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Furies, ou l'art de refaire le monde

Cirque, théâtre, danse, clown, musique, arts plastiques, etc. Le festival Furies revient bousculer Châlons pendant cinq jours, avec dans ses valises des rencontres impromptues, des artistes engagés et des spectacles dont on se souviendra encore longtemps, comme à chaque édition.

Si l'association Furies s'investit depuis le commencement pour faire essaimer les arts de la rue partout en ville, elle œuvre également, de plus en plus, auprès des compagnies dans leurs processus de création. En les accueillant en résidences artistiques notamment, et en co-produisant leurs spectacles. Beaucoup sont d'ailleurs présentés pour la première fois sur le bassin châlonnais, et ça se vérifiera encore cette année lors de la 34e édition du festival. Le collectif Marcel et ses drôles de femmes, par exemple, partagera sa création « Masacrade » après une ultime résidence à Châlons. On trouvera, dans cette tragi-comédie, du cirque bien sûr, mais aussi une approche philo-théâtrale très burlesque de la mort. Et la cérémonie à laquelle sera convié le public promet de sacrées marrades, outre la beauté des décors et des prouesses circassiennes aériennes. On se souvient, en 2015, de la famille Burattini incarnée par la compagnie Carabosse, et de la façon dont elle avait métamorphosé le petit Jard, en 2018. La voici de retour avec une nouvelle installation, tout juste créée, faite de concepts flamboyants, d'arts plastiques et cinématographiques, à découvrir au Jard anglais, cette fois.

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Furies, c'est aussi le reflet d'une société, avec ses penchants sombres, ses sursauts d'humanité et ses lueurs d'espoir. Les artistes, tous engagés à leur manière, évoquent la lutte des maux (1Watt et Les Flèches 3 000 excellent en la matière), ceux qu'on laisse au bord du chemin (« Ce que j'appelle l'oubli » de Garniouze Ink.) ou qu'on incri-

T HÉÂTRE

Parmi les expériences improbables à vivre pendant Furies : une immersion en 2073 avec compagnie Marzouk Machine, pour commémorer la fin du monde. © Loïc Nys pédé » du collectif Jeanine Machine). Fidèle à son ADN, le festival réserve également des moments improbables, suspendus dans le temps, parfois complètement barrés. La compagnie Marzouk Machine proposera de commémorer la fin du monde le samedi 10 juin 2073, c'est-à-dire 50 ans après l'apocalypse, tandis que Les Trois Points de Suspension dévoileront – en exclusivité à Châlons ! - la potion magique qu'ils ont mise au point pour retrouver l'âge idéal.

La face cachée des clowns

La compagnie Brounïak figure parmi celles que soutient Furies. Camille Perrin, Valery Plancke et d'autres artistes associés en tant que regards éclairants œuvrent en résidence de création à Châlons, salle Rive gauche. La dernière avant la grande première de leur nouveau spectacle, « Bancroûte », dévoilé en début de festival. « Les premières sont toujours très importantes, souligne Camille Perrin. C'est l'aboutissement d'un long travail, comme une naissance, un moment chargé d'émotion pendant lequel on voit comment le public réagit. » Seul en scène, ou plutôt dans l'espace public, car cette création a été conçue pour être jouée à l'extérieur exclusivement, Camille incarne Le Pollu, un clown que la vie, comme beaucoup d'autres, n'a pas épargné. « Il s'appelle Le Pollu, nom emprunté à un clochard qui vivait dans ma rue quand j'étais petit. Un érudit qui, suite à un drame, avait décidé de vivre dehors. » Sans tomber dans la facilité du misérabilisme, cette création explore la question très intime des SDF, tout en épargnant le public des bons vieux clichés qui collent encore aux savates des clowns. Pas de chute maladroite pour faire rire les gens, ni de course poursuite ou de voix pincée dont raffolent certains mômes. « Si vous pensez que Le Pollu va égayer votre journée de nase, tateurs avec son premier solo, devant le monument aux morts. C'est à lui que revient la carte blanche de Furies cette année, qu'il mettra en scène avec la 37e promotion du Centre national des arts du cirque. Toujours dans la série des « habitués », le collectif Titanos mènera, au cœur du festival, une expérimentation intitulée « Excitation foraine ». Déjà à l'initiative de plusieurs projets en Châlonnie (la scénographie du village Furies et la fête foraine au Verbeau en 2018, ou encore le manège c'est raté ! Il est très en colère, limite insultant, et traverse des montagnes russes d'émotions. Il cherche à sauver sa peau, il doit accomplir une mission, mais des gens l'en empêchent. C'est un drame qu'il prend vraiment en sérieux. Et il a cette liberté de parole, cet humour noir, qui lui permettent de tout dire. » De sorte à nourrir l'écriture du spectacle, la compagnie s'est immergée dans la rue, en milieu urbain comme rural, pour y expérimenter des improvisations, dès janvier 2021. « J'ai passé une nuit sur un banc en Ardèche, en costume de clown. Des jeunes un peu défoncés m'ont insulté au petit matin. Vivre ce que vivent les SDF, c'est aussi se rendre compte de ces notions d'urgence, de survie. J'ai également eu quelques très belles mains tendues. Des petits gestes qui ne sont pas grand-chose, mais qui sont très forts. » Ne pas se fier aux apparences : cette création est conseillée à partir de 12 ans, mais elle cultive aussi le rire, à sa façon, avec modernité, réalisme et humanité. teurs de l'extrême investiront le kiosque du grand Jard et l'agrémenteront de nouvelles créations : un circuit de billes géantes, des manèges fantomatiques, une lanterne magique revisitée, etc. Furieuse semaine en perspective donc, où chacun pourra réfléchir, s'émerveiller, s'évader et surtout partager.

Sonia Legendre

4 34e festival Furies, du mardi 6 au samedi 10 juin partout dans Châlons - Gratuit (hormis le spectacle de la compagnie Les arts oseurs : tarif unique 10 €) Infos : furies.fr.

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