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Société
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Éducation
Professeurs et élèves face au terrorisme À l'occasion de la rentrée scolaire, lundi, un hommage sera rendu à Samuel Paty. Comment les enseignants vont-ils aborder cet événement tragique avec leurs élèves ? Éléments de réponse avec deux professeurs marnais.
C
omment expliquer à des enfants et des adolescents ce que même les adultes ont bien du mal à comprendre ? C'est la lourde tâche qui attend les enseignants, lundi matin, où, à l'occasion de la rentrée scolaire, un hommage sera rendu au professeur Samuel Paty, assassiné par un terroriste islamiste le 16 octobre dernier. Pour ce faire, l'Éducation nationale a imaginé une matinée particulière : un premier temps, jusque 10 h, pour que les équipes éducatives organisent leur journée, un deuxième temps en forme de séquence pédagogique pour revenir sur l’événement avec les élèves et les préparer à l’hommage qui sera rendu dans un troisième temps, avec lecture de la « Lettre aux instituteurs et institutrices » de Jean Jaurès, puis le respect d’une minute de silence, dans la cour. Dans les écoles élémentaires, ces dispositions pourraient être adaptées, mais la minute de silence sera maintenue, tandis qu’elle sera remplacée par un « temps calme » en maternelle. On n'explique pas les choses de la même façon à un enfant de 8 ans qu’à un jeune adulte.
Les enseignants devront adapter le cadre règlementaire fixé pour cet hommage aux spécificités des élèves. © l'Hebdo du Vendredi
« À l’école élémentaire, c’est extrêmement seront nécessaires. « Je vais privilégier le diacompliqué d’aborder ce genre de tragédie, car logue avec les élèves pour savoir ce qu’ils ont ça dépasse les compétences des enseignants. pu entendre et comprendre, via les médias et les discussions avec leur famille. Ce On parle tout de même d'une déqui est le plus important, c’est de capitation, s’inquiète Nadine*, Une rentrée enseignante en CM2 dans un les laisser parler et d’écouter en trois temps leurs questions. Faire un cours établissement de Reims. Certains auront été protégés par magistral n’aurait pas de sens », leurs parents, d’autres seront au courant de estime Richard*, professeur d’histoire-géogratout. Ce sera à nous de recadrer tout ça. » Pour phie dans un lycée de la Marne. les plus grands, le rôle de l’enseignant sera tout Au-delà de cet événement tragique, les profesaussi important. Les interrogations ne seront seurs sont, au quotidien, confrontés aux intersans doute pas les mêmes, mais des échanges rogations des élèves. L'enseignement moral
et civique (EMC), qui a remplacé l’éducation/l’instruction civique en 2015, permet d'aborder le respect d'autrui, les valeurs de la République et la culture civique. C'est dans le cadre de l'un de ces cours que Samuel Paty avait montré à ses élèves deux caricatures de Mahomet, issues de « Charlie Hebdo », afin d'évoquer la liberté d'expression. « En EMC, je laisse souvent les lycéens travailler en autonomie sur une question, puis on lance un débat. Je répète souvent que le but est de comprendre la diversité des points de vue et pas de donner son opinion ou son avis sur une question, explique Richard. La spécificité de l’école, c’est de permettre de prendre du recul et d’appréhender les choses dans leur complexité. En prenant en compte la diversité des points de vue, on est plus dans la rationalité que dans la prise de position. » Avec ses CM2, Nadine aussi enseigne cette matière délicate. Dans sa classe cosmopolite, ses jeunes élèves sont parfois traversés par des interrogations relatives aux religions et cultures de chacun. « Ils peuvent parfois se poser des questions, qui restent très basiques, mais il y a principalement de l’indifférence, dans le bon sens du terme, par rapport aux croyances des autres, relève l'enseignante rémoise. Sur ce point-là, ils ne se posent pas autant de questions que les adultes. » La candeur de l'enfance.
Simon Ksiazenicki
4 * : prénoms d'emprunt.