandy. “Le dandy doit avoir un air conquérant, léger, insolent” écrivait Chateaubriand. C’était ça Gainsbourg. A sa façon.
Les fausses valeurs. Chef spirituel : Stéphane Guillon. Il faut le reconnaître, Guy Carlier, Stéphane Guillon et Mustapha n’ont pas le piquant d’un Pierre Desproges ou d’un Coluche. Le comique est la voix sacrée de l’agitation, le vecteur des idées remuantes. Mais aujourd’hui, tous semblent avoir peur. Peur de choquer, peur du procès, peur de perdre leur public. Les Bigard, Semoun et autre Jamel ne prennent plus de risques. Ils ne sont pas drôles ! Desproges avait cette phrase géniale “On peut rire de tout mais pas avec tout le monde”. Aujourd’hui le credo serait “On peut rire de tout, mais avec personne !” K?-18
Les politiques.
photo : Jerry Schatzberg
Chef spirituel : Karl Marx. On peut regretter que tous les politiques agitent plutôt la langue de bois que les idées révolutionnaires. C’est vrai quoi ! Qui ne rêve pas secrètement de vivre une révolution armée, de se frotter un peu à la police, de revivre mais 68 (oui, c’est la grande mode, mais faut reconnaître que ça avait l’air marrant) ? Qui ne se souvient pas de Cohn-Bendit riant au nez des CRS ? Qui n’a pas rêvé de péter un McDo comme José Bové ? On a tous quelque chose en nous de Laguiller. Dans l’attente du grand soir, l’alternative la plus crédible semble être celle de notre ami Olivier Besancenot. Forcément, à peine sorti de l’adolescence, il a su garder son âme rebelle.
Les intellos. Chef spirituel : Bob Dylan. Eux, ont de l’esprit. Logique. Mais mauvais si possible. Ils prennent position pour dénoncer. Ils leur arrivent même de défendre des idées idiotes, juste pour se démarquer du voisin. Desproges disait : “J’ai le sentiment de ne plus exister si je suis d’accord avec quelqu’un”. Ils flirtent parfois avec la provocation. On pense à Michel Houellebecq, ou même à Jean-Luc Godard. Ce sont des jongleurs de mots.
Les morts pour la cause. Chef spirituel : Jésus Christ. Les agitateurs sont aussi de grands noms. On ne pouvait en oublier certain. Martin Luther King, Gandhi, Abraham Lincoln, Benazir Bhutto, John F. Kennedy, Anouar el-Sadate… Morts pour leurs idées, ils nous accompagnent encore aujourd’hui.
Les provocs. Chef spirituel : Sid Vicious. Il faut bien distinguer les agitateurs des provocateurs. La provocation passe par des actes, des attitudes, plus que par de véritables idées. Les provocateurs tapent là où ça fait mal, sortent de la norme, parfois à leurs dépends. Virginie Despentes, avec Baise-moi, en a fait les frais. Joey Starr aussi, qui titre luimême son livre Mauvaise réputation. Dans un registre plus léger, n’en déplaise à BHL, on trouve aussi le fameux entarteur. Et en vrac : Béatrice Dalle, Maurice G. Dantec, Asia Argento…
cinéma
Let’s Get Lost, de Bruce Weber.
sortie le 23 juillet Lorsque Charlie Parker entendit Chet Baker jouer pour la première fois, il appela Miles Davis et Dizzy Gillespie et leur dit : “Les gars, il y a ici un mec blanc qui va nous donner du fil à retordre”. Le Bird avait bien senti le coup. Pendant toute sa carrière, Chet Baker éclaboussa le monde du jazz de son talent. Avec Let’s Get Lost, sorti une première fois en 1988 et restauré aujourd’hui en haute définition, Bruce Weber lui rend un dernier hommage magnifique. Et il n’est pas question ici que de jazz. Les différentes épouses et compagnes de Chet nous racontent l’histoire d’un homme qui aimait les femmes et la drogue plus que tout. La drogue qu’il consommait trop régulièrement, toujours à la recherche de la défonce la plus forte, “celle qui fait peur à tous le monde”. La fascination des femmes, du public et de Bruce Weber lui-même pour Chet, révèle les différents aspects de la personnalité du jazzman, qui s’avérait être un véritable manipulateur lorsqu’il avait besoin d’une dose. Mais qui restait avant tout un sublime musicien, dont la virtuosité était presque plus magique que technique. Sa dernière défonce, il l’a connu un soir de mai 1988, à Amsterdam, quelques jours seulement après la fin du montage de Let’s Get Lost. Ce film est donc un véritable adieu à Chet Baker, dans lequel, pour notre plus grand bonheur, il parle, joue, chante pour la dernière fois. Avec sa voix aussi pénétrante qu’une aiguille dans son bras. Aussi profonde que les rides de son visage. Basile de Bure.
K?-21
cinéma
Children, de Ragnar Bragason. sortie le 4 juin
Dans une petite ville islandaise, trois histoires s’entrecroisent : une femme, Karitas, se bat pour récupérer la garde de ses trois filles, sans s’apercevoir que son fils aîné, Gundmundur, est le souffre-douleur de ses camarades de classe. Marino, un schizophrène d’une quarantaine d’années, habite dans le même immeuble avec sa mère. Il perd les pédales lorsqu’il découvre qu’elle a une liaison cachée. A l’autre bout de l’Islande, Gardar, un type au sang chaud qui règle ses comptes à coups de poings, décide de partir à la recherche de son fils qu’il n’a jamais vu. La solitude, la folie, la misère, la violence et l’amour sont mis en scène avec humanité dans un décor noir et blanc. Children est un film à la Ken Loach, une réflexion sur les relations parents/enfants dans la misère sociale d’une petite ville nordique. Chacun essaye de gérer l’instant présent pour qu’il soit le plus supportable possible. Mais pour ça, il est souvent difficile de rester dans le droit chemin. Une esthétique ombragée, sombre, travaillée ; un jeu d’acteurs profond et pénétrant ; une tension en continuelle expansion faite de détails mystérieux, de jeux de lumières troublants : Ragnar Bragason s’est inspiré de Godard et Cassavetes, et ça se voit. Après Fiasco, et Parents, le réalisateur islandais signe un film réaliste, subtil et acéré qui souligne la difficulté de communiquer lorsque l’on est désespéré. Judith Allenbach.
Sparrow, de Johnnie To. sortie le 4 juin
Une ville, quatre pickpockets roublards, une femme fatale. “Elle leur fera les poches et volera leur coeur...”. A Hong Kong, un “sparrow” est un pickpocket. Héros hybride d’Arsène Lupin et de Candide, Kei (Simon Yam) est le plus habile d'entre eux ; sournois, insolent et distingué. Entre deux vols de portefeuilles avec son gang, il soulage sa conscience à travers ses talents de photographe, sous un air d'innocence et de légèreté enfantine. Par une matinée pour le moins fructueuse, son objectif se focalise sur une femme, l'envoûtante Chun Lei (Kelly Lin). L'oiseau est pris au piège. Chaque membre du gang tombera ainsi sous le charme ensorcelant de cette femme fatale, dans un suspicieux hasard qui leur brûlera les ailes. Les quatre acolytes devront dérober pour son compte quelque chose de très précieux, s'ils veulent sortir de leur cage... Johnnie To s'impose encore et toujours par son style spectral, son esthétique nocturne, son petit théâtre de l'absurde peuplé de gangsters amoureux. Une mise en scène à la fois légère et complexe qui s'étend en concepts artistiques, du “mouvement immobile” au découpage virtuose de l'espace-temps. Comme un oiseau, la caméra se faufile le long des chemins de traverse, rien ne lui échappe ; car plus qu'une comédie, le film décrit avec une émouvante subtilité la ville de Hong Kong. Johnnie To affirme que “le cinéma est une façon de décrire un lieu et une époque”. Sparrow est né de ce désir. Charles de Boisseguin.
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Seuls Two, d'Eric & Ramzy. sortie le 25 juin
Le cinéma français nous a déjà donné ses laveurs de carreaux les plus compétents, ses deux meilleurs agents ; il nous envoie maintenant ses plus burlesques imitateurs de Tom & Jerry. Seuls Two est le nouveau delirium tremens d’Eric & Ramzy. Gervais (Eric) est flic à Paris. Un de ceux que Desproges aurait qualifié de “grabataire du cortex avant l'âge”, celui pour qui sifflet rime avec médaille et rond-point avec maison ! Maladroit et borné – ce qui fait de lui la guirlande la plus attractive de son commissariat il file et enquête sans relâche l'esthète de la cambriole, l’Arsène Lupin de l'impossible : Curtis (Ramzy), un grand bonhomme à l'humour tangent, narquois plus qu'insolent, dont la cavale est davantage motivée par les menaces de mort de ses créanciers (la clique Omar Sy et MC Jean Gabin) que par la ténacité de Gervais. Un jour de course-poursuite effrénée, la capitale se vide inexplicablement... Le no man's land parisien servira de terrain de jeux aux deux hurluberlus qui, au volant d'une F1 place de la Concorde ou en trip hallucinogène dans un laboratoire botanique, vomiront çà et là une déferlante de gags à mourir de rire... ou à bout de souffle. Le duo, très Bernie Bonvoisin dans le fond, avec peut-être la finesse des dialogues en moins, nous détache de nos préjugés par une volonté sincère de faire rire. Un voyage amusant entre délire cosmique et dimension artistique. A voir si Paris vous opresse ! C.B.
3 raisons pour lesquelles tous les garçons aiment Mandy Lane*. Tous les garçons aiment Mandy Lane, énième film d’horreur à la sauce teen movies ? Non ! Loin des clichés des trop nombreuses grosses productions américaines, Jonathan Levine réussit son coup et nous livre un film qui va bien au-delà de la simple histoire d’ados. Mais c’est surtout ce titre qui nous interpelle. Voici donc trois raisons pour lesquelles tous les garçons aiment Mandy Lane : - Mandy Lane est grande, blonde, belle et réservée. Elle est aux antipodes des bombes de sa classe et des héroïnes stéréotypées des teen movies en général. Belle mais pas débile ni vulgaire, on adore ! - Mandy Lane est mystérieuse, intouchable, pure et ne parle presque pas, ce qui, comme chacun le sait, rend tous les mecs totalement dingues. La preuve : lorsque ceux de sa classe arrivent à la convaincre de partir en week-end dans la maison de l’un d’eux, la chasse commence. Notre héroïne doit faire face aux assauts répétés des garçons affamés. Une chasse qui tourne mal lorsqu’un inconnu les fait disparaître un à un… - Mandy Lane est l’héroïne d’un survival arty, où le film d’horreur côtoie le cinéma indépendant américain. Une intrigue basique avec tous les clichés et retournements de situation inhérents au cinéma d’horreur de base mais qui constitue une étrange métaphore des années Lycée. Une période qui a fortement touché Jonathan Levine, qui avoue exorciser ses angoisses dans le film mais aussi évoquer sa nostalgie. Il est rare de voir de si belles images dans ce genre de film, et certaines fulgurances visuelles rappellent par moment le génie de Christopher Doyle dans Paranoid Park de Gus Van Sant. Bref, le charme du film est indéniable, et on oubliera le final trop convenu pour se souvenir du nom de Mandy Lane : Amber Heard. Stan Coppin.
*Tous les garçons aiment Mandy Lane, de Jonathan Levine. Sortie le 18 juin.
cinéma
EDITO
Broken English, de Zoé Cassavetes. sortie le 16 juillet
Après quelques courts métrages, Zoe Cassavetes réalise avec Broken English son premier film. A New York, une jeune femme trentenaire cherche l'homme de sa vie. Après une première rencontre ratée, elle tombe enfin, sans s'en rendre compte, sur celui qui l'aime. Tout le récit repose sur la jeune femme. Cassavetes, dans un style propre et peut-être un peu académique, met en scène cette histoire avec simplicité. Le jeu des comédiens pourrait être plus subtil, mais les sentiments sont là. On découvre New York et Paris d'un oeil neuf. L'amoureux (Melvil Poupaud) nous entraîne dans une Big Apple que l'on ne connaît pas. Un salon de thé italien, des bars underground... Cassavetes réussi à nous faire partager les premiers sentiments amoureux dans un décor bien à elle. Profitant d'un thème dans l'air du temps, elle exprime l’un des vrais mal-être de notre société. Malgré ses petits défauts, Broken English est le gage d'un début de carrière prometteuse. Eric Pellerin.
On a testé pour vous… la technique de triche au Black Jack de Las Vegas 21*. Adapté du roman Bringing Down The House de Ben Mezrich, lui-même inspiré d’une histoire vraie, Las Vegas 21 raconte comment six étudiants du M.I.T. ont gagné des millions en mettant au point une technique permettant de tricher au Black Jack. A la sortie du film, nous sommes sceptiques. Nous avons donc décidé de tester pour vous la technique de Las Vegas 21. Dès le lendemain, nous débarquons à Deauville à quatre, sous une nouvelle identité (comprenez avec des fausses cartes d’identité achetées 20 euros pièce à Barbès). Le costume est de rigueur, bien sûr, et nous décidons de prendre la plus grande suite de l’hôtel : de toute façon, notre technique est infaillible. Premier soir, première table. La phrase de Micky Rosa (Kevin Spacey) résonne dans ma tête : “Laisser ses sentiments de côté et agir méthodiquement.” Message reçu : je serai efficace et sans pitié. Le croupier distribue. Je compte les cartes. 1, 2, 3… Je perds le fil et recommence. Je ne suis plus du tout concentré sur le jeu et perd la moitié de mes jetons en dix minutes. Si seulement j’avais la mémoire d’un étudiant du M.I.T. ! Je jette alors un œil vers mes compères, censés m’aider à compter, grâce à un ingénieux système de signes. Le premier se tape l’index contre la tempe, le deuxième se passe le pouce sur la gorge et le troisième discute avec une blonde. Le croupier et les autres joueurs me regardent d’un drôle d’air. Je tente de rester naturel, mais je sens ma fausse moustache se décoller petit à petit. Je suis en nage, perds chaque coup et n’arrive absolument pas à compter ces fichues cartes ! Je décide d’abandonner, me lève de la table et aperçois un des hommes du casino s’approcher de moi. Ça y est, on est repérés ! Je m’imagine déjà les mains cassées à coup de marteau façon De Niro dans Casino… Mais ce n’est que le réceptionniste de l’hôtel qui m’annonce qu’il vient de retrouver ma clef. Mes dents s’arrêtent de claquer et je retrouve peu à peu ma couleur normale lorsque je démarre la voiture pour rentrer. Notre décision est prise : plus jamais nous ne mettrons les pieds dans un casino. A votre tour de jouer (ou d’aller voir le film) ! Basile de Bure et Stan Coppin.
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illustration : designJune
*Las Vegas 21, de Robert Luketic. Sortie le 4 juin.
A
A J
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Les top 3 de Clémence Poésy. Les 3 chansons que tu écoutes en boucle en ce moment ? It's All Over Now, Baby Blue, de Bob Dylan Les gens qui doutent, d’Anne Sylvestre La bambola, de Patty Bravo
Tes 3 films cultes ? Le dictateur, de Charlie Chaplin Le guépard, de LuchinoVisconti The Magdalene Sisters, de Peter Mullan Tes 3 livres de chevet ? Lettres à un jeune poète, de Rainer Maria Rilke Ernest et Célestine, de Gabrielle Vincent Les Contemplations, de Victor Hugo
photo : Emeric Glayse
Tes 3 albums préférés ? Songs of Leonard Cohen, de Leonard Cohen Tout est calme, de Loic Lantoine Morgan de toi, Renaud
Tes 3 réalisateurs fétiches ? Ken Loach Frederico Fellini Michael Cimino Tes 3 héros dans la fiction ? Juliette de Roméo et Juliette Sonia dans Oncle Vania et Juno dans Juno ! Tes 3 héros dans la vie réelle ? Arthur Rimbaud Gandhi Simone Veil Les 3 endroits où l’on peut te croiser à Paris ? Le marché des Enfants Rouges Le jardin de la Fondation Cartier La librairie Chantelivre Les 3 villes où tu aimerais vivre ? Paris, Paris, Paris !!! Recueillis par B.B.
La troisième partie du monde, de Eric Forestier. sortie le 18 juin
Emma et François se rencontrent à l’aéroport et c’est le coup de foudre immédiat. François l’emmène dans sa maison de campagne mais après cinq jours passés ensemble, il disparaît. Emma part à sa recherche, accompagnée de Michel, le frère de François. Mais lorsque celui-ci tombe amoureux d’elle, il entame à son tour sa “disparition” et son corps devient peu à peu translucide… En apparence, Emma est la pureté même, une femme enfant pleine d’innocence et de naïveté. Mais Emma est une fille étrange. Une inconnue aux yeux du monde, sans famille, sans amis, sans passé, une apparition fascinante et presque fantasmagorique qui n’agit et ne ressent pas comme les autres. Elle semble perdue dans un monde où elle apparaît comme étrangère, où elle se contente d’être une créature mystérieuse qui attire des hommes en pleine remise en cause. Emma est un monstre. Une déesse porteuse du malheur. Ses amants disparaissent et elle est condamnée à être seule. Emma est triste mais ne le montre pas. C’est un berceau de douleur sur le point d’exploser. Mais l’impression qu’elle dégage le plus est d’être un personnage éphémère, créé de toute pièce par un auteur et ancré dans ce rêve filmique. Il en faut du courage pour faire naître un film comme celui-là. Une histoire de fantômes et une histoire d’amour, un film-poème métaphysique qui ouvre une porte vers l’inconnu, vers cette troisième partie du monde, dont l’auteur nous offre quelques visions sublimes à travers d’étonnantes images de corps célestes. S.C.
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illustration : designJune
Pour fêter les dix ans de la victoire des bleus lors de la Coupe du Monde 1998, notre ami Jacques Pelissier (couverture Keith n°1) a ressorti sa pâte à modeler afin de réaliser les portraits des joueurs de l’équipe championne du monde. Ici, Thierry Henry et Christian Karembeu. Et, pour le plaisir, l’une de ses dernières pièces : Mick Jagger. Indispensable dans un magazine dont le nom est Keith. Pour toute commande, vous pouvez contacter Jacques Pelissier à l’adresse suivante : jac.pelissier@free.fr. B.B.
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Lilian Bourgeat, Excès Du 21 juin au 26 juillet à la Galerie Frank Elbaz : 7, rue Saint Claude
Le Dîner de Gulliver, 2008 Résine polyester, porcelaine, verre et inox 400 x 200 x 150 cm (table) et dimensions variables Photo: P. Guenat • Des objets du quotidien - punaises, bottes, arrosoir… - plus grands que nature. Beaucoup plus grands. Démesurés. Où les millimètres se transforment en centimètres, les mètres en kilomètres… Les repères se brouillent, faussent notre perception des objets et de l’espace. Des objets ordinaires aux dimensions extraordinaires.
3e
John Armleder - Jacques Garcia Du 18 mai au 29 septembre 2008 au Centre Culturel Suisse : 32 et 38, rue des Francs-Bourgeois 75003 www.ccsparis.com
Ne dites pas non ! (1986/2006) Meubles et œuvres d’art, dimensions variables Courtesy Galerie Andrea Caratsch, Zurich • Jacques Garcia, le décorateur, conçoit pour John Armleder, l’artiste, un appartement néobourgeois, au sein du Centre Culturel Suisse. L’espace privé (salon, salle à manger, cuisine…), rendu public, révèle des œuvres d’art, celles de John Armleder, l’un des artistes les plus importants de la fin du 20ème siècle.
K?-28
3e
Kader Attia Du 17 mai au 28 juin à la Galerie Anne de Villepoix : 43, rue Montmorency 75003 www.annedevillepoix.com Kader Attia Dessin préparatoire Courtesy Galerie Anne de Villepoix, Paris • Une exposition personnelle de Kader Attia, avec des œuvres nouvelles, totalement nouvelles, qui illustrent ses “recherches sur la notion de l’engagement politique à travers l'art”. Tout un programme quand on connaît le travail de Kader Attia. Un travail sans concession et d’une grande efficacité. “Un sac vide est sans doute plus poétique qu’un ventre vide, pourtant, la notion poétique et politique du vide dans cette forme sont liées.” Voir des œuvres sur le vide pleines de sens.
3e
François-Xavier Courrèges, My night Du 24 mai au 26 juillet à la Galerie Baumet Sultana : 20, rue Saint Claude 75003 www.galeriebaumetsultana.com Sans Titre, 2008, 80 x 120 cm photo couleur Courtesy Galerie Baumet Sultana • Presque rien. Voilà ce dont il s’agit. Des œuvres aux formes multiples - photos, vidéos ou dessins - sans effet de style. Des œuvres simples et un propos qui fait mouche. Les sentiments amoureux, la déception, la fragilité autant de petits maux qui nous occupent et nous préoccupent.
4e
Tatiana Trouvé, 4 between 2 and 3 Du 25 juin au 29 septembre au Centre Pompidou, Espace 315 : Place Georges Pompidou Sans titre (de la série "Remanences") 2008 Photographe : Marc Domage Courtesy Almine Rech Gallery, Bruxelles Courtesy Galerie Emmanuel Perrotin, Miami Courtesy Galerie Johann König, Berlin • Depuis 1997, le Bureau d'activités implicites ou BAI ne cesse de croître, comme un virus. Au départ, c’est une structure d’archivage destinée à conserver des projets inaboutis. Aujourd’hui, c’est la somme de modules - le Module d’attente, le Module de grève, le Module administratif, … - et de maquettes de lieux d’activités implicites nommés Polders. Le BAI est un univers autonome, hors tout.
art patchwork
8e
Valérie Mrejen, La place de la concorde Jusqu’au 15 juin 2008 au Jeu de paume : 1, place de la Concorde Pork and Milk Israël / 2004 / 52' / 35 mm / couleur / son Photo Anat Safran © ADAGP, Paris, 2008
• C’est l’histoire de dix personnes. Ils vivent à Tel-Aviv et sont issus de familles juives ultra orthodoxes. Ils ne supportent plus la vie religieuse et les règles rigoureuses de leur communauté, ils décident de renoncer à la religion. Ils témoignent d'une expérience douloureuse, synonyme de rupture avec leur famille, de leurs doutes, de leurs mensonges, de leurs premiers pas dans le monde des laïcs. Pork and Milk est une des treize œuvres présentées. Une vidéo inspirée des souvenirs, de lieux communs, de malentendus vécus par Valérie Mrejen.
8e
Virginie Yassef Du 1er juillet au 28 septembre au Jeu de paume : 1, place de la Concorde 75008 Virginie Yassef Passe Apache, 2005 Courtesy galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois, Paris photographe : Stéphane Tidet © Virginie Yassef
• Virginie Yassef crée des vidéos, des photographies et des sculptures qui semblent puiser leur source dans le monde de l’enfance. Sous le regard de l’artiste, les gestes du quotidien, des situations simples prennent une dimension nouvelle.
6e
Anna Gaskell Parcours saint-germain, du 29 mai au 19 juin, 75006 • Cendrillon, Peau d’Ane, Barbe-Bleue, Blanche-Neige, La princesse au petit pois… Autant de contes qui ont bercé notre enfance et berceront celles de nos enfants. Le parcours Saint-Germains à travers une ribambelle de plasticiens, revisite ces contes. Claude Lévêque, Olivier Babin, Anna Gaskell, Alice Anderson… se plaisent à nous raconter des histoires, et quelles histoires.
16e
Jonathan Monk, Time Between Spaces Du 29 mai au 24 août 2008 au Palais de Tokyo / Musée d’Art moderne de la Ville de Paris : 11 et 13, avenue du Président Wilson 75116 www.mam.paris.fr
Stationary Metamorphosis Within a Geometric Figure, 2008 Bicyclette porte-bagage en acier inoxydable Courtesy Nicolai Wallner © Anders Sune Berg. • Deux lieux : le Palais de Tokyo et le Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, au sein d’un même bâtiment. Une seule exposition. Une exposition stéréo où le temps est élastique et dédoublé, où les œuvres sont démultipliées. D’œuvres en œuvres, un fil d’Ariane invisible se tissera entre les deux espaces.
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16e
Bridget Riley Du 12 juin au 14 septembre 2008 au Musée d'Art moderne de la Ville de Paris : 11, avenue du Président Wilson 75116 Embrasement 3 / Blaze 3 1963 Collection particulière, Londres © Bridget Riley, Courtesy Karsten Schubert London. • Première rétrospective française consacrée à Bridget Riley (née en 1931), peintre britannique et figure de référence. Bridget Riley explore les effets optiques de la couleur et de la forme dans une œuvre abstraite, et ce depuis le début des années 60. Deux œuvres murales monumentales seront réalisées pour l’exposition.
16e
Raphaël Siboni et Fabien Giraud, Last Manœuvres in the Dark Du 29 mai au 24 août 2008 au Palais de Tokyo : 13, avenue du Président Wilson Last Manœuvres in the Dark simulation copyright F. Giraud & R. Siboni • L’affiche de l’été est en anglais, non sous-titrée. Elle est noire, très noire. En la lisant, on entend la voix qui va avec. Une voix grave et hachurée. La voix de toute bonne bande-annonce américaine qui se respecte. “An army of Darth Vaders, equipped with an evil artificial intelligence, compose and play the hit song of darkness / from the heart of evil, the rise of a new sound / the hit of darkness / Palais de Tokyo May 29th”
keith’s people art The doll's day, 2008 Color video with sound 10 minutes Courtesy Alice Anderson, Yvon lambert Paris
Invigilator, 2007 Instalation, silicon character (51 cm) Variable dimensions Unique work Courtesy Alice Anderson, Yvon lambert Paris
Anna as a child, 2005 Black and white photograph Edition of 5 Courtesy Alice Anderson, Yvon lambert Paris
Alice's blood, 2004 Color photograph Edition of 5 Courtesy Alice Anderson, Yvon lambert Paris
Me as Peter, 2002 Color photograph Edition of 5 Courtesy Alice Anderson, Yvon lambert Paris
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vengeance La
aux deux
visages. Puppet master, 2008 Color photograph Series of two photographs Courtesy Alice Anderson, Yvon lambert Paris
C’est l’histoire d’Alice Anderson, jeune artiste francobritannique. Une histoire qui se raconte à travers des contes. L’un d’entre eux sera visible lors du Parcours Saint-Germain, à la Chapelle de l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts du 29 mai au 19 juin. C’est l’histoire d’un désir d’enfant contrarié. Une fille à la place d’un garçon. Une fille rejetée, laissée sans nom et enfermée dans une cellule. La haine qui en résulte. Celle de l’enfant, celle des parents. Des parents enfermés à leur tour. Dans un lieu aseptisé, une morgue peut-être. La fille y est confrontée au père et à la mère. C’est l’histoire d’une métamorphose, celle des parents en poupées, celle de la fille en marionnettiste. C’est l’histoire d’un univers effrayant et impitoyable dans lequel les poupées et les êtres vivants ne peuvent coexister. C’est l’histoire de The Doll’s Day.
C’est une histoire comme celles que l’on raconte aux enfants avant qu’ils ne s’endorment. C’est une histoire. Pas un fait divers, comme ceux dont on nous abreuve à longueur de journée. Affaires Kampusch, Fritzl et consort. C’est une histoire qui se raconte comme un fait. Un fait établi, où l’on enferme les enfants, les maltraite et où ils se vengent, tôt ou tard, à leur manière. Dans la vraie vie, les enfants se vengent rarement. C’est une histoire qui relève du conte. Pas du conte de fées. Un conte sans fée, princesse ou prince charmant. Mais un conte “fabriqué” comme “l’étaient les contes originaux que nous connaissons tous, c’est-à-dire, des histoires souvent très cruelles, sans morale, sans happy end.” Un conte qui partage avec le fait divers sa bizarrerie, son étrangeté, son aspect hors du commun pour ne pas dire sordide, son aspect de miroir tendu à la société. “Je m’intéresse aux contes car ils prennent le lecteur (ou le spectateur) par surprise. On s’attend à quelque chose de fantaisiste et l’on est confronté à une réalité amère.” C’est l’histoire d’une métamorphose. Celle d’une personne en poupée. Un changement quasi imperceptible tant les acteurs agissent en marionnettes. “Si je leur demande de jouer de cette manière, c’est aussi pour atténuer la gravité des mots qu’ils prononcent. Mes histoires viennent de l’enfance, où les situations sont extrêmement violentes, les charges émotionnelles incroyablement fortes. La placidité des acteurs, leur froideur, permet de rendre supportable ce qui ne l’est pas.” Une transformation si ahurissante qu’elle semble ne choquer personne. C’est le réalisme de l’absurde. Celui de Darrieussecq, Roth, Kafka ou Lewis Carroll. C’est selon. Selon l’expérience, le vécu, l’humeur. Le réel est bousculé, métamorphosé en fictions allégoriques via des déformations corporelles, des inversions visuelles, la suspension du temps... Comme dans un rêve, “les objets s’organisent comme une sorte de rébus et la narration est perturbée par les retours en arrière, des ruptures dans le temps et dans l’espace. Comme si l’histoire se déroulait simultanément dans la tête de chacun des personnages…” C’est l’histoire d’une petite fille, Alice Anderson, née à Londres d’un père anglais et d’une mère française. L’histoire d’une séparation, celle des parents, celle de l’enfant et de son père. Histoire que l’on retrouve en filigrane à travers les histoires que raconte Alice Anderson. “A travers mon travail, je cherche à dire quelque chose de mon passé. Pour cela, je construis des récits à partir de souvenirs et d’objets qui éveillent en moi des sentiments souvent violents. La dimension particulière du conte se prête particulièrement bien à cette réinterprétation du passé. Dans le conte, comme dans un rêve, tout est possible…” Aujourd’hui devenue grande, tout est possible : Alice Anderson donne à ses héroïnes le pouvoir dont elles sont généralement privées. Le pouvoir dont elle a été privé. Dorothée Tramoni.
illustration : designJune
musique 3 At Last, de Sporto Kantes (Le Village Vert/PIAS). Vous êtes peut-être, en ce moment, en cours ou en révision d’exams’, déprimé en voyant le soleil briller par la fenêtre. Il n'y a pourtant qu'un pas à faire (ou plutôt un cd à écouter) pour oublier vos tracas. Direction: l'été ! Bon, d’accord, ce n'est qu’un voyage de quelques chansons, mais c'est déjà pas mal ! Dans la lignée de leurs précédents travaux, les Sporto Kantes manient encore une fois, avec précision et talent, aussi bien la fraîcheur que la légèreté, l’obsédant que le déroutant. Ils jonglent avec différents styles, et vont de la pop à l’electro, en passant par le trip hop. Ils mélangent ainsi divers ressentis au sein de l’album et poussent le métissage musical à l’extrême, notamment grâce à la richesse des sonorités utilisées dans leurs nombreux séquençages et samplings. Le résultat est assez inattendu, mais néanmoins cohérent et digeste. Nos deux protagonistes semblent s’être plus que jamais lâchés ! C’est vous dire ! Cet album ressemble à un gros délire entre potes, propageant joie et bonne humeur. Ça sent l’excitation de fin d’année, les premiers vents chauds et les premiers rayons de soleil. Écoutez donc Whistle ou Tower. Je vous mets au défi de ne pas ressentir ce plaisir. Allez, sortez, amusez vous, plus de prise de tête... Personne ne vous en voudra, c’est les vacances !
Playlist Keith
Angus and Julia stone - Just A Boy Kraak & Smaak - Squeeze me Greenskeepers - Vagabond Liberty Vetiver - Roll On Babe Estelle - American Boy Lisa Li-Lund - Sunny Day Coldplay - Violet Hill Beach House - Gila Ida Corr - Make Them Beg Grafton Primary - I Can Cook She and Me – Take It Back Metronomy - Radio Ladio
François Kraft.
Arm’s Way, de Islands (Rough trade/Anti). sortie le 20 mai
Les membres de Islands sont issus de l’ex-groupe Unicorns et nous viennent du Canada (toutes références à Céline Dion ou Garou est à oublier). Une chose est sûre, ils n’ont pas pris le mauvais chemin. Les instrus, ponctuées de cors, cordes, piano et autres violons, répondent présent. Ce nouvel album est plus rock. Mais la question que l’on se pose est de savoir si David Barnes est un ange ou un démon ! Doit-on interpréter Abominable Snow comme un mal du pays ? Barnes était-il en train de construire un bonhomme de neige lorsqu’il a composé le dandinant Creeper ? Cet album soulève de multiples questions. Quoi qu’il en soit, son écoute prolongée est une potion magique de bonne humeur. Les Islands réalisent une habile synthèse entre une musique aux couleurs pastel et un humour second degré. On sent des compositions plus matures, qui ont eu le temps de mûrir, mais qui rappellent toujours la rage des Unicorns, comme sur le très provoquant et puissant Kids don’t know no shit. Il s’agit d’un album ésotérique aux multiples facettes dont tout le monde ne pourra pas forcément trouver la face cachée. Donatien Cras de Belleval.
K?-34
S/T, de Domingo (3rd Side Records/Discograph). Domingo, musiciens du dimanche : voici le nom choisit par Anna et Samy, deux français unis dans la vie et par la musique. La première, musicienne novice, écrit des mélodies pures, sublimées par son compagnon musicien de longue date. Le résultat est étonnant : fusion de la candeur de l’une et du professionnalisme de l’autre, donnant toute sa puissance aux morceaux. Grâce à la complicité naturelle qui les lie, les mélodies folk deviennent intimes, touchantes, vraies. A mi-chemin entre Eliott Smith, Grandaddy et Hey Hey My My, chaque chanson nous saisit, et semble être la pépite de l’album. Au fur et à mesure de l’écoute, les morceaux s’enchaînent, et l’album se révèle être une véritable mine d’or ! Grâce à 3rd Side Records (Syd Matters, Cocosuma…), Domingo accepte de partager ce qu’ils définissent comme une “musique faite pour leur salon”, afin qu’elle vienne illuminer le nôtre. F.K.
Apocalypso, de The Presets (Modular). sortie le 23 juin
Avec Apocalypso, Kim Moyes et Julian Hamilton se jouent des styles. S’inscrivant dans la lignée des groupes psyché-electro, ils suscitent l’incompréhension et le mépris de certains puristes. Avec leurs plumes empoisonnées, les deux australiens réécrivent quelques pages de la Bible pour s’aventurer dans un univers inconnu du commun des mortels : l’Apocalypse. L’ouverture inquiétante de Kicking & Screaming présente d’emblée les ambitions du groupe : étonner et déranger. La machine lancée, My People adresse un message universel à toute la nouvelle génération : la route qui mène au paradis est parsemée d’obstacles. A New Sky s’apparente à un chant religieux destiné aux hippies des temps modernes perdus dans un Yippiyo-ay schizophrénique. Les mélodies sont définitivement sous le contrôle de fantômes inquiétants sur Talk Like That et menacent constamment l’équilibre d’un Together bouleversant d’efficacité. Une fois sous l’emprise de cette danse macabre, il ne vous resteras plus qu’a prier. www.myspace.com/thepresets Mateusz Bialecki.
Grace and Speed, de Vandaveer (alter k/discograph). sortie le 19 mai
Voilà l’album folk que l’on attendait, un îlot d’intimité, un jardin secret… Des mélodies simples et brutes poussées par la voix coupante de Mark Charles. Les arrangements sont raffinés, le songwriter nous concocte des paroles proches de longues histoires, qu’on aurait volontiers écoutées devant un feu de camps. Les arpèges sont cristallins et les passages de clarinette de 2nd Best sont divins. On a parfois l’impression d’être perdu entre le fin fond des Etats-Unis et l’Europe de l’Est. Un voyage où la grâce et la rapidité sont les deux mots d’ordre. La voix de Mark Charles nous fait penser qu’il a beaucoup fumé et vécu. Chaque titre est produit avec une finesse et une élégance rare. Certaines mélodies sont beaucoup plus entraînantes, comme Roman Candle, semblable aux créations de Richard Swift. Mais ce qui reste marquant est cette façon de conter les histoires, presque comme un Bob Dylan ou un Neil Young. D.C.B.
photo : Thomas Millet
sortie le 9 juin
musique
Découvertes Keith. Petite sélection de groupes encore inconnus, mais qui ne devraient pas tarder à envahir vos iPod.
Peu de temps après la rencontre du synthé de Roger Thomasson et de la guitare de Marc anella, Dark Side of the Cop naissait. C’est de San Francisco, d’où sont originaires nos deux acolytes, que nous vient ce mélange d’electro, de guitare acoustique et d’une voix cousine de celle du chanteur de Tahiti 80. Des notes électriques, compensées par une très bonne boîte à rythme, s’échappent des mélodies presque câlines. Laissez-vous tenter, voici le bijou pop de l’été. http://www.myspace.com/darksideofthecop Peggy Sue and the Pirates.
Rosa Rex et Katy Klaw vivent dans un monde de bohème. Elles font de la pop acoustique. Tous les clichés sont réunis pour en faire un groupe banal, comme on en voit trop. Pourtant, elles se différencient, délaissent les fioritures, et vont à l‘essentiel. Toute leur musique est basée sur leur deux voix, aux timbres si déconcertants, qui se complètent et s’entremêlent dans des tourbillons de contretemps, d’onomatopées et de shoubidouwha. Le tout accompagné de deux guitares, discrètes, sobres. Certains morceaux peuvent ainsi être troublants : un aspect rugueux, brut, tel une pierre non polie, à son état naturel. “Il y a des visages plus beaux que les masques qui les couvrent” écrivait Rousseau. Message compris par les deux femmes, qui choisissent une musique épurée afin de laisser transparaître son véritable éclat. Pas l’éclat que les règles exigent, mais celui dans lequel les connaisseurs devinent la valeur réelle. www.myspace.com/peggysueandthepirates
illustrations : designJune
Fior Fiero, de Dark Side of the Cop (Auger down records).
Herbaliser. Keith : Quelles sont vos influences, vos inspirations musicales? Herbaliser : On a été influencé par la musique des années 70, les musiques de films (Quincy Jones entre autres), mais nos inspirations viennent surtout du hip hop des années 80-90. On était des teenagers à l’époque. C’était cool ! Keith : D'où vient votre nom, Herbaliser ? Herbaliser : Quand on a voulu signer chez Ninja Tunes, on avait un nom ridicule. Le label nous a dit de revenir avec un autre, et le nom nous est venu comme ça. Nous faisons de la musique naturelle avec des instruments naturels, on aime fumer quoi ! Keith : Pouvez vous donner trois adjectifs pour définir votre musique? Herbaliser : Shit, bullocks, wine ! (rires) Keith : Que pensez de la nouvelle scène "pop-soul"? (Amy Winehouse, Jamie Lidell) Herbaliser : Amy Winehouse marche très bien et cela donne l’opportunité à de nombreux artistes de sortir de l'ombre. On adore Nicolle Willis and the Soul Orchestra. On espère que les gens auront la curiosité d’écouter. Keith : Des changements opérés pour l'enregistrement de ce nouvel opus? Herbaliser : Pour cet album, nous avons notre chanteuse attitrée qui pose sur la majorité des titres. Elle nous rajeunit ! Beaucoup de gens pensent qu 'Herbaliser est un DJ seul derrière ses platines. Mais nous sommes un groupe de scène avant tout. Propos recueillis par M.B.
Grovesnor.
Derrière ce nom plutôt étrange se cache un artiste de talent. Petit protégé des Hot Chip, il confectionne un condensé subtil d’electro pop soul. Après un premier single, Nitemoves, passé inaperçu, le barbu londonien contre attaque avec une petite bombe pop-electronica, Drive Your Car, qui devrait bientôt vous faire planer entre deux stations de métro. La voix sensuelle de Grovesnor reprend avec talent aussi bien 50 Ways To Leave Your Love de Paul Simon, que With Ever Heartbeat de Robyn. Les différentes facettes de sa personnalité ne tarderont pas à êtres dévoilées, ouvrez bien vos oreilles. Après une longue nuit hivernale, Grovesnor se réveille. www.myspace.com/grovesnormusic M.B., D.C.B. et F.K.
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Rebel, Rebel.
Parce qu’il ne suffit pas d’une bonne pédale de distorsion ou de crier plus fort que les autres pour être élevé au rang d’agitateur, une petite playlist spécial révoltés des amplis. - Aux armes, et caetera, de Serge Gainsbourg. Controversé, subversif, l’homme à tête de chou a commis un meurtre en musique (Melody Nelson), un inceste arty (Lemon Incest), brûlé un billet de 500 francs en direct à la télé, et “profané” la Marseillaise. Aux dernières nouvelles, elle serait encore convalescente. - I Fought The Law, de The Clash. Punk engagé, Joe Strummer a combattu la loi - et la “bien-pensance” anglaise de la fin des seventies. Du pur “combat rock”. À écouter : la reprise des Dead Kennedys, et un petit clin d’œil vengeur qui transforme le refrain en “I fought the law/ And I won”. - God save the queen, des Sex Pistols. C’est peu dire que Johnny Rotten et sa bande ont agité le royaume d’Elisabeth en 77. Interdiction de diffusion en radio, concerts interrompus par la police, charts truqués par la BBC pour que le single ne prenne jamais la première place… Lizzie s’en souvient encore ! - Le déserteur, de Boris Vian. Une vraie chanson militante, anti-guerre, à ressortir en toutes occasions pacifistes. - Imagine, de John Lennon. Une parmi tant d’autres, pour saluer le talent inégalé du grand Beatles pour l’agitation pacifiste. Passer deux semaines au lit avec Yoko (le fameux bed-in), ou se surprendre à rêver d’un monde sans frontières, sans paradis, sans faim ni avarice… Lennon l’a fait. He’s not the only one. - Say It Loud- I’m Black and I’m Proud, de James Brown. 1968, au faîte de la lutte pour les droits civiques, le Godfather of Soul est noir et fier de l’être. Curtis Mayfield (sur la version live de Mighty Mighty), LL Cool J (Nitro en 1989) et même l’immense Miles Davis (qui samplera la ligne de basse) feront leur ce slogan. - Un jour en France, de Noir Desir. Une chanson qui devient un hymne dans les manifs anti-fascistes, ça n’arrive pas si souvent. Alors oubliez tout sur Bertrand Cantat et reprenez en chœur : “F.N. souffrance/ Qu’on est bien en France/ C’est l’heure de changer la monnaie.” - Qu’est-ce qu’on attend, de NTM. Un groupe de rap pour évoquer tous les autres, ces rappeurs français qui ont aujourd’hui la quasi-exclusivité de l’agitation politique en musique. Plus de dix ans après, Kool Shen et Joey Starr sont rangés des Merco (voir édito), mais Paris Sous les Bombes continue de hurler dans les sonos. Et c’est bon. - Blowin’ In The Wind, de Bob Dylan. La bande-son des années 60, c’est Dylan qui l’a écrite. Un agitateur aux mots coupants comme des lames de rasoir. Au commencement était le verbe. Clémentine Goldszal.
musique
Lay It Down, d’Al Green (Bluenote/Capitol). Les onze chansons qui composent le tout dernier album du Révérend suscitent divers sentiments : tendresse, liberté, respect. D’abord, la soul d’Al Green est comme une caresse. Let’s Stay Together, son hit au groove chaleureux et aux paroles bienveillantes, est clairement invoqué. Pas de secret donc au niveau des thèmes : relations amoureuses, besoins de sourires, de câlins, de mains dans des mains serrées fort. Quelques disputes, beaucoup de larmes. Ensuite arrive cette magnifique impression que le sexagénaire n’a pas pris une ride, physiquement comme vocalement. Son timbre aigu, au grain si particulier, sonne naturellement. Il est libre donc, comme ces morceaux nés de sessions improvisées, avec entre autre guestlove, le batteur des Roots, James Poyser aux claviers, connu pour son travail avec le rappeur Common, la section de cuivre des Dap-Kings, le groupe qui accompagne Amy Winehouse… Chacun est venu au studio, a écrit ses couplets sur le fil et a enregistré dans la foulée. Véritable hommage pour une idole, ce disque a réellement été conçu dans la joie, comme on prépare un bon plat pour une famille nombreuse. Et il est toujours touchant de voir des pointures récentes, tel John Legend, témoigner de leur grande admiration pour cet ancien du genre. Au final, Lay It Down, pas prétentieux pour un sou, se laisse bien écouter. A consommer sur une terrasse au soleil, avec un verre d’oranges pressées, et peut-être une fille assoupie sur votre épaule. Benjamin Kerber.
This Is Alphabeat, de Alphabeat (Delabel). Pour passer à la radio aujourd’hui le plus simple est de sampler en retouchant à peine - une obscure tuerie funk (toute la discographie de Daft Punk) ou une géniale musique de film (l’assez choquant vol par Gnarls Barkley de Nel Cimitero Di Tucson composée par Gianfranco Reverberi pour un western). Alphabeat vient du Danemark, c’est un vrai groupe de pop avec des vrais instruments. Mais comment ne pas remarquer la référence directe aux Pointer Sisters sur le single Fascination ? L’impression désagréable de déjà entendu prend malheureusement le pas sur l’excitation que provoque d’abord l’efficacité de ce futur hit. Méfiez vous des contrefaçons. B.K.
The Colourful Life, de Cajun Dance Party (XL/Beggars/Naïve) Pour les amateurs de musique acadienne, ou ceux qui penseraient que “dance” et “party” riment avec l’ambiance électronique des groupes anglais à la mode : The Colourful Life n’est pas fait pour vous. C’est Alex Turner, leader des Arctic Monkeys interrogé au sujet de son nouveau projet “Scott Walkeresque”, qui se plaignait avec suffisance : “Les rockeurs des groupes anglais, si on leur parle orchestration, c’est l’offense immédiate”. Il avait tout faux. Les violons lyriques de la chanson éponyme qui ouvre en beauté le premier des deux albums de Cajun Dance Party à paraître en 2008, nous informent qu’Arcade Fire est déjà en train d’inspirer une génération. Des arpèges de piano bastringue aux sons de guitare fuzz explosifs façon Supergrass : le single The Race remet bien les choses en place. Les refrains sont entraînants et l’on imagine des nuées de festivaliers reprendre en chœur ces paroles tantôt faussement biologiques (Amylase) tantôt assez banalement romantiques (No Joanna) ; celui de Buttercups rappelle même les premiers instants pop de Radiohead. Chez ces quatre garçons plus une fille terminant de passer l’équivalent du baccalauréat anglais, on ressent la jeunesse mais surtout une grande intelligence musicale. Des longueurs de structure mais pas de lourdeur. Ce premier album ne comporte rien d’essentiel en termes de chansons mais rayonne d’une élégance qui se fait rare outre-Manche et fait la promesse d’un joli futur coloré. B.K.
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We Started Nothing, de The Ting Tings (Columbia). sortie le 16 juin
Chouette, un buzz qui tient ses promesses ! Depuis quelques mois, une petite effervescence agite la hype british et on murmure que The Ting Tings serait la relève colorée qui sautille dans le sillage de la new rave. Mais, au lieu de se prendre la tête avec des catégories ou de s’encombrer d’un mouvement qui emprisonne, ce duo mancunien a gardé le meilleur et explore sur son premier album toutes les manières de nous faire danser : comme un ex-fan des eighties mais en drôle (Great DJ), comme à une soirée à thème Saturday Night Fever (Shut Up And Let Me Go), comme un fan des Kills, sans le brio du duo Alison-Jamie, mais quand même (That’s No Name), comme à un quart d’heure américain (Traffic Light)… Bref, le titre de leur album est honnête et ne trompe pas sur la marchandise : The Ting Tings n’ont rien inventé, mais ont passé tout ce qui s’est fait de marrant depuis trente ans dans leur blender électro-pop. On est en juin, ça tombe bien, ce groupe est calibré pour démarrer l’été en faisant chauffer les semelles de nos Nike vintage. Let’s dance ! Saw,
The Hungry de Tindersticks (Beggars Banquet).
Objet musical britannique difficile à identifier, Tindersticks sort avec The Hungry Saw son septième album, et poursuit son aventure blanche et originale à travers les contrées pop, jazz et soul. Enregistré en France dans le Limousin, ce nouveau disque voit trois membres originaux quitter le groupe et deux nouveaux musiciens, Thomas Belhom à la batterie et Dan McKinna à la basse, compléter le trio original. Un changement de formation pas anodin pour les fans ; il est toujours difficile de se relever après une telle rupture. Pourtant, l’effort est magnifique. Intimiste et cinématique, ces trois instrumentaux et huit chansons imposent leur charme nocturne et paysan. Typiquement composé pour s’endormir dramatiquement l’été dans le sable au coucher du soleil. De fraîches guitares acoustiques, de légères parties électriques et des rythmes inspirés entourent des compositions logiquement matures. Beaucoup de chaleur dans les cuivres et les parties d’orgue Hammond : celle du diable qu’on entend sur la chanson qui a donné son nom à l’album et celle du sentiment amoureux torturé et personnifié de la ballade minimaliste All The Love. On peut aisément se laisser emporter par ces montées en vague de violons, comme sur The Turns We Took qui clôture l’album. Enregistré en seulement huit jours, ce disque témoigne de la possibilité d’une autre énergie, d’une autre ivresse dans une époque désespérément stressante. B.K.
Clémentine Goldszal.
Knowle West Boy, de Tricky (Domino /Pias). sortie le 23 juin en digital, le 7 juillet dans les bacs
Après un nouvel album (décevant) de Morcheeba, et le retour en flamme de Portishead, c’est au tour de Tricky, roi du trip hop, de lancer l’attaque. Et elle promet d’être massive. Car Tricky a vieilli mais n’a pas perdu une once de sa curiosité ni de son goût pour le mélange de sons. Même si sa chanteuse habituelle, Marina Topley Bird, a décidé de tracer son chemin en solo (son beau premier album est dans les bacs), les voix féminines sont ici toujours présentes. En mode Christina Aguilera sur le morceau qui ouvre l’album, Puppy Toy, ou en nappes planantes sur Joseph, magnifique balade qui rappelle la magie noire de Blowback… Knowle West Boy est un album total, qui joue définitivement dans la cour des grands, celle où les musiciens modèlent la musique selon leur envie, loin des querelles de chapelles. En attendant la sortie, vous pouvez déjà aller jeter un œil au clip du premier single, le punkisant Council Estate sur www.knowlewestboy.com, tourné en banlieue parisienne. 2008 sera trip hop ou ne sera pas ! C.G.
musique
fancy ? Il s’en est passé des choses depuis septembre pour les trois Fancy ! Sortie de leur premier album, Kings Of The Worlds (Exclaim) puis une série de concerts archi-complets en France, et une tournée mondiale avec leurs potes de Justice (rien que ça !)… Bref, pour ceux qui avaient des doutes, Jessie Chaton (chant et guitare), Rae (basse) et Mom (guitare) sont réellement en train de devenir les rois du monde. En attendant le deuxième album, prévu pour 2009 (“dans l’idéal”, tiennent-ils à préciser), nous les avons rencontrés par un après-midi ensoleillé de juin, pour parler Justice, terrorisme, fosse, cinéma, projets, musique, et filles bien sûr ! La parole à Fancy. Pas de bol
“Le 2 mars, on était prêts à partir avec Justice pour la première date de leur tournée américaine à Austin, Texas. Après la tournée anglaise, on était supposés faire leur première partie sur les dates américaines. Nous avions fait toutes les demandes de visa auprès de l’ambassade, mais un DVD manquait dans la collection de Lelouch de Jessie… Un homme qui me plaît, 1970, avec Annie Girardot et Jean-Paul Belmondo. Alors nous avons attendu jusqu’au 19 mars, ils ont reçu le film à la boutique, il a pu l’acheter et on a pu partir pour les trois derniers concerts. Non, sérieusement, il y a parmi nous un Mohammed Yamani, homonyme du bras droit de Ben Laden. Le pire c’est que le mec a été assassiné en 2006 ! Mais, à cause du Patriot Act, la demande de visa s’est retrouvée sur les bureaux de la CIA, du FBI, et d’Interpol. Le dossier a été bloqué le temps de faire une enquête, et on a raté quinze dates sur dix-huit.” L’Amérique, quand même
“On a quand même pu faire les trois derniers shows : Las Vegas, Los Angeles et San Francisco. Et on a pris notre pied ! Avant de partir, les salles étaient remplies à 30%, et elles sont toutes devenues complètes quelques jours avant. Justice sont en train de devenir énorme !” D.A.N.C.E.
“J’ai (Jessie, ndlr) rencontré Xavier en 2005, alors que je jouais avec Rinôcérôse. Il est venu me parler, m’a dit qu’il adorait Fancy. On a gardé le contact et il m’a appelé un peu plus tard pour qu’on bosse ensemble sur ce titre. Bien sûr, je ne l’assume pas, parce que c’est pourri. Donc je prends l’argent mais je ne veux pas être trop associé à cette chanson ridicule, même si on l’a co-composée.” Kings of Japan
“L’album sort bientôt au Japon. On vient de passer quelques jours là-bas pour la promo. C’était énorme : on commençait tôt le matin, on finissait en début de soirée, sans pause déjeuner. On a enchaîné les interviews, les sessions photo… En fait, là-bas, pour lancer un groupe, on travaille d’abord sur le visuel et la presse. Et le reste suit. C’est l’inverse de l’Angleterre où tout passe par le live. Mais nous retournons bientôt au Japon pour jouer à Fujirock, l’un des plus gros festivals japonais.” La chair (n’est pas triste)
“Notre plus grand fantasme, c’est la “girl next door”. En fait, ce qui nous enchante chez une femme, c’est tout ce qui la complexe : bourrelets, cellulite, culotte de cheval… C’est ça la féminité ! Et leurs défauts les rendent émouvantes.”
illustration : designJune
Do you
Deuxième album
“On a déjà quelques morceaux en place, et on en écrit en ce moment. Pour le style, on va rester dans cette veine rock’n’roll, mais comme nous voulons vendre encore plus de disques, on va faire un peu plus de variétoche. En fait, nous sommes influencés par tellement de styles que nous avons l’impression de ne pas pouvoir nous exprimer totalement en restant dans le pur rock’n’roll. Alors pour le deuxième, il y aura peut-être des morceaux plus mainstream, plus funky, plus dancefloor.” L’effet de surprise
“Partout où l’on joue, il y a cet effet de surprise quand on arrive sur scène, un moment où les gens se disent “Mais qu’est-ce que c’est ?” On est dans le challenge constant. C’est à la fois excitant et assez dur, cette impression de repartir à zéro à chaque fois. Heureusement, on gagne toujours à la fin.” Paris
“On adore Paris. Mais quand on voit des villes comme Tokyo, San Francisco ou Los Angeles, on ne peut pas s’empêcher de faire la comparaison… Et Paris, c’est pourri ! Culturellement c’est super, il se passe plein de choses, mais l’atmosphère est très tendue, les rues sont crades… Tokyo, ça vit 24 sur 24, il y a des gens non stop dans la rue, les filles n’ont pas peur de se mettre en petites jupes, elles ne vont pas se faire emmerder… Idem en Angleterre. Du coup, Paris ne nous manque pas tant que ça.” Toujours plus
Jessie : “Moi, j’en veux plus encore ! Je ne veux avoir le temps de rien, voyager tout le temps, avoir des hélicoptères, des femmes et des hommes qui me massent dans un jet privé. Je veux jouer à Sidney, Tokyo, Los Angeles dans une même journée…” Rock’n’roll way of life
“Pour tenir le rythme, il faut se ménager. Nous, on “disrespect rock’n’roll” : on ne boit pas, on ne fume pas, on ne se drogue pas, on ne couche pas avec les groupies. Après les concerts, on range tout, on rentre à l’hôtel, on boit un thé et on joue aux dominos. Comme ça, on peut faire de grandes tournées, être au mieux pour notre public qui nous aime, qui attend qu’on soit là, bien, beaux et généreux pour lui.” Propos recueillis par Clémentine Goldszal.
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photos : Sophie Jarry
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Back to the
Il y a deux ans, The Futureheads, groupe anglais des années 2000 de la trempe des Franz Ferdinand et autres Bloc Party, sortaient un deuxième album, avant de se faire très inélégamment remercier par Warner, leur maison de disques. Mais on n’aura pas si facilement la tête de Futureheads… Les quatre gars de Sunderland reviennent aujourd’hui avec un troisième album, This Is Not The World (Nul Records/Pias). Pour ça, ils ont créé leur propre label, destiné uniquement à produire leur musique. Une initiative iconoclaste et maline, douze titres punks à souhait, énervés mais qui font sens, une opiniâtreté qui porte beau… Leur premier single s’appelle The Beginning Of The Twist, et il semblerait effectivement que les Futureheads soient à l’aube d’une nouvelle ère. Interview.
photos : Sophie Jarry
future (heads). Deux des quatre Futurheads.
Keith : Vous avez formé le groupe en 2000 ; on est en 2008 et vous sortez votre troisième album. Vous avez un rythme plutôt cool, non ? The Futureheads : Nous avons commencé à jouer ensemble trois ans avant d’enregistrer notre premier album. Il nous a fallu un petit moment avant de prendre la décision d’y aller vraiment, on n’envisageait pas vraiment la musique comme une carrière.
Keith : C’est une démarche très punk en fait ! The Futureheads : Oui, c’est la base du punk rock : être dynamique. Et il n’y a là-dedans aucune prétention, juste de l’assurance. Ce serait l’enfer de passer un an à enregistrer un album ! Quarante-cinq minutes de musique ne doivent pas prendre douze mois d’enregistrement.
Keith : Rétrospectivement, vous pensez que prendre votre temps a Keith : Vous êtes partis enregistrer en Andalousie… Quitter été bénéfique ? l’Angleterre, ça faisait partie du processus ? The Futureheads : Absolument. Quand nous avons finalement The Futureheads : Oui, ne pas se sentir tout à fait à l’aise, être un enregistré notre premier album, nous étions vraiment prêts. peu sur ses gardes, ça stimule la créativité. Si tu te concentres Chaque chanson était là pour une bonne raison. C’est peut-être trop intensément sur l’écriture d’une chanson, c’est la déprespour ça que nous sommes très protecsion assurée ! Mais si tu as quelque teurs vis-à-vis de ces premières chan"Nous voulons voir notre ancienne mai- chose d’autre à quoi penser, ça sons. Même si elles sont très courtes, libère une partie de ton cerveau qui son de disques se tordre de douleur, se peut vagabonder. Et les idées appanous avons passé un temps fou à les per- rouler par terre de rage. Nous voulons raissent. fectionner, les arranger. C’est très préles voir détruits." cieux. Mais ça a changé. Keith : Dans quel sens ? The Futureheads : Nous avons gagné en confiance. Certains titres de This Is Not The World ont été écrits et enregistrés en quinze ou vingt minutes. Nous n’aurions pas pu faire ça il y a cinq ans.
Keith : Avoir créé votre label, ça a changé quelque chose dans votre manière de travailler ? The Futureheads : Ça nous a rendu ambitieux et audacieux. Nous voulons voir notre ancienne maison de disques se tordre de douleur, se rouler par terre de rage. Nous voulons les voir détruits.
Keith : C’est le cas de Radio Heart, le prochain single ? The Futureheads : Oui, on l’a composé à 4h du matin, le tout dernier jour en studio. On avait bu beaucoup de vin rouge ; on a décidé d’écrire une dernière chanson… Ça a fonctionné, comme un tour de magie.
Keith : Votre démarche est quand même assez inédite… The Futureheads : Oui, c’est une nouvelle manière de faire. En cela, c’est punk ; un formidable doigt d’honneur à l’establishment. Nous sommes le groupe, nous dirigeons le label, nous détenons le copyright de nos musiques, nous savons où va chaque penny… C’est assez révolutionnaire ! Beaucoup de jeunes groupes sont prêts à faire pareil, mais nous pouvons agir avant
"Ce serait l'enfer de passer un an à enregistrer un album ! Quarante-cinq minutes de musique ne doivent pas prendre douze mois d'enregistrement."
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au courant de tout. Voilà pourquoi on devient fou à essayer de comprendre ce qui cloche quand ça se passe mal. Et puis cette industrie est en train de se planter. Et nous on est là ; on se marre en regardant le bateau couler. C’est comme être en hélicoptère au-dessus d’un embouteillage : très cool !
eux parce que nous avons un back catalogue, des fans, un peu d’argent à investir…
Keith : Vous prévoyez de signer des groupes ? The Futureheads : Non. On essaye de prouver qu’on peut être son propre label, alors ce serait com"L'industrie du disque est en train de se plètement hypocrite. Ce label est juste planter. Et nous on est là ; on se marre un moyen de sortir notre musique, en regardant le bateau couler. C'est parce qu’il en faut bien un !
comme être en hélicoptère au-dessus Keith : Ça ne vous fait pas peur ? d'un embouteillage : très cool !" Keith : Et ce nom, “Nul Record” ? The Futureheads : Non parce que The Futureheads : C’est un terme que nous acceptons la responsabilité. Si les Futureheads utilisent depuis longtemps, un mot négatif, un les choses se passent mal, nous savons à qui nous en prendre. On préfère ça plutôt que d’être blâmés par un putain de bureau- “rien”. On aime cette idée car le label n’est qu’une façade. Si l’on devait construire notre entreprise, ça ne serait qu’un décor crate, alors que c’est son boulot, pas celui du groupe, de venpeint avec rien derrière ! dre des disques. Dans le système actuel, le groupe n’est jamais
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Keith : Vous pensez avoir influencé certains jeunes groupes anglais ? The Futureheads : Nous avons été un des premiers groupes à décider de garder notre accent. À l’époque, c’était quelque chose de chanter avec cet accent du Nord-Est ! C’était inhabituel, difficile de passer à la radio… D’être pris au sérieux en un sens. Nous venons d’un endroit tellement au nord que les Londoniens étaient assez méprisants. Mais maintenant, les Arctic Monkeys chantent avec leur accent de Sheffield… La musique en Angleterre est plus régionalisée ; chaque région a “son” son. Et je crois que l’on a contribué à initier ça. Mais, à part ça, le truc qui nous vaut le plus de respect est la façon dont nous revenons après avoir été lâchés. Parvenir à combattre l’adversité, c’est rare dans l’industrie du disque. D’habitude, on n’a pas le droit à l’échec, les choses vont trop vite. Keith : Que pensez-vous des initiatives des autres groupes pour trouver d’autres moyens de distribuer la musique ? The Futureheads : On ne veut pas dévaluer la musique en donnant notre album gratuitement avec le journal ou en le balançant sur le net comme certains groupes. Notre musique vaut plus que ça. Si l’on dit aux gens que quelque chose ne vaut rien, ils le croient ! De toute façon, ce qui est excitant aujourd’hui, c’est qu’il n’y a plus de “bon” moyen de faire. Le seul truc, c’est de rendre la musique disponible. Et ça, c’est plus une question de distribution que de marketing.
mais tu ne peux pas l’acheter, alors… Profite du moment !” C’est énervant de se sentir échouer sans avoir eu une seule chance. Nous essayons donc de prouver qu’il n’y a pas besoin de dépendre des millions de quelqu’un d’autre pour que votre musique soit distribuée dans le monde. Pour le moment, ça fonctionne. Keith : En plus, vous y gagnez financièrement… The Futureheads : Bien sûr et c’est normal ! C’est pour ça aussi que beaucoup de groupes vont dans la même direction. Qui ne voudrait pas gagner plus d’argent en vendant moins d’albums et en gardant le copyright de sa musique ? Nous, notre premier album ne nous appartient pas… Ils ont payé l’enregistrement, c’est à eux ! Ça nous rend fou de penser à ça. En plus, ils ne vont rien en faire. À la limite, mieux vaudrait que les gens les téléchargent gratuitement. Du coup, on pense à réenregistrer nos deux premiers albums pour les ressortir sur notre propre label. Et en attendant, on va repartir en tournée et s’offrir un petit massage de l’ego dispensé par nos fans ! Propos recueillis par Clémentine Goldszal.
Keith : Dans ce contexte, il reste la scène… The Futureheads : Bien sûr, mais nous avons fait des tournées où les salles étaient pleines, mais les gens ne pouvaient pas trouver notre album dans les magasins ! C’est tellement frustrant… Et ridicule d’être devant des gens et de leur dire “Ouais, ça te plaît,
“Portrait chinois”
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Si votre album était… Une année. 2008 Un plat. Quelque chose de simple et délicieux. Une boisson. Un Black Velvet : Guinness + champagne. Une couleur. Rouge comme les murs de l’Enfer. Une saveur. Umami. C’est quand les quatre goûts (acide, amer, salé et sucré) se mélangent. Le top ! Un vêtement. Un casque de safari.
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illustration : designJune
littĂŠrature
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Qu’a-t-on fait du nabisme ?
De Céline à Houellebecq en passant par Sollers ou Bataille, la littérature a toujours été le terrain de jeux des écrivains sulfureux. Se jouant des codes et des normes, toujours à contre-courant du mainstream généralisé d’une société policée, les agitateurs susurrent leurs acides aberrations et combinent avec habileté les ingrédients du scandale. Mais quand, à force de flirter avec la ligne rouge, certains passent carrément du “côté obscur de la force”, la sanction est immédiate : censure, condamnation intellectuelle, mise à pied médiatique. Ainsi, qui sont les moins de 20 ans qui se souviennent de Marc-Edouard Nabe, véritable idéal-type (au sens weberien du terme) de la littérature agitatrice ? Personne ! Ou peut-être les quelques derniers sympathisants d’extrême droite qui, en fouillant dans les tréfonds de l’Enfer parental sont tombés sur Au Régal des Vermines dont la résonance fascisante teintée d’acide a comblé leur besoin de spiritualité. C’est un fait aujourd’hui, Nabe est over line ! Il a beau continuer à s’égosiller, dans des articles misanthropes et intolérants, contre le conformisme humaniste et pacifiste, il n’en reste pas moins un paria réactionnaire ! Mais au-delà de ça, le cas Nabe mérite que l’on s’y attarde un peu. En effet, il est l’équation même de l’agitateur. Il combine à lui tout seul toutes les caractéristiques de l’écrivain polémique. Explications. Le swing des choses
Nabe sait écrire, c’est indéniable ! Sa plume sulfurique, son ton insolent, sa verve satyrique en font l’un des auteurs pamphlétaires les plus virtuoses du siècle. Comme Céline, Louis-Ferdinand de son prénom, qui, en son temps déjà, lâchait adjectifs, adverbes et autres pronoms comme autant de bombes téléguidées sur la littérature, vomissait sa bile haineuse par diatribes étincelantes, Nabe maîtrise le Verbe. Dans Le swing des choses, chapitre brillant d’Au régal des Vermines, Nabe parle (presque) sans haine ni violence de sa passion pour le jazz et en particulier pour Monk. Le résultat est époustouflant tant la dextérité de la langue sert à la perfection la vision sans pareil d’un véritable passionné. Et c’est là, la première caractéristique de l’agitateur : le Talent ! Apostrophe
En 1985, sur le plateau de l’émission de Pivot, on découvre une espèce de dandy malingre. Vêtu d’une queue de pie, pompeusement orné d’un nœud papillon noir à pois blanc, le teint blême, les joues creuses et les lunettes rondes, Nabe donne une leçon de provoc’ devant un Morgan Sportès abasourdi. Eructant contre tous et tout le monde, des blancs aux Chinois, des juifs aux cathos, de l’extrême gauche à l’extrême droite, dans un bafouillage haineux, l’auteur signe ce soir-là son suicide médiatique. Il se fera péter la gueule en sortant du plateau par des téléspectateurs outrés. Mais encore une fois, Nabe s’ancre dans la tradition des auteurs subversifs. Comment oublier les déclarations de Houellebecq, passé maître lui aussi dans l’art de la provocation, sur les sectes, le tourisme sexuel en Thaïlande, Staline, son chien Clément. En vrac : “Le christianisme est une secte qui a réussi.”, “la prostitution, je trouve ça très bien !”, “L’humanitaire me dégoûte”. A la question : “Avez-vous de l’admiration pour De Gaulle ?”, il répond : “Non… j’ai plus de sympathie pour Pétain !” C’est ainsi, les agitateurs, en littérature comme ailleurs (mais peut-être plus qu’ailleurs), ont le sens de la formule explosive. C’est la seconde caractéristique de l’agitateur : la Provoc’. Notre-Dame de la pourriture
Pour bien comprendre les agitateurs, il faut les resituer dans leur contexte historique. Quand Nabe publie Au Régal des Vermines en 1985, la société est emportée par l’élan libertaire, social, philanthrope que l’arrivée de la gauche au pouvoir en 81 a grandement favorisé. Il est alors agitateur en cela qu’il s’oppose aux idéaux généralisés des valeurs humanistes. Dès lors, il prône des ignominies telles que le racisme, l’antisémitisme, la haine de l’autre et j’en passe. Comme ce chapitre ignoble, véritable diarrhée idéologique : Notre-Dame de la pourriture d’Au Régal des Vermines, dans lequel, il se décharge de toute sa fougue venimeuse et antisémite. Et c’est là, la troisième et dernière caractéristique de l’écrivain subversifs : l’Intolérance. Dont Nabe est le plus virulent représentant en France. Je m’explique. Alors que dans les sociétés despotiques, l’agitateur va, par définition, défendre des valeurs nobles ; dans celles démocratiques plus enclin à la tolérance, l’agitateur, du fait de son statut, se fera le relais d’idées abjectes. Ça se traduit en France par une fascisante tendance à l’intolérance. Les exemples sont nombreux. De Houellebecq, encore lui, qui déclare de l’Islam qu’elle est la religion la plus con, à Maurice G. Dantec qui se laisse aller à certaines dérives totalitaires, l’agitation en France ne semble plus pouvoir passer que par l’intolérance. Puisque c’est ainsi, qu’elle crève ! Léonard Billot.
Le livre qui va faire kiffer ta mère… Elégie pour un Américain de Siri Hustvedt.
Actes Sud. 400 pages.
Siri qui ? Si son nom ne vous dit rien, sachez que Paul Auster est son mari, la sublime chanteuse Sophie Auster sa fille et qu’elle est une romancière à la mesure de sa famille. Elégie pour un Américain met en scène Erik, un psychanalyste new yorkais (Woody Allen en bien plus sexy mais en aussi torturé) qui, à la mort de son père, un immigré norvégien, part à la découverte de cet homme si éloigné de lui. C’est aussi l’histoire de sa sœur, Inga, qui à la mort de son mari découvre qu’il avait une double vie. C’est encore l’histoire des patients d’Erik, et d’une certaine façon Elégie pour un américain est une gigantesque psychanalyse de l’Amérique traumatisée par les attentats du 11 septembre. Quels secrets nous lèguent les disparus ? Que transmettre à nos enfants ? Comment peut-on être Américain aujourd’hui ? Comme un immense fleuve, ce grand roman charrie des flots de personnages, d’intrigues, d’émotions, d’interrogations. Et vous pouvez aussi offrir le précédent roman de Siri Hustvedt Tout ce que j’aimais (Babel) à votre mère… elle le kiffera. Olivia de Lamberterie.
Arrêt sur image. In the Arab World…Now - Collection Made by…, edité par la galerie Enrico Navarra
Prix de lancement 180 euros jusqu’au 31 août 2008, puis 300 euros. Dans le petit monde des arts – quels qu’ils soient – on ne cesse de parler des “pays émergents” : Russie, Chine, Inde, Brésil… Enrico Navarra déteste l’expression “pays émergents”, et il a bien raison. Et c’est sans doute la raison pour laquelle il a titré ce somptueux coffret, garni de trois épais volumes, In the Arab World… Now. Parce qu’ici, c’est le mot “now” qui compte. Ici et maintenant donc. Comme si les pays Arabes, en matière de création étaient émergents ! Ce serait alors passer à la trappe des siècles de création… Certes, le ramdam fait autour des musées édifiés à Abu Dhabi par quatre stars internationales de l’architecture -Tadao Ando (musée maritime), Frank O.Gehry (Guggenheim), Zaha Hadid (Performing Arts Center) et Jean Nouvel (Louvre)-, a braqué les projecteurs sur le golfe. Mais partout, du Maroc au Liban, de l’Egypte à l’Algérie, de la Syrie jusqu’à la “diaspora” (ceux installés à Paris, à Londres, à Berlin, à New York…), ils sont nombreux aujourd’hui à explorer les voies nouvelles de l’art contemporain, de l’architecture, de la mode, du design, de la musique, du cinéma… Et tous – ou presque – rassemblés ici dans cet ouvrage de 1001 pages pour la bagatelle de 7,3 kg ! Avec des interviewes, des reportages, des portraits, des textes critiques, des analyses et, des milliers d’images en couleurs chatoyantes. Malgré sa taille et son poids, rien d’indigeste dans ce monument. A offrir, à s’offrir, à se faire offrir impérativement. Du moins si l’on veut tout savoir sur ce qui se créé dans le monde Arabe…Maintenant. Edouard Michel.
La cellulite, c’est comme la mafia, ça n’existe pas, de Pulsatilla
Au Diable Vauvert. 268 pages.
En Italie, on dit d'elle qu'elle est “une Bridget Jones en plus intelligente et plus transgressive”. Pulsatilla débarque en France avec La cellulite, c'est comme la mafia, ça n'existe pas. 100 000 lecteurs chez nos voisins italiens et bientôt une adaptation de son livre au cinéma auront convaincu un éditeur français d'importer un peu de Pulsatilla (elle a emprunté son pseudo au nom d'une plante que son thérapeute lui a prescrite pour soigner ses accès de méchanceté). Voici donc 3 bonnes raisons d’emporter ce livre dans vos sacs de plage : - L'auteur en rigole elle-même : elle dit des conneries, mais elle les dit bien. Pulsatilla a mis au point un “bio-roman” hilarant dans lequel elle nous permet à toutes d’aborder nos dilemmes les plus complexes : les strings, le Nutella, les poils, le shopping, le monde magique du phallus, la télé ou encore et surtout notre meilleure ennemie : la cellulite. - Ce roman doit être lu comme un guide, un mode d’emploi pour ragazza stressée, complexée et overbookée. C'est un livre qu’on peut ouvrir en attendant le bus ou le métro, dans la file d'attente à la caisse d'H&M, bref lorsqu’on cinq minutes à occuper. - Ce livre, qui a fait se bidonner l’Italie des mamas et des machos, est la quintessence de nos interrogations sans fin de filles. Mieux qu’une séance chez le psy, l’auteur nous rappelle avec malice que l’on est vraiment toutes logées à la même enseigne. Et ça, ça fait du bien. Mathilde Enthoven.
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photo : Marion Ettlinger
littérature
KEITH DE POCHE Ikebukuro West Gate Park, de Ira Ishida
Éditions Philippe Picquier. Picquier poche. 389 pages. Les amateurs de mauvais genres se délectent déjà de la sortie en poche du cultissime polar d’Ira Ishida, Ikebukuro West Gate Park – IWGP pour les intimes. Portrait insolite de la jeunesse tokyoïte à la fin des années 1990, ce petit chef d’œuvre vous plongera dans une atmosphère délicieusement trash où les pires yakuza côtoient les ados marginaux comme les petites filles de joie, ces lycéennes qui se prostituent en micro-jupes et socquettes blanches quand elles ne traînent pas avec les caïds du quartier. À travers l’itinéraire de Makoto, glandeur de première mais leader au cœur tendre, on découvre la jungle d’Ikebukuro, sa faune bigarrée et ses territoires de tous les dangers, à l’image de ce square que tous les habitués surnomment West Gate Park. Comme tout roman noir qui se respecte, il faut le meurtre d’une innocente pour que s’ouvre l’enquête, et c’est avec brio que notre “roi de la débrouille” et “solutionneur d’embrouilles” se fait détective de fortune et justicier branché. Avec ses acolytes, Makoto forme un Club des cinq résolument rock&roll à la gloire de l’amitié et de son drôle de quartier. Grand prix de la littérature policière au Japon, IWGP est d’abord un roman populaire, plus proche du manga que d’un Kawabata, mais toujours porté par une écriture libre et incisive dont on ne se lasse pas ! Augustin Trapenard.
Crépuscule Ville, de Lolita Pille
Grasset, 386 pages.
Imaginons une gamine – appelons-la Lolita quoique elle n’ait rien à voir avec Nabokov (ne rêvons pas) – dont le souhait le plus cher à l’occasion des fêtes de Noël est de recevoir une panoplie de George Orwell : S’il te plaît, papa, j’ai bien travaillé… — Soit, consentent les pa-rents démissionnaires et vaguement attendris. Vaquant aussitôt à la recherche de l’étrange dé-guisement, les voilà qui déchantent : il n’en reste qu’un, au fond d’une boutique d’antiquités, un exemplaire unique. En solde. Et pour cause : un costume plein de trous, une cravate mitée, une machine sans touches… Traduisons : une langue au rabais, une intrigue de blockbuster, des personnages tracés à la machette (autant dire qu’ils n’ont ni cerveau, ni jambes, ni sexe, rien en somme…). Mais la gamine exulte devant sa glace, drapée dans les oripeaux, sous l’œil hilare de ses géniteurs secrètement cyniques (les éditeurs) : je suis George Orwell, je suis George Orwell ! La principale qualité du livre : il ne s’appelle pas 2048. Le principal défaut du livre : il a hésité à s’appeler 2048 mais comme LP n’a pas lu 1984 – elle en a juste entendu parler par son professeur d’anglais, l’année de son brevet – elle croit qu’il s’agit d’un jeu vidéo pédagogique. (Elle croit aussi que George Orwell est un scénariste de comics et qu’il a connu le succès en écrivant un livre pour enfants appelé La Ferme des animaux.) Ce qu’il faut en retenir : Lucky Luke (il s’appelle maintenant Syd Paradine) ne fume plus mais se shoote désormais aux amphets et les Dalton sont partout : il y a complot…
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Alphonse Doisnel.
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illustration : designJune
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ublié plonge es en so de ses B Poche. P branché w cabs à celui McInerney nous des cliit u n e d o , . Loin oites Side es yell cocaïnés hts. De b ur wer East rrières d Bright Liges banquettes a sordides du Lo n et des yuppies il est le précurseEaston s t d a t e n g ir re ru o a u B e d x c R e u s u a d e ré d Avenue ue Zéro ighties d es et do Madison anhattan des e d’écrivains jeun rti avant Moins q me décapants. M n o is s o n le y ti e êm un c néra dans uit est m cette gé l’heure, mour et chés de d’un oiseau de n ton avec un hu jamais à ue qui e iv rr ’a n le l i q o qu phori (Journa Inerney donne , le métr ge méta uit est la rémunéré barreaux à la cad’un oiseau de n étriqués Ellis), Mc l a m te t de pigis alle : autant de erney. Journal t gris, les esprits isme m n Un boulo rm cIn Big City. e qui s’est fait la iseau qu’est M ù les tailleurs so contre le confo u bling’o sa copin nent ce drôle d post-seventies o Ce livre s’élevait qui, à l’heure d nce is n empriso e d’une époque ques nucléaires. is vingt ans ma lité et sa résona u a chroniqu d’argent, les ris ait disparue dep toute son actu e s y v e u ro id o c v tr a n re t ’o e ciété qu rkosiste, d’une so u libéralisme sa d t e bling taire. pamphlé Billot. Léonard
keith's people littérature
David Lynch Elevation Man. David Lynch, l’électron libre du cinéma, le plasticien de la pellicule, l’animateur de l’abstrait ... on l’imagine mystérieux, réservé, avare de paroles. Mais il est là, en chair et en os, la coupe poivre et sel caractéristique impeccable, le ton posé et ...pédagogue. Car ce que la plupart des gens ignore de David Lynch, et qu’on aurait bien du mal à deviner en visionnant ses films, c’est que le cinéaste a trouvé la paix intérieure grâce à la méditation transcendantale qu’il pratique depuis 30 ans, et n’a qu’une seule idée en tête : répandre la paix dans le monde en nous convertissant tous à la méthode des yogis. Il publie chez Sonatine un petit livre intriguant et truffé d’anecdotes que les cinéphiles apprécieront, intitulé Mon Histoire Vraie, dans lequel il revient sur sa carrière et sur ce que la méditation lui a apporté. Conversation avec un réalisateur illuminé.
Keith : Le livre que tu publies a un format tout à fait original : ce sont des fragments, des réflexions, des aphorismes... David : En fait, ce livre a été davantage dit et enregistré qu’écrit. Il est le résultat d’un cycle de conférences sur le thème de la créativité, de la conscience et de la méditation Keith : Il y a par exemple un chapitre intitulé “le coffre et la clef” dont la seule phrase est “je ne sais pas du tout de quoi il s’agit”. David : Oui, c’était en réponse à une question que l’on m’avait posée. Keith : Mais est-ce que ton livre n’est pas justement la clef du coffre ? David : Non. Enfin, si, en un sens : la boîte pourrait représenter le niveau le plus profond de la vie, le champ unifié, un champ de conscience illimité ; et la clef pourrait représenter la méditation transcendantale, une technique mentale qui permet à n’importe quel être humain d’avoir facilement accès à cette conscience profonde, et de se libérer des énergies négatives. C’est en explorant et en élargissant cette conscience qu’il peut accéder à une intelligence illimitée, une créativité illimitée, la félicité, l’amour universel. Keith : Et donc ta propre créativité et tes films sont directement liés à la méditation transcendantale ? David : Oui, j’ai commencé la méditation lorsque j’ai commencé à travailler sur Eraserhead [au début des années 1970, ndlr]. La méditation nourrit le travail créatif de multiples façons. Elle permet de nous débarrasser de nos angoisses et donc de ressentir une grande liberté en nous, mais aussi d’être heureux dans notre travail, et donc de nous amuser avec les gens avec qui nous travaillons. Le monde entier vous apparaît comme une grande famille. C’est vraiment une expérience magnifique.
Keith : Dans ton livre, tu décris la pratique de la méditation ellemême : une idée, associée à un son et à une vibration, mais une idée qui n’est pas là pour avoir un sens, à laquelle il ne faut pas chercher de sens. Tes films semblent être créés selon le même principe... David : Oui, exactement, je dis toujours que le cinéma est un langage tout à fait fantastique. Il peut exprimer des choses concrètes, en surface, et en même temps, il peut dire des choses plus abstraites. A partir du moment où les choses deviennent plus abstraites, l’interprétation est plus large, plus ouverte. Nous avons tous une conscience, mais pas tous en même quantité et de la même qualité. Une des qualités qui peut être liée à la conscience, c’est notre intuition, que nous utilisons quand nous nous retrouvons face à une abstraction. On dit que l’intuition c’est l’émotion et l’intellect qui nagent ensemble. C’est quelque chose de supérieur, c’est l’essence de la connaissance. Keith : Est-ce que tes oeuvres ont parfois été le résultat de visions que tu aurais eu sous l’effet de drogues ? David : Non, je raconte dans le livre que lorsque je faisais les beaux-arts dans les années 1960 aux Etats-Unis, comme tout le monde le sait, plein de gens prenaient de la drogue, toutes sortes de drogues. Et j’ai moi-même fumé de la marijuana à une époque. Mais bizarrement, mes amis m’ont dit : “Ne prends pas ces drogues, David”, et je les ai écoutés, allez savoir pourquoi. Oui, toutes ces expériences étaient très puissantes au début, et certaines étaient géniales. Pourquoi prendrait-on des drogues si elles ne procuraient pas des expériences géniales ? Mais les effets secondaires étaient eux aussi très puissants, et négatifs. Or toutes ces expériences peuvent se faire de manière très naturelle, lorsqu’on plonge dans les profondeurs de sa conscience. Et elles sont encore bien plus puissantes. L’illumination, c’est au-delà de tout.
“Vous n’avez pas besoin de mourir pour filmer une scène d’agonie.”
“L’illumination, c’est au-delà de tout.”
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keith's people littérature
Keith : Tes films ne donnent quand même pas l’impression de refléter cette paix intérieure que tu dis avoir trouvée... David : Les films, la musique, les livres, sont le reflet du monde dans lequel nous vivons, et nous vivons dans un monde sombre et agité. De tous temps, les histoires ont été bâties sur les contrastes, les hauts et les bas. Elles traitent d’un très large spectre d’aspects de la condition humaine. Mais l’artiste n’est pas obligé de souffrir pour filmer la souffrance. La comprendre suffit. Vous n’avez pas besoin de mourir pour filmer une scène d’agonie. Keith : Tu seras présent au prochain festival de Cannes, ce n’est pas non plus un lieu qui est, a priori, synonyme de sagesse... David : Pour moi, le festival de Cannes est le plus grand festival de cinéma au monde, et je le vois comme l’occasion d’une grande célébration du cinéma, c’est un lieu qui m’inspire et qui n’est jamais le même d’une année sur l’autre Keith : Mais est-ce que tu te vois des points communs avec tous les autres cinéastes qui sont présents là-bas ? David : Je pense que n’importe quel cinéaste qui va à Cannes se vit comme un outsider. Mais une fois que vous y êtes, petit à petit, vous avez l’impression de partager une expérience commune. Finalement, ça rapproche les gens. Keith : Ce n’est pas frustrant de n’y être que pour avoir réalisé l’affiche (sortie récemment, il s’agit d’une photo de la danseuse du Crazyhorse, Nouka, qui pose pour le réalisateur, ndrl) et pas pour présenter un film ? David : Ce n’est pas le plus important de savoir qui est là exactement et pourquoi, ce qui est important c’est que tous les grands y aient été. C’est cela qui en fait un grand festival. Lorsque j’ai projeté Sailor et Lula (pour lequel il a obtenu la palme d’or en 1990, ndlr) pour la première fois, c’était sur l’écran où quelques minutes plus tôt venait d’être projeté un film de Fellini. C’était une sensation tout simplement énorme.
Keith : Dans ton livre tu dis que ta première approche du cinéma a été, alors que tu étais peintre, de vouloir faire une “peinture qui bouge”... David : Non, c’est juste une anecdote : c’est comme ça que je suis rentré dans le cinéma, par hasard. J’étais dans mon studio, je travaillais sur la peinture d’un jardin la nuit, et tout d’un coup j’ai vu la peinture s’animer... Et je ne prenais pas de drogues ! Et je me suis dit : “Oh ! Une peinture qui bouge !”. C’est de là qu’est venue mon envie de réaliser une peinture en mouvement. J’ai fait un premier petit film d’une minute, projeté sur un écran sculpté pour un concours de peinture et sculpture expérimentales. Keith : Et tu ne reprendrais pas cette définition du film aujourd’hui ? David : Si, en un sens. Un film c’est une image et un son qui vont l’un avec l’autre, dans un temps donné. C’est la langue du cinéma
“Il faudrait au cinéma une nouvelle “nouvelle vague”.” Keith : Les Français, dis-tu, sont beaucoup plus cinéphiles que les Américains, ils protègent davantage les artistes. Penses-tu qu’ils font aussi de bons cinéastes ? David : Je ne connais pas vraiment les films français récents. Mais il ne fait pas de doute que la nouvelle vague française a influencé le cinéma partout dans le monde. Peut-être qu’il faudrait au cinéma une nouvelle “nouvelle vague”, pas seulement en France. Keith : Que penses-tu de la jeune génération de cinéastes ? David : Pas grand chose. Je n’ai jamais été un mordu de cinéma. Je fais des films, mais je n’en vois pas beaucoup. Ceux dont j’apprécie le travail aujourd’hui sont Aki Kaurismäki, Werner Herzog quand il est à la réalisation : c’est un esprit original. J’aime aussi certains films de Paul Thomas Anderson, mais je n’ai pas beaucoup aimé le dernier. Je trouve qu’il a beaucoup de talent, mais ça ne se voit pas beaucoup dans son dernier film. Et j’aime les frères Coen. Et, en général, ceux qui font de bonnes oeuvres originales
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Keith : Tu dis ton admiration pour Fellini, Kubrick, Hitchcock dans ton livre, mais tu n’es pas un nostalgique des vieux films. Tu déclares même que “le film est mort”... David : Tout le monde sait que c’est vrai. Le film, c’est une chose magnifique. Mais dans la rue, on voit tout le monde filmer avec des caméras numériques. Cela fait déjà dix ans que le son est numérique. Il y a encore quelques accros de l’analogique, mais quoi qu’ils utilisent, ça finira sur un medium numérique, alors à quoi bon ? Quoi qu’on fasse, le cinéma entre dans l’ère du numérique. Mais c’est une grande source de liberté pour le créateur. Keith : Tu t’intéresses aux nouvelles technologies, tu avais même un projet pour Internet juste avant le tournage de ton dernier film, Inland Empire, où en es-tu ? David : Je ne travaille pas là-dessus en ce moment. Même mon propre site n’a pas été mis à jour depuis fort longtemps ! Mais c’est quelque chose que j’aimerais vraiment faire. J’aime l’idée que chacun puisse avoir sa propre chaîne de télévision, son propre cinéma où l’on peut projeter ses films. Pendant ma série de conférences sur la méditation transcendantale qui m’a conduit dans 15 pays différents, dans chaque nouvelle ville, on demandait à des étudiants en cinéma de nous suivre avec deux cameramen. Et je travaille sur un documentaire qui sera comme une version filmique du livre que je publie. Et après cela, j’essaierai de partir à nouveau à la pêche aux idées pour mon prochain film. Keith : C’est une métaphore que tu utilises dans ton livre, qui en anglais s’intitule Catching the Big Fish, autrement dit “Comment attraper le gros poisson”. Tu as l’impression d’avoir pêché de gros poissons dans ta carrière? David : Je l’espère. Mais tout est relatif dans ce monde. Peutêtre que j’ai attrapé de gros poissons, mais peut-être qu’il y en avait de plus gros encore.
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Propos recueillis par Juliette Morice.
théatre EDITO
par Nicolas Roux
Les trois coups de théâtre de l’été : Un one woman show: Un one woman show: C’est mon tour de et avec Sophie Mounicot. On l’a découverte en chef souffre-douleur de Jamel, Eric et Ramzy dans la série H et déjà on avait décelé chez elle un énorme potentiel pour le comique grinçant. Goût pour la réponse qui fait mal et pour l’autodérision, Sophie Mounicot avait tout pour plaire. Elle confirme enfin tout le bien qu’on pensait d’elle en se lançant dans un spectacle solo. L’idée ? Puisqu’on est à l’heure des grands podiums, puisque tout est soumis au hit parade, puisque même les ministres sont notés, Sophie Mounicot se lance dans une grande évaluation : le classement mondial des gens. Hilarant et forcément irrésistible.
Un beau duo: Quartett avec Sami Frey et Jeanne Moreau. On ne sait pas grand-chose de cette pièce sinon que deux de nos plus grands acteurs y interprètent Valmont et Merteuil, les personnages mythiques des Liaisons dangereuses, dans une lecture d’un texte de Heiner Muller. Mais, on sait que depuis qu’on a vu Sami Frey lire du Beckett l’année dernière on a envie de le revoir. Et on sait aussi qu’entendre Jeanne Moreau est toujours un bonheur. Bref, on sait qu’on va y aller. C’est mon tour de Gerald Sybleras, François Rolin et Sophie Mounicot, mise en scène de Roland Marchisio au Théâtre des Mathurins. Tel : 01 42 65 90 00 Les fourberies de Scapin de Molière, mise en scène d’Arnaud Denis, avec Jean-Pierre Leroux, Arnaud Denis, Elisabeth Ventura…Au Petit Montparnasse. Tel : 01 43 22 77 74 Quartett de Heiner Muller, lu par Sami Frey et Jeanne Moreau. Au théâtre de la Madeleine. Tel : 01 42 65 07 09
François Morel fait bien les choses… Cher François Morel, Je me permets de vous écrire une petite carte postale, car j’ai vu dans votre dernier spectacle que vous en faisiez collection. Personnellement je n’ai pas une passion dévorante pour les cartes postales ou même pour les collections (à moins qu’elles ne soient particulières), mais vous, je vous adore. Mieux, je vous aime. Parce que vous portez sur le monde un regard tendrement moqueur mais infiniment juste. Je vous suis à travers les spectacles que vous écrivez, depuis Les habits du dimanche jusqu’à Bien des choses que vous jouez actuellement, et j’y retrouve à chaque fois ce sens… du rythme. Vous savez, quand vous réussissez à nous faire passer des larmes de joie au pincement au cœur. Avec douceur et mélancolie. Bien sûr j’ai un petit faible, comme tous les fans des Deschiens, pour les instants de grâce, où vous tordez votre visage. Et puis, j’aime aussi les dialogues de sourds que vous construisez avec votre complice Olivier Saladin. Mais ce que je préfère, c’est l’ensemble. Moi, j’appelle ça de la poésie. Et c’est avec vous que j’ai appris que la poésie ne passait pas toujours par les mots. En plus, il faut reconnaître que tenir tout un spectacle sur un échange de cartes postales, ce n’était pas évident, mais vous, vous réussissez à nous offrir malgré tout un très beau carnet de voyage. Voilà, j’aurais encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous savez ce que c’est avec les cartes postales, on n’a jamais assez de place pour écrire tout ce qu’on voudrait. Il ne me reste plus donc qu’à vous dire merci et à vous souhaitez… Bien des choses. Votre admirateur… Bien des choses texte et mise en scène de François Morel, avec François Morel et Olivier Saladin. Au théâtre du Rond point du 17 mai au 15 juin. Tel : 01 44 95 98 21 K?-54
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Un classique: Les fourberies de Scapin de Molière. Encore ? Oui encore. Parce que les grands classiques ne le sont pas pour rien, et que cette nouvelle lecture apporte vraiment quelque chose de neuf et de réjouissant. D’abord, la troupe est toute jeune, la moyenne d’âge ne doit pas excéder la vingtaine d’années, et les comédiens sont pleins de fougue et d’envie. Ils sont vierges, ou presque, des précédentes représentations de Scapin. Ils s’amusent et nous avec. Parce qu’un Scapin de 20 ans, c’est à la jeunesse d’aujourd’hui qu’il parle. C’est de nos sauvageons qu’il se fait le miroir. Bref, c’est un classique qui sonne étrangement moderne. Mais s’il vous faut encore une raison, sachez que la scène du sac et des coups de bâtons, est toujours remarquablement efficace.
Vive la vie devant soi ! C’était un roman auréolé du prix Goncourt, c’est désormais, aussi, une pièce couronnée de trois Molières. Meilleure adaptation, meilleure comédienne et, tout simplement, meilleure pièce du théâtre privé 2008 ! La seule injustice que l’on peut ressentir en regardant ce palmarès c’est que l’équipe de La vie devant soi aurait peut être mérité encore plus. Mais il ne faut sans doute pas être trop gourmant pour une pièce qui aurait pu ne jamais voir le jour. Car c’était un pari audacieux que d’adapter ce livre de Romain Gary pour en faire une pièce de théâtre. Déjà parce que le sujet n’est pas évident – il raconte, rappelons-le, une histoire d’amour filial entre une vieille pute juive et un petit garçon musulman de 10, 11 ou 13 ans tout en abordant le problème de la solitude et même de l’euthanasie – et puis parce que s’attaquer à La vie devant soi, c’est s’attaquer à un monument. Il faut du courage pour entreprendre de transformer le récit de Momo, sa langue si particulière, en un dialogue. Puis, il a aussi fallu sacrifier certains personnages pour ne se concentrer que sur les principaux, en veillant à ne rien perdre de l’essence du texte. Bref, c’est un travail titanesque. D’ailleurs, le Molière de la meilleure adaptation, mille fois mérité, récompense sans doute autant le défi que la réussite du projet. Ensuite il a fallu trouver les acteurs. Pour Madame Rosa, en voyant la pièce, on se dit que c’est presque trop simple. Myriam Boyer, la mère de Clovis Cornillac, a tout compris de son personnage. Elle l’habite comme une évidence. Sa voix colle parfaitement au personnage et même quand elle s’énerve on sent toujours poindre en elle un amour teinté de mélancolie. Mais surtout, elle laisse toute la place qu’il faut à Aymen Saidi, qui joue Momo. Lui, il est incroyable. Une révélation éblouissante. Un futur grand. Il occupe la scène comme un soleil. Il assume ses responsabilités avec une maturité étonnante pour un acteur de son âge. Puis il y a Xavier Jaillard (c’est à lui que l’on doit l’adaptation), idéal en médecin compatissant et Magid Bouali formidable en père perdu. Pour finir ce casting impeccable, Didier Long, a signé une mise en scène assez élégante pour qu’on la voit sans la remarquer. Bref, La vie devant soi est un succès depuis le mois de septembre 2007. C’est parce que c’est entièrement mérité que l’on vous conseille d’aller y poser vos valises.
Les agitateurs sont morts et déterrés… La provocation n’est pas morte… Mais leurs auteurs, si. Deux spectacles, Voltaire’s folies et Mon cadavre sera piégé, le prouvent en ce moment en reprenant sur scène des textes de Voltaire et de Pierre Desproges. Vieux, mais pourtant brûlants d’actualité et de virulence… Ça raconte quoi ? Voltaire’s folies est une compilation de saynètes écrites par le philosophe des Lumières mais publiées anonymement de son vivant. On passe donc d’une petite fable à une autre, d’un registre abstrait à un plus théâtrale. Mon cadavre sera piégé se conçoit lui comme une vraie pièce de théâtre. L’histoire d’un homme qui, se sentant vieillir, jette un regard sur le monde qui l’entoure. Pourquoi c’est provoc’ ? Parce que Voltaire s’attaque aux fanatismes religieux. Et s’il ne s’en prend jamais à Dieu, il attaque directement ses représentants sur terre, les accusant de se servir des croyances des gens à des fins bien trop mercantiles. Quant à Desproges, il en a, lui, après toutes les sortes de cons. Avec une préférence pour les bien pensants. Et en bon misanthrope, il n’épargne personne. Même pas lui… Pourquoi c’est triste ? Parce qu’aujourd’hui, on ne pourrait plus écrire tout ça sans avoir des problèmes. Parce qu’on a perdu le courage d’avoir du courage. Parce que le fond est devenu plus important que la forme. Parce que les hommes se referment sur eux-mêmes, et que c’est justement ce que dénonçaient, il y a vingt ans, ou quelques siècles, Desproges et Voltaire. Mais ça réveille et ça fait du bien de les entendre ! Les nouvelles Voltaire’s folies, adaptation et mise en scène Jean-François Prévant, avec Charles Ardillon, Olivier Claverie, Gérard Maro et Jean-Jacques Moreau. Au théâtre de l’Oeuvre. Tel : 01 44 53 88 88 Mon cadavre sera piégé d’Emmanuel Matte et Julia Vidit, avec Emmanuel Matte dans une mise en scène de Julia Vidit. Au Splendid. Tel : 01 42 08 21 93
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On aurait tout aussi bien pu titrer cette rubrique “Qui s’y frotte s’y pique”, ou encore “On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs” ! Mais voilà, quatre mots tiennent mieux dans la page que sept ou dix, et il faut, parfois, penser au directeur artistique, et lui faciliter sa mise en pages… des variations sans fin sur le thème du siège de tracteur et que De quoi s’agit-il ici ? Rien à vendre, rien à acheter, rien à collecles branchés design s’empressèrent d’acheter au grand dam de tionner, rien à exposer. Juste une découverte sur la toile et qui leurs enfants et de leurs invités qui ne savaient quelle attitude nous a donné à rêver. D’autant qu’une fois n’est pas coutume, adopter une fois perchés au sommet du supplice. On se souvient mais il semble bien, en cette occurrence, que les pubards (les aussi de ces sièges si pointus qu’ils évoquaient irrésistiblement la “créatifs” ?) se révèlent plus drôles et plus iconoclastes que les punaise ou le pal (“ce supplice qui commence si bien et finit si designers (les “créateurs” ?). mal”…). On se souvient encore de ces fauteuils et canapés dont Parce qu’en fait, il s’agit de publicité. Pas n’importe laquelle et, on ne sait s’ils sont des sièges en forme de sol ou des sols en surprise, n’ayant rien à voir avec le design, que celui-ci concerne forme de siège, certes hyperconfortables, le mobilier ou autre chose. Non, simplement mais dont on ne savait, une fois vautrés, de quoi accrocher l’œil et de le faire rebondir Comme trop souvent, les comment s’en extraire… sur AXN, une chaîne télé spécifique dépen- pubards se révèlent plus drôles Donc, trois sièges virtuels, mais qui doivent dant de Sony Pictures et consacrée au et plus iconoclastes que les cependant bien exister quelque part “thriller” (série noire, série blême, série glau- designers. puisqu’on les a photographiés. Trois sièges que.. ?). en deux dimensions mais qui devraient bien donner des idées à A bien y réfléchir s’asseoir sur quelques centaines d’œufs alignés tous ceux qui oeuvrent en trois dimensions. et empilés comme à la parade donnerait, on l’imagine, des résulEt on s’imagine soudain abandonner le carrefour tats glauquissimes qui ne ferait la joie que des teinturiers ; s’asBac/Raspail/Saint-Germain, la Mecque du design parisien, pour seoir sur un colossal cactus a de quoi rendre blême n’importe qui aller se meubler chez le crémier (les œufs et leurs boîtes), chez le (et le signataire de ces lignes qui se planta de dos sur un gros pépiniériste (les cactus) ou chez le bougnat du coin (bois et charcactus sait de quoi il parle !) ; et enfin, s’asseoir sur un fauteuil en flammes relève assurément de la série noire, surtout si on se bons). Mais bon, ne rêvons pas, les vrais agités, les vrais énervés, les laisse flamber jusqu’à plus soif… Bref, l’auteur (ou les auteurs) de ces trois sièges virtuels et malévrais dynamiteurs font rarement commerce de leur mauvais esprit, de leurs idées malicieuses, de leur humour corrosif. fiques est, soit un farceur, soit un agité du bocal, soit un méchant Rien à vendre, rien à acheter, rien à collectionner…on n’est pas, patenté. Mais, passé le gag, fusé le rire, évacuées les craintes, chassées les idées de cadeau vachard, l’imagination et la en ce domaine, dans le registre de la connaissance des formes, mémoire se mettent en marche. On se souvient, soudainement, mais bien plutôt dans celui d’une forme de connaissance. de cette série de “pelles à cul” qui ponctua les années 1970/80 : Edouard Michel.
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Keith s’improvise mateur de rues, l’espace d’une journée. Défilé de parisiens pressés sauce nature. Un jeu de couleurs, de formes, d’amplitudes. Côté pile ou côté face, ça passe…ou ça casse !
Sarouel marocain + kilt écossais = un truc en tweed qui pendouille de façon douteuse… Mais bien essayé !
Le look Billy Elliott revisité. Fallait y penser ! Dos bien droit et fesses bien accrochées, on tend son bras bien loin, délicatement, dès qu’un passant vous demande sa route. Classieux le mec !
Sac frangé pour look Pocahontas destroy : short élimé, marcels superposés, leggings violets… Surprenant !
C’est bien connu maintenant, avec ces conneries de pouvoir d’achat et de passage à l’euro, forcément ça coûte plus cher de se payer les collants en entier… Forcément on les prend par morceaux et forcément ça fait des économies…
Les dentelles, les bottes en daim, et la robe légère s’harmonisent bien. C’est joli, quoiqu’un peu sage. “Lâche le monstre !” comme dirait l’autre.
“Où sont les gosses avec le plus de classe ? Paris ! Où sont les shops avec le plus de marques ?”
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“A ton avis quelle est la ville avec le plus de stars ? Paris !” • Madonna, ••Julie Depardieu et •••Asia Argento… croisées en une seule après-midi. Rien que ça.
photos : Billal Taright.
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“Tu m’intrigues… vous êtes combien là-dessous ?” Exclusivité Keith, tendance été 2008, lâchez les Wayfarer et ressortez les bobs. Le must, c’est que, même par temps de pluie, ça fait gouttière. On adhère grave.
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La robe nouée à l’arrache, les pompes usées, la petite griffure sur la jambe qui clashent bien avec la blondeur et le sourire angélique. On valide !
Orange mécanique, Doc Martens et teint blafard. Envie de se pendre ?
ailleurs
CUBA Les possibilités d’une île.
Cuba va-t-elle changer avec la retraite de Fidel remplacé par son frère Raoul ? C’est le moment idéal d’aller explorer les possibilités d’une île où l’on n’a pas seulement le choix entre “faire la révolution ou mourir” comme le proclament partout de grands panneaux. Pour Keith, on a joué pour vous les agents à la Havane.
Cuba by day…
Ce qui frappe quand on débarque, sur la route qui mène de l’aéroport à La Havane, c’est quelque chose qui manque dans le paysage. Pas un seul panneau publicitaire. A Cuba, il n’y a pas de pub, pas de marque, pas de mode. Mais, mini-révolution, les habitants de cette île sans tentation viennent de recevoir le droit de posséder un téléphone portable (encore faut-il en avoir les moyens…). En revanche, il faudra attendre 2009 pour pouvoir acheter un grille-pain… C’est dire si l’absurdité mène le pays… Et si le pain fait défaut. Ce qui frappe aussi, quand on se promène à la Havane, c’est son œil noir qui est partout. Ici, ce n’est pas Big Brother qui vous surveille, ni Castro, frère ou frère, c’est le Che dans son éternelle jeunesse sur des cartes postales, calendriers, affiches…
Ce qui frappe, encore, quand on se ballade dans la vieille ville (Habana Vieja), c’est qu’on n’a jamais le sentiment d’être dans une ville musée. Pourtant, on est dans le plus grand centre colonial d’Amérique latine. L’explication est aussi simple que trouver un appartement est compliqué à la Havane : les palais, même dans le pire état, sont tous habités par des douzaines de familles entassées les unes sur les autres. Pour vous imprégner de l’ambiance, direction la Catedral de San Cristobal, exemple sublime de Baroque. Puis changement de genre avec le Museo de la Revolucion, installé dans l’ancien palais présidentiel du dictateur Batista. Devant, on peut voir le char que Fidel utilisa lors de l’opération de la Baie des Cochons.
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L’estomac dans les talons ? Empruntez l’une des nombreuses voitures anciennes – Chevrolet, Cadillac… – qui parcourent la ville et dont on pense que va sortir Al Capone (et dont descend… une riche russe !). Elles sont aussi rutilantes que leurs banquettes sont défoncées. Direction El Aljibe Restaurant (Avenida 7 ma. e/24 y 26, Playa. Tél : 204 1583/204 1584/204 4234) pour y manger le plat national : poulet avec riz blanc et haricots rouges. Pour le shopping l’après-midi, vous n’avez pas frappé à la bonne île. Evidemment, vous pouvez acheter des chapeaux en feuille de bananier ou des cigares dans des boutiques pour touristes, mais les magasins pour les Cubains sont désespérément vides.
Chaque habitant est pourvu d’une carte de rationnement mensuel qui lui permet de se ravitailler pendant… 21 jours. Le reste du mois, à lui de se débrouiller. Le cynisme du régime politique n’a d’égal que l’humour des habitants. Il y en aura sûrement un pour vous poser la devinette la plus célèbre de l’île. Quelles sont les trois fiertés des Cubains ? Le taux d’alphabétisation proche de 100%, un taux de mortalité infantile parmi les plus bas du monde, un nombre record de médailles olympiques par habitant. Maintenant, quels sont les trois problèmes des Cubains ? Le petit déjeuner, le déjeuner, le dîner.
ailleurs
Cuba by night
Direction le Malecon, promenade de 7 kms en front de mer, équivalent de la Croisette ou de la Promenade des Anglais. Les touristes y viennent pour le coucher de soleil, les Cubains pour flirter. Avant d’aller dîner, apéritif obligatoire au mythique Hotel Nacional établissement gigantesque, datant des années 1930 où descendirent tous les “people” du XXème siècle, de Joséphine Baker à Jean-Paul Sartre. Pour dîner, allez à la Bodeguita del Medio, restaurant rendu célèbre par Ernest Hemingway qui venait y boire des mojitos. On ne peut pas entrer dans un seul bar sans qu’on vous assure qu’Hemingway était un habitué. Le prix Nobel de littérature (il dédia son prix à ses amis cubains) avait beau lever le coude facilement, pas sûr qu’il fréquenta non plus TOUS les bars de la Havane ! Peu importe, mojito, daiquiri frappé, cuba libre ou havana especial… donne du rhum à ton homme comme dirait Moustaki ! Ici, on fait des cocktails parmi les plus réputés du monde. Pour aller au bout de la nuit, quel que soit le bar que vous choisissez, la musique sera de la fête. Un peu partout, c’est ambiance “Buena Vista Social Club”, le génial film de Wenders, et, en plus, on a le droit de fumer ! Il y a 32 marques de cigares cubains et donc le seul problème, c’est lequel essayer ? Les cubains vous tuyauteront volontiers, plus charmants, c’est difficile.
Cuba by books…
Curieux d’en savoir plus ou trop fauché pour vous envoler pour Cuba ? Découvrez l’île sans bouger de chez vous. Un classique : Notre agent la Havane de Graham Greene (livre de poche) raconte les aventures d’un représentant en aspirateurs qui devient espion malgré lui à la Havane à la veille de la révolution. Un roman : Tout le monde s en va, de Wendy Guerra (Stock). Comment peut-on être Cubain sous la révolution de Fidel Castro ? Réponse plein de charmes et de larmes de cette jeune romancière qui vient de recevoir le plus important prix de littérature en langue espagnole. Un polar : La Derni re Enqu te de l’inspecteur Rodriguez Pachon de José Luis Munoz (Actes Sud). Un tronc de femme décapitée sert de prétexte à une description épatante du règne de la débrouille qui permet aux Cubains de survivre. Une bande dessinée : Cuba p re et fils de Jacques et Pierre Ferrandez, dans la revue XXI. Mieux qu’un reportage et que beaucoup de grands discours politiques pour comprendre l’île.
Coup de cœur Keith : La Guarida.
Imaginez un palais aussi somptueux qu’en ruines. Empruntez l’escalier de marbre digne d’un film de Visconti, vous arriverez dans les restes d’une sublime salle de bal, bizarrement décorée aujourd’hui de fils où pend du linge en train de sécher. Le palais est divisé en appartements d’où s’échappent les images de télévisions allumées ou de dîner en train de se préparer. Montez encore un étage et vous arriverez au restaurant La Guarida. Vous êtes ici dans un appartement privé où a été tourné le film culte Fraise et chocolat, premier film cubain à parler d’homosexualité… Las d’être dérangés par des fans qui voulaient voir l’endroit “pour de vrai”, les propriétaires ont ouvert un restau divin. Spécialités : feuilletés d’épinards, cassolettes de fruits de mer, poulet au miel, frites de maïs et un fondant au chocolat qui vaut à lui seul le détour par la Havane. Le glamour est aussi dans la salle : vous pouvez y croiser Naomie Campbell ou Steven Spielberg… reservas@laguarida.com, téléphone : 866 9047. Concordia N°418 e/Gervasio y Escobar, Centro Habana, Cuba. Reportage Olivia de Lamberterie et Jean-Marc Piaton.
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profession
La star des étoiles.
Des jambes longues comme une nuit sans fin ; une grâce et une élégance absolument évidentes ; un sourire naturel et confiant ; un rire comme une cascade ; un regard comme aux aguets… et surtout, une simplicité confondante. C’est donc cela une danseuse étoile à l’Opéra de Paris ? Un curieux mélange de proximité immédiate et d’inaccessibilité fatale ? Quelque chose d’absolument charnel et d’absolument platonique à la fois… En tous cas, c’est ainsi qu’apparaît Marie-Agnès Gillot qui a su mêler, avec légèreté et densité, danse classique et hip hop.
Keith : Comment ça naît une vocation de danseuse ? Spontanément ? Pression familiale ? Marie-Agnès : Pas la moindre pression pour ce qui me concerne. Ni familiale, ni autre. Non, c’était juste une évidence pour moi. Déjà en CM1, je disais à mes copines que je savais, moi, ce que je voulais faire. Keith : L’arrivée à l’Opéra ? Marie-Agnès : Mon professeur de danse à Caen a dit à mes parents qu’ils devraient m’inscrire à l’Ecole de Danse à l’Opéra de Paris. Et j’ai été reçue immédiatement, à l’âge de 10 ans.
Keith : C’est quoi la danse, du travail, du mouvement, de la gestuelle… ? Marie-Agnès : Du travail avant tout. Huit heures par jour en rythme de croisière. Les danseurs sont des athlètes tu sais. Et tout ce travail pour acquérir le mouvement et la gestuelle bien sûr. Mais au-delà de la seule discipline de vie, de la maîtrise technique, c’est surtout et avant tout le don de soi. Keith : Le plus difficile, le plus facile ? Marie-Agnès : Le plus difficile, c’est la confiance en soi. Le plus facile, saluer à la fin…
Keith : Pas trop dure comme école ? Marie-Agnès : Je sais que l’Ecole de Danse de l’Opéra a une réputation de dureté et d’effort. Je sais aussi que la directrice Claude Bessy a une réputation d’extrême sévérité. Mais moi, je trouvais tout enchanteur et délicieux. Quant à Madame Bessy, je lui dois beaucoup.. Keith : Tu intègres le corps de ballet à 14 ans et demi. Ce n’est pas un peu tôt ? Marie Agnès : D’ordinaire, on intègre à 18 ans. Parfois, moyennant dispense, il arrive qu’à 17 ans, voire à 16 ans… Pour moi, c’était une super-dispence ! Mais c’est vrai aussi que je mesurais déjà 1,73 mètre… Keith : Comme si la taille avait à voir là-dedans ! Parlons plutôt talent… D’ailleurs, la progression se fait vite : Quadrille en 1991, Coryphée en 1992, Sujet en 1994, Première danseuse en 1999… Que signifient d’ailleurs ces mots, des grades ? Marie-Agnès : Nous, nous disons plutôt des classes. Mais ma progression est normale. Je suis arrivée très tôt, mais après, tout s’est passé à un rythme habituel. Keith : Tu as dansé, et continues, sur les chorégraphies des plus grands : Petipa et Béjart, Forsythe et Neumeier, Noureiev et Nijinsky, Balanchine et Robbins, Bagouet et Larrieu, Belarbi et Preljocaj… Tu as une ou des préférences ? Marie-Agnès : Non, aucune. De la diversité, des différences naît la plénitude. Je ne pourrais pas me cantonner à un genre, à un style, à une écriture. J’ai envie et besoin de me confronter à tous les registres. Ce qui est vrai, c’est que certains chorégraphes ont été de vraies étapes dans ma vie, m’ont fait grandir, m’ont appris beaucoup sur moi-même. Je pense notamment à Pina Bausch, à Pierre Lacotte ou à Mats Ek qui m’ont fait danser des rôles inattendus, voire improbables et qui, pourtant, avaient raison. Je pense aussi à Carolyn Carlson et à son ballet Signes à l’issue duquel j’ai été nommée danseuse étoile. Mais une fois encore, chaque expérience est unique, enrichissante, et repousse les frontières.
Keith : Tu voyages beaucoup avec le corps de ballet ? Marie-Agnès : Oui. Le Japon avant toute chose, mais aussi le Brésil, les Etats-Unis, l’Australie, Dubaï… Keith : Tu as récemment chorégraphié et donné une pièce, intitulée Les rares diff rences, faisant référence à Rodin et où le hip hop est très présent. De quoi s’agit-il ? Marie-Agnès : Je pense que la différence, les différences, sont la qualité, les qualités premières de l’être humain. Donc… Pour Rodin c’est autre chose. J’aime flâner dans le jardin du Musée Rodin, tout prés de chez moi. Et là, à chaque fois, j’ai le sentiment que les statues dansent. L’idée et la chorégraphie sont nées de ce constat impalpable. Mais Rodin est un sculpteur puissant, et ses personnages tout en muscles. Les danseurs classiques sont longs, élancés, minces. Alors que les danseurs hip hop ont une vraie densité physique, une musculature proche des personnages de Rodin. Voilà pourquoi j’ai voulu mêler classique et hip hop et choisi de danser avec ces merveilleux danseurs que sont Brieuc Carpentier et Marc Mandravaheloka plus connu sous le nom de Fish. Et puis, encore et toujours, mêler les différences, explorer de nouveaux territoires… Keith : Paul Valéry disait : “Mettez des chaussons trop petits à des danseuses, elles inventerons de nouveaux pas”. Qu’en penses-tu ? Marie-Agnès : Qu’il s’agit d’une merveilleuse leçon d’optimisme. Propos recueillis par Gilles de Bure.
Keith : Chorégraphe disparu, chorégraphe vivant ? Marie-Agnès : C’est évidemment plus difficile, plus risqué, plus exigeant avec un chorégraphe vivant. Mais cette exigence est un moteur et un excitant. K?-72
photo : Lisa Roze
rétroviseur
L’événement de l’année : le premier Moonwalk de Michael Jackson. Le 16 mai 1983, une émission spéciale est organisée pour fêter les 25 ans du célèbre label Motown. Michael Jackson, ancien de la maison, accepte à contre cœur de venir y participer. Sur la lancée du succès phénoménal de son album Thriller, sorti en décembre 1982, il est celui que tout le monde attend. Et il le sait. Lorsque les premières notes de Billie Jean se font entendre, on sait qu’il va se passer quelque chose d’exceptionnel. Michael est en transe, danse comme il ne l’a jamais fait. Soudain, il effectue pour la première fois son pas de danse devenu depuis légendaire : le Moonwalk. Le public est immédiatement conquis. En une seconde, il est passé du statut de chanteur à succès à celui de roi de la pop. Plus rien ne sera jamais plus comme avant. La plus grande star de la musique vient de naître. Rien à voir avec aujourd’hui, où les chanteurs deviennent des “stars” aussi vite qu’on oublie ensuite leur nom. Non. Michael est réellement devenu un dieu ce soir. Cerise sur le gâteau, juste après son show, Fred Astaire lui envoie un télégramme marqué de ces mots : “Je suis un vieil homme, j attendais la rel ve. Merci.”. Tout simplement. Basile de Bure.
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Carnet de naissances.
Comme dans chaque numéro, un petit aperçu des naissances de 1983. Amusant d’observer que beaucoup des idoles d’aujourd’hui sont nées la même année… Mika, Amy Winehouse et Christophe Willem : une année prolifique en futurs tubes ! Ronny Turiaf, Franck Ribery et Dimitri Szarzewsky : bon cru pour le sport français. Mélanie Laurent, Daria Werbowy et Clémentine Goldszal : trois registres différents, mais trois beautés à couper le souffle. Et enfin Nicky Hilton, parce qu’il fallait bien citer quelqu’un dont on puisse se moquer !
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illustration : designJune
1983 Pourquoi 1983 ? Parce qu’à l’époque…
… on écoutait David Bowie ! : Tournant dans la carrière du créateur de Ziggy Stardust : finies les valeurs anxiogènes du passé, place à un ton plus joyeux. Let s Dance se vend à quatorze millions d’exemplaires, le clip passe en boucle sur MTV et son concert à Paris réunit cent mille spectateurs ! D’autres futurs classiques se préparent plus discrètement : Run DMC enregistre ses premiers morceaux et les Red Hot Chili Peppers se forment. Mais c’est surtout un air d’Amérique Latine qui sonne à nos oreilles : le panaméen Ruben Bladès fait triompher la salsa à New York et Tango Argentino de Claudio Segovia et Hector Orezzoli triomphe au Théâtre du Châtelet. … on découvrait le vrai père de Luke : Les sorties, à quelques mois d’intervalles, du Carmen de Carlos Saura, Carmen de Francesco Rosi, Pr nom Carmen de Jean-Luc Godard et ¸ nos amours de Maurice Pialat, marquent le retour de l’amour fou au cinéma. Tant mieux ! Dans un autre registre, sortie de Scarface de Brian de Palama, dont la fameuse scène de la tronçonneuse glace encore le sang ; mais surtout du Retour du Jedi de Georges Lucas, troisième volet de la trilogie culte. Certainement inspiré par Luke Skywalker et ses amis, Ronald Reagan qualifie alors l’URSS d’ “Empire du mal”. Youri Andropov avec un casque de Dark Vador, ça aurait eu de la gueule !
… Léopold Sédar Senghor éclipsait Klaus Barbie : La même année, arrestation et expulsion de Klaus Barbie à la Paz et inculpation de Maurice Papon de crime contre l’humanité. Dans le même temps, la marche contre le racisme à Paris le 3 décembre réunit soixante mille personnes, et Léopold Sédar Senghor devient le premier noir élu à l’Académie française. … on se faisait des guerres absurdes : Une guerre, trois noms : la guerre des Malouines (pour les Français), des Falklands (pour les Anglais) et des Malvinas (pour les Argentins). Un conflit absurde et plein de contradictions, comme le souligne très pertinemment Elvis Costello dans son formidable Shipbuilding. … on inventait enfin des trucs utiles ! : Lancement la même année du premier caméscope grand public, du premier ordinateur personnel, du premier aspirateur Dyson, de la première montre Swatch et du premier lecteur laser et CD. Vive le progrès ! … des sportifs français gagnaient : Laurent Fignon remporte le tour de France, mais surtout, Yannick Noah triomphe de Mats Wilander en final de Roland Garros ! On attend toujours la relève…
La playlist Keith 1983.
Thriller – Michael Jackson (Thriller) Let s Dance – David Bowie (Let s Dance) Everyday I Write The Book – Elvis Costello (Punch The Clock) The Reflex – Duran Duran (Seven And The Ragged Tiger) Lick It Up – Kiss (Lick It Up) Buffalo Soldier – Bob Marley and The Wailers (Confrontation) Sunday Bloody Sunday – U2 (War) The Trooper – Iron Maiden (Piece Of Mind) It s Like That – Run DMC (It s Like That) L Aventurier – Indochine (L Aventurier) D s que le vent soufflera - Renaud (Morgane de toi)
minuscules
petit portrait en minuscules d'un artiste quasi majuscule
saint denis factory fred bred par augustin t. / photos laure b.
monsieur nostalgie. c’est un petit atelier au dernier étage d’un vieil immeuble de la rue saint denis. un véritable capharnaüm rempli d’objets qu’il a pris soin de bien ranger mais qui débordent sur le pallier, jusque dans l’escalier. fred bred a 34 ans, toutes ses dents, mais il a gardé son imagination d’enfant. autour de lui, quelques poupées vaudou qu’il appelle ses “doodoos”, un mannequin tarabiscoté dont il a tiré une lampe, des pistolets en tissu rembourrés comme des oreillers et de vieilles peluches qu’il a prévu de solidifier. assis dans son fauteuil, cigarette au bec et sourire au coin des lèvres, il nous raconte avec malice son parcours d’autodidacte – sur un air de nina simone. tout commence par deux livres qu’il découvre sur le tard, l’un sur basquiat et l’autre sur le pop art. suivent keith haring, warhol et rauschenberg – ces artistes dont il aime l’histoire et dont les oeuvres semblent accessibles à tous. le jeune fred leur doit presque tout et ne cesse de leur rendre hommage, au fil des années, par son regard ironique sur la culture de masse, son goût prononcé pour la sérigraphie et ses nombreuses compositions à la gloire de l’amérique. s’il ne se prive pas de glisser ça et là quelques clins d’oeils sur notre époque, fred bred avoue d’emblée son penchant pour le passé : “le vieux m’intéresse plus que le moderne”. son book est d’ailleurs une pile de polaroïds qui ressuscitent pêle-mêle l’album “sgt. pepper’s” et l’affiche de “blow-up”, un héros de manga ou un gangster des années trente, ella fitzgerald, les marx brothers, une ménagère euphorique et une femme fatale… dans ses toiles aux couleurs vives mais patinées, il tricote le vintage et détourne les fantasmes d’hier avec une pointe d’humour et beaucoup de nostalgie.
artiste à tout prix. il suffit de deux tableaux qu’il expose en l’an 2000 dans son petit village des côtes d’armor pour que l’on s’intéresse à son travail. la carrière de fred bred est loin d’être lancée mais il est invité à l’université paris dauphine, dans le cadre d’un concours où jean-charles de castelbajac lui remet un prix spécial et lui réserve deux toiles. il s’installe alors à paris et multiplie les petites expositions dans les cafés du coin et les bars de quartier. très vite, ses tableaux se vendent comme des petits pains et son avenir tout tracé de clerc de notaire est jeté au panier. “je n’étais pas vraiment préparé à vivre cette vie là”, dit-il en s’excusant de son côté bohème. s’il a fait de son art un véritable métier, fred bred concède qu’il est toujours en marge de la réalité. rêveur invétéré, il promène autour de lui son regard décalé et ponctue chacune de ses réponses d’anecdotes désopilantes sur tout ce qui l’amuse dans la vie de tous les jours – depuis son étonnement quant à l’existence de nouveaux métiers (“responsable d’un plan de financement de logistique informatique sur la gestion de l’entreprise…”) jusqu’aux conversations mondaines des amateurs d’art moderne (“le soulages noir est à tomber !”). en écoutant ce curieux personnage, vrai faux timide drôle et attachant, on comprend mieux la poésie qui se dégage de ses toiles. il y a deux ans, fred bred a fait son entrée dans trois galeries qui s’en félicitent aujourd’hui et présentent régulièrement son travail à paris, londres et bruxelles. sans parler de new york où sa version frenchie de l’imagerie pop a séduit la très médiatique “affordable art fair”. sauver de l’oubli. fan de brocantes et champion de la récupération, fred bred manque d’espace pour figer le temps qui passe. à l’image de son atelier, chacune de ses toiles regorge d’icônes d’antan qu’il puise dans de vieux magazines, de life à paris match en passant par le petit écho de la mode. c’est qu’il aime à rassembler une multitude de fragments pour les sauver de l’oubli. ainsi de cette montre à gousset qu’il a trouvé dans une poubelle avec la photo du vieux monsieur à qui elle appartenait. ce qui compte, c’est moins l’objet que son histoire – une histoire qu’il n’hésite jamais à broder, au sens propre comme au sens figuré. ses grandes découvertes sont ces petits riens qu’il a chiné ou déniché pour leur permettre de subsister, “d’avoir une seconde vie”. et son rêve à lui, c’est de pouvoir les exposer autre part que dans ses toilettes ! à terme, il aimerait même les intégrer dans son art, à la manière d’un arman qui assemble et accumule toute sorte d’objets dans ses sculptures. “j’aimerais ouvrir un jour un atelier boutique”, dit-il en présentant les nombreux jouets d’enfants qu’il a confectionné. si chacune de ses pièces est unique, c’est qu’il refuse l’industrialisation et la reproductibilité de son œuvre : “dès l’instant où l’on rentre dans le circuit officiel, il faut produire et décliner. moi je n’ai que des prototypes”. modeste comme tous les plus grands, fred bred ne s’épanche pas trop sur la signification de son art mais laisse ses tableaux parler pour lui. dans un coin de son atelier, il garde précieusement ces toiles inachevées qui n’ont pas encore trouvé leur histoire mais devant lesquelles il accepte, en toute logique, de se faire tirer le portrait. www.fredbred.fr affordable art fair à new york city du 12 au 15 juin 2008, galerie envie d’art à londres, bruxelles et paris, galerie art jingle à paris, et galerie memmi à paris.
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keith by night
Live report : LSD.
Apocalypse show.
On s’est fait parachuter quelque part au dessus de Hué et on a foncé jusqu’à la station République (populaire du Vietnam), pour arriver devant le Gibus, QG de la presse. Ça faisait presque vingt piges que je n’étais pas venu là ; à l’époque c’était pour un concert des Klingons… Ça faisait quelque chose, de remettre les pieds dans la salle ou j’avais découvert Agnès Soral dans Tchao P a n t i n Des éclats de verre et quelques gars la mine défaite me sortent de mes rêveries. Il y a déjà une baston. Et d’après ce que j’entends venir d’une meute aux docs aussi luisantes que leurs crânes rasés, ce ne sera pas la dernière… Pas le temps de s’inquiéter, on est en pleine fête du têt. Mais les feux d’artifices sont couverts par des coups de cymbales, de charleys et de caisses claires ressemblant à un bombardement ; tandis que des riffs, comme sortant d’un AK 47, raisonnent. La bagarre commence, je cours comme un poulet sans tête essayant juste de sauver ma peau. Je me planque dans une sortie de garage, vérifie que mon Fuji est chargé jusqu’à la gueule, et voit la musique, telle une vague de napalm, se répandre dans la salle et y mettre le feu. Je suis planqué, observant la vague d’assaut embarquer au corps à corps tout le public… Quoi de plus normal que de voir des mustélidés s’imposer en pleine année du rat. LSD roule depuis près de trente ans. Et son empire s’est construit sur scène.
Je me fais alpaguer par une fougueuse Brigitte Bardot cambodgienne, qui me projette au cœur de la mêlée… Pas de calcul, je mitraille comme un ouf. Pas de snippers en première ligne, juste shooter jusqu’à ce que le combat cesse, ou pire, qu’il n’y ait plus de pellicule. Pas de risque de manquer de sujets, la raya chauffe la fosse, les seigneurs ne sont plus tous jeunes, certains sont là depuis la fin des années soixante-dix. Survivants de temps héroïques descendant de la banlieue rouge à la recherche de beaucoup de libertés. Blousons noirs errant à la station Rome ou renversant les poubelles parce qu’il n’y a rien d’autre à faire dans une ville d’esclaves… De toute manière comment lutter avec une chaîne de vélo face à une chaîne de télé… Sûrement avec un dernier pogo à Paris, mais sans haine, les jeu-
nes sauvages sont solidaires. Et c’est ce qui se passe. Le sax résonne comme un stuka en piqué et lâche ses notes comme autant de bombes rythmiques. Le reste du groupe est à l’unisson, en une demi-heure, trente années de rock’n’roll suicidaire sont balancées avec puissance et charisme. Car c’est là le secret de la souris, d’autres jouent plus vite ou plus fort, peutêtre même mieux, mais la personnalité et le charisme de la bande font la différence. Ils n’ont pas besoin de s’imposer, ils ont déjà gagné… J’aimerais être à Hong Kong avec des demoiselles de Ventiane, mais je suis en plein combat, assistant la chute de Saigon, entouré de Viet Kieus me prévenant “Fais pas le con» lorsque résonne “Enfants, profitez de la guerre la paix sera terrible”… Un sombre avertissement, c’est l’assaut final, la souris est enragée, elle ne fera pas de quartiers… Damned ! Plus de batteries. Profitant d’un bop de la dernière chance, je me lance dans le pogo. Ça pousse, ça frotte, odeur de sueurs… Je m’en mange un. Je me retourne, prêt a avoiner en retour et je vois une demidouzaine de meufs qui, à elles toutes, ne doivent pas peser le poids d’une Harley. Qu’importe, elles vont rendre coup pour coup dans la fosse. Un keupon monte sur la scène et slam. Il redescend une minute après, fétu de paille sur une mer de mains… Moment terrifiant autant que jouissif à vivre. L’enfoiré ! J’avais voulu le faire mais sans oser. Voilà la différence des quinze ans qui nous séparent… Réflexion d’un vétéran sur la zone de combat. Et le combat cesse, faute de combattants. On sort, restant sur notre faim (les concerts sont comme les nuit, ils finissent toujours trop vite). Mais la débauche d'énergie, la fureur, l'émotion ont étés si intenses qu'on n’aurait de toutes manières pas tenu beaucoup plus longtemps sur la zone de front. Et voilà : war is o v e r J'aurais aimé partir avec Yasmina à bord d’une granadamock82. Mais je me traîne, aphone et en sueur, jusqu'à un bus où je serai trimballé comme un sac de riz, direction Bangkok et ses princesses de la rue. Muntz Termunch.
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écrivez-nous
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Vous avez des idées, des textes, des photos que vous savez correspondre à l'esprit de Keith, adressez les nous : au journal : 37, rue des Mathurins. 75008 Paris. sur notre site : www.whoiskeith.com et peut-être aurez-vous la chance de les voir publiés, dans le magazine ou sur le site.
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ABONNEMENT
Ok, 2,50 euros le numéro pour un magazine gratuit, ça ne semble pas l’affaire du siècle. Mais imaginez le plaisir de recevoir CHEZ VOUS, ce rutilant magazine, vous qui ne recevez d’habitude que des factures et des pubs. Souvenez vous de l’émotion qui vous étreignait quand, petit, vous receviez du courrier POUR VOUS ! Pas la peine d’aller écumer les lieux les plus branchés de la capitale (qui se trouvent parfois très loin de chez vous !) pour trouver Keith. Finie l’angoisse de rater un numéro. Bonjour le plaisir d’être toujours à la page. Un luxe pareil ça vaut bien 15 euros par an non ? Et puis songez-y : dans quinze ans, la fierté d’exhiber votre collection COMPLÈTE de Keith, et de pouvoir dire : “J’Y ÉTAIS !”. “J’ai fait partie de leurs tous premiers abonnés, à une époque où l’on ne savait même pas s’ils allaient passer le cap du deuxième numéro”. (On ne vous le cache pas, c’est un risque ! NDLR) Bref, si l’on devient, comme il est prévu dans notre “business-plan”, le magazine de référence de la jeunesse mondiale, le symbole de toute une génération, et bien, ce sera un peu... grâce à vous. *Pour passer à l’act, rendez-vous sur www.whoiskeith.com
où nous trouver
01/
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Lézard Café. 32, rue Etienne Marcel / Kiliwatch. 64, rue Tiquetonne / Café Etienne Marcel. 64, rue Tiquetonne / QBUnit. 4, rue Tiquetonne / Royal Cheese. 24, rue Tiquetonne / Le Pin Up. 13, rue Tiquetonne / Haya. 102, rue Montmartre
03/
La B.A.N.K. 42, rue Volta / Galerie Eva Hober. 16, rue Saint-Claude / Galerie Chez Valentin. 9, rue Saint-Gilles / Café Baci. 36, rue de Turenne / Galerie Polaris. 5, rue Saint-Claude / La Perle. 78, rue Vieille du Temple
04/
Café des Phares. 7, place de la Bastille / Noir Kennedy. 12, rue du Roi de Sicile / Amnésia. 42, rue Vieille du Temple / L’Etoile Manquante. 34, rue Vieille du Temple / La Chaise au Plafond. 10, rue de Trésor / Féria Café. 4, rue Bourg Tibourg / L’Etincelle. 42 bis, rue de Rivoli / Lizard Lounge. 18, rue du Bourg Tibourg / Calourette. 23, rue du Bourg Tibourg / Quaterback. 21, rue Vieille du Temple / Les Marronniers. 18, rue des Archives / Art Génération. 67, rue de la Verrerie / Le Drapeau. 10, rue du Temple / Open Café. 17, rue des Archives / Comptoir des Archives. 41, rue des Archives / Le Chinon III. 56, rue des Archives / Le Cox. 15, rue des Archives / Moto 777. 52, rue du roi de Sicile
05/
Café Delmas. 2, place de la Contrescarpe / Café Léa. 5, rue Claude Bernard / Aux Délices d’Agathe. 42, rue Broca / Le Contrescarpe. 57, rue Lacépède / Shebeen. 16, rue du Pot de Fer
06/
La Hune Librairie. 170, boulevard SaintGermain / Les Deux Magots. 6 place Saint-Germain des Prés / Lipp. 151, boulevard Saint-Germain / Le Vavin. 18 rue Vavin / Lotus Café. 101, boulevard du Montparnasse / Le Select. 99, boulevard du Montparnasse / L’Atelier. 95, boulevard Saint-Germain / Café Jade. 10, rue de Buci / Les Etages. 5, rue de Buci / Les Editeurs. 4, carrefour de l’Odéon / O’Prince. 52, rue Monsieur Le Prince / Lucernaire. 53, rue Notre Dame des Champs / Le Chartreux. 8, rue des Chartreux / Café de la Mairie. 8, place Saint-Sulpice / Coffee Parisien. 4, rue Princesse / La Palette. 43, rue de Seine / Café des Beaux Arts. 7, quai Malaquais / Galerie Kamel Mennour. 47, rue SaintAndré des Arts / Lina’s. 13, rue de Médicis / Bar de la Croix-Rouge. 2, place Michel Debré / Le café de Flore. 274, boulevard Saint Germain / La marine. 59, boulevard du Montparnasse
07/
Mucha Café. 227, boulevard SaintGermain / 7L Librairie. 7, rue de Lille / Basile. 34, rue de Grenelle / Le Bizuth. 202, boulevard Saint-Germain
Lina’s. 61, rue Pierre Charron / Buddha Bar. 8 rue Boissy-d’Anglas / Le Paris London. 16 place de la Madeleine / Le Mini Palais. 3, avenue Winston Churchill
20/
La maroquinerie. 23, rue Boyer / La Flèche d’Or. 102 bis, rue de Bagnolet
Ecoles/
Librairie l’Atelier 9. 59, rue des Martyrs / Wochdom. 72, rue Condorcet / La Galerie des Galeries. 40, boulevard Haussmann / L’Hôtel Amour. 8, rue de Navarin / Lazy Dog Citadium. 50, rue Caumartin
10/
Le Point Ephémère. 200, quai de Valmy / Poêle Deux Carottes. 177, quai de Valmy / Le Chaland. 163, quai de Valmy / La Tipica. 4, rue Eugène Varlin
Chambre Syndicale de la Haute Couture. 45, rue Saint Roch. 75001 / ECV. 1, rue du Dahomey. 75011 / Ecole Camondo. Les Arts Décoratifs. 266, boulevard Raspail. 75014 / ESRA. 198, rue Lourmel et 135, avenue Felix Faure 75015 / Ecole Architecture Paris Belleville. 78, rue Rebeval / Ecole Architecture Paris La Villette. 144, avenue de Flandres. 75020 / EICAR. 50, avenue du Président Wilson. Saint-Denis / ESSEC. Cergy-Pontoise / EFAP. rue Pierre Charon. 75008 / HEC. Jouy en Josas
11/
Lazy Dog. 2, passage Thiéré / Café Fusain. 50, avenue Parmentier / Favela Chic. 18, rue du Fbg du Temple / Café Justine. 96, rue Oberkampf / Café Charbon (Nouveau Casino). 109, rue Oberkampf / La Marquise. 74, rue Jean-Pierre Timbaud / Au Chat Noir. 76, rue JeanPierre Timbaud / Le Bastille. Place de la Bastille / L’An Vert du Décor. 32, rue de la Roquette / Pause Café. 41, rue de Charonne / M. and W. Shift. 30, rue de Charonne / Bataclan. 50, boulevard Voltaire
Où?
12/
Le Saint Antoine. 186, rue du Fbg Saint Antoine
13/
Les Cailloux. 58, rue des Cinq Diamants / Le Marijan. 20 bis, boulevard Arago
14/
Dalea. 13, boulevard Edgar Quinet / Apollo. 3, place Denfert Rochererau / Zinc D’enfer. 2, rue Boulard / Zango. 58, rue Daguerre / Les Artistes. 60, rue Didot / Café D’enfer. 22, rue Daguerre
16/
Le Tsé. 78, rue d’Auteil / Librairie du Palais de Tokyo. 13, avenue du Président Wilson
18/
Galerie W. 44, rue Lepic
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illustration : designJune
Colette. 213, rue Saint Honoré / Le Fumoir. 6, rue de l’Amiral Coligny / Le Paris Paris. 5, avenue de l’Opéra / Aimecube. 7 rue Vauvilliers