Alice Anderson_Fred Bred_Fancy_The Futurheads_Thomas Lélu_David Lynch_Jean-Pierre Mocky_Andrew Orr_Sébastien Thoen_Zazon
édito
La superstar mondiale et le martyre vietnamien. Barack Obama vient d'être élu président des Etats-Unis avec plus de 53% des voix. Une victoire écrasante. Le discours qui suit l'annonce du résultat, diffusé sur toutes les télés du monde, est suivi par près de 3,5 milliards de téléspectateurs. Le pape Benoît XVI, Nelson Mandela, le Dalaï Lama et Bono de U2 ont fait le déplacement pour féliciter et embrasser le nouveau chef du monde. Kanye West danse le rock avec Hillary Clinton. Stevie Wonder tombe dans les bras de Georges Clooney. La fête est magnifique. Dans la foulée, Barack annonce sa première mesure : le retrait immédiat de toutes les troupes américaines d'Irak, d'Afghanistan et d'ailleurs. On vient de retrouver le corps de John McCain dans son bureau, une balle de Desert Eagle dans le crâne. Sarah Palin est déjà dans son avion pour Fairbanks. Plus jamais elle ne quittera l'Alaska. Tout est bien qui finit bien. John McCain vient d'être élu président des Etats-Unis avec 50,00000001% des voix. Le parti démocrate, persuadé d'avoir encore été piégé, demande le recompte des voix, qu'il n'obtiendra jamais. Le discours qui suit l'annonce du résultat fait froid dans le dos. Georges Bush a fait le déplacement pour embrasser son successeur. Arnold Schwarzenneger danse le rock avec Sylvester Stallone (la scène ressemble à un match de catch). Sarah Palin n'est plus qu'à une crise cardiaque de la Maison Blanche. La fête est terrifiante. Dans la foulée, John annonce sa première mesure : attaquer avant la fin de l'année prochaine la Corée du Nord, la Somalie, la Russie, l'Iran, la Chine et la Belgique. Barack Obama, très digne, assume sa défaite et rejoint les camps d'entrainement d'Al Qaida. Le monde vient de plonger la tête la première dans l'ère de la peur. Ces deux perspectives sont bien différentes. Jamais le sort d'une élection américaine n'avait été aussi indécis, et n'avait proposé deux issues aussi radicalement opposées. Si les média en ont fait leur star, le monde son héros, les artistes leur emblème, il parait presque convenu aujourd'hui de soutenir le candidat démocrate. Mais au-delà de l'effet de mode, Barack Obama est l'incarnation d'une génération et d'un nouveau mode de pensée. Qui aurait pu imaginer un président noir aux Etats-Unis il y a quarante ans ? Personne ! Alors plus que tout, Barack Obama prouve simplement que tout est possible, que tout peut arriver. Une idée qui pourrait être la baseline de Keith. Mais ne rêvons pas, la Maison Blanche ne s'appelle pas comme ça pour rien. Alors préparez vos sacs de sucre et vos abris antiatomiques : la fin du monde est peut-être proche. Basile de Bure.
KEITH 37, rue des Mathurins – 75008 Paris www.whoiskeith.com Direction : directeur de la publication Benjamin Blanck, benjaminblanck@keith-mag.com Rédaction : directeur de la rédaction Basile de Bure, basiledebure@keith-mag.com directeur artistique / illustrations Julien Crouigneau (designJune), julien@designjune.com rédacteurs en chef adjoints Léonard Billot, leonardbillot@keith-mag.com Clémentine Goldszal, clementinegoldszal@keith-mag.com
Rubriques : - cinéma : Stan Coppin - art : Dorothée Tramoni - musique : Mateusz Bialecki, Donatien Cras de Belleval, Clémentine Goldszal, Benjamin Kerber, François Kraft - théâtre : Nicolas Roux - littérature : Léonard Billot, Augustin Trapenard - design : Edouard Michel - mode : Clara Piaton Ont collaboré à ce numéro : Judith Allenbach, Charles de Boisseguin, Dorian Dawance, Aline Diépois, Alphonse Doisnel, Mathilde Enthoven, Thomas Gizolme, Alain Guillerme, Juste Kimmerlin, Olivia de Lamberterie, Céline Laurens, Giovana Martial, Pierre de Rougé, Muntz Termunch, Kenza Verrier Photographes : Laure Bernard, Sophie Jarry, Lisa Roze, Billal Taright K?-03
Special Thanks : Simon Battaglia, Philippe Blanck, Christine Borgoltz, Delphine Brunet, Aïna de Bure, Eglée de Bure, Gilles de Bure, Andreas Cohen, Barbara Dumas, Alexandre de Lamberterie (créateur du logo Keith), Sébastien Moreu, Romain Smadja. Le magazine KEITH est édité par la société WHO IS KEITH ? SARL au capital de 1000€ RCS Paris 492 845 714 ISSN en cours. Dépôt légal à parution. imprimé en France ne pas jeter sur la voie publique
sommaire • A l’antenne :
Louise Bourgoin VS Pauline Lefèvre p.6-7 • Dossier :
De l'ombre à la lumière p.8-13 • Cinéma :
Blindness, Tokyo, Mange ceci est mon corps, My Magic, Miracle à Santa Anna, Sukiyaki Western Django, Antoine de Caunes p.15-17 Blackciné p.18-19 Léa Seydoux p.20-21 • Art :
Gainsbourg p.23 Patchwork : les expos à voir p.24-27 Anri Sala p.28-29
• Musique :
• Théatre :
Beyond The Wizards Sleeve, Emiliana Torrini, James Yorkston, Oasis, Of Montréal, Tilly and the Wall, Black Kids, Brooklyn, Cazals, Cold War Kids, Housse de Racket, Second Sex, Joseph Arthur, The Streets, The Virgins p.30-35 The Mantis p.36-37 Spleen & Hugh Coltman p.38-43 Les concerts du mois dernier p.44-45 • Littérature :
David Foenkinos, Isabelle Nanty, Zabou Breitman, Le malade imaginaire contre Fantasio p.56-57
• Profession :
Six Feet Under p.72-73
• Rétroviseur :
1966 p.74-75
• Design :
Men in Black p.58-59
• minuscule :
lucie & simon p.76-77
• Mode :
Back to Black p.61-69 • Ailleurs :
Rentré littéraire : Tristan Garcia, Tristan Jordis, Frédéric Ciriez p.47 Sylvie Germain, Bertina Henrichs, Marie Nimier, Alice Munro, The Clash, Jean-Paul Enthoven, Xavier Gual, Michel Faber, Emmanuelle Bayamack-Tam P.48-51 Colombe Schneck p.52-53 Hugues Micol p.54-55
Dunkerque : Bienvenue chez les Ch'tis p.70-71
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• Keith by night
Kuta beach, rotten paradise p.78-79
à l’antenne
Louise Bourgoin VS Pauline Lefèvre. On savait que ça arriverait un jour, mais on n'osait pas y penser. Après deux ans de bons et loyaux services, notre chérie Louise Bourgoin abandonne la météo du Grand Journal. Le petit rayon de soleil du PAF n'illuminera plus nos écrans, du moins les petits. Alors autant le dire tout de suite, on attend sa remplaçante au tournant. Mais visiblement, la pression ne fait pas peur à Pauline Lefèvre, qui entend bien faire oublier le sourire de Louise le plus vite possible. Louise ou Pauline ? Pauline ou Louise ? Petit face à face pour vous aider à trancher. Parcours.
Louise - Diplômée des Beaux-arts de Rennes, peintre en herbe, présentatrice sur Filles TV puis sur Direct 8 : à son arrivé au Grand Journal, Louise a déjà un sacré bagage. Mannequin à ses heures perdues (elle a notamment posé pour Ian Sanderson), elle sait déjà séduire l'objectif, et ça se sent. Pauline - Arrivée en mai 2008 sur M6, Pauline ne fait qu'un passage éclair sur la chaîne avant de s'éclipser sur Canal. Aperçue auparavant sur Direct 8, elle n'a cependant pas l'habitude de la pression des grandes chaînes ; mais à l'air tellement content d'être là qu'on lui pardonne ses hésitations.
bien partie pour durer. Pauline - Succéder à Louise reste un exercice piège, et Pauline en assumera certainement les frais. Mais elle doit surtout éviter de se comparer à elle. Ça n'est que le début, il lui reste tout à prouver. Et on est impatient de voir ce que ça va donner. Pauline, déjà adoptée ! Basile de Bure. Pauline
Minois.
Louise - Messieurs avouons le : au début, nous ne regardions le Grand Journal que pour elle. Allumé en bruit de fond, nous nous ruions vers notre poste aux premières notes de Young Folks. Son sourire, une vraie drogue, nous scotchant littéralement à nos canapés Habitat. Louise n'est pas une « belle » fille, mais a ce charme qui nous ferait vendre notre âme au diable pour être invité sur le plateau, assis en face d'elle. Pauline - Elle, est une vraie belle fille. Mais elle a aussi ce charme particulier, cette originalité dans les traits, ce sourire plein de fraicheur qui fait qu'on ne peut détourner ses yeux. Il lui manque cependant cette petite lueur dans le regard qui faisait toute la sensualité de Louise. Quotient humoristique.
Louise - Qui ne se souvient pas de son “Jus de l'eau” adressé à Jude Law ? Avec ses sketches, c'est un vrai genre qu'elle a inventé. Les vannes de Louise, c'est un peu comme faire l'amour pour la première fois : c'est maladroit, ça met mal à l'aise, mais qu'est ce que c'est mignon. Et son sourire est tellement contagieux qu'on finit toujours par trouver ça bien. Mais écrit-elle ses textes elle-même ? Le mystère plane toujours… Pauline - Attention ! La vanne “Louise Bourgoin” est très dure à maîtriser. Et Pauline semble tentée de reprendre la voie, très casse gueule, de sa prédécesseur. On l'encourage vivement à trouver la sienne, car elle ne semble pas avoir les épaules pour assumer les bides comme Louise le faisait. Allure.
Louise - Si tout le monde se scandalise devant les mannequins anorexiques et les critères de beauté imposés par la haute couture, Louise était bien la preuve qu'on pouvait être belle en assumant ses (infimes) rondeurs. Si elle n'avait pas la taille de Claudia Schiffer, elle n'hésitait pourtant pas à porter des robes ultra sexy, des dos nus à faire rougir ou des déguisements suggestifs. La classe ! Pauline - La petite nouvelle a de sérieux atouts de ce côté-là. Des jambes qui n'en finissent pas, une taille de rêve, des épaules à croquer… Elle pourrait vite renvoyer la Bourgoin au placard niveau élégance. Reste à savoir si sa styliste sera aussi bonne que celle de Louise. Bankablité.
Louise - A l'affiche de La fille de Monaco, qui cartonne, bientôt en Bardot dans le Gainsbourg de Joann Sfar, la carrière de Louise part sur des chapeaux de roue. Et ça n'étonne personne. Moitié du tout aussi successful Julien Doré, l'ancienne miss météo fait une entrée fracassante de le monde du showbizz et semble K?-06
Louise
dossier
Une vision du hardcore. De l'ombre à la lumière.
Le hardcore : tout de suite, on pense mèche noire, piercing à l'arcade, chaîne et chauve-souris. Et bien sûr, le dark, voire le gothique. Mais contrairement aux idées reçues, la scène hardcore bouge à une vitesse ahurissante. Les clichés, pourtant tenaces, s'estompent petit à petit. Et laissent place à un mouvement regorgeant d'imagination et d'envie, de soif de nouveauté et d'inventivité. Le hardcore est devenu un carrefour d'influences diverses, un éventail musical qui ne cesse de s'élargir. Petit aperçu.
Fin des années 70, Le hardcore émerge de la mouvance punk. On considère Bad Brains, Black Flag ou Minor Threat comme les premiers groupes de hardcore. Plus rapide que le punk, le son est plus dense, plus agressif aussi, la voix braillée se transforme progressivement en cri. Qu'il soit mainstream où bien underground, le hardcore est l'illustration d'une détermination évidente de pérenniser une alternative à la conformité. Aujourd'hui, c'est un berceau de création porté par l'expérimentation visuelle et sonore. Plus que de mixer les styles, on sent la volonté de créer un langage musical différent, qui fait appel aux sens. Concrètement, les mélodies ont une intensité accrue à travers un chaos sonore, qui se distingue et s'éclaircit un peu plus à chaque écoute. Le rythme est à l'affût, il se déstructure par moment pour justifier sa présence, et lorsque l'équilibre de la musique semble s'écrouler, il renait sous une autre forme. C'est alors la rythmique qui nous touche, et la mélodie, toujours présente, est reléguée en second plan. Les voix des chanteurs, gutturales et rauques, font parties de l'âme du harcore, et trouvent leur écho en live, où cette musique, furieuse et hypnotique, prend toute sa dimension.
veusement en frétillant. Il vibre pour suivre le rythme. La jeune fille se met à crier avec une folie animale. Impossible d'entendre ce qu'elle dit et de toute façon ça n'intéresse personne ; c'est l'intensité de la musique qui porte les auditeurs, ils boivent ses cris, s'en abreuvent pour danser dans l'hystérie. La chanteuse est pliée en deux, et son défoulement est total. Dans ses yeux et ses cris, on ne ressent aucune rage. Elle s'éclate. Les novices auraient probablement eu du mal à y trouver leur compte mais cela aurait peut-être suffit à les rendre curieux. Ce groupe est l'une des diverses portes qui mènent vers des microcosmes musicaux nombreux, une pluralité de mini mouvements, tentant chacun de se forger une place et une identité propre. Le Do it Yourself
Des motivations punk comme le rejet de la société de consommation et l'anti conformisme font du hardcore un mouvement contestataire fortement marqué par la dichotomie légendaire entre mainstream et underground. Le mouvement DIY s'oppose aux méthodes commerciales des gros labels internationaux.
Le festival Paris Brûle-t-il, un week-end de Juin dernier, offrait un panorama de la scène hardcore alternative avec une vingtaine de groupes venus d'un peu partout en Europe et des Etats-Unis. Trop peu de gens étaient présent à l'Inattendu de Pantin. Rolo Tomassi, petit groupe de Sheffield, arrive sur scène. Ils ont une vingtaine d'années à tout péter. Des jeans slim ultra serrés, des fringues Old School. Il y a une jeune fille parmi eux, à l'écart au début, plutôt jolie, petite blonde. Lorsqu'elle se met face au public, sa robe de soirée fait son Rolo Tomassi
Le mouvement DIY
petit effet. Elle se présente avec une voix d'enfant : “Hi, We are Rolo Tomassi from England”. Certains l'observent amusés ; au fond tous tombent sous son charme. Et la fascination s'accentue lorsque la musique démarre : le batteur semble avoir quatre mains, le claviériste perd les pédales et se met à danser ner-
Issu du milieu Punk anar des années 80, le Do It Yourself se caractérise par la volonté de tout faire soi-même, de la production à la distribution en passant par la promotion de l'artiste, hors de toute intention commerciale. Il est parsemé de codes initiés par des groupes précurseurs comme Minor Threat, qui a lancé sans le vouloir le mouveMinor Threat ment Straight Edge, ou Youth of Today qui a participé à l'apparition du végétalisme au sein du hardcore. De cet esprit marginal est née une communauté où le mot d'ordre est l'entraide et le soutien. L'argent récolté lors des concerts finance les prods des artistes, la promotion et l'organisation d'autres concerts. Il n'y a pas de but lucratif à proprement parler. Les concerts sont des lieux de rassemblement où groupes et fans se retrouvent pour écouter et discuter de leur passion. L'entraide se fait aussi entre labels et distros où la méthode du trading se développe. Aujourd'hui, l'explosion du Web 2.0 avec Myspace a fait éclore une nouvelle scène DIY où les labels, les groupes et les distros font aussi leur promotion à travers la toile. Ces nouveaux moyens de communication permettent aux groupes de se faire connaître plus rapidement et donc de tourner plus loin et plus longtemps.
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dossier Jamie
Jamie, 33 ans, ex Saetia (un des groupes chef de file du screamo) et actuel guitariste de Off Minor s'insurge : “Avant, il fallait lutter pour se faire connaître et se donner à fond pour arriver à tourner dans son pays où ailleurs. Maintenant, n'importe quel jeune petit groupe avec l'étiquette Hardcore/screamo/DIY sort une prod et peut faire le tour du monde. Cette méthode surprise d'acheter un vinyle dans une distro, parce que la pochette te plait ou le nom du groupe te parle, se perd. Il n'y a plus cette recherche volontaire que tu faisais”. Pourtant, malgré cette nostalgie, Jamie continue de faire du live, raconte avec passion sa tournée en Asie, et parle déjà de la prochaine qu'il ne fera pas avant longtemps. Son doctorat de médecine en poche, la chirurgie l'attend maintenant ! La valeur ajoutée, c'est de voir tes groupes préférés chez toi en pyjama. Les organisateurs de concerts, avant tout passionnés par ce qu'ils font, sont généralement dans le rouge à chaque date. Mais c'est la motivation de rencontrer les artistes qui les ont “bercés” depuis leurs premières écoutes qui leur donnent envie de continuer. A Paris, c'est le parcours du combattant pour trouver une salle. Les orgas se font éjecter pour nuisance sonore lorsqu'ils réussissent à entuber le patron d'un bar sur le style du concert, ou se cassent les dents sur le prix des salles. Le must reste le squat d'artistes ou l'appart insonorisé où éloigné de tout (si vous en avez un de libre, faites leur signe). Un micromarché Même si le milieu tente de préserver cette éthique de libre création hors du circuit mainstream, certains labels screamo indie grossissent naturellement. Robotic Empire par exemple, dont les sorties limitées dépassent parfois plusieurs milliers d'exemplaires, où Ebullition Records, un label DIY qui fournit maintenant les distros du monde entier et multiplie les rééditions. Cette expansion se fait dans un souci de distribution de la musique (lorsqu'il n'y en a plus et qu'il y a une demande, il faut l'honorer) mais dérange les fans de la première heure et les collectionneurs. Car le vinyle a une vraie valeur dans le hardcore. Certaines éditions partent sur ebay à plusieurs centaines d'euros, car le pressage a été très limité et n'a pas été réédité.
Le Hardcore Mainstream :
Alors que le screamo a pour point d'honneur sa capacité à survivre avec son propre circuit, loin de la grande distribution et de la grande écoute, un autre hardcore se démocratise en touchant un public plus vaste. Au fil des années, même s'ils n'atteignent pas les scores des labels Metal de premier rang, certains labels de hardcore ont pris de l'ampleur. La prise de conscience des Majors Les Majors achètent des parts de ces labels indépendants voués à un avenir radieux, l'émergence d'une vague populaire Emo ayant permis au hardcore de récupérer un public en quête de sensation forte, qui délaisse progressivement le punk rock, essoufflé au bout de dix ans de gloire. En 2000, EMI acquiert la moitié de Tooth and Nail Records, un label de musique chrétienne qui détient une branche punk hardcore : Solid State Records. Victory Records, autre label indépendant est partiellement racheté en 2002 par Universal Music. Les deux majors ont vu en eux un potentiel qui s'est confirmé par la suite. 2004 est
une année miracle pour l'emocore, qui voit ses ventes exploser. Chez Victory, le premier album The Silence in Black and White d'Hawthorne Heights se vend à un million d'exemplaires. Et chez Solid State, l'album There's only Chasing Safety du groupe de christiancore Underoath, fait aussi l'effet d'une petite bombe. Fin 2005, la ressortie du disque booste à nouveau les ventes, approchant les 500 000 exemplaires. Les groupes d'emocore et de christiancore jeans slim, vans à damier, mêches longues et colorées se mettent alors à pulluler sur la toile. Warner acquiert plus tardivement des parts de Ferret Record en 2006, autre label plus orienté metalcore, la tendance du moment. Les majors décident ensuite de s'occuper directement d'artistes emocore en les plaçant dans leur label. Ainsi, Saosin (emocore) signe chez Capitol après un EP très remarqué et Atreyu (metalcore) chez Hollywood Records, le label de la Walt Disney Company, cotoyant Queen, Hilary Duff, mais aussi Plain White T's. Vers un nouveau son Le Hardcore est donc parvenu à se faire une place dans le circuit mainstream en devenant un phénomène de mode comme un autre. Ces pratiques commerciales amènent ainsi un changement musical. La pression qu'exercent les majors sur les labels indépendants, et donc sur les groupes, les obligent à se formater au son mainstream, dont le but ultime est l'accessibilité musicale maximale, entraînant l'achat dès la première écoute. Peu de groupe arrivent ainsi à maintenir leurs degrés d'agressivité des débuts. Leur musique change et
s'adoucit pour plaire au grand public. La question est de savoir si les labels sont les seuls mis en cause, eux souhaitant voir croître leur vente en proposant une musique édulcorée, ou si le changement provient des groupes euxmêmes. Quoi qu'il en soit, ce processus a des répercutions positives, puisque des artistes surpassent leurs premiers albums en proposant une alternative à la violence hardcore. Ainsi, Fear Before The March Of Flames, signé chez Equal Vision, livre un dernier album fin 2006, The Always Open Mouth, en rupture totale avec ses précédents opus chaotiques. Les schémas rythmiques restent non linéaires et le mur de son dense et violent est toujours là, mais les cris sont abandonnés en grande partie. Les mélodies sont mises en avant, une touche électronique s'immisce dans l'ensemble sans pourtant atténuer son caractère sombre et perturbant. Dans des contrées peu éloignées, le groupe Norma Jean fait de même près de deux ans plus tard en mettant de côté son mathcore classieux pour expérimenter et se tourner vers un son plus planant. Sa recherche se focalise ici sur un équilibre entre le cri et le chant pour donner des élans aériens à sa musique. L'album The Anti Mother est sorti ce mois-ci et Chino Moreno, des Deftones, a co-écrit et co-interprété trois pistes de l'album. Définitif dans son genre, on attend avec hâte ceux qui retourneront son écho. Stan Coppin. Hawthorne Heights
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Un concert DIY
Le dico du hardcore.
Les organisateurs sont sur les nerfs, les portes doivent s'ouvrir dans une heure. Amanda Rogers, petite chanteuse pop américaine, moins belle en vrai que sur myspace, vient d'arriver. Elle grogne car la salle est minuscule. Ce soir c'est pop vs hardcore. Elle ouvre pour Loma Prieta, ouragan dans l'univers du screamo. Un mélange qui risque de faire des étincelles. Problème. Pendant l'installation du matériel, le sac de merchandising d'Amanda est volé. Tous les cds et t-shirts de sa tournée - de quoi rembourser tous ses frais - ont disparu. “I hate Paris, I want to come back home”. Amanda est au bord des larmes, les orgas se divisent entre le fouillage des poubelles du Châtelet (au cas où le voleur aurait balancé le sac, furieux de n'y trouver que de l'indie pop de base) et l'accueil des Loma Prieta. Furieuse, elle prend ses clics et ses clacs et part avec ses musiciens on ne sait où. Coup dur pour l'équipe, mais le concert doit commencer. Les deux autres groupes français sont là, pas de balances, ils envoient la sauce après avoir branché leurs guitares et fait un rapide sound check. Pendant ce temps, la distro de Nico est prise d'assaut, la plus belle sélection hardcore de la capitale. L'attente a été insoutenable mais ça y'est, les Loma Prieta sont prêts. Cinq petites gueules d'ange, personnification d'une musique écoutée et réécoutée à outrance. Ils entrent en scène et c'est une déferlante qui s'abat sur nous. Les yeux écarquillés, certains reculent dès les premières notes. Déchaînés, les cris sont furieux, les riffs destructeurs. Rythmes et mélodies émergent de la maîtrise de ce chaos sonore. Les fans sont en transe. Le guitariste casse une, deux cordes et les remet plus vite que son ombre. La jeune fille au bar se bouche les oreilles. A la fin, elle viendra nous dire : “J'écoute beaucoup de doom, de black, mais là ce truc m'a vraiment cassé les oreilles, j'y arrive pas”. Loma Prieta ne s'écoute pas en servant des verres à dix mètre de la scène ! Le groupe est exténué, doit refuser un second rappel. Les visages sont béats. Passage au distro obligé : tous repartent chez eux avec Last City de Loma sous le bras. Le matériel est vite rangé, il est temps de partir. Amanda ne dort plus à Paris ce soir, l'hôtel des Loma est annulé, ils dorment chez l'orga. Dans le van, ambiance détendue, la conductrice essaye tant bien que mal de suivre les indications. Le gros van se gare dans une petite rue déserte. Arrivé à l'appart, et après s'être assuré de l'absence de viande dans la sauce tomate, le groupe accepte un plat de pâte. La conductrice (une amie de Lars, organisateur de la tournée et patron du label DIY sur lequel est signé Loma Prieta) est fatiguée. Elle dormira par terre après avoir refusé le lit : elle ne veut pas s'imposer. On part peu de temps après, le Louvre n'est pas loin et tous veulent un aperçu d'un monument de Paris la nuit. On passe à pied devant la maison de Serge Gainsbourg, le “famous french singer”, puis devant le Louvre où une photo est prise pour immortaliser le moment. Cela fait deux ans que leur EP tourne sur nos Ipod et ils sont là, devant nous. La nuit sera paisible, même à sept dans un 25m2. Le lendemain matin, ils dévalisent le rayon bio du monoprix avant de continuer leur voyage. Ils laisseront comme souvenirs un zip American Apparel oublié et un vinyle de la tournée.
Distro : Un petit magasin itinérant de hardcore qui se retrouve au bon endroit au bon moment pour vous proposer une sélection de choix du meilleur son hardcore ou DIY. Trading possible parfois. Vegan : Un végétalien (plus encore que végétarien, techniquement, il ne mange que des végétaux). Gatefold : Pochette vinyle qui s'ouvre en deux, comme un livre. 12 ou LP : Un LP, aussi appelé 12 inches, est l'équivalent d'un album mais en vinyle. 7 ou EP : Un EP est une démo ou un mini album. HxC : Diminutif de hardcore, lui même diminutif de punk hardcore. Split : Une collaboration entre deux groupes pour créer un EP ou un LP à deux. Trading : Echange de vinyle qui peut se faire entre artistes, entre labels ou entre particuliers. Sérigraphie : Certains vinyles ont des covers de luxe, imprimées avec un écran de soie en matrice d'impression. Les sérigraphies se font aussi sur des t-shirts où des posters. Straight Edge : Mouvement initié par le groupe Minor Threat prônant une vie saine sans drogue, sans alcool et sans promiscuité sexuelle. Il est pratiqué dans le milieu DIY. Son symbole, “X”, est un clin d'œil à la croix que l'on tamponnait sur les mains des moins de 21 ans dans les bars pour qu'ils ne puissent pas commander d'alcool. Break : Changement de schéma rythmique au cours d'un morceau. Moshing : Aussi appelé Karate/hardcore dancing. C'est une danse typiquement hardcore qui s'exprime à travers les mains et les pieds et le tournoiement du corps. Pour apercevoir des ballets de la sorte, direction le concert HxC le plus proche ou bien Youtube qui regorge de ce genre de séquences.
Agenda
Les noms les plus fous.
- I Wrote Haikus About Cannibalism in Your Yearbook : J'écris des haikus (petit poème japonais) sur le cannibalisme dans ton album de fin d'étude. On préfère ne pas savoir ce qu'ils racontent… - I Would Set Myself in Fire For You : Je m'immolerais pour toi. Honnêtement, pas sûr que j'en fasse autant... - Sky Eats Airplanes : Le ciel mange les avions. Vous avez dit trip paranoïde ? - The Wichita Kansas Trailer Park Conspiracy : La conspiration du parc des chariots de Wichita au Kansas. Tout le monde sait que les pionniers sont sournois… - The Plot to Blow Up The Eiffel Tower : Le complot pour faire sauter la tour Eiffel. Encore un complot ? Jean-Marie Bigard, sort de ce corps ! - The Number Twelve Looks Like You : Le numéro douze te ressemble. Tu serais pas le fils de trente trois ? - Le pré où je suis mort : Bah, comment tu fais pour jouer alors ? - Violent Breakfast : Petit dej' violent. Le crack dès le matin, c'est vraiment dur…
• 2 octobre au trabendo : Bring Me The Horizon + the Red Shore • 12 Octobre à la péniche alternat : Impure Whilelmina + Yog + Parween
Powers (USA) + Show Me The Glorious Death (Paris)_Péniche Alternat • 4 Novembre à la boule noire : Funeral For A Friend
• 30 octobre à la boule noire : August Burns Red
• Jeudi 6 Novembre : An Albatross (USA / Eyeball record) + YipYip (USA / SAF record) @ Mains d'Oeuvres
• Dimanche 2 Novembre : HORSE the band (USA / Ferret) + These Are
• 17 novembre à la locomotive : Never Say Die ! Festival.
dossier EDITO
Un aperçu non exhaustif des différentes branches du hardcore. Deathcore :
Bring Me The Horizon (UK / Visible Noise) Des guitares d'une lourdeur qui n'auraient rien à envier à celles des quelques clowns qui font de Bercy un champ de bataille, voire de ruines, les Bring Me The Horizon sont sans aucun doute la révélation anglaise de 2008. La recette est certes connue mais elle fonctionne à merveille. Les breaks s'enchainent sans laisser à l'auditeur le moindre répit. Le rythme est intense, la voix déchirée, la basse enivrante… Malgré ce mur du son à l'apparence infranchissable, les filles raffolent de ces cinq grand-bretons, en particulier du jeune chanteur turbulent Oliver Sykes, tatoué de la tête aux pieds ! Metalcore :
Misery Signals (USA / Ferret) Grands ambassadeurs du cri lourd et gras dans le hardcore, ces dieux du break et des riffs metal déstructurés livrent à chaque nouvel opus de leur discographie un son toujours plus incisif et carré. Mathcore :
The Dillinger Escape Plan (USA / Relapse) Clef de voute de toutes les musiques extrêmes, incorporant des éléments jazzy, des rythmiques metal, une puissance vocale à toute épreuve, ce groupe mythique a su réunir les mélomanes de tous bords. Si la première écoute entraine souvent l'auditeur dans un désarroi profond, l'oreille se fait peu à peu à la rythmique saccadée et discerne toute la complexité et l'ingéniosité des morceaux. Les inclassables :
The Sound Of Animals Fighting (USA / Epitaph) Formé de membres de groupes tous plus connus les uns que les autres dans le hardcore (Chiodos, Circa Survive, Finch, Rx Bandits, The Autumns…) masqués sous des visages d'animaux, TSOAF constitue le coté psychédélique du style, proche de la minimale hardcore. Mélangeant toutes leurs influences, ces hommes-animaux distillent une musique planante, sorte de pop rapide avec une violence ouatée et parfaitement maîtrisée. MOPA (France / - ) Trois mecs assis, comme ils aiment se décrire… Un piano, une batterie et des cordes vocales. Si toutes les combinaisons ont déjà vu le jour dans la musique, il faut tout de même avouer que ce trio n'est pas une norme, et encore moins dans le screamo. Il est d'autant plus étonnant qu'un de ses membres vient d'un groupe de metal français hybride, Psykup. On passe donc d'un univers où les grosses guitares saturées avaient un rôle central dans la puissance des morceaux à une configuration où rien n'invite le musicien à faire hurler mémé. Pourtant, le chant est crié, le pianiste joue comme s'il allait mourir demain et le batteur frappe fort, très fort. Ross Robinson (producteur de Korn, Slipknot, Limp Bizkit, Machine Head) n'est pas passé à côté de cette perle, délivrant des mélodies très cinématographiques et mélancoliques, et a immédiatement saisi le potentiel des trois français.
As cities burn
Celeste
Nintendocore :
Horse The Band (USA / Pluto Record / Ferret) Créé en 1999, les Horse The Band sont des électrons libres de la scène hardcore aux Etats-Unis. En mélangeant 8-Bit et hardcore, ils ont créé leur propre formule, associant Super Mario et Denver jouant de la guitare électrique. Sorte de Happy Hardcore électronique, leur son a fait le tour du monde, notamment pendant leur Earth Tour à travers trente-sept pays, et s'achète sous forme de Pizza EP (vinyle au look de Margarita dans une boite Pizza Hut) …
Horse the band
Misery signals MOPA
K?-03 K?-12
Underoat The sound of animals fighting La Quiete
Christiancore : The dillinger escape plan
Underoath (USA / Tooth and Nails) Porte-étendard fièrement chrétien, Underoath crie son amour pour Jésus à des millions d'auditeurs dans le monde (25 millions de vues sur Myspace et un album vendu à plus de 500 000 exemplaires). Porté par des guitares énergiques, un batteur à la voix cristalline, un claviériste surexcité, un chanteur visiblement nourri exclusivement de végétaux et un bassiste déchaîné, ils sont un des piliers de la scène actuelle. Les incontournables :
Refused
Botch (USA / HydraHead record) Avec son album We Are The Romans, qui a inspiré de nombreux groupes du nouveau millénaire, Botch incarne le nouveau visage du hardcore, plus ambiant malgré une violence sous-jacente et parfois même froide. Ces précurseurs avaient saisi avant l'heure les ingrédients qui font aujourd'hui fureur et sont devenus une icône du genre dans ce qu'il y a de plus barré et technique. Refused (Suède / Burning Heart) Prophètes de The Shape Of Punk To Come, ils ont défini le New Noise comme un Bruitist Poem (titres des chansons de leur album mythique). L'âme punk est là, plus présente que jamais, pour servir une nouvelle facette de l'éventail no future. Elle est à vif, groovy, changeant de rythmes… Jusqu'à ce que Refused succombe (Refused Are Fucking Dead). Emocore :
As Cities Burn (USA / SolidState) Considéré par les membres d'Underoath comme l'un des meilleurs albums d'emocore, leur premier opus très énergique, Son I Loved You At Your Darkest, offre une émotion portée par des mélodies rapides et confondues. On peut y voir la cristallisation de frustrations et de déceptions incarnées par une voix déchirée, des lignes mélodiques et rythmiques saccadées et des parties de guitare violentes s'enchaînant sur des parties très calmes (où l'auditeur et l'interprète reprennent leurs esprits).
Botch
Screamo :
La Quiete (Italie / ReactWithProtest / Sons of Vesta) Le représentant de la scène screamo italienne dans le monde. Des sonorités fortement inspirées de Joy Division, un cri perçant et des envolées lyriques pour un groupe qui semble ne composer que des hymnes à la joie emprunt de nostalgie. Pour les novices, leur recueil de morceaux Tenpeun est un bon moyen d'entrer paisiblement dans l'univers du screamo. Post-hardcore / Sludge :
Bring me the horizon
Celeste (France / Denovali / Sons Of Vesta) Les têtes se balancent d'avant en arrière au rythme binaire de puissantes guitares dont le rugissement semble former un magma compact et épais : nous sommes en présence d'un des représentants les plus efficaces du style en europe. Ici, un son presque épongé est au service de la violence, les cris n'étant qu'un instrument de plus… Dorian Dawance.
cinéma
Blindness, de Fernando Meirelles. Sortie le 8 octobre
Implacable. Un choc définitif, violent, puissant, humain. Blindness, le troisième long métrage de Fernando Meirelles (The Constant Gardener, La Cité de Dieu, quand même...) est un film techniquement maîtrisé de bout en bout, un de ceux auxquels on ne peut tout simplement rien reprocher. L'histoire fait froid dans le dos : dans une ville contemporaine non identifiée, un homme pile net devant un feu vert. Il vient subitement de devenir aveugle. Et contagieux. Très vite, l'immense majorité de la population mondiale est atteinte du “mal blanc” (les victimes ne voient pas noir comme les aveugles, mais seulement un blanc immaculé, magnifiquement retranscrit à l'écran). Mis en quarantaine dans un hôpital désaffecté, les premiers malades vont tenter d’apprendre à vivre ensemble sans perdre leur dignité. Parmi eux, une femme insensible à la maladie (Julianne Moore, époustouflante) se fait enfermer à l’insu des gardes pour rester avec son mari (Mark Ruffalo, extraordinaire lui aussi). Le film commence alors vraiment, et suivra une galerie de personnages, dont Danny Glover au sommet de son art en vieillard borgne, et Gael Garcia Bernal toujours aussi impressionnant (dans son premier rôle de véritable enfoiré), dans cet univers où le son et le toucher deviennent indispensables à la survie. Tour à tour terrifiant, magistral, touchant, édifiant (les scènes de chaos urbain, le désordre omniprésent, les réactions des autorités), Blindness est une métaphore grandiose de l'absolue nécessité de vivre en communauté. Dépourvu de tout manichéisme, interprété à la perfection et d'une justesse rarissime de nos jours : vous l'aurez compris, passer à côté d'un tel chef d'œuvre, dépourvu de tout manichéisme, interprété à la perfection et d'une justesse rarissime de nos jours, serait un crime. Pierre de Rougé.
K?-14
Mange, ceci est mon corps, de Michelange Quay. Sortie le 22 octobre
Réalisé par Michelange Quay, Mange, ceci est mon corps est une transe. Une vision hallucinatoire et hypnotique d'Haïti. La faim et la misère s'abattent sur les populations, tandis qu'au cœur de l'île, Madame, jouée par une Sylvie Testud troublante, tente de recréer les mythes d'un rêve colonial déchu. Le dialogue est sourd, et la rencontre n'aura jamais lieu. En effet, ici tout s'oppose : le teint diaphane aux peaux d'ébène, l'abondance à la privation, le silence aux chants des rites vaudous. Le film est lent, suffocant, anxiogène. C'est un monde sensible qui nous est restitué, un monde de souffrances, de rites. Bien que difficile d'accès, il est susceptible de ravir les plus cinéphiles. Esthétique, poétique, et pas tout à fait dénué d'humour… A essayer donc. Kenza Verrier.
My Magic, de Eric Khoo. Sortie le 5 novembre
Ne vous fiez pas à l'affiche de My Magic : un papa replet et son petit garçon dans un clair obscur bleu roi façon Walt Disney, une petite flamme dorée suspendue dans les airs... Un film à aller voir en famille? Pas vraiment. Chez Eric Khoo, Gargantua se prénomme Francis, vit à Singapour et boit depuis la mort de sa femme. Immigré en situation précaire, il travaille dans une boîte de nuit sordide pour faire vivre son fils. A dix ans, le garçon (unique référence à l'univers Disney, dont la candeur sonne faux) voit l'état de son père se dégrader de jour en jour. Mais tout change lorsque Francis décide de revenir à son ancien métier : magicien. Le soir, il présente des tours impressionnants, à la fois spectaculaires et dangereux, encouragé par son employeur. Tour à tour antipathique, drôle, tendre, Francis devient littéralement fascinant. Et tout aurait pu si bien finir...Mais Khoo a fait un choix : celui de faire de son magicien non pas un dieu ou un serviteur de son art, mais un esclave de son public. Et d'avouer que la magie ne fonctionne qu'un temps et ne peut pas tout. Francis est obligé de présenter chaque soir des tours de plus en plus impressionnants. La magie laisse place à de véritables séances de torture. Eric Khoo rallume les lumières et ne triche plus. Il sabote sa photo magnifique et sacrifie l'esthétique au profit d'un film cru dont la noirceur s'accélère. My Magic devient l'histoire du sacrifice d'un père pour son fils, où la question du prix de la dignité d'un homme est posée. Une critique d'une société inégalitaire et désenchantée certes, mais où personne n'est épargné, pas même nous. Le film devient réaliste, la barrière entre lui et nous s'amenuise. Sans nous laisser le choix, Khoo nous assied dans son bar, à côté de ceux qui, la nuit, applaudissent l'insoutenable et deviennent des bourreaux. Peut-être n'avions nous pas vocation à être parmi eux ? Peut être n'avions nous pas envie de voir ça ? Mais c'est aussi par cette immédiateté imposée que l'on rentre dans le film, pour en sortir bouleversé. Laura Roguet.
cinéma
Tokyo !, de Michel Gondry, Leos Carax et Bong Joon-ho. Sortie le 15 octobre
Constitué de trois moyens métrages de metteurs en scène différents, Tokyo ! se présente comme une suite de fables plus ou moins légères, avec comme point commun un scénario métaphorique laissant un certain choix dans l'interprétation du spectateur. Interior Design, le premier, suit les péripéties de deux jeunes Japonais tentant de s'installer à Tokyo, et qui se heurtent aux difficultés d'intégration typiques des grandes villes occidentales. Avec Michel Gondry aux commandes, les personnages sont tous atteints d'une folie douce et contagieuse, et l'humour absurde et inventif est omniprésent, naturellement. Suit Merde, réalisé par Leos Carax, qui dépeint un “homme” vivant dans les égouts de Tokyo et qui sème la violence et la peur partout où il passe. Merde (c'est son nom) est la figure d'une humanité aux antipodes de la conception de l'homme moderne, et déchaine les passions lorsqu'il est arrêté et condamné à mort. Une foule scandera même: “Plus tu nous hais, plus nous t'aimons” face à ceux qui réclament une exécution immédiate. On ne saura ni d'où il vient, ni les raisons de ses actes, et on frissonnera en s'apercevant que, malgré son apparence et son absence totale de moralité, il devient attachant. Shaking Tokyo, qui clôt le film, nous montre un homme qui vit cloitré chez lui depuis dix ans, refusant volontairement tout contact social. Le jour où une livreuse de pizzas s'évanouit chez lui à cause d'un tremblement de terre, sa conception du monde se fissure peu à peu, et il tombe amoureux... Pour se rendre compte quelques jours plus tard que la livreuse est elle aussi devenue une recluse, fuyant toute relation avec l'extérieur ! Ce triple ovni cinématographique, parfois un poil trop intellectuel, se révèle néanmoins rafraichissant et blindé d'originalités diverses. On ne s'ennui pas, on est sidéré, on en redemande Pierre de Rougé.
Miracle à Santa Anna, de Spike Lee. Sortie le 22 Octobre
Voici que sort dans les salles obscures le premier film de guerre de Spike Lee, Miracle à Santa Anna, censé montrer le rôle important des 15000 noirs américains qui participèrent à la campagne d'Italie, en 1944. Le scénario nous fait suivre les destins de quatre soldats, séparés de leur unité après un combat, qui prennent sous leur aile un jeune garçon blessé et traumatisé après le massacre de son village par les vilains nazis, et qui (je cite le communiqué de presse...) “tisseront des liens très fort avec la population, bien loin des préjugés raciaux subis aux Etats-Unis”. Bien. Nous voilà face au pire naufrage jamais réalisé par Spike Lee qui, en voulant nous offrir une grande fresque épique et mystique, se vautre dans quasiment tous les domaines : son film est bourré de clichés, manichéen à vomir (malgré le gentil soldat allemand qui tente de protéger des enfants...), mal construit. Même les scènes de combat sont un véritable scandale pour quiconque a vu dix minutes d’Il Faut Sauver le Soldat Ryan. Ponctué de nombreuses incohérences techniques aussi bien que scénaristiques, plombé par une omniprésence de la religion que Lee avait auparavant toujours su utiliser avec parcimonie et intelligence, Miracle a Santa Anna s'emmêle même les pinceaux dans ses personnages secondaires, intéressants mais à peine développés. On dirait que tout ce qui faisait le génie du réalisateur de Do The Right Thing a ici été laissé à l'abandon. Avec un final grand-guignolesque – dix-huit nazis refroidis par minute et par personnage - et interminaaaaable (la scène de fin fait penser à Ocean's Twelve, c'est dire...), ce “Spike Lee's Joint” laisse un sale goût en bouche. Et gâche une interprétation juste dans l'ensemble, quelques dialogues bien percutants et pas mal de plans inventifs. Une grosse déception qui ne vaut sûrement pas les dix euros que coûte une place de cinoche. P.d.R.
K?-16
Antoine de Caunes. Tout le monde attend son Coluche, qui sera sur les écrans le 15 octobre, avec un François-Xavier Demaison rembourré pour l'occasion. En attendant, il revient pour nous sur quelques citations du maître Colucci. 1/ “La vie est finie quand tu ne surprends plus personne.” Quels sont tes futurs projets pour nous surprendre encore ? “Une émission sur Canal fin Octobre: Allez à L.A., une promenade apéritive dans Los Angeles à la veille des élections américaines. L'adaptation du Montespan de Jean Teulé au cinéma, et la suite de L'Homme est une femme comme les autres, de Jean-Jacques Zilbermann.” 2/ “Attention au surmenage. Et surtout quand vous ne regardez rien, pensez à retirer vos lunettes !” Des anecdotes de tournage ? “Le surmenage rend casse-couilles, et le port abusif de lunettes, presbyte.” 3/ “N'importe qui peut jouer un rôle dramatique. Il y a ceux qui y arrivent et ceux qui se plantent.” Quid de François-Xavier Demaison ? “Ce qui serait dramatique pour un acteur, dramatique ou non, ce serait de planter un rôle comme celui de Coluche. Et celui-là, je vous promets que pour le jouer, il ne faut pas être n'importe qui. Moi, François-Xavier, je dis: respect!” 4/ “Tout ce qui m'intéresse, soit ça fait grossir, soit c'est immoral.” Tu te reconnais là-dedans ? “Aujourd'hui, ce qui me semble immoral, c'est cette tyrannie des anorexiques de la mode qui font croire aux malheureuses que pour plaire, il faut avoir l'air de sortir d'un camp.” 5/ “On croit que les rêves, c'est fait pour se réaliser. C'est ça, le problème des rêves : c'est que c'est fait pour être rêvé.” Toi, c'est quoi ton prochain rêve à (ne pas) réaliser? “Pour moi, le rêve, c'est de réaliser.” 6/ “Avoir l'air con peut être utile, mais l'être vraiment serait plus facile.” Ta position ? “Il faut aussi savoir à quel bout du fusil on se trouve. Je repense à cette phrase de Frédéric Dard: “La chasse aux cons: un safari sans espoir!”” Propos recueillis pas Clémentine Goldszal.
Le DVD du mois : Sukiyaki Westerne Django, de Takashi Miike. Une guerre sanglante oppose les blancs et les rouges, deux camps de cowboys stylisés vivants dans un improbable Far West japonais. L'arrivée dans la ville d'un étranger maître dans le maniement des armes à feux va provoquer la montée progressive des violences et faire changer prématurément la nature du conflit. Takashii Miike n'a malheureusement pas d'équivalent en France. C'est un peu comme si Jan Kounen faisait trois ou quatre films par an, copiait la méthode de pillage de Tarantino tout en étant un de ses très bons potes, et utilisait son esthétisation de la violence à des fins moins cathartiques et plus délirantes. Ce qui change cette fois, c'est que son acuité est là où on ne l'attend pas. C'est une coutume chez lui de livrer au spectateur à chacun de ses films une “fameuse” scène clé ayant son lot de contenus culte. Une scène parfois ultra violente - comme les dix dernières minutes insupportables d'Audition - ou hors de propos. Dans le polar en apparence classique Dead or Alive, le che-
veu dans la soupe était ce duel final au Bazooka à tête nucléaire (?!). Ici, loin s'en faut. L'éclat du film est une scène de danse. L'expression d'un souvenir d'une douleur extrême purgée par la transe. Les sons aériens et lancinants du didgeridoo comme indicateur de son état. Miike ne bâcle plus ses films et a affiné ses goûts. Son western est une fresque fiévreuse où les époques et les cultures se mêlent et se confrontent. Cependant, c'est d'une confrontation uniquement cinématographique qu'il est question ici. Et c'est une idée de génie ! Pendant le court instant d'un duel, la mise en scène se divise. Elle s'approprie d'un côté le personnage du héros inconnu, fidèle à l'image que Clint Eastwood et Sergio Leone ont créé, et de l'autre celui du Samouraï de Masaki Kobayashi. Le flingue contre le sabre. La mise en scène de Leone contre celle de Kobayashi. Le plus bel hommage qu'il puisse leur faire à tous les deux en les réunissant d'une manière si incongrue. La présence de Tarantino au casting est une justification à l'existence d'un tel film. Il participe à la déclaration d'amour que Takashi Miike fait à ses mentors. Stan Coppin.
cinĂŠma
K?-18
BLA CK
encore Dr Jekyll & Mr Black). La douleur ne cicatrisera qu'avec Jacky Brown, brillant hommage au genre, logiquement interprété par Pam Grier sous la direction de Quentin Tarantino. Notons la présence au casting de ce bon vieux Samuel L. Jackson qui se chargera d'ailleurs du rôle de Shaft dans le médiocre remake.
né
ci
Le cinéma et la population afro-américaine commencent une relation compliquée au début des années 40. Avant, les noirs n'étaient que clowns et autres serviteurs, depuis, le personnage du “black sympa” fait toujours autant fureur mais les choses ont évolué.
Le cortex global débute lorsque que l'actrice Hattie McDaniel reçoit l'Oscar du meilleur second rôle pour son interprétation de “Mammy” dans Autant en emporte le vent. Un rôle de serviteur pour le premier Oscar attribué à une personne de couleur, bingo. L'Oscar du premier rôle féminin ne sera décerné à une noire que soixante-deux ans plus tard. La suite, c'est la légende Sidney Poitiers, qui à partir de 1965 (The Slender Thread, de Sydney Pollack) devient une star hollywoodienne en reprenant continuellement son personnage d'afro-américain bien intégré, propre et poli. Il sera récompensé pour l'ensemble de sa carrière lors de la soirée (du grand pardon) des Oscars en 2002, celle-là même où Denzel et Halle seront adoubés. Petit retour en arrière. 1971 : le cinéma et les afro-américains enfantent la jolie blaxploitation. Ce fut le moment exact où tout commença pour de vrai.
Un homme peut tout changer. Melvin Van Peebles, presque une dizaine d'hommes en un. Réalisateur, producteur, monteur, compositeur, acteur, journaliste (le garçon a entre autres écrit pour Hara Kiri et le Figaro Littéraire), homme d'affaires (premier courtier en bourse noir), écrivain... Après deux films sympathiquement accueillis, LE projet se prépare. Un film indépendant produit, interprété et réalisé par des Noirs. La pellicule se nomme Sweet Sweetback's Baadassss Song, le titre frôle déjà le génie. La blaxpoitation est née. Un type se voit contraint par les forces de police, racistes et corrompues, de servir d'appât pour arrêter un de ses amis. Lorsqu'il s'aperçoit que ceux-ci rouent de coups la victime du traquenard, il les tue et s'engage inévitablement dans une cavale vers le Mexique, traqué par tous les maléfiques policiers. Voir ce film était une des conditions d'intégration chez les Black Panthers. Le ghetto avait compris le message, l'injustice de base et le combat de survie pour une référence générationnelle au même titre qu'un Scarface pour les eighties. L'idée n'était déjà plus de survivre mais de sur-vivre... La suite de la blaxpoitation, c'est les premiers héros black du cinéma comme Shaft, c'est Pam Grier (Foxy Brown et Coffy) l'égérie légendaire (sorte de fantasme black universel) et des bandes originales mythiques composées par les plus grands (Isaac Hayes, James Brown, Sly Stone, Marvin Gaye, Curtis Mayfield et toute l'équipe de l'AC Roubaix). La blaxpoitation mourra prématurément quatre ans plus tard, victime d'elle même - le manque d'inspiration se transformant en une auto-parodie quasi involontaire (voir Bracula, Blackeinstein ou
Aujourd'hui, le cinéma afro-américain n'existe pas (plus ?) comme un genre codifié mais certains personnages n'ont pas oublié son influence. Spike Lee, artiste cinéaste presque adulé, est un fervent représentant de l'héritage politico-historique de sa communauté. Son fait d'arme le plus notable étant Malcolm X, chef œuvre sous forme de biopic fleuve et référence classique du cinéma afro-américanisé. Provocateur fini, Lee est surtout un cinéaste finement engagé. Ces films ne sont pas teintés d'un esprit sectaire mais plutôt d'une confrontation de sa communauté avec son pire ennemi : elle-même. Car si Malcolm meurt de la main d'un de ses “frères”, c'est parce que les relations intra-communautaires sont la première feuille morte de l'arbre desséché. Depuis le 11 septembre, Spike Lee s'emploie à dépeindre une société américaine terrorisée par l'idée même du terrorisme… La communauté AA (afro-américaine) n'est plus au centre des préoccupations, elle a désormais sa part du gâteau. Will Smith est une marque rentable. Rares sont les artistes dont le succès commercial se confirme sur trois supports différents. Tout d'abord chanteur-rappeur (25 millions d'albums vendus dans le monde), puis acteur du petit et grand écran. A travers sa simple présence, Smith monte aujourd'hui des franchises, des blockbusters aux budgets colossaux. Sans oublier sa nomination aux Oscars pour son interprétation dans Ali, confirmation intrinsèque de talent et calculateur du taux de bankabilité. Mais la communauté AA regorge d'entertainers hybrides. Le futur. Pour exemple l'oscarisé Jamie Foxx, désormais chanteur accompli, s'ajoute a la liste des artistes musicaux ayant réussi leur baptême de cinéma. Permettons-nous l'audace de citer Mos Def, 50 Cent, Snoop Dog, RZA ou encore Common comme fleuron de cette fine équipe. L'afro-américain est désormais star interplanétaire, les millions se font grâce à lui, tous les succès et tous les arts sont envisageables, puis le soleil scintille de milles feux ardents tandis que le lendemain, aussi lointain soit-il, ne pourra être que plus excitant. On murmure même que certains rêvent d'un président noir. Alain Guillerme.
Keith’s people cinéma
Léa
Seydoux.
Itinéraire d'une enfant gâtée.
Bertrand Bonello, Catherine Breillat, Christophe Honoré, Jean-Pierre Mocky… auteurs sombres, films rudes. A tout juste vingt-deux ans, Léa Seydoux est déjà en train de se construire une filmographie exemplaire. Retour sur un itinéraire bref, mais dense.
Keith : Léa, d'où viens-tu ? Léa : De Paname city ! J'ai grandi dans le 6e. Au fil des années, je me suis imprégnée de la culture boîte à bac dans différents quartiers. Bizarrement, ce microcosme m'a permis de rencontrer des gens de divers horizons, marginaux, décalés… Keith : Quel a été ton chemin, de la boîte à bac au cinéma ? Léa : J'ai fait un bac L. J'étais un cancre, mais dans le sens révoltée par le système scolaire, pas par l'enseignement. Trois semaines avant le bac, j'avais devant moi une pile de cours d'histoire, et un texte à apprendre pour un casting… J'ai appris l'histoire. Mais en apprenant ensuite le texte, je me suis dit que c'était ça que je voulais faire, pas autre chose. Keith : Dans La belle personne, le dernier film de Christophe Honoré, tu incarnes Junie. Parle-moi de ce personnage. Léa : Je me sens proche d'elle, forcément, c'est moi qui l'ai créée ! Je lui ai donné toute ma vie, pour la rendre vraie, vivante. Avoir grandi dans des milieux sociaux tellement disparates m'aide à vivre en osmose avec les personnages que j'incarne. Même si la compréhension du rôle est d'abord intellectuelle, je la pousse jusqu'au physique… C'est assez fort ! Keith : À 22 ans, tu côtoies déjà un panel d'acteurs plus qu'appréciables : Thierry Frémont, Asia Argento, la clique Alex Beaupain… Léa : Heu… je crois que je ne m'en rends pas tellement compte ! Je ne me dis jamais : “Wouah ! C'est vraiment génial, tout ce que j'ai fait à 22 ans”. Mais à cet âge-là, ma mère avait déjà trois enfants… Je suis très heureuse de ce que je fais, mais je suis plus dans un délire familial. On partage tous les mêmes goûts pour l'art, que ce soit le cinéma, la littérature ou la photographie… Bon, j'avoue, c'était quand même vital pour moi de faire ce métier ! Keith : Tu as une actrice préférée ? Une influence qui inspire ton jeu ? Léa : Beaucoup m'inspirent, mais pas au point de jouer “à la manière de”. Sauf peut-être Anna Karina, qui me fascine. Non seulement c'est l'actrice la plus belle du monde, mais elle cultive sans cesse une sensibilité bouleversante. Catherine Deneuve aussi… J'aurais bien aimé l'avoir pour mère ! Allez, c'est un fantasme ! Keith : Y a-t-il une scène d'anthologie que tu aurais adoré jouer ? Léa : Oui ! J'aurais aimé jouer cette scène dans Le Mépris où Brigitte Bardot dit “Tu les trouves jolies mes fesses ?”. J'aurais aussi voulu être Belmondo dans À bout de souffle… Je suis très inspirée par les acteurs. Keith : Tu as joué dans deux films adaptés de romans classiques (La Princesse de Clèves et Une vieille maîtresse). Quel rôle tient la littérature dans ton rapport au cinéma ? Léa : Je pense que les deux se rejoignent inévitablement. Ce sont deux pêle-mêle de sentiments où se croisent rêve et réalité, le tout cadré par un scénario. Keith : Quels sont tes projets ? Léa : Je viens de finir Lourdes, de Jessica Hausner, avec Sylvie Testud. Ce film retrace l'inquiétant mysticisme de la ville de Lourdes… En septembre je commence le tournage d'un film de Sébastien Lifshitz, qui s'appellera Mon faible cœur. Et puis on verra pour la suite… Keith : On ne cesse de s'alarmer de l'avenir, plutôt sombre, du cinéma français… Qu'en penses-tu ? Léa : Je suis assez optimiste : je pense que la génération émergeante va détonner ! C'est le moment de faire place aux jeunes, et on a tout de même une palette d'acteurs pleins d'avenir ! Il va falloir prendre des risques, faire vivre le cinéma pour ce qu'il est et non pour ce qu'il rapporte. Il y a une crise, c'est certain, et elle est due à la paresse du français moyen. Il va falloir (re)créer une démarche dans laquelle les gens viendront d'eux même chercher le vrai cinéma, au-delà de ce que leur sert la télé, et qu'ils consomment paresseusement. Mais bon… Le cinéma français en crise, c'est quand même une vision beaucoup trop cliché pour être juste ! Propos recueillis par Charles de Boisseguin.
K?-20
photo: Lisa Roze
art
L'eau à la bouche. Qui c'est Gainsbourg ? Voilà ce qu'il en reste… la variet' academy a tué le restant de ses chansons. Il portait des Repetto, fumait des gitanes et (dieu !) des Havanes. Un cliché. Gainsbourg peut-être, souffrait de tous les maux accablants de ce monde barbare. Il portait sur son dos la croix des injustices notoires. Encore un cliché. Gainsbarre, désabusé, se marre, se contrefout de ce bazar. Le monde peut brûler bientôt, Gainsbarre s'en réjouirait plutôt. Réducteur. C'est vous qui en avez fait cela. Il y a dixsept ans, l'homme à la tête de choux a écrasé sa dernière Gitane. Aujourd'hui, live inédit, reprises anglosaxonnes de ses chansons, biographies et compilations de ses pensées s'éparpillent en prix vert à la Fnac pour entretenir le souvenir. Cheap. Des petits bouts de Gainsbourg chez nous comme autant de boites Quality Street vides. Et soudain, une bonne nouvelle. Une expo. Un mémorial. La Cité de la Musique rassemble ce que le mauvais goût des media avait scindé en deux : Gainsbourg, Gainsbarre, deux vices sacrés de la sainte culture française. Je sors - chancelant - du 124, rue du Faubourg Saint-Denis où Frédéric Sanchez a répondu à mes questions concernant la prochaine exposition Gainsbourg à la Cité de la Musique. Il est le concepteur de cette expo, à laquelle il travaille depuis trois ans. J'allume une cigarette, anxieux de rester coincé entre 1958 et 1991. Mais la cigarette ne me libère pas. Je vois, au travers des volutes de l'épaisse fumée, un virevoltant pêle-mêle de partitions, peintures, 45 tours et autres objets aux couleurs trop vives. Tout ça va trop loin. Je jette ma cigarette. Mais je suis déjà parti. Me voilà à présent dans un hall beaucoup trop grand, les objets sont retournés à leur place. Quelqu'un est là, devant moi, il me tourne le dos. Petit mec. Il semble être chez lui, je vais le voir. L'odeur est la même que celle des réponses de Sanchez. Ca sent les années 60, le vinyle, la gouache et la gitane, sur un fond de calva : le type est une statue. Je le reconnais alors, l'homme à la tête de choux. Cette sculpture de Claude Lalane sera mon hôte. Ni l'enfer, ni le paradis. Le monde de Gainsbourg. A gauche, des photos. Un piano, Boris Vian, Michèle Arnaud. Ambiance jazzy. Les débuts… La période bleue. Tout n'est que
kaléidoscope d'images et d'objets. Une immense vitrine s'étend et se perd dans les profondeurs de la galerie. Un Paul Klee, un écorché, un Dali. Gainsbourg poète gorgé de références, Gainsbourg peintre maudit. Amateur de surréalisme, il a commencé comme élève de William Klein à l'époque de Mr Freedom. Je souris. Des voix s'élèvent… celles de Catherine Deneuve, d'Isabelle Adjani, pourquoi pas de Brigitte Bardot. Des lectures. C'est avant tout l'histoire des mots qui est importante chez Gainsbourg. J'avance, j'entre dans l'ère des idoles. France Gall, Poupée de cire, poupée de son, Gainsbourg compositeur. L'époque de la jeunesse et de la vague anglaise, la fin des chansons réalistes. Je suis pas à pas l'émouvante évolution de son statut de poète de cabaret à celui de créateur… Et c'est soudain la Décadanse. Je suis face aux projections de Je t'aime moi non plus, Equateur et Stan the Flasher. Gainsbourg cinéaste. Je traverse les yeux fermés une période de dix ans d'intense création, suivie en parallèle par tous ses albums concepts. L'Histoire de Melody Nelson, Rock around the bunker, L'Homme à la tête de choux. Gainsbourg provocateur. Un univers couleur smoking où le cynisme des paroles et le raffinement des mélodies donnent le ton. Amour poison. Meurtre passionnel. Perversion. J'échoue, bouleversé, dans un teepee jonché de vinyles. Collection. Je sors, attiré par le rythme chaloupé d'un orgue Hammond fruité. Une guitare syncopée porte les cœurs innimitablement reggae des I Threes. Une voix lancinante susurre les mots de Rouget de Lisle écrits sur le manuscrit en face de moi. Gainsbourg possédait l'original de La Marseillaise. Ecce Homo. Gainsbarre est né. Slap avec le scandale. Je retourne sur mes pas, salue le Petit mec, cherche désespérément un calva et finis par jeter 8 euros sur le guichet. Surréaliste. Je suis entré dans Serge Gainsbourg. Je suis toujours coincé entre 1958 et 1991. J'srai content quand tu seras mort, vieille canaille. Charles de Boisseguin.
*Serge Gainsbourg, du 21 octobre 2008 au 1er mars 2009 à la Cité de la Musique. *Gainsbourg vu par Arnaud Viviant (Edition Hugo & Cie) K?-23
art patchwork EDITO FIAC. Pendant la FIAC, il y a la FIAC bien sûr, mais il y a aussi les off - Slick au 104, Show off à l'espace Pierre Cardin et Artistbooks au forum du Centre Pompidou ou Diva -, les prix, les fêtes et les vernissages. Une occasion rêvée de découvrir des œuvres et des lieux. * Grand Palais + Cour carrée du Louvre Du 23 au 26 octobre 2008
Thurnauer Agnès, Annie Warhol, 2007 Résine et peinture epoxy (vert foncé) 120 cm de diamètre (47,3) © Courtesy Galerie Anne de Villepoix, Paris
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Labelle-Rojoux Arnaud, Détendez-vous ce n´est que de l´art !, 2008 Acrylique sur papier 70 x 50 cm © Fabrice Gousset ; Courtesy Galerie Loevenbruck, Paris
Gérard Deschamps, Jeux d'eau. Il faut aller voir Gérard Deschamps pour voir ce qu'est devenu le Nouveau Réalisme. Mais aussi pour voir comment on peut utiliser les jouets gonflables, les pneumatiques, sans pour autant s'appeler Jeff Koons. * Musée des Arts décoratifs Galerie des Jouets 107, rue de Rivoli Jusqu'au 16 novembre 2008
Gérard Deschamps, Pneumostructure, Dauphins, 2004 © galerie martinethibautdelachatre / © Adagp, Paris, 2008
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Versailles
Versailles
Jeff Koons Versailles. Si ce n'est pas l'événement de la rentrée, ça y ressemble. Jeff Koons investit le Château de Versailles avec Hanging Heart, Lobster, Puppy, ou encore Rabbit, le lapin gonflable géant. Des œuvres essentielles dans un lieu non moins essentiel. Le Château de Versailles comme nous ne l'avons jamais vu et comme nous ne le reverrons certainement jamais. Du 11 septembre au 14 décembre 2008 Château de Versailles - Grands Appartements et Parterre de l'Orangerie
Moon - exposé dans La galerie des Glaces (1995-2000) Jeff Koons, Moon, François Pinault Foundation, Studio Jeff Koons High chromium stainless Steel with transparent colored coating 330,2 x 330,2 x101,6 centimètres 1247 kilogrammes
Lobster - exposé dans Le salon de Mars (2003) Jeff Koons, Lobster, Collection Michael et B.Z. Schwartz, Studio Jeff Koons Polychromed aluminium, coated steel chain 264,4 x 48,3 x 94 centimètres 48 kilogrammes
Rabbit - exposé dans le Salon de l'Abondance (1986) Jeff Koons, Rabbit, Collection privée, Studio Jeff Koons Stainless steel 104,1 x 48,3 x 30,5 centimètres Edition of 3 plus AP
12ème
Christian Boltanski, Les archives du cœur. Il s'agit des archives du cœur de l'artiste. Une lampe s'allume et s'éteint au son du battement de son cœur. Son visage se métamorphose à la même cadence. D'avant à demain. Des images d'archive et un son archivé, pour être sûr de se souvenir. Pour garder en mémoire. * La Maison rouge 10, boulevard de la Bastille Du 13 septembre au 5 octobre 2008 Christian Boltanski, Le Cœur 2006, Vues d'installation de L'Institut Mathildenhöhe Darmstadt, Allemagne Photo: Wolfgang Günzel Courtesy Christian Boltanski et Galerie Marian Goodman, Paris/New York
Nuit Blanche. L'édition 2008 se resserre autour des gares. De 19h à 7h, les œuvres d'une cinquantaine d'artistes seront visibles principalement dans les halls, les vitrines, les façades et les quais de gare. Parmi eux, Tony Oursler, Pierrick Sorin ou Shaad Ali. Du 4 au 5 octobre 2008 Javier Tellez Eglise Saint - Eustache Letter on the Blind, For the Use of Those Who See, 2007 Super 16mm film transferred to highdefinition video, black and white, 5.1 digital dolby surround Duration 27'36'' Comissioned by Creative time as part of Six Actions for New York City Co-produced by Galerie Peter Kilchmann Courtesy the artist and Galerie Peter Kilchmann, Zurich Tony Oursler Gare du Nord Simulation ©Tony Oursler Melik Ohanian, From the voice to the hand. C'est sa rentrée. Il est partout ou presque. Une occasion rêvée pour faire dialoguer les œuvres dans un temps donné mais dans un espace disséminé. Un espace-temps singulier, où une même histoire, celle de l'artiste, rencontre plusieurs histoires, celles des lieux. * Le Plateau, Fonds régional d'art contemporain d'Ile-de-France 33, rue des Alouettes + 15 autres lieux : Abbaye de Maubuisson, MAC/VAL… Melik Ohanian From the voice to the hand - trouble time(s) 2007 horloge 180cm de diamètre et verre sablé courtesy Melik Ohanian / Yvon Lambert gallery, New York
Partout
art patchwork Wolfgang Tillmans, Strings. “Vous êtes libres d'utiliser vos yeux et d'attribuer des valeurs aux choses comme vous le souhaitez. Les yeux sont un formidable outil subversif, car ils ne peuvent être contrôlés, ils restent libres quand ils sont utilisés librement.” Une expo à aller regarder. * Galerie Chantal Crousel 10, rue Charlot Du 13 septembre au 25 octobre 2008
Andres Serrano, Shit. Voilà ce qu'en dit Hélène Cixous : “Shit ne fait pas de chichis. C'est sans détour. Ce n'est pas politically correct. C'est poliltically direct. C'est ce qu'il pouvait faire de plus. Attirer pour repousser ou repousser pour attirer. Faire attention à ce qui n'intéresse personne.” * Galerie Yvon Lambert 108, rue Vieille-du-Temple Du 12 septembre au 16 octobre 2008
Andres Serrano SHIT (bull shit), 2008 C-print 223,5 x 182,9 cm Edition of 5 Courtesy Andres Serrano, Yvon Lambert Paris, New-York
Wolfgang Tillmans An der Isar, 2008 C-print Grand format, encadré Edition 1/1+1 AP Courtesy de l'artiste et de la galerie Chantal Crousel
Andres Serrano SHIT (Hieronymus Bosch shit), 2008 C-print 223,5 x 182,9 cm Edition of 5 Courtesy Andres Serrano, Yvon Lambert Paris, New-York
Wolfgang Tillmans entrance Opera, 2008 C-print Grand format, encadré Edition 1/1+1 AP Courtesy de l'artiste et de la galerie Chantal Crousel
Marlène Mocquet. Des petites filles, des personnages bicéphales, des oiseaux agressifs, des monstres peuplent les peintures singulières et hautes en couleur de Marlène Mocquet. Personnage dont l'histoire est contée de toile en toile, d'exposition en exposition. Galerie Alain Gutharc 7, rue Saint-Claude Du 6 septembre au 11 octobre 2008 Marlène Mocquet Le corps en pétales et le paysage dans la tête 2008 Techniques mixtes sur toile 130 x 200 cm Courtesy Galerie Alain Gutharc
3ème
Qubo Gas. C'est un trio lillois qui dessine et enchante à travers des lignes, des couleurs et des enchevêtrements. Leurs œuvres ressemblent à un jardin expérimental et leur travail à celui d'un jardinier doublé d'un petit chimiste voire d'un informaticien. * Galerie Anne Barrault 22, rue Saint-Claude
Qubo Gas feutres et aquarelle sur papier, 2008 29,5x41,5 courtesy galerie Anne Barrault
K?-26
Jeremy Deller. D'une révolution à l'autre. Carte Blanche. Cette année c'est Jeremy Deller qui s'y colle. En prenant comme point de départ la collection des “Folk Archive”, qui rassemble des objets et des documents folkloriques britanniques contemporains, le lauréat du Turner Prize 2004 met en place un parcours qui mène de la révolution industrielle anglaise à la révolution numérique contemporaine. * Palais de Tokyo 11, avenue du Président Wilson Du 25 septembre au 4 janvier 2009 Jeremy Deller Veteran's day parade, La fin de l'empire, 2002 vidéo sonore et couleur (master betanumérique + 1 dvd de présentation) durée 14'10" 1/3 Courtesy Art : Concept, Paris Jeremy Deller (en haut) Le célèbre catcheur “Exotic”, Adrian Street et son père mineur de fond en 1973. Photo : Dennis Hutchinson.
16ème
Objectivités. La photographie à Düsseldorf. L'histoire de l'objectivité photographique à Düsseldorf de la fin des années 60 à nos jours. Voilà pour le programme. Dans le détail, des œuvres majeures comme celles des Becher, Richter ou Polke, des œuvres stars comme celles de Gursky, Struth ou Ruff, et des œuvres à découvrir comme celles de Berges, Mettig ou Wunderlich. * Musée d'Art moderne de la Ville de Paris 11, avenue du Président Wilson Du 4 octobre au 4 janvier 2009 Thomas Ruff Jpeg msh01 2004 C-Print 276 x 188 cm © Thomas Ruff 2008 Thomas Ruff Jpeg se03 2006 Diptyque avec jpeg se01 Tirage couleur, 246 x 188 cm ©Thomas Ruff
Keith’s people art
Anri Sala. 19ème
104. Le 104 est “l'établissement artistique de la ville de Paris”. Le Palais de Tokyo est celui du Ministère de la culture. Chacun le sien. Paris dédie 39000 m2 à la culture émergente sous toutes ses formes par le biais du “1% artistique” et de multiples résidences. * 104, rue d'Aubervilliers Ouverture le 11 octobre 2008 à 14h30 copyright : experimental jetset
Le 104 ouvre ses portes. Anri Sala présentera dans le cadre du 1% artistique un “projet lié à la température, au son et à l'image” dans l'atelier n°2. Le seul espace de travail qui garde les traces visibles de l'ancienne fonction du lieu : les Pompes funèbres. Rien ou pas grand-chose, voilà ce dont il s'agit. C'est le point de départ, “quelque chose qui n'est pas au niveau de l'image, mais qui peut donner l'image”. Ce quelque chose peut être tout et n'importe quoi. Un panneau publicitaire, une pâtisserie, ou un crabe sur la plage. “Ce qui m'intéresse surtout, c'est
Ambiances.
la mise en scène du rien, car il est vide de toutes pensées préparées. Remettre à zéro, pour construire. En Europe de l'Est, il existe encore beaucoup d'espaces non contrôlés : ils sont pleins de poussière mais aussi de la possibilité de projeter des choses non arrêtées. Et là, tu peux te perdre.” Se perdre. Voilà ce dont il est question. Se laisser porter là où nous portera notre imagination et notre éducation. Notre culture. Car l'histoire, sa lecture, diffère en fonction de celui qui la lit. Et évidemment de celui qui la raconte. Celui qui la raconte c'est Anri Sala, un artiste albanais de 34 ans, un artiste qui a grandi sous un régime communiste dans un pays fermé à toute influence extérieure. Quand le changement de régime advient, “tout est permis d'un coup”. Le changement chamboule tout, très vite. Alors, Anri Sala choisit la vidéo, “un medium qui supporte bien le mouvement” au détriment de la peinture et de la photo. Et, il part pour la France d'abord, l'Allemagne ensuite. Perdu. “Etre ailleurs m'aide beaucoup à comprendre ce qui se passe dans mon pays, donc à travailler le passé et à servir ma mémoire.” Anri Sala fait d'une interview de sa mère - enrôlée dans les jeunesses communistes dans les années 70 - une œuvre, Intervista. Le son manque. La bande est soumise à un institut de sourd-muet puis à sa mère qui ne s'est pas reconnue dans les mots transcrits. “Comme si la langue s'était construite
Ghost Games 2002 Video transfered on DVD, sound 9 min 15 Time after Time 2003 Colour Video transferred to DVD, sound 4min 58 sec
Nocturnes 1999 Color 16 mm film with sound, English subtitles Transfered to DVD 11 min 28 sec
K?-28
A Place for Sheep and Games Photographie noir et blanc sur papier baryté 152 x 102 cm Courtesy Galerie Chantal Crousel
œuvres à lire comme on lirait un recueil de nouvelles. Mixed Behaviour, Time after time, Long Sorrow, Window Drawing, Blindfold… Toutes ont quelque chose en commun, une substance, une essence. Toutes diffèrent. Pourtant, il s'agit toujours des mêmes histoires. Des histoires sans narration, des histoires qui ne parlent de rien, des histoires où le temps ne passe pas. Des histoires où il est question d'indécision, d'obscurité, de suspens, d'entre-deux. Des histoires où il est question d'un cheval perdu sur l'autoroute en pleine nuit. Certains diront en voyant sa pâte arrière levée à chaque passage de phare qu'il est dressé, d'autres diront qu'il est effrayé. Des histoires où il est question de crabes aveuglés par des torches électriques braqués par des jeunes. Certains diront que c'est un jeu d'enfant, un stupide jeu d'enfant, d'autres diront que c'est une traque policière. A chacun son histoire.
pour soutenir le système, comme si une fois l'idéologie morte et le système écroulé, elle devenait impropre, grammaticalement fausse.” Une œuvre comme un témoignage de l'amnésie sélective d'un pays, une œuvre comme un manifeste. “Mon problème, c'est le rapport entre le passé et la mémoire. Je peux dire que j'ai un passé en commun avec mes compatriotes mais pas une mémoire commune.”
Perdus dans un monde instable et obscur. Un monde chargé de murmures, de bruissements, d'explosions. Un monde retranscrit par des bandes son. Les moteurs et les klaxons des voitures, le ressac de la mer, la musique, les explosions, le saxophone, les travaux… Un monde chargé de bruits qui font sens. Des bruits qui rappellent à la fois un ici et un ailleurs. Comme cette nuit pluvieuse de Nouvel An, où un dj mixe en surplomb de Tirana. Sa musique rivalise avec les feux d'artifice pirates et les explosions diverses. Le bruit provoqué par la musique n'arrive pas à cacher la violence de la ville. Le bruit n'arrive pas à cacher l'essentiel. Même de nuit.
Nous perdre. Voilà ce que fait Anri Sala en nous proposant des
Dorothée Tramoni.
Dammi i colori 2003 Vidéo couleur transférée sur DVD, son 15 min 24 sec Courtesy Galerie Chantal Crousel
musique
O, de Tilly and the Wall (Team Love Records). Un groupe qui s'articule autour de cinq membres : trois filles et deux garçons : un délicieux résultat. L'album est tout aussi saugrenu et intriguant que son titre, O. Tilly and the Wall nous livre une pop douce, pure et limpide comme une source des Vosges ! Moins brut qu'auparavant, les compères redéfinissent leur son sur cet album, marqué par plus de richesses sonores. Tall Tall Grass ouvre le bal et déconcerte d'émotion. Les voix de femmes dominent, nous balancent des titres rythmés par des claquettes et des mélodies kaléidoscopiques… O est donc un album plus percutant, mais dont les voix fluettes n'ont pas perdu une once de leur cachet. Les cinq nous donnent tout simplement envie de faire la fête, d'être entouré et de chanter à tue tête la nuit entière. Alors comme ils le scandent si bien : “Let the beat control you now !” Donatien Cras de Belleval.
Skeletal Lamping, de Of Montreal (Polyvinyl Records/la baleine). Sortie le 7 octobre
Pour faire simple : prenez une cuillère de l'androgynie de David Bowie, mélangez-la à une pincée de l'excentricité de Georges Clinton, saupoudrez le tout d'une pointe du sarcasme d'Adam Green, laissez reposer…vous obtiendrez le nouvel opus des Of Montréal. Si vous avez raté les nombreux précédents, préparez-vous au choc ! Il suffit d'une seule rencontre avec ces zinzins pour que des ailes vous poussent dans le dos, des collants roses flashes recouvrent vos jambes et qu'une épaisse couche de maquillage recouvre votre visage. Commencez avec le sautillant Id Engager ; déhanchement assuré ! Au -delà de la pop-psyché-disco-funk aux influences glam, se cachent aussi de petits monstres maléfiques aux paroles parfois salaces comme I'm So Sick to Suck on a Dick. Mais ce qui marque ce nouvel album, c'est la rencontre de plusieurs chansons en une seule : les airs se coupent, se décousent, vous prennent toujours de court. Les voix qui se répètent, l'incroyable ligne de basse, accompagnée d'innombrables petits sons électro vous envoûtent inévitablement. Mais la cerise sur le gâteau est incontestablement l'incroyable présence loufoque du combo. Courrez les voir sur scène, vous assisterez à une véritable pièce de théâtre ! D.C.B.
K?-30
Beyond the wizards sleeve Ark.1, de Beyond the Wizards Sleeve (The Third Mynd Recordings). Sortie le 16 octobre
La magie, l'irrationnel inquiète mais fascine sans cesse. Le fondateur de The Grid, Richard Norris, et le très talentueux Erol Alkan ont revêtu leurs capes et se lancent dans un périple musical démesuré. Beyond the wizards sleeve (la première arche) frappe un grand coup, n'ayons pas peur de le dire. L'ésotérisme des quatorze morceaux explore de nouvelles destinations. Laissez-vous guider simplement. Il est possible qu'au début de cette aventure, l'étrangeté des beats éclectiques vous déboussole quelque peux. N'ayez craintes, Jim Morrison veille et vous envoie une invitation pour ce voyage initiatique, Get ready to fly ! Les ré-edits des compilations Nuggets sont largement nourris au Krautrock, Can et Neu ! en tête. Sans prétention, les deux illusionnistes provoquent une altération en dépoussiérant leurs vieux vinyles. De cette alchimie nait des beats disco méconnaissables sur Bubble burst ou l'hypnotique Light Years. Une fois le magnétisme activé, goûtez au fruit défendu, Electric bananas. Mais attention aux fausses pistes, habité par un sentiment passionnel le Sunday Morning Sun-g peut vous emporter dans les vapeurs soporifiques d'un Midas reversed. On espère dorénavant que d'autres ovnis voudront bien atterrir plus souvent. Mateusz Bialecki.
illustration : designjune.com
playlist
François Virot - Not the One Luomo - Have You Ever Land of Talk - Some Are Lakes The Souljazz Orchestra - Parasite Sonny J - Enfant terrible We Have Band - Hear it in the Cans Kitty, Daisy & Lewis - Buggin Blues Mockingbird, Wish Me Luck - Pictures John McFinger - Au clair de la lune Thomas Tantrum - Blasé Puppetmastaz - Mephistopheles Simon Bookish - Dumb Terminal Tahiti 80 - All Around
When the Haar Rolls In, de James Yorkston (Domino/Pias).
Me & Armini, d'Emiliana Torrini (Rough Trade).
Dig out your Soul de Oasis (Big Brother/Pias).
James Yorkston nous livre son quatrième opus : When the Haar Rolls In, entièrement autoproduit. Libre de toute pression des majors, il nous signe, avec ses comparses du groupe Athletes, un album intime et folk. Toutes dans le même registre, les différentes chansons retranscrivent pourtant toute sorte de sentiments, de lieux, d'ambiance. De cet album, se dégagent particulièrement Tortoise Regrets Hare, aux pouvoirs euphorisants, Midnight Feast, emplie de mélancolie, et When the Haar Rolls In, véritable ode à la flânerie. Nous sommes immédiatement plongés dans un monde empli d'émotions et de ressentis, d'odeurs et de sensations. James Yorkston, à la façon de Sufjan Stevens, nous invite à la rêverie, vers d'autres horizons. En ces temps maussades de rentrée, When the Haar Rolls In est le dernier recours pour s'échapper de Paris et continuer à voyager là où les grandes plaines sont peuplées de bisons et les fermes perdues en plein maïs.
Trois ans se sont déjà écoulés dans le monde de la pop acoustique depuis l'apparition de l'attachante italo-islandaise, et on se met à rêver pour elle d'un succès mérité. Emiliana Torrini progresse sur sa route ensoleillée et approche à grand pas de la maturité tant attendue. Le troisième opus, Me & Armini, s'appuie sur une voix sucrée et charismatique. L'espace conquis, les mélodies sensibles dansent délicatement autour de la belle. Le minimalisme instrumental exploite toutes les alternatives sans jamais tomber dans l'ennui. Fireheads ouvre en douceur les festivités et propose une ballade gracieuse. La maitrise semble être le mot d'ordre de ce disque. Chargée d'une rythmique reggae, Me and Armini fait varier les plaisirs. La profondeur du souffle brûlant de Ha Ha en fait de loin la chanson la plus touchante. Le petit bijou pop-électronique Big Jumps fait résonner dans nos cœurs l'enthousiasme et la joie d'une seconde vie. Les larmes s'évaporent et donnent l'illusion d'une alchimie sans fin sur Dead duck. Cette musique est certes celle qui pourra vous déprimer, mais pour mieux vous relancer…
Chaque nouvel album d'Oasis, depuis (What's the Story) Morning Glory, suscite, auprès des adeptes comme des sceptiques, la polémique. Lorsque le groupe innove, on lui reproche de trop changer, lorsqu'il garde son style, de ne pas se renouveler. Ainsi, en 2006, sort Don't Believe the Truth, un album en demi-teinte. Du « Oasis classique », mais où Noël injecte une dose de nouveauté, comme un indice du chemin qu'il souhaite prendre. Dans Dig out your Soul, il suit cette route, et traverse une bonne fois pour toute l'Atlantique, à la recherche d'”un son plus hypnotique”, “des chansons avec un certain groove”. Tout en conservant son âme, le groupe passe à autre chose : des tonalités beaucoup plus blues, toujours très rock, mais avec une dose d'originalité difficilement descriptible. En témoignent The Turning, le tube de l'album, une chanson psychédélique dont les couplets à l'ambiance tamisée, légère, contrastent avec le refrain aux riffs lourds et noirs, et I'm Outta Time, une magnifique ballade pop, au refrain éblouissant. Oasis, libéré de sa maison de disque et n'ayant plus rien à prouver, poursuit ainsi le travail du précédent opus.
M.B.
F.K.
François Kraft.
Sortie le 9 octobre
Sortie le 6 octobre
musique
Keith : Avez-vous un groupe préferé? Black Kids : En ce moment on aime beaucoup Of Montréal, ils sont vraiment excellents !
Black Kids. Keith : Pourquoi “Black Kids” ? Black Kids : Beaucoup de mystère plane derrière ce nom. On brouille les pistes pour que personne ne connaisse la vérité. C'est un nom plutôt cool, non ?
Keith : Un thème pour votre album? Black Kids : Sensuel (rires) ! Non, on se décrit comme un “smut band” (smut = grossier), on fait de la “smut pop” !
Keith : Vous étiez chacun dans différentes formations avant de vous réunir, comment vous êtes vous finalement retrouvés ? Black Kids : Nos premiers groupes, Holly Cust et Cubby, étaient des groupes post-punk pour adolescent pré pubère (rires). On avait une certaine reconnaissance mais on jouait toujours dans les mêmes bars à Jacksonville. Tout a commencé quand Reggie nous a appelés pour monter un projet sérieux, en ne prenant que le meilleur de nos expériences passées. Keith : Jacksonville est une ville très croyante, aviez-vous un rapport quelconque avec la religion ? Black Kids : Dès l'enfance nous avons eut un rapport extrême avec la religion. On s'est rencontré à l'école de dimanche, à l'église ! En grandissant, nous avons trouvé notre voix, mais on ne chante pas “I love Jesus” (rires). Par exemple, la dernière chanson de l'album parle d'un garçon qui veut coucher avec une fille, mais cette dernière pense qu'ils doivent d'abord se marier et il en sort plus digne. Keith : Que signifie les paroles de I'm Not Gonna Teach Your Boyfriend : “You are the girl that I've been dreaming of ever since I was a little girl ” ? Black Kids : C'est marrant parce que certaines personnes ont cru qu'on était sexuellement dérangé à cause de cette chanson. On nous en parle souvent ! En fait, chacun interprète cette chanson comme il veut. Mais c'est bon signe, cela veut dire que les gens retiennent nos paroles ! Keith : Votre musique sonne très 80's, quels genres vous ont influencé ? Black Kids : Le disco, Motown, la funk, le R'n'B, le trip hop…
Keith : Comment vivez-vous le fait d'être un nouveau groupe “hype”? Black Kids : On essaye de se focaliser sur le moment présent et sur notre musique. Ce qui compte c'est notre carrière et il faut garder la tête sur les épaules si tu veux durer ! Keith : Qu'avez-vous prévu pour le reste de l'année ? Black Kids : On va beaucoup tourner, d'abord aux Etats-Unis, en Angleterre et en Europe, puis au japon. C'est plutôt excitant pour nous ! Keith : Quel est l'endroit ou vous vous sentez le mieux? Black Kids : Sûrement en Norvège et en Suède. Le calme et la beauté du paysage nous réconfortent. Mais il y a aussi Paris bien évidemment ! Keith : Avec quelle personne rêveriez-vous de travailler ou de chanter? Black Kids : On aimerait bien travailler avec Charlotte Gainsbourg, elle a notre numero de téléphone ! Vous croyez qu'elle voudrait bien (rires) ? Propos recueillis par Mateusz Bialecki et Donatien Cras de Belleval.
K?-32
Clandestine, de Brooklyn (Monday/Ctrl Alt Del Records/Discograph). Sortie le 6 octobre.
Que les fines bouches qui grimacent devant les Kooks et font la moue en entendant parler de Razorlight passent leur chemin. Le premier album des Parisiens de Brooklyn n'est pas pour les boudeurs ou les rabat-joie ! Une enfilade de tubes, des mélodies qui vous collent aux oreilles comme du chewing-gum aux semelles de vos Converse, un chanteur qui chante juste (eh oui !), un Français avec un accent anglais plus vrai que nature… Parfois, entre deux concept albums surproduits mais sous-écrits, ça fait du bien. Du titre éponyme, Clandestine, dédié à feu les mythiques open mic du Shebeen, au single Volcanology et ses chœurs bien troussés, en passant par… les dix autres chansons, ce premier album épate et enthousiasme. Si vous doutez encore, dites-vous que les Anglais en sont déjà fous (le disque sort d'ailleurs sur un label british), que le groupe revient d'une tournée au Japon, et a enflammé Rock en Seine en août dernier. Encore un conseil pour la route, une fois l'album écouté (et acheté), dépêchez-vous d'aller voir Brooklyn sur scène. C'est un pur moment de poptimisme ! www.myspace.com/aboutbrooklyn Clémentine Goldszal.
What Of Our Future, de Cazals (Kitsuné). Sortie le 4 novembre
Sacrés Ryan Atwood et Seth Cohen, toujours là pour se mettre dans des pétrins impossibles ! Non, vous ne rêvez pas, on parle bien des héros de la série Californienne The OC. Le rapport entre ce feuilleton certes attachant mais très teenage avec le groupe anglais the Cazals produits par André, graffeur émérite et gérant de boîtes parisiennes en vogue ? La violente impression que les Cazals ont enregistré la parfaite bande son pour les aventures de cet exdélinquant et de son frère adoptif loser, fan de rock indé et de comics. New Boy In Town, We're Just The Same, A Big Mistake, Poor Innocent Boys ?! Si on vous disait que ces titres sont ceux des chapitres du dvd de la saison 1 vous n'y verriez que du feu. Apportons de la nuance : souvenir d'un concert dans un squat punk à chien du 12ème très intense, suant la coke, à la limite du nucléaire. On retrouve cette fougue sur disque, avec de bonnes idées sonores en prime, boucles de synthés et boîtes à rythme. Entre les Libertines et Bloc Party, donc entre Buzzcocks, Smiths et Gang of Four, les chansons sont solides et efficaces. Pas essentiel mais touchant par sa simplicité pop, le répertoire du groupe recèle tout de même de jolies choses, Somebody, Somewhere et Both Sides. Excellent à écouter lors de la dernière demi-heure d'un voyage en train vers la capitale, lorsque les premiers graffitis urbains apparaissent, le front collé à la vitre, impatient d'aller bouger et boire des verres dans un club branché. www.myspace.com/cazalsuk
Loyalty To Loyalty, de Cold War Kids (V2/Coop). Il y a un peu plus d'un an, Cold War Kids schotchait tout le monde avec un premier album virtuose. Robbers & Cowards vous prenait aux tripes avant de vous prendre la tête : en écoutant, puis en réécoutant chaque titre, un monde s'ouvrait, fait de batterie à contre temps, de parties de guitare où Jimi Hendrix rencontrait le meilleur des Kings Of Leon. Le tout emmené par la voix totalement barrée de Nathan Willett et un piano chavirant. Pour ne rien gâcher, le spectacle des quatre californiens sur scène, qui officient dans une envoûtante harmonie, a ensorcelé toutes les audiences. Alors évidemment, on attendait en trépignant le deuxième épisode de cette réjouissante odyssée. Et Loyalty To Loyalty tient ses promesses : pas de changement de cap, la recette reste la même, l'ambiance est angoissante, oppressante et jouissive. Après un temps d'apprivoisement, car ce groupe est définitivement déroutant, ne passons pas à côté de cette avant-garde là, et portons notre attention de l'autre côté de l'Atlantique : pour le rock en 2008, c'est là-bas que ça se passe. www.myspace.com/coldwarkids. En concert le 29 novembre au Bataclan C.G.
Benjamin Kerber.
musique
Forty Love, de Housse de Racket (Discograph). Sortie le 13 octobre.
La passion des français pour les sons soul, funk et disco noirs des années 70 jusqu'au milieu des années 80 n'est pas nouvelle. Des one-shots du style Fric, Erreur Erotique au succès international qu'est Daft Punk, la tradition du synthétiseur analogique type Roland Juno ou Moog s'est installée dans les systèmes auditifs. Le son de basse rond, puis cette petite cocotte de guitare avec de l'effet chorus, celle qui a fait le beurre de If I Ever Feel Better de Phoenix. Dans la chanson name-dropping de Housse de Racket, Oh Yeah !, la couleur est de nouveau annoncée : Stevie Wonder, Sly Stone, Marvin Gaye, Georges Clinton, Chic et j'en passe. Première bonne nouvelle de ce disque : du bon goût en veux-tu en voilà. Pour ceux qui ont eu la chance de voir le groupe sur scène, c'est une vitrine de collectionneurs utilisée avec finesse et talent par des gars rigolos déguisés en tennismen. Deuxième bonne nouvelle : le chant en français, qui ôte toute possibilité de prétention à des musiciens qui ont pourtant la capacité d'enregistrer d'énormes hits. Parfois kitsch et assumé : Pacific Sunset / Balladeur et rollerskates. Souvent tubesque à l'image de 1-2-3-4 et Gwendoline. Donc troisième bonne nouvelle, des supers compositions, bien arrangées, décalées, calibrées pour le dancefloor. Reste à voir si cette France qui se pâme devant le drôle mais lourd Michael Youn sera prête à encaisser cette dose de Fresh, Fun and Funky French Groove. www.myspace.com/houssederacket Benjamin Kerber.
Temporary People, de Joseph Arthur & The Lonely Astronauts (Fargo) Actif depuis plus d'une dizaine d'année, Joseph Arthur sort malgré tout ici son septième album. A croire que les projecteurs n'éclairent pas toujours ce qui brille le plus. Abstraction faite du passé, nous sommes en 2008 et Jeff Tweedy peut dormir tranquille. Le relais néo folk est bel et bien pris à partir de là. En cinq puissantes minutes, le crooner et son classieux “backing band”, the Lonely Astronauts, plaquent sans se fatiguer ce qu'on appelle, pour en finir avec les expressions toutes faites en anglais un “instant classic”. “Hanging out with the temporary people, 'till I find my way back to you” : tout y est, solitude, égoïsme et romantisme. Un son chaleureux qui rappelle donc le dernier Wilco et ses beaux ornements de Jazzmaster. Une chanson d'amour brute de décoffrage qui se termine tragiquement sous une tempête sonore. Le reste coule de source : un disque qui a la couleur des feuilles mortes d'octobre, qui pue les longues nuits blanches à regarder la télé, scruter son téléphone qui ne vibre jamais et laisser couler ses larmes sans complexe. Avec une certaine rage donc, la cymbale crash frappée avec violence et les moulinets distordus sont bel et bien au rendez-vous de ce défouloir sentimental. Un devoir de début d'année qui mérite amplement ces quelques observations : “Rock and roll au sens Velvetien du terme, authentique au sens Stonien et mélancolique à la rubrique Dylan du dico de la pop, c'est un travail sérieux, riche, appliqué et inspiré.” www.myspace.com/josepharthur B.K.
K?-34
Petite Mort, des Second Sex (Because). Sortie le 13 octobre.
Autant se débarrasser d'entrée de jeu du blabla qui vient forcément à la plume quand on se met à écrire sur les Second Sex. Oui, ce sont eux, les jeunes rockers très lookés que l'on a beaucoup vu dans Rock & Folk. Oui, ils ont moins de vingt ans (à l'exception du batteur, Sacha, presque un papy rocker !), oui, ils ont de l'allure, de belles gueules et une jolie arrogance dès qu'on leur met un instrument entre les mains. Mais voilà, comme rien n'est simple, c'est cette même arrogance presque inconsciente qu'on leur reproche tant, qui les a fait monter sur la scène du Bar III il y a quelques années, puis assurer des premières parties qui en jettent (Zénith, Stade de Monaco, Olympia…), et enfin partir en Suède pour se colleter avec la légende contemporaine du punk : les Hives. Avec Pelle Gunnerfeldt, producteur attitré des quatre furieux en costume, les Second Sex ont mis au point un son, à la fois précis et lourd, offensif mais ciselé. Du coup, leurs compos, longtemps hyper efficaces en live mais amputées de leur énergie dès qu'elles passaient sur disque, prennent un vrai coup de boost. Au tracklisting, outre les “classiques” qui réjouiront les fans de la première heure (cette Fille Facile qui tient décidemment bon la barre de sa vertu, ou Heartattack, la plus pop), on galope le long des seize titres échevelés (dont une intro et une outro), en français et en anglais. Et si l'on ne boude pas son plaisir, on a de fortes chances de prendre son pied. Bref, sur la scène rock parisienne, entre la nostalgie Naast, l'orfèvrerie Shades et le talent mélodique des BB Brunes, les Second Sex restent à leur place, garants de la troïka Sonics, Ramones, Libertines. Chapeau bas. Clémentine Goldszal.
Everything Is Borrowed, de The Streets (WEA). Mike Skinner va avoir trente ans en novembre 2008. Aussi irritante que cette expression puisse être, il en a profité pour offrir à son public “le disque de la maturité”. Everything Is Borrowed est décrit par son auteur comme un “monologue introspectif” censé évoquer des “paysages de plages, de nouveaux horizons”. Il s'est également forcé à ne jamais faire référence au monde moderne dans ses paroles. A-t-on pour autant affaire à son Village Green Preservation Society, album conceptuel des Kinks en marge de son époque car bucolique, à l'heure des débuts du heavy rock ? Pas loin. The Streets est censé être un groupe de rap, car Skinner rappe. Mais ses textes de solitaire lucide, drôle et sensible, le rendent singulier à eux seuls. De plus, il serait trop bête de passer à côté de l'impressionnante variété de saveurs dont regorgent ces onze titres. “I'm not trapped in a box”, dit-il sur The Escapist, et voilà ce qui l'isole de la concurrence. De la soul (Heaven For The Weather est un dancefloor shaker façon early Motown) au funk (Never Give In a ce riff incisif qui sonne comme du Stones fin 70), en passant par le jazz (I Love You More Than You Like Me et son solo de Rhodes) et la pop (On The Flip Of A Coin a le côté bluesy traditionnel des morceaux de The Coral), le tout à la sauce Grande-Bretagne. Le plat est délicieux car frais. Au dessert ? Une ballade crémeuse mais courageuse, Strongest Person I Know. Qui a dit que les Anglais ne savaient pas cuisiner ? B.K.
The Virgins, de The Virgins (WEA). Sortie le 6 octobre Sur quoi va-t-on bien pouvoir danser cet hiver ? Du Justice encore pour la touche french ? Mouais… Du CSS pour l'ambiance “samba di Jane” ? Bof. Du Late Of The Pier pour la branchitude agréée ? Non. Cette année, l'album sautillant qui va ambiancer les soirées les plus glaciales nous vient directement de la Grosse Pomme, et est servi sur un plateau lamé par quatre garçons au look indie impeccable. Après avoir tourné avec Jet, assuré les premières parties de Patti Smith ou de Sonic Youth, et marqué les jeunes esprits en participant à la BO de Gossip Girl, ils naviguent enfin en solo, et leur disque éponyme regorge de hits en puissance. À la manière de MGMT, la mélancolie en moins, ils manient merveilleusement la nostalgie, à coup de lignes de basse très Stones période Miss You, et leur terrain de jeu s'appelle l'adolescence. Il y a des “ouh ouh” en veux-tu en voilà (She's Expensive), une scansion hip hop cool (One Week Of Danger), et bien sûr un tube incontournable, de ceux qui vous restent dans la tête jusqu'à hanter vos rêves de dancefloor (Rich Girls). Bizarrement, le meilleur de l'album est concentré dans le premier quart d'heure… Mais on s'en fiche ; quinze bonnes minutes de kiff disco, c'est toujours ça de pris ! C.G.
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INTRODUCING… THE MANTIS ! Les Mantis, c'est une histoire toute simple… Celle de deux ados qui deviennent potes au collège pour une question capillaire (“On était les seuls à avoir les cheveux longs”), montent un groupe en 2002 par tradition familiale (le père de l'un est guitariste, celui de l'autre batteur), trouvent un nom à connotation insectophile (“On a choisi The Mantis parce que ça veut dire mante religieuse. Plus tard, on s'est aperçu que ça voulait aussi dire “prophète” en grec ancien”), et se mettent à apprendre sur le tas. À écouter parler Santiago, 18 ans, chanteur et moitié de ce drôle d'hydre à deux têtes, tout dans les Mantis semble avoir été une évidence. Mais ne vous fiez pas aux apparences. Le duo rock, référence aux White Stripes ? Réponse : “Pas du tout ! On ne connaissait ni les White Stripes, ni les Strokes quand on a commencé à jouer ensemble. Mais on a débuté à deux, et au fil du temps, c'est devenu d plus en plus difficile d'intégrer une troisième personne.” Pas tellement surprenant car, niveau duo, le fonctionnement du groupe ferait plutôt penser aux Kills, un binôme qui existe bien au-delà de son activité musicale. “Je commence les Beaux-Arts, explique Santiago, Emilien une fac de ciné… Pour nous, la musique, c'est un folklore. On cherche juste ces gimmicks qui nous font entrer en transe, nous portent vers un niveau de conscience supérieur. En fait, c'est un truc de hippie !” On pense alors à MGMT, dont les textes souvent désespérés peuvent apparaître comme un versant pop au punk furieux des Mantis. Car ces deux-là, comme le binôme new yorkais, ont composé rien de moins qu'un hymne. Where Are You My Generation ? est un diamant noir et énervé, que l'on voit très bien repris en chœur par un public en délire. Explication : “En sortant d'un concert des Stooges, on s'est mis à penser à No Fun : deux mots qui résument toutes les frustrations, des accords très simples… C'est un peu comme un haïku japonais. Du coup, on a cherché une phrase à écrire au dos d'un perfecto…” Du Stooges donc, avec un pointe de Cramps pour le second degré, voilà pour les influences. Le reste est vraiment plutôt unique. Produit par Yarol Poupaud, leur premier EP est disponible en téléchargement. Et il est urgent de l'écouter ; les Mantis sont ce qui est arrivé de plus excitant au rock parisien depuis trois ans. En concert le 31 octobre à la Scène Bastille. www.myspace.com/themantisband Clémentine Goldszal.
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Spleen &
Hugh Coltman :
mots croisés.
Mon premier est né dans la région parisienne, mon second dans un village anglais. Mon premier s'appelle Spleen et fredonne en français ses désespoirs amoureux et ses dilemmes sentimentaux, mon second chante, lui aussi, l'amour, mais en mode soul, et en anglais.“Comme un enfant”, le deuxième album de Spleen (Remark/Warner), est déjà dans les bacs, et le petit chef d'œuvre soul de Hugh Coltman,“Stories Of The Safe House” (ULM/Universal), sera disponible le 27 octobre. Nous avons tenté une interview croisée autour d'un petit déjeuner, qui s'est vite changée en discussion entre potes. Pour notre grand plaisir. Keith : Hugh, tu te souviens de ta rencontre avec Spleen ? Hugh : C'était aux scènes ouvertes de la Flèche d'Or… Spleen : Je lui ai dit “fais de la musique”, il m'a dit “ok”. Voilà comment tout a commencé. En fait, la vie de Hugh, c'est un peu Billy Elliot : quand il était enfant, il était dans des compagnies de petits chanteurs, ils reprenaient le Petit Prince… Hugh : Ouais ouais c'est ça ! Il aime bien construire des histoires. Non, en fait, je viens de Great Cheverell, un petit village de 800 personnes dans le Sud Ouest de l'Angleterre. Ado, j'étais dans une école de théâtre, mais je ne savais pas trop ce que je voulais en faire. Vers l'âge de 18 ans, j'ai finalement monté un groupe de blues avec des potes d'enfance : The Hoax. Nous avons sorti trois albums et fait plusieurs tournées. Au début, je ne faisais que chanter, mais assez vite, j'ai eu envie de composer. Et c'est pour ça que je me suis fina- “En fait, la vie de Hugh, c'est un lement cassé du peu Billy Elliot.” Spleen. groupe. “J'avais
Hugh : L'idée c'était de sortir de ma bulle, de bosser un an ici, d'apprendre le français, d'écrire un album, et de rentrer en Angleterre pour trouver un groupe, une maison de disque et enregistrer. Mais la vie a parfois ses propres “rules”… et ça a pris beaucoup plus longtemps. Spleen : Donc finalement, il ne rencontre pas grand monde en France. Alors il fait des petits boulots, dont un boulot de nuit dans un hôtel pour étrangers à Montmartre. Le soir, en donnant les clefs aux clients, il écrit des textes. Et dès qu'il peut, il va aux Scènes ouvertes de la Flèche d'Or, parce que c'est gratuit et qu'il peut y jouer ses morceaux. C'est là qu'on s'est rencontrés. Je jouais aussi là-bas. J'ai aimé ce qu'il faisait et inversement… C'était en 2002. On a commencé à faire de la musique ensemble.
vu Cyrano de Bergerac, et ça a été le déclencheur, l'histoire de ce mec un peu moche, un peu sinistre, qui écrit des poèmes et est amoureux d'une fille qu'il n'aura jamais.” Spleen.
Keith : Comment es-tu arrivé en France ? Hugh : Je suis arrivé en 2000… Spleen : Non, c'est moi qui vais raconter ! Avec The Hoax, Hugh a remporté le prix du meilleur chanteur de blues, décerné par un gros magazine musical anglais. Ils ont aussi partagé l'affiche avec BB King et Buddy Guy… Hugh : C'était assez cool ! Spleen : Après trois albums, alors que le groupe commençait à avoir du succès, il a décidé d'arrêter. Il avait envie de changer d'air, et est donc parti pour la France, en se disant qu'il allait faire sa musique à lui. Hugh : Tu as raté un truc ! Je suis venu en France à cause de ma grand-mère. J'ai vécu avec elle quand j'étais petit et elle me parlait tout le temps de la France, où elle avait passé deux ans dans ses jeunes années. Quand je suis parti du groupe, soit je retournais dans ma petite ville, le même bled, ce qui était plutôt relou après huit ans de groupe, soit j'allais à Edimbourg, mais il faisait un peu froid. Je suis donc allé à Londres, mais c'était trop cher. Alors je suis venu à Paris, un peu au hasard. Spleen : Voilà, donc il arrive à Paris et trouve un appartement en banlieue parisienne. Il pensait que ça allait aller assez vite avec ses maquettes, mais il n'a pas rencontré beaucoup de gens du monde de la musique.
Keith : Comment toi, Spleen, es-tu venu à la musique ? Hugh : Enfant, Spleen était un peu gros et pas très beau. Il avait des complexes physiques. Il a grandi à Bagnolet, puis Montreuil. Il aimait la musique mais les filles ne s'intéressaient pas trop à lui. Et il écoutait Michael Jackson… Spleen : Non ! Quand j'étais petit, j'adorais NTM et Tracy Chapman, et dans les soirées, on écoutait Ace Of Base et on dansait sur Whitney Houston pour conclure avec les filles. Moi, je ne concluais jamais. J'étais gros. Mais j'écrivais des poèmes, et j'inventais des personnages qui chantaient avec les figurines GI Joe. J'étais amoureux d'une fille dans ma classe qui s'appelait Sandra Elbaz. Elle ne s'intéressait pas trop à moi, alors je me suis mis au handball pour lui plaire. J'ai même fait un stage national vers 16 ans, mais j'étais trop petit donc ils ne m'ont pas gardé dans l'équipe (un peu comme Giuly). Ça a été le plus gros échec de ma vie ; j'ai alors arrêté le sport. Avant ça, j'avais vu Cyrano de Bergerac de Rappeneau, et ça a été le déclencheur, l'histoire de ce mec un peu moche, un peu sinistre, qui écrit des poèmes et est amoureux d'une fille qu'il n'aura jamais. Elsa avait un balcon, donc j'ai commencé à lui écrire des poèmes et à les
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qu'on est fatigué, qu'on a des problèmes… Résultat : je suis lui balancer par la fenêtre. Tous mes potes m'appelaient “le assez renfermé dans la vie, mais sur scène, vu que les gens poète” et me demandaient d'écrire des poèmes pour leurs copines. L'un d'eux rappait, je me suis donc mis à rapper comme lui, viennent pour écouter mon histoire, je peux raconter qui je suis. ça n'avait pas l'air si compliqué. J'ai fait un groupe avec mon Hugh : Ton nom de scène, c'est quelque chose derrière lequel tu pote Lenny, qui s'appelle maintenant Ardzen, Les Fleurs du Mal. peux te cacher ? Il était petit blanc, moi bouboule noir, on voulait un peu jouer les Spleen : Sur scène, je me montre plus que je ne me cache. La NTM. Et puis bon, finalement, Sandra se marie avec un type de musique, ça donne une situation. Dans une soirée, tu es l'artiste, cinq ans de plus qu'elle qui a redoublé sept fois… Après le bac, le musicien, le chanteur : tu as une place privilégiée. à 18 ans, je suis pris dans Roméo et Juliette, monté par Irina Brook. Et nous “C'est très hypocrite : tu fais de la musique, partons en tournée pour un an. En renKeith : Et c'est gratifiant ? trant, j'ai monté Heez Bus, avec mon pote tu es hype. Sinon, tu n'es qu'un noir de plus Spleen : C'est même pas qui marche dans la rue.” Spleen. Ben Molinaro. ça, mais c'est plus simple, Hugh : Un jour, Spleen m'a appelé pour on rentre plus facilement au faire une répète avec eux, et j'ai retrouvé le kiff de la soul ! ParisParis ! C'est très hypocrite : tu fais de la musique, tu es hype. Sinon, tu n'es qu'un noir de plus qui marche dans la rue. Keith : Spleen, d'où te vient ce nom ? Spleen : Je me fais appeler comme ça depuis mes seize ans. Keith : Comment se passe le travail de composition pour C'est un mot dont la sonorité reste, comme avec la pédale susvous deux ? tain du piano. Et puis, on l'utilise en français mais ça vient de Hugh : Pour moi, l'écriture, c'est les textes. Les mélodies viennent ensuite, assez facilement. Les idées musicales, c'est pas le l'anglais, et je chantais pas mal en anglais au début. Enfin, c'est problème. Mais avoir un texte qui tienne la route… Alors, quand un sentiment, et j'aimerais bien être un sentiment pour les gens. je rentre en studio, j'ai plus ou moins tout fait, tout maquetté. Le romantisme, Mahler, Maupassant, Nerval… c'est la période artistique qui me touche le plus. Ce sont des artistes entiers, Spleen : Dans mon cas, tout part de la musique. C'est comme jusqu'à la mort. Quand The Roots écrivent “music is the love of le décor au cinéma, c'est l'espace, la situation. Le texte vient my life”, c'est un peu ça pour moi. La musique me permet d'être bien après. En fait, je compose, j'arrive en studio avec une sorte plus sincère. Avec le sport, j'ai appris très tôt à cacher mes de canevas, puis je demande à chaque musicien de rajouter ce émotions. Emmanuel Petit raconte ça dans son livre : dans ce que je leur chante à la voix, une ligne de basse, une partie de milieu, quand on est trop sensible ou qu'on admet ses faiblespiano… Alors me vient une mélodie, et je passe une petite heure ses, on se fait vite écraser. Il ne faut pas montrer qu'on doute, à trouver le texte. Le plus fou, c'est que j'ai composé la moitié
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“C'est un besoin, pour moi, d'être considéré. Je voudrais qu'il y ait des gens pour m'écouter quand je joue.” Hugh Coltman.
de mon album en dormant : je me réveille parfois avec une mélodie dans la tête. Keith : La période de sortie d'album, c'est cool pour vous deux ? Hugh : Moi, si je ne bosse pas, si je ne compose pas, je ne me sens pas très bien. Certaines choses doivent sortir. Alors c'est génial de sortir un album et de jouer devant les gens. Même s’il y a trois personnes qui écoutent, ça rend ton travail plus solide. Et puis, j'ai mangé mon pain noir. Alors 2008, c'est cool. L'album est fini, j'en suis content, il me représente. J'ai très hâte de le faire vivre en live. Spleen : Pour moi, ce n'est pas la période la plus agréable. On a des interviews en pagaille, on raconte des choses, et on attend que ça avance, que ça se concrétise. Finalement, l'effort était avant. Donc, je suis dans l'expectative de la scène, pour revenir en état de vie et de santé artistique. Keith : Pour vous deux, la scène est un vrai moment de plaisir… Mais c'est aussi un défi. Vous appréhendez ? Hugh : Ce qui est dingue avec Spleen sur scène, c'est qu'on ne voit chez lui aucune faiblesse. Je trouve ça assez fou, surtout avec des morceaux si personnels. Tu ne peux pas vraiment jouer un rôle, puisque c'est toi. Moi, j'ai un problème avec ça. Parfois, le morceau est tellement important… Spleen : Pour ça, le théâtre m'a pas mal aidé. J'ai toujours pensé que tout était mis en scène. Et puis, tout le monde rêve d'exister. Et moi, sur scène, j'existe. C'est un des rares endroits où je peux être moi-même. J'ai une heure durant laquelle je peux dire et montrer ce que je veux, sans limite, sans censure. Les gens sont là pour écouter. Hugh : Moi, je manque terriblement de confiance. Quand je débute un concert, je suis obligé d'enchaîner les deux premiers morceaux, pour créer un “chez moi” sur la scène. Sinon, je ne suis personne, je ne viens de nulle part. J'envie ça chez Spleen : il arrive et il est chez lui tout de suite.
Keith : Le succès commercial de vos albums respectifs, c'est important pour vous ? Hugh : Avant la musique, j'ai fait beaucoup d'autres choses, mais j'aimerais pouvoir vivre de ça. Leonard Cohen disait “Je n'ai pas envie de bosser pour gagner ma vie, mais d'être payé pour mon travail.” Alors il y a deux trucs : la réussite financière, bien sûr, parce qu'on a tous besoin de se payer à manger. Mais c'est aussi un besoin, pour moi, d'être considéré. Et c'est ça, le plus important. C'est pour ça que j'aimerais que ça réussisse. Je voudrais qu'il y ait des gens pour m'écouter quand je joue. J'ai tellement joué dans des bars où personne ne t'écoute… Spleen : En ce qui me concerne, si mon projet doit marcher, c'est pour tous les gens qui ont travaillé dessus. Rien que pour mon manager, mon ingé son, mon producteur, qui semblent tous placer de gros espoirs en cet album, je voudrais que ça marche. Et puis, l'aboutissement, c'est de gagner assez d'argent pour faire d'autres projets, produire d'autres artistes, et faire un film. Keith : Tu as écrit un film ? Spleen : Oui. J'aimerais exprimer quelque chose avec de l'image. Le film, c'est complet, ça prend en compte la musique, la photo, la peinture, l'écriture, le jeu d'acteur, la mise en scène… Contrairement à Hugh, je ne pense pas être capable de faire une carrière très longue dans la musique. Je risquerais de m'ennuyer, et de ne plus avoir grand chose à raconter. La musique, c'est le moyen que je maîtrise le mieux pour l'instant, mais j'ai de vraies envies de cinéma. www.myspace.com/hughcoltman www.myspace.com/mynamespleen Propos recueillis par Clémentine Goldszal et Nicolas Roux.
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“Jules, la nouvelle star de Spleen”
“J'ai rencontré Jules dans une soirée, c'est quelqu'un de profondément intelligent. J'ai envie de m'intéresser aux autres, et j'ai longtemps cherché un artiste avec qui travailler et m'investir à 100%. Là, j'ai un mec charismatique, et qui est tout ce que je ne suis pas : il a des facilités à la guitare, et une technique vocale étonnantes. Et j'ai retrouvé chez lui l'urgence que j'avais à son âge. En plus, il est jeune, donc il y a beaucoup d'espoir. Il n'a rien fait, il vient d'un réseau un peu commercial, alors le but, c'est de faire avec lui quelque chose qui soit respecté par le public. J'ai envie d'être producteur, car je me rends compte que j'ai plus de plaisir à travailler sur le projet des autres. Je suis emballé à l'idée de travailler sur cet album.”
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Black & White Skins vu par… …Spleen. “Il y a plusieurs années, j'ai croisé Bianca de Coco Rosie, dans la rue. Elle habitait dans une chambre de bonne dans le XVIIIème et on a sympathisé. Elle écrivait de la poésie… Je l'admirais beaucoup. On s'est retrouvé un soir chez sa sœur pour faire de la musique. Elles avaient déjà composé et enregistré la plupart des morceaux de leur premier album sur un quatre pistes cassettes, et j'ai rajouté le beat box par dessus. Le résultat était un peu archaïque, mais très sensible. Et l'album a cartonné ! Alors, je suis parti aux Etats-Unis pour la rejoindre et nous avons tourné pendant trois ans, là-bas, puis en Europe. Pendant cette tournée, j'ai rencontré beaucoup d'artistes, dont Antony, de Antony and The Johnsons, Devendra Banhardt, dont nous avons fait la première partie… Et puis il y avait Hugh, que je connaissais déjà, mon pote d'enfance Ardzen… À l'époque, ils n'avaient pas de maison de disque, alors j'ai fait avec eux une compilation, que nous avons appelé “Black & White Skins”. J'avais l'espoir de pouvoir montrer une façon de faire de la musique qui était aussi une façon de voir le monde, sans formatage, sans clichés… L'idée c'était vraiment un projet vertueux, qui ne tenait pas compte des exigences commerciales.”
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photos : Lisa Roze
…et Hugh. “Ma vision du collectif se résume en un mot : soutien. Ça ne veut pas dire que nous devons toujours travailler ensemble, mais nous sommes là les uns pour les autres. Et puis, c'est vrai que l'esprit de groupe me manque. J'ai travaillé récemment avec Gush, qui sont des gars très cool, un vrai groupe, et cet esprit est génial. Black & White Skins, c'est un cadre, un porte-voix, une occasion pour certains d'être entendus, une générosité de tout le monde. C'est être dans un groupe sans être un groupe.” www.myspace.com/blackwhiteskins
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photos : Sophie Jarry
Brooklyn
These New Puritans
Dirty Pretty Things
Blood Red Shoes Kaiser Chiefs
John Spencer Blues Explosion
The Raconteurs
Jamie Lidel
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The Last Shadow Puppets
littérature
Le bitume avec une plume.
Eh ouais, fini les vacances, les Piña Colada au bord de la piscine, les cuites au Shadow et le farniente organisé. C'est la rentrée. C'est pas la peine de faire cette tête, t'es pas seul. Les auteurs aussi font leur rentrée. Dans la cour de récréation, les gros vendeurs pavanent, exhibent de façon ostentatoire leurs revues de presse aussi gonflées que leur ego, tandis que les intellectuels discutent sous les platanes en microcosmes restreints et jettent vers les premiers des regards pleins de dédain tout en fulminant contre les journalistes qui ne parlent jamais de ceux qui le méritent. Dans tous les coins, ça papote et radote : “Et toi t'es dans quelle classe cette année ? P.O.L ? Diable Vauvert ?”, “Gallimard ? Non, je suis parti, c'est plus ce que c'était, tu sais.”, “T'as vu que machin a quitté Grasset pour Albin Michel. Il parait qu'il voulait Actes Sud, mais bon !” C'est frénétique et un peu électrique. On pense déjà aux conseils de classe. “Le Goncourt, oh ce sera un Gallimard comme d'habitude. Par contre, pour le Médicis, impossible de savoir”. Bref une rentrée ordinaire. Chacun retrouve ses petits camarades pour raconter ses anecdotes de vacances et afficher ses ambitions, pendant que la sonnerie résonne et que les rangs se forment. Deux par deux et EN SILENCE, s'il vous plait. Alors que les pieds de chaise ont fini de racler les parquets, que les directeurs de Frédéric Ciriez collection toussotent pour ramener le calme chez les auteurs qu'ils trouvent déjà trop dissipés, vient le moment de l'observation. Quelles sont les nouvelles têtes ? Y'aurait-il enfin des jolies filles dans la classe ? Est-ce que je connais ce type au deuxième rang où est-ce qu'il s'est juste laisser pousser les cheveux pendant les vacances ? Dans le fond de la classe, il y a bien quelques inconnus, un peu timide, assis près de la Tristan Garcia fenêtre ou du radiateur. Ceux qui semblent un peu plus stressés que les autres. Comme pour une première fois. Ceux qu'on nomme les NOUVEAUX. Mais attention, voilà l'appel, c'est pas le moment de rater son nom et de se Tristan Jordi faire remarquer dès la première heure. - Tristan Jordi ? - Présent. Ah celui-là, c'est le beau brun un peu mystérieux. Celui qui porte une écharpe et les cheveux soigneusement décoiffés. Son premier roman (ou documentaire ou reportage gonzo), Crack (Seuil) - aussi simple que le bruit de la vie quand elle vient se rompre sur le caillou est le récit de son année passée dans le triangle des Bermudes de la capitale. La Chapelle, Marx Dormoy, Stalingrad. Le quartier des squatteurs et des fumeurs de crack. Il nous y décrit les destins croisés des personnalités qui l'ont touché. En tant qu'écrivain. En tant qu'homme. Avec la poésie qu'on récupère dans les caniveaux quand les étoiles brillent, Jordis nous invite à le suivre dans le monde des rebus que la société exclut, au milieu de ces gens dont la destinée est entièrement vouée à la conquête d'une dose supplémentaire, à l'accumulation de la somme nécessaire à son achat. Les femmes sont putes et mères, femmes et fumeuses ; les hommes violeurs et voleurs, philosophes érudits et amis fidèles. Dans cet univers où les normes ne sont plus règles et où les repères disparaissent sous les volutes bleutées de la fumée, l'humanité demeure intacte. Hommage déconcertant et troublant. Touchant. - Tristan Garcia ? - Présent. Tiens, encore un Tristan. Attention à ne pas confondre. Celui-ci semble plus branché, quoique un peu dans la lune, ce qui lui reste de la rue d'Ulm sûrement. Des années Palace aux mois sarko, La meilleure part des hommes (Gallimard) retrace les péripéties de la communauté gay secouée par l'arrivée du SIDA. De la fondation d'Act'Up aux soirées barebacking (pratique de rapport sexuel non protégé entre séropositifs et séronégatifs plus ou moins consentants) en passant par la récupération du virus par la frange hard de la communauté comme un “emblème” de la cause, Garcia décortique ce petit monde politico-intellectualo-médiatique avec précision. Sur fond de conflits d'intérêt et de vengeances amoureuses ce roman à clé dont je vous laisserai le plaisir de trouver les serrures, explore toutes les parts des hommes, les pires comme les meilleures. - Frédéric Ciriez ? - Présent. Celui-ci porte une veste de moto et a accroché son casque aux portemanteaux qui ornent le mur du fond. Il est l'auteur des Néons sous la mer (Verticales), sorte d'ovni littéraire. Si le genre (essai ? étude ? roman ?) prête à confusion, le style pas. Il est impeccable. Pour décrire le quotidien d'un ancien sous-marin de la marine française reconverti en maison close pour breton libidineux, Ciriez a décidé de faire danser sa plume avec une dextérité que son statut de nouvel auteur ne lui imposait pas. Le texte regorge de métaphores croustillantes, de portraits de prostituées toujours tendres, souvent poétiques et même de contes aux morales explicites. Ici aussi, les femmes sont putes et mères (décidément) et Ciriez en fait les étoiles de son univers. Si le milieu de la prostitution n'est pas forcément le plus enclin au lyrisme, l'auteur s'en fout, il persiste et signe un magnifique roman. Si ne devait en rester qu'un… Léonard Billot.
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littérature
Fugitives, d'Alice, de Alice Munro. Editions de l'Olivier, 341 pages.
Elles se rebellent souvent, s'évadent en rêvassant ou plaquent tout sur un coup de tête, les Fugitives d'Alice Munro. L'une quitte son mari mais revient au galop, deux autres bousculent leur destin au hasard d'une rencontre, toutes devront assumer leur soudaine envie de liberté. De névroses domestiques en tragédies du désir, la grande dame de la nouvelle canadienne traque des sursauts de vie dans l'itinéraire un rien morose de femmes ordinaires. Avec cet art du suspense qu'elle maîtrise à merveille, chaque histoire est magistralement orchestrée, soutenue par un rythme de plus en plus effréné jusqu'à la chute, la révélation finale, le “moment explosif”. Et des surprises, il y en aura ! Comme à son habitude, Munro fait preuve d'ironie, voire de cruauté, à mesure qu'elle dissèque les paradoxes de la modernité. Et si l'émancipation des femmes n'était qu'une illusion ? Et si la plus belle des fuites se trouvait dans les méandres de son imagination ? Fugitives regorge de mythes, de rêves ou de petits délires qu'on invente pour échapper à la violence du quotidien. C'est un recueil à la gloire de la fiction, une prouesse littéraire où se transmet à chaque page tout le plaisir de raconter. Huit admirables nouvelles, donc, comme autant d'échappées belles. Augustin Trapenard.
Moins que parfait, de Michel Faber. Editons de L'Olivier, 286 pages.
“Jesszce Polska nie zginela”. La Pologne n'est pas encore perdue, chantonne d'une voix douce et juste l'oncle Jarek à Kesia dans l'une des quinze nouvelles de Moins que Parfait, le recueil de Michel Faber. Ces premières paroles de l'hymne national polonais résument bien l'état d'esprit de l'écrivain. En explorant les différentes sphères de la société et ses situations où l'étrange affleure sous la banalité, Michel Faber nous les présente sous un nouvel angle de vue. Tandis qu'une femme se fait dévisager par un chat qu'elle essaie de secourir, une autre, assassinée lors de son cambriolage, voit son fantôme s'éprendre de son meurtrier. Alors qu'un jeune garçon, au désespoir de son père, se décolore les cheveux, un batteur de heavy métal finit sa soirée à exécuter des danses de salon dans une guinguette. Quant aux poissons, ils ne stagnent plus dans un bocal au-dessus d'un frigo mais prennent leur revanche sur leurs bourreaux d'antan : les hommes. Après le succès de Sous la peau et de La rose pourpre et le lys, Faber revient du fin fond de ses Highlands écossais avec un recueil de nouvelles, drôles, glaciales, où les destins vacillent, basculent, et se corrompent sous nos yeux. Céline Laurens.
Pourquoi on ne vous parlera pas de : Le marché des amants, de Christine Angot (Seuil) : Parce que Doc Gynéco par Christine Angot. A défaut d'avoir le fond, on aurait pu avoir la forme. Même pas. Le fait du prince, d'Amélie Nothomb (Albin Michel) : Parce qu'Amélie Nothomb, c'est un peu comme le Beaujolais. Y'en a un nouveau tous les ans, on y goutte tous ans et tous les ans, on se dit que l'année prochaine ça sera mieux parce que ça pourra pas être pire. Le premier principe, le second principe, de Serge Bramly (J.C. Lattes) : Parce qu'il fait 600 pages et qu'on doit boucler la mag' demain. Y parait que c'est très bien, mais là, on a vraiment pas eu le temps. Génération des enchantées, de Caroline Février (Scali) : Parce que “Je suis égoïste, narcissique et dédaigneuse” est l'incipit de ce “roman”. Qu'est-ce qui se passe quand tu mets Lolita Pille et Boris Bergmann dans un shaker et que t'agites fort ? Ben ça. La conjecture de Syracuse, d'Antoine Billot (Gallimard) : Parce que même si ce livre est incroyablement abouti, génialement bien écrit et outrageusement réussi, ce serait pas déontologique. C'est celui de mon papa. Léonard Billot.
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Une fille du feu, d'Emmanuelle Bayamack-Tam.
P.OL. 192 pages. Charonne est une fille du feu, une fille de la foudre et de la tempête, une de celles dont les normes n'ont rien à faire. Insolente, magnifique, grosse et impétueuse, Charonne résiste, fièrement, aux coups du sort qui s'acharne sur elle. Narrant tour à tour l'excision, les mutilations infligées par sa mère, la déroute, et son combat quotidien contre la laideur qui s'abat sur le monde, notre héroïne n'en devient pas pour autant victime. Bien au contraire. Sous la plume acérée d'Emmanuelle Bayamack-Tam, les questions brûlantes, telles que l'homoparentalité ou le port du voile, deviennent autant de terrains de jeux où sévissent l'humour noir et la désillusion. Triste festin, feu de joie de rancœurs et d'expériences traumatisantes, le livre nous séduit par la qualité de sa langue et la justesse de son humour. Malgré la succession parfois sans liens d'événements, et la multiplicité des sujets abordés, Une fille du feu est incontestablement une grande réussite. Kenza Verrier.
Le livre qui va faire kiffer... …ta mère Ce que nous avons eu de meilleur, de Jean-Paul Enthoven. Grasset, 209 pages.
Certains écrivains ont une voix qu'on entend dès la première page. Jean-Paul Enthoven fait partie de ceux là. Profonde et élégante, sa voix charme tout de suite en même temps qu'elle résonne longtemps après qu'on ait refermé son livre. S'il a choisi de raconter les jours heureux qu'il connût dans un palais de la Médina, la mélancolie n'est jamais loin avec son cortège d'illusions perdues et de grandes ambitions plombées par les petits arrangements avec l'existence. A la Zahia (joie en arabe), tendre est la vie pour ceux qui ont le privilège d'y être conviés par Lewis et Ariane, un philosophe pressé et sa Belle du seigneur, une actrice blonde et légère comme une plume. On y cultive la douceur de vivre entre gens de bonne compagnie, qu'il n'ait pas besoin de nommer pour reconnaître. Mais Ce que nous avons eu de meilleur n'est pas un roman à clé sur une poignée de privilégiés. Clé il y a, mais c'est une clé des champs. Et si la voix d'Enthoven porte si loin c'est parce que la légèreté a laissé la place à la lucidité d'accepter que le temps ne se retient pas, que les souvenirs se transforment en oubli et que c'est une grâce, que la distance sur les êtres et les choses est liberté. Un roman à clé, non. Un roman clé, oui. Olivia de Lamberterie.
…ton père L'Inaperçu, de Sylvie Germain. Albin Michel, 294 pages.
Sabine a quatre enfants d'un homme qui se tue en voiture, un soir de dispute. La cadette, Marie, fortuitement présente lors de l'accident, s'en sort d'“arrache pied”, c'est-à-dire avec un pied en moins (mais la révolte en plus). Sabine décide donc de reprendre l'affaire familiale et recrute bientôt Pierre pour la seconder - un Père Noël inconnu rencontré un soir de mélancolie. Et ce dernier devient peu à peu l'ange gardien de la maisonnée. Dix ans après l'accident, lors d'une fête de famille, Pierre disparaît pourtant dans l'écume d'un crachat (émis par le beau-père de Sabine qui se veut fidèle à son fils), et ne revient que huit ans plus tard (mais il est alors éconduit manu militari par la bonne…). Pour la seconde fois - la première, c'était avec Magnus qui consacrait son arrivée chez Albin Michel en 2005 -, Sylvie Germain s'éloigne des thèmes qui l'ont rendue célèbre (lesquels ont donné naissance à une sorte de mythologie d'inspiration à la fois germanique et biblique, de personnages magiques, de destins souvent tragiques et toujours poignants). Ici, elle s'attache plutôt à créer un monde d'ombres et de non-dits (un monde qui fait beaucoup penser à celui de Marie Ndiaye) où les éléments les plus sensibles, qu'il s'agisse d'objets anodins (un galet gris veiné de noir, une lithographie de Rothko…) ou de situations prosaïques (entre autres, la plus délicieuse scène de fellation de la littérature récente - ah, la belle Edith !), par accumulation régulière d'une part et distanciation des personnages d'autre part, finissent par produire une autre réalité, une réalité parallèle, poétique peut-être, insaisissable puisque invisible, discrète, inaperçue… Alphonse Doisnel.
littérature
That's all right Mama, de Bertina Henrichs. Editions du Panama. 237 pages.
That's All Right Mama commence comme un roman fade, sans style particulier. On se demande où est passée cette plume subtile de La joueuse d'échecs, un des best-seller 2005, et bientôt adapté au cinéma. Mais c'est une vie sans histoire que Bertina Henrichs raconte dans ses premières pages. Celle d'Eva, professeur de faculté, en couple avec Victor, qui travaille dans une agence de publicité. Une vie banale, qu’Eva ne semble pas vouloir changer. Un coup de téléphone d'une amie va secouer son quotidien sans surprises. Sa mère a eu un accident. Elle doit revenir en hâte en Allemagne pour s'occuper d'elle. Et d'un coup, la distance d'écriture de Bertina Henrichs se justifie d'elle-même. C'est le détonateur de l'émotion. La mort de sa mère Lena est froide, dans la surprise la plus totale. Le style devient le miroir de l'hébétude provoquée par la perte d'un être cher, un langage dépouillé, celui de l'innocence d'une adulte qui redevient malgré elle l'enfant dans le besoin d'une mère. Eva ne parvient pas à réaliser tout de suite ce qu'il lui arrive. Les souvenirs s'immiscent brièvement entre deux formalités à entreprendre après un décès. Et puis elle découvre un billet d'avion et l'adresse de la maison d'Elvis Presley à Graceland aux Etats-Unis : sa mère était une grande fan du King. Eva se regarde partir là bas, faire le voyage à la place de sa mère. Etrangement, la présence de Lena disparaît progressivement dans la deuxième partie du roman, et la force émotionnelle de la première partie aussi. A travers cette histoire, Bertina Henrichs ne parvient pas à traduire l'esprit d'une musique, d'un artiste comme avait pu le faire Nick Cohn pour le rap et la nouvelle Orléans dans son roman Tritska, une autre épopée musicale sortie l'année dernière. Ici, la musique ne s'entend pas entre les lignes, les rues de Graceland sont sans âme comparée aux descriptions fantasques de la Nouvelle Orléans. Dommage que le réalisme poignant des premières pages ne se reflète pas dans le reste du roman.
Ketchup, de Xavier Gual. Au diable vauvert, 308 pages.
De l'ascension à la chute. Deux états. Deux phases donc deux parties antagonistes pour raconter les errances de Miguel Hernandez, « Miki » et de son pote Sapo dans les bas (très bas)fonds de Barcelone. Miki, dealer de pacotille, rêve d'une caisse et de devenir roi du quartier. Son pote Sapo, de décrocher un rôle dans un porno. Entre deux offres d'emplois, Sapo copine avec les skinheads du coin pendant que Miki, en mal de respect, vend de la came aux gosses de riches. D'aventures, ponctuées de rencontres mi-burlesques mi-pathétiques, en discours moralisateurs (le prof, la mère, le skinhead, le gourou ou encore le flic), Gual fait se heurter sa palette de personnages à la surdité d'une jeunesse désabusée, bientôt rampante. L'image superficielle de Miki, celle de la petite frappe insensible, se fait grignoter au fil du livre par la misère de son entourage, pour ne laisser apparaître, au final, que le dessin d'un tragique looser. Ce tableau d'une génération paumée, en attente, proche de la capitulation est également celui d'une jeunesse orgueilleuse, effrontée, agressive, droguée, raciste, désillusionnée, révoltée, mais aussi et surtout victime de sa grande solitude. L'auteur catalan ouvre son livre par une dédicace : « Pour les gens qui connaissent leur ignorance ».
Stan Coppin.
Judith Allenbach.
Les Inséparables, de Marie Nimier. Gallimard, 264 pages.
Après La reine du silence (Gallimard, 2004), Marie Nimier continue dans la veine autobiographique avec Les Inséparables, un nouveau roman dans lequel elle retrace l'histoire forte d'une amitié entre deux fillettes. La fille du célèbre auteur Roger Nimier nous plonge dans le Paris des années 60, dans le quartier des Champs-Élysées où l'on pouvait fumer dans les salles de cinéma ou croiser Delon seul dans la queue du George V. C'est un vrai pacte d'amitié, signé dans le sang de leurs poignets, qui lie les deux filles. L'une à un beau-père américain, l'autre un père décédé. “ Ça nous faisait à toutes les deux un petit air penché, un truc à mettre en italique”. L'une, très réservée veut devenir psychiatre et l'autre, Léa, clown sous un chapiteau “pour le côté triste de la chose”. Une fois l'époque des 400 coups et des bonbecs passée, les fillettes, devenues des jeunes femmes, ont fini de jouer, et la vie, la vraie, remet violemment les choses à leur place. Léa ne sera pas clown, mais ira, après maintes cures de désintox, rejoindre les trottoirs glacés de la rue St Denis, et s'éloignera peu à peu de sa “Bambi”, mais sans jamais vraiment la perdre. On regrette alors que ce dernier personnage, qui est aussi la narratrice, n'est pas été aussi développé que celui de Léa… Dans cette ambiance post 68, Marie Nimier fait vivre des personnages très étonnants au fil de l'histoire, et ponctue ce joli roman d'amitié d'évènements tragiques et drôles à la fois. Son livre est touchant et parfois cruel comme l'enfance, cette bombe à retardement qui met une vie à être désamorcée. Mathilde Enthoven.
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The Clash
Au diable vauvert, 400 pages. Peu le savent, mais l'un des premiers guitaristes des Clash se prénommait Keith. Keith Levene. Un détail qui ne pouvait, bien sûr, pas nous échapper. La couverture du livre n'indique que quatre noms : Strummer, Jones, Simonon, Headon, laissant de côté les prénoms, que l'histoire a parfois plus de mal à retenir. Pas nous. Comme beaucoup, Joe, Mick, Paul et Topper découvrent le punk en écoutant les Ramones. Ils se démarquent très vite du reste de la scène britannique. En quelques années, ils réinventent la musique punk, y ajoutant des pointes de reggae, de ska, de dub ou de rock, jusqu'à devenir l'un des groupes qui aura eu l'impact et l'influence la plus forte sur son temps. Et aujourd'hui encore, tant certains accords, certaines mélodies de groupes actuels nous rappellent la bande de Ladbroke Grove. Cet ouvrage magnifique, hommage enfin à la hauteur de Joe Strummer, est une véritable mine d'or : objets personnels, posters, œuvres d'art, moult photos inédites de concerts, dans les coulisses, sur la route… De plus, et pour la première fois, les trois derniers membres des Clash réunis prennent la parole et nous racontent leur carrière étincelante. Les anecdotes fusent, les souvenirs reviennent, les sourires nostalgiques se devinent. Et on se remémore les paroles de London Calling, à une époque où les mots dépassaient la simple musique, et où la justesse, l'originalité et l'engagement des quatre garçons retranscrivaient le malaise de tout un pays, de toute une génération. Plus qu'un simple beau livre, un rappel de la vraie définition du rock'n'roll. On en avait besoin. Basile de Bure.
Keith's people littérature
Au bonheur d'une dame.
Les gens heureux n'auraient pas d'histoire ? Un bon vieux cliché qui voudrait que seuls les jours mauvais valent la peine d'être racontés, que la littérature doive toujours se lever du pied gauche pour vanter tristesses et tourments tandis que l'artiste est lui, sinon maudit, du moins malheureux. Comme si les enfances difficiles faisaient forcément de bons romans, comme si le talent devait être sanctionné par la misère. En racontant dans Val de Grâce (Stock) vingt-trois ans d'une jeunesse de conte de fées, Colombe Schneck fait la peau à toutes ces vieilles lunes et prouve d'une plume simple et gracieuse qu'on peut faire de la littérature avec des beaux sentiments. Et puis, comme rien n'est jamais noir ou blanc, la joie est toujours trempée dans un acier friable, et rien n'est plus provisoire que le bonheur. Confidence d'une journaliste chevronnée - elle anime tous les matins sur France Inter une émission sur les médias, et interviewe une personnalité chaque soir sur LCI - qui, à rebours de la mode, préfère rendre grâce plutôt que rendre gorge. Keith : On dit que les gens heureux n'ont pas d'histoire, ce cliché n'a-t-il pas paralysé ta plume en te lançant dans Val de Grâce… Colombe : Non parce que mon idée initiale n'était pas de raconter le bonheur, mais de décrire l'appartement dans lequel j'avais grandi de manière si insouciante et heureuse : les meubles, les papiers peints, les objets. Et aussi, les sensations, les odeurs, les bruits, les effluves de tabac froid de ma mère ou le frottement particulier de la porte d'entrée. Et puis mon éditeur, Jean-Marc Roberts m'a dit qu'un appartement ne faisait pas un livre, alors j'ai mis des gens dedans ! Keith : Et aux jours heureux, tu as ajouté les moments de peine. Colombe : En fait, je n'écris jamais le livre que j'avais imaginé. Dans mon premier récit, L'increvable Monsieur Schneck, je voulais parler de ma grand-mère Paulette et puis en travaillant, je me suis rendue compte que le sujet ce n'était pas elle, mais mon grand-père assassiné, découpé en morceaux. Pour ce roman là, j'ai réalisé assez vite que je ne pouvais pas faire l'impasse sur la maladie et la mort de ma mère. J'ai pris mon courage à deux mains et je l'ai écrit d'une traite. C'était très douloureux, mais sinon, ca sert à quoi d'écrire ? Keith : Ton livre est parfois triste mais jamais mélancolique, pourtant cet appartement enchanté, tu as dû le vendre et donc le perdre. Colombe : Oui, mais ça n'enlève rien à ce que j'y ai vécu. Je ne veux pas revenir en arrière, je ne suis pas nostalgique. Après m'avoir lu, un ami m'a envoyé un texto avec cette citation d'Eugène Green : “Le passé est source de plaisir non pas par le souvenir mais parce que son énergie participe au présent”. C'est exactement ce que je pense. Keith : Tu as vécu une enfance sans règles ni contraintes avec des bonbons et de l'amour à volonté, et des parents qui accèdent à tous tes désirs, tu aurais pu devenir une petite fille gâtée pourrie… Colombe : C'est ce que j'étais ! Un jour, je devais apprendre une poésie sur le monstre du loch Ness, et je trouvais idiot ce texte sur un monstre qui n'existe pas. Je ne voulais pas l'apprendre. Mon père m'a alors dit que lorsque je la saurais, il m'emmènerait en Ecosse à la poursuite de ce monstre, ce qu'il a fait ! J'avais tout ce que je voulais mais je trouvais ça normal. La vie s'est chargée plus tard de m'apprendre que les choses ne se passent pas toujours ainsi.
Keith : “Assurer son bonheur est un devoir” écrit Kant… D'accord ou pas d'accord ? Colombe : D'accord. C'est un devoir pour soi, mais aussi pour ses enfants et les gens qu'on aime. Ce que je déteste par-dessus tout, ce sont les gens qui se plaignent. J'habite en France, avec des papiers, un boulot, des enfants, si ce n'est pas une chance tout ça ? J'écris un livre, il est publié, un deuxième, un troisième… et en plus ils marchent ! Pourtant, je n'avais pas du tout l'ambition de devenir écrivain. Raphaël Sorin, l'éditeur de Michel Houellebecq, m'a dit un jour : “je peux faire écrire un livre à n'importe qui”. Je me suis dit, pourquoi pas moi ? Keith : “L'héroïsme est peu de chose, le bonheur est plus difficile” écrit Camus… Colombe : Oui, c'est un combat, de chaque jour, chaque minute. Savoir saisir le bonheur quand il passe, c'est un don. Le garder c'est un vrai boulot. Keith : “Le bonheur, c'est quand le temps s'arrête” écrit Cesbron…. Colombe : Ah non, pas d'accord, quand plus rien ne bouge, pour moi, au contraire, c'est le malheur. Keith : “Nous cherchons à être heureux mais nous ne pouvons souffrir le bonheur de nos voisins” écrit Chateaubriand…. Colombe : C'est malheureusement vrai. Beaucoup d'amis savent vous réconforter dans les moments douloureux, mais peu savent se réjouir de votre bonheur. Je me demande souvent : est-ce qu'on me pardonnera d'avoir été aimée à ce point ? Keith : “Rien n'empêche le bonheur comme le souvenir du bonheur” écrit Gide… Colombe : Au contraire, si je suis ce que je suis aujourd'hui, c'est grâce à tout le bonheur et l'amour que j'ai reçu. Ça porte, ça nourrit, ça n'empêche rien. Keith : “On ne bâtit un bonheur que sur un fondement de désespoir” écrit Marguerite Yourcenar. Colombe : D'accord ! C'est ce qui explique que mes frères et sœurs et moi ayons passé une enfance si privilégiée. Tous les deux juifs, mes parents avaient passé la guerre cachés, avaient beaucoup souffert, ce dont ils ne nous parlaient jamais, ou alors sous forme d'anecdotes. Par exemple, ma mère disait que chez les bonnes sœurs qui l'avaient cachée, vraiment, la confiture était très mauvaise ou racontait volontiers qu'elle avait vomi sur les bottes bien cirées d'un officier allemand lors d'un contrôle. Mon père, lui, nous faisait carrément croire que vivre caché, lorsqu'on a dix ans, avait été une aventure formidable, un peu comme Roberto Benigni dans La vie est belle. Comme ils étaient passés par la case douleur, ils voulaient que nous ne connaissions que le meilleur de la vie. Nous éviter toute peine. Keith : Tu en as conservé un incurable optimisme ? Colombe : Je ne peux jamais imaginer que les choses vont finir mal, j'ai toujours un doute ! Propos recueillis par Olivia de Lamberterie.
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photos : Francesca Mantovani
Keith’s people littérature
Hugues Micol
Vous avez dit bédéaste ?
En quelques années, Hugues Micol s'est imposé dans le milieu de la BD avec une approche graphique des plus originales qui laisse une grande part à l'improvisation. Mais le dessinateur de Chiquito la Muerte (Delcourt), des Contes du 7ème souffle (Vents d'Ouest) et du très remarqué Prestige de l'uniforme (Dupuis) a plus d'un tour dans son sac. Scénariste de talent, il est aussi l'auteur d'albums en noir et blanc résolument expérimentaux comme 3 (Cornelius), un polar muet sans queue ni tête, et le tout aussi déjanté Séquelles (Cornelius). Éternel ado de presque quarante ans, ce barré du crayon ne s'arrête jamais de brouiller les pistes, de bousculer les codes et de booster le genre. Avec un brin de nonchalance et pas mal d'humour, il revient sur son singulier parcours et décrit les heurs et malheurs d'un métier de plus en plus reconnu.
Keith : Ça se dit, bédéaste ? Hugues : Je ne sais pas vraiment. Il y en a qui disent qu'ils sont “auteurs”, mais ils se la jouent un peu. “Bédéaste”, c'est pas mal. Pourquoi pas “bédéraste” ? Keith : Il faut trouver un nom, parce que c'est un peu le boom de la BD, ces dernières années… Hugues : Je ne sais pas trop. En fait, je suis un peu un outsider dans le milieu. Mais en ce qui concerne l'industrie de la bande dessinée, c'est vrai que c'est la roue libre en ce moment. Tout le monde s'y met. Gallimard, Actes Sud… Même les librairies spécialisées sont un peu dépassées. À 3000 ou 4000 sorties par an, les rayonnages sont déjà pleins, mais on en est à 5000 par an. Dans ces conditions, les quelques BD “underground” qui sont mises en place ne restent que deux jours, et c'est de plus en plus rare d'avoir des libraires qui défendent un livre comme 3 ou comme Séquelles. En grande surface, ils n'existent pas. Keith : Mais comment tu en es arrivé là ? Hugues : À galérer ou à la BD ? Keith : À la BD. Hugues : Par hasard. J'ai toujours dessiné et je faisais un peu tout et n'importe quoi. Des bandes dessinées, j'en lisais beaucoup quand j'étais ado. J'étais fan de Blueberry. Mais après la grande époque des Moebius et des Tardi, j'ai complètement lâché. En fait cela correspondait à la crise que l'industrie a connue dans ces années-là. Et puis un jour, je me suis dit “pourquoi pas ?”, et je ne regrette pas car cela m'a permis de découvrir une nouvelle génération de dessinateurs qui me ressemble pas mal. Keith : Le grand saut ? Hugues : J'ai commencé par 3, un album vraiment barré que j'ai composé tout seul, sans savoir où j'allais. J'ai envoyé le manuscrit à toute une flopée de maisons d'édition qui m'ont plus ou moins envoyé sur les roses, mais Cornelius m'a rappelé pour le publier. Je leur dois presque tout dans ce métier. C'est par eux que j'ai rencontré le scénariste de Chiquito la Muerte (Delcourt). Et puis après, avec deux albums dans les pattes, j'ai pu commencer à travailler un peu partout.
Keith : Pourtant, le grand public ne connaît pas vraiment 3… Hugues : J'ai eu pas mal de presse mais j'en ai vendu moins de 1000 exemplaires. Les gens disaient “c'est bizarre”, “c'est très noir”, et ne comprenaient rien à l'intrigue. En fait il n'y avait pas grand-chose à comprendre et c'était un peu le principe. C'est vrai que c'est plutôt ma BD sur les samouraïs qui m'a donné une certaine visibilité (Les contes du 7ème souffle, Vents d'Ouest, ndlr). Keith : Un album assez étonnant dans son traitement du Japon ! Hugues : Pendant le festival d'Angoulême, mon éditeur l'a montré à un grand mangaka, Otomo, et il s'est vraiment marré. Mes recherches, c'était bidon. J'aime bien les estampes, mais ça ne va pas plus loin. J'en ai fait ma version personnelle, un peu comme quand les Japonais dessinent Versailles et les mousquetaires. C'est ça qui me fait marrer. Alors aujourd'hui, quand un lecteur me demande si je peux lui parler de la fauconnerie dans le Japon médiéval… je sèche, et je rigole. Keith : C'est un peu casse-gueule, non… Hugues : C'est ce qui me plaît, en fait. Les prises de risque. M'attaquer à un cliché comme les samouraïs, par exemple, c'était presque un exercice de style. Keith : En parlant de style, c'est quoi tout ce foin à propos de ta technique ? Hugues : À mes débuts, je ne faisais pas du tout de crayonnés. Je dessinais tout à l'encre, à main levée, directement sur la planche. Et les lecteurs ont tout de suite reconnu un style très sombre, nerveux et charbonneux, qui est devenu ma marque de fabrique. C'est vrai que c'était une technique particulière, et même si je reviens aux crayonnés pour certains albums, j'aime toujours varier les plaisirs. Je suis un dessinateur avant tout, et ce qui m'intéresse c'est de trouver une technique où le dessin s'exprime. Avec Séquelles, par exemple, je suis revenu à cette technique parce que cela fait partie du projet. Keith : On t'a comparé à Blutch, c'est la classe, quand même. Hugues : Blutch, c'est le grand dessinaK?-54
teur de ma génération. Tu sais, il a eu tellement d'influence que tout le monde lui ressemble un petit peu. Son travail chez Futuropolis, aujourd'hui, est tout simplement magnifique : ambitieux et passionnant car il a la force de réfléchir à ce que c'est que la BD. Keith : C'est le genre qui t'intéresse ? Hugues : Oui, et c'est pour cela que mes influences restent des influences. Je suis vraiment content de l'album Séquelles parce que c'est de la pure BD. Ni de la littérature illustrée, ni du story-board. Les gens qui disent que la BD n'est pas de la littérature, je suis tout à fait d'accord. Pour moi, c'est un genre qui fait exploser le réalisme et qui nous plonge dans l'imaginaire le plus total. On a une immense liberté. Keith : C'est vrai que tu travailles beaucoup sur l'imaginaire, et que tes sources d'inspiration sont souvent des œuvres d'art. Hugues : Cinéma, peinture, musique ou littérature. J'ai des goûts très éclectiques. Là, par exemple, je me suis acheté un livre d'estampes de Goya, dont je vais me servir pour travailler. Pour Terre de feu (Futuropolis), par exemple, je me suis plongé dans les livres de Cormac McCarthy, La Trilogie des confins et Méridien de sang, une littérature western complètement démente. Et j'ai ajouté les premiers films muets, un peu expressionnistes, de Griffith. Keith : “Expressionnistes” ? Hugues : Non. C'est vrai que j'adore cette école, mais bon, Kokoschka ça va. On me taxe trop souvent d'expressionniste, et ça me soûle un peu. Tout ça parce que mes personnages ont des sales gueules. Je préfère “expressifs”. Keith : Alors “expressifs”. Hugues : Pour moi, la BD, ça doit rester de la série B. Proust en BD je ne comprends pas. Il faut un truc un peu décalé, franchement populaire et plutôt cheap. À l'origine, je suis un fan de comics américains, avec des couvertures souples. Le type de livre que tout le monde peut lire. Keith : Tu as prévu de poursuivre ton travail plus expérimental, après 3 et Séquelles ? Hugues : Bien sûr, je pense déjà au troisième tome. Mais alors dans dix ans. Il faut avoir la frite, quand même, pour travailler sur ce type de projet, sans avances… Je dois tout faire en vacances et dans mes heures creuses. Alors une trilogie, d'accord, mais un tome tous les dix ans. Keith : Et sinon, ça t'arrive de penser à tes fans ? Hugues : Ah, les fans. Je ne sais pas si j'en ai. Mais je me méfie beaucoup. Les lecteurs sont toujours très fayots… Propos recueillis par Augustin Trapenard.
À lire : Terre de feu, t.1. Éditions Futuropolis. David B., Hugues Micol. 2008. D'Artagnan, t.1. Éditions Vents d'Ouest. Éric Adam, Hugues Micol. 2008. Séquelles, Éditions Cornelius. Hugues Micol. 2008.
photo : Laure Bernard
théatre
par Nicolas Roux
Classique, vous avez dit classique ? C'est la rentrée, on révise nos classiques. Au programme, un monstre sacré dans un Molière, et un acteur de génie qui signe sa deuxième mise en scène avec Alfred de Musset. Le malade imaginaire contre Fantasio ! C'est parti :
- Le malade imaginaire
Le texte : Philosophique et divertissant. Sous ses airs de farce grotesque se cache une grande interrogation métaphysique. Pourquoi naît-on si c'est pour mourir ? Et le mieux, c'est que la pièce n'apporte aucune réponse… Le plus : Michel Bouquet évidemment ! 82 ans, une intelligence hors du commun, un sens du jeu absolument démentiel. A lui seul, il rend le propos de Molière à la fois moderne et intemporel. Inratable. L'anecdote : C'est après avoir joué cette pièce que Molière est mort. Chez lui et non pas sur scène comme le veut la légende.
- Fantasio
Le texte : Romantique, dans le sens violent du terme. A la fois drôle et infiniment sombre, il parle de la force d'un homme, coupable d'un acte terrible pour exister enfin, mais obligé de se glisser dans la peau d'un autre pour y arriver. Le plus : Denis Podalydès bien sûr ! On le savait grand acteur, on l'a découvert metteur en scène ambitieux avec Cyrano de Bergerac. Pour sa deuxième pièce il s'attaque encore à un classique du répertoire. Tant mieux, avec lui on est prêt à tout redécouvrir. L'anecdote : En même temps, dans un autre théâtre parisien, Francis Lalane jouera Lorenzaccio, l'autre grand chef d'œuvre de Musset. (C'est étrange le pouvoir comique que peut avoir cette phrase !)
z est asse
s dire ai à vou je pense mois. ce que j' ul. En tout cas, u e d u q e l e Canal, a rc e t os , tre le s nde, pa eures de rte p e m'ente is bien ne pas ê r aux grandes h dit que les ty n n e La ca a n N n e o ll : “On Isabe t je cro rd Bae ue pers
Marc s mil doua ent. E our q Chère ce Saintquelque ut bas p s er avec E us. Vraim J'écris to suis fan de vo t vu vous balad vu vous crier pla . Idem pour les élie Poulain. Pa je n t avis s Am n n n u o a r d m intime : ceux qui vous o ux qui vous on te e e n u d e d'inve st matiq ment que tout rues de Venise, c nts”, sont forcé n buraliste asth ette générosité vous, le rire n'e c z e dans les ont des rats volaus ont admirée belle, vous avez touchants. Che votre regard : s o ou pigeons ersonnes qui v e que, chère Isa e, mais toujoursn scène, comme e vous dans tel p tr e rc d ê e a t s td e P e n u s . s e is ie e n n p v é m o o u li s , li s regarde Ridicule 'on se so us a oub mme vo un ne vo s personnages. me le reste, co as tant parce qu Quand on vous e vous me paro m u s. v p o q u c t à o s t re r n s 'e è u e sp de er Il en cœ échant. . Alors j'e s aime, c renvoyer r vous cri jamais m t. Oui, si on vou ur ce que vous ous nous élevez je me lève pou je suis fan de o s n V e e p l. u rd u e ig q a qu can hes intell ins se uoique !) onde sac des deux sent mo le tel rôle (q s con. Et on se représentation al que tout le m nty, Yvan in e m belle Na o n a s 'u a Is d p c s n e u v fi sent m . A z Sachs. je me fo tendie z si à la donnere Car finalement, te que vous l'en en scène Alain e s . is ju i” t m rc s , e 'e rd c m a t “ tan Bern mportan vous. L'i canards de Tris x u e d s Le Bolloch… e Antoine. Au théâtr
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En coulisse…
Session de rattrapage : pour une fois les Molières n'auront pas servis à rien ! D'habitude ils récompensent des pièces qui ne sont plus à l'affiche et qu'on se maudit d'avoir loupées… Cette année les choses ont changé ! Les diablogues, molière du meilleur auteur pour Roland Dubillard avec François Morel et Jacques Gamblin, reviennent au théâtre du rond point. Et La vie devant soi, multi moliérisé, au théâtre de l'œuvre ! Grands débuts…
HMCEE (Achille Ndari), interviewé dans Keith #3 déserte le rap le temps de s'essayer au théâtre. Il sera à l'affiche de la pièce de Laurent Baffie Un point c'est tout. Dans cette comédie sur le permis de conduire notre camarade joue le rôle d'un rappeur. Et de ce côté-là, pas de problème, il a tous ses points ! Grands débuts (bis)…
Il faut croire que s'être vu offert un documentaire sur sa vie par Barbet Schroder n'a pas complètement suffit à Jacques Verges. Désormais, c'est sur les planches que l'avocat vient expliquer sa façon de vivre. Alors salaud lumineux, avocat de la terreur, mégalo ou malaimé ? A vous de juger… Tournez ménage…
David Foenkinos, auteur facétieux et malin de sept romans, décline le sujet qui le travaille le plus, le couple, en pièce de théâtre. Même esprit piquant et mélancolique, Célibataires est une comédie qui méritait qu'on demande à son auteur pourquoi… …être passé du roman au théâtre ? “J'avais envie de créer des histoires qui, pour une fois, puissent exister physiquement. J'avais envie de concret. Et puis je l'ai écrite avec l'énergie de la nouveauté. Honnêtement, c'est de plus en plus dur pour moi d'écrire des romans. Je suis un écrivain sur le déclin. Là c'était beaucoup plus facile ! Le théâtre m'a fait du bien. C'était comme de faire une infidélité au roman. J'ai été heureux d'y revenir.” … avoir basé l'histoire dans une agence matrimoniale ? “Quand j'étais jeune, les agences matrimoniales étaient les rois du monde ! Dieu sur terre. Et aujourd'hui, ça n'est plus rien. C'est fascinant, non, un monde qui s'éteint ? En tout cas moi ça m'amusait. Ça me rappelait mon enfance, le minitel, tout ça… Et puis sans dévoiler l'histoire, à la fin ces deux personnages vont en quelques sortes investir les habits du futur !” … toujours parler du couple ? “C'est vrai que je parle souvent des problèmes relationnels, des histoires de couple. Je vais essayer d'arrêter, de travailler sur d'autres thèmes. Et bon en même temps je ne vais pas me mettre à écrire sur les problèmes géopolitiques en Afghanistan.” Canal théâtre…
D'habitude, quand un théâtre privé change de directeur, honnêtement, on s'en fout un peu. Mais quand le nouveau décideur a découvert Alain Chabat et créé Canal+, et qu'en plus il est un fan de théâtre depuis sa plus tendre enfance, on ne peut pas s'empêcher de se réjouir. Pierre Lescure a pris la tête du théâtre Marigny et il est (au moins) aussi content que nous. La preuve : “Bon alors d'abord, ça file les pétoches, faut être franc. Mais en même temps, c'est un cadeau qui ne se refuse pas. Le théâtre, c'est un lieu magique. Depuis ma plus tendre enfance, depuis que j'ai vu Belmondo en collant orange et souliers pointus jouer un valet de seconde zone, je me sens proche du spectacle vivant. Là, je vais pouvoir faire ce que je veux ! De la musique, des prix abordables, des pièces de qualité… C'est le bonheur. Et le mieux c'est que quand je sors de mon bureau, je traverse un couloir et je suis dans la salle. Etre aussi proche de la création, c'est génial !”
L'addition s'il vous plaît…
Zabou Breitman + Raymond Depardon = pièce à ne pas manquer ! Il n'y pas si longtemps, personne ne savait que Zabou avait un nom de famille. Mais depuis Se souvenir des belles choses tout a changé et on est prêt à suivre Zabou Breitman dans tous ses projets. Il faut dire qu'au théâtre, elle ne nous a pas encore déçus. Son Hiver sous la table, avec Isabelle Carré et l'impeccable Dominique Pinon, était un modèle de drôlerie et d'intelligence. Et son Blanc, s'il était plus âpre et plus difficile n'en restait pas moins un projet ambitieux et touchant. Alors aujourd'hui qu'elle décide de s'attaquer à l'adaptation pour la scène des documentaires de Raymond Depardon, forcément, on attend beaucoup. Car Urgences et Faits divers ce ne sont pas n'importe lesquels. Une plongée dans les urgences d'un hôpital psychiatrique et une caméra posée dans un commissariat parisien. Petites misères et grosses déprimes, c'est la tristesse du quotidien et ceux qui essaient de la guérir que Depardon avait choisit de filmer. Et pour les mettre en scène, l'actrice, qui signe ici son grand retour sur les planches, a fait, encore une fois, preuve d'une grande ingéniosité. Elle ne montre pas ces personnages, elle montre Depardon qui montre ces personnages. Et le public, lui, se retrouve comme dans la salle d'attente. C'est amer mais brillant. Ça s'appelle Des gens comme ça aurait pu s'appeler Les autres. Parce que ça parle forcément à tout le monde !
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Men in
Black On les appelle “les hommes en noir”,“les hommes noirs” ou, plus ironiquement “les corbeaux”… Bref, les architectes français aiment le noir : costumes noirs, chaussures noires, chapeaux noirs, manteaux noirs, le tout siglé Armani, Hedi Slimane, Paul Smith ou encore Yamamoto.
Tous les Brendan Mc Farlane, Jean Nouvel, Dominique Perrault, Rudy Ricciotti, Bernard Tschumi, Claude Vasconi…aiment le noir, c'est peu de le dire. Parfois, une écharpe rouge (Nouvel, Vasconi), un t-shirt bleu marine (Perrault) ou une chemise ivoire (Tschumi) vient rompre la monochromie. Parfois même, certains vont jusqu'à sacrifier au gris anthracite (Portzamparc, Ricciotti). Les femmes architectes (les architectesses ?) ne sont pas épargnées qui, elles aussi, choisissent le noir, à l'instar d'une Odile Decq au look éternellement sombre, à mi-chemin du punk et du gothique, ou l'anthracite à l'image d'une Brigitte Métra aux tailleurs élégantissimes… Bon voilà pour le “noir c'est noir”, mais revenons un peu en arrière. Quarante ans en arrière, puisqu'en cette année 2008 on fête allègrement l'anniversaire de 1968. En ce temps-là, c'était justement le noir que l'on fuyait, que l'on reniait, dont on voulait se débarrasser. Le noir et le gris. La grisaille omniprésente. Ce fut donc le temps des hippies, des flower people, de la couleur retrouvée, des imprimés à fleurs, du psychédélisme polychrome, de l'arc-en-ciel (pas encore gay, pas encore tibétain) décliné sur tous les supports. Et puis, surtout, de l'invention d'autres comportements, d'autres attitudes, d'autres postures. En 1969, le Festival de Woodstock donne le la : “Pour vivre heureux vivons couchés” ! Les sièges que l'on produit cette année-là ont une drôle d'allure. On ne sait plus s'il s'agit de sièges en forme de sols, ou de sols en forme de sièges sur lesquels, dans lesquels on se vautre, on se roule, on fait connaissance… Le Sacco de Gatti, Paolini et Teodoro, le Joe (en forme de gant de base-ball) de De Pas, D'Urbino et Lomazzi, la Fosse de conversation de Jean-Claude Maugirard ou encore le Tapis siège d'Olivier Mourgue sont depuis longtemps passés à l'histoire et figurent dans les collections des plus grands musées du monde. Le rapport entre le noir et cette manière d'être, entre l'architecture française et cette sorte de sièges ? C'est Dominique Perrault qui donne la réponse avec son fauteuil Tricot que l'on a découvert cet été au cœur de la monumentale exposition que le Centre Pompidou a consacré à l'architecte. Une forme libre, non limitée, évocatrice d'espace, et dont la matière et la manière sont d'un raffinement extrême. Un jeu dialectique qui articule souplesse et rigueur, liberté et confort, et allie grands coussins souples et maille de cuir façon sellier. Le tout, naturellement, dans un noir éclatant, ciré, précieux, hiératique. A l'évidence Dominique Perrault et Gaëlle Lauriot-Prévost, co-signataires de ce petit chef d'œuvre édité en Italie par Poltrona Frau, se sont amusés à lier deux époques apparemment antinomiques, à mêler rigueur et liberté, à faire se télescoper luxe et relâchement. Et surtout, ils démontrent en matière de design, comme ils le font si bien dans leurs architectures, qu'aujourd'hui la structure rigide est un leurre. Que la souplesse, l'évanescent, le quasi-impalpable correspondent à merveille à notre époque que le virtuel, la miniaturisation, le plus léger que l'air qualifient au plus près. Edouard Michel.
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Architecture : Dominique Perrault H么tel du departement de la Meuse Bar-le Duc Photo : Philippe Ruault 漏 SAMMODE
125, rue du Chemin Vert F - 75011 PARIS
T: +33(0)1 43 14 84 90 F: +33(0)1 47 00 59 29
Email: info@sammode.com www.sammode.com
Eclairage architectural
mode Stylisme : Clara Piaton Photos : Billal Taright Modèles : Giovanna et Juste Special thanks : Benjamin Martin_Colette et Therese Lyckhammar_Acne
Back to Black
Juste : t-shirt American Apparel, lunettes Wayfarer de Ray-Ban.
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Giovanna : robe Manoush, chapeau NafNaf, ceinture Acne.
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Juste : veste Acne, t-shirt American Apparel.
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Giovanna : gilet sans manche Sacai (Colette).
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Giovanna : chemisier Ă jabots Acne, minijupe Acne, ceinture Cosmos, chaussures Paul&Joe.
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Giovanna : veste zippĂŠe Acne, bandeau Ă plumes Jennifer Behr.
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Giovanna : robe en soie Les Prairies de Paris.
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Giovanna : robe Manoush, chaussures Mellow Yellow.
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Giovanna : blouson Manoush. Juste : veste Acne.
ailleurs
Bienvenue chez les
Ch'tis.
Bons sentiments dégoulinants comme un maroilles bien fait ; alcoolisme frénétique et mauvais temps perpétuel. 20,2 millions de pilules avalées par autant de spectateurs béats. Propagande à grosse dose et perfusion de clichés. Un peu simpliste comme vision du Nord, tu penses pas ? Nous si. Une enquête de terrain s'impose. Allez viens, j't'emmène. Gare du Nord. 8h15. Des Imams prêchent dans la quiétude de l'aurore gris-bleue. Des gnomes éructent, des gens discutent et Basile mange des Tucs. Pas de lunettes noires post nuit blanche, sapes souillées de transpie au whisky et furieuse barre au carafon. La mise au vert, au gris, au noir s'impose. Rétine rétive et visage pâle sur le quai de Dunkerque. Le soleil rebondit contre les façades briquées des anciennes maisons d'ouvriers et les blancs nuages se planquent derrière une ligne d'horizon flageolante. Chouette, un premier cliché qui trépasse. Accueil africain, femmes en boubous bariolés et bébés emmaillotés sous le sein. Moment de flottement. Nous sommes-nous trompés de direction (ce qui expliquerait le soleil) ? Non, non, pas d'erreur. We're in da place ! Les requins sont en vitrine, les F4 à 500 euros et la grenadine Vittel dégueulasse. Une 205 rouge (rouge, monte les basses, que les enceintes bougent) roule au pas. Stroboscopes, suspension hydraulique, spoilers lustrés et gentes chromées. Sur la vitre teintée arrière, un autocollant : Je suis un Ch'tis et j't'emmerde. Jean Bart (célèbre corsaire dunkerquois, bande de moules), sur la place qui porte son nom, arbitre le basket. Garçons et filles. Jordans collectors, frottements virils, block shot sous testostérone et switch aériens. Regard en coin et défis oculaires pour les étrangers du saloon (nous). On s'éloigne. C'est pas encore l'heure de jouer à Lucky Luke contre Daltons belliqueux. Un ange passe. Un type étrange, à l'état d'ivresse avancée, (il n'est que 10h du matin) mais étrangement stable sur sa bicyclette cabossée, nous demande du shit. Désolé fiston, we're not in da business. Tant pis, retour aux 16 bleues. Pédale Forest, pédale ! Rencontre incongrue avec des clochards ivres mort (il n'est toujours que 10h du matin). Joutes orales et intimidations pileuses. 8-6 mousseuse contre Nikon D60 10,2 M pixels. Pas d'échange envisageable. On n'est pas des teu-bé. “Si ces messieurs me le permettent, ça va péter !” Ok, cousine, rendez-vous ce soir pour le show spécial Antoine Clamaran vs Laurent Wolf. Pas de mines de charbon, concert de nos potes les Shades dans une douzaine d'heures, il ne nous reste plus qu'à errer au fil de nos Bensimon sans chaussettes. Suis le cours de l'eau, brother. Quartier de la Citadelle. Docks Lynchiens. Drisses bruyantes et rolling stones poussiéreuses. Qui parlait de Western spaghetti ? Ça pue le squat à piquouze ou le spot à partouze. Choisis ton camp. Heureusement que c'est le quartier branché ! On tape une pointe pour aller à la pointe. Direction la plage, la mer, les mouettes. Plus grande étendue de sable fin d'Europe, c'est pas rien la plage de Dunkerque. Etendue donc, à perte de vue. Mer grise, sable blanc, ciel bleu. Carte postale manichéenne… et concours de dressage canin. On reprend : la plage, la mer, les mouettes et… des chiens, des chiens, des chiens. Yorkshire, doberman, bergers allemands, des Pyrénées, des Alpes, des Vosges, du Massif Central, bichons Havanais, bouledogue, lévrier… Et ça crie, jappe, grogne, mord, secoue la queue, s'humecte la truffe et se renifle le trou. Mèches peroxydées et poils brossés. Ou l'inverse. Emouvante symbiose entre le maître et l'animal. Nuit blanche + randonnée urbaine = besoin de sommeil ou de
drogue. On préfère le cocktail sieste au rosé. Terrasse abritée et bouteille à 8 euros. Repos des héros. Qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse. Elle emporte le temps et nous redonne des forces. It's only the begining. Dîner dans une brasserie en compagnie d'ethilotristes. L'alcool coule à flots mousseux et fait jaillir les larmes. Incompréhension. Mais vite, vite. Le jour se cache derrière les toits d'ardoise et la nuit envahit les recoins. Vite, vite, finis ta pression, le concert va commencer. Scène bancale, gobelet de plastique et punks à chien en guise de public. Sature le son et suinte les paroles de ta voix nasillarde. Robert n'est jamais loin. L'amitié coule dans nos veines et réchauffe nos cœurs. Toujours pas de résa pour l'hôtel. Pas grave, suis le fond de la nuit, mon ami. “Alors les gars, ça vous a plu ?” Remballe ta main, avec le froid, tu me la sers et repars avec mes doigts. Soirée privée à l'hôtel Ibis. Open bar chambre 308. Open chatte chambre 309. Fuite vers l'avant. Ah les rockstars ! Sur eux glissent les maux des justes. Hôtel complet (une chambre par chien. Quiétude des athlètes). Portes closes derrière lesquelles résonnent les bruits de la fête. Vous avez dit hospitalité légendaire ? Cling, un second cliché qui s'évanouit. Voyage au bout de la nuit. Ça te dit ? C'est marrant comme la nuit te pénètre. Tu ne le veux pas. Tant pis. Tu dis viol. Oui, oui, il y a un peu de ça. Marchons pour ne pas tomber. Il ne nous reste que ça. Vers où ? La lumière, le monde, les gens. Tout à l'exception de l'ombre angoissante qui s'installe dans ton âme. Fuis, fuis. Le reportage gonzo se transforme en épreuve de force. Il faut tenir. Plus que cinq heures avant le lever du jour. Berge accueillante pour navigateurs nocturnes. Cinq heures, c'est long. Meurtre, viol ou baise dans ce break vert bouteille sur ce parking glauque. On ne se saura pas et on ne veut pas savoir. Viens, viens, j'aperçois les néons de la vie. “Ray Ban sur la tête, survêtement Tacchini, pour les plus classes, les mocassins Nébuloni. J'entends encore le rire des filles qui assistaient au ballet des R12 sur le parking”. A Dunkerque, on danse le Mia. Dunkerque by night, c'est chaud dedans et froid à l'extérieur. Reste à la périphérie, mon ami, sinon c'est l'engrenage. Comme disait l'altesse : “il suffit d'un 'clic boum', un clamse, tout part en couille / tragique embrouille / une vie s'envole, au sol, une mare et une douille”. Crise paranoïaque ? Peut être. Les enceintes lumineuses se suivent et se ressemblent. Appâtent la meute assoiffée. Les battements du cœur de la nuit résonnent dans les boomers. Un mec dégueule, un autre se fait planter. T'es sûr ? Non, poto, à cette heure-ci je ne suis plus sûr de rien. Quelle heure il est ? Une heure. Plus que quatre heures avant le jour. Dans cette tempête nocturne, accrochons-nous aux bouts de bois salvateurs. Petit moment d'étourdissement sur un canapé oublié dans un coin oublié d'un Casino outrageusement chargé. Léo, check la sécu pendant que je tape un somme. Oui, boss. Quatre heures. Le radeau accoste. Retour dans le froid des rues
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sombres. L'errance jusqu'à l'étourdissement. Viens, on dort sur la plage. Serre-toi contre moi, on aura plus chaud. Dis, tu crois qu'on va s'en sortir ? Après la tempête, le calme. Silence envoûtant et solitude extrême. Et puis enfin, le soleil. Regarde, je crois que le jour se lève. Sortie de boite. Types bourrés et moteurs rugissants. On pense tôles froissées et séjours aseptisés aux frais de l'Etat. Mais non voyons, ça n'arrive qu'aux autres. Une seule obsession maintenant : rentrer. Et les photos pour le reportage ? Tant pis pour les photos. De toute manière, y'a plus de batterie dans l'appareil. Ampoules aux pieds sans chaussettes. Une pneumonie. Peut-être. Il est cinq heures, le jour reprend ses droits. On marche tout droit dans ces rues qu'on connaît maintenant. Direction la gare. Va-t-on pouvoir changer nos billets initiaux qui nous
condamnent à douze heures de calvaire supplémentaire dans cette cité accidentée ? Il pleut. Les gouttes s'écrasent sur les traits tendus de ton visage, nettoient un peu de la crasse qui s'entasse sous tes yeux. Mais rien à faire pour ton âme. Ou pour celle de la ville. On le saurait depuis le temps. Derrière rencontre avec un trollet (petit troll) agressif. Meurtre au fond des pupilles et trace de coup sur la figure. Dis, mon poto, tu crois qu'il va revenir avec un tournevis pour te l'enfoncer entre les deux yeux ? Malgré ta volonté, la ville te happe. Violence, crime et délits hantent tes pensées et tu te demandes comment tu vas pouvoir t'extraire d'ici. Mais, mon ami, ce n'est pas toi qui quittes la ville, c'est la ville qui te quitte. Quand elle veut. Où elle veut. Tu repenses viol. Oui, oui, il y a de ça. Reportage de Léonard Billot et Basile de Bure.
profession Raphaël Confino
Six Feet Under.
Quand on vous dit “croque-mort”, vous pensez certainement tout de suite au petit personnage en noir à la peau blafarde de Lucky Luke. Oubliez vos idées reçues, le “croque-mort” moderne n'a plus pour animal de compagnie un vautour et ne porte plus de haut-de-forme noir. Il bouillonne d'idées et de concepts qui feraient presque passer son entreprise de pompes funèbres pour une galerie d'art. Les premiers à avoir pris le pari de redonner des couleurs aux enterrements en France : Raphaël et Gabriel (ça ne s'invente pas), fondateurs de L'Autre Rive. Rencontre avec le premier. rentrer dans l'atmosphère et se désintègrent en étoile filante. Nous faisons aussi travailler des artistes sur des cercueils ou des urnes. Je propose par exemple une urne sablier pour les couples qui veulent que leurs cendres soient toujours mélangées.
Keith : Comment devient-on “croque-mort” ? Y a-t-il un BEP pompes funèbres ? Etait-ce une vocation ? Raphaël : Il y a une formation obligatoire, mais, pour moi, ce fut avant tout une vocation. J'ai d'abord fait des études d'archéologie et d'histoire, alors peut-être y a-t-il un rapport à la terre et à la mémoire qu'on retrouve dans les pompes funèbres. Mais personne dans ma famille ne travaille dans ce milieu !
Keith : Alors tu t’es levé un matin en te disant “Je vais être croquemort !” ? Raphaël : Non bien sûr. Ça a mûri lentement, à partir de petites expériences personnelles. Je voulais créer une approche du moment des obsèques qui n'existait pas. Il y a souvent une frustration générale lors d'un enterrement car on a l'impression de ne pas retrouver l'esprit de la personne. Alors que c'est un des rares moments dans la vie où toutes les personnes qu'on connait et qu'on aime sont réunies ! J'ai donc commencé à chercher s'il existait déjà des concepts de pompes funèbres différents. J'en ai trouvé dans d'autre pays, mais pas en France. Ici, les gens n'ont pas une habitude de consommateur par rapport à notre profession. Ils ne cherchent pas le moins cher ou ce qui leur plait le plus. Ils sont désemparés et veulent que cela passe le plus vite possible. Cela ne fait pas avancer la profession ! Mais les choses commencent à changer, les mentalités évoluent, les gens sont moins attachés à la tradition qu'avant.
Keith : Quel a été l’enterrement le plus fou que tu aies organisé ? Raphaël : Récemment, un homme avait organisé ses funérailles comme une vraie fête et voulait que l'on passe une musique de sa composition dans l'église. Au dernier moment, la paroisse s'y est opposée. Nous avons alors ouvert les portes de la 2cv corbillard et passé le disque à fond dans l'auto radio devant l'église. Les gens n'en revenaient pas !
Keith : Ta façon d’aborder ta profession se rapproche presque d’un art… Tu te sens artiste ? Raphaël : Oui, c'est vrai que notre démarche est artistique. Nous faisons d'ailleurs travailler des artistes sur des projets de tombes ou d'urnes. Nous avons un projet assez amusant. Une famille a acheté un emplacement au Père Lachaise, en face de la tombe du réalisateur Georges Méliès. Un artiste a conçu une tombe avec une échelle montant vers le ciel, au pied de laquelle se trouverait une longue vue dans laquelle on pourrait voir un montage du défunt posé sur la lune de Méliès. Keith : Est-ce que les gens n’ont pas des réactions bizarres quand tu dis que tu es croque-mort ? Raphaël : Si je leur parle de la façon dont on aborde ce sujet, ils sont au contraire ravis d'en parler et curieux. Mais c'est vrai que si je dis juste « je suis entrepreneur de pompes funèbres », ça ne suscite pas l'enthousiasme ! (rires)
Keith : A partir de cette idée, que proposes-tu de différent ? Raphaël : Pour commencer, le lieu où on accueil les gens est différent. Il n'y a pas d'accumulation de plaques funéraires, c'est moins oppressant, plus cool, pour mettre les gens en confiance. Nous même essayons d'être chaleureux, de bons conseils, de les écouter… Après, il y a les objets. Nous essayons de faire des cercueils différents. Les gens peuvent personnaliser le leur par exemple, venir en famille et le peindre, coller des choses dessus… Le jour de l'enterrement, c'est le plus beau cercueil du monde ! Sinon, je viens d'en recevoir un jaune fluo, et un bleu électrique entièrement ovale. Et tout ça coûte moins cher que la plupart des cercueils classiques. Nous avons aussi un corbillard 2cv entièrement noir avec des portières papillon ! Mais surtout, nous conseillons les gens, nous essayons de leur dire que tout est possible, de les faire réfléchir à la plus belle façon de dire au revoir. Par exemple, un homme voulait que le jour de son enterrement, on ouvre toute les bouteilles de sa cave. J'essaye de créer les conditions pour que ce genre d'événements se produise.
Keith : Mais est-ce que ce métier n’est pas devenu branché depuis Six Feet Under ? Raphaël : C'est vrai que ça a beaucoup aidé à rendre la profession plus sympa. Moi j'ai énormément aimé cette série car elle nous rendait humains. Sinon les gens ont tendance à penser que nous n'avons pas de famille, pas d'amour, pas d'argent, pas de vacance…
Keith : Tu es aussi très à l’affut des nouveaux services qui peuvent être proposés… Raphaël : Oui, effectivement ! Il y a par exemple cette société Suisse, Algordanza (rien à voir avec Al Gore ndlr), qui propose de faire un diamant à partir du carbone pur extrait des cendres. Cela devient un véritable diamant de synthèse ! Nous travaillons aussi avec une société aux États-Unis qui propose d'envoyer les cendres en orbite autour de la terre, sur la lune ou dans l'espace profond. Lorsqu'elles sont en orbite, elles finissent un jour par
Keith : Des projets ? Raphaël : J'aimerai proposer à Hermès ou à Vuitton de faire un “cercueil malle de voyage” qui serait entièrement habillé de cuir avec tous les effets pour faire un long voyage. J'aime bien cette métaphore.
Keith : Est-ce qu’il y a un artiste ou une personnalité que tu rêverais d’enterrer ? Raphaël : J'ai rêvé de pouvoir faire les obsèques de Garcimor, le magicien qui ratait tous ses tours… J'imaginais qu'avec son cercueil, il ferait le tour de la boîte transpercée par des épées, et que, comme d'habitude, il raterait, mais avec lui dedans…
Propos recueillis par Basile de Bure et Léonard Billot.
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photos : Laure Bernard
illustration designjune qui au passage est né aussi en 1966
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Carnet de naissances.
Il est toujours amusant d’observer les naissances d’une année, et de comparer les destins de chacun. 1966 ne déroge pas à la règle. De quoi s’arracher les cheveux pour les astrologues. Les planètes étaient alignées pour accueillir sur Terre… Pêle-mêle : Cindy Crawford, Eric Cantona, Mike Tyson, Jeff Buckley, Vincent Cassel, Sophie Marceau, Laurent Garnier, Halle Berry, José Garcia, Dieudonné, DJ Pemier et Guru (de GangStarr), GZA, Arthur H, Raul Midon, Shurik’N, Georges Weah, Edouard Baer, Olivia de Lamberterie… Certains arrivent, d’autre partent… Adieu à quatre génies : André Breton, Walt Disney, Alberto Giacometti et Buster Keaton. K?-74
L’événement de l’année : la naissance du Black Power. De Malcolm X à Barack Obama… Été 1966 : les quartiers noirs des États-Unis s'embrasent. De Hough à Cleveland en passant par Chicago, les émeutes raciales font rage. Malgré le Civil Rights Act de 1964, et les avancées dans le domaine des droits civiques qu'il entraina, la population afro-américaine exprime avec de plus en plus de véhémence son mécontentement face à la discrimination dont elle est victime. Le Mouvement des Droits Civiques de Martin Luther King ne suffit plus. L'Amérique voit petit à petit naître un mouvement plus radical dans la violence et dans les propos : le Black Power. Au sein de cette mouvance se distinguent rapidement deux groupes : la Nation of Islam de Malcolm X et le Black Panther Party de Bobby Seale et Huey P. Newton. Radicaux, certes, les Black Panthers mettent en place un programme basé sur de nombreux services gratuits visant à améliorer les conditions de vies de la communauté noire : des vêtements et petits-déjeuners gratuits , des cliniques médicales, des leçons de premiers soins, des transports vers les prisons pour les membres des familles de détenus, un programme d'ambulance de soins d'urgence, des mesures de réhabilitation à l'alcoolisme et à la toxicomanie, le dépistage de la drépanocytose… Le 7 novembre, à Cleveland, le premier maire noir d'une grande ville américaine est élu. Les mentalités évoluent. Le Black Power redonne une fierté à toute la communauté afroaméricaine. Résultat, 42 ans plus tard, Barack Obama est le candidat démocrate à la présidentielle. Basile de Bure.
La playlist Keith 1966.
Eleanor Rigby – The Beatles (Revolver) Eight Miles High – The Byrds (Eight Dimension) Everybody Loves a Nut – Johnny Cash (Everybody Loves a Nut) Let’s Go Get Stoned – Ray Charles (Let’s Go Get Stoned) I Want You – Bob Dylan (Blond on Blond) Paint it Black – The Rolling Stones (Aftermath) A Quick One – The Who (A Quick One) Wouldn’t it Be Nice – The Beach Boys (Summer Days) Sunny Afternoon – The Kinks (Face to Face) Gin House Blues – The Animals (Animalisms) On ira tous au paradis – Michel Polnareff (La poupée qui fait non) Les élucubrations – Antoine (Les élucubrations) On nous cache tout, on nous dit rien – Jacques Dutronc
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Pourquoi 1966 ? Parce qu’à l’époque…
… on voyait mai 68 se dessiner : Premières bastons entre fachos d'Assas et gauchos de la Sorbonne au Quartier Latin. Le début d'une longue série… Pendant ce temps, Les paravents de Jean Genêt et La religieuse de Jacques Rivette suscitent, plus que la polémique, de véritables affrontements, et même des procès. Mai 68 n'est pas loin, que confirment également à leur manière Gillo Pontecorvo avec La bataille d'Alger (il sera longtemps interdit en France), et Michel Foucault avec Les mots et les choses.
… l’Angleterre n’était pas qu’une terre de rock : Alors que le monde entier ne jure que par les Beatles, Who, Rolling Stones et autre Kinks, l'Angleterre organise et remporte la huitième édition de la Coupe du monde de football. Les héros ne s'appellent plus John Lennon, Paul McCartney, Mick Jagger et Keith Moon mais Bobby Charlton, Gordon Banks ou Bobby Moore. Une génération magique qui offrit à l'Angleterre le seul et unique titre de champion du monde de son histoire. … on fêtait de grands débuts : En vrac : premiers concerts du Velvet Underground, début de la Révolution Culturelle en Chine, débuts de l'art vidéo avec l'Allemand Wolf Vostell et le Coréen Nam June Paik, première communauté hippie en Californie, Luna IX premier satellite (soviétique) sur la lune, inauguration de la première Maison de la Culture par André Malraux à Amiens, premier “Festival des Arts Nègres” à Dakar, premier western spaghetti de Sergio Leone, Pour une poignée de dollars… Une belle année !
... le design se réinventait : Les groupes Archizoom et Superstudio, ainsi que Ettore Sottsass, inventent le design pop en Italie. Le groupe Sessenta 5 créait le canapé Bocca, rouge et énorme, sur le modèle de la bouche de Marylin Monroe. … on se mobilisait pour sauver la Renaissance : En novembre, la crue du fleuve Arno plonge Florence sous la
boue. Du monde entier, on accourt pour sauver les merveilles de la ville. Pour la plupart des étudiants, les Mud Angels (comme on les surnommera) permirent, au nom de l'Histoire, de préserver l'un des patrimoines culturels les plus important du monde.
… le cinéma français était le plus grand du monde : Made in USA de Godard, La guerre est finie d'Alain Resnais, Farenheit 451 de François Truffaut, Le 2ème souffle de JeanPierre Melville, Un homme et une femme de Claude Lelouch… Bien loin des tristes François Ozon, Jean-Pierre Jeunet et autre Fabien Onteniente d'aujourd'hui. En décembre, La grande vadrouille de Gérard Oury attire 17, 2 millions de spectateurs dans les salles. Record français jusqu'au ch'tis.
… on lisait des livres : Edmonde Charles-Roux remporte le Prix Goncourt avec Oublier Palerme, tandis que sortent Les mots et les choses de Michel Foucault, De sang froid de Truman Capote et Les androïdes rêvent-ils de moutons mécaniques de Philip K. Dick.
… les Beatles étaient plus populaires que le Christ : Cette petite phrase de John Lennon, “Nous sommes plus populaires que le Christ”, prononcée juste avant leur tournée dans le sud des Etats-Unis, eu l'effet d'une bombe au sein de l'Amérique puritaine. Disques brûlés, chansons boycottées, menaces de mort du Ku Klux Klan... Sans les excuses de John, la tournée aurait sûrement été bien mouvementée…
… on allait siffler Dylan au Royal Albert Hall : Alors que tout le monde l’attend en chemise à carreaux, vieilles boots aux pieds et gratte sèche à la main pour interpréter Blowing In The Wind ou Don’t Think Twice, It’s All Right de sa voix nasillarde, Dylan débarque en lunettes noires, jean slim et veste cintrée. Un style est né. Il a électrisé sa guitare et mis du blues dans sa musique. Les puristes du folk crient au blasphème, meuglent, insultent, piétinent et quittent la salle mais lui, s’en fout. Il envoie le riff et pousse ses amplis. Ballad Of A Thin Man, Just Like Tom Thumb’s Blues et bien sûr Like A Rolling Stones. Let’s rock !
minuscules
petit portrait en minuscules d'un artiste quasi majuscule
comme une lucie & simon par augustin t. / photos laure b.
image solo. elle est seule et semble immobile,
presque figée au cœur des sinuosités d'un tunnel souterrain qui file à perte de vue. autant de lignes de fuite qui suggèrent l'immensité de la ville au regard de l'homme infiniment petit. on est pris de vertige. c'est un territoire que l'on connaît, pourtant, une infrastructure urbaine comme il y en a partout, grouillant de vie le jour, trop souvent saturée de bruit et de mouvement. quand vient la nuit, comme par magie, il est inerte et déserté, presque angoissant. c'est un “non-lieu”, tout simplement, un espace qui a perdu toutes ses fonctions, qui semble vidé de tout son sens et confère au spectateur un sentiment d'inquiétante étrangeté. elle est seule mais sculpturale, comme une icône perdue, peut-être suicidée, sûrement sacrifiée par une probable collision. elle pose une dernière fois, inconsciente de l'absurdité de sa présence, sous des lumières artificielles un rien morbides qui lui donnent de faux airs de zombie égaré. mais loin d'une vision d'horreur, il se dégage aussi de cette image une certaine émotion, un parfum de douceur. la pureté des courbes, l'uniformité des tons, les couleurs chaudes, jaune orangées. elle est seule, au milieu des paradoxes de la technologie, coincée entre la fluidité des lignes futuristes et la rugosité d'une matière déjà abîmée. comme une apparition, dernière survivante du genre humain ou nouvelle ève de l'ère numérique. à moins qu'elle ne soit là que pour servir la composition graphique, pour offrir au regard du spectateur un point d'accroche, une échelle, une idée de la proximité et de la distance entre l'homme et la ville monstre dont il a accouché. c'est une photographie de lucie & simon. son titre ? humanity (woman) - 2:22 a.m.
duo. quatre ans à peine qu'ils travaillent
ensemble. à l'époque, simon, 18 ans, fait un stage dans un labo photo et tombe sur lucie, de quatre ans son aînée. c'est le point de départ d'une véritable “alchimie”, comme ils se plaisent à le dire. une intimité artistique qui naît de leur fascination commune pour la nuit et ses lumières artificielles. très vite, ils se montrent leurs travaux, partagent leurs déambulations nocturnes et troquent leurs double point de vue pour un seul appareil. leur premier projet, très inspiré par andreas gursky, s'intitule machines et traduit la violence faite à la matière dans l'univers industriel. petit à petit, l'homme s'intègre dans leurs images et se confronte à la société qu'il a lui-même inventée. d'où ce sentiment d'inéluctable solitude qui triomphe dans earth vision, leur série - la plus aboutie de nocturnes urbains ou périurbains. tout s'accélère en 2007. ils exposent à “la générale des arts” puis au “festival voies off des rencontres d'arles”, travaillent d'arrache-pied et gagnent un prix aux états-unis qui leur ouvre les portes de la prestigieuse “photographers' gallery” de los angeles. là-bas, en avant première, ils présentent des instantanés de vie quotidienne vus d'en haut, étonnantes plongées sur des moments d'intimité qu'ils appellent scenes of life. lucie & simon ne s'attardent jamais sur les prémisses du succès. ils n'ont qu'une seule idée en tête : “partir, six mois, un an, pour travailler sur de nouveaux projets”. comme pour pallier une immense timidité, leurs deux voix se chevauchent, se répondent et se complètent. ils inspirent un certain calme, une douceur quasi fraternelle, et se ressemblent tant qu'on jurerait qu'ils ne sont qu'un. lucie & simon, sages comme une seule image.
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lucie & simon, http://www.lucieandsimon.com photographers' gallery à los angeles (exposition permanente), http://www.photographersgallery.com
tableaux. il n'est pas surprenant que parmi leurs maîtres à penser se trouvent des peintres comme hopper ou magritte. à l'instar d'un jeff wall dont ils admirent les savantes mises en scène, lucie & simon conçoivent chacune de leurs photographies comme une toile. ils imposent ainsi leur sens aigu de la dramaturgie : une recherche constante de lumières atypiques, un goût prononcé pour les très grands formats (1m20 ou 2m) et un cadre choisi avec soin où le moindre détail est pensé à l'avance. ainsi des clichés poétiques de la série earth vision, véritables performances artistiques où les deux photographes prennent la pose, chacun leur tour, tandis que l'autre est derrière l'objectif. si les couleurs semblent surnaturelles, elles ne sont pourtant jamais retouchées : une très longue exposition permet aux lumières de la ville de s'imprégner comme sur une pellicule et de révéler tout ce qu'on ne voit pas à l'œil nu. ces gigantesques visions oniriques sur papier brillant ne sont donc nullement factices. c'est la technique expérimentale de lucie & simon qui inquiète le sujet et défamiliarise le réel. après un minutieux travail de mise en scène, un premier cliché donne les grandes lignes de la composition graphique. suivent une multitude de détails qu'ils assembleront par la suite à la manière d'un collage. maîtres de la photographie plasticienne à l'heure du numérique, lucie & simon assurent que c'est dans la technologie que se trouve l'avenir de la photographie. parmi les premiers aficionados de leur esthétique si novatrice, on compte le directeur de création fabien baron, le cultissime photographe peter lindbergh, et nous. que du bon.
Keith by night
Des bars, des putes
Kuta beach, rotten paradise in the Island
of Gods... Denpasar 14H47.
Y'avait ce putain de poisson jaune qui me regardait pisser ; non j'avais rien pris, pas encore en tous cas. Mais à l'aéroport de Bali, ils avaient collé des aquariums au dessus des urinoirs... J'ai récupéré mon sac, suis monté dans un taxi direction Poppies Lane Dua . Les paysages te donnaient envie de bouffer ton billet de retour. Des visions de cartes postales baignant dans cette nonchalance tropicale qui fait que tous les gestes prennent une fraction de seconde en plus. Cette fraction de seconde qui fait toute la différence entre le stress et le bien être. Cette petite différence qui fait s'épanouir cette fleur que l'hiver parisien sait si bien flétrir, le sourire. Et dieu ce que les filles que je voyais passer avait des sourires tentant... Bali Island of Gods comptait d'innombrables déesses... Trois euros la nuit pour trente mètres carrés avec salle de bain... La crise du logement n'était pas arrivée à Kuta. J'ai posé mon sac et me suis dirigé vers la plage. Cinq minutes de marche le long d'une rue bordée de temples. Le sable chaud, des cocos fraiches et des filles encore plus fraiches et aux mains expertes qui te massaient pour le prix d'un ticket de métro... J'me serais cru au paradis, si j'avais eu le moindre espoir d'y avoir ma place... Une sieste et une douche plus tard, je me suis demandé si j'étais dans la même ville. Jalan Legian était probablement la seule rue au monde ou les temples côtoyaient les bars à putes. Encore que, après quelques jours sur place, je me rendais compte que ce n'était pas la rue mais la ville entière qui était un Lupanar... Où que tu regardes, le mot « sexe » semblait clignoter en lettres de néon rouge. Des sexes des trois genres, l'Asie regorgeait de ladyboys... Et ceux qui m'avaient dit qu'ils étaient encore plus beaux que les femmes n'avaient rien exagéré... Marcher dans les rues de Kuta, c'est comme être dans un super marché de la baise, un club échangiste à ciel ouvert. Le soleil tapait fort mais les nuits semblaient encore plus chaudes. Partout, des filles à la beauté invariablement magique avançaient avec grâce. A force, tu finissais immanquablement en rut, et t'avais beau baiser, t'en avait jamais assez. Tout étais possible, et devant la quantité de filles, et la qualité du flux intarissable, avant même d'avoir giclé t'étais déjà en train de penser à la prochaine. Où que tu ailles c'était fuckland, les hôtels avaient fleuris et à toute heure du jour ou de la nuit, que tu sois au cyber, dans un café ou juste à te balader, tu entendais des gémissements sans équivoques d'enculages furtifs dans une chambre. La nuit venait d'éclore, je papillonnais. Puisqu'il fallait bien entrer quelque part, j'optai pour le Bounty, sorte de Titi Twister local, et son alignement de tables qui, sur trente mètres, t'offrait un panorama de tout ce que l'Asie comptait comme putes. Des filles qui, en dépit de leur rouge et leur make-up, semblaient délavées, éteintes. Pathétique vision de femmes attendant qu'on les embarque comme on prend un velib... En face, une immense scène avec un groupe jouant des chansons que les touristes massacraient. Un peu plus loin, vingt tables de billard où se jouait bien plus que des parties... C'est la que je sentis son regard. Gloria avait ce charme félin de la femme fatale, mêlée de l'innocence des filles qui croient encore que le monde n'est pas une saloperie. Elle semblait être une des rares filles à ne pas être une pute. Elle n'avait pas les micros jupes ou les tops minimalistes des autres filles. Son corps n'était d'ailleurs pas fait pour ces vêtements. Sa peau plus mate, ses rondeurs et cette façon de marcher et de rire sonnait vrai. Et sa douceur presque candide promettait bien plus qu'une baise... Elle me mit la pile au billard puis m'entraina vers une boite. Les corps se partageaient entre
ceux qui squattaient le bar, attendant tels des fauves miteux la proie, et ceux pris d'une transe païenne sur le dancefloor. Européens de tous âges, Indonésiennes, Singapouriennes, Malaises, putes ou touristes, remplissaient la salle sombre. N'eut été les regards vides et avides, l'endroit aurait eu l'air plein de vie. Mais non, on flottait sur une mer glauque. Ou plutôt on s'y enfonçait. Tout ce monde se retrouvait d'un coté ou de l'autre de la stèle à la mémoire des victimes des attentas islamistes... Mbargo, Bounty, Deja Vu, Double Six... Y'avait l'embarras du choix. Encore que pour ce qui était du Double Six, mieux valait ne pas être trop défoncé, les trans régnaient là-bas... Et plus d'un s'était couché avec miss monde pour se réveiller avec une intense douleur annale. Gloria avait pris un bus pour Java le matin, je m'étais réveillé trop tard pour l'accompagner. Les deux journées que je venais de passer avec elle, semblaient déjà loin. Deux jours, et même pas baisé. On en était resté au minimum syndical, elle aussi pratiquait l'amour tarifé et j'étais pas un putassié. Mais la suivre dans des itinéraires interdits au plus profond de la nuit m'en avait fait vivre plus que la plus part des femmes « komilfo » ne m'en avaient donné... Je suis sortit, Gloria me manquait. Je suis tombé sur un français qui rentrait « De se faire tailler une pipe ». Il s'appelait Benito, c'était pas son premier séjour. On s'est fait une sorte de fiche mission : tous les soirs on faisait dans un ordre aléatoire la plupart des bars à putes de la ville, tout simplement parce qu'il n'y avait rien d'autre à faire. Elle disait avoir 27 ans, 19 semblait plus proche de la vérité, mais elle pompait comme si elle avait 50 ans d'expérience dans le domaine... Fille d'une famille riche, elle se payait trois mois de vacances. Loin de la décence de sa famille islamiste, elle goutait à la défonce extatique. Lilo, puisque tel était son nom, errait entre la recherche du grand amour quand elle était à jeun et celle de la plus grande bite après sa cinquième tequila. L'alcool transformait cet ange en nympho. Comme de mon coté j'étais en pleine crise de satyriasis, on n'a pas fait long feu. Elle me tournait autour depuis le premier soir, mais cette nuit là, elle avait décidé de mettre le paquet. Elle m'a demandé où était Tito, et quand j'ai répondu pas loin, elle m'a proposé d'aller ailleurs. Je la regardais boire son vin, elle avait une classe terrible. Ailleurs, elle aurait pu être modèle ou impératrice. Ici ... Je me suis glissé entre elle et le bar. Une main s'est faufilée sous son chemisier et mes doigts ont rencontré deux petits seins aux tétons déjà durs. On a été dans ma chambre et quand on a finit, elle a été surprise que je reste tendre, que je l'écoute. L'habitude de se faire traiter comme des chiennes, de se faire jeter par un Australien ou un Hollandais qui avait même pas fini de retirer sa capote... J'ai réveillé la fille avec qui j'avais passé la nuit à dix heures. Une autre fille devait venir à treize heures et j'avais pas bouffé depuis l'avant veille. Finalement on n'a pas mangé... Et quand Nurull s'est pointée et que je lui ai demandé si elle voulait qu'on aille manger, elle m'a répondu : « Don't worry you gonna eat pussy. » Je me remettais d'une nuit sans sommeil lorsque Dexi se mit à me parler. Deux heures plus tard elle était dans ma chambre. Quand je me suis réveillé et que j'ai vu sa brosse à dent sur le lavabo je me suis dit merde. Elle avait joué la fille honnête et simple, mais très vite, le monceau de conneries dont elle se couvrait avait fait place à un être suffisant, aigri et d'une vulgarité impressionnante. Ça faisait une semaine que j'essayai de m'en débarrasser par tous les moyens mais elle me collait de plus en
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et des bars à putes.
plus.
Gloria était revenue. Je suis allé la voir, on s'est posé à une table et le temps que j'aille chercher de quoi boire, Dexi était à sa place. Je suis rentré avec, juste pour ne pas lui mettre un pain. Le lendemain, j'ai appelé Gloria qui m'a dit qu'elle ne voulait pas de problèmes avec ma girlfriend. J'ai mis toutes les merdes de Dexi dans un sac et l'ai envoyée chier. Plus que jamais elle me prenait pour un con. Tant mieux, je me suis défoulé. Puis me suis barré, la laissant tremper dans ces larmes de crocodile. Trois mois plus tard, en ouvrant hotmail j'ai trouvé un message de Benito, lui aussi était rentré... On a été chez Fung, dans le quinzième, se régaler de saveur a l'accent Bahasa. On a discuté des heures des filles et de toutes ces choses magiques. La bière aidant, il m'a raconté le jour où, rentrant avec une Indo, il a découvert que celle-ci avait deux cicatrices sous les seins... « Ladyboy ! » qu'il a dit. Je me suis tellement gondolé que j'ai même pas pensé à lui demander s'il était parti ou pas.
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Muntz Termunch.
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Chambre Syndicale de la Haute Couture. 45, rue Saint Roch. 75001 / ECV. 1, rue du Dahomey. 75011 / Ecole Camondo. Les Arts Décoratifs. 266, boulevard Raspail. 75014 / ESRA. 198, rue Lourmel et 135, avenue Felix Faure 75015 / Ecole Architecture Paris Belleville. 78, rue Rebeval / Ecole Architecture Paris La Villette. 144, avenue de Flandres. 75020 / EICAR. 50, avenue du Président Wilson. Saint-Denis / ESSEC. Cergy-Pontoise / EFAP. rue Pierre Charon. 75008 / HEC. Jouy en Josas
11/
Lazy Dog. 2, passage Thiéré / Café Fusain. 50, avenue Parmentier / Favela Chic. 18, rue du Fbg du Temple / Café Justine. 96, rue Oberkampf / Café Charbon (Nouveau Casino). 109, rue Oberkampf / La Marquise. 74, rue Jean-Pierre Timbaud / Au Chat Noir. 76, rue JeanPierre Timbaud / Le Bastille. Place de la Bastille / L’An Vert du Décor. 32, rue de la Roquette / Pause Café. 41, rue de Charonne / M. and W. Shift. 30, rue de Charonne / Bataclan. 50, boulevard Voltaire
Où?
12/
Le Saint Antoine. 186, rue du Fbg Saint Antoine
13/
Les Cailloux. 58, rue des Cinq Diamants / Le Marijan. 20 bis, boulevard Arago
14/
Dalea. 13, boulevard Edgar Quinet / Apollo. 3, place Denfert Rochererau / Zinc D’enfer. 2, rue Boulard / Zango. 58, rue Daguerre / Les Artistes. 60, rue Didot / Café D’enfer. 22, rue Daguerre
16/
Le Tsé. 78, rue d’Auteil / Librairie du Palais de Tokyo. 13, avenue du Président Wilson
18/
Galerie W. 44, rue Lepic
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Colette. 213, rue Saint Honoré / Le Fumoir. 6, rue de l’Amiral Coligny / Le Paris Paris. 5, avenue de l’Opéra / Aimecube. 7 rue Vauvilliers