Le RE comme solution ? Mémoire de recherche ENSAPL_Kévin LAMBERT

Page 1

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille


Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Illustration de couverture : Élévation de la façade Sud du projet Résilience à Stains réalisée par Kévin LAMBERT. Ce projet, aussi nommé La Ferme des Possibles, est une réalisation de l’agence Archipel Zéro associée à Bellastock en réponse à la demande de Novaedia. Référence en ce qui concerne l’insertion de matériaux de réemploi au sein du processus de conception, ce projet met en avant une multitudes de possibilités et pratiques du RE !


Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

REMERCIEMENT

Je tiens à exprimer mes remerciements à tous ceux qui ont rendu ce travail possible. Leur aide précieuse, leurs conseils fructueux et leurs encouragements, tout au long de ce mémoire de recherches. Je tiens particulièrement à remercier Frank Vermandel et Véronique Patteeuw pour leur encadrement, leurs conseils pertinents et leur écoute tout au long de l’année. Je remercie également Cécile Marzorati, qui m’a permise d’avoir de nombreuses réponses à mes interrogations et avec qui j’ai eu la chance d’en apprendre plus sur Bellastock ! Enfin, un grand merci à toutes les personnes qui m’ont soutenues de près ou de loin au cours de la réalisation de ce travail, Merci !

p.3


Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

SOMMAI RE REMERCIEMENT

p.3

SOMMAIRE

p.4

INTRODUCTION

p.7

CHAPITRE 1 - LE RE, UN DOMAINE AUX DÉFINITIONS MULTIPLES 1.

HISTOIRE ET DÉFINITIONS a.

Des termes qui diffèrent

p.14

L’objectif est d’aborder dans un premier temps la notion du RE en fonction des définitions officielles et juridiques. Il sera intéressant de déployer le panel des pratiques qui concernent le domaine du « RE » afin de pouvoir mieux les appréhender.

b.

Une évolution liée à de nouveaux points de vues

p.15

Depuis l’Antiquité, en passant par la Renaissance et la révolution industrielle jusqu’aux temps modernes, nous verrons dans cette partie comment la notion du RE a évolué. Parfois critiquée, considérée comme une sous-pratique, ou au contraire appréciée, le RE et plus précisément le réemploi a traversé durant le temps différentes appréciations.

2.

UN USAGE EN LIEN AVEC SON CONTEXTE

p.19

Le RE et les pratiques qui lui sont affiliées émergent en relation avec un contexte. Celui-ci peut être de différentes natures ; lié à la société ; lié à l’environnement ou encore lié à la politique. Cette partie du mémoire aura pour but d’appréhender la genèse des pratiques liées au RE afin de comprendre dans quels objectifs celles-ci ont déjà été misent en oeuvre et dans quel contexte nous nous trouvons aujourd’hui.

3.

L’ADHOCISME OU LA PRATIQUE INGÉNIEUSE DU BRICOLEUR

p.21

Au delà des sens, le faire-soit même et/ou la volonté d’être investi attire l’innovation. Il sera question au sein de cette partie d’étudier comment la mise en place de méthodes temporaires, provisoires ou improvisées permettent de faire face à un problème particulier (cf : Adhocism : Le choix de l’improvisation_Charles Jencks).

CHAPITRE 2 - QUELLES POSSIBILITÉS POUR LE RE ? 1.

BELLASTOCK a.

Création de la société

Bellastock c’est une association étudiante qui de part son évolution est devenue une société. Fondée sur la volonté d’enrichir les connaissances et compétences des étudiants en architecture, Bellastock est aujourd’hui un acteur pionnier du réemploi en France. Se rapprocher de la matière, répondre aux enjeux environnementaux, éviter la création de déchets, contourner la standardisation des processus de conception, tant de valeurs et de principes que Bellastock met en avant !

p.4

p.30


Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

b.

La pédagogie comme outils

p.33

Bellastock c’est la mise à disposition de nouveaux outils pour les étudiants. L’organisation de festivals, de conférences, d’ateliers, d’expositions sont pour Bellastock une manière pédagogique de toucher les futurs acteurs de la construction afin de les sensibiliser au Monde qui nous entoure.

c.

Contribuer à l’actualisation des méthodes et outils de l’architecte

p.41

Bellastock c’est aussi la mise à disposition de nouveaux outils pour les acteurs actuels de la construction. Le but ? Contribuer à l’actualisation des méthodes et outils de l’architecte afin de lui permettre d’intégrer les questions qui gravitent autour du RE au sein de la conception.

2.

DES FILIÈRES À PORTÉE DE MAINS a.

La déconstruction comme générateur de matières

p.45

Les possibilités de se procurer des matériaux de secondes mains sont multiples. Réaliser une expertise réemploi de potentiels matériaux locaux par l’identification de chantiers de déconstructions en est une. Au Havre, Bellastock est intervenu pour la conception d’un centre de recyclage, proche d’un chantier de déconstruction. Il sera intéressant de voir comment des matériaux ayant déjà eu une vie ont su s’intégrer dans la conception de ce projet.

b.

Une économie circulaire pour une société sans déchets

p.55

L’industrialisation et la standardisation des processus de conception ont poussés la société à se rapprocher d’une économie linéaire productrice de déchets. Bellastock à travers le projet ActLab développe une architecture manifeste du réemploi qui prône les bienfaits d’une économie circulaire.

c.

De nouvelles références

p.59

Le RE c’est repenser les standards de l’Architecture à travers l’assemblage de nouveaux matériaux, de nouvelles techniques de constructions, de nouvelles approches, en s’inscrivant au sein d’un site précis, portant une identité particulière. Le RE c’est donc l’émergence de nouvelles références, uniques et situées. À travers le projet « Résilience », nous pourrons comprendre cette caractéristique particulière du RE.

CHAPITRE 3 - QUELLES LIMITES POUR LE RE ? 1.

LIMITES TECHNIQUES - DE LA MAIN D’OEUVRE AU MATÉRIAU a.

Des systèmes de conceptions ambitieux parfois controversés

p.74

De nouveaux principes architecturaux ont vu le jour durant le siècle passé. En réponse aux problématiques environnementales ou portant la volonté de critiquer la société consumériste de nombreux mouvements comme Drop City ou Earthship se sont développés. Malheureusement, certaines limites techniques et économiques que nous verrons dans ce développement n’ont pas participé au bon développement de ces principes de conception.

b.

Les filières encore trop peu nombreuses

p.79

Le RE c’est promouvoir la conception d’une architecture située, respectueuse de son environnement en faisant intervenir le principe de l’économie circulaire. Or, les filières ne semblent pas encore assez nombreuses pour que l’ensemble des acteurs de la construction puissent intégrer le principe de l’économie circulaire. Le foncier par exemple représente une limite que nous traiterons dans cette partie.

p.5


Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

c.

Opalis comme solution ?

p.81

Bellastock, Rotor et un ensemble d’autres acteurs européens se sont mobilisés pour pallier à la limite qui concerne le développement des filières dans le monde de la construction. Créer un répertoire, cartographier un maximum d’acteurs du réemploi, du recyclage et autres pourrait être une solution pour donner une plus grande visibilité aux possibilités du RE.

2.

LIMITES LEGISLATIVES - UNE REGLEMENTATION ENCORE PEU ADAPTÉE a.

Des directives encourageantes

p.83

A l’image des nouveaux principes de conception qui émergent en faveur du RE, l’actualité législative oeuvre au développement des possibilités juridiques de l’application de nouvelles pratiques. A travers ces dernières se reflète une réelle prise de conscience qui sensibilise de plus en plus de citoyens.

b.

Parfois tardives ou partielles

p.87

Considérées trop partielles ou trop tardives ces normes et réglementations ne concernent souvent pas un assez grand nombre d’acteurs pour que celles-ci intéressent une grande majorité. Les réglementations représentent une limite lorsqu’elles contraignent au lieu de fixer des objectifs encourageants.

c.

Une insécurité liée à un manque de confiance

p.88

Pratiquer le RE c’est aussi réutiliser, repenser, réemployer des matériaux qui ont déjà vécus. Parfois, les acteurs de construction comme les architectes se retrouvent derrière une montagnes de normes et réglementations qui tuent l’imagination.

3. LIMITES CULTURELLES - STANDARDISATION DES PROCESSUS DE CONCEPTION a.

Vers de plus en plus de standardisation

p.90

La standardisation des processus de conception est la conséquence d’une évolution de la société qui vise à produire de plus en plus vite, en plus grande quantité et de moins en moins cher. L’Architecture évolue en parallèle de la société et a durant ces dernières décennies appliquer des principes de constructions qui ne vont pas dans le sens du RE.

b.

Re-questionner les standards de l’Architecture

p.91

Favoriser la mise en application du RE c’est sans aucuns doutes revoir les principes de conceptions et de constructions. C’est re-questionner les standards de l’Architecture jusqu’aux interêts de la société et ainsi de se demander à quoi ressemble l’Architecte de demain pour le Monde de demain !

p.6

CONCLUSION

p.93

ANNEXES

p.95


Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

INTRODUCTION

Introduction -

p.7


Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

INTRODUCTION

C e mémoire de recherche a pour objectif de favoriser une prise de conscience globale

d’un ensemble de stratégies qui servent de réponses aux conditions d’accélérations

(notamment en ce qui concerne l’environnement), afin de positionner la pratique architecturale à l’heure actuelle. Il reflète donc le fruit d’une recherche autour d’une problématique précise, dans la posture d’un étudiant en architecture qui cherche à accroitre ses connaissances en la maîtrise du métier. Ma démarche, mes a priori, mes argumentaires sont sans aucuns doutes influencés par mon expérience personnelle : en tant qu’homme, citoyen, et surtout en tant qu’étudiant.

La philosophie du RE ou l’appropriation de cette approche est toute nouvelle pour moi, cependant elle prend une importance et une dimension forte au sein de ma vision de l’architecture. Elle impacte ma manière de penser et de voir les choses au coeur de ma vie de tout les jours. Cette approche c’est notamment développée au sein de mon parcours d’étudiant, durant l’apprentissage de l’Architecture et au coeur de la découverte de la vie indépendante. C’est donc par passion et interêts que le réemploi, le recyclage, le fait de repenser les fondamentaux m’a amené à travailler sur la notion de RE. Conscient que nous sommes au sein d’une époque où nous réalisons que les ressources sont plus que jamais épuisables, c’est dans cette dynamique que je prends plaisir à adapter cette pensée à ma pratique de l’architecture. Cependant, ma passion pour l’architecture et le RE ne

L’architecture fait face à de nouveaux enjeux à l’heure actuelle

fait que commencer. Ainsi j’ai pour ambitions de développer mes connaissances et mes compétences en la matière. Ce mémoire de recherche pourrait être un début d’une future pratique professionnelle orientée sur les questions et pratiques que nous traiterons dans ce mémoire.

L’architecture fait face à de nouveaux enjeux à l’heure actuelle. Les problématiques environnementales et l’importance de la hausse de population en font partie. D’ici 2050, les estimations en terme de population atteignent neuf milliards d’habitants sur terre1. Cela pose de nombreuses questions dans différents domaines tel que l’énergie, l’accès à la nourriture ou l’eau potable. L’architecture n’est pas en reste et afin d’être en mesure de loger l’ensemble de la population dans de bonnes conditions sanitaires, les architectes doivent faire preuve d’imagination.

________________________________________________________________________________

p.8

1

Chiffres issus de l’INED_Institut National des Etudes Démographiques


INTRODUCTION

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Il semble aujourd’hui possible de construire rapidement en grande quantité des logements pour un grand nombre d’habitants mais à quel prix ? Le secteur du bâtiment est effectivement confronté à de nombreuses critiques en particulier concernant sa consommation d’énergie et sa production de déchets. La prise de conscience est à ce jour globale sur les enjeux écologiques et énergétiques incitant les professionnels de la construction à se réinventer afin de rendre ce secteur plus « durable » et « écologique ». Dans ce contexte où les ressources primaires deviennent rares, à l’heure de réinventer nos métiers, de redéfinir nos priorités, autour d’une économie circulaire, il est important de considérer chaque matière comme une ressource, comme un terreau culturel, comme un eco-système « capablement » performant.

« Crise de la matière à double visage » Julien CHOPPIN & Nicola DELON

Matière Grise: matériaux, réemploi et architecture

Si on en croit les données publiées par Rémy Le Moigne en septembre 2014, les « acteurs du BTP, de la construction ou encore de la démolition représentent 73% de la somme des déchets en France (soit environ 260 millions de tonnes de déchets)2 ». Le collectif « Encore Heureux » nous expose la situation actuelle et nous parle d’une «crise de la matière à double visage3 »

face à

l’épuisement des ressources en matières premières et également l’importante accumulation des déchets. On peut constater à travers les réseaux sociaux, comment l’écologie et la pensée durable prennent une place importante dans nos vies. La réutilisation, le recyclage, la reconstruction, le réemploi sont des démarches qui visent à se développer en ce sens. C’est dans ce contexte de prise de conscience et de volonté d’être plus respectueux de l’environnement que nous observons aujourd’hui le développement de nouvelles méthodes de construction, de production d’énergie et l’usage de nouveaux matériaux. Le RE c’est d’abord un préfixe qui s’applique par exemple à des verbes d’actions et qui forme ensuite un ensemble. On parle de re-utiliser, re-penser, re-construire, ou encore recycler. Étymologiquement la racine latine re- indique le retour à un point de départ. On comprend donc que le re-cyclage est une manière de ré-investir un élément, un objet au sein d’un cycle, ou alors que le re-penser est une démarche qui vise à re-venir au début d’un développement d’une réflexion afin d’y trouver un nouvel usage, une nouvelle solution. J’appelle donc « Le domaine du RE », un ensemble d’actions permettant une reconsidération des pratiques de réflexions ou de techniques de constructions (notamment en ce qui concerne ________________________________________________________________________________ Rémy LE MOIGNE, « Economie circulaire : le BTP doit faire sa révolution », Futuribles, 11 sept 2014 3 Julien CHOPPIN & Nicola DELON, « Matière grise : Matériaux / réemploi / Architecture », Pavillon de l’Architecture, 2014 2

p.9


INTRODUCTION

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

« …si on RE on est pas dans une dynamique de croissance ». Entretien réalisé avec Cécile MARZORATI

Chargée de mission chez Bellastock

Par Kévin LAMBERT (à retrouver en annexe)

Figure 1_L’étalement urbain_Matière grise p.258

p.10


Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

INTRODUCTION

l’architecture). Ce domaine inclut particulièrement ; le réemploi, le recyclage, le repenser, le reconstruire, le refaire ou encore le réutiliser. Ces pratiques ont un impact positif considérable sur l’environnement. Elles permettent d’éviter le gaspillage et donc de réduire les déchets, mais elles permettent également des gains économiques et participent à l’évolution de la conscience collective qui se doit de penser à demain. A l’origine, ces pratiques apparaissent dans les pays en développement, où l’offre n’est pas toujours à la hauteur de la demande et où les moyens de consommations ne sont pas abondants. C’est une forme de démarche de survie. En somme, il serait intéressant de s’interroger sur la nécessité de ces pratiques, de l’effet de leur usage sur la planète et à quelle échelle sommes nous concerné. Le domaine du RE est une réponse aux enjeux environnementaux de notre époque. Cependant il est possible d’affilier ces démarches à des systèmes de

De nombreuses solutions […] sont parfois très coûteuses malgré leurs apports écologiques

pensées et des principes du passé. A l’image d’une stratégie de résistance et du « régionalisme critique4 » comme le définit Kenneth Frampton en 1983. Il sera intéressant de voir les similitudes entre cette dernière approche et les volontés que prônent les acteurs actuels du RE, comme par exemple la critique d’une société consumériste et standardisée ou encore le retour à la conception d’une architecture située. Le RE vise peut-être à critiquer des méthodes de constructions universelles et encourage à trouver des solutions adaptées à chaque lieu, à chaque environnement et ses propres possibles.

Ces pratiques qui nous semblent souvent logiques et de bon sens, se confrontent aujourd’hui à de nombreux problèmes décourageant rapidement les quelques intéressés. Bien que le réemploi ait toujours existé, celui-ci peut nous paraître à ce jour bien loin de la réalité des chantiers. De nombreuses solutions apportées par ces types de démarches sont parfois très couteuses malgré leurs apports écologiques positifs et s’avèrent pour certaines irréalisables. Le monde de la construction et de la conception en général n’a pas encore totalement adhéré à la connaissance et la pratique du RE. Il est donc intéressant de s’interroger sur la viabilité et la faisabilité des pratiques du RE et ainsi comprendre : • Quelles sont les possibilités et limites du RE au sein de la conception architecturale ? • Pourrait-il devenir une réponse envisageable face aux enjeux environnementaux ?

________________________________________________________________________________ 4 FRAMPTON

Kenneth, L’objet Architecture « Pour un régionalisme critique et une architecture de résistance », Critique, janvier 1987, p.66

p.11


Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

INTRODUCTION

Afin de répondre à ces questions, nous éclaircirons tout d’abord dans une première partie la notion de réemploi par comparaison avec celles de la réutilisation et du recyclage. Nous continuerons notre quête à la formalisation de la définition du RE en s’intéressant à son histoire et son étymologie. Puis nous verrons de quelles manières il est possible de créer du lien entre l’approche de K.Frampton en ce qui concerne le Régionalisme critique et le RE. Nous argumenterons ce parcours de recherches avec plusieurs références bibliographiques comme par exemple l’ouvrage Matière grise du collectif « Encore heureux » ou la philosophie Cradle to Cradle. Enfin le premier chapitre se terminera sur l’étude de ce que j’appelle « La pratique ingénieuse du bricoleur », afin de comprendre les enjeux et la nature des pratiques du RE, quelles soit techniques ou intellectuelles. Pour parfaire cette notion nous verrons comment l’efficacité, la rapidité et l’économie de moyen sont des facteurs que Charles Jencks ou Nathan Silver définissent comme fondamentaux dans Adhocism, the case of improvisation5, et que l’on retrouve au sein de la pratique des acteurs du RE. Nous nous pencherons au sein de la seconde partie sur l’étude d’une société coopérative d’Intérêt collectif, Bellastock, qui aujourd’hui reflète l’un des acteurs pionniers du réemploi en France. De part leur histoire et leurs engagements qu’ils tiennent, nous verrons comment la société oeuvre au développement d’une nouvelle

Une nouvelle pédagogie pour les futurs acteurs de la construction

pédagogie pour les futurs acteurs de la construction et comment ils contribuent à l’actualisation des outils de l’architecte. Cette seconde partie du mémoire sera essentiellement consacrée aux possibilités de la pratique du RE avec Bellastock comme terrain d’étude. Nous étudierons comment les gisements de matières ou les filières réemploi participent au bon développement de la pratique et comment la déconstruction ou encore l’économie circulaire

représentent des possibilités. Enfin, nous conclurons cette partie en analysant un des projets de Bellastock qui montre comment les pratiques du RE favorisent l’innovation et fait émerger de nouvelles références architecturales, uniques et locales. La troisième et dernière partie de la recherche sera quant à elle dédiée aux limites qui freinent le développement et les possibilités de la philosophie RE. Les filières du réemploi sont encore à structurer et les réseaux de distributions ne sont pas encore assez nombreux pour parvenir à l’intégration de matériaux de réemploi pour chaque projet. Nous verrons tout de même comment Bellastock et d’autres acteurs engagés comme Rotor travaillent pour pallier ce manque. Nous nous questionnerons brièvement sur la viabilité technique des matériaux de réemploi. Et enfin nous verrons comment l’actualité législative pousse à la prévention des déchets alors que les standards de l’architecture et la prise de conscience n’est pas encore générale. ________________________________________________________________________________

p.12

5 Charles

JENKS, Nathan SILVER, Adhocism, the case of improvisation, Hermann, Traduit par Pierre LEBRUN, Paris, 22 septembre 2021


Le RE, un domaine aux définitions multiples

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Chapitre 1 -

Le RE, un domaine aux définitions multiples

L’objectif est d’aborder dans un premier temps la notion du RE en fonction des définitions officielles et juridiques. Il sera intéressant de déployer le panel des pratiques qui concernent le domaine du « RE » afin de pouvoir mieux les appréhender. Depuis l’Antiquité, en passant par la Renaissance et la révolution industrielle jusqu’aux temps modernes, nous verrons dans cette partie comment la notion du RE a évolué. Parfois critiquée, considérée comme une sous-pratique, ou au contraire appréciée, le RE et plus précisément le réemploi a traversé durant le temps différentes appréciations. Le RE et les pratiques qui lui sont affiliées émergent en relation avec un contexte. Celui-ci peut être de différentes natures ; lié à la société ; lié à l’environnement ou encore lié à la politique. Cette partie du mémoire aura pour but d’appréhender la genèse des pratiques liées au RE afin de comprendre dans quels objectifs celles-ci ont déjà été misent en oeuvre et dans quel contexte nous nous trouvons aujourd’hui. Au delà des sens, le faire-soit même et/ou la volonté d’être investi attire l’innovation. Il sera question d’étudier comment la mise en place de méthodes temporaires, provisoires ou improvisées permettent de faire face à un problème particulier.

p.13


Le RE, un domaine aux définitions multiples

1.

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

HISTOIRE ET DÉFINITIONS a.

Des termes qui diffèrent

Dans l’usage courant, le réemploi et la réutilisation sont très proches et souvent confondus c’est pourquoi il est courant d’entendre un terme ou l’autre pour désigner le même processus. Cette proximité est encore plus flagrante dans certaines langues ou les deux mots sont similaires et traduits de manière identique, comme « reuse » pour l’anglais, « wiederverwendung » en allemand ou « reutilizatión » en espagnol. Cependant, la langue française dispose de deux mots distincts désignant deux pratiques différentes. Il est important de noter que le réemploi est un mot qui s’utilise uniquement dans le cadre de l’architecture contrairement à la réutilisation qui concerne tous les domaines. Si on se réfère à la définition du terme « réemploi » au sein du dictionnaire Larousse, le réemploi est une « mise en œuvre, dans une construction, d'éléments, de matériaux provenant d'une construction antérieure1 ».

« …une alternative à l’extraction de matière première4… » Collectif Bellastock

Architecture du réemploi de matériaux de construction

Par ailleurs, les termes ré-emploi et ré-utilisation sont définis par la loi dans l’article L541-1-1 du Code de l’Environnement. Leur différence est liée au statut et à l’usage de l’objet réemployé. Réemployer est une « opération par laquelle des substances, matières ou produits qui ne sont pas des déchets sont utilisés de nouveau pour un usage identique à celui pour lequel ils avaient été conçus2 ». Réutilisation est une

« opération par laquelle des substances, matières ou produits qui sont devenus des déchets sont utilisés de nouveau3 ». Le détournement d’usage est possible dans le cadre de cette définition. Cependant ces définitions sont différentes et parfois contraires pour les acteurs du réemploi. Le réemploi devient le fait d’utiliser de nouveau la matière que ce soit pour un usage identique ou différent. La notion de déchet n’est pas prise en compte. La réutilisation et le détournement sont donc compris dans cette définition du réemploi. De son côté, le collectif Bellastock considère « le réemploi comme une alternative à l’extraction de matière première et à l’enfouissement de déchets. Il permet de limiter les temps de transports et de favoriser une meilleure répartition de la valeur ajoutée d’un chantier. Il s’agit à l’inverse du

________________________________________________________________________________ Dictionnaire encyclopédique Larousse, 1 volume en couleurs, Paris, Librairie Larousse, 1979 Code de l’environnement, Version mise en vigueur depuis le 31 juillet 2020, Chapitre Ier : Prévention et gestion des déchets (Articles L541-1 à L541-50) 3 Ibid. Articles L541-1 à L541-50 1 2

p.14


Le RE, un domaine aux définitions multiples

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

recyclage de travailler avec des matériaux de seconde vie sans leur faire subir une transformation trop importante 4 ». Notons que selon la loi, le recyclage représente « toute opération de valorisation par laquelle les déchets, y compris les déchets organiques, sont retraités en substances, matières ou produits aux fins de leur fonction initiale ou à d'autres fins. Les opérations de valorisations énergétiques des déchets, celles relatives à la conversion des déchets en combustible et les opérations de remblayage ne peuvent pas être qualifiées d'opérations de recyclage5 ».

Un ensemble de pratiques qui possèdent un sens commun

Je considère le domaine du RE comme un ensemble de pratiques qui possèdent un sens commun. Cette similitude n’est pas à mon sens technique, pratique ou philosophique à l’absolu. Elle peut être variée. C’est pour cette raison que malgré les définitions qui figurent au sein des loi ou dictionnaires, je peux

considérer le recyclage tout comme le réemploi comme des pratiques intégrantes au domaine du RE malgré leurs différences. Ces pratiques visent à REpenser un système qui se fonde sur des fondamentaux qui aujourd’hui dirigent notre société. Cet ensemble contient bien évidemment d’autres pratiques qui parfois se discutent, se hiérarchisent mais ne s’opposent pas dans le fond de la démarche. En conséquence, on peut en déduire que le domaine du RE ne se limite pas seulement à l’Architecture. Cependant, l’objet de ce mémoire sera précisément d’interroger la pratique du RE sous l’angle de l’architecture.

b.

Une évolution liée à de nouveaux points de vues

Le réemploi est une pratique, une philosophie, qui loin d’être une exception, a parcouru l’histoire de l’architecture et de la construction depuis des siècles. Aujourd’hui caractérisé par un esprit de conquête et de débrouillardise, le réemploi est perçu très positivement. Cela n’a pas toujours été le cas ! Il est à noté que l’appellation « réemploi » est très récente contrairement à sa pratique. Le réemploi a constitué l’une des règles conditionnant l’architecture durant les siècles passés. Si dans l’histoire de l’architecture le réemploi, le recyclage, ou encore la réutilisation, sont des pratiques courantes traditionnelles de l’acte de bâtir, longtemps ces termes ont été appelé « spolia ». Issu de la langue latine, « spolium » se traduit par « la ________________________________________________________________________________ Collectif Bellastock, Réemploi_Architecture du réemploi de matériaux de construction, www.bellastock.com 5 Code de l’environnement, Version mise en vigueur depuis le 31 juillet 2020, Chapitre Ier : Prévention et gestion des déchets (Articles L541-1 à L541-50) 4

p.15


Le RE, un domaine aux définitions multiples

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

dépouille d’un animal ». Au pluriel, « spolium » devient « spolia » qui celui-ci se traduit par « les dépouilles de guerres » ou encore les « butins de guerres ». Appliquées aux pratiques de récupérations avec les spoliations, cela nous oriente vers une interprétation et une compréhension assez péjorative de ce qu’ils peuvent être. C’est pour cette raison que l’on peut essayer de comprendre pourquoi le réemploi et sa pratique ont longtemps été dénigré et non reconnu. Aujourd’hui de plus en plus de personnes se tournent vers le réemploi et apprécient la possibilité d’utiliser des matériaux chargés d’histoire, usés par le temps et ayant une identité. Cependant le réemploi a longtemps représenté la mise en pratique de solutions médiocres, liées à une pénurie de matériaux ou à une perte de savoir-faire. Par l’intermédiaire du terme « spolia », le réemploi et le RE existent donc assurément depuis l’Antiquité. En Italie, le terme « spoglie » apparait au XVI

ème

siècle.

C’est Girogio Vasari qui évoque ce terme en faisant l’éloge de l’Arc de Constantin dans les premiers volumes de Le vite de' più eccellenti pittori, scultori e architettori6 publié en 1550. A partir de ce moment de l’histoire se développe une valeur esthétique et historique en relation au temps et à la ruine. La Renaissance qui clôt la période du Moyen Age éveille et fait émerger en Italie une « conscience des ruines ». C’est en tout cas ce qu’explique merveilleusement bien Nicoles Dacos au sein de L’invention du paysage des ruines7 et qui je pense est un tournant dans l’appréciation et la reconnaissance des pratiques du RE dans l’histoire de la construction. Jusqu’à là, le réemploi ou encore la réutilisation sont des pratiques de second choix liées à une pénurie de matériaux ou à une faible main d’oeuvre qualifiée. A partir de la reconnaissance des ruines et des paysages, c’est une toute autre valeur qui est apportée au matériau. C’est une nouvelle filiation qui est créée entre celui-ci et l’histoire qu’il porte. Cette histoire, ce passé lui est attitré et partout où il sera réinvesti il portera ses caractéristiques. Cette prise de conscience ou cette vision élargie de ce que représente la matière se développe dans toute l’Europe et atteint la France. Durant la période révolutionnaire, de nombreuses loi et décrets se mettent en place en ce qui concerne la déconstruction et la conservation des biens culturels en France. Cependant le manque de compétences et les faibles ressources financières ne permettent pas de mener à bien ces principes politiques de conservations. Le XXème siècle sera marqué par les deux Guerres Mondiales qui laisseront derrières eux énormément de ruines. En Allemagne, la Seconde Guerre Mondiale laisse plusieurs centaines de millions de mètres cubes de décombres. Une économie des ruines se met donc en place et met en avant les pratiques du RE c’est à dire le réemploi ou encore la ________________________________________________________________________________ 6 Girogio

p.16

Vasari, Le vite de' più eccellenti pittori, scultori e architettori, Lorenzo Torrentino, Florence, 1568 7 Nicoles Dacos, L’invention du paysage des ruines, Somogy éditions d’art, Paris, 5 novembre 2004


Le RE, un domaine aux définitions multiples

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

réutilisation. « Les constructions viennent jalonner les lieux, s’érigent, s’effacent et font de l’espace un palimpseste fait de mémoire et d’oubli »7. La Seconde Guerre Mondiale est très récente pour notre société et les conséquences en terme de ruines et d’histoire nous sensibilisent tous ! Dans une grande partie de l’Europe à cette époque, la récupération joue un rôle primordial dans la reconstitution des villes et des villages. Au delà de l’aspect économique et de l’urgence, ces pratiques sont surtout symboliques. Elles témoignent d’une volonté de lier le passé au présent. « Rome charrie indéfiniment les traces du passé pour les sédimenter au présent8 », il est intéressant de faire des allers-retours entre les périodes pour percevoir les similitudes entre les approches de ces pratiques au sein de l’Histoire de la construction. Ici on comprend et on justifie qu’après la

« Les constructions viennent jalonner les lieux, s’érigent, s’effacent et font de l’espace un palimpseste fait de mémoire et d’oubli7 » Julien CHOPIN & Nicola DELON Matière grise : Matériaux / réemploi / Architecture

Renaissance, le réemploi traduit le caractère historique d’un matériau et permet sa continuité au sein sa futur vie dans une nouvelle mise en oeuvre. « Les dépôts matériels des siècles successifs non seulement se recouvrent, mais s’imbriquent, s’inter-pénètrent, se restructurent et se contaminent les uns les autres9 ». Cette caractéristique de « permanence » ou de « continuité » était également pensée et mise en avant par les Romains. « La récupération est une écriture, une reconstitution matérielle et mémorielle qui fait du présent un temps plastique et créateur, un temps en marche10 ».

En somme, il est assez compliqué de réussir à comprendre lisiblement la valeur de chaque terme en raison d’une appropriation différente de chacun. Certains par leurs approches arrivent à rassembler et à trouver des thématiques communes. Chaque termes, liés à certaines pratiques ont évoluées durant le temps, en fonction de la société et en parallèle de certains besoins. En France et en Europe, le réemploi notamment puisqu’il est l’une des pratiques du RE que nous traiterons le plus au sein de ce mémoire reste assez confus. Il est lié à une méconnaissance collective qui est la conséquence d’un vide juridique. Il y a sans doutes également une déficience culturelle qui restreint le développement du réemploi dans notre société. C’est d’ailleurs un aspect qui sera questionné au sein de la troisième partie de ce mémoire. Au sein d’une enquête d’opinion réalisée auprès des Français, les résultats montrent qu’à la question spontanée « selon vous, qu’est ce que le réemploi ? », « 74% des personnes interrogés proposent des réponses liées au monde du travail, contre seulement 24% qui évoquent la réutilisation ou le recyclage »11.

________________________________________________________________________________ 7 Julien

CHOPIN & Nicola DELON, Pavillon de l’Architecture, « Matière grise : Matériaux / réemploi / Architecture »,Paris, 2014, l.11 p.64 8 Ibid, l.48 p.65 9 Ibid l. 50 p.65 10 Ibid, l.23 p.68 11 Ibid l.24 p 87

p.17


Le RE, un domaine aux définitions multiples

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Il serait également possible d’expliquer cette confusion ou non-connaissance par l’étymologie des termes. Précédement, on l’a vu, les pratiques sont anciennes et avant les écrits, des périphrases étaient utilisées pour parler du sujet. Malgré que les pratiques du RE soit anciennes, l’existence du mot réemploi par exemple est très récent ! Avant les années 2000, rares sont les écrits, ouvrages, ou articles qui contiennent et utilisent le mot « réemploi ». Il est assez simple de vérifier cela en regardant par exemple le nombre de documents référencés sur la plateforme ArchiRès, la bibliothèque des écoles d’Architecture et de Paysage en France. « Parmi 12 837 références trouvées, tous types de documents confondus, seuls quatre d’entre eux ont été publiés avant les années 200012 ». Le plus ancien que l’on peut recenser via cette plateforme c’est le livre de Yona Friedman intitulé Une Utopie réalisée13 publié par le Musée d’Art Moderne de la ville de Paris en 1975. Dans cet ouvrage il évoque sa vision de l’Architecture, de l’urbanisme, de l’Art et de la société en intégrant la notion de réemploi. Le travail de Michael Reynolds dans les années 90 intègre aussi la notion de réemploi et il est l’un des premiers à parler d’upcycling ! Il critique certains aspects de la société comme par exemple la facon de consommer. M.Reynolds met avant la notion de réemploi et l’applique aux règles de la construction et au domaine de l’Architecture. Nous reviendrons notamment au sein de la troisième partie de ce mémoire sur son travail afin de questionner les limites des pratiques du RE.

« … un changement de point de vue sur ce que l’on considère comme déchets pour l’envisager comme un produit14 »

Finalement, ce que l’on perçoit c’est que les pratiques du RE et notamment le réemploi ont toujours existé. Elles se manifestent pour des raisons qui ne sont pas les mêmes selon les époques et les enjeux de la société. Les notions sont difficilement définissables précisément en conséquence du fait qu’elles évoluent à la même rapidité que la société. Cependant il est possible de déterminer un fil rouge au sein de toutes ces pratiques qui suit généralement une philosophie commune.

Collectif BELLASTOCK Repar#2, Un programme de recherche & expertise au service de l’économie circulaire

« Fondamentalement la pratique du réemploi ou du recyclage opèrent un changement de point de vue sur ce que l’on considère comme déchets pour l’envisager comme un produit14 ».

________________________________________________________________________________ 12 Jill

p.18

KÄCK, Naissance du réemploi, de l’utilisation de matériaux récupérés au concept architectural, Mémoire de recherche Séminaire Conception et expérimentations architecturales, ENSAPL 2021, p43 13 Yona FRIEDMAN, Une Utopie réalisée, Musée d’Art Moderne de la ville de Paris, 1975 14 BELLASTOCK, Repar#2, Un programme de recherche & expertise au service de l’économie circulaire, Mars 2018, p.22


Le RE, un domaine aux définitions multiples

2.

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

UNE PRATIQUE EN LIEN AVEC SON CONTEXTE Le RE c’est donc un ensemble de pratiques qui se définissent comme étant une

remise en question de nombreux fondamentaux. Ce sont des techniques de constructions, des pensées constructives, de nouvelles pédagogies etc … Nous pouvons tous constater, à notre échelle, que le Monde évolue en s’universalisant, et ce depuis des décennies. Les pratiques du RE comme le réemploi se caractérisent comme le re-investissement d’éléments de secondes mains, ou ayant vécu une partie de leur cycle. Le développement universel qui se veut aujourd’hui de plus en plus industriel mène à penser que ce cycle est linéaire et que l’élément en question est vouer à vivre durant un temps, avant d’être remplacer. Ce cycle se définit de la manière suivante : extraction, fabrication, distribution, utilisation et élimination. C’est par ce constat qu’il serait intéressant de faire intervenir dans mes recherches deux écrits en particulier. Dans un premier temps, le régionalisme critique développé par Kenneth Frampton dans son texte publié au sein de la revue Critique_L’objet d’Architecture en 1987 (Original datant de 1983), où il pose les dangers de l’universalisation des pratiques. Il discute d’une conception architecturale plus ancrée au sein d’un environnement propre à chaque site, à chaque projet. Dans un second temps, l’usage de matériaux locaux et la philosophie « Cradle to Cradle » ou autrement dit la reconnaissance d’un cycle de vie circulaire peut enrichir à mon sens la définition de ce que représente le RE. Je pense qu’il est légitime de chercher un lien entre les pratiques du RE et la représentation que fait K. Frampton du Régionalisme Critique. La notion du lieu est fondatrice pour les pratiques du RE. Alors que « le propos fondamental du Régionalisme critique est d’amortir l’impact de la civilisation universelle au moyens d’éléments empruntés indirectement aux particularités propres à chaque lieux15 ». Nous verrons par exemple dans la seconde partie de ce mémoire comment Bellastock apporte une importance particulière à répertorier l’ensemble des gisements de matières proches avant la conception de chaque projet. On pourrait même dire que les acteurs du RE proposent des solutions anti-capitalistes et dictent l’utilisation de techniques qui évitent la production déchets et favorisent le réemploi de matières existantes et présentes ! « Les méthodes actuelles de constructions sont si universellement conditionnées par les progrès technologiques que la marge d’invention de formes urbaines significatives est devenue des plus étroites16 ». Les standards de la construction ou plutôt de la pensée

________________________________________________________________________________ 15 Kenneth

FRAMPTON, L’objet Architecture, Critique, janvier 1987, « Pour un régionalisme critique et une architecture de résistance » p. 72 16 Ibid p. 67

p.19


Le RE, un domaine aux définitions multiples

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

architecturale contraint une forme d’imagination ingénieuse. La pratique ingénieuse du bricoleur ou la philosophie « ad hoc » que nous verrons dans la partie suivante justifie l’importance de faire appel à la débrouillardise et aux ressources disponible pour concevoir de nouvelles formes. K.Frampton affirme qu’une « inspiration directrice peut être trouvé dans les données, comme l’intensité et la qualité de la lumière locale, dans une tectonique dérivée d’une structure particulière ou encore dans la topographie même du site17 ». La philosophie du RE et la pratique du réemploi prolonge la notion abordée par Kenneth Frampton. Faire référence au RE c’est concevoir un projet architectural situé en prenant compte sa situation et en construisant avec celle-ci, au sens premier du terme. Pratiquer le RE comme adopter la démarche du Régionalisme critique selon K.Frampton pourrait être perçu comme une forme de résistance. « Cultiver cette résistance, c’est le seul moyen d’affirmer une identité culturelle qui ne risquera pas de se perdre lorsqu’elle recourra discrètement à la technique universelle18 ».

« … affirmer une identité culturelle qui ne risquera pas de se perdre…18 »

William McDonough et Michael Braungart ont développé une philosophie de conception ; le Cradle to Cradle. Steven Beckers, architecte et maitre de conférences à l’Université libre de Bruxelles définit cette approche au sein de la préface de Cradle to cradle comme un « cycle vertueux qui s’oppose au fonctionnement de notre industrie19 ». C’est en ce sens, que je vois une relation

Kenneth FRAMPTON L’objet Architecture

semblable à l’approche de K. Frampton à travers le régionalisme critique.

L’approche « Cradle to Cradle » n’exige pas la perfection pour pouvoir progresser. Elle se construit sur l’innovation, l’amélioration de la qualité des produits, la redéfinition de la façon dont les produits sont dessinés et à quoi les matières qui les composent sont destinées. Les protagonistes comparent même cette philosophie à un bon jardinage et déclare qu’ils « ne cherchent pas à sauver la planète, mais à apprendre à y prospérer20 ». Leur ouvrage est assez original, l’objectif étant de nous faire réfléchir, de remettre en question nos modes de vies, nos habitudes, nos pratiques. Ils invitent par exemple à imaginer ce que nous pourrions faire aujourd’hui de « nos vieux meubles, du papier peint, des tapis, des téléviseurs, des vêtements, des chaussures, des téléphones, des produits complexes, des emballages plastiques et des matériaux organiques21 ». Ils expliquent que la majorité de ces matériaux sont entassés dans des décharges et que leurs qualités sont ________________________________________________________________________________ 17 Ibid

p.72 p.71 19 MC DONOUGH William, BRAUNGART Michael, Cradle to Cradle, 2002, 4 édition, p.13 20 Ibid, p.29 21 Ibid p.48 18 Ibid

p.20


Le RE, un domaine aux définitions multiples

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

gâchées. « Il est souvent plus rentable d’acheter une nouvelle version d’un produit très cher que de débusquer une personne capable de réparer l’objet original22 ». Encore une fois ici, on réalise que l’universalité des pratiques observé chez Frampton ou la société de consommation industrielle a pour conséquence l’oubli d’un forme de pratique ingénieuse qui pourrait trouver des solutions originales et individualisées.

« … si on RE on est pas dans une dynamique de croissance23 » Cécile MARZORATI

Chargée de mission chez Bellastock

Finalement la cause de tout réemplois, recyclages, réhabilitations, restructurations c’est la durabilité. Depuis les années 1930, on a commencé à industrialiser le processus de conception des matériaux et les processus de constructions. C’est cette rationalisation qui nous a amené à concevoir plus vite et moins cher sans se poser de questions et en particulier celles qui concernent la durabilité. « Le RE est complètement antinomique de cette pensée là puisque si on RE on est pas dans une dynamique de croissance23 ». On a des matériaux qui

sont de moins en moins qualitatifs,. c’est à dire qu’ils ont une durabilité beaucoup plus faible. Les matériaux pétrosourcés par exemple comme tout les polymères ou les plastiques, sont des matériaux de seconds oeuvres qu’on retrouve dans beaucoup de bâtiment. « Nous engendrons des systèmes et des activités humaines pertinents à partir du moment ou nous reconnaissons que toute durabilité (comme toute politique) est locale24 ». Se connecter aux flux de matériaux, d’énergies, de coutumes, de besoins et de goûts semblent être une approche plus fiable pour concevoir en prenant compte la durabilité et une bonne gestion des déchets. En tout cas c’est ce que l’on peut comprendre à l’issu de la lecture de Cradle to Cradle et c’est quelque chose que nous essayerons d’identifier au sein de la pratique de Bellastock dans la seconde partie de ce mémoire.

3.

L’ADHOCISME OU LA PRATIQUE INGÉNIEUSE DU BRICOLEUR Le réemploi et d’autres pratiques du RE possèdent une caractéristique qui jusqu’ici

n’a pas encore été abordée : l’accessibilité. C’est une notion essentielle à son développement, en effet les pratiques affiliées au RE comme le réemploi sont possibles et applicables par tous. Nous avons quasiment tous, assurément, déjà vu ou participer au réemploi. Que ce soit pour créer un salon de jardin ou une petite table basse en récupération de palettes de bois, ou encore en réparant sa gouttière avec une bouteille en plastique. Le réemploi ou le recyclage s’avère parfois très utile et très économique ! ________________________________________________________________________________ 22 Ibid

p.49 MARZORATI, Entretien avec Kévin LAMBERT, Lille, 27 mars 2022, à voir en annexe 24 Op.cit, MC DONOUGH William, BRAUNGART Michael, Cradle to Cradle p. 161 23 Cécile

p.21


Le RE, un domaine aux définitions multiples

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Figure 2_Le réemploi comme une recherche d’imagination_Kévin LAMBERT

p.22


Le RE, un domaine aux définitions multiples

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

On peut alors parler de réemploi à l’échelle individuelle. En effet le RE a sa place chez les acteurs individuels tout comme chez les professionnels. C’est d’ailleurs souvent à cette échelle réduite que les innovations et les nouvelles idées naissent. Le réemploi répond souvent à des raisons économiques, c’est en quelque sorte une manière de résoudre un problème (un besoin par moment) en employant des moyens qui ne demanderont pas l’intervention d’un professionnel. Cette démarche peut s’apparenter au « bricolage ». Si l’on se réfère à la définition de cette pratique au sein du dictionnaire, on se rend compte qu’elle est assez dénigrée et peu reconnue, elle est qualifiée comme un « travail peu sérieux et grossier comme du rafistolage25 ». Cependant, il est légitime de le considérer comme un travail utile et nécéssaire. Au sein du même dictionnaire, en s’intéressant à la notion du bricole(use)ur, on se rend compte qu’il est qualifié comme « une personne qui pratique une activité non professionnelle consistant à des travaux de réparation, d’installations ou de fabrication26 ». A la lecture du développement de ces termes, j’étais assez stupéfaits de constater un enthousiasme très faible quant à la reconnaissance de cette pratique. Je trouve pourtant que cette démarche atteste d’un grand enthousiasme, et d’une volonté de faire la découverte d’un nouvel objet, d’une nouvelle technique. Cela dépend donc d’un caractère ingénieux et astucieux comme l’écrit Claude Levi-Strauss au sein de son ouvrage La pensée sauvage27.

le bricoleur arrive souvent a des résultats « brillants et imprévus28 » Claude LEVI STRAUSS La pensée sauvage

La pratique du bricolage est assez particulière puisqu’elle née d’une volonté de réparer, installer ou fabriquer un objet dans un cadre non conventionnel. C’est une modification de taille, de forme, de structure, d’apparences d’un objet pour en faire naitre un autre, sans précédent, sans modèles. Encore une fois, Claude Levi-Strauss pense que le bricoleur arrive souvent a des résultats « brillants et imprévus28 » grâce aux essais, aux échecs et aux erreurs. On pourrait donc légitimement considérer que la notion du « faire » est très importante au sein des pratiques de réemploi et nécessaire à l’apprentissage. C’est par la répétition de plusieurs tentatives que le

bricoleur se construit une pratique, adopte des outils, développe un savoir-faire et parvient à réussir. Par moment, sans vraiment savoir quels chemins suivre, le bricoleur a la chance et/ou le mérite de retomber sur ses pieds et sait faire preuve de ressources momentanées pour se tirer d’embarras sans résoudre la difficulté essentielle.

________________________________________________________________________________ Définition du terme « Bricolage », Dictionnaire encyclopédique Larousse, 1 volume en couleurs, Paris, Librairie Larousse, 1979 26 Définition du terme « Bricole(use)ur », Dictionnaire encyclopédique Larousse, 1 volume en couleurs, Paris, Librairie Larousse, 1979 27 Claude LEVI STRAUSS, La pensée sauvage, Agora, Paris,1962 28 Ibid. p26 25

p.23


Le RE, un domaine aux définitions multiples

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

L’utilisation d’un système existant ou l’intervention dans un

« une philosophie de type organisationnelle, avec un certain rejet pour la planification29 »

contexte préexistant de manière nouvelle afin de solutionner

Défintion de l’adhocisme AquaPortail

degrés d’importance29 ». C’est notamment un mode de création qui

rapidement et efficacement un problème, sans planification et sans système établi, cela pourrait être une manière de qualifier le bricolage. Cependant cette définition pourrait être également associée à l’adhocisme. De part ce terme, on entend également parler d’ « une philosophie de type organisationnelle, avec un certain rejet pour la planification et une tendance à répondre plutôt à l’urgence qu’au repose sur l’utilisation de ressources disponibles sur place, incluant donc de multiples formes de recyclages, récupérations et de détournements.

C’est Charles Jencks et Nathan Silver qui ont développé ce principe au sein de leur ouvrage L’adhocisme, le choix de l’improvisation30 paru en 1972. On se trouve à cette époque au sein d’un mouvement en réponse au modernisme, qui signifiait une réponse radicale avec le passé et une recherche continue de nouvelles formes d’expressions. Charles Jencks était un architecte paysagiste exerçant aux Etats-Unis et dont le travail porte essentiellement sur l’histoire et la critique du modernisme et se positionne comme un militant du post-modernisme. L’ouvrage en question est composé en deux parties, qui se distinguent par la prise de position de chacun des auteurs, qui se complètent pour la plupart du temps et viennent à se contredire par moment. Ils se sont appropriés d’une locution latine pour parler d’une démarche : celle de répondre à un objectif rapidement et efficacement, en manipulant l’existant. La locution « ad » signifie « à » et la locution « hoc » signifie « à cet effet », ce qui réunit se traduit par « à cet effet ». L’adhocisme ou les pratiques « adhoc » sont destinées à un but bien précis, pour une situation que l’on pourrait qualifier d’unique. Cette approche développée dans un contexte post-moderne a pour intention de « persuader les consommateurs de créer leurs propres hybrides, d’apprécier un bricolage rendu possible par la multiplicité des choix dans le Monde de la production, de personnaliser ce qui devient une généralisation de l’anodin31 ». C’est d’ailleurs Charles Jencks lui même qui théorise le « post modernisme » dans son livre The langage of Post Modernism32 écrit pour la première fois en 1977. D’abord un mouvement artistique, qui engage une rupture ironique avec les conventions anhistoriques du modernisme en architecture et en urbanisme, tout ________________________________________________________________________________ 29 Défintion

de l’ « Adhocisme » issue du dictionnaire AquaPortail Charles JENKS, Nathan SILVER, Adhocism, the case of improvisation, Hermann, Traduit par Pierre LEBRUN, Paris, 22 septembre 2021 31 Ibid, p.8 32 Charles JENKS, The langage of Post Modernism, John Wiley & Sons; 6e édition, 14 août 1991 30

p.24


Le RE, un domaine aux définitions multiples

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

particulièrement avec les prétentions à conclure l’histoire et à ignorer la géographie. Au début de L’Adhocism, the case of improvisation, Charles Jencks définit ce que veut dire pour lui l’adhocisme par « un principe d’action basé sur la rapidité ou l’économie et sur le but ou l’utilité », cela se traduit par l’utilisation « d’un système existant d’une manière nouvelle pour régler un problème rapidement et efficacement33 ».

« L’adhociste […] improvise et ne planifie pas. Il fait du pragmatisme, un idéal34 » Valérie DIDELON Rotor coproduction

De la même manière que l’on a pu chercher la liaison entre le bricolage et le bricoleur, « l’adhociste est une sorte de bricoleur moins préoccupé par l’innovation formelle ou technique que par l’efficacité, la rapidité et l’économie de moyen qu’il met en oeuvre. Il improvise et ne planifie pas, et ainsi se positionne de facto en critique radical du modernisme. Il fait du pragmatisme, un idéal34 ». Le bricolage et l’adhocisme sont deux pratiques qui pourrait en faire qu’une. On constate énormément de similitudes entre la première qui a pour nature d’être assez peu reconnu et la seconde qui est une philosophie qualifiée comme un art, celui d’apporter des réponses spécifiques et adaptées à des problèmes bien précis.

Ce que l’on peut essayer de comprendre c’est que l’adhocisme est une forme de bricolage, tout comme l’adhociste est un type de bricoleur. Les deux participent au recyclage et favorisent le réemploi, les deux font preuve d’imagination, d’ingéniosité et ne sont pas retissant face à l’échec. L’adhociste comme le bricoleur met en avant la notion du « faire » comme outils de l’apprentissage et l’erreur comme un élément de la compréhension. Le bricoleur peut parfois ne pas utiliser de ressources disponibles à l’instant où il bricole pour parvenir à ses fins. Prenons un exemple concret : une personne lambda

… l’adhocisme est une forme de bricolage, tout comme l’adhociste est un type de bricoleur.

souhaite réparer sa machine à laver qui ne marche plus et n’a pas les moyens de faire appel à un professionnel. C’est un problème qui concerne un joint d’étanchéité. Le bricoleur va lui chercher sur internet la possibilité d’acheter la pièce qui lui permettra de réparer lui-même son appareil et profitera de son abonnement à un service de livraison rapide pour détenir cette pièce dès le lendemain alors que celle-ci provient d’un pays voisin par exemple. L’adhociste, lui, va chercher autour de lui un élément, qui de nature, n’a pas forcément

vocation à être employé pour ce genre de choses et va trouver une solution rapide et efficace. Par exemple, il réutilisera le caoutchouc présent sur une de ses vieilles gourdes dont il ne sert plus pour réparer son appareil ou alors il réemploiera un morceau de plastique pour convenir ________________________________________________________________________________ 33 Ibid,

p.7 DIDELON, Rotor, Rotor coproduction, p.70 tiré de la lecture du mémoire de recherche de Emile MOENECLAEY, Réemploi et Adhocisme, Démarche et devenir du réemploi de matériaux en architecture, 2017 34 Valérie

p.25


Le RE, un domaine aux définitions multiples

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

« Ça va dans le sens de la reconquête, de l’autonomie qui est souhaitable dans un contexte de postindustrialisation du monde ». Entretien réalisé avec Cécile MARZORATTI

Chargée de mission chez Bellastock

Par Kévin LAMBERT (à retrouver en annexe)

Figure 3_Cultiver le RE comme une pratique ingénieuse et autonome_Kévin LAMBERT

p.26


Le RE, un domaine aux définitions multiples

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

à la réparation et au fonctionnement de sa machine. Cet exemple peut paraître caricatural et la limite (ou la différence) entre les deux domaines peut paraitre pour certains cas très flou et voir même inexistante. Cependant il permet de comprendre la différence qu’il pourrait y avoir entre la notion de bricolage et celle de l’adhocisme. Il ne faut pas y voir par là une forme de dénigrement du bricolage, bien au contraire, c’est une démarche qui témoigne déjà d’une volonté de faire « par -soi même ». Cependant l’adhocisme se caractérise précisément par le travail avec des moyens immédiatement disponibles et donc forcément limités. Il propose une solution qui n’a ni vocation à devenir un modèle, ni la prétention à être parfaite ou pure. Nous nous trouvons au sein d’une société ou l’évolution technologique est à son pic et où elle ne cesse de s’accroître. L’Europe puis d’autres pays comme les Etats-Unis et le Japon ont connu une formidable croissance économique grâce à l’industrialisation de leur économie. Cette croissance fondée notamment sur deux révolutions industrielles importantes a entrainé une transformation de la société. Il est intéressant de constater que la philosophie de Charles Jencks et Nathan Silver apparait à la suite de ces constats et que le questionnement autour de ces problématiques persistent toujours à l’heure actuelle.

L’adhocisme comme improvisation quotidienne à l’échelle individuelle se transforme en un principe de conception non conventionnel mais ingénieux

Appliquée à l’Architecture, la pratique du bricolage ou encore de l’adhocisme pourrait être considéré comme un principe de conception. Pour le même type de raisons que le réemploi à l’échelle individuelle, notamment la dimension économique et environnementale, les architectes pourraient adopter ces philosophies à l’échelle de leur projet. Certains, comme nous le verrons à la suite de ce mémoire ont pris le parti de travailler en relation avec ces démarches. L’adhocisme comme improvisation quotidienne à l’échelle individuelle se transforme en un principe de conception non conventionnel mais ingénieux appliqué au projet d’architecture tout en favorisant le réemploi et l’économie circulaire. Comme on l’a vu précédemment le domaine de la construction a une grande responsabilité en ce qui concerne la production de déchets dans le Monde. De plus, les

ressources épuisables utilisées pour la construction deviennent de plus en plus chère en raison de leur nature éphémère sur le marché des matériaux. Pour ces raisons bien précises, il est légitime de responsabiliser les acteurs de la construction et d’étudier au maximum de nouvelles solutions ou d’anciennes philosophies. L’adhocisme en est une, et elle pourrait peut-être répondre à certains enjeux de notre société de la meilleure des manières. ________________________________________________________________________________

p.27


Le RE, un domaine aux définitions multiples

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

L’Architecte devrait-il s’inspirer de ce statut de bricoleur afin d’arriver à ses fins en se débrouillant malgré un certain manque de ressources ou d’approvisionnement ? Cette question a laquelle il est assez difficile de répondre soulève de nombreux sujets ; la disponibilité des matériaux, la revalorisation du statut de bricoleur, ou

Cette manière de « faire » semble ouvrir à l’architecture de nouvelles possibilités dans les méthodes de projets

encore un questionnement au sujet des standards de l’Architecture. Et plus globalement des offres et des demandes qui sont aujourd’hui très élargies en raisons de la facilité de transit des matériaux dans le Monde. De mon point de vue le statut du bricoleur pratiquant le réemploi, ou l’adhociste mettant en avant les circuits courts et l’efficacité peuvent jouer un rôle important dans le développement d’une pratique généralisée. La leçon a tirer de la pratique ingénieuse du bricoleur est la mise en place de réponses astucieuses et le déploiement d’outils

pour résoudre des problèmes ou parvenir à des demandes en empruntant des chemins différents. Cette manière de « faire » semble ouvrir à l’architecture de nouvelles possibilités dans les méthodes de projets. Pour ce faire, on pourrait imaginer un système où le réemploi serait à la base d’un cycle de production afin de répondre à des demandes généralisées. Tout en permettant à chacun d’avoir recours au réemploi et de faciliter celui-ci à l’échelle de la pratique individuelle afin d’éviter au maximum les étapes laborieuses de recherches et d’instaurer une facilité à la mise en place du réemploi par tous, pour tous ! Un réseau de distribution pourrait par exemple permettre à de nombreux acteurs privés de participer au réemploi sans forcément être des « bricoleurs ». Est-il possible aujourd’hui de trouver des filières axées sur le réemploi ? Quelles sont les possibilités qui se traduisent à travers ces filières ?

________________________________________________________________________________

p.28


Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Quelles sont les possibilités pour le RE ?

Chapitre 2 -

Quelles sont les possibilités pour le RE ?

Bellastock représente aujourd’hui l’un des acteurs pionniers du réemploi en France. De part leur histoire et leurs engagements qu’ils tiennent la société oeuvre au développement d’une nouvelle pédagogie pour les futurs acteurs de la construction et ils contribuent à l’actualisation des outils de l’architecte. Cette seconde partie du mémoire sera essentiellement consacrée aux possibilités de la pratique du RE avec Bellastock comme fer de lance. Nous étudierons comment les gisements de matières ou les filières réemploi participent au bon développement de la pratique et comment la déconstruction ou encore l’économie circulaire représentent des possibilités. Enfin, nous conclurons cette partie en analysant un des projets de la société qui montre comment les pratique du RE favorisent l’innovation et fait émerger de nouvelles références architecturales, uniques et locales.

p.29


Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Quelles sont les possibilités pour le RE ?

1.

BELLASTOCK

a.

Création de la société Pour l’étude de ce que représente le domaine du RE au sein de ce mémoire de

recherche, le choix de Bellastock n’était pas anodin. Il ne se fonde pas uniquement sur une forme particulière de qualité architecturale ou alors de pratique et de mise en avant du réemploi mais bien sur son histoire. La création de Bellastock est assez particulière puisqu’elle nait d’une volonté étudiante de bousculer le cursus des études en architecture. C’est clairement une prise en main engagée de certains étudiants sur leur propre formation afin de combler des manques et d’enrichir leur approche de l’exercice du métier d’architecte. C’est cette approche que je trouve assez séduisante pour moi, qui suit actuellement au sein de la même position, c’est à dire étudiant en architecture avec l’objectif d’appréhender la pratique de ce métier qui me passionne ! En somme, le choix d’étudier Bellastock au sein de ce mémoire est une manière d’approfondir ce que représente le RE, notamment à travers la pratique du réemploi, et à la fois de comprendre le sens des études en Architecture, afin de les questionner et de les remettre en question sur certains points (comme la pratique ou encore le contact à la matière). C’est à l’Ecole d’Architecture de Paris-Belleville que tout commence. Trois étudiants, Simon Jacquemin, Antoine Aubinais et Mathilde Billet ont « un constat commun qui est le fait qu’il y a un manque de pratiques au sein du cursus des études d’Architecture, d’expérimentations, de contact avec la matière, et de compréhension concrète des modes constructifs1 ». C’est en 2006 que ces derniers ont décidé de créer Bellastock, « Bella » comme Belleville (Ecole dans laquelle ils étudient) et « stock »

« … il y a un manque de pratiques au sein du cursus des études d’Architecture …1 » Cécile MARZORATI

Chargée de mission chez Bellastock

comme « gestion des stocks ». Antoine Aubinais, co-fondateur de l’association regrette une grande absence de la pratique au sein de son cursus d’étude ou encore le contact à la matière et qualifie les cours théoriques comme des « billes, outils d’analyses et de compréhensions […] pour former une personnalité en architecture 2

». On comprend par là que Antoine Aubinais voit les études

d’architectures comme une multitude de propositions de pratiques, un panel de références architecturales, ou encore une ouverture à une culture architecturale large et variée. C’est au sein

de cette boite à outils que l’étudiant va piocher ce qui l’intéresse afin de se construire sa propre approche. Lui ainsi que ses camarades ont ressenti un manque, et la création de l’association Bellastock est une manière de prendre en main ses propres études. Le but étant ________________________________________________________________________________ 1

p.30

2

Cécile MARZORATI, Entretien avec Kévin LAMBERT, Lille, 27 mars 2022, à voir en annexe CUNÉO, Interview Antoine AUBINAIS_Bellastock, Spotify, Août 2021, à 3min52


Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Quelles sont les possibilités pour le RE ?

proposer aux étudiants d’architecture (en l’occurence au départ les étudiants de l’Ecole de Paris Belleville) une autre manière d’étudier ou plutôt une façon de les compléter leurs compétences.

« Concevoir, construire et habiter un projet3 » Antoine AUBINAIS

Directeur général - Co-Fondateur de Bellastock

La première idée de l’association fut celle d’inventer un exercice d’Architecture qui proposait aux étudiants de « concevoir, construire et habiter un projet3 ». L’objectif de cet exercice était avant tout de rendre compte de la réalité de la construction d’un projet chez les étudiants en architecture. C’est à dire d’avoir la possibilité de construire à l’échelle 1 et d’avoir un autre regard sur l’architecture afin de prendre du recul avec le

dessin en deux dimensions ou le dessin informatique. Cet exercice se transformera par la suite en un événement majeur de l’identité de l’association, le « Festival Bellastock ». Antoine Aubinais le qualifie comme « la colonne vertébrale de la structure4 » . Celui-ci se reproduira ensuite presque chaque année. La pratique du réemploi par l’association, qui aujourd’hui reflète l’identité de leurs pratiques, n’était pas au départ une volonté de sa création. Au sein d’une interview par Radio Camping le 10 juillet 2017, Antoine Aubinais explique bien que le point de départ était la volonté d’aller sur le terrain, c’est à dire de tester, expérimenter, et « construire par soit même » du fait que ça leur paraissait « bizarre de devenir architecte sans jamais avoir tenu un outils5 ». Et ce qui est intéressant de constater c’est que le domaine du RE et la pratique du réemploi soit la conséquence, au départ, d’un manque de moyen. En 2006, Bellastock est encore une simple association étudiante, leurs moyens financiers pour développer leurs projets sont donc restreints. Afin de pouvoir expérimenter par eux mêmes, ils commencent par récupérer des matériaux là où ils le peuvent. En conséquence, ils sont contraints par moment de devoir réutiliser les matériaux mis en oeuvre sur plusieurs exercices. Ils leur arrivent parfois également d’emprunter des matériaux, ce qui ajoute à leur travail et à leurs réflexions par rapport à celui-ci de devoir les rendre. C’est en passant par ces étapes un peu compliquées que Bellastock commence à réfléchir à la notion de déposer les projets réalisés et à envisager diverses techniques comme l’assemblage par exemple. Petit à petit, la réutilisation ou encore le réemploi intègrent l’identité de l’association et les objectifs des exercices. De 2006 à 2012, Bellastock est une association étudiante qui vit de dons, de récupérations, de réemplois ou de subventions en ce qui concerne les festivals. En effet, 50% ________________________________________________________________________________ 3 CUNÉO,

Interview Antoine AUBINAIS_Bellastock, Spotify, Août 2021, à 9min13 à 11min22, 5 Radio Camping Paris, #5-Bellastock, Radio Campus Paris, 11 juillet 2017, à 22min10 4 Ibid,

p.31


Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Quelles sont les possibilités pour le RE ?

du modèle économique des festivals sont des subventions. À partir de 2012, Bellastock commence à pouvoir rémunérer et salarier des étudiants. Ils y arrivent notamment grâce à « l’expertise réemploi ». Cette démarche commence en 2012 et reflète une volonté de Bellastock d’adapter leur philosophie au secteur du bâtiment. Ils travaillent donc avec des maîtres d’oeuvres, des maîtres d’ouvrages et des particuliers. Leur statut d’intervention est souvent qualifié d’AMO (Assistant à la maîtrise d’ouvrage) ou de MOE (Consultant pour la maîtrise d’oeuvre).

ÉQUIPE BELLASTOCK

Hugo TOPOALOV

Architecte/Ingénieur - Coordinateur de projets

Aujourd’hui et depuis 2019, Bellastock est une « société

Clara BERGIA

coopérative d’intérêt collectif qui oeuvre pour le développement

Quentin CHANSAVANG

d’une économie circulaire6 » appliquée au secteur du BTP. Ils

Architecte - Chargée de mission

Architecte - Direction générale

Mathilde BILLET

s’intéressent particulièrement au réemploi des matériaux de

Architecte - Direction générale

construction et développent une réflexion plus globale sur

Directeur général - Fondateur de Bellastock

Antoine AUBINAIS

l’urbanisme de transition. Il contribue à une nouvelle culture

Cécile MARZORATI

architecturale qui se concrétise par la formation, par des projets

Architecte - Chargée de mission

Louis DESTOMBES

pédagogiques et par des actions de sensibilisations.

Architecte- Coordinateur de projets

En étant une SCIC, ils ne peuvent pas s’inscrire à l’ordre

Architecte - Directeur technique

Grégoire SAUREL

des architectes et sont donc contraints de devoir se limiter en ce

Zoé BOURRET

qui concerne la pratique de la maîtrise d’oeuvre. L’ordre

Architecte - Chargée de mission

Sarah WESTERFEL

n’accepte pas ce modèle de société. Cependant le statut de SCIC

Direction administrative et financière

est très important et identitaire pour eux puisqu’il leur permet de

De gauche à droite

laisser la porte ouverte aux adhérents. Bellastock accueille près d’une centaine de bénévoles par an. L’achat de part de sociétariat

est possible au sein de l’entreprise et Bellastock en tant une SCIC doit être à l’écoute de chacun pour oeuvrer à leur bon développement. Ils symbolisent un mouvement de réaction par rapport à de nombreux constats qui positionnent le domaine de la construction comme premier producteur de déchets en France. Les nombreux architectes et ingénieurs de la coopérative proposent aux maîtrises d’ouvrages

________________________________________________________________________________

p.32

6

Collectif Bellastock, A propos, www.bellastock.com


Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Quelles sont les possibilités pour le RE ?

« Bellastock c’est l’apprentissage expérimental {…} une vision métabolique des territoires …7 » Cécile MARZORATI

Chargée de mission chez Bellastock

et aux maîtres d’oeuvres des accompagnements, des services complémentaires permettant l’intégration de matériaux de réemploi dans les projets d’aménagements. Leurs objectifs étant de valoriser le caractère unique d’un site, de faire des déchets une ressource de qualité et de maîtriser les différents cycles de la matière. Au fil des ann es, Bellastock a diversifi son activit en multipliant les partenariats avec les

coles fran aises et

internationales, des entreprises, des institutions publiques et avec l’ensemble des acteurs impliqu s au sein de projets d’am nagement de la ville et du territoire. Pour répondre à l’ensemble de ses objectifs, tout leurs projets se construisent autour de principes fondamentaux : concevoir et construire à l’échelle un, travailler sur les cycles de matières, donner un rôle médiateur à l’architecte, développer une démarche collaborative et favoriser une démarche pédagogique. « Bellastock c’est l’apprentissage expérimentale, l’appropriation de la matière, une vison métabolique des territoires, c’est surtout ça Bellastock7 ». Bellastock c’est donc une association pendant près de six ans, puis une association qui salarie de 2012 à 2019 avant de devenir une SCIC. Cette évolution aura permis à la société d’être à l’heure actuelle un acteur du réemploi en France qui soutient une autre fa on de faire l’architecture plus ancr e dans son temps et plus respectueuse de son environnement. b.

La pédagogie comme outil Le réemploi est un axe majeur du développement de la pensée et des pratiques de

Bellastock, tout comme l’urbanisme de transition, l’étude et la formation. On l’a vu précédemment, la formation est très importante pour la société, en effet elle symbolise la volonté première de la création de celle-ci ; pallier à un manque de manipulations pratiques afin de mieux appréhender la réalité du métier ! Il me semble d’autant plus important de traiter de cette notion de « formation » en raison du fait que ce travail de recherche soit le fruit d’un étudiant et je me sens légitime de faire un parallèle entre leur approche et le ressenti que je peux éprouver de mes études. Dans un premier temps nous verrons comment Bellastock met en place ses objectifs en ce qui concerne le réemploi et la formation. Nous nous appuierons sur les festivals qu’ils organisent, notamment Cime City, le Festival Bellastock 2018. Dans un temps intermédiaire, ________________________________________________________________________________ 7

Cécile MARZORATI, Entretien avec Kévin LAMBERT, Lille, 27 mars 2022, à voir en annexe

p.33


Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Quelles sont les possibilités pour le RE ?

Expérimentations Figure 4_Festival Bellastock CimeCity par @ Alexis Leclercq

Tisser pour franchir Figure 5_Festival Bellastock CimeCity par @ Alexis Leclercq

p.34


Quelles sont les possibilités pour le RE ?

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

j’argumenterai certaines de leurs pratiques et idées en relation avec mon approche personnelle en ce qui concerne l’enseignement en architecture. Le réemploi et l’urbanisme de transition sont des thèmes que Bellastock aborde en tant qu’assistant à la maitrise d’ouvrage et lorsqu’ils conseillent les maitres d’œuvres. Ils font l’objet de mise en pratique au sein de projets démonstrateurs basées sur des techniques innovantes. Certains de ces projets seront analysés et problématisés par la suite. Le but étant d’éprouver et d’améliorer une expertise par le terrain qui permettra la réalisation d’études, par l’intermédiaire de programmes de recherches (avec des institutions publics ou privés). Au delà de ça, Bellastock contribue à une nouvelle culture architecturale et cela passe par la formation qui se concrétise par des projets pédagogiques et des actions de sensibilisations. Les temps évoluent, les intérêts changent et les moyens de communications et de pédagogies également. Pour Bellastock il est indispensable que le langage de l’architecture et le discours de l’architecte changent. Il est nécéssaire de REpenser la forme, les moyens et le contenu de ceux-là pour ne pas qu’il soit ou devienne inaudible et isolé ! C’est pour cela que l’équipe Bellastock oeuvre à vérifier directement sur le terrain les hypothèses par l’expérimentation (voir figure 4). C’est pour cette raison également que Bellastock travaille avec de nombreuses écoles ; de design, de paysagisme, d’art ou encore d’urbanisme, dans l’objectif de diversifier et de sensibiliser un maximum d’acteurs ou de futurs acteurs. Ici, il est intéressant de voir que la notion du RE ne se limite pas seulement à une pratique physique et technique comme on pourrait l’imaginer, en l’associant au réemploi. Le RE c’est pour moi une philosophie qui mène également à se poser des questions, à re-questionner les fondamentaux et à re-imaginer d’autres manières d’agir ! Bellastock c’est un peu plus de 10 000 étudiants engagés qui sont

« aider à devenir des citoyens conscients de l’importance de leur cadre de vie … »

passés par la société, notamment en participant aux divers festivals.

Collectif BELLASTOCK

l’environnement8 ». En effet, la démarche de Bellastock à l’heure

Formation

Re-questionner la pédagogie des études en architecture c’est également et surtout sensibiliser les jeunes à la réalité du métier. C’est à dire les « aider à devenir des citoyens conscients de l’importance de leur cadre de vie en leur transmettant une culture de la ville en mutation et en portant un regard curieux sur actuelle et les volontés premières de sa création n’ont jamais voulu être en opposition aux études d’architecture. Mais plus dans une

démarche d’enrichir celles-ci avec des notions qui ne sont pas forcément mises en avant à l’école.

________________________________________________________________________________ 8

Collectif Bellastock, Formation, www.bellastock.com

p.35


Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Quelles sont les possibilités pour le RE ?

Moment de partage et de détente Figure 6_Festival Bellastock CimeCity par @ Alexis Leclercq

Rassemblement festif Figure 7_Festival Bellastock CimeCity par @ Alexis Leclercq

p.36


Quelles sont les possibilités pour le RE ?

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Chaque année depuis 2006, Bellastock organise un festival. Celui-ci a pour objectif au départ de réunir au même endroit des jeunes étudiants, en architecture notamment, afin de leurs offrir la possibilité de pratiquer la construction en échelle un avec des professionnels du bâtiment. Ils s’emparent d’un site durant trois jours, travaillent, réfléchissent et construisent autour d’une thématique et habitent leur projets ! « Le festival est un moment de sensibilisation aux problématiques constructives et urbaines ainsi qu’un moment de partage (voir figure 6) et de questionnement sur les modes de vie contemporains et la construction collective des espaces publics »9. Le but est clairement de créer une ville éphémère durant quelques jours, s’approprier un espace et le faire vivre (voir figure 7). Ce festival est devenu au fil des années un réel laboratoire expérimental grandeur réel sur des thématiques contemporaines liées au devenir de l’espace métropolitain. Ces

« Ce moment de confrontation à la construction est unique au cours de leurs études en architecture »

thématiques s’intéressent aux processus collectifs du projet, aux

Collectif BELLASTOCK

notamment, permet une accessibilité à un jeune et grand public. Ces

Dossier de presse_Festival 2019

cycles de la matière, à l’innovation des mises en oeuvre, à la fabrique collective de la ville et à l’occupation temporaire d’espaces déqualifiés. La création d’une fiction urbaine liée à la co-construction au sein d’une pédagogie de sensibilisation est une des possibilités du RE. En revenant à la notion d’adhocisme ou à la pratique ingénieuse du bricoleur, on se rend compte que le RE, ici le réemploi pratiques qui font recourt à des matériaux de secondes mains, ou des matériaux issus de déconstructions voisines permettent à la société de

se procurer un maximum d’éléments de travails pour les étudiants et jeunes architectes. « Ce moment de confrontation à la construction est unique au cours de leurs études en architecture10 ». On a bien compris que la pédagogie était un outils important pour Bellastock en ce qui concerne le RE quand on l’entend comme re-voir, re-réflechir, re-imaginer les apports théoriques et surtout pratiques aux études d’Architecture. Celle-ci se manifeste notamment à travers les festivals, les conférences et les ateliers pratiques qu’ils coordonnent. Du 12 au 15 juillet 2018, c’est à Evry que le « Festival Bellastock_Cime City » c’est installé. Durant trois jours, le Parc des Tourelles c’est transformé en un espace d’expérimentations où 600 personnes se sont réunit. Les participants sont des étudiants de formations variées, des professionnels et notamment des habitants de la ville d’Evry. La thématique de ce festival a réunit les participants autour de la découverte du milieu forestier, de la construction bois et de la gestion des forêts en Ile-de-France.

________________________________________________________________________________ 9 Collectif 10 Ibid,

p.6

Bellastock, Dossier de presse_Festival Bellastock 2019, Juin 2019, p.9

p.37


Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Quelles sont les possibilités pour le RE ?

Re-distribuer Figure 8_Festival Bellastock CimeCity par @ Alexis Leclercq

S’alimenter Figure 9_Festival Bellastock CimeCity par @ Alexis Leclercq

p.38


Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Quelles sont les possibilités pour le RE ?

La pédagogie ici fut celle d’une démarche de recherche et de sensibilisation afin de mêler réflexion et action, le tout de manière ludique et collective ! En plein coeur de la forêt Evryenne, expériences conviviales et sensorielles avaient pour but de mettre en immersion dans la nature les étudiants pour échanger, se détendre, barboter, le tout dans une propreté sans égale. Les infrastructures de vie collective et les réseaux logistiques urbains avaient été installer en amont du festival pour accueillir au mieux les participants au sein d’un environnement adéquat.

« 3 000 mètres de filets de sécurité et 5 000 mètres de cordes et sangles11 » Festival Bellastock : Cime City, la ville dans les arbres AA, L’Architecture d’Aujourd’hui

Le RE se déploie notamment à travers le réemploi, celui de cordes et de sangles qui permettra aux étudiants de concevoir leurs ouvrages. Cime City c’est l’utilisation et le réemploi de « 3 000 mètres de filets de sécurité et 5 000 mètres de cordes et sangles11 ». Si on s’intéresse un peu plus finement à l’ensemble des festivals Bellastock depuis 2006, on peut par exemple voir comment les étudiants on su réemployer 6 000 palettes en 2009 à

Issoudun, ou encore comment les participants de l’édition 2017 ont su re-investir une partie des 50 millions de tonnes de terre excavée produites par les travaux du Grand Paris. Il est à noter également que lors de ce festival, où les participants sont confrontés à la matière et aux réalités de la construction, ceux-là ont pour exercice de penser la déconstruction de leur construction. En effet, les infrastructures ont vocation à perdurer afin d’être réutilisées par la suite. Certains matériaux utilisés lors des festivals pourront être réinvesti au sein d’autres projets comme par exemple la terre qui était nécéssaire pour la construction du projet « Résilience » à Stains. Ce que j’ai trouvé assez intéressant à travers les festivals c’est que la pratique du RE, au sein de la réflexion des études ou dans la pratique du réemploi des matériaux ne s’arrête pas là. Ce domaine de réflexion est tiré au delà des limites de l’Architecture et contribue à une philosophie qui s’applique au modes de vies. Depuis 2013, l’ensemble des repas du festivals est pris en charge par une association. DiscoSoupe permet à l’ensemble des participants de manger grâce aux rebuts de l’industrie alimentaire (voir figures 8 et 9). « Disco Soupe et Bellastock c’est la même logique, promouvoir le réemploi et l’expérimentation à l’échelle un en repensant les modèles sociaux et ce que c’est le vivre ensemble, la gratuité, le réemploie, les mains dans le cambouis, le son et l’expérimentation12 ». Je trouve ça très intéressant, au sein d’un festival qui porte des valeurs ________________________________________________________________________________ 11 Festival

Bellastock : Cime City, la ville dans les arbres, AA, L’Architecture d’Aujourd’hui, publié en juillet 2018 12 Cime City_Festival Bellastock 2018, Chaine Youtube Bellastock, 19 avril 2019, à 3min20

p.39


Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Quelles sont les possibilités pour le RE ?

Bien-être Figure 10_Festival Bellastock CimeCity par @ Alexis Leclercq

La pédagogie par l’expérimentation Figure 11_Festival Bellastock CimeCity par @ Alexis Leclercq

p.40


Quelles sont les possibilités pour le RE ?

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

avec des objectifs, de pousser la logique jusqu’au bout, en s’intéressant à la provenance des matériaux qu’ils emploient pour travailler jusqu’à favoriser l’anti-gaspillage et éviter la production de déchets.

Favoriser l’anti-gaspillage et éviter la production de déchets

Superfluide c’est une autre association qui partage également les principes de Bellastock. En 2018, à Evry elle s’installe aussi au sein du festival Cime City pour promouvoir l’eau et le rapport au corps dans l’espace public. Thaïs Marques, co-gérante de l’association, évoque la volonté de permettre aux participants de l’évènement de prendre un bain (voir figure 10), ce qu’elle qualifie comme un

« luxe13 ». Ces bains en bois recyclés sont chauffés avec une machine qui elle a été construite pour l’occasion, de manière artisanale. Ce qui est incroyable c’est que la machine sert également à chauffer des pizzas lorsqu’elle est en fonctionnement. Par cette pratique et l’utilisation de techniques innovantes nous sommes entièrement dans la démarche de l’adhocisme ou la pratique ingénieuse du bricoleur abordées précédemment. Principes et pratiques qui au fil de ces recherches mènent à penser qu’elles sont fondatrices et indispensables à la pratique du RE. Enfin, un temps d’ouverture est mis en place afin d’avoir la possibilité de rendre visible à un large public les travaux réalisés par les étudiants durant ces trois jours. Les constructeurs deviennent médiateurs et présentent leurs projets aux visiteurs. Transmettre, partager et rendre accessible la culture de l’Architecture à un public non sachant c’est une des volontés de Bellastock qui à la fois participe à la diffusion d’une nouvelle image de l’Architecture et à la fois sensibilise les citoyens à de nouvelles pratiques favorisant le RE.

c.

Contribuer à l’actualisation des méthodes des outils de l’architecte

Sensibiliser et responsabiliser les futurs architectes

Les pratiques du RE sont ouvertes à tous et elles contribuent à tous ! On a vu jusqu’ici que les pratiques sont vastes, elles se définissent par des actions de sensibilisations, comme des pratiques de constructions ou encore un ensemble de réflexions sur les fondamentaux qui nous dirigent. Bellastock, de par son histoire et les principes qui portent son

engagement vu précédemment oeuvre au développement d’une pédagogie plus riche ayant pour objectifs de sensibiliser et responsabiliser les futurs architectes. Or l’ensemble de l’équipe Bellastock participe également et contribue à l’actualisation des méthodes et outils de l’architecte d’aujourd’hui !

________________________________________________________________________________ 13 Cime

City_Festival Bellastock 2018, Chaine Youtube Bellastock, 19 avril 2019, à 4min13

p.41


« Je pense que l’Architecture de demain c’est une architecture qui est coconçue ».

Quelles sont les possibilités pour le RE ?

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Entretien réalisé avec Cécile MARZORATI Chargée de mission chez Bellastock

Par Kévin LAMBERT (à retrouver en annexe)

Figure 12_S’unir, se rassembler pour mieux prospérer_Kévin LAMBERT

p.42


Quelles sont les possibilités pour le RE ?

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

C’est à partir de 2012 que Bellastock lance le programme « Repar » (« Réparation » en français) qui symbolise un projet de recherches à destination des acteurs de la construction. C’est une démarche qui s’apparente à de l’expertise réemploi au service de l’économie circulaire. Elle se traduit par un accompagnement des maîtres d’oeuvres et des maîtres d’ouvrages en ce qui concerne l’intégration de matériaux de secondes mains. Historiquement on l’a vu, les pratiques du RE trouvaient leur place dans les petits réseaux, souvent peu reconnus. Bellastock milite pour qu’aujourd’hui ces pratiques soit respectées et employées par les architectes et les autres acteurs de la construction. Ils ont donc durant cinq années accumulé les accompagnements auprès des professionnels, organisé des festivals pour sensibiliser les jeunes, fait de la recherche afin de découvrir de nouvelles techniques de construction etc… Les objectifs affichés de ce programme étaient à la fois de concevoir la déconstruction comme un projet et de définir les bases d’un nouveau dialogue commun. La déconstruction au service du réemploi et comme une possibilité du RE c’est d’ailleurs une notion que l’on traitera un peu plus en détails dans la seconde partie du chapitre II. Bellastock estime qu’il n’est plus possible de « construire selon les préceptes constructifs, normatifs, industriels de la seconde moitié du XXéme siècle14 ». Ils sont en accord avec de nombreux constats environnementaux et veulent participer à un changement ou plutôt à la normalisation des pratiques du RE en architecture. Repar c’est comme « une première méthode, des premiers outils pour poser le réemploi en architecture comme une condition de projet maitrisé15 » ! Il est très important pour Bellastock, et on le remarque également à la grande diversité de filières des étudiants

« … un dialogue technique, économique et environnemental commun16 » Bellastock et CSTB Repar#2

participant aux festivals, de rassembler, de se mettre en accord sur « un dialogue technique, économique et environnemental commun16 ». Rassembler un maximum d’acteurs permettra d’avoir une richesse de propositions, d’optimiser l’apprentissage et le projet architectural avec du réemploi ou encore diffuser des pratiques afin de faire monter les compétences (voir figure 12).

Repar#2 arrive comme un constat. C’est après ces années d’apprentissages, de collaborations, de pratiques que Bellastock envisage de rendre public et accessible ce qu’ils ont pu apprendre afin de favoriser les pratiques et les possibilités du RE. Cette fois ci, le programme se développe autour de deux approches ; contribuer à l’actualisation des méthodes et outils de l’architecte et vérifier la faisabilité d’assemblages en réemploi. C’est ________________________________________________________________________________ Bellastock et CSTB, Repar#2_Un programme de recherche & expertise réemploi au service de l’économie circulaire, publié par l’ADEME en mars 2018, p. 27 15 Ibid, p.29 16 Ibid, p.29 14

p.43


Quelles sont les possibilités pour le RE ?

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

par la création de fiches techniques qui s’apparentent comme un référentiel que Bellastock partage sous forme pédagogique les techniques de mises en pratique du réemploi en architecture. Ces fiches c’est un retour d’expériences, un catalogue de références à destination des acteurs de la construction. Ils se sont par ailleurs laissés accompagner par un bureau de contrôle pour publier ces fiches et témoigner de leurs légitimités. Le rapport complet Repar #2, Un programme de recherche & expertise réemploi au service de l’économie circulaire est disponible sur le site de l’Ademe. J’ai donc eu la chance de pouvoir le lire, l’arpenter, l’analyser afin d’enrichir mes recherches. En me mettant dans la peau d’un architecte, j’ai lu les fiches comme pour apprendre de nouvelles techniques et certaines m’ont particulièrement intéressées ! La fiche numéro 8 (voir en annexe) par exemple est assez instructive, elle traite du réemploi de gros oeuvre, notamment le mur en voile béton. Ces fiches sont organisés selon un tableau. Dans celui-ci on commence par déterminer les différentes manières de captation du matériau, où plutôt la source de ce gisements de la matière. Pour le voile béton par exemple on constate que la déconstruction, la démolition ou encore l’abattage sélectif sont des moyens de capter le matériau de réemploi. L’Etat d’admissibilité du matériau est ensuite détaillé. Il se réfère particulièrement à la localisation du matériau sur le bâti existant, aux sollicitations environnementales vécues, ou encore aux exigences géométriques et mécaniques attendues. Par exemple les possibilités de réemploi d’un voile béton sont envisageable si et seulement si sa longueur est comprise en 30 et 200cm ou alors si son épaisseur et comprise entre 16 et 40cm. Le fait que le matériau soit armé, non fissuré ou encore sans épaufrures sont des acteurs déterminants lors des expertises pour envisager son réemploi. Ces informations sont accompagnées au sein des fiches techniques par des photos du matériau type. Un contexte normatif est par la suite détaillé afin que la mise en oeuvre du matériau de réemploi respecte certaines conditions de constructions. Par exemple concernant les critères d’isolation, on peut apprendre qu’ils sont similaires à ceux d’un mur en béton plein ou alors que l’affaiblissement acoustique est proche également de celui en béton courant avec des joints pleins. Enfin des spécificités pour l’intégration au projet sont apparentes. Bellastock en collaboration avec l’Ademe a tenu à renseigner quelques conseils de poses ou d’assemblages. Ils conseillent par exemple pour le voile béton de le stocker à plat et hors de potentiels inondations. Il préconisent une pose de type droite ou sur chant et proscrivent la pose de type désorientée. Pour le fixer à un autre mur ils préconisent de carotter les murs en amont d’un diamètre inférieur à 26mm selon une certaine distance de sécurité des bords pour ne pas fragiliser le béton. Pour finir leurs fiches

________________________________________________________________________________

p.44


Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Quelles sont les possibilités pour le RE ?

sont pour la plupart accompagnées des photos de chantiers qui correspondent à la mise en oeuvre du matériau de réemploi au sein de l’un de leurs projets, comme pour témoigner d’une certaine viabilité de leurs conseils. Ce serait très intéressant comme possible ouverture de ce mémoire ou comme élargissement de la question des possibilités du réemploi en architecture de recueillir le témoignages d’Architectes ou d’acteurs de la construction ayant eu recours à ces conseils de constructions. J’ai décidé de m’intéresser particulièrement au réemploi du voile béton mais il aurait pu être possible de se questionner sur beaucoup d’autres matériaux abordés au sein de leurs fiches techniques.

Développer un langage commun et de nouveaux outils pour favoriser les pratiques du RE

C’est donc sous cette forme pédagogique que Bellastock milite pour le développement des pratiques du RE et à la prévention de la création des déchets dans le monde de la construction. Il me paressait important au delà de la présentation de ce qu’était Bellastock de mettre en lumière leurs doubles approches. Dans un premier temps auprès des étudiants futurs architectes notamment et dans un second

temps avec les acteurs actuels de la construction. Oeuvrer et sensibiliser les jeunes à ces questions qui sont d’autant plus importantes aujourd’hui dans le contexte actuel et offrir la possibilité aux acteurs de la construction de développer un langage commun et de nouveaux outils pour favoriser les pratiques du RE.

2.

DES FILIÈRES À PORTÉE DE MAINS

a.

La déconstruction comme générateur de matières Durant mes recherches et l’approfondissement de mes connaissances concernant le

domaine du RE, je me suis souvenu d’un vague souvenir de mon enfance. C’est celui d’un jour de semaine, j’étais en voiture avec mon père lorsqu’une tour d’habitations s’écroula ! Je me souviens avoir été stupéfait par l’écroulement de tant de matières et avoir demandé à mon père quelle en était l’origine. Construits dans les années 1960 à Béthune, ces logements avaient pour objectif d’accueillir une grande main d’oeuvre ouvrière afin de pallier à la reconversion industrielle de la région du Nord-Pas-de-Calais. En pleine crise du logement durant les années 2000, cette démolition fut la conséquence d’une trop grande vétusté des appartements et le besoin urgent de re-proposer de nouvelles offres de logements. L’ensemble du quartier fut l’objet d’ « un projet ambitieux de rénovation urbaine17 ». C’est ________________________________________________________________________________ Amélie POUZAINT, FRES ARCHITECTES Logements sociaux béthune, AMC, Paris, 09 novembre 2012 17

p.45


Quelles sont les possibilités pour le RE ?

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Déconstruire c’est constituer un stock qui devient un « potentiel s’il est trié soigneusement21 » Julien CHOPIN & Nicola DELON Matière grise : Matériaux / réemploi / Architecture

Figure 13_La ville comme un gisement de matières_Matière grise p.344

p.46


Quelles sont les possibilités pour le RE ?

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

en m’intéressant aujourd’hui d’un peu plus près à ce projet qui se situe à deux pas de chez mes parents, sous le regard d’un apprenti architecte, que je n’arrive pas à percevoir la moindre considération pour les matériaux existant au sein des constructions des années 1960 et leurs possibles réemploi. Appliqué à la problématique de ce mémoire et aux possibles du RE, je me suis donc demandé si ces gisements de matières, parfois à portée de mains, représenteraient une possibilité pour la pratique du RE. Enfin, en m’appuyant particulièrement à la pratique de la démolition en architecture, je me suis questionné sur l’alternative que pouvait être la « déconstruction » et comment celle-ci représenterait une nouvelle pratique de conception plus respectueuse de son environnement. Au sein de nos études en architecture, on nous apprend que le projet se construit en deux phases : la conception et la construction. Au sein de celles-ci, on peut en faire apparaitre d’autres comme la phase d’analyse, celle de la reconnaissance de site, la construction du gros oeuvre, puis du second oeuvre et un tas d’autres phases. Lorsque le réemploi intervient au sein du projet, il est naturel que ce schéma classique disparaisse. En effet, dans ce cas la conception s’organise autour des disponibilités et en fonction de l’approvisionnement en matière. Il est nécéssaire de faire appel à des réseaux de distributions ou alors de s’intéresser aux gisements de matières présents aux alentours comme par exemple des projets de futurs démolitions ou de déconstructions.

« Déconstruire revient à commencer un nouveau cycle de vie20 » Lambert Drapeau Réemploi: comment le réemploi se développe-t-il au delà des architectures manifestes ?

La déconstruction semble être une pratique plus proche de la philosophie du RE en sachant qu’elle représente un « démontage sélectif d’installations techniques ou de certains éléments d’une construction, afin de valoriser les déchets et de réduire les mises à la décharge18 ». Contrairement à la démolition qui elle représente « l’action de démolir une construction19 » en ne considérant pas les déchets comme un potentiel mais comme un rebut sans valeurs quelconques. « Déconstruire revient à commencer un nouveau cycle de vie20 » et à alimenter des filières

de redistributions des matériaux. En considérant les pratiques du RE comme le réemploi ou le recyclage, Bellastock par exemple apporte une attention particulière à la production de déchets et au recyclage dans un secteur. Puisque celui-ci constitue un stock qui devient un « potentiel s’il est trié soigneusement21 » ! (voir figure 13)

________________________________________________________________________________ Défintion de « Déconstruction », Dictionnaire encyclopédique Larousse, 1 volume en couleurs, Paris, Librairie Larousse, 1979 19 Défintion de « Démolition », Dictionnaire encyclopédique Larousse, 1 volume en couleurs, Paris, Librairie Larousse, 1979 20 Lambert Drapeau, Réemploi: comment le réemploi se développe-t-il au delà des architectures manifestes ?, Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes, 15 décembre 2017, p.72 21 Julien CHOPIN & Nicola DELON, Pavillon de l’Architecture, « Matière grise : Matériaux / réemploi / Architecture »,Paris, 2014, p. 329 18

p.47


Quelles sont les possibilités pour le RE ?

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Halle aux dépôts Figure 14_Projet du Centre de recyclage au Havre @ER Architectes

Un réel marché couvert Figure 15_Projet du Centre de recyclage au Havre @ER Architectes

p.48


Quelles sont les possibilités pour le RE ?

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Depuis 2012, Bellastock est le reflet d’une équipe capable d’une expertise pionnière en France en ce qui concerne le réemploi dans le secteur du BTP. Fruit d’un travail et de recherches appliquées ils proposent aux maîtrises d’ouvrages et aux maîtres d’oeuvres des services complémentaires permettant l’intégration de matériaux de réemploi dans leurs projets. Ils proposent également, et cela va dans le même sens, des solutions adaptées et intégrés, valorisant le caractère unique d’un lieu, d’un site, d’un projet. La déconstruction est pour eux une manière intelligente et respectueuse de faire du déchet une ressource de qualité. En y associant des solutions techniques et pratiques adaptées aux moyens contemporains. L’exemple de ces mises en oeuvre on peut les retrouver notamment au sein de plusieurs de leurs projets, en particulier « La Fabrique du Clos » ou encore le Centre de recyclage au Havre. (voir figure 14) Afin d’étayer la notion de déconstruction/construction chez Bellastock je me suis penché sur l’analyse d’un de leurs projets qui répondait à ses caractéristiques : le centre de recyclage au Havre. Dans un premier temps, il est important de rappeler que ce projet est la conséquence du développement d’une nouvelle politique publique de la part de la communauté Havraise. Celle-ci a pour objectif de réduire la production de déchets et de transformer ceux qui restent pour en faire une ressource. Cet engagement qui date du 1er septembre 2016 se transforme en un plan d’action, « Ambition zéro gâchis ». C’est un immense défi dont la réussite s’évaluera à l’horizon 2025, période à laquelle le Havre Seine Métropole a l’objectif d’entièrement revalorisé au minimum « 65% des déchets22 ». Plus concrètement, la métropole a créé neufs centres de recyclages de proximité dont deux au Havre! C’est celui qui se situe au Nord de la ville qui nous intéresse et sur lequel Bellastock est intervenu dans le groupement de la maîtrise d’oeuvre mandaté par ER Architectes. La communauté urbaine du Havre peut être fière de représenter une communauté engagée et responsable. Les acteurs de la création de déchets participent déjà par leurs gestes de tris quotidien. Cependant, il est intéressant de constater qu’après une étude réalisée auprès de la récolte des déchets au seins des poubelles d’ordures ménagères, le potentiel de progression est encore immense. « Ainsi, près de 55% des déchets envoyés vers l’incinération devraient trouver une autre voie de valorisation23 ». C’est en parallèle de ce constat que la sensibilisation se met en place et que le programme « Ambition zéro gâchis » émerge l’idée de construire un nouveau centre de tri, facilement accessible et participant à une gestion plus maîtrisée des déchets. ________________________________________________________________________________ 22

Chiffres fixés par le projet « Ambition zéro gâchis » porté par Le Havre Seine Métropole disponibles sur la page officielle de la ville du Havre rubrique « gestion des déchets » 23 Ibid

p.49


Quelles sont les possibilités pour le RE ?

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Mur en briques de réemploi

Halle aux dépôts Gabions en granulats de réemploi

Bardage bois

Halle aux dépôts

Coupes du projet Entrée des camions

Bureaux et certains stockages de déchets

La « Recyclerie » Gabions en granulats de réemploi Réemploi d’alphablocs

Entrée Sortie

Gabions en granulats de réemploi

Plan masse du projet

p.50

Figure 16_Plan masse et coupes du projet du Centre de recyclage au Havre par ER Architectes et Bellastock _Kévin LAMBERT


Quelles sont les possibilités pour le RE ?

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Pour ce projet d’une surface de 13 200 m2, dont 1 414 m2 de bâtiments construits, l’équipe ER architectes, l’agence Thalweg (Paysagistes) et Sogeti (Ingénierie) sont mandatés. ER Architectes est une SARL, atelier d’Architectures composé de 6 personnes ; 5 architectes et 1 ingénieur. Ils réalisent des Établissements Recevants du Publics (ERP) avec des collectivités et des communautés de communes comme Le Havre et s’intéresse particulièrement à l’enfance, l’éducation et les centres de recyclages. Ils s’engagent au sein de leur pratique à respecter le contexte unique de chacun de leurs projets, de construire avec le déjà-là, mais aussi d’exploiter les opportunités en réemployant des matériaux de déconstructions. L’enjeu ici est de rechercher des ressources à proximité avec des spécialistes du réemploi comme Bellastock et de construire avec des matériaux locaux. Bellastock, mandaté par ER Architectes est donc intervenu dans le projet afin

Identifier des lots de matériaux propices au réemploi

d’intégrer des matériaux de réemploi et de faire valoir leurs qualités en tant qu’expert réemploi. Ils ont dans un premier temps réalisé un diagnostic afin d’identifier des lots de matériaux propices au réemploi dans le but de repérer les gisements locaux disponibles.

L’ensemble des acteurs de la construction du centre ont travaillé ensemble au sein de toutes les phases du projets et notamment celles de la conception afin d’intégrer au mieux les possibilités de réemploi de matériaux issus des projets de déconstructions environnants. Les gisements repérés à l’échelle de l’agglomération Havraise sont ; des granulats provenant d’un centre de traitement des déchets inertes à Rouen, des briques issus de la démolition d’une école à proximité datant du XIXème siècle ou encore des alphablocs issus de l’ancienne déchèterie démolie située à proximité. L’ensemble de ces matériaux ont été triés, répertoriés, collectés et nettoyés afin de pouvoir les intégrer au processus de conception du centre de recyclage. Bellastock a ensuite évalué la faisabilité logistique pour la préparation des briques sur les chantiers de démolitions et ils ont suivi la collecte de celles-ci. Le nouveau centre de recyclage se trouve au nord du Havre, excentré de la ville au sein d’une zone industrielle. Lorsqu’on arrive sur le site on aperçoit déjà à l’entrée la mise en pratique du réemploi par la récupération de granulat. Ils sont regroupés au sein de multiples gabions qui font offices de porte d’entrée. Une fois cette limite franchie on peut apercevoir la continuité de ces gabions qui par leur rôle de mur de soutènement crée la ligne conductrice du chemin à parcourir pour les personnes venant jeter leurs déchets. En plan, le projet s’articule selon la circulation (voir figure 16). Celle-ci représente un facteur fondamental dans la conception du projet. Le but étant de faciliter l’accès et l’utilisation de la déchèterie. Ainsi, on constate un tracé ondulatoire qui oscille entre les ________________________________________________________________________________

p.51


Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Quelles sont les possibilités pour le RE ?

RE-insertion de briques usagées Figure 17_Projet du Centre de recyclage au Havre @ER Architectes

Une circulation optimisée Figure 18_Projet du Centre de recyclage au Havre @ER Architectes

p.52


Quelles sont les possibilités pour le RE ?

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

différentes fonctions du programmes et qui désert les multiples bennes de déchets (voir figure 18). Aujourd’hui, un peu plus de 50 véhicules peuvent être accueillis en même temps sans gêner le trafic. En coupe on peut ressentir le travail sur la topographie et au programme du projet (voir figure 16). En effet, le sol a été travaillé de façon à ce que les bennes soit en dessous du niveau de la circulation pour que les usagers puissent y accéder par le dessus et y jeter leurs déchets. Cependant, il est nécéssaire d’y accéder par le bas également afin de faciliter le transit et le nettoyage des bennes. C’est donc lié à ces besoins de circulations et de facilités d’accès que le dessin du projet joue avec les niveaux et les hauteurs. En terme de réemploi lié à la déconstruction, on en retrouve au sein du bâtiment central. Celui qui a pour fonctions d’accueillir les bureaux et certains stockages de déchets spécifiques comme le verre, le papier, ou encore le polystyrène. Ce sont les briques issus de la démolition de l’école de proximité qui ici sont mis en oeuvre (voir figure 17). On les retrouvent ré-investi au sein d’un mur maçonné ajouré tel un moucharabieh de manière séquencée sur la circonférence du bâtiment. Ces murs de façades non porteurs participent à la ventilation du bâtiment par leurs ouvertures et génèrent des jeux de lumières au sein des pièces intérieures. Le projet se constitue de trois bâtiments et de deux airs d’évolutions aux fonctionnalités différentes qui interagissent entre eux. Le développement durable est un élément central du programme ! C’est pour cette raison qu’à l’entrée de la déchèterie, sur la droite, on peut apercevoir un bâtiment qui a pour fonction de promouvoir la sensibilisation de tous auprès des questions environnementales, à l’image de ce que fait Bellastock. Ce bâtiment c’est la « Recyclerie » (voir figure 19), et il fait aussi l’objet de l’insertion de

Gabions / Réemploi

AlphaBlocs / Réemploi

La Recyclerie Figure 19_Dessin de la Recyclerie au sein du projet du centre de recyclage au Havre par ER Architectes et Bellastock _par Kévin LAMBERT

p.53


Quelles sont les possibilités pour le RE ?

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

matériaux de réemploi issus de déconstructions expertisés par l’équipe Bellastock. Ici ce sont les alphablocs issus de l’ancienne déchèterie de proximité qui sont ré-utilisés au sein de la construction. Au delà de la pratique du RE employé ici au sein du projet du centre de recyclage, et de l’utilisation de matériaux issus de déconstructions, j’ai choisi d’analyser ce projet pour sa relation qu’on peut esquisser entre la notion du RE et le programme même du projet. L’image du centre de recyclage devrait en outre se servir de sa fonction afin de l’ériger comme un modèle. Bellastock est ici intervenu comme un expert en réemploi au sein du projet afin de favoriser l’insertion de matériaux de déconstructions et

une relation forte entre l’histoire passée des matériaux et le début de leur nouvelle vie

de promouvoir une meilleure gestion des déchets. Or le programme de ce projet de centre de recyclage lié aux nouvelles politiques de la ville engage et sensibilise dans le même sens les futurs usagers du centre et l’ensemble des habitants de l’agglomération. De plus, le dernier bâtiment analysé ci-dessus (« La recyclerie ») a pour objectif de responsabiliser l’ensemble de la population en leur permettant de venir déposer des objets qui seront ensuite vérifiés, réemployés ou réparés par des associations avant d’être redistribués localement. Je trouve

qu’il y a une assez belle poétique qui s’écrit au sein de ce projet et qui crée une relation forte entre l’histoire passée des matériaux et le début de leur nouvelle vie. En somme, Bellastock démontre à travers ce projet que le réemploi, la réalisation et plus globalement le RE étaient possible au sein de la conception contemporaine. On a également constaté que le réemploi de matériaux possédant un passé, une histoire rend plus riche la nouvelle construction utilisant ces matériaux. Enfin, de part les différences qui opposent la déconstruction à la démolition on se rend compte que les possibilités de pratiquer le RE se retrouve d’avantage à travers les déconstructions plutôt que les démolitions. Cependant, la déconstruction demande une attention plus soigneuse, respectueuse et attentionnée des matériaux. Or nous savons tous que le facteurs temps est très important d’un point de vue économique au sein de chacun des projets. C’est pour cette raison que la pratique du RE pourrait être freinée par ce facteur qui constitue par moment et pour certains une limite dans sont utilisation et son développement. C’est d’ailleurs un point sur lequel nous reviendrons dans la troisième partie de ce mémoire de recherche. La déconstruction représente donc une réelle possibilité pour la pratique du RE et Bellastock est un acteur engagé qui favorise cet effort en utilisation un maximum les gisements de matières présents autour de nous.

________________________________________________________________________________

p.54


Quelles sont les possibilités pour le RE ?

b.

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Une économie circulaire pour une société sans déchets

Nous sommes au sein d’une société où la notion de déchets est encore trop banalisée. Nous avons tous la chance, pour la plupart d’entre nous, de pouvoir depuis quelques années trier nos déchets grâce au tri sélectif. Cependant qu’en est-il des possibilités pour le monde de la construction, au delà des diverses pratiques que l’on a pu constater jusqu’ici ? Serait-il possible d’envisager une société sans déchets ? Les pratiques du RE ou les filières de réemploi sont encore à structurer, cependant l’actualité législative pousse les acteurs de la construction au réemploi et à la prévention de déchets. Un déchet il s’agit de « toute substance, tout matériau, toute chose dont le producteur ou le détenteur se défait ou a l’obligation de s’en défaire et dont il est responsable jusqu’à son exutoire final24 ». La société qui existerait sans connaitre la notion de « déchet » ce serait donc une société qui produit des substances, ou encore des matériaux, et dont le

une société qui exclurai la notion de « déchet », c’est revoir tout le système économique

producteur ou le détenteur n’aurait pas la volonté de s’en défaire ou de le détruire. Or réfléchir à la valorisation des déchets pour une société qui exclurai la notion de « déchet », c’est revoir tout le système économique. Car aujourd’hui la plupart de nos déchets sont « les ultimes produits d’un système industriel qui est conçu sur le modèle linéaire et à sens unique25 ». Bellastock c’est investi au sein d’un projet durant de nombreuses années justement dans le but de faire des expériences et réfléchir à un nouveau modèle économique qui favorise l’économie circulaire. Ce projet c’est « ActLab » !

Il se situe sur l’île Saint-Denis en Seine-Saint-Denis. Pendant près de huit ans divers chantiers au profit des habitants, des spécialistes et des professionnels de la construction s’y sont installés. Premier laboratoire manifeste du réemploi en France, ActLab est un projet évolutif de Bellastock qui avait pour principal objectif un défi culturel : faire accepter le réemploi auprès de tous les publics. Ce projet participatif, culturel et pédagogique donne lieu à des espaces pour construire, tester, expérimenter, transmettre et comprendre. Programmatiquement c’est la mise en oeuvre des principes de l’économie circulaire afin d’accompagner la transition écologique des territoires et ouvrir les chantiers sur la ville.

________________________________________________________________________________ 24 Article 25 MC

L. 541-1-1 du Code de l’environnement DONOUGH William, BRAUNGART Michael, Cradle to Cradle, 2002, 4 édition, p.49

p.55


Quelles sont les possibilités pour le RE ?

« On utilise ce qui est déjà là, que ce soit des matériaux biosourcés ou des matériaux qui ont déjà eu des premières vies dans des bâtiments ou autres ».

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Réemploi de vitrages Réemploi de pièces de bois

Cécile MARZORATI

Chargée de mission chez Bellastock

Coupe de la base de vie Matériaux de réemploi issus de la déconstruction des Ateliers Printemps

Réemploi d’une charpente légère

Réemploi de pièces de bois, de métal, de vitrages …

Différentes techniques de constructions combinant terre et paille

70% de matériaux réutilisés Plan masse du projet

Figure 20_Plan masse et coupe de la base de vie du projet ActLab_Kévin LAMBERT

p.56


Quelles sont les possibilités pour le RE ?

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Ainsi le projet se décompose en plusieurs sous-projets, on recense par exemple la mathériothèque (réalisée en 2012), la base de vie (réalisée entre 2015 et 2017), la Halleateliers (réalisée en 2013), ou encore le Pavillon Terre/Paille (réalisé en 2017). Cette concentration de multiples projets traitant différents types de ré-emploi constitue une plateforme d’expérimentations (voir figure 20), démonstrateur de l’architecture du RE. La mathériothèque symbolise le lancement du projet, elle a été réalisée avec la récupération de matériaux issus de la déconstruction des anciens entrepôts Printemps qui laissent place à un futur écoquartier. De nombreuses pièces de bois, de métal, du vitrage ainsi qu’une multitude d’autres matériaux ont été récoltés afin de consister cette mathériothèque. Ces même matériaux ont servi à construire des systèmes de rachs modulaire pour les entreposer. La base de vie a elle été construite avec 70% de matériaux ré-utilisés. Ce chiffre correspond avec « la directive Européenne visant l’horion 202026 ». Elle représente un bâtiment prototype, support pour de nombreux chantiers collaboratifs, elle permet également d’accueillir des événements publics, des réunions de chantiers, des activités de conceptions etc … La Halle-ateliers construite en 2013 a exposé le ré-emploi d’une charpente légère supportée par des treillis métalliques venant directement des anciens entrepôts Printemps de Paris. En mode atelier, la halle accueille également les activités de fabrications menés par Bellastock : des prototypes de solutions de ré-emploi, la production de composants, des ateliers d’initiations avec les habitants etc. Il est important de noter que le plancher est composé d’anciennes planches de séchages de parpaings, ce qui profite également à quelques événements de danses par période. Le Pavillon de Terre-Paille, dernier sous-projet a été réalisé en 2017

… montrer que construire et déconstruire vont dans la même démarche, c’est à dire remettre en circulation au maximum la matière

en relation avec le festival Bellastock « La ville des Terres ». Il présente différentes techniques de construction combinant la terre et la paille : briques de terre comprimées, torchis traditionnel, parois en terre allégée, mur en paille porteuse ou encore enduits de terre. Le but de ce projet était de pouvoir démontrer la possibilité de ré-employer in situ les terres des déblais d’un chantier. Outre d’expérimenter toutes ces techniques à l’échelle un, on comprend par le montage très rapide et le démontage soudain des constructions qu’il était question au sein du projet de penser à la déconstruction de tout ces sous-projets. Afin de montrer que construire et déconstruire vont dans la même démarche, c’est à dire remettre en

________________________________________________________________________________ Rémy LE MOIGNE, « Economie circulaire : le BTP doit faire sa révolution », Futuribles, 11 sept 2014 26

p.57


Quelles sont les possibilités pour le RE ?

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Un manifeste du réemploi Figure 21_Projet ActLab @Clément Guillaume

Un lieu de partage ouvert Figure 22_Projet ActLab @Clément Guillaume

p.58


Quelles sont les possibilités pour le RE ?

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

circulation au maximum la matière constitutive des équipements d’ActLab. Fiabiliser un nouvel usage pour les matériaux, c’est ce que Bellastock a réussi à démontrer à travers ce projet. ActLab représente donc une multitude d’expériences, de micro-projets, qui auront eu le méritent durant de nombreuses années de sensibiliser et d’ouvrir une forme de prise de conscience des possibilités du RE en Architecture. Intégrer que le

« … si on RE

rebut n’existe pas est possible dans le cadre où « on considère

nous ne sommes pas dans une dynamique de croissance28 ».

qu’apriori tout peut se réemployer27 ». Nous sommes conscients que

Cécile MARZORATI

vite et moins cher sans penser au futur et à l’évolution de la société.

Chargée de mission chez Bellastock

nous héritons d’une époque où la société a été amenée à industrialiser les processus de conception et de construction. Cette rationalisation a amené les acteurs de la construction à concevoir Cécile Marzoratti, chargée de mission chez Bellastock m’a fait part de constat et a déclarée que « le RE est complètement antinomique

de cette pensée là puisque si on RE nous ne sommes pas dans une dynamique de croissance28 ». Charles Jencks et Nathan Silver affirment quant à eux que « si les humains souhaitent vraiment demeurer prospères, ils vont devoir se calquer sur le système de berceau à berceau29 » ! c.

De nouvelles références Le RE c’est un ensemble de pratiques qui se définissent comme « locales ». On l’a

vu l’expertise réemploi est déterminante pour l’intégration de matériaux de réemploi au sein d’un projet. Compte tenu de l’ensemble des notions abordées jusqu’ici, notamment l’accessibilité à travers l’adhocisme, on peut constater que la pratique du RE participe à la création d’objets uniques, chargés d’histoires qui leurs sont propres. En d’autres mots, les gisements de matières qui seront conviées à la construction d’un projet RE apporteront leurs caractéristiques qui dépendent strictement de l’environnement dont ils proviennent. De plus, il est possible que ces matériaux ne proviennent pas du même endroit, ils ne possèdent donc pas la même histoire, les mêmes caractéristiques. Le RE a le pouvoir de les rassembler et de créer une liaison nouvelle entre eux. Finalement, l’une des possibilités du RE c’est d’offrir à l’Architecture de nouvelles références, uniques et sans précédent. « Résilience », est l’un des projets de Bellastock qui m’a le plus interrogé, de part son authenticité et notamment la poésie qui se lie en façade du bâtiment.

________________________________________________________________________________ 27 Cécile 28 Ibid 29 MC

MARZORATI, Entretien avec Kévin LAMBERT, Lille, 27 mars 2022, à voir en annexe

DONOUGH William, BRAUNGART Michael, Cradle to Cradle, 2002, 4 édition, p.138

p.59


Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Quelles sont les possibilités pour le RE ?

Un assemblage unique Figure 23_Projet Résilience @Bellastock

Angle sud-ouest : façade-rideau de réemploi Figure 24_Projet Résilience @Raphael Pauschitz

p.60


Quelles sont les possibilités pour le RE ?

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Nous nous situons au Havre, peu avant 2018, lorsqu’un concours interne à l’agence Archipel Zéro au vu d’un projet à Stains se met en place. Archipel Zéro est un cabinet d’architecture issu du Havre qui a pour habitude de pratiquer une architecture frugale : sobre en consommation, avec une économie de moyens et de ressources. C’est à dire une architecture bioclimatique, réalisée avec des matériaux de proximité, abondants et peu transformés, tel que la terre crue, les fibres végétales et des matériaux de réemploi. A ce stade nous pouvons déjà pressentir une relation, en ce qui concerne les démarches et les objectifs de mise en oeuvres, entre ce cabinet d’Architecture et Bellastock, vu précédemment. Il y a eu quatre esquisses proposées par les architectes de l’agence et c’est celle de Léa Chevrier qui a été retenue par la coopérative. C’est ensuite Frédéric Denise, architecte de l’agence, spécialisée en architecture bioclimatique qui est devenue en charge du projet. Archipel Zéro étant représentant de la maîtrise d’oeuvre, c’est en tant qu’assistant à la maitrise d’ouvrage que Bellastock est intervenu sur ce projet. Ce projet à pour but de loger le nouveau siège social Novaedia et ses ateliers. C’est une coopérative à but d’insertion professionnelle et sociale qui prépare et livre des paniers de fruits et légumes à diverses entreprises. Les enjeux du projet était avant tout de permettre à la coopérative Novaedia de s’étendre, de se relocaliser sur un site de maraîchage mais également de pouvoir intégrer des locaux pour ses partenaires au sein d’un même lieu. Novaedia avait la volonté de voulait de « faire un bâtiment démonstrateur30 ».

C’est une ferme agricole de 1,2 hectares engagée dans l’agriculture biologique et l’agroforesterie

Le projet se situe donc à Stains, une commune française, située dans le département de la Seine-Saint-Denis en région Île-de-France. Enclavé entre un complexe sportif, la Clinique de l’Estrée, des locaux administratif, un lycée et une zone pavillonnaire, la Ferme des Possibles s’installe, à l’image d’une longère, au sein d’une zone maraichère vieille de plus d’un siècle. C’est une ferme agricole de 1,2 hectares engagée dans l’agriculture biologique et l’agroforesterie. Le projet a pour ambition d’atteindre un bilan carbone nul en favorisant le recyclage des déchets de chantiers, l’emploi de matériaux bio-sourcés et la construction en matériaux de réemploi. Spatialement le projet s’organise selon une double circulation périphérique qui permet une irrigation simple et fonctionnelle, elle a été imaginé en fonction de contraintes qui concernent les circuits propres et sales de la marchandises qui ne doivent pas se croiser. De manière programmatique il s’articule selon un séquence de locaux : d’abord

________________________________________________________________________________ 30

Cécile MARZORATI, Entretien avec Kévin LAMBERT, Lille, 27 mars 2022, à voir en annexe

p.61


Quelles sont les possibilités pour le RE ?

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

« C’est une association qui voulait faire un bâtiment démonstrateur30 ». Cécile MARZORATI

Chargée de mission chez Bellastock

Figure 25_Elévation de la façade ouest_Kévin LAMBERT

p.62


Quelles sont les possibilités pour le RE ?

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

destiné à la livraison, puis au laboratoire (transformation), à la cuisine, et enfin au restaurant. Les locaux du personnels se trouvent à l’étage.

L’assemblage de toutes ces anciennes menuiseries crée une toute nouvelle façade, authentiques et visuellement spectaculaire

La façade ouest vitrée du bâtiment est entièrement constituée de menuiseries de réemploi (voir figure 25). Celles-ci proviennent de la rénovation thermique d’une barre HLM à Epinay-sur-Seine à 4 km de là. Les châssis ont été déposés, transportés et retravaillés afin de constituer les 450 m2 de façade. Les feuillures ou parties arrondies ont été redécoupées afin de faire rentrer chaque menuiseries dans la trame en bois Douglas construite par l’entreprise de charpente du projet. Ces châssis simple vitrage des années 60 sont mis à profit suivant un principe bioclimatique imaginé par Bellastock et soutenu par Archipel Zéro. Cela a d’abord fait l’objet de dessins puis d’un travail de prototypage dans les ateliers Bellastock avant d’être assembler sur chantier en août 2019. L’ensemble des techniques misent en oeuvre sur ce projet définissent

parfaitement un ensemble de possibilités du RE en Architecture. Cependant, c’est précisément sur ce détails de façade que la notion de nouvelles références s’applique. L’assemblage de toutes ces anciennes menuiseries crée une toute nouvelle façade, authentiques et visuellement spectaculaire. La façade sud qui correspond programmatiquement au restaurant expose l’emploi ou plutôt le réemploi de terre. Celle-ci a été transformée en BTC, des « Briques de Terres Comprimées » issu des terres de déblais des travaux du Grand Paris. En 2017, à l’occasion du festival Bellastock « La ville des Terres », ces briques ont été utilisées afin de construire et habiter durant quatre jours une ville éphémère en terre crue. Mises en oeuvre sans enduit ni mortier, elles ont été déposées et conditionnées à nouveau sur des palettes à l’issue de l’événement. Elles ont été stockées en attendant d’être réemployées, et ont trouvées leurs places au sein du projet de la Fermes de possibles. Cet aspect du projet argumente et complète le propos du questionnement précédent sur la notion de cycle de la matière. La mise en oeuvre des ces briques a été imaginée dans une logique bioclimatique suivant le principe du mur trombe. On peut observer la mise en place d’une paroi vitrée à 10cm des briques, qui permet de capter les apports de chaleur solaire qui seront ensuite emmagasinés grâce à la forte inertie des briques BTC pour être redistribués dans l’espace de restaurant.

________________________________________________________________________________

p.63


Quelles sont les possibilités pour le RE ?

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Hannah Höfte, architecte diplômé d’Etat en 2019 qualifie la Ferme des Possibles comme « un projet remarquable de part ses nombreux choix constructifs et l’engagement de la maîtrise d’oeuvre et d’ouvrage à l’éco-construction31 ». Il est véritablement intéressant de voir la qualité d’une composition architecturale mettant en avant un panel de matériaux de ré-emploi, locaux et bio-sourcés. Ce projet qui promulgue la construction BTP (Bois/Terre/ Paille) et les matériaux de ré-emploie montre la grande capacité et le grand interêt aux constructions contemporaines à investir ces modes de constructions, dans l’objectif de réduire la création de déchets. L’engagement de la maîtrise d’oeuvre et la maîtrise d’ouvrage à l’éco-construction a permis de favoriser de nombreux matériaux de ré-emploi : des fenêtres simples vitrages, du double vitrages pour les façades intérieures, des blocs de terre comprimées, des pavés en granit, des portes vitrées, des cloisons coulissantes, des radiateurs en fonte, des luminaires, du mobilier, etc … L’approvisionnement de ces matériaux a également été facilité par l’intervention de l’association Réavie qui a approvisionné en matière issu de chantiers de déconstruction. Les matériaux de ré-emploi représentent une « évidence pour réduire l’emprunte des constructions32 » pour Frederic Denise, il n’y aurait pas de frugalité sans eux, qui intrinsèquement créent une relation entre le passé, le présent et le futur. La réalisation de la Ferme des Possibles représente pour moi une belle application de ce que je définis « Le domaine RE et ses pratiques ». Bellastock et Archipel zéro ont montré par là la possibilité d’y intégrer ces modes de constructions au sein même de la conception. A l’issu d’un descriptif large des techniques de ré-emplois et des nombreuses possibilités employées au sein de ce projet, il est intéressant de s’interroger quant aux limites de ces techniques. Par exemple, certaines terres pour constituer les enduits de cloisons ont été importées d’Ukraine. N’était-il pas possible de s’en passer ? Ou alors de trouver une alternative à cela ? Pourquoi ne l’ont-ils pas fait ? Car il est assez dommageable, à mon avis, de développer un si beau projet, respectueux des engagements RE que porte Bellastock et faire provenir de la matière de si loin, à l’heure où l’on sait que l’énergie grise vise à être réduite au maximum. Le programme comprend également près de 400 m2 de locaux réfrigérés et chambres frigorifiques. Cela constitue une consommation très énergivore mais indispensable au fonctionnement du programme. A partir de ce moment là, il est légitime de se demander si certains programmes sont éligibles à l’utilisation de la pratique du RE et si la technologie ou la culture ne représenterai pas une limite au déploiement de ces pratiques. ________________________________________________________________________________ HÖFTE Hannah, Matériaux de réemploi.com, Résilience_La Ferme des Possibles, 9 décembre 2019 32 DENISE Frederic, Topophile, La Ferme des possibles, ou de la sérendipité, 13 décembre 2020 31

p.64


Tisser pour franchir Figure 26_Cime City @Alexis Leclerc

p.65


Expérimenter par le « faire » Figure 27_Cime City @Alexis Leclerc

p.66

Habiter la hauteur Figure 28_Cime City @Alexis Leclerc


Antoine Aubinais Figure 29_Cime City @Alexis Leclerc

p.67


Un lieu de partage ouvert Figure 22_Projet ActLab @Clément Guillaume

p.68


Un lieu de rencontre Figure 30_Projet ActLab @Clément Guillaume

p.69


Conjuguer de multiples « savoir-faire » Figure 31_Projet Résilience @Raphael Pauschitz

p.70

Un soir d’automne Figure 32_Projet Résilience @Raphael Pauschitz


De nouvelles références Figure 33_Projet Résilience @Raphaëlle Saint-Pierre

p.71


Un espace thermique « tampon » Figure 34_Projet Résilience @Raphael Pauschitz

p.72


Quelles sont les limites pour le RE ?

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Chapitre 3 -

Quelles sont les limites pour le RE ?

A partir des nombreuses analyses que j’ai pu réalisées au sein de la démarche de ce mémoire, j’en suis arrivé à différencier trois types de limites pour le RE : les limites techniques, législatives et culturelles. Nous nous intéresserons dans un premier temps aux limites techniques en faisant références à de nombreux principes de conceptions. Les filières ne semblent pas encore assez nombreuses pour que l’ensemble des acteurs de la construction puissent intégrer le principe de l’économie circulaire. Nous verrons comment Opalis peut être une solution à la limite technique. L’actualité législative oeuvre au développement des possibilités juridiques de l’application de nouvelles pratiques. A travers ces dernières se reflète une réelle prise de conscience qui sensibilise de plus en plus de citoyens. Cependant nous constaterons que les normes et les législations peuvent parfois représenter des limites. Enfin, la dernière partie de ce développement fera référence aux limites culturelles que peut rencontrer le RE en faisant référence à la standardisation des processus de conception en architecture. Ce sera l’occasion de re-questionner les standards de l’architecture et se demander à quoi ressemble l’Architecte de demain !

p.73


Quelles sont les limites pour le RE ?

1.

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

LIMITES TECHNIQUES - DE LA MAIN D’OEUVRE AU MATÉRIAU a.

Des systèmes de conceptions ambitieux parfois controversés

Le domaine du RE qui comporte des pratiques techniques ou des systèmes de pensées existe depuis des siècles. La pratique du réemploi est également ancestrale et témoigne d’une volonté de concevoir de manière intelligente avec les gisements de matières à proximité. Ce sont des manières de concevoir qui parfois sont la conséquence d’un budget limité ou de l’absence de matériaux. Or on se rend compte que ces pratiques sont également et surtout employées par des acteurs qui portent un regard respectueux sur leur environnement. Après la révolution industrielle, de nombreux mouvements émergent, en favorisant les pratiques du RE. Ils ont pour caractéristiques de critiquer la standardisation des principes de conception, la société de consommation ou encore la production de déchets dans le monde de la construction. S’ajoute à cela la volonté de retrouver une proximité avec l’environnement et de promouvoir les bienfaits de certaines pratiques comme le réemploi. Dans les années 1950 par exemple, Buckminster Fuller, imaginait un système de conception écologique qu’il nommait « Spacehip Earth ». L’objectif de celui-ci était de créer une harmonie entre l’environnement et l’Homme, en construisant des espaces avec très peu de matières et à moindre coûts. Ces constructions étaient notamment remarquables pour leur architecture en forme de dôme (voir article en annexe). Ce système a inspiré par la suite le concept « Drop City » qui inspirera à son tour le concept « Earthship » de Michael Reynolds. C’est dans un contexte de prise de conscience et de réaction

Ces maisons sont constituées de « déchets et de matériaux récupérés…1 »

qu’en 1965, une communauté du Sud du Colorado, composée d’une

Jill KÄCH

de « déchets et de matériaux récupérés, y compris des toits de

Naissance du réemploi, de l’utilisation de matériaux récupérés au concept architectural

vingtaine de personnes développe un mouvement qui vise à critiquer la société dans laquelle ils vivent. Ils développent donc un nouveau système de construction qui s’inspire des dômes géodésiques de Buckminster Fuller. Cependant ici, ces dômes sont voués à l’usage d’une vie domestique. Ces maisons sont constituées voitures1 ». Drop City a été imaginé comme un principe qui peut être reproduit, mettant en avant l’auto-construction et l’insertion de matériaux de récupérations.

C’est donc sans aucuns doutes que le mouvement Earthship soit la continuité et l’adaptation de principes comme celui qu’a imaginé Buckminster Fuller ou la communauté ________________________________________________________________________________ 1 Jill

p.74

KÄCH, Naissance du réemploi, de l’utilisation de matériaux récupérés au concept architectural, Mémoire de recherche Séminaire Conception et expérimentations architecturales, ENSAPL 2021, p.27


Quelles sont les limites pour le RE ?

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

du Colorado vu précédemment. Michael Reynolds, qui est à l’initiative de ce mouvement est également connu pour être l’un des premiers à avoir exprimer la notion de « reuse » dans le monde de l’Architecture. C’est en 1971 que ce dernier cherche à trouver une solution face à la problématique des déchets et les avertissements que nous connaissons tous en ce qui concerne le réchauffement climatique. Le projet Earthship c’est donc la volonté de concevoir des lieux d’habitations les plus autonomes possibles. Ceux-là se doivent de représenter un abri confortable pour ses habitants, ne pas utiliser de pétrole, produire sa propre électricité, produire sa propre nourriture, traiter ses eaux usées, et gérer ses déchets. De plus, ces maisons bioclimatiques sont réalisées à base de matériaux naturels et recyclés et ne nécessitent normalement d’aucunes machines pour leurs réalisations. Ce sont des constructions modulaires et auto-construites basées sur des techniques anciennes. On retrouve par exemple la mise en place de murs en torchis ou en chaux. Les seuls éléments qui ne sont pas des déchets sont les portes et les fenêtres, or ces éléments sont potentiellement recyclables et réemployables. Ces habitations semi-enfouies constituées de terres et de matériaux recyclés qui ont l’avantage d’être apriori auto-suffisantes en énergies et en eaux

L’environnement peut être une forme de limite au développement de certaines pratiques du RE

semblent cela dit présenter quelques inconvénients qui s’apparentent à des limites. Au sein d’un article publié chez Green Building Advisor, un magasine sur la conception et la rénovation de maisons écologiques assez connu, Martin Holliday, rédacteur en chef, met en avant certains inconvénients de ce principe de conception. Dans un premier temps, ces habitations ne seraient pas adaptées à tous les climats. En effet, les performances hors réseaux, l’auto-production de nourriture, la capacité de

climatisation ou encore la performance des éoliennes sont très dépendants de l’environnement dans lequel la maison est construite. On peut donc noter qu’ici l’environnement peut être une forme de limite au développement de certaines pratiques du RE et notamment de ces nouveaux principes de conception. Dans un second temps, nous savons que la volonté des constructions Earthship, comme les Drop City d’ailleurs, est de s’éloigner de la société dite de consommation, de standardisation, de production, et par conséquent s’éloigner de la ville. C’est d’ailleurs pour cette raison que M.Reynolds encourage l’auto-production de nourritures pour ne pas dépendre d’un système quelconque. Or il est légitime de se demander si cet éloignement de ________________________________________________________________________________

p.75


Quelles sont les limites pour le RE ?

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Des fondations pas communes Figure 35_Chantier de construction d’une maison dite « géonef » @ Pascal Faucompré

Un apport solaire important Figure 36_ Vue d’une serre intégrée à une géonef @ Amzi Smith

p.76


Quelles sont les limites pour le RE ?

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

la ville ne provoque pas l’accroissement de l’utilisation de l’automobile et en conséquence les émissions de gaz à effet de serre. L’Homme, tel il est aujourd’hui conditionné, par la société, dépend de quelques façons à la société de production et de consommation. Produire sa propre nourriture pourrait être une façon de devenir indépendant, mais la nourriture représente-t-elle la seule et unique dépendance de l’Homme à la société ? Malheureusement je pense que non et le principe de ces maisons mènerait à penser que l’Homme pourrait vivre absolument de manière indépendante. Une des possible alternative

« les earthship cadrent plutôt un idéal de vie présent il y a de cela plusieurs décennies…2 » Emmanuel COSGROVE

Les Earthships : la fausse bonne idée

serait de promouvoir le recours aux véhicules électriques, or la généralisation de cet usage n’est pas encore actuelle ! Emmanuel Cosgrove, directeur de la revue Écohabitation reste septique face à ce système de conception et pense que « les earthship cadrent plutôt un idéal de vie présent il y a de cela plusieurs décennies… Un moment de l’histoire ou l’autonomie et l’individualisme régnaient 2 ». D’un point de vue technique, il est intéressant de se demander s’il est réellement possible de construire une maison, tel une Earthship, avec un minimum d’investissement. Il est logique que l’auto-

construction profite à des personnes qui ont le courage et l’ambition d’auto-construire. Cette qualité du bricoleur/constructeur n’est pas donnée à tout le monde et si ce dernier viendrait à se faire aider par un professionnel, cela pourrait très vite devenir peu rentable. On parle donc ici de la main d’oeuvre. Le RE faisant référence parfois à des techniques de constructions anciennes, il est difficile de trouver des personnes qualifiées pouvant les réaliser. Cependant, le but de ce principe de conception est bien entendu le fait que le propriétaire soit capable d’auto-construire. Nous pourrions nous demander s’il n’est pas utopique de penser que l’ensemble de la société serait capable d’auto-construire et si les capacités constructives d’un point de vue technique ne représenterai pas une limite à la pratique de ce principe de conception. Le coût représente une limite indéniable au bon développement des pratiques du RE. Celui-ci s’exprime d’un point de vue technique qui peut s’argumenter à travers le projet Earthship. Factuellement, le principe de construction repose sur la présence d’espaces tampons chauffés qui permettront à la maison de capter de la chaleur et par la même occasion de favoriser l’auto-production de nourriture. Pour cela, on remarque la présence de grandes surfaces vitrées le long des façades de ces maisons (voir figure 36). Nous pourrions ________________________________________________________________________________ Emmanuel COSGROVE, Les Earthships : la fausse bonne idée, Eco-habitation, Paris, 8 février 2021 2

p.77


Quelles sont les limites pour le RE ?

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

nous pencher sur le prix du vitrage, voir du double et triple vitrage qui pour ce type de maisons reviendrait à hausser considérablement l’investissement financier. La solution pourrait être de réemployer d’anciens vitrages afin de constituer un assemblage à l’image du projet « Résilience » imaginé par Bellastock et analysé précédemment. Cependant cela serait possible dans un environnement particulier qui aurait la capacité et la ressource de fournir ces matériaux. Or, nous constatons que les filières de réemploi et les réseaux de distributions ne sont pas encore assez répandus pour pallier à ces besoins. C’est un point que nous analyserons à l’image d’une limite au sein de la partie suivante. Il existe plusieurs manières de réemployer, comme la déconstruction on l’a vu. Cependant, techniquement, la déconstruction peut s’avérer longue et minutieuse en conséquence du fait que les constructions anciennes n’étaient pas pensées à être déconstruites. Cette notion sera détaillée un peu plus précisément par la suite lorsque nous nous intéressons aux limites culturels qui freinent les pratiques du RE. Il était cependant important de relater la difficulté technique de la déconstruction au sein de cette partie qui représente une réelle limite au développement du RE. En somme, contrairement aux idées reçues, les matériaux de réemploi peuvent parfois s’avérer très onéreux en conséquence de la main d’oeuvre nécéssaire pour leurs traitements. C’est encore un point supplémentaire qui peut faire fuir de nombreuses personnes qui voudraient s’investir au sein de la conception Earthship et qui contraste ce projet de conception ambitieux et responsable. Finalement, ce que l’on peut retenir des Earthship c’est qu’il y a une volonté marquée de re-réfléchir la conception architecturale comme une auto-construction qui s’intègre dans environnement précis. En le respectant et en favorisant l’insertion de matériaux de réemploi. Or ce que l’on pourrait reprocher à cette approche c’est la dimension utopique relevée sur certains de ses principes, qui malheureusement

Re-réfléchir la conception architecturale comme une autoconstruction

pousse la réalisation à se confronter à des limites techniques et pratiques. Il est important de considérer l’approche Earthship comme une nouvelle philosophie de conception qui possède encore quelques incohérences mais qui est vouée à évoluer et à pouvoir s’adapter à la réalité de notre société. Le coût lié à la main d’oeuvre et aux matériaux représente également une limite. Enfin, les réseaux de distributions et les filières de réemploi se déploient mais ne sont

encore assez nombreuses pour envisager la pratique du RE comme possible au sein d’un panel d’environnements large et varié. ________________________________________________________________________________

p.78


Quelles sont les limites pour le RE ?

b.

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Les filières encore trop peu nombreuses

Lorsque des concepteurs intègrent la notion de réemploi au sein du projet qu’ils réalisent, il existe trois manières différentes pour eux de se fournir en matériaux. Soit il y a des matériaux sur site, et donc dans ce cas là c’est de la récupération « in situ ». Soit il est possible de trouver des matériaux sur d’autres chantiers, auquel cas il est nécessaire de mettre en place des synergies inter-chantiers. Soit il est nécéssaire de se fournir auprès de revendeurs. Aujourd’hui « ces acteurs de la revente ne sont pas encore assez structurés et nombreux en conséquence du fait que ce sont encore des filières

« ces acteurs de la revente ne sont pas encore assez structurés et nombreux…3 » Cécile MARZORATI

Chargée de mission chez Bellastock

économiques qui sont fragiles3 » pour une grosse partie d’entre-elles. Les modèles économiques sont aujourd’hui encore trop peu viables. Réemployer est une pratique qui exige un investissement supplémentaire à la pratique traditionnelle en terme de temps. Cela demande beaucoup de temps, une main d’oeuvre qualifiée et donc en conséquence plus d’argent ! « Les acteurs sont encore trop peu nombreux4 ». Le réemploi deviendrait une possibilité beaucoup plus viable et répandue si ces acteurs se mobiliserai et seraient plus nombreux. La plupart des acteurs qui arrivent à s’en sortir sont ceux qui revendent des matériaux dit « ancien » et qui revendent plutôt à

des clients privés qui font par exemple des réhabilitations de bâtiments. Les autres acteurs sont ceux qui se trouvent en ville et qui récupèrent des matériaux dans un bâtiment généralement récent où la revente est un peu compliqué. Cependant la question du foncier est un frein important dans le développement de la pratique du RE et la propagation des filières. « Réemployer c’est remettre dans une boucle locale la question de la gestion de la matière5 ». Autrement dit c’est sortir d’un système linéaire pour aborder une économie circulaire. En ville ça veut dire avoir des espaces pour stocker, préparer et nettoyer les matériaux. Or en ville le foncier coûte trop cher, et celui-ci représente une limite claire à la pratique du RE. Aujourd’hui moins de « 1% des matériaux de constructions sont réemployés dans le secteur du BTP dans le Nord-Ouest de l’Europe6 ». Nous aborderons donc dans la partie suivante, une possible solution face à cette limite que ________________________________________________________________________________ Cécile MARZORATI, Entretien avec Kévin LAMBERT, Lille, 27 mars 2022, à voir en annexe Ibid, à voir en annexe 5 Ibid, à voir en annexe 6 Mathilde BILLET, FCRBE, Bellastock, Paris, 2022 3 4

p.79


Quelles sont les limites pour le RE ?

p.80

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille


Quelles sont les limites pour le RE ?

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

constitue le développement lent des filières réemploi.

c.

Opalis comme solution ?

Face à un constat qui inquiète la place du réemploi au sein du secteur du BTP dans la région Nord-Ouest de l’Europe, des mesures ont été prises. À partir de janvier 2019, le FCRBE (Facilitating the Circulation of Reclaimed Building Elements in Northwestern Europe) se met en place. Il symbolise une alliance de la France, de la Belgique, du Royaume-Uni, de l’Irlande et des Pays-bas face au manque de réemploi de matériaux de construction dans le secteur du BTP. L’objectif étant d’inverser la tendance et d’intensifier les activités liées au RE, notamment en donnant beaucoup plus de visibilités aux opérateurs déjà existants. L’enjeu est aussi de créer des outils pédagogique afin de mettre en place de nouvelles méthodologies de conception/construction accessibles à tous. Huit partenaires de trois pays différents travaillent donc ensemble pour atteindre les objectifs cités ; Rotor (Belgique), Bellastock (France), CSTB (France), CSTC (Belgique), BBRI (Belgique), Confédération Construction (Belgique) et l’Université de Brighton (Royaume-Uni). Le projet FCRBE se formalise particulièrement à travers la plateforme Opalis ! Au départ, Opalis a été créé par Rotor. C’est un annuaire d’acteurs et de

« Opalis c’est un peu comme le guide Michelin des matériaux de réemploi7 »

revendeurs de matériaux de réemploi. La plateforme et le référencement s’étendait à la base seulement sur le périmètre Belge. Puis avec le projet Européen FCRBE il a été décidé d’agglomérer sur Opalis tout les acteurs de la filière réemploi en Belgique, en France, au Royaume-Uni etc … Le but étant de cartographier un maximum d’acteurs du réemploi pour les architectes ou les entreprises. Cet annuaire en ligne référence à l’heure actuelle un peu plus de 1500

Michaël GHYOOT

Opalis, le « guide Michelin » du réemploi de matériaux de construction

entreprises actives dans le domaine du réemploi. « Opalis c’est un peu comme le guide Michelin des matériaux de réemploi7 » affirme Michaël Ghyoot, architecte chez Rotor, au sein d’une interview. Opalis c’est aussi un site qui contient pleins de documents et fiches techniques accessibles en open-sources. Ce sont des fiches sur les matériaux, des guides sur le diagnostic ressource etc. C’est à ce

________________________________________________________________________________ Michaël GHYOOT, Interview : Opalis, le « guide Michelin » du réemploi de matériaux de construction, be circular be.brussels, 25 septembre 2020 7

p.81


Quelles sont les limites pour le RE ?

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

moment là qu’intervient notamment l’équipe Bellastock. On le sait maintenant, au delà d’accompagner les maitres d’œuvres et les maitres d’ouvrages, Bellastock porte un grand intérêt à actualiser les méthodes et outils des acteurs de la construction. Ils ont donc contribuer à identifier, argumenter et augmenter la visibilité du marché du réemploi de plusieurs manières. C’est dans un premier temps par la construction de nouvelles méthodes par la publication de fiches techniques par exemple (en ligne sur la plate forme Opalis). C’est par l’organisation et l’animation d’événements publics à l’image du festival qu’ils organisent tout les ans. C’est également par l’organisation de cycles de conférences auprès des jeunes, des architectes, de l’ensemble des acteurs de la construction et le grand public.

Opalis a le rôle d’ « offrir un aperçu des partenaires potentiels8 »

Imaginons que nous sommes des acteurs de la construction et que nous sommes mandaté pour intervenir au sein d’un projet dont la maîtrise d’ouvrage souhaiterai intégrer au sein de la réalisation du projet des matériaux de réemploi. Il nous suffit de nous rendre sur la plate-forme Opalis, entièrement gratuite, et d’identifier par zones, par catégories de matériaux ou par catégories de vendeurs ce dont nous avons besoin. Opalis a le rôle d’ « offrir un aperçu des partenaires

Cécile MARZORATI

Chargée de mission chez Bellastock

potentiels8 » à la réalisation de projets RE. « Cela s’inscrit totalement dans une démarche d’économie circulaire9 ».

En conclusion, nous avons compris que certaines méthodes de conceptions dites écologiques, éco-responsables, ou autres sont viables selon différents facteurs. L’environnement et l’accessibilité participent fortement à l’adaptation de ces principes et peuvent très vite être synonyme de limites. Les filières se développent et des mesures tels que des projets à grandes échelles participent à accroitre la visibilité de ces pratiques afin que celles-ci puissent s’étendent. Opalis notamment « cherche à faciliter la transition vers l’économie circulaire en offrant un outil pratique faisant la liaison entre l’offre et la demande de matériaux de récupérations10 ». Les maitres d’ouvrages et les maîtres d’oeuvres ont clairement le pouvoir de stimuler le marché du réemploi. Cependant d’autres limites de types culturelles ou législatives freinent encore les pratiques que j’intègre au sein du domaine du RE malgré une prise de conscience qui se veut de plus en plus globale face à l’épuisement de nos ressources.

________________________________________________________________________________ Cécile MARZORATI, Entretien avec Kévin LAMBERT, Lille, 27 mars 2022, à voir en annexe Ibid, à voir en annexe 10 Michaël GHYOOT, Interview : Opalis, le « guide Michelin » du réemploi de matériaux de construction, be circular be.brussels, 25 septembre 2020 8 9

p.82


Quelles sont les limites pour le RE ?

2.

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

LIMITES LEGISLATIVES - UNE REGLEMENTATION ENCORE PEU

ADAPTÉE Depuis le début du XXIème sicle, nous pouvons constater une évolution importante et positive de la prise en compte de l’environnement au sein de notre société. De nombreuses mesures sont prisent, des comités sont créés, des conférences sont organisées afin de responsabiliser un maximum de personnes aux questions environnementales et écologiques. Tous conscients que nous vivons dans un monde où les ressources s’épuisent, où la pollution engendre un réchauffement climatique de plus en plus flagrant, accorder une plus grande importance au développement durable semble être une possible solution, si ce n’est la seule. Nous l’avons constaté précédemment, le monde de la construction porte une grande responsabilité en ce qui concerne la production de déchets et devrait être l’un des premiers secteurs à se préoccuper de ces alertes. Par l’intermédiaire de la société Bellastock nous avons pu voir précédemment quelles sont les possibles solutions d’adaptations des pratiques de conceptions et de constructions. Cependant qu’en est-il des loi qui dirigent et encadrent les potentiels d’actions des acteurs de la construction ? Sont-elles en lien avec les directives Européennes et Mondiales ? Et enfin, répondent-elles réellement au besoins et enjeux de la société liées aux enjeux environnementaux ? Nous verrons dans un premier temps comment certaines directives peuvent paraître sensiblement encourageantes et à la fois dans un second temps devenir partielles et malheureusement trop tardives. Enfin nous verrons comment certaines loi n’encouragent pas le développement du RE en conséquence d’une insécurité liée à un manque de confiance. a.

Des directives encourageantes

Au début de ce siècle, en France, le droit français s’engage à introduire de nouveaux principes, droits et devoirs en lien avec le respect de l’environnement. Cet engagement c’est la mise en place de la charte de l’environnement en 2004. Cette dernière doit être respectée par des lois votées par le Parlement. Elle symbolise un effort de réaction qui ouvre le XXIème siècle vers de nouveaux modes de conceptions, de nouvelles manières de penser, de nouveaux principes face aux réalités environnementales qui se doivent d’être prisent beaucoup plus au sérieux. Plus concrètement, cette charte est composée de 10 articles qui représentent l’achèvement et la mise en vigueur d’un projet de loi constitutionnel adopté au Conseil des ________________________________________________________________________________

p.83


Quelles sont les limites pour le RE ?

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Ministres le 25 juin 2003. La charte de l’environnement aborde d’abord une notion qui est le principe de précaution. Il représente une démarche de procédures d’évaluations qui sera réalisée systématiquement lorsqu’un dommage, une déconstruction par exemple, sera susceptible d’affecter l’environnement. La Charte institue par ailleurs une nouvelle catégorie de droits constitutionnels, concernant le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé (art. 1). « Ces droits s’accompagnent aussi de devoirs. Ainsi, chacun doit participer à la préservation et à l’amélioration de l’environnement (art. 2), prévenir ou limiter les conséquences des atteintes qu’il peut porter à l’environnement (art. 3), et contribuer à leur réparation (art. 4) 11». Au delà de la prise de conscience politique des enjeux environnementaux en France et en Europe, une émergence des actions en ce qui concerne le réemploi voit le jour. On peut notamment parler de la directive Européenne de 2010. Cette directive « vise à protéger l’environnement et la santé humaine en soulignant l’importance de l’utilisation de techniques appropriées pour la gestion, la valorisation et le recyclage des déchets permettant de réduire

« …réduire la pression sur les ressources et d’améliorer leur utilisation12 » EU-Législation

Législation européenne sur la gestion des déchets

la pression sur les ressources et d’améliorer leur utilisation12 ». Établie en 2008, celle-ci est entrée en vigueur dans les pays de l’Union Européenne en décembre 2010. Elle établit et confirme le « principe du pollueur payeur », voulant responsabiliser et supporter les coûts des traitements de déchets par leurs détenteurs. En ce qui concerne un peu plus précisément notre sujet, cette directive vise à recycler et valoriser d’ici à 2020 « 70% des déchets de construction et de démolition13 ». En juillet 2020, une autre directive Européenne entre en vigueur. Elle symbolise la directive modificative de celle de 2010 en raisons

des conclusions et constats encourageants de cette dernière. Elle vise à poursuivre les efforts et prolonger la prise en main des enjeux environnementaux par les acteurs de notre société. Elle renforce les règles relatives à la prévention des déchets, cela se traduit par le fait que les pays Européens doivent prendre des mesures en ce qui concerne les modèles de productions et de consommations durables. Elle encourage à réduire la production de déchets alimentaires ou incite à promouvoir la réparation et le réemploi de produits. Bien

________________________________________________________________________________ Vie-publique, Fiche thématique_Quels sont les principes consacrés par la Charte de l’environnement de 2004 ?, Pairs, 7 juillet 2018 12 EU-Législation, Législation européenne sur la gestion des déchets, 22 juin 2020 13 Ibid 11

p.84


Quelles sont les limites pour le RE ?

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

évidemment, cette dernière fixe également des objectifs. Elle vise par exemple à recycler d’ici à 2025 « au moins 55% en poids des déchets municipaux14 ». On peut également citer le diagnostic préalable aux chantiers de déconstructions correspondant à la loi Grenelle 2. Celle-ci stipule porter l’engagement national pour l’environnement. Elle est promulguée le 12 juillet 2010 et se trouve en parallèle de la directive Européenne. Elle vise notamment à diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre d’ici 205015 » en pointant du doigt les principaux acteurs et secteurs concernés que sont le bâtiment ou les transports. Enfin, intéressons nous à la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire et la loi AGEC qui comme les directives précédentes entendent réduire la production de déchets et préserver les ressources naturelles. Assez récente, promulguée le 10 février 2020 pour la première le premier juillet 2021 pour la seconde, elles s’inscrivent dans la mise en oeuvre de la charte de l’environnement de 2004. Cette dernière propose par exemple un diagnostic ressources dont le but sera d’éviter le statut de « déchet ». De plus l’article 58 de la loi AGEC impose à l’Etat et aux maitres d’ouvrages publics l’achat de biens issus ou qui intègrent du réemploi : « A compter du 1er janvier 2021, les biens acquis annuellement par les services de l’Etat ainsi que par les collectivités territoriales et leurs groupements sont issus du réemploi ou de la réutilisation ou intègrent des matières recyclées dans des proportions de 20 % à 100 % selon le type de produit16». Tant de lois et de directives qui visent à penser que le réemploi, le recyclage et la philosophie du RE établie jusqu’ici visent à se développer dans les années à venir. Il est intéressant de voir que certains secteurs sont responsables plus que d’autres et que l’Architecture et le monde de la construction possèdent un rôle majeur dans l’évolution de notre société. De plus, nous pouvons en conclure que la majorité de ces nouvelles directives visent à responsabiliser l’ensemble de la population. A l’image de ce que peut développer Bellastock vis à vis des outils pédagogiques et d’informations, ces lois nous montrent que chacun d’entre nous, à son échelle, possède son potentiel d’action. Nous pourrions penser que la solution est trouvée, or ces directives reflètent par moment certaines contraintes relatives à des limites. Celles-ci qualifiées parfois trop tardives ou trop partielles freinent le ________________________________________________________________________________ 14 EU-Législation,

Législation européenne sur la gestion des déchets, 22 juin 2020 BLAISON, Les évolutions réglementaires et le réemploi, Cycle Up, 16 mai 2021 16 Article 58 de la loi AGEC 15 Coline

p.85


Quelles sont les limites pour le RE ?

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Figure 37_Créer une synergie_Kévin LAMBERT

p.86


Quelles sont les limites pour le RE ?

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

développement des pratiques du RE. Parfois même, celles-ci tuent l’imagination et contraignent la conception par des normes.

b.

Parfois tardives ou partielles

Il y a une évolution indéniable, cela personne ne peut le contre-dire. Les prises de positons politiques et certaines loi citées précédement essayent de rendre possible les pratiques du RE. Cependant, Cécile Marzorati, chargée de mission chez Bellastock, me confiait lors de notre entretient que « depuis les années 70, nous sommes conscients des alertes environnementales et des mesures se mettent en place trop

« …des mesures se mettent en place trop tardivement et sont parfois trop partielles17 »

tardivement et sont parfois trop partielles17 ». On pourrait traduire cela par le fait que l’évolution environnementale est parfois beaucoup plus rapide que les réactions de la société alors que ces dernières n’ont pas assez d’impact. Nous sommes au sein d’une société qui évolue vers la norme, la réglementation et comme on l’a déjà dit la standardisation des principes de conceptions. Si on se réfère à une des mesures citée précédemment, le diagnostic préalable aux chantiers de déconstruction

Cécile MARZORATI

Chargée de mission chez Bellastock

relatif aux loi Grennelle 1 et 2, on peut très vite se rendre compte de certains freins qui n’encouragent pas le développement du RE. Cette

loi permet la mise en place d’un diagnostic qui concerne les potentiels de réemploi au sein d’un bâtiment qui est voué à être déconstruit. Cependant, les chantiers de déconstructions inférieurs à 1 000 m2 n’ont aucunes obligations à respecter ces règles et protocoles. Cette démarche qui établit un état des lieux pour éviter la création de déchets et favoriser le réemploi constitue un réel outils pour l’intégration de nouveaux principes dans le secteur de la construction. Cependant, il devrait à mon sens être élargi à l’ensemble des déconstructions. Il est indispensable que chacun prenne conscience de la gestion des déchets ! La législation devrait encourager chaque propriétaire à penser RE avant chaque déconstruction. Bien entendu cela a un prix et il serait intéressant de voir s’appliquer des possibles aides financières afin d’encourager chaque propriétaire à se tourner vers le réemploi.

________________________________________________________________________________ 17

Cécile MARZORATI, Entretien avec Kévin LAMBERT, Lille, 27 mars 2022, à voir en annexe

p.87


Quelles sont les limites pour le RE ?

« Les règles […] doivent être souples car les matériaux de réemploi n’ont pas pour vocation première d’entrer en compétition avec les matériaux neufs18» Frédéric Anquetil

Président de l’association: Les Bâtisseurs d’Emmauüs

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Les diagnostics demandent un certain temps et donc de l’argent. Le nettoyage, la déconstruction et le stockage sont les facteurs qui font grimper le prix des matériaux de réemploi. La conséquence directe de ce constat c’est la mise en concurrence du matériau de seconde main et du matériau neuf (voir figue 37). « Les règles qui manquent aujourd’hui doivent être souples car les matériaux de réemploi n’ont pas pour vocation première d’entrer en compétition avec les matériaux neufs ; au contraire, ils serviront à hybrider intelligemment certains ouvrages18 ». En somme, le réemploi et les pratiques du RE connaissent une évolution croissante, cependant les loi ne cadrent pas assez l’ensemble des secteurs et n’encouragent pas à leurs utilisations. De plus, je dirais qu’il faudrait peut-être revoir certaines réglementations qui contraignent au lieu d’encourager. Voir les éléments contraignants comme des objectifs changerai considérablement l’approche de nombreux acteurs qui ont le pouvoir de changer les choses. Au delà des réglementations trop partielles et contraignantes, un manque de confiance lié à une insécurité qui concerne les provenances et les qualités des matériaux de réemploi bride et limite encore l’épanouissement du RE.

c.

Une insécurité liée à un manque de confiance

Ce qui représente une vertu pour le réemploi peut aussi lui causer du tord et vite devenir une limite à son expansion. La qualité historique et mémorielle d’un matériau de réemploi apporte une réelle valeur ajoutée à l’ouvrage qui l’intégrera. Cependant, cette vie déjà vécue, avec ses contraintes et ses efforts, fragilise les futures capacités du matériau. C’est un point qui définit une limite technique du matériau lié au réemploi. D’un point de vue législatif, cela pose également quelques soucis. La provenance du matériau et les qualités de celui-ci sont les premiers facteurs qu’un concepteur étudiera avant son insertion. Lors d’un chantier classique, les matériaux dit « neufs » sont testés en sortie d’usine. Or, en réemploi les certifications sont anciennes et ne sont plus viables. Aujourd’hui « chaque matériau doit faire la preuve des performances qu’il ________________________________________________________________________________ Frédéric Anquetil, Julien CHOPIN & Nicola DELON, Pavillon de l’Architecture, « Matière grise : Matériaux / réemploi / Architecture », 2014, p. 169 18

p.88


Quelles sont les limites pour le RE ?

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

possède, le bâtiment est aujourd’hui un des milieux les plus réglementés et normés. Des matériaux âgés d’une quinzaine d’années sont devenus non conformes pour des bâtiments actuels19 ». La fin de vie de nombreux matériaux est le résultat de l’application de diverses réglementations, normalisations etc … On pourrait presque parler d’obsolescence programmée, non pas directement liée aux qualités techniques de l’objet (comme peuvent l’être nos smartphones) mais à la réglementation. Par exemple, la certification CE des bois de structure est devenu obligatoire il y a plusieurs années. La déclaration CE de conformité est un document obligatoire que le fabricant ou son représentant autorisé doit signer pour attester que les produits respectent les exigences de l’Union Européenne. « En conséquence, tout bureau de contrôle devrait refuser l’usage en structure de bois de récupération qui n’ont pas été requalifiés en marquage CE20 ». La réglementation impose d’étudier les capacités des matériaux issus du réemploi ou du recyclage avant leurs mise en oeuvre sur le marché de la construction. La sécurité et les garanties reflètent un obstacle contraignant chez les concepteurs, qui parfois limitent leur imagination. Naturellement, les assurances protègent et épaulent les architectes. Cela jusqu’au terme de l’assurance décennale qui responsabilise l’architecte constructeur de tout sinistres de sa conception durant dix années. Le réemploi étant considéré comme une pratique non-conventionnelle, rares sont les contrats qui garantissent les mêmes clauses que lorsque cela concerne des matériaux neufs. La solution à cette limite pourrait être la mise en place d’un système de « passeport pour les matériaux ». Cette idée fut notamment développé par Stevens Beckers quand il développe le principe C2C (Cradle to Cradle). Un passeport du matériau permettrait de référencer chacun d’eux et d’identifier

… les bâtiments deviendraient des « banques de matériaux »

leurs possibilités d’usage. Soudain, les bâtiments deviendraient des « banques de matériaux » au sein duquel chacun d’entre eux seraient référencés afin de mieux les répartir et leur offrir une seconde vie lorsque le bâtiment sera détruit. Ce principe changerai les standards de la conception en pendant la déconstruction au sein de la conception, à l’image de ce que peut réaliser et instruire Bellastock à travers leurs projets ou les festivals qu’ils organisent.

En somme, malgrès une évolution croissante de la prise de conscience des acteurs en ce qui concerne le RE, et le réemploi en particulier, il sera encore difficile de faire avancer et accepter les pratiques, le temps que le monde de la construction ne donne pas plus de places aux matériaux usagés. ________________________________________________________________________________ 19

Ibid. p.169 p.169

20 Ibid.

p.89


Quelles sont les limites pour le RE ?

3.

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

LIMITES CULTURELLES - STANDARDISATION DES PROCESSUS DE

CONCEPTION a.

Vers de plus en plus de standardisation

La dimension culturelle de la pratique de l’architecture peut représenter un frein contraignant au développement des pratiques du RE. Pour de nombreuses personnes le réemploi est associé au non-qualitatif, au non esthétique etc… De fait, de nombreuses personnes sont retissants avant même avoir daigner porter un regard curieux sur la question. D’autre part, au delà du rejet lié à l’esthétisme, il y a un constat général d’une pratique standardisée post-industrielle qui aujourd’hui représente un limite indéniable aux pratiques du RE. Depuis les années 30-40, on a commencé à industrialiser le processus de conception des matériaux et les processus de construction. C’est cette rationalisation qui nous a amené à concevoir plus vite et moins cher. Au delà du développement de la

« Le réemploi c’est difficilement industrialisable parce que déconstruire soigneusement c’est très manuel21 »

technologie ou encore des performances liées à la resistance des matériaux, la cause de cette accélération des processus de construction est liée à la croissance de la demande. Après la guerre, il a fallut reconstruire, vite et peu cher. A cette époque, les concepteurs n’intégraient pas la notion de déconstruction au sein de la construction. Aujourd’hui nous nous retrouvons donc avec des matériaux qui sont très difficilement réemployables et démontables. Réemployer, réutiliser c’est extrêmement long. Réemployer c’est aussi réintégrer de nombreux métiers, parfois artisanaux. « Le réemploi c’est difficilement industrialisable parce que déconstruire soigneusement c’est très manuel21 ». La remise en état, les travaux de préparations et les

Cécile MARZORATI

Chargée de mission chez Bellastock

techniques de récupérations sont uniques selon chaque matériau. Chacun d’entre eux nécessite une attention manuelle et non celle d’une machine ! Or, la main d’oeuvre coûte vite plus cher que les matériaux

eux-même et cela devient très vite peu rentable. « Le réemploi par essence c’est le non standard22 ». La standardisation quant à elle c’est une manière de concevoir l’espace qui ne laisse pas la possibilité de faire un pas de côté et d’envisager autres choses. Au sein de la rubrique Opinion de l’édition 292 page 7, paru le

________________________________________________________________________________ 21 Cécile

p.90

22 Ibid

MARZORATI, Entretien avec Kévin LAMBERT, Lille, 27 mars 2022, à voir en annexe


Quelles sont les limites pour le RE ?

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

24 novembre 2021, Jan De Vylder, Architecte et fondateur du bureau Inge Vinck Jan De Vylder donne son opinion et délivre un témoignage sur sa vision du Re en Architecture. Son argumentaire s’oriente autour de sept questions, qui pour chacune d’entre elles sont accompagnées de trois mots clés. Toutes ces questions ont pour objectif de définir le « Reuse23 » selon des approches différentes. Le re-positionnement des acteurs de l’architecture est pour lui une évidence. Cela est en lien avec une certaine forme d’acceptation et les possibilités des pratiques du RE. Accepter une nouvelle forme d’architecture redéfinit les standards de celle-ci. Les attentes doivent donc changer, et les protagonistes doivent réétudier comment faire en sorte que celles-ci puissent être différentes de ce qu’ils attendent. Pour De Vylder cela est possible et doit être en marche. Cela se fait sans aucun doutes par la pratique et le rapport à la matière. Le RE ce n’est pas une notion qui s’apprend de manière théorique, chacun peut pratiquer sa forme du RE, avec ses propres moyens dans l’objectif de faire des découvertes et de surpasser ses attentes. De Vylder critique les positions trop ancrées des standards de l’architecture et propose le changement de la création, de la conception et de la formulation, afin de promouvoir le re-use.

b.

Re-questionner les standards de l’Architecture

Penser et appliquer le RE au projet d’Architecture pourrait devenir dans un futur proche indispensable. « C’est un travail sur la facon de penser et faire le projet24 ». Cela va dans le sens de la reconquête, de l’autonomie qui est souhaitable dans un contexte de postindustrialisation du monde. « L’Architecture de demain c’est une architecture qui est coconçue, co-construite avec une vision située de la pensée du projet25 ». On pourrait penser ou prévoir que l’architecture de demain est à l’inverse de l’architecture standardisée et homogénéisé que l’on peut observer depuis un temps. Les standards de l’architecture de demain, en intégrant toute cette notion de RE pourrait se rapprocher d’une forme de permaculture ou de bio-régionalisme se pensant autant de manière locale qu’interlocale. Dans le préambule au premier Congrès bio-régional nord-américain, en 1984, nous lisons : « Le biorégionalisme reconnaît, nourrit, soutient et célèbre nos liens locaux avec la terre, les plantes et les animaux, les rivières, les lacs et les océans, l’air, les familles, amis et voisins, les communautés, les traditions autochtones et les systèmes de production et de commerce. Être biorégionaliste, c’est prendre le temps d’apprendre les possibilités locales. »

________________________________________________________________________________ DE VYLDER Jan, A+ Architecture, Opinion, 24 novembre 2021, n°292, page 7 MARZORATI, Entretien avec Kévin LAMBERT, Lille, 27 mars 2022, à voir en annexe 25 Ibid 23

24 Cécile

p.91


« C’est une culture permanente, une philosophie globale comme la permaculture26 »

Quelles sont les limites pour le RE ?

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Entretien réalisé avec Cécile MARZORATI Chargée de mission chez Bellastock

Par Kévin LAMBERT (à retrouver en annexe)

Figure 38_Co-concevoir, co-construire, co-imaginer, pour le développement de nouvelles idées _Kévin LAMBERT

p.92


Quelles sont les limites pour le RE ?

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Cécile Marzorati définit le RE comme étant la permaculture appliquée à l’architecture. « C’est une culture permanente, une philosophie globale comme la permaculture26 ». En somme, la culture est une évolution permanente des principes et visions de la société. Aujourd’hui le RE hérite d’une culture qui sous certains aspects vu précédemment lui indigne certaines limites. Or, c’est par l’engagement de certains architectes comme chez Bellastock, de certains citoyens ou de certains étudiants que les standards de l’architecture évolueront, peut être vers une acception plus globale des portiques du RE !

CONCLUSION S’interroger sur les possibilités et les limites des pratiques du RE a permis de requestionner l’approche environnementale des acteurs de la construction. Cette manière d’aborder différentes pratiques comme le réemploi, le recyclage, le repenser, le reconstruire a pour ambition d’en amorcer une approche différente, une théorisation, une nouvelle image. L’enjeu de cette recherche personnelle et le choix de cette thématique étaient à la base la conséquence d’une volonté d’en apprendre plus sur le RE dont les pratiques m’intéressaient et d’éclaircir ce que peut représenter cette philosophie. Chercher, écouter, rencontrer, voir, lire, autant de pratiques qui nous servent en tant qu’étudiant à apprendre et développer nos compétences. La notion du RE a sans aucuns doutes influencé ma manière d’apprécier l’architecture. Cette année entière de recherches et de rencontres m’aura permis de me construire une boite à outils, une base de connaissances afin d’appréhender le projet d’architecture différemment, au sein de mes études et je l’espère au delà de ma future pratique professionnelle. Sans connaissances particulières des possibilités du RE, nous avons abordé dans un premier temps un grand ensemble des pratiques qui le concerne. D’un point de vue législatif ou historique nous avons pu voir que certaines pratiques diffèrent, voir se hiérarchisent. Autrement nous avons pu constater que les pratiques du RE existent depuis des siècles et qu’elles n’ont pas toujours étaient perçues de la même manière. Parfois critiqué pour son esthétique ou l’emploi de matériaux de seconde main, le RE est aujourd’hui apprécié par certains pour son intérêt à être local, respectueux de son environnement et souvent ingénieux. En décalage avec la société de consommation voir parfois de standardisation, le RE se développe au sein d’un environnement bien précis et génère le caractère « situé » d’un projet d’architecture incluant ses pratiques. Le RE c’est que j’ai appelé un « domaine de ________________________________________________________________________________ 26 Cécile

MARZORATI, Entretien avec Kévin LAMBERT, Lille, 27 mars 2022, à voir en annexe

p.93


Quelles sont les limites pour le RE ?

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

pratiques et de réflexions » qui prône repenser les standards qui nous conditionnent et qui nous guident spontanément. Pour moi le RE ne se limite pas à des pratiques, ni à des réflexions. Le RE c’est en effet pratiquer le réemploi, se questionner sur la pratique standardisée de certains acteurs de la construction mais c’est aussi voir différemment, adopter une manière de voir la société sous un nouvel angle. C’est par exemple reconsidérer certaines contraintes qui s’apparentent à des limites comme des objectifs à atteindre. Le parallèle avec l’approche « Cradle to Cradle » que revendique William McDonough et Michael Braungart ou encore l’adhocisme de Charles Jencks et Natan Silver dans le chapitre 1 était essentiel pour enrichir la quête de la formalisation de ce que représente le RE et ses valeurs. Le rapport au site, à l’environnement, au circuit court, à l’économie circulaire sont tant de facteurs qui au fil de mes recherches se sont affirmés comme étant fondamentaux à la pratique du RE. C’est dans cette dynamique que la seconde partie de ce mémoire nous a exposé un large panel de possibilités de ce type de pratiques. En m’appuyant sur ce que fait la société Bellastock nous avons facilement pu comprendre que pratiquer le RE ne se limite pas à la technique. C’est un accompagnement des jeunes futurs architectes et constructeurs vers une pratique plus ancrée, plus proche de la matière. C’est un accompagnement auprès des professionnels de la construction en leur proposant de nouveaux outils. C’est aussi ça le RE ! De part certains projets qui témoignent du RE et sur lesquels Bellastock est intervenu, nous avons pu constater que la déconstruction sélective ou encore la mise en place d’une économie circulaire jumelée à un circuit court offrent une multitudes de possibilités aux pratiques du RE. La conjugaison ingénieuse de différentes techniques, de différents matériaux et l’association de différents acteurs de la construction stimulent la création de nouvelles références architecturales, ancrées et situées. Enfin, les différentes limites abordées au sein du troisième et dernier chapitre nous ont montré que la société évolue dans le sens d’une prise de conscience collective des enjeux environnementaux. Or nous avons vu aussi que les acteurs de ces pratiques sont encore peu nombreux et que les normes et les réglementations tuent parfois l’imagination. Finalement le RE c’est une réelle question de société, de vivre-ensemble, de partage et d’ingéniosité. Nous pourrions nous demander si l’architecture est prête tout autant que la société à changer ses paradigmes afin d’évoluer en respectant un peu plus notre environnement. Ou encore élargir la pratique du RE au bio-régionalisme de Mathias Rollot afin de faire émerger leurs similitudes et tisser un lien logique qui pousserait à faire prendre conscience qu’il est nécéssaire de prendre son temps afin d’apprendre et comprendre les possibilités locales.

p.94

________________________________________________________________________________


Kévin LAMBERT

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Annex

es

p.95


Kévin LAMBERT

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Entretien avec Cécile MARZORATI (Chargée de projet chez Bellastock) Le RE me fait penser au « perma » de permaculture, cette notion de permanence et de soin au chose. La question de la permaculture est loin d’être réductrice, elle est hyper englobante. La philosophie, l’éthique de la permaculture s’apparente selon moi à celle du RE, je pense. On fait beaucoup de lien entre la permaculture et la manières un peu plus « soutenables » de penser l’agriculture alors que la permaculture c’est bien plus qu’une pensée, c’est une philosophie globale et une méthode de design qui concerne tout les aspects de la vie et dont la pensée de nos espace habité, autrement dit l’architecture.

- Cécile MARZORATI qui es-tu ? Diplômé à l’ENSA de Toulouse, j’ai réalisé un master de recherche qui s’interrogeait sur « la place de l’architecte dans la fabrication informelle de la ville , des espaces et des lieux » qui sont caractérisées par la présence et la vie d’habitants, ce sont notamment les favelas, des bidonvilles etc. J’ai essayé d’observer les traces d’appropriations dans un contexte de quartier de grands ensembles qui sont particulièrement aménagés par les habitants eux-mêmes. J’ai interrogé la place de l’architecte et de l’urbaniste et cela m’a amené a beaucoup regarder les façons d’habiter, les usages du quotidien et plus simplement de la vie ordinaire. Comment l’Architecture fait écho à cet ordinaire ? C’est aussi une manière de ré-interroger la manière dont elle nous ai enseigné. On nous apprend pas forcément à comprendre, à analyser, on nous apprend plutôt à répondre à une commande. Il y a encore un enseignement de l’Architecture qui est très inspiré du mouvement moderne, où l’on parle d’esthétique, de fonctionnalisme, on parle pas de vie. Plus brièvement, l’idée était d’essayer de comprendre comment se fabriquait les villes sans architectes et en quoi ceci est émancipateur afin de se demander comment l’Architecte peut s’inspirer de ces façons de créer des espaces habités, puisqu’en réalité, on se débrouille déjà très bien sans lui. Donc, qu’apporte-t-il de plus finalement ? J’ai réalisé un. stage de 4 mois à l’issu de mon projet de fin d’études à Séville au sein de CTRL+Z. Cet architecte animé des ateliers d’éco constructions par exemple. Je me suis intéressé durant ce stage par exemple à la question de la ressource du bois et comment la gérer à l’échelle de la ville. Ensuite, je me suis inscris en DSE à l’ENSA de Paris Belleville avec une approche pluridisciplinaire, porté sur la géographie, l’anthropologie et l’architecture. A l’issu de cela j’ai rencontré Bellastock un peu par hasard, qui organisait à l’époque un festival sur la terre en 2017. J’ai postulé pour co-organiser ce festival et j’ai été

_________________________________________________________________________________________

p.96


Kévin LAMBERT

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

sélectionnée pour exercer un service civique chez eux durant neuf mois. Puis j’ai continué à travailler chez eux tout en développant une approche un peu particulière et plus fine sur le réemploi et l’économie circulaire en général. J’ai réalisé la formation pro-paille qui est une formation pour les artisans et les professionnels du bâtiment, comme les architectes.

- Pour quelles raisons avez-vous voulu devenir architecte ? Le domaine du réemploi vous a-t-il toujours intéressé ?

Au départ je voulais faire pleins de choses et pas spécialement de l’Architecture, cependant j’avais assez du mal à choisir. Je voulais être au départ archéologue, puis j’avais très très envie de faire de la biologie, j’avais aussi très envie de faire du droit, de la sociologie. Soit autant de disciplines qui gravitent autour de l’architecture et que l’architecte prend en considération mais finalement par de l’architecture à proprement dit. J’avais à l’époque une image de l’Architecture qui n’est plus du tout

celle que j’ai aujourd’hui.

D’ailleurs, j’avais cette image telle que l’on me l’a enseigné en licence qui était celle un peu déconnectée du réel, avec cette volonté de concevoir des architectures assez monumentales. Au départ je n’ai pas du tout choisi ces études par vocation puis mon parcours en master a été assez révélateur, j’ai adoré. Encore une fois, ce n’était pas une vocation au départ et c’est devenu une passion totale ! J’ai au départ une sensibilité pour la fabrique collective du projet, comment on travaille avec toutes les parties prenantes du projets et surtout avec les habitants. C’est une notion qui m’a toujours sensiblement heurté au sein de la pratique du projet. De manière générale j’ai une sensibilité en ce qui concerne l’écologie. L’une des premières façons dont j’ai fais ce lien entre qui m’intéressait et l’architecture c’est un questionnement sur l’utilisation des matériaux et la mise en avant du bio-sourcés comme la paille, etc. Au tout début de ma pratique, il est vrai que je ne me suis pas intéressé au réemploi pour la simple et bonne raison que je ne connaissais pas très précisément cette pratique. J’ai essayé de réfléchir à comment construire avec des ressources locales bio et géo sourcés. La terre est un matériau qui peut facilement faire participer les gens, c’est une technique qui est très accessible à des publics non sachant. Avant Bellastock j’ai notamment travaillé avec une ONG sur un projet en Colombie, sur une petite île où il y avait un très très gros problème lié au risque de la montée du niveau de la mer, à des problèmes qui me remettait vraiment en cause la viabilité du village qui était sur l’ile. On a très vite fait ces liens entre les différents risques et les multiples phénomènes climatiques assez graves liés à des activités humaines. Il fallait réfléchir à comment penser l’avenir de ce village de facon résiliante et pour cela on a commencé à réfléchir à ces notions ________________________________________________________________________________

p.97


Kévin LAMBERT

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

de réemploi et à la mise en place de l’utilisation des matériaux locaux issus par exemple de la déconstruction de certaines parties du village. Toutes ces questions sont donc assez vite rentré dans ma manière de concevoir l’architecture et faire du projet et se demandant comment on utilise ce qui est déjà là, que ce soit des matériaux bio-sourcés ou des matériaux qui ont déjà eu des premières vies dans des bâtiments ou autres. Donc oui le domaine du réemploi je m’y intéresse depuis peu longtemps d’une manière conscientisé mais cela fait un peu plus de temps qu’il fait parti intégrante de ma matière de faire et de voir les choses sans le savoir pour autant.

- Pourquoi avoir intégré l’équipe Bellastock ? Bellastock c’est quoi ? A l’époque Bellastock cherchait deux services civiques pour co-organiser le festival. En 2017, Bellastock c’était encore une association et il prenait deux services civiques par an qui venait appuyer l’équipe festival, qui est constitué seulement d’Antoine Aubinais à cette époque là. Bellastock au départ c’est une association d’étudiants de l’école de Paris Belleville. Au départ c’est le Bureaux des étudiants de l’école. Ces amis ont un constat commun qui est le fait qu’il y a un manque de pratiques au sein du cursus des études d’Architecture, d’expérimentations, de contact avec la matière, de compréhension concrète des modes constructifs. Il y a un manque de « faire » concrètement. Ils ont une sensation de manque et ils décident d’organiser un festival qui a pour objectif de permettre aux gens de toucher la matière, de co-construire dans un environnement festif. L’objectif est de penser, concevoir et habiter une ville éphémère. C’est au départ particulièrement adressé aux étudiants de Paris-Belleville puis très vite ca s’étend à d’autres écoles et même à l’international. Le concept prend assez bien. Ca devient l’occasion chaque année de découvrir, d’explorer une thématique qui va changer à chaque fois sur un site déterminé. C’est au départ un événement plutôt festif et cela devient un temps possible pour réfléchir sur un an à une problématique. Les thématiques s’oriente selon des sujets d’actualités, des pratiques alternatives en ce qui concerne l’architecture ou l’urbanisme. Ce sont de nouvelles manières d’habiter ou de penser le processus du projet. Il y a des thématiques sur la paille, la terre ou encore la mobilité, la manière d’habiter, la gestion de l’urbanisme transitoire etc … Il y a différentes approches. En 2012, le festival dont la thématique est la déconstruction est l’élément déclencheur de la professionnalisation de l’association. Une négociation est faite avec le propriétaire du site sur lequel le festival à lieu pour participer à une mission. Celle-ci est la déconstruction sélective des entrepôts pour aménager les espaces publics de la future ZAC. Bellastock s’installe donc sur le site et fait objet d’une permanence durant sept ans. De là en découle pleins d’autre missions. Comment ces tests d’usages et d’occupations de l’espace peuvent nourrir le projet urbain ? ________________________________________________________________________________

p.98


Kévin LAMBERT

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Ce qui caractérise l’essence de Bellastock c’est cette interaction entre l’approche concrète et pratique, proche du terrain et une approche théorique. Tout cela en faisant des allers-retours permanent entre les deux approches. Bellastock c’est l’apprentissage expérimentale, l’appropriation de la matière, une vison métabolique des territoires, c’est surtout ça Bellastock.

- Privilégier la déconstruction à la démolition ou encore engendrer un cycle de vie, quelles sont les possibilités pour le RE ?

Ce que l’on dit toujours c’est que la déconstruction sélective c’est une alternative après d’autres RE. Le premier c’est le soin, l’entretien, la maintenance de ce qui est déjà là. Ensuite il y a la réhabilitation, on garde ce qui est déjà là, on lui donne un nouvel usage. Enfin le troisième RE c’est le réemploi ! Notre discours c’est que le réemploi n’est pas l'option numéro un. Avant démolir on réfléchit à d’autres solutions. On ne veut pas être associer à des acteurs qui promeuvent le réemploi sans réfléchir en amont. On considère que tout les déchets du bâtiments, c’est près de 80 millions de tonnes de déchets produits en France chaque année ont un potentiel de réemploi. Chez nous on ne se fixe pas vraiment de limites, on considère qu’apriori quasiment tout peut se réemployer. Tout dépend de pleins d’éléments, de facteurs qui vont variés d’un projet à l’autre, d’un site à l’autre. En général, techniquement, le réemploi est possible pour un bon nombre de matériau, après il y a des limites bien évidemment.

- Avez vous rencontré des obstacles lors des expertises de réemplois pour certains projets ?

Les limites peuvent être de différents types. Une partie d’elles sont liées à la facon dont on fait et on pense le projet d’Architecture. Une première limite peut être technique, on va avoir du mal par exemple à démonter proprement, parce que les bâtiments n’ont pas été conçu pour être démontés et récupérés. On a conçu avec des méthodes d’assemblages irréversibles, des éléments collés, scellés, avec des matériaux composites etc. Un élément de mur préfabriqué avec son complexe d’isolant par exemple c’est très difficile à récupérer. On a des matériaux qui sont de moins en moins qualitatifs aussi. C’est à dire qu’ils ont une durabilité beaucoup plus faible. Les matériaux pétrosourcés par exemple comme tout les polymères ou de plastique, des matériaux de seconds oeuvres qu’on retrouve dans beaucoup de bâtiment. Depuis les années 30-40, on a commencé à industrialiser le processus de conception des matériaux et les processus de construction. C’est cette rationalisation qui nous a amené à

________________________________________________________________________________

p.99


Kévin LAMBERT

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

concevoir plus vite et moins cher mais on a pas imaginé en se posant les questions de la suite. Le RE est complètement antinomique de cette pensée là puisque si on RE on est pas dans une dynamique de croissance. Réemployer, réutiliser c’es long. Ca prend plus de temps que démolir. Or le temps on en a pas. Réemployer c’est aussi réintégrer de nombreux métiers, parfois artisanaux. Le réemploi c’est difficilement industrialisable parce que déconstruire soigneusement c’est très manuel. La remise en état, les travaux de préparations sont uniques à chaque matériau. Chaque matériau réemployé nécessite une attention de la main et non celle d’une machine ! La main d’oeuvre coûte plus cher que les matériaux. Aujourd’hui c’est souvent plus cher de réemployer que non, puisque employer de la main d’oeuvre coûte très cher. La question du foncier est un frein également important dans le développement de la pratique du RE. Réemployer c’est remettre dans une boucle locale la question de la gestion de la matière. On est plus dans un processus linéaire mais circulaire. En ville ça veut dire avoir des espaces pour stocker, préparer les martiaux etc, or en ville le foncier coûte trop cher. Certains matériaux sont par nature très durable, d’autres beaucoup moins. On a peu de recul également sur certains matériaux comme le béton. La question de la standardisation des processus de conception représente également un frein. Ce sont des mesures qui permettent de rationaliser les processus d’assurabilités et la gestion du risque dans le bâtiment. C’est une manière de penser la conception de l’espace qui ne laisse pas la possibilité de faire un pas de côté et d’envisager autres choses. Le réemploi par essence c’est le non standard. Il y a enfin un frein culturel. Pour de nombreuses personnes le réemploi est associé au non-qualitatif, non esthétique etc… De fait, de nombreuses personnes sont retissants.

- Si vous deviez citer un des projets de Bellastock, lequel serait-il ? Pourquoi ? Résilience. A Bellastock on est pratiquement tous architectes, cependant le statut de la société en tant que SCIC ne nous permet pas de nous inscrire à l’ordre. On travaille donc toujours avec quelqu’un d’autre lorsqu’il s’agit de gros projet d’Architecture. On a travaillé en binôme pour la Ferme des possibles. Le maitre d’ouvrage pour ce projet c’est Novaedia ________________________________________________________________________________

00

p.1


Kévin LAMBERT

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

qui est en réalité un traiteur solidaire qui emploie des personnes en insertions. La particularité c’est qu’ils produisent beaucoup de choses eux-même, ils ont des maraîchages etc… C’est une association qui voulait faire un bâtiment démonstrateur. On devait faire un bâtiment qui à la fois pouvait accueillir des bureaux, des espaces de transformations, des cuisines, un restaurant etc… Avec l’architecte on à d’abord réfléchi à ce qu’on pouvait utiliser comme ressource pour la conception de ce bâtiment. D’une part des menuiseries pour faire toute une façade et des briques de terres crues pour permettre de mettre en place le principe de mur trombe. Il y avait tout un enjeu sur le bioclimatisme. On a décidé de travailler plutôt sur l’enveloppe du bâtiment. Avec Bellastock on avait fabriqué près de 20 000 briques lors du festival précédant et on a déployer une usine mobile. On a fait en sorte lors du festivals que les concepteurs mettent en oeuvre leurs briques en réfléchissant leurs déposent. Ce qui était assez spécial sur ce projet c’est que l’on était aussi fournisseur de matériaux. Sur l’enveloppe on a eu une marge de manoeuvre assez confortable pour en faire la conception. Notre boulot était de récupérer les matériaux et de dessiner la façade. On a coordonné la collecte, dessiné la façade avec un menuisier.

- Les réseaux de distribution représentent-ils une limite ou une possibilité en ce qui concerne le RE ?

Les filières de réemploi ! Les acteurs sont encore trop peu nombreux. Dans un projet il y a trois manières de trouver des matériaux de réemploi. Soit il y a des matériaux sur site, et donc dans ce cas la c’est de la récupération in situ. Soit il est possible de trouver des matériaux sur d’autres chantiers, auquel cas il est nécessaire de mettre en place des synergies inter-chantiers. Soit il est nécéssaire de se fournir auprès de revendeurs. Aujourd’hui ces acteurs de la revente ne sont pas encore assez structuré et nombreux en conséquence du fait que ce sont encore des filières économiques qui sont fragiles pour une grosse partie. C’est une possibilité si ces acteurs se mobiliserai et seraient plus nombreux. Or les modèles économiques sont aujourd’hui encore trop peu viables. Les seuls acteurs qui arrivent à s’en sortir c’est ceux qui revendent des matériaux dit « ancien » et qui revendent plutôt à des clients privés qui font par exemple des réhabilitations de bâtiments. Les autres acteurs sont ceux qui se trouvent en ville et qui récupèrent des matériaux dans un bâtiment généralement récent où la la revente est un peu compliqué.

- Pourriez-vous nous en dire plus sur Opalis ? Opalis a été créé par Rotor aux départ, c’est un annuaire d’acteurs, de revendeurs de matériaux de réemploi qui était sur le périmètre de la Belgique et puis avec le projet ________________________________________________________________________________

p.101


Kévin LAMBERT

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Européen FCRBE ( Facilitating the circulation of reclaimed building elements in Northwestern Europe ) il a été décidé d’agglomérer sur Opalis toutes les acteurs de la filière réemploi en Belgique, en France, au Royaume Unis etc … Le but étant de cartographier un maximum d’acteurs du réemploi pour les architectes ou les entreprises. C’est aussi un site qui contient pleins de documents et qui sont accessibles en open-sources. Ce sont des fiches techniques sur les matériaux, des guides sur le diagnostic ressource etc.

- La réglementation est-elle encore trop peu adaptée au RE ? Représente-t-elle une limite à son développement ?

Il y a une évolution importante, c’est la loi AGEC ( Loi anti-gaspillage pour une économie circulaire ) et la réglementation environnementale. Des mesures sont prisent pour aller vers plus de recyclage. Le recyclage de matière c’est beaucoup plus impactant sur l’environnement mais c’est aussi et surtout plus rentable. Ils défendent ce modèle là et la loi malheureusement proposent des mesures pour aller vers une structuration des filières de recyclage, ce que nous regrettons nous les acteurs du réemploi. Il y a une filière responsabilité des producteurs qui est mise en place et c’est assez critiqué par les acteurs du réemploi. Enfin, au sein de la loi anti-gaspillage il y a quelques mesures contraignantes qui sont prisent mais ca reste assez peu contraignant si on veut que les choses changent. Depuis les années 70, nous sommes conscients des alertes environnementales et des mesures se mettent en place trop tardivement et sont parfois trop partielles.

- Si vous deviez donner une définition au domaine du RE, qu’elle serait-elle ? C’est la permaculture appliquée à l’architecture. C’est une culture permanente, une philosophie globale comme la permaculture.

- Quel est le rôle d’un Architecte aujourd’hui au sein de notre société ? Je vais reprendre quelques mots de Mathias Rollo qui parle de bio-régionalisme. « L’Architecture en tant qu’éthique collective que contenu social sédimenter est déjà un puissant moteur de cristallisation de l’en-commun, une figure créatrice de repère, une méthode pour fabriquer l’identité et permettre le vivre ensemble. Si elle pouvait aussi faire voir, sentir, donner à parcourir les matières et ressources d’un territoire, alors elle pourrait sans doutes aider à une meilleure compréhension de ces milieux cohabité que nous devrions aujourd’hui largement réparer. Synthèse symbolique d’une cosmologie plus large tel un mandala, l’architecture aujourd’hui obsolescente retrouverait alors un horizon désirable et partagé. Elle pourrait reconstituée sa centralité et son importance sociale à mesures au moins que les ressources reprennent une place importante dans ________________________________________________________________________________

p.102


Kévin LAMBERT

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

nos imaginaires, nos systèmes sociaux et nos vies, à la faveur que la crise croissante que vit la modernité occidentale. Peut-être même pourrait-elle réinventer de nouvelles formes de monumentalités moins paternalistes à gloire d’autres choses que l’éthique et l’esthétique de la domination. »

- Quel est l’Architecte de demain ? Penser et appliquer le RE au projet d’Architecture c’est indispensable. Dans la facon de penser et faire le projet c’est la question de la re-appropriation et de la conception et de la construction par les usagers. Ça va dans le sens de la reconquête, de l’autonomie qui est souhaitable dans un contexte de post-industrialisation du monde. Je pense que l’Architecture de demain c’est une architecture qui est co-conçue, co-construite avec une vision située de la pensée du projet mais la question de la re-appropriation, de la co-conception et de la construction par les habitants est au centre d’une architecture pour demain. Tout ceci avec une approche et une démarche qui s’inscrit dans la philosophie de la permaculture. C’est un peu ça l’architecture que j’aimerai voir demain. C’est une architecture située l’architecture de demain ! C’est l’inverse de l’Architecture standardisée et homogénéisé que l’on peut observé depuis trop longtemps maintenant.

________________________________________________________________________________

p.103


Kévin LAMBERT

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Table des figures

Figure 1_L’étalement urbain_Matière grise p.258 Figure 2_Le réemploi comme une recherche d’imagination @ Kévin LAMBERT Figure 3_Cultiver le RE comme une pratique ingénieuse et autonome @ Kévin LAMBERT Figure 4_Festival Bellastock CimeCity par @ Alexis Leclercq Figure 5_Festival Bellastock CimeCity par @ Alexis Leclercq Figure 6_Festival Bellastock CimeCity par @ Alexis Leclercq Figure 7_Festival Bellastock CimeCity par @ Alexis Leclercq Figure 8_Festival Bellastock CimeCity par @ Alexis Leclercq Figure 9_Festival Bellastock CimeCity par @ Alexis Leclercq Figure 10_Festival Bellastock CimeCity par @ Alexis Leclercq Figure 11_Festival Bellastock CimeCity par @ Alexis Leclercq Figure 12_S’unir, se rassembler pour mieux prospérer_Kévin LAMBERT Figure 13_La ville comme un gisement de matières_Matière grise p.344 Figure 14_Projet du Centre de recyclage au Havre @ER Architectes Figure 15_Projet du Centre de recyclage au Havre @ER Architectes Figure 16_Plan masse et coupes du projet du Centre de recyclage au Havre par ER Architectes et Bellastock _Kévin LAMBERT Figure 17_Projet du Centre de recyclage au Havre @ER Architectes Figure 18_Projet du Centre de recyclage au Havre @ER Architectes Figure 19_Dessin de la Recyclerie au sein du projet du centre de recyclage au Havre par ER Architectes et Bellastock _par Kévin LAMBERT Figure 20_Plan masse et coupe de la base de vie du projet ActLab_Kévin LAMBERT Figure 21_Projet ActLab @Clément Guillaume Figure 22_Projet ActLab @Clément Guillaume Figure 23_Projet Résilience @Bellastock Figure 24_Projet Résilience @Raphael Pauschitz Figure 25_Elévation de la façade ouest_Kévin LAMBERT Figure 26_Cime City @Alexis Leclerc Figure 27_Cime City @Alexis Leclerc Figure 28_Cime City @Alexis Leclerc Figure 29_Cime City @Alexis Leclerc

________________________________________________________________________________

p.104


Kévin LAMBERT

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Figure 30_Projet ActLab @Clément Guillaume Figure 31_Projet Résilience @Raphael Pauschitz Figure 32_Projet Résilience @Raphael Pauschitz Figure 33_Projet Résilience @Raphaëlle Saint-Pierre Figure 34_Projet Résilience @Raphael Pauschitz Figure 35_Chantier de construction d’une maison dite « géonef » @ Pascal Faucompré Figure 36_ Vue d’une serre intégrée à une géonef @ Amzi Smith Figure 37_Créer une synergie_Kévin LAMBERT Figure 38_Co-concevoir, co-construire, co-imaginer, pour le développement de nouvelles idées _Kévin LAMBERT

Bibliographie Ouvrages : BELLASTOCK, Repar#2, Un programme de recherche & expertise au service de l’économie circulaire, Mars 2018 Julien CHOPIN & Nicola DELON, Pavillon de l’Architecture, « Matière grise : Matériaux / réemploi / Architecture », 2014 Code de l’environnement, Version mise en vigueur depuis le 31 juillet 2020, Chapitre Ier : Prévention et gestion des déchets (Articles L541-1 à L541-50) Nicoles DACOS, L’invention du paysage des ruines, Somogy éditions d’art, Paris, 5 novembre 2004 Dictionnaire encyclopédique Larousse, 1 volume en couleurs, Paris, Librairie Larousse, 1979 Kenneth FRAMPTON, L’objet Architecture, Critique, « Pour un régionalisme critique et une architecture de résistance », janvier 1987 Yona FRIEDMAN, Une Utopie réalisée, Musée d’Art Moderne de la ville de Paris, 1975 Charles JENKS, The langage of Post Modernism, John Wiley & Sons; 6e édition, 14 août 1991 Charles JENKS, Nathan SILVER, Adhocism, the case of improvisation, Hermann, Traduit par Pierre LEBRUN, Paris, 22 septembre 2021 Claude LEVI STRAUSS, La pensée sauvage, Agora, Paris,1962 William MC DONOUGH, Michael BRAUNGART, Cradle to Cradle, 2002, 4 édition Girogio VASARI, Le vite de' più eccellenti pittori, scultori e architettori, Lorenzo Torrentino, Florence, 1568

Mémoire de recherches : ` Lambert DRAPEAU, Réemploi: comment le réemploi se développe-t-il au delà des architectures manifestes ?, Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes, 15 décembre 2017 ________________________________________________________________________________

p.105


Kévin LAMBERT

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Jill KÄCK, Naissance du réemploi, de l’utilisation de matériaux récupérés au concept architectural, Mémoire de recherche Séminaire Conception et expérimentations architecturales, ENSAPL 2021

Emile MOENECLAEY, Réemploi et adhocisme, démarche et devenir du réemploi de matériaux en architecture, Mémoire de recherche Séminaire matérialité, ENSAPL 2021 Revues : Frederic DENISE, Topophile, La Ferme des possibles, ou de la sérendipité, 13 décembre 2020 DE VYLDER Jan, A+ Architecture, Opinion, 24 novembre 2021, n°292 Hannah HÖFTE, Matériaux de réemploi, Résilience_La Ferme des Possibles, 9 décembre 2019 Rémy LE MOIGNE, « Economie circulaire : le BTP doit faire sa révolution », Futuribles, 11 sept 2014 Amélie POUZAINT, FRES ARCHITECTES Logements sociaux béthune, AMC, Paris, 09 novembre 2012

Documents électroniques :

Gabriel OIHANA, 20 minutes, « Saint-Denis : un laboratoire pour le réemploi des matériaux dans l’architecture de demain », publié le 14/10/12, mis à jour le 16/10/14, disponible sur : https://www.20minutes.fr/paris/1458435-20141014-saint-denis-laboratoire-reemploimateriaux-architecture-demain Louis DESTOMBES, Bellastock, « Actlab », pas de date de publication, disponible sur : https://www.bellastock.com/projets/actlab/ Martin PAQUOT, Topophile, « La ferme des possibles, ou de la sérendipité », publié le 13 décembre, disponible sur : https://topophile.net/faire/la-ferme-des-possibles-ou-de-la-serendipite/#section-chantierparticipatif Sheryne GASNIER, Cunéo, Antoine Aubinais, BELLASTOCK, Spotify, publié en août 2021, 41min14, disponible sur : https://open.spotify.com/show/6gocMVJss5mB9XKENL0513 ER Architectes, Centre de recyclage Le Havre Nord, Archello, 2017, disponible sur : https://archello.com/fr/story/69680/attachments/photos-videos/6 BELLASTOCK, Optimiser et massiver le réemploi de matériaux, publié le 04 octobre 2019, disponible sur :

p.106

https://www.bellastock.com/wp-content/uploads/2020/01/ BS_RESSOURCES_REEMPLOI_SYNTHESE.pdf


Kévin LAMBERT

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Amélie POUZAINT, FRES ARCHITECTES Logements sociaux béthune, AMC, Paris, publié le 09 novembre 2012, disponible sur :

https://www.amc-archi.com/article/fres-architectes-logements-sociaux-bethune.39988 Valérie DIDELON, Rotor l’Architecture d’occasion, D’Architecture, édition 196, publié le 10 décembre, disponible sur : https://cellule.archi/sites/default/files/biennale/lagence_rotor_da_201012.pdf Emile MOENECLAEY, Réemploi et adhocisme, démarche et devenir du réemploi de matériaux en architecture, Mémoire de recherche Séminaire matérialité, ENSAPL 2021, disponible sur : https://issuu.com/emile_m/docs/reemploi_et_adhocisme Florent LACAS, « Le diagnostic déchets permettra de responsabiliser tous les acteurs », Le Moniteur, publié le 28 février 2012, disponible sur : https://www.lemoniteur.fr/article/le-diagnostic-dechets-permettra-de-responsabiliser-tousles-acteurs.1189749 Elodie CLOÂTRE, Réglementation, ce qui changer au 1er mars 2012, Le moniteur, oublié le 29 février 2012, disponible sur : https://www.lemoniteur.fr/article/reglementation-ce-qui-change-au-1er-mars-2012.1197149 Bellastock et CSTB, Repar#2_Un programme de recherche & expertise réemploi au service de l’économie circulaire, ADEME, publié en mars 2018, disponible sur : https://issuu.com/bellastock/docs/bs_repar2_rapport_n_bd_extrait_issu Antoine AUBINAIS, Repar#2 le rapport de recherche et expertise sur le réemploi de matériaux de construction, Construction21 France, publié le 05 décembre 2018, disponible sur : https://www.construction21.org/france/articles/h/repar-2-le-rapport-de-recherche-etexpertise-sur-le-reemploi-de-materiaux-de-construction.html Sara BÉLAID, Les Earthships : la fausse bonne idée (2), Eco-habitation, publié le 08 février 2021 https://www.ecohabitation.com/guides/1178/les-earthships-la-fausse-bonne-idee-2/

p.107


Kévin LAMBERT

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

Grille méthodologique

Titre de la recherche

p.108

Le RE comme réponse ?

Sous-titre

Le domaine du RE-architecture comme une alternative pertinente, créatrice de valeurs, de nouveaux usages, d’une nouvelle image architecturale

Contexte et enjeux

En France, les acteurs de la construction produisent 73% des déchets (Revue_Les Futuribles_11sept2014). A l’heure où la directive Européenne alerte au sujet de la prévention à la création des déchets et fait la promotion d’un valorisation des déchets, il serait interessant d’évaluer les possibilités et limites de la pratique du RE en architecture.

Question principale

Quelles sont les possibilités et limites de la pratique du RE au sein de la conception architecturale ? Comment celle-ci se transforme en une réponse envisageable face aux enjeux environnementaux ?

Terrain d’étude

L’évolution de Bellastock en s’intéressant à l’ensemble de leurs projets. Notamment l’ensemble des différent festivals organisés en fonction des thèmes d’études et des projets plus précis comme la Ferme des possibles.

Corpus d’étude

Plans et descriptions des projets disponibles en ligne, photographies d’archives. Critiques des différents projets disponibles en ligne et dans de nombreuses revues Appréciations personnelles liées aux possibles visites

Objet de la recherche

Ma recherche consiste à analyser l’évolution de Bellastock, leur genèse, leurs objectifs, leurs pratiques et leurs perspectives en lien avec le domaine du RE et les enjeux environnementaux actuels. J’apporterai un intérêt à comparer leurs projets avec d’autres initiatives majeures et caractéristiques du RE tout en quantifiant les difficultés qu’ils ont pu rencontrer pour évaluer les possibilités et limites de ces pratiques.

Etat des savoirs

Ouvrages historiques et culturels détaillant l’apparition du domaine du RE et la clarification du domaine selon les termes. Ouvrages et articles traitant du réemploi, du recyclage en architecture Textes de lois en lien avec les enjeux environnementaux Critiques architecturales d’exemples/contre-exemples d’applications du RE en architecture.

Positionnement

Explorer mon terrain d’étude en lien avec les pratiques générales du RE afin de percevoir quelles sont les possibilités, les limites et difficultés. Ces pratiques ne sont pas si récentes, cependant elles ont évoluées avec le temps et les enjeux. Rechercher ce qui s’apparente à être réalisable, avec quels moyens et sous quels formes en fonction d’un lieu.

Méthode envisagée

Réussir à déterminer un fil conducteur au sein de l’évolution de l’entreprise en lien avec l’ère du temps et les enjeux environnementaux. Apporter une clarification des termes et pouvoir comprendre la prise de conscience des enjeux. Trouver les difficultés et contre-exemple afin d’évaluer les « futuribles »


Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille


Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

C e mémoire de recherche questionne les possibilités et les limites de ce que

j’appelle le « RE ». Par l’intermédiaire de plusieurs analyses, étymologiques, historiques ou encore sociologiques nous formaliserons cet ensemble de pratiques qui se définit comme étant respectueux de l’environnement et critique quant à la société de consommation et de standardisation. Avec la société Bellastock comme terrain d’études, l’objectif sera de montrer par des exemples précis et des analyses de projets quelles sont les possibilités pour le RE et quelles sont les limites qui freinent le développement de ces pratiques dans le monde de la construction.

~

This research questions the possibilities and limits of what I call « RE ».

Through several etymological, historical and sociological analyses, we will formalize this set of practices that defines itself as being respectful of the environment and critical of

the consumer society and standardization. With the Bellastock society as a field of study, the objective will be to show, through specific examples and project analyses, what the possibilities are for « RE » and what the limits are that hinder the development of these practices in the world of construction.


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.