Mixité sociale ou ségrégation spatiale: Le cas cas de l'école d'architecture de Lyon

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13UE06PP / Rapport d’étude Kwami Tendar / Licence 3 Enseignant encadrant : Corine Vedrine

Mixité sociale ou ségrégation spatiale : Le cas de l’école d’architecture de Lyon

ENSAL 2012-2013


13UE06PP / Rapport d’étude

Mixité sociale ou ségrégation spatiale : Le cas de l’école d’architecture de Lyon

Kwami Tendar / Licence 3 Enseignant encadrant : Corine Vedrine

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon / 2012-2013

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Sommaire

p.3

Préface

p.4

Introduction

p.5

Problématique

p.7

I. Architecture et politique La naissance de la politique de la ville Banlieues 89 L’architecture participative

p.9 p.10 p.12 p.13 p.14 p.16 p.18 p.20

II. Une école d’architecture en banlieue Les enjeux du projet Un concours controversé La leçon d’architecture III. 26 ans plus tard Les limites de la leçon Les projets d’extension La réponse de la ville

p.21

Conclusion

p.23

Bibliographie

p.25

Table des figures

p.28

Annexes

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Préface

«OUVRIERS, ETUDIANTS, UNIS NOUS VAINCRONS», Les manifestations de mai 68.

« Peu de gens se souviennent que les évènements de mai 68 ont trouvé leur origine à l’Ecole des Beaux-Arts en 1966, lorsque des étudiants se sont révoltés contre les professeurs qui proposaient un énième projet de centre de congrès international. Les élèves exigeaient auprès de la direction de l’école de pouvoir travailler sur la question du logement. […] Les étudiants en architecture ont compris, à ce moment-là, qu’ils étaient voués à devenir des exploiteurs dans un système de production massif, dangereux qui plus est (au moins trois morts par jour). La révolution de mai 68 a profondément modifié l’enseignement de l’architecture ; aujourd’hui, nous ne pouvons nier la dimension éthique et sociale de ce métier, ni la réflexion qu’il implique. »1 Quand est-il de nos jours ? Qu’apprend-on à l’ENSAL ? En première année, les choses n’ont certainement pas énormément évolué : un atelier d’artiste, un musée, un pavillon d’exposition, un office de tourisme…En deuxième année ? Un projet conceptuel qui laisse les étudiants dans le doute et un projet contextuel, où il suffit de « copier » bêtement l’architecture environnante pour avoir la moyenne. En ce qui concerne l’enseignement théorique et historique qu’on veut bien nous apprendre, j’ai bien l’impression que Le Corbusier fait figure de référence incontournable. Et tout cela à l’ENSAL, l’école d’architecture de Lyon, situé à Vaulx-enVelin (chose que j’ai d’ailleurs du mal à comprendre ; si elle est situé à Vaulx-en-Velin, pourquoi est-ce l’école de Lyon ? Et si c’est l’école de Lyon, pourquoi est-elle à Vaulx-en-Velin ?) en banlieue lyonnaise, ville synonyme de deux choses : Grands ensembles et problèmes sociaux. N’est-ce pas le comble d’un étudiant en architecture d’étudier les œuvres de Le Corbusier au milieu des grands ensembles les plus connus de France ? Peut-être que je me trompe, que l’enseignement dispensé à l’ENSAL est à l’image de son bâtiment qui se veut être « à lui seul une leçon d’architecture »2, que cette leçon est plus historique que théorique et qu’elle nous dit clairement : regardez les erreurs que nous avons pu faire dans le passé et surtout, ne refaites pas les même.3

: Roland Castro /2007 / Faut-il passer la banlieue au kärcher ? / Paris / L’Archipel / « Contre-courants » / 139 pages. 2 : http://www.lyon.archi.fr/presentation. html 3 : Je trouve le bâtiment de l’ENSAL absolument magnifique en lui-même, cependant deux points sont, d’après moi, fortement critiquable : le confort thermique et acoustique, le rapport au site. 4 : Frédéric Taddet / février 2013 / J-L Mélenchon : « Je suis un poète et un philosophe » / GQ / #60 / page 90. 1

« En fait, la révolution citoyenne a déjà commencé. L’abstention en général, la dureté des luttes ouvrières, le dégoût des « compétents » pour leur propre vie en sont les prémices. »4 Quand est-il de nous, étudiants en architecture ?

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Introduction

« Défois avant d’dormir, j’demande à Dieu, C’qu’il a prévu pour ma race, si ça changera avant qu’j’marache. » Pascal Trésor Simba Au début, lorsqu’il fallait choisir le sujet de son rapport d’étude, je n’avais aucune idée de ce que je voulais faire. J’avais déjà quelques jours de retard pour rendre ma problématique. Je me souviens que j’étais assis dans le bus que j’avais pris en bas de chez moi, à l’arrêt Vaulx Thibaude. Je m’étais assis au fond à gauche, mon casque audio sur la tête et ma tête collée contre la vitre. Comme d’habitude, je regardais le paysage défiler. Une tour d’habitation, l’école Federico Garcia Lorca, la boulangerie, la place Carmellino et le grand parc en face,… J’essayais de trouver l’inspiration en regardant ce que j’avais devant moi. J’avais eu l’occasion de traiter beaucoup de sujets qui m’intéressaient grâce aux enseignements de l’ENSAL comme « s’approprier l’espace urbain » où avec une camarade, nous avons participer à la construction d’une maison dans un camp de roms, le TD de psychologie où j’ai pu parler d’un foyer dans lequel j’ai habité pendant un ans, ou encore les stages que j’ai pu effectuer en Autriche et au Togo, mes deux pays d’origine, et ainsi renouer avec mes racines. J’avais choisi des sujets qui m’intéressaient ou des sujets qui me semblaient important, pour moi, personnellement. Mais en prenant ce C8 rempli de vaudais - noirs, arabes, asiatiques, blancs, de jeunes en survêtements, casquette et baskets, de femmes voilées et d’enfants – pour rejoindre l’amphithéâtre de l’ENSAL - rempli de jeunes, pour la plus part français de souche, en jeans slim, chemise et mocassins - j’ai réalisé que j’avais pu traiter tous les sujets qui m’intéressaient, sauf le plus important. Peut-être que beaucoup de personne ne comprendront pas l’intérêt des questions que je me pose, parce que ces personnes ne sont pas confrontées aux problèmes auxquels je suis confronté, ou tout simplement parce que ces personnes ne voient même pas le problème. Mais ce n’est pas grave. Moi, je suis né dans ce problème. J’ai grandi dans ce problème. Mon père, d’origine africaine, a étudié à la Sorbonne. Il voulait devenir professeur de français. Il n’a jamais trouvé de travail à la hauteur de ses diplômes et a fini par accumuler les petits boulots, gardien de parking ou agent de sécurité, pour finir par mourir en France, endetté, sans avoir réalisé son « rêve européen ». Les trois quart des jeunes avec qui j’ai grandi à Mulhouse sont en prison ou en ressortent. Pratiquement aucun d’entre eux n’a de diplôme, la plus part n’a même pas obtenu le brevet des collèges. Quelques chanceux ont réussi à obtenir un BEP, un CAP ou à s’engager dans l’armée pour échapper à ce triste destin. Les trois quart des jeunes de ma promotion à l’ENSAL n’ont jamais été contrôlé par la police. La plus part d’entre eux n’ont jamais fait de garde à vue. Tous ont eu leur bac avec mention et tous sont en bonne voie pour réussir leur vie. Moi, j’ai grandi entre les deux. Mais ces deux « mondes » étaient toujours très éloignés. Entre le lycée que je fréquentais et le quartier ou j’allais trainer après les cours, il n’y avait aucun lien, ni physique, ni social, ni culturel.

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Introduction / Problématique

A Vaulx-en-Velin, j’ai retrouvé ces deux mondes. Mais tout ce qui les séparait cette fois-ci, c’était un grillage. Je me souviens d’une citation de Gandhi qui disait : « Deviens le changement que tu veux voir dans le monde ». Sans avoir la prétention de réussir à changer quoi que ce soit, j’aimerais au moins voir, plus tard, les petits frères, les petites sœurs, les enfants de mes amis d’enfance, dont la vie a été sacrifié, sur les bancs d’une université ou d’une grande école. L’intégration de l’école d’architecture dans la ville de Vaulx-en-Velin était le sujet parfait pour chercher à comprendre ce qui n’allait pas et surtout qu’est-ce que l’architecture pouvait - ou ne pouvait pas - changer dans les problèmes sociaux et culturels que je connais. C’est en tout cas ce que je me suis dit en sortant du bus à Hôtel de Ville Campus, et je me mis donc à formuler mes premières questions.

Problématique

«J’prends mon flingue, ça m’chauffe le coeur» Le SGAP de marseille de Rudy Ricciotti.

J’ai cru comprendre que certains architectes « militants » tentaient de dénoncer – symboliquement ou concrètement – à travers leurs projets des préoccupations sociales plus profondes que le simple fait de loger des gens. Cette constatation a dernièrement été faite lors d’une conférence de Rudy Ricciotti, lorsqu’il expliquait toutes les subtilités qui se cachaient dans son stand de tir pour le SGAP de Marseille1 (un chauffage bas de gamme placé sous une ouverture en forme de cœur dans un mur en béton dans laquelle les policiers viennent chercher leurs armes : « j’prends mon flingue, ça m’chauffe le cœur ») ou l’utilisation du béton dans tous ses projets pour « créer de l’emploi »… D’après les dires des enseignants de l’ENSAL qui nous ont fait visiter l’école en début de L1, Françoise-Hélène Jourda et Gilles Perraudin ont eux aussi voulu changer les choses à travers l’architecture de l’école : l’administration, toute vitrée, se trouve à l’extrémité de l’école et est disposé en demi-cercle, de sorte à ce que l’on puisse sans cesse avoir un œil sur ceux qui symbolisent le pouvoir. Il parait que le campus ENTPE-ENSAL a été implanté à Vaulx-en-Velin pour favoriser la mixité sociale, justement. Quels efforts architecturaux ont été faits de ce point de vue-là ? Existent-ils d’autres architectes qui ont, à travers leurs réalisations, tenté de faire changer les choses ? Ou du moins critiqué, dénoncé des faits de société de manière symbolique ? Si oui, quels sont les moyens employés et comment se traduisent-ils dans la réalité ?

: Conférence de Rudy Ricciotti le 29 novembre 2012 à l’amphithéâtre de l’Agrapole, Lyon. 1

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Pour tenter de répondre à ces questions, nous verrons dans un premier temps les liens qui se sont créé, au fil du temps, entre architecture et politique, pour ensuite analyser, au travers d’entretiens, de revues architecturales, d’articles et de livres la réponse des architectes et des politiciens dans un cas précis (l’ENSAL) et en faire le bilan, un quart de siècle plus tard, en interrogeant les usagers et en donnant un avis plus subjectif. La problématique sera donc celle-ci : Quelle est la réponse des politiciens et des architectes à la question de la mixité sociale dans l’implantation du campus universitaire de Vaulx-en-Velin (et tout particulièrement de l’ENSAL) et quelles en sont les conséquences 26 ans plus tard ? Pour comprendre les enjeux d’un tel projet, commandé par le ministère de l’Urbanisme du Logement, dans une ville dont la municipalité vient de débuter ce qui deviendra plus tard la « Politique de la ville », il est intéressant de regarder ce qui se fait à l’époque, en matière d’architecture en banlieue. Et justement, en 1983, quelques mois après le lancement du concours de l’école d’architecture, une mission nommée « Banlieues 89 » (en référence au bicentenaire de la Révolution française) est créée. Mission qui marquera la carrière de Roland Castro (nommé délégué à la rénovation des banlieues en avril 86) et qui, parmi ces 218 projets, en inclus un de Jourda et Perraudin, les architectes de l’ENSAL. Mais d’abord, revenons-en à la naissance de la Politique de la ville, à Vaulxen-Velin…

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I. Architecture et politique La naissance de la politique de la ville « Vaulx-en-Velin, une ville qui prend son envol…»

Vaulx-en-Velin au début des années 60.

«Des centaines de barres et de tours se construisent en un rien de temps et à moindre coût.»

Ci-dessus et ci-dessous : les emeutes de 90.

Au début du siècle précédent, Vaulx-en-Velin est encore une ville qui ressemble à beaucoup d’autres villes périphériques : riche en terres agricoles, c’est une ville rurale, tournée vers l’agriculture. Dans les années soixante, on lui impose une ZUP vu le grand nombre de terrain vierge qui s’y trouvent. Des centaines de barres et de tours se construisent en un rien de temps et au moindre coût. Mais les logements sont neufs et très lumineux, « équipés selon les derniers critères du confort » disait une publicité de l’époque. Les nouveaux habitants viennent des vieux quartiers de Lyon comme la Croix-Rousse, qui comptait alors beaucoup de logements insalubres, sans salle de bain ni chauffage. Les témoignages des premiers enfants que la cité idéale de Vaulx-en-Velin a vue grandir sont élogieux : de bons souvenirs, une enfance paisible, dans un appartement agréable à vivre. Vaulx-en-Velin connait une phase très intéressante, le développement de la ZUP se passe bien, il y a énormément de mixité, les habitants sont issus de tous les milieux sociaux et font plus qu’habiter le même quartier, ils vivent ensemble, se rencontrent, communiquent, se mélangent. Le matin, un bus traverse la ville et récupère les ouvriers, les techniciens, les fonctionnaires… Il y a un vrai brassage social et culturel. L’ancien maire de Vaulx-en-Velin, Maurice Charrier, raconte « qu’on venait à Vaulx-en-Velin parce qu’on avait la certitude qu’on allait venir bâtir une cité nouvelle et participer à la construction d’une nouvelle société ». Difficile, aujourd’hui, de s’imaginer l’ambiance qui régnait alors à Vaulx-en-Velin. Mais les témoignages des premiers habitants nous raconte comment les jeunes, de différentes origines et de différents milieux jouaient ensemble, comment les uns étaient invité chez les autres pour partager un moment agréable autour d’un repas. Mais au bout de quelques années, beaucoup de personnes ont déménagés. Pas parce que le quartier ne leur convenait plus, mais pour accéder à la propriété, un peu plus loin, surement à Lyon, Villeurbanne ou une ville plus petite de la région. Et puis d’autres habitants sont venus, « des familles de notre propre culture » raconte Mourad Talbi, un habitant de la ville. Peu à peu, la mixité s’est perdue. Puis est arrivé la crise du pétrole, la montée du chômage. L’usine Rhône Poulenc a fermé, les bus ont arrêté de scionner la ville. Le projet du métro qui devait arriver jusqu’au centre-ville est finalement tombé à l’eau et les habitants se sont vraiment retrouvé entre eux, coupé de Lyon et de la société française. C’est là que les fractures sociales ont commencé à s’accumuler. La crise économique et sociale a continué à se développer au début des années 70. Les comportements racistes ont commencé à se multiplier. 30% de voix pour le FN, des jeunes se font tirer dessus par la police. Le tissu social éclate dans les années 80, beaucoup d’habitants ne se sentent plus français. Malgré la marche pour l’égalité en 83, la situation ne s’arrange pas. Les crimes racistes continuent. 3 morts en moins d’un mois. C’est la première fois que la France connait ce genre de problème dans ces proportions. C’est là que les politiciens ont réalisé qu’il fallait changer quelques choses. En

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Architecture et politique / La naissance de la politique de la ville

«Les policiens ont réalisé qu’il fallait changer quelques choses» Commence alors la demolition des grands ensembles.

La démolition du Pré de l’Herpe.

octobre 86, une semaine avant les émeutes, Maurice Charrier et Michel Noire (Président de la Communauté Urbaine de Lyon) inaugurent la restructuration urbaine du centre commerciale du Mas du Taureau dans le cadre de la procédure Habitat et Vie Sociale. C’est la naissance de la Politique de la ville. 2 mois après les émeutes de 90, François Mitterrand annonce la création d’un ministère de la ville, de sous-préfets pour les cités et d’un fond de solidarité pour les communes pauvres. Cependant, la même année, l’éducation nationale écrit encore que Vaulx-en-Velin, commune de 50 000 habitants, n’a pas besoin de lycée général. Il faudra attendre 1995 pour que le lycée Doisneau s’installe au centre-ville. L’école Nationale des Travaux Publics, installé à Vaulx-en-Velin en 1975 dans une politique de décentralisation n’est donc scolairement pas destiné à accueillir de jeunes vaudais, et architecturalement non plus, de par son renfermement sur son patio. Les années 2000 vont marquer la transformation de Vaulx-en-Velin par la restructuration du centre-ville, la construction de logements, de commerces et de parcs là où se trouvait, il y a quelques années encore, Auchan et Ikea. La ville aura finalement eu le besoin, selon certains habitants et certains politiciens, des évènements tragiques passés pour se construire et devenir un véritable laboratoire en matière de restructuration urbaine. C’est dans cette ville et dans ce contexte que l’école d’architecture s’est installée en 1987. Jourda et Perraudin travaillaient alors sur ce projet et sur l’aménagement du secteur Lyon-Venissieux-Parrilly, l’un des projets de Banlieues 89.1

«Que peut espérer un être jeune qui nait dans un quartier sans âme?»

François Mitterand lors de sa visite à Vaulx-en-Velin, deux mois après les emeutes de 1990.

: Ce résumé de l’histoire de Vaulx-enVelin a été fait, en grande partie, grâce au film d’Olivier Bertrand : « Vaulx-enVelin, la cité retrouvée ». Les citations et les photos sont toutes issues de celui-ci. 1

Olivier Bertrand / Vaulx-en-Velin, la cité retrouvée / cocottesminute productions / 52’.

Le centre commercial dans les années 70-80, avec en haut à droite, l’ENTPE et le campus tel qu’ils étaient à l’époque.

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Architecture et politique

Banlieues 89 « Faire qu’une université puisse aussi accueillir des fonctions urbaines »1 Le 10 mai 1981, la gauche accède pour la première fois au pouvoir sous la 5e république avec l’élection de François Mitterrand. C’est l’occasion pour certains architectes militants de gauche ou du parti communiste de retrouver un peu d’espoir. Le lendemain des élections, Roland Castro, architecte, urbaniste et militant politique, écrit un poème intitulé « on s’occupe des banlieues ». Le lien entre politique et urbain n’est pas encore très clair dans les esprits, mais les choses ne vont pas tarder à changer. Roland Castro rencontre le président Mitterrand en juillet 1983 et après lui avoir exposé ses idées, Mitterrand le nomme délégué à la rénovation des banlieues. Dans son livre « Faut-il passer la banlieue au kärcher ? » Carte de Paris réalisée par l’agence de Roland Castro affirme que le problème des grands ensembles n’est pas Roland Castro. un problème de méchanceté de la part des architectes, mais bien un problème de stupidité : « certains architectes technocrates en sont d’autant plus frappés qu’ils sont pétris de certitudes. Les architectes, dans leur peur de création, adorent le « mitoyen » : remplir une dent creuse dans une rue bien faite les soulage. Le contexte est posé. Quant à créer ex nihilo, une bonne théorie dogmatique leur est indispensable. »2 Quelques pages plus loin, il écrit que « Dans la ville, chacun peut être seul avec, comme le disait André Malraux, son « misérable tas de petits secrets » ; les banlieues, au contraire, sont des lieux panoptiques. »3 Deux citations qui me font étrangement penser à l’ENSAL, mais nous y reviendront plus tard. Roland Castro est convaincu que l’architecture et l’urbanisme sont des questions politiques, que la communauté intellectuelle ne comprend toujours pas le lien entre social et urbain et que « la non-citadinité d’un lieu peu peser sur la citoyenneté »4. Les 218 projets de « Banlieues 89 » ont l’ambition de transformer ces banlieues en villes à part entière en travaillant étroitement avec les élus locaux, ce qui est encore inhabituelle à l’époque. Le but de la mission est d’unifier, de désenclaver, d’échanger. Structure abri de la station de métro “Parilly” (Lyon, France) Elle a aussi pour but de faire qu’ « un parking de supermarché puisse aussi être un écran visuel ou anti-bruit, qu’une route nationale soit ausCi-dessus et ci-dessous : le projet de si par endroits un boulevard urbain, qu’une gare offre également une Banlieues 89 de Jourda et Perraudin. station-service et un garage pour les automobilistes qui y déposent leur voiture, qu’une université puisse aussi accueillir des fonctions urbaines. »5 C’est ce que disait en tout cas l’article de Christophe Bayle écrit en 1985, article qui présentait le projet de l’agence Jourda et Perraudin, une jeune agence de 4 ans à peine qui venait de finir ces études à l’école d’architecture de Lyon. Une jeune agence qui se veut être tournée vers l’architecture écologique et participative.

© JOURDA Architectes

Programme: station de métro LigneD Coût de construction: 5 336 000 € (valeur 1985) Calendrier: etudes: 1982-1983 chantier: 1985-1992 Maître d’Ouvrage: SYTRAL Avec: Gilles Perraudin.

: Christophe Bayle / 1985 / Banlieues 89 / Techniques et architecture / n°359 / p.114-129. 2,3,4 : Roland Castro /2007 / Faut-il passer la banlieue au kärcher ? / Paris / L’Archipel / « Contre-courants » / 139 pages. 1,5

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Architecture et politique

L’architecture participative « Qu’il est difficile d’être génial, couché en solitaire sur un mètre carré de papier blanc… »1

Gilles Perraudin et Françoise-Hélène Jourda.

Construire autrement, le livre de Patrick Bouchain.

Patrick Bouchain / 2010 / Construire ensemble les grands ensembles / Arles / Actes Sud / 72 pages. 2,3 : Gilles Perraudin / 2012 / Monographie / Dijon / Les presses du réel / 128 pages. 1, :

Gilles Perraudin est né en 1949. Il intègre l’école de la Martinière, qui a la particularité de dispenser un enseignement scientifique, technique et professionnalisant, privilégiant le lien entre « savoir et savoir-faire ». Cette formation se fera ressentir dans les futures œuvres de l’agence. Il est diplômé en 1970 et part voyagé en Europe et au Moyen-Orient, où il expérimente des nouvelles approches architecturales apparues après mai 68 : l’architecture participative. De retour à Lyon, il travaille dans une entreprise de construction en bois avant d’intégrer l’école d’architecture de Lyon. Grâce à l’un de ses enseignants, Pierre Genton, il aura l’occasion d’effectuer un stage en Algérie, chez André Ravéreau qui créa l’ « atelier du désert » en 1959, dont Gilles Perraudin dira dans un article qu’ « en 1953, à Aix-en-Provence, pour le 9e congrès des CIAM, une bande de <trublions> – ainsi les nommait Le Corbusier – vont proposer une alternative architecturale au dogme des CIAM, la Charte d’Athènes. […] Ils revendiquent une architecture plus sociale, en relation étroite avec le contexte géographique et culturel dans lequel elle se situe, une architecture que nous dirions aujourd’hui située »2. C’est dans ce contexte que « Gilles Perraudin se sensibilise intellectuellement mais aussi dans la sueur des chaleurs intenses du nord-saharien à l’importance des lieux, des cultures, des climats »3. En 1977, il obtient son diplôme en faisant un travail de fin d’étude sur la participation des habitants pour créer de l’architecture. Françoise-Hélène Jourda est diplômée en 1979, et rejoins ensuite son futur mari et collaborateur dans son agence. Comme lui, elle est une militante précoce de l’écologie, attentive aux nouvelles aspirations sociales. Si j’ai choisi de parler de Patrick Bouchain dans ce travail, c’est pour deux raisons. La première, c’est qu’il me semble qu’il y a un lien, une comparaison qui peut être faite, entre l’architecture si spécifique de Bouchain et les débuts de l’agence Jourda et Perraudin dans l’architecture participative. La deuxième, c’est tout simplement que j’aurais adoré voir la réponse de Bouchain pour un concours comme celui du bâtiment de l’ENSAL. J’ai donc cherché à en savoir plus sur cet architecte et sur ces réalisations. Bouchain est un architecte qui, comme ceux de Banlieues 89, parle beaucoup d’architecture, sans pour autant la dessiner. Il a étudié à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris. Après l’obtention de son diplôme, il décide dans un premier temps de ne jamais construire. Il assiste, conseille, accompagne, modifie, remodèle. Mais ne construira pas avant 1995, c’est-à-dire à 50 ans. Je trouve cette approche de l’architecture très intéressante et je pense que si plus d’architectes étaient amené à raisonner ainsi, des problèmes comme ceux créés par les grands ensembles n’existeraient peut-être pas. Pour Bouchain, il y a certains actes

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Architecture et politique / L’architecture participative

qui sont fondamentales lorsqu’on parle d’intégration sociale ou culturelle. D’abord, il faut regarder si aux alentours du site où l’on va construire, quelqu’un serait capable de réaliser l’ouvrage : « un habitant, un artisan, une entreprise qui pourrait être acteur, avec d’autres, de la transformation de son environnement. »1 Puis il faut voir qui se servira de l’ouvrage, qui s’en occupera, qui sera invité à l’habiter. « Si l’architecture était envisagée comme cela, on se poserait peut-être moins de questions de forme et plus de questions de fond, et il y aurait d’avantage d’enchantement dans la chose produite, qu’il s’agisse de logement social, d’espace de travail ou d’espace public, car c’est le fond qui, une fois posé, fait la forme, qui est elle-même l’expression du groupe qui a été constitué pour réaliser l’ouvrage. »2 Bouchain pense donc que le chantier doit être un « acte culturel » en luimême, et propose même un mode d’emploi pour rendre cet acte possible. Pour exister, le chantier doit être muni de ce qu’il appelle « la maison commune », où se croisent entrepreneurs, ouvriers, maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre, futurs utilisateurs et public. Cette maison, réalisée en utilisant des matériaux usagés récupérés chez les entreprises qui participent au projet, doit être un lieu d’échange et de communication, mais aussi un lieu de fêtes, d’expositions, de spectacle ; un lieu culturel. La maison doit être habitée par une structure, une association culturelle, des étudiants en stage qui sont là pour apprendre mais aussi pour expliquer le projet aux habitants du quartier et aux classes des écoles, collèges, lycées, universités de la région venu visiter le chantier, ouvert au public. Avant même son inauguration, le bâtiment aura donc participé et servi à la vie sociale et culturelle du quartier où il se trouve. Ce genre de chantier aurait donc certainement été bénéfique dans un lieu et dans un contexte comme celui du campus de Vaulx-en-Velin, surtout lorsqu’on regarde les enjeux politiques, sociaux, culturels et éducatifs du projet.

Consruire ensemble les grands ensemble, «revue» dans laquelle Patrick Bouchain et ses collaborateurs expliquent la démarche du chantier culturel.

: Patrick Bouchain / 2006 / Construire autrement / Arles / Actes sud / Série l’impensé / 190 pages. 1,2

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II. Une école d’architecture en banlieue Les enjeux du projet « Pourquoi une école d’architecture ne se situerait-elle pas dans un édifice contemporain ? Et pourquoi pas dans une banlieue moderne ? Ou une Z.U.P. ? »1

: Jean-Louis Remilleux / 1982 / L’école d’architecture déménage sous les protestations / JRA. 2 : Patrick Bouchain / 2010 / Construire ensemble les grands ensembles / Arles / Actes Sud / 72 pages. 3 : Gilles Perraudin / 2012 / Monographie / Dijon / Les presses du réel / 128 pages. 4 : 1982 / Une école pour les architectes / Le Progrès. 1

Nous avons vu précédemment que la Politique de la ville était née à Vaulx-en-Velin, suite aux émeutes de 90. L’école des travaux publics, qui était censé apporter de la mixité à cette ville, n’y arrive pas vraiment. Bien sûr, les émeutes n’ont pas aidé à redorer l’image de Vaulx-en-Velin, ce qui explique peut-être que les étudiants de l’ENTPE n’ont pas vraiment envie de s’intégrer et de participer à la vie du quartier, même si certaines associations créés dans ce but commencent à voir le jour. Mais l’architecture est un réel frein à cette ouverture, et comme le dit Lucien Kroll, « L’architecte n’est pas coupable mais l’architecture criminogène l’est pleinement car elle se fait le détonateur indispensable de ces violences. Les spécialistes ne regardent la modernité que comme un projet innocemment rationnel et malheureusement encore inaccompli, sans aucunement la voir comme une régression dramatique. Ils la croient le remède alors qu’elle est la maladie… »2 Et la ville, comme le campus, sont réellement malades. Les bâtiments de l’ENTPE tournent le dos à la ville, s’ouvrant au nord sur un campus laissé vide, avec un immense parking longeant la rue Maurice Audin, qui n’était alors pas relié à la rue Emile Zola. Les espaces extérieurs sont laissés à l’abandon, et même quand ceux-ci sont aménagés, ils ne communiquent pas avec leur environnement proche. Nous savons également que suite à Mai 68, l’enseignement de l’architecture à fondamentalement changé. Les écoles d’architectures sont encore en constitution suite à l’éclatement de l’école des Beaux-Arts ; « elles se sont muées en lieux d’observation et de réflexion. »3 A l’époque, on parlait beaucoup de la dissolution de l’Ordre des Architectes, ce qui avait pour cause de laisser ces derniers dans le doute. Deux groupes se forment alors : un Syndicat de l’Architecture pour la redistribution de la commande (avec notamment Roland Castro ou Paul Chemetov) et de l’autre côté, l’Ordre des Architectes, qui prétend représenter l’ensemble de la profession, mais qui est plutôt de droite. L’Ordre, pour continuer à exister, doit rassurer les architectes et éviter les disputes aux seins de la profession. Plusieurs communiqués circulent alors, parlant de l’enseignement de l’architecture et de la profession en elle-même. Dix ans plus tard, l’école d’architecture de Lyon qui logeait dans des locaux préfabriqués et qui avait bien dû déménager une demi-douzaine de fois, se devait de trouver un bâtiment à la hauteur de sa réputation et en accord avec les changements de son temps, tant au niveau technique et architectural qu’au niveau institutionnel. Pour les politiciens, l’enjeu est donc d’ouvrir le campus à la ville, et pour les architectes, que l’école soit « représentative de la démarche architecturale contemporaine »4. Reste à savoir si l’école va réellement s’implanter à Vaulx-en-Velin, car tout le monde ne semble pas partager l’avis des politiciens.

Mixité sociale ou ségrégation spatiale : Le cas de l’école d’architecture de Lyon

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Une école d’architecture en banlieue

Un concours controversé « L’école d’architecture déménage sous les protestations »1 En 1976, l’Ecole d’Architecture de Lyon se situe encore dans des locaux préfabriqués à Saint-Just. Suite à un incendie, l’école déménage. Après la rue Roger-Radisson, la rue Neyret, la montée du Gourguillon, puis un ancien couvent à Ecully. Les déménagements se multiplient. En 1982, Mr. Curtelin, président de l’Ordre des architectes, écrit que « l’école d’Ecully ne correspond plus aux besoins de l’enseignement et à notre époque. Mais il est possible de la réhabiliter »2. Mais c’est trop tard. Jean-Pierre Duport à l’idée de lancer un concours pour construire une école sur le campus de l’ENTPE à Vaulx-en-Velin malgré les protestations de certains architectes, dont Mr. Curtelin qui disait « qu’une école d’architecture ne doit pas être excentrée, déportée en banlieue »3. De l’autre côté, d’autres s’étonnent de ces réactions et disent come Mr. Duport, directeur de l’Architecture au ministère de l’Urbanisme du Logement, que « l’école est nationale, de surcroit, et pas du tout lyonnaise ».Et « pourquoi une école d’architecture ne se situerait-elle pas dans un édifice contemporain ? Et pourquoi pas dans une banlieue moderne ? Ou une Z.U.P. ? »4 On décide donc, malgré les protestations des architectes et ceux de certains professeurs de l’école, qui auraient préféré rester sur Lyon, d’organiser un concours le 7 avril 1982. Neuf équipes d’architectes sont invités au concours : Gautron et Nébot, Lucien Kroll, François Régis Cottin, Jean-Vincent Berlottier, Philippe Dubois, Edmond Lay, Pli Architecture, Mario Botta, Jourda et Perraudin. Le maitre d’ouvrage (ministère de l’Urbanisme du Logement, de l’Aménagement du territoire et des Transports, direction de l’Architecture et de l’Urbanisme) demande que l’architecture de l’école soit « représentative de la démarche architecturale contemporaine, de la position que prennent les architectes dans notre société et témoigne d’une façon de penser l’architecture »5. L’école devra être « une leçon d’architecture ». Disposant d’un budget de 18 millions de francs, l’architecte devra composer avec l’école des travaux publics conçu par l’architecte Perrin-Fayolle (prix de Rome), car certains locaux devront être communs aux deux écoles. Il devra également créer un espace paysagé qui est, pour l’instant, inexistant sur le site. Les articles de journaux disent que le projet de Jourda et Perraudin a tout de suite reçu l’unanimité du jury, mais Maurice Charrier se souvient que le projet qui lui avait plu avait un bâtiment construit au raz de l’espace public, directement sur la rue Maurice Audin.

: Jean-Louis Remilleux / 1982 / L’école d’architecture déménage sous les protestations / JRA. 5 : 1982 / Une école pour les architectes / Le Progrès. 1,2,3,4

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Une école d’architecture en banlieue

La leçon d’architecture Icare et Dédale

Croquis de l’agence pour le projet de l’ENSAL.

Premier plan masse du projet.

: 1982 / Ecole d’Architecture de Lyon / L’Architecture d’Aujourdh’ui / n°223 / p.61-64. 3 : Agnès Guenard / 1987 / Archi à Vaulx-en-Velin / Le Progrès. 4 : J.L. / 1987 / La nouvelle école d’architecture de Lyon / AMC / n°18 / p.31-38. 1,2

En 1982, le magazine l’Architecture d’Aujourd’hui dévoile les premières esquisses du Projet de Jourda et Perraudin, surement les mêmes qui les ont fait gagner le concours. On y voit le plan masse du premier projet, où la partie circulaire du bâtiment contenant les locaux administratifs est inexistante, où une passerelle relie encore l’école d’architecture à l’école des travaux publics et où l’aménagement du campus semble un peu plus organisé. Du bâtiment de l’ENTPE, on disait alors que ses façades donnaient « l’impression qu’après elles plus rien n’était possible »1. Et à propos du campus, on disait « qu’il était impossible de requalifier des espaces aussi déstructurés »2. Perraudin essaye donc de redonner « une continuité urbaine au site avec un campus au milieu »3. Mais d’après les dires de Serge Monnot, professeur à l’ENSAL, ancien étudiant de l’école et stagiaire dans l’agence de Jourda et Perraudin, l’intégration au site n’était pas vraiment la préoccupation principale des architectes. Jourda et Perraudin vont donc chercher une « bonne théorie dogmatique », qui est, on l’a vu plus haut, indispensable à certains architectes pour créer « ex nihilo ». A défaut de partir du site, le projet par donc d’un concept fort : la création d’une typologie des lieux de l’enseignement. D’abord, le lieu de l’enseignement des matières théoriques, avec un rapport de maitre à élève. Puis, le lieu de l’expérimentation des matières théoriques : les laboratoires. Enfin, les lieux de l’entrainement à la démarche du projet et les lieux de publication et d’échange : les ateliers. Pour symboliser les différences entre enseignement théorique et espaces créatifs, plus libre, le bâtiment est divisé en deux espaces esthétiquement et architecturalement différents : le rez-de-chaussée, massif, en béton, contient les salles de cours théoriques, et l’étage, transparent, en acier, bois et verre, contient les ateliers. L’administration vient se rajouter à l’extrémité sud du bâtiment, comme une partie dont on aimerait bien se passer mais qui est nécessaire. La façade nord semble être inachevée, et j’appris lors de mes recherches que dès la conception du bâtiment, une extension était envisagée au nord. Le budget pour l’école d’architecture étant limité à 18 millions de francs, l’architecture se doit d’être économique. Les architectes veulent donc montrer que « la qualité architecturale est indépendante de la « richesse » des matériaux utilisée mais qu’elle nait de l’adéquation entre le matériau, sa forme et la signification qu’il prend dans son rapport avec la « forme » architecturale »4.La plus part des éléments architecturaux sont donc préfabriqué et standardisé pour limiter les coûts et la durée du chantier. Au rez-de-chaussée, dans la partie massive du projet, les voutes sont composées d’arcs faits de claveaux préfabriqués ; à l’étage, les portiques sont fait en poutre de lamellé collé à section constante (20x20cm) et les pièces d’acier moulé ne sont que de deux types : les pièces d’articulation horizontales de la rue intérieure et des mezzanines et les pièces en extrémité des poutres verticales et inclinées.

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Une école d’architecture en banlieue / La leçon d’architecture

Dédale et Icare , Patrice Giorda.

Quand on s’intéresse à l’architecture de Jourda et Perraudin, il y a des références qui ne cessent de revenir. Parmis elles, Louis Kahn bien sûr, mais aussi le mythe d’Icare et Dédale. Mythe qui fascine particulièrement Gilles Perraudin et qu’il ne cesse d’essayer de transposer symboliquement dans son architecture. Perraudin écrira un jour pour une conférence que « dans l’histoire de Dédale et Icare, celui qui se trompe, celui qui va mourir, c’est celui qui a cru que la lumière résidait dans sa source physique. Non, la lumière est dans l’ombre de la matière et c’est Dédale qui a raison. Dédale a donné dans le Labyrinthe un sens à notre travail, il est le père des architectes. Cette matière, ce n’est pas seulement celle du bâtiment, celle qui permet de construire, c’est aussi celle du site, du lieu, de son histoire, de ses caractéristiques physiques et climatiques. Le travail de l’architecte, c’est aussi de faire émerger le sens du lieu. »1 A l’ENSAL, l’analogie entre le mythe et le bâtiment est très claire : Dédale est le soubassement en béton (père-savoir-réaction-certitude) et Icare est la superstructure en verre, en acier et en bois (fils-recherche-contestation-doute). Cela fonctionne du point de vue du programme – avec les salles de cours théoriques situé au rez-de-chaussée et les ateliers qui laissent plus de liberté et de créativité situés à l’étage – et de l’esthétique, avec les « ailes » du bâtiment, ces voiles suspendus à la superstructure qui permettent de donner de l’ombre aux ateliers et qui font qu’on compare parfois le bâtiment à un vaisseau (comparaison renforcée par les « hublots » et la formes des conduits de la ventilation). Icare, le fils, l’étudiant en quête de liberté, tente de s’envoler, mais Dédale, le père, l’architecte, le professeur savant l’en empêche. Cette image forte fera peut-être justement que l’ENSAL, contrairement à la ville qui l’accueille, ne pourra pas « prendre son envol ».

Vue du campus.

Coupe transversale schématique.

: Gilles Perraudin / 2001 / Matière d’architecture : conférence donnée à Toulouse le 23 mai 2000 / Poésïs. 1

Façade schématique.

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III. 26 ans plus tard Les limites de la leçon « La non-citadinité d’un lieu peu peser sur la citoyenneté »1

Vue de l’administration, «dont les seules ouvertures sont en forme de meurtrière».

: Roland Castro / 2007 / Faut-il passer la banlieue au kärcher ? / Paris / L’Archipel / « Contre-courants » / 139 pages. 1

Le bâtiment est livré pour la rentrée 86. Mais – erreur des maitres d’ouvrage ou des maitres d’œuvre – le budget pour le mobilier n’a pas été prévu. L’ouverture de l’école est donc retardée d’une année. Jourda et Perraudin retournent dans leur agence pour dessiner un mobilier en adéquation avec l’architecture de l’école, mais celui-ci ne sera jamais réalisé. D’autres éléments du projet manquent aussi à l’appel : l’idée de la passerelle qui devait créer la liaison entre l’ENSAL et l’ENTPE a été abandonnée au cours du projet. Certains diront même que les architectes n’ont jamais eu l’intention de créer un lien avec ce bâtiment que beaucoup trouve détestable : la façade totalement fermé de l’administration, dont les seules ouvertures sont en forme de meurtrière, laissent penser que ces personnes ont raisons. Le velum qui devait recouvrir l’amphithéâtre de verdure, et ainsi créer un espace couvert, appropriable par les étudiants, est lui aussi absent. Quant à l’aménagement du campus, il se limite à l’amphithéâtre de verdure et à quelques bancs. Le reste est laissé à l’abandon, transformé en véritable terrain vague, occupé par le stationnement anarchique de voitures d’étudiants. Lorsque je suis venu habiter à Vaulx-en-Velin, j’étais content de venir ici. J’ai grandi à Mulhouse, entre la ZUP des Coteaux et le centre-ville, et en fait, venir habiter à Vaulx, ça me rassurait. Beaucoup de personnes ont le mal du pays lorsqu’elles partent habiter loin de leur ville d’origine. Moi, je suis arrivé ici un dimanche matin du mois d’aout 2010. Il faisait beau, c’était la première fois que je venais à Vaulx-en-Velin (j’étais venu à Lyon une seule fois quelques mois auparavant pour le concours qui avait lieu au centre-ville). Je découvrais Laurent Bonnevay, des jeunes en tongues et en maillot de bain qui attendaient le bus pour aller au lac de Miribel. Le marché, ses bruits, les odeurs du pain et du poulet rôti, le centre-ville, la piscine qu’ils avaient installée en face du Planétarium, les terrains de foot remplis de jeunes, le bruit des scooters et des motos. Je me suis tout de suite senti chez moi. Chez moi dans le sens « dans mon pays », en tout cas comme je le connaissais. Puis l’école a commencé. Les « ingénieurs » ont débuté les cours une semaine avant nous, et comme j’habitais dans un immeuble qui en hébergeait beaucoup, j’en ai rencontré quelques-uns. Une semaine plus tard, c’était au tour des « archis » de retourner sur les bancs de l’école. J’ai toujours aimé les études, je me suis donc tout de suite senti bien, ici aussi. Cependant, j’ai toujours eu l’impression de traverser un mur invisible en passant l’entrée du campus, comme si je passais d’un monde à un autre, les deux totalement différents. Cette sensation a souvent été amplifiée par une voie, un agent de la sécurité qui me demande « vous avez votre carte étudiant ? », à moi ou à Younes, Yassine ou Walid, des étudiants de l’ENTPE. Comme s’il y avait une frontière, qu’on changeait de pays, et que nous étions suspecté de ne pas avoir le visa adéquat. Alors forcément, on s’est tout de suite compris, entre « étrangers » dans

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26 ans plus tard / Les limites de la leçon

ce campus, mais on en avait l’habitude vu que des phénomènes semblables ont dû nous arriver au collège ou au lycée. Mais j’ai voulu comprendre pourquoi. Pourquoi c’était comme ça, pourquoi il y avait un tel écart de mentalité entre des jeunes d’un même pays, comme si deux cultures différentes avaient évolué parallèlement et séparément. Donc j’ai multiplié les expériences entre le campus et son environnement, grâce à des projets d’arts et des professeurs ouverts et grâce à Yassine, mon ami de l’ENTPE et le projet des « cordées de la réussite » auquel il participait depuis une année. Je n’oublierais jamais les fous rires qu’on a eu avec les collégiens lors des visites à l’école, ou ceux qu’on a pu avoir lors de soirées avec des jeunes vaudais qu’on avait filmé dans leurs quotidiens pour un projet et des étudiants de l’ENTPE venant du Raincy, une ville aisée de la banlieue parisienne. C’était comme si le mur invisible qui enfermait le campus se brisait et que la vie dans la ville circulait à nouveau librement. Puis les étudiants sont partis en stage, il y a eu les vacances et à la rentrée, le mur avait réapparu. L’agent de la sécurité nous demandait si on était de l’école, celui de l’ENTPE nous refusait l’accès aux soirées…Il fallait tout recommencer du début. C’est là que je me suis demandé si le problème ne venait pas du campus et de ses « bâtiments objets ». En discutant avec les différents usagers de l’ENSAL, j’ai pu remarquer que mon avis était partagé. Il paraitrait même qu’on a eu l’intention, à une époque, de détruire le bâtiment. Mais un projet d’extension serait plus raisonnable.

Vue de l’intérieur du campus.

Vue depuis l’extérieur du campus.

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26 ans plus tard

Les projets d’extension « Une rénovation et une extension impossible ? »1

Plaquette présentant l’«extension provisoire».

En 2007, quelques années avant que je rejoigne le campus ENTPE-ENSAL, le magazine l’Architecture d’Aujourd’hui profite des vingt ans du bâtiment pour faire un bilan et pour questionner architectes, enseignants et étudiants sur le projet. Le constat n’est pas très réjouissant. Effectivement, le bâtiment a mal vieilli, manque de surface et son utilisation s’avère difficile. Certains problèmes sont uniquement liés aux limites du programme initial : l’aile de recherche, semblable à l’administration mais greffée sur la façade nord du bâtiment, devait être édifiée quelques années après l’inauguration de l’école. Les services qui devaient s’installer dans les locaux de l’ENTPE n’y sont jamais entrés. La reprographie occupe une issue de secours. La bibliothèque de l’école s’est rajoutée après l’obtention du permis de construire, et faute de place, les escaliers ne sont pas règlementaires. Mais d’autres problèmes semblent être liés aux architectes ou à la direction de l’école. En effet, les étudiants accusent les architectes d’avoir livré un bâtiment de mauvaise qualité la verrière de la rue fuit quand il pleut, les températures sont insupportables – en été comme en hiver -, les ateliers ne sont pas prévus pour travailler sur ordinateur, les salles de cours ont une qualité acoustique médiocre. Ce à quoi Perraudin répond, en accusant à son tour étudiants et direction, que l’école n’a pas été entretenue depuis son inauguration et que les étuditans ne se sont jamais servi des systèmes de ventilation qui devaient permettre de garder des températures agréables en été. Une extension a été confié à Perraudin mais selon Hervé Lequay, enseignant à l’ENSAL et président de la commission pédagogie et recherche, « la multiplicité des intervenants » faits que le projet ne voit pas le jour. Au final, on décide de mettre en suspens le vrai projet d’extension, qui devra avoir environ 3000m² de surface, pour construire une « extension provisoire » au Nord de la « rue » intérieur, démontable et réutilisable. Il est clair que cette extension ne peut pas satisfaire les besoins des 700 usagers de l’école (en période intense), qui a elle été prévu pour 450 étudiants (elle en compte aujourd’hui 900 – étudiants et stagiaires). Et elle peut encore moins réglé le problème du campus, le problème de l’environnement de l’école.

: Gabriel Ehret / 2007 / Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon / L’Architecture d’Aujourdh’ui / n°370 / p.94-99.

Au cours de mes études ici, j’ai eu la chance de suivre des enseignements divers et variés avec des enseignants tout aussi différents les uns que les autres. Parmi ces enseignants, il y eu un certain nombre de départs, et il y en aura surement encore dans les années à venir. Je me souviens de Luc Perrault, un professeur d’art qui m’avait beaucoup marqué et qui avait dû expliquer à un étudiant de ma promotion que les jeunes vaudais n’étaient pas des monstres et que nous n’étions pas dans un zoo. Plus tard, j’appris que ce même enseignant était l’encadreur d’un ami en M1, Younes, qui réalisait un projet dans le cadre d’un enseignement de Master avec des élèves d’un lycée de Vaulx-en-Velin. Paulo Amaldi est parti lui aussi. Je me souviens qu’un jour, pendant la pause de 10 heures en amphithéatre, il s’était fait voler son portefeuille et son

Plan actuel de l’ENSAL avec l’extension provisoire au Nord.

1

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26 ans plus tard / Les projets d’extension

téléphone alors qu’il était sorti acheter un café. On dit qu’il n’aimait pas beaucoup l’école, ou du moins son environnement. D’autres enseignants sont dans le même cas, comme Antonella Mastrorilli qui part à la fin de l’année d’après certaines rumeurs. Mais la plus part des enseignants architectes ne critiquent pas l’école et la présentent avec fierté et admiration au nouveaux étudiants, chaque année. C’est vrai qu’il faut avouer que malgré ses nombreux défauts, l’école reste un très beau bâtiment pour un architecte. Par contre, pour ceux qui ne le sont pas et passent par hasard devant l’école, la beauté du bâtiment est difficile à trouver. Ci-dessus et ci-dessous : projets d’extension réalisés par des étudiants de Master.

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26 ans plus tard

La réponse de la ville « Certains connaissent peu Vaulx-en-Velin, tout comme peu de Vaudais connaissent cette école d’architecture.»1

Ci-dessus et ci-dessous : Les prospectus des Grands Projets de Vaulx-enVelin présentant les réaménagements s’arrêtant «au bord du trottoir» du campus.

Vu que « l’ouverture » de l’école ne se faisait pas par l’architecture, la ville a voulu apporter sa contribution. En 2011, un arrêt de bus vient s’installer juste devant l’entrée du campus et s’appelle même « ENTPE - école d’architecture ». Les résidences étudiantes des Onchères, des Verchères et de Jaques Laplace sont rénovées dans le but d’attirer plus d’étudiants et il y a aussi la résidence des Arts qui s’est installée lors de la restructuration du centre-ville, dans un immeuble en face du parc de la Paix et des Libertés. Ce n’est plus le cas mais jusqu’en 2009, la municipalité accueillait les nouveaux étudiants et leur présentait la ville ainsi que ces associations et les activités qu’on pouvait y pratiquer. Les Grands projets de Ville de Vaulx-en-Velin continuent de tenter, en vain, d’ouvrir les Grandes écoles sur la vile. Des prospectus sont distribués, parlant du réaménagement du quartier Vernay-Verchères, celui qui se trouve juste derrière les terrains de tennis du campus. Et le réaménagement s’arrête au bord du trottoir. Bien sûr, le quartier a besoin d’être réhabilité d’urgence. Mais tous ces changements que connait la ville n’affecteront en rien ce qui se passe à l’intérieur du campus tant que celui-ci ne sera pas réhabilité lui-même. Pour preuve, la ville a énormément changé c’est 25 dernières années. L’immense centre commercial s’est transformé en centre-ville, les lignes de bus ont réapparu. Ceux qui ont quitté Vaulx-en-Velin dans les années 80 ne reconnaitraient pas la ville en y revenant aujourd’hui. Bien sûr, il reste énormément à faire, mais il faut admettre que la ville a évolué. Architectes et urbanistes ayant tous deux échoué à l’intégration du campus à la ville, il a fallu trouver autre chose. La piscine de l’ENTPE s’est ouverte aux écoles du quartier, mais les « troupeaux » d’élèves traversant le campus de temps en temps semblent aussi étrangers au lieu que les étudiants qui visitent le quartier pour un exercice d’art, de dessin ou de projet. Des associations et des partenariats entre Grandes Ecoles et établissements scolaires du quartier ont donc été créés. Mais ces partenariats ne se créer jamais par l’espace même : je veux dire par là que par de simples aménagements urbains, on peut être amené à se rencontrer et à créer des liens avec un lieu ou des gens. Seulement ici, c’est tout l’inverse, et si l’école et son architecture panoptique rappelle l’architecture des prisons, le campus en est une, avec une entrée, une sortie et une surveillance ininterrompue. Donc les actions menées par la ville apparaissent et disparaissent aussi vite que l’arrivée et le départ des étudiants.

: Nicolas Romanie / 1991 / Les étudiants et la ville / Le Progrès. 1

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Conclusion

Le PFE de Cécile Perriche analysant le campus et ses «bâtiments objets».

Cela fait maintenant trois années que je suis étudiant à l’ENSAL. Mon troisième printemps passé ici approche, il fait de plus en plus beau. Le soir, après les cours, je me retrouve souvent sur le parking de l’ENTPE, garé en face de l’ENSAL, dans la voiture de Ludivine ou dans celle de Thomas, deux étudiants de ma promotion. On fume une dernière cigarette avant de rentrer chez nous, et bizarrement, depuis trois ans, je leur pose toujours la même question. « Comment tu trouves notre école ? » Et bizarrement, la réponse est toujours la même, que je la pose a Ludivine, Thomas, Max, Ismail, François, Gauthier ou Yassine. Ou plutôt, l’absence de réponse se fait toujours de la même manière. Un blanc, un temps de pause. Une réflexion silencieuse. Pas de réponse. La discussion dérive. Nous éprouvons tous un sentiment bizarre, une sorte de mélange d’admiration et de dégout pour ce bâtiment, le même sentiment que certaine personne éprouve pour un architecte comme Le Corbusier. La comparaison n’est pas innocente. Dans un PFE de 2009 traitant d’une extension de l’ENSAL, Cécile Perriche écrit que « les bâtiments existants sont flottants dans le tissu de Vaulx-en-Velin. Ce sont des bâtiments objets ». Et effectivement, volonté des architectes ou pas, les bâtiments du campus sont conçus comme les grands ensembles, sans aucun rapport au site. Le problème de l’ENSAL est un problème qu’on rencontre souvent en architecture. J’ai eu l’occasion de le découvrir en enseignement de projet, lorsque des enseignants décidèrent qu’un projet, le mien ou celui d’un autre étudiant, était hors sujet, mais qu’il méritait une excellente note, pour une raison ou pour une autre. Il est certain que le bâtiment dessiné par Jourda et Perraudin est doté de qualité architecturale étonnante. Lorsqu’on y pénètre, on ne cesse de se demander, de voir, de sentir comment ça tient, comment c’est fait. Mais lorsqu’on en sort, on a qu’une envie, c’est rentrer chez soi, faute d’aménagement et d’intégration au site. Le bâtiment de l’ENSAL est beau. Certes, un manque d’entretien de la part de l’administration et des étudiants ont fait qu’il a un peu mal vieilli. Il y fait froid en hiver, chaud en été. On a du mal à s’entendre dans les salles de cours et lorsqu’il pleut, il pleut même dans la rue, à l’intérieur. Mais le vrai problème de l’ENSAL est que le bâtiment n’a pas été conçu pour le site destiné à l’accueillir. Dans le sujet qu’on nous a donné ce semestre pour le projet d’édifice, il y a une citation qui m’a particulièrement marqué : « J’examine attentivement la nature de chaque chose. Lorsque je fais une école, j’essaie de résoudre le problème école plutôt qu’une école. D’abord, savoir pourquoi l’école est différente. Je n’ai jamais lu littéralement un programme. C’est quelque chose de circonstanciel. »1

: Louis Kahn / 1996 / Silence et lumière / Editions du Linteau. 1

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Conclusion

Malgré l’admiration que porte Gilles Perraudin pour Louis Kahn et malgré son passé tourné vers l’architecture participative, qui pourrait l’affilier à un architecte comme Patrick Bouchain, je pense que l’ENSAL aurait pu être conçu différemment, avec un lien spatial et social plus proche de son site. Je suis certain que si on avait confié ce projet à Patrick Bouchain, il y aurait eu quelque chose de symbolique dans l’acte même de bâtir, ici, une école d’architecture, que le campus aurait accueillie des ateliers, semblables à ceux de l’Isle d’Abeau, où jeunes étudiants et jeunes ouvriers, présents en grand nombre dans le quartier, auraient expérimenté et construit ensemble, que le centre du campus serait un lieu de vie et de rencontre. Mais voilà, le bâtiment est là, il faut faire avec. Tous les projets d’extension ont été abandonnée (ou du moins mis en suspens) et le campus n’a pas énormément changé en 26ans. A la question « pourquoi ? », architectes et politiciens répondent à l’unanimité « parce qu’on manque d’argent ». Ne pourrait-on pas, nous, en tant qu’étudiants de l’école, futurs architectes et habitants du quartier, travailler sur la question de l’ouverture et de l’intégration de l’école sur la ville ?

Dans le livre de l’ENSAL, les plans sont à l’envers (l’administration est censée être au Sud, sachant que l’ « amphi d’herbe », de forme semi-circulaire, est censée être à l’Est) : on peut penser que cette erreur est à l’image des efforts qui ont été fait quand à l’intégration de l’école dans le campus et dans la ville. Il en est de même pour le croquis présenté en page de garde.

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Bibliographie

Livres : Hubert Tonka / 1988 / Ecole d’Architecture de Lyon / Seyssel / Champ Vallon / 69 pages. Louis Kahn / 1996 / Silence et lumière / Editions du Linteau / 304 pages. Patrick Bouchain / 2006 / Construire autrement / Arles / Actes sud / Série l’impensé / 190 pages. Roland Castro / 2007 / Faut-il passer la banlieue au kärcher ? / Paris / L’Archipel / « Contre-courants » / 139 pages. Patrick Bouchain / 2010 / Construire ensemble les grands ensembles / Arles / Actes Sud / 72 pages. Gilles Perraudin / 2012 / Monographie / Dijon / Les presses du réel / 128 pages. Revues : 1982 / Ecole d’Architecture de Lyon / L’Architecture d’Aujourdh’ui / n°223 / p.61-64. 1985 / Ecole d’Architecture, Lyon / L’Architecture d’Aujourdh’ui / n°241 / p.3-25. Christophe Bayle / 1985 / Banlieues 89 / Techniques et architecture / n°359 / p.114-129. Jean-Claude Vigato / 1987 / Un édifice pédagogique / AMC / n°19 / p.39. J.L. / 1987 / La nouvelle école d’architecture de Lyon / AMC / n°18 / p.3138. 1988 / Physique et métaphysique / Techniques et architecture / n°376 / p.66-85. 1988 / L’Ecole d’Architecture de Lyon / Construction moderne / n°54 / p.12-23. Norman Foster / 1988 / A propos de l’Ecole d’architecture de Lyon de Jourda et Perraudin / AMC / n°19 / p.64. Gabriel Ehret / 2007 / Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon / L’Architecture d’Aujourdh’ui / n°370 / p.94-99. Frédéric Taddet / 2013 / J-L Mélenchon : « Je suis un poète et un philosophe » / GQ / #60 / page 90.

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Bibliographie

Articles : 1982 / Une école pour les architectes / Le Progrès. Jean-Louis Remilleux / 1982 / L’école d’architecture déménage sous les protestations / JRA. Agnès Guenard / 1987 / Archi à Vaulx-en-Velin / Le Progrès. 1988 / La nouvelle école de Vaulx-en-Velin / COURLY Info. Sylvaine Charpiot / 1988 / Une cathédrale de béton / Le Progrès. Nicolas Romanie / 1991 / Les étudiants et la ville / Le Progrès. A.M. / 1991 / Où sont passés les étudiants / Le Progrès. J.D. / 1997 / Quatre classes de King en visite à l’école d’archi / Journal Dimanche. Aline Duret / 1997 / Des ateliers sur l’espace, pour les petits / Le Progrès. Gilles Perraudin / 2001 / Matière d’architecture : conférence donnée à Toulouse le 23 mai 2000 / Poésïs. Films : Olivier Bertrand / Vaulx-en-Velin, la cité retrouvée / Cocottesminute productions / 52’. Sites internet : http://www.lyon.archi.fr/ http://www.perraudinarchitectes.com/ http://www.jourda-architectes.com/ http://www.gpvvaulxenvelin.org/ http://www.archives-lyon.fr/archives/ Documentations : Les archives de Vaulx-en-Velin. Les bureaux et les prospectus des Grands Projets de Ville. Les PFE fait en 2009, consultables à la bibliothèque de l’ENSAL.

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Table des figures

Page 8 : Photo de Vaulx-en-Velin. Archives de Vaulx-en-Velin.

Page de couverture: Plan masse de l’ENSAL, Kwami Tendar.

Page 9 : Plan de paris. http://www.nogovoyages.com/ images/other_travellers/lieux_ magiques_castro.jpg

Page 1 : Croquis de l’ENSAL, Gilles Perraudin,1988 / Physique et métaphysique / Techniques et architecture / n°376.

Page 3 : Les manifestations de mai 68. http://www.lcr-lagauche.be/ cm/images/mai68%20etudiants%20ouvriers.jpg.

Page 5 : Le SGAP de marseille de Rudy Ricciotti. http://europaconcorsi. com/projects/16742-StandDe-Tir-Sgap-De-Marseille/ images/505577.

Page 9 : Plan masse du projet de Banlieues 89 de Jourda et Perraudin. Structure abri de la station de métro “Parilly” (Lyon, France) Christophe Bayle / 1985 / Banlieues 89 / Techniques et architecture / n°359.

© JOURDA Architectes

Pages 7,8 : Photos de Vaulx-en-Velin, des années 60 aux années 2000. Olivier Bertrand / Vaulx-en-Velin, la cité retrouvée / Cocottesminute productions / 52’.

Page 9 : Photo du projet de Banlieues 89 de Jourda et Perraudin. http://www.jourda-architectes. com/ImagesProjets/parilly/projet.pdf

Mixité sociale ou ségrégation spatiale : Le cas de l’école d’architecture de Lyon

Programme: station de métro LigneD Coût de construction: 5 336 000 € (valeur 1985) Calendrier: etudes: 1982-1983 chantier: 1985-1992 Maître d’Ouvrage: SYTRAL Avec: Gilles Perraudin.

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Table des figures

Page 10 : Jourda et Perraudin. 1988 / Physique et métaphysique / Techniques et architecture / n°376. Page 15 : Dédale et Icare, Patrice Giorda. Hubert Tonka / 1988 / Ecole d’Architecture de Lyon / Seyssel / Champ Vallon / 69 pages. Page 14 : Croquis de l’ENSAL, Gilles Perraudin,1988 / Physique et métaphysique / Techniques et architecture / n°376.

Page 10 : Patrick Bouchain / 2006 / Construire autrement / Arles / Actes sud / Série l’impensé / 190 pages.

Page 14 : Plan masse du premier projet. 1982 / Ecole d’Architecture de Lyon / L’Architecture d’Aujourdh’ui / n°223 / p.61-64.

Page 11 : Patrick Bouchain / 2010 / Construire ensemble les grands ensembles / Arles / Actes Sud / 72 pages. Page 15 : Croquis de l’ENSAL, Gilles Perraudin,1988 / Physique et métaphysique / Techniques et architecture / n°376.

Pages 15 à 17 : Photos de l’ENSAL, Georges Fessy. Hubert Tonka / 1988 / Ecole d’Architecture de Lyon / Seyssel / Champ Vallon / 69 pages.

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Table des figures

Page 22: Plan de l’ENSAL. Hubert Tonka / 1988 / Ecole d’Architecture de Lyon / Seyssel / Champ Vallon / 69 pages.

Page 18: Plan masse de l’ENSAL, Google Maps.

Page 20: Présentations des Grands Projets de Ville de Vaulx-en-Velin. http://www.gpvvaulxenvelin.org/

Page 18: Plaquette présentant l’extension de l’ENSAL, ENSAL.

Page 21: Projet d’extension réalisé par une étudiante de l’ENSAL. http://pfe.lyon.archi.fr/2009

Page 19: Projets d’extension réalisés par des étudiants de l’ENSAL. http://pfe.lyon.archi.fr/2009

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Annexes

Questions posées à Hervé Lequay, enseignant à l’ENSAL, président de la commission pédagogie et recherche, impliqué dans tous les projets d’extension de l’ENSAL depuis sa réalisation. Combien de projet d’extension il y a-t-il eu ? Hervé Lequay : Dès le départ Perraudin avait prévu des extensions au Nord (c’est pour ça que la façade Nord paraît «pas finie»). Il y a eu ensuite plusieurs versions (un bâtiment parallèle sur la rue Audin, des bâtiments énormes de chaque côté de la rotonde, une nouvelle version au Nord, etc.) avec des conséquences sur l’urbain (reconstruction d’une façade urbaine sur Audin, d’une terminaison au Nord, d’une rue entre ENSAL et ENTPE, etc.). Existe-t-il des traces consultables de ces projets (à l’école ou ailleurs) ? HL : Oui. Je peux regarder si j’ai encore la pile de 30 cm de haut de documents, puisque j’ai systématiquement participé à ces réflexions (je ne sais pas ce qui m’a pris de me faire embarquer là-dedans...). Mais je ne sais pas si j’ai tout jeté dans un accès de dépit. Je vais regarder au labo. Sinon tout ça doit traîner également dans les archives de l’école, il faudrait demander à Mme Agier et aux plus anciens administratifs. En tout cas, quelque part il y a les documents des programmistes qui ont défini les enjeux urbains de quelques phases les plus avancées, et les projets de Perraudin. Pourquoi ces projets n’ont-t-ils pas été réalisé ? HL : Une seule raison : le financement. Le Ministère a trouvé que notre bâtiment, récent et soi-disant de «haute qualité architecturale», n’avait pas besoin d’extension, et que d’autres écoles étaient prioritaires (Nantes, St-Etienne, Grenoble, etc.). Et le coût de rénovation de l’existant était déjà monstrueux... L’ancien maire de Vaulx-en-Velin, Maurice Charrier, m’a parlé d’un projet qui intégrait des équipements de l’ENSAL dans des immeubles du centre-ville de Vaulx-en-Velin… Pouvez-vous m’en dire plus sur ce projet (n’était-ce qu’une idée parmi d’autre ou a-t-on travaillé plus sérieusement sur ce projet qui a fini par tomber à l’eau) ? Pour quelle raison ce projet n’a-t-il pas été réalisé ? HL : Oui, cette dernière version profitait du Grand Projet de Ville (Schmidt directeur, je peux te passer ses coordonnées s’il est toujours en place) pour implanter des locaux annexes en rez-de-chaussée de futurs immeubles dans le prolongement de l’Hôtel de Ville (à la place de la Poste qui vient d’être démolie et qui a servi pendant 3 ans d’annexe de l’école, Mixité sociale ou ségrégation spatiale : Le cas de l’école d’architecture de Lyon

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et hébergeait des ateliers de projet). La définition du projet a été assez loin (on profitait de locaux co-financés par la mairie, donc on réduisait les coûts) avec la ville et le GPV, et puis ça a traîné, et on a changé de directeur... et de direction. Cette solution avait aussi l’avantage d’écarter Perraudin du projet, puisqu’on ne touchait plus l’école et son environnement proche... Est-ce que le grand nombre d’acteurs impliqués (le ministère de la culture qui détient le bâtiment, le ministère de l’équipement qui détient le terrain, la ville de Vaulx-en-Velin qui aimerait ouvrir l’école à la ville, l’administration de l’ENSAL,…) nuit à la réalisation d’un tel projet ? HL : Qu’il y ait des conflits d’intérêts, c’est évident. Les projets multiples, remis en cause à chaque changement de direction, discutés de pied ferme avec Perraudin qui n’est pas conciliant pour un rond, qui prétend avoir seul le droit de toucher à son «œuvre», l’ENTPE qui défendait ses terrains bec et ongles, etc. Mais si l’argent avait été là, ce serait déjà fait, avec des grincements de dents peut-être. On est passé assez près de la réalisation, et puis il y a eu la crise... On a obtenu du ministère quelques 300 à 500 k€ qui ont servi à réaliser les espaces temporaires au Nord (voir le panneau d’explication en bout de rue). Nathalie Mezureux, directrice actuelle, et Laurent Ghilini, ancien directeur maintenant DRAC de Corse, je crois, pourraient t’en parler longuement...

Une partie de la retranscription d’entretien avec Maurice Charrier, maire de Vaulx-en-Velin de 1985 à 2009, vice-président de la communauté urbaine de Lyon depuis janvier 2004. Pouvez-vous me parler de l’état de la ville de Vaulx-en-Velin lorsque vous êtes devenu maire, en 1985 ? Maurice Charrier : Il y avait un slogan qui se développait sur l’agglomération lyonnaise : on présentait Vaulx-en-Velin comme une ville qui prenait son envol. C’est vrai qu’il y avait là les effets des premières opérations de restructuration urbaine qui après ce sont appelés « Politique de la ville ». Ces actions n’étaient pas que liées à l’urbain mais aussi liées à la culture, à l’éducation, etc. A Vaulx-en-Velin, nous avons fait de la politique de la ville avant que la politique de la ville existe. Et donc ça commençait à marquer le paysage urbain, la vie sociale et culturelle…et je dois dire que ça a même commencé à nous créer des illusions. La preuve c’est ce qui s’est passé en 1990. On ne peut pas dire qu’on ne connaissait pas la réalité sociale, mais on ne s’attendait pas à l’explosion. On s’avait que la situation était dure. On sentait bien les premiers effets de la crise : le chômage, la faiblesse des pouvoirs d’achats, la difficulté des gamins, des jeunes,… Mais ce n’était que les premiers effets. Le pire, ce n’était pas les émeutes de 1990, le pire c’est l’approfondissement de la crise. L’arrivé de l’école d’architecture s’est fait un peu dans ce contexte-là. Je ne suis pas sûr que toute l’équipe de l’école d’architecture voyait d’un Mixité sociale ou ségrégation spatiale : Le cas de l’école d’architecture de Lyon

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bon œil leur atterrissage à Vaulx-en-Velin. Je crois savoir que certains professeurs ou responsables n’étaient pas convaincus et voulaient rester sur Lyon. Il y avait plusieurs terrains qui étaient prêt à accueillir l’école d’architecture, qu’est ce qui a fait que cette dernière s’installe finalement à Vaulx-en-Velin ? MC : Je pense qu’il y a eu à la fois une opportunité et une volonté politique. La volonté politique c’était de se dire que dans une ville en requalification urbaine, il y a besoin de créer des pôles d’excellence, d’autant plus qu’il y avait l’école des travaux publics depuis 1975. Personnellement cela répondait à l’une de mes préoccupations parce que j’ai beaucoup de respect pour les villes populaires et pour les habitants qui y vivent et en même temps, je suis pour que ces villes, ces quartiers et leurs habitants s’ouvrent sur l’extérieur. L’arrivé de l’école d’archi devait rentrer dans cette logique-là. Je dirais donc qu’il y avait une volonté politique qui était partagée par l’Etat et par la municipalité. En même temps, il y avait une opportunité vu qu’il y avait déjà l’école des travaux publics. Et il y avait du foncier. Je dirais donc qu’il y a eu la conjugaison de l’opportunité et de la volonté politique. L’ENTPE, qui est implantée à Vaulx-en-Velin depuis 1975, s’intégrait-elle bien à la ville à ce moment-là ? MC : C’est vrai que quand on regarde l’ENTPE, on se dit que l’implantation du campus dans la ville n’a pas été un souci majeur pour les maitres d’œuvres. La preuve c’est que le campus a été « planté » là au milieu et que ça a contribué à couper les quartiers Verchères et Vernay du centreville. L’arrivé des deux grandes écoles étaient quand même un petit peu parachutée. En ce qui concerne l’ENTPE, on a assez rapidement eu des directeurs d’école, dont Prunier par exemple, qui ont eu le souci de l’ouverture de l’école sur la ville. Une ouverture qui s’est faite à la fois par la volonté de la direction de l’école (par exemple prendre des sujets vaudais comme travaux de fin d’étude) et par la volonté des étudiants euxmême. Je me souviens que plusieurs dizaine d’étudiants de l’ENTPE ont participés à des actions éducatives dans les centres sociaux et les écoles. Puis il y a eu des partenariats entre l’école et la ville, par exemple pour l’utilisation des équipements sportifs comme la piscine. Avec l’école d’architecture, ces partenariats ont été un peu plus lents. C’est vrai que le recrutement est différent. L’ENTPE est une école nationale voir même internationale ce qui fait que les étudiants vivent sur l’agglomération, et pour beaucoup, vivent sur la commune de Vaulx-en-Velin. Et ils y vivent durablement. Leur ancrage dans la vie sociale et culturelle se trouve facilité. Pour l’ENSAL, le recrutement est différent. Il est plutôt tourné vers l’agglomération. Beaucoup de ses étudiants rentrent chez eux le soir. La difficulté, c’est aussi que Vaulx-en-Velin, qui commence à avoir un statut d’agglomération, était considérée comme « la banlieue ». Et pour l’organisation de la vie étudiante, qui n’est pas que scolaire, cela créait des problèmes, vu que les étudiants ne trouvaient pas satisfaction à leur besoin. Je pense que c’est ce qui peut expliquer un certain nombre de problèmes et de difficultés « à l’atterrissage ». Mixité sociale ou ségrégation spatiale : Le cas de l’école d’architecture de Lyon

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Je pense que les choses se sont un peu relancées aujourd’hui, à travers les travaux d’étudiants. Il y a aussi un retour des étudiants en termes de logements dans ville. Peut-être que chez nous, les prix sont moins chers qu’à Lyon. Et puis il y a une amélioration de la desserte des transports en commun. On a connu des périodes où il y avait un départ d’étudiants. Comment peut-on expliquer ce départ des étudiants ? MC : Je pense qu’après 90, il y a eu une dégradation de l’image de la ville, et donc des difficultés pour organiser la vie sociale et la vie culturelle des étudiants. Et à l’époque, il n’y avait pas autant de transport. Cela ne nous a pas aidés. Le lycée général de Vaulx-en-Velin a été ouvert en 90. Vous dites, dans le film « Vaulx-en-Velin, la cité retrouvée », que la vision du lycée créer une perspective chez les jeunes… MC : C’est vrai aussi pour le campus. Il faut créer le maximum de conditions pour que nos jeunes aient l’accès à l’enseignement secondaire et supérieur. En parlant avec vous, on a l’impression que vous êtes au courant de tous les problèmes que connait le campus. Pourquoi personne ne fait rien pour y remédier ? MC : La préoccupation principale de la mairie a longtemps été la situation dans les quartiers. Peut-être que nous avons négligé le fait que la présence du campus pouvait nous aider, bien que l’on en était convaincu. Après 90, du côté des professeurs des grandes écoles, face aux difficultés que connait la ville, beaucoup ont tendance à se protéger. Mais je pense aussi qu’il y a eu, parmi les jeunes, un recul des grands mouvements d’éducation populaire. Les prospectus parlent de rouvrir l’école à la ville. Comment compte-t-on faire ça ? MC : De mon point de vue, on avait une grande avancée au moment où l’on voulait faire l’extension dans les locaux du centre-ville. Puis il y a eu un grand recule lorsqu’on nous a dit qu’on n’avait pas l’argent pour réaliser ce projet. Je pense qu’il faut relancer ce débat. On n’a pas l’argent pour réaliser ce genre de projet maintenant, mais cela ne veut pas dire qu’il ne faut rien faire. Je pense qu’il faut concrètement ramener l’espace public jusqu’au raz de l’immeuble, par exemple, ce qui donnerait de l’ouverture à l’école, de l’espace… Mais il y a des choses qui ont été faite en 25 ans : par exemple l’ouverture de la rue Maurice Audin au travers du centre-ville. Cela à raccrocher le campus à la ville. Une dernière question : votre avis sur le bâtiment de l’ENSAL ? MC : Il est froid. Froid et bruyant. Mais il est beau. L’idée de la rue intérieure est une bonne idée, cela créé de la vie à l’intérieur, un espace partagé par les étudiants et les enseignants.

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Remerciements : Maurice Charrier, Serge Monnot, Hervé Lequay, Corine Vedrine. Les étudiants de l’ENSAL et les jeunes du quartier Vernay-Verchères.

Kwami Tendar / Licence 3 Enseignant encadrant : Corine Vedrine

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon / 2012-2013

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Résumé Summary Architecture et politique sont liées en France depuis la création de la Politique de la ville ou de projets comme ceux de « Banlieues 89 ». Malgré l’acharnement des élus et des architectes, certains problèmes relatifs aux grands ensembles ont du mal à être réglé. On cherche à créer de la mixité dans les quartiers difficiles, voir même de l’imposer. Mais contrairement aux vanteries des prospectus de promoteurs, cette mixité n’arrive pas toujours à s’installer, et des fois, on en arrive même à observer l’effet inverse : la ségrégation spatiale. Ce rapport propose d’analyser un cas précis réunissant les sujets évoqués précédemment. L’intégration de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon dans la ville de Vaulx-en-Velin nous concerne tous, qu’on soit étudiant en architecture, architecte, urbaniste, sociologue, enseignant, politicien ou simple habitant du quartier. Il est donc intéressant de chercher à savoir ce qui a été fait, du côté des politiciens comme du côté des architectes, pour « ouvrir l’école sur la ville », comme le prône les affiches des Grands Projets de Ville de Vaulx-en-Velin. Pour pouvoir porter un regard critique, commencer à appréhender les limites de notre métier et surtout, pour essayer de ne pas reproduire les erreurs du passé. In France, architecture and politics were first brought together by the «Politique de la ville», or projects like «Banlieue 89». Despite the amount of efforts put by politicians and architects, some issues related to difficult neighborhoods are not easily resolved. Creating, or sometimes even imposing, cultural and social diversity in poor neighborhoods is one of the main problem addressed, but too often, diversity is more of a constructor’s advertisement than a reality. Worse case scenario, the exact opposite is happening: spacial segregation. This report will be analyzing a case study involving these issues. The integration of the «Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon» in the city of Vaux-en-Velin is a concern to all of us: architect students, architects, city-planners, sociologist, professor, politician or inhabitants. Thus, it is interesting to look at what has been done, both on the architect and politics dimension, in order «to open the school to the city», like advertisements claim. This analysis should allow us to have a critical approach, to learn about the limits of our expertise as architects and most and for all allow us to avoid past mistakes.

Mots clés Keywords Architecture / Politique / Mixité sociale / Ségrégation Spatiale / Campus / Vaulx-en-Velin Architecture / Politics / Social diversity / Spatial segregation / Campus / Vaulx-en-Velin

Kwami Tendar / Licence 3 Enseignant encadrant : Corine Vedrine Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon / 2012-2013


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